La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2018 | CANADA | N°2018CSC37

Canada | Canada, Cour suprême, 20 juillet 2018, 2018CSC37


No du greffe : 37476.

2018 : 14 mars; 2018 : 20 juillet.

Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

Procureure générale de l’Ontario, Criminal Lawyers’ Association, Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et Independent Criminal Defence Advocacy Society, Intervenantes

Arrêt : Les pourvois sont accueillis. L’ordonnance déclaratoire est annulée. Il y a lieu d’accorder une ordonnance conforméme

nt au par. 37(6) de la Loi sur la preuve au Canada interdisant aux policiers de divulguer à leurs ...

No du greffe : 37476.

2018 : 14 mars; 2018 : 20 juillet.

Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

Procureure générale de l’Ontario, Criminal Lawyers’ Association, Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et Independent Criminal Defence Advocacy Society, Intervenantes

Arrêt : Les pourvois sont accueillis. L’ordonnance déclaratoire est annulée. Il y a lieu d’accorder une ordonnance conformément au par. 37(6) de la Loi sur la preuve au Canada interdisant aux policiers de divulguer à leurs avocats des renseignements protégés par le privilège de l’indicateur, à moins qu’ils ne présentent avec succès une demande fondée sur l’exception relative à l’innocence en jeu.

La juge chargée de la gestion de l’instance avait compétence pour se prononcer sur l’opposition de la Couronne à l’ordonnance déclaratoire fondée sur l’art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada et un appel devant la Cour d’appel en vertu de l’art. 37.1 était donc une procédure appropriée. L’ordonnance déclaratoire était de nature criminelle et relève donc de la compétence du législateur fédéral aux termes de la Constitution. Pour établir si une ordonnance est de nature civile ou criminelle, ce n’est pas son titre officiel ni sa formulation qui importe, mais son contenu et son objet. En l’espèce, l’ordonnance sollicitée se rapportait à l’argument des accusés selon lequel un jugement déclaratoire était nécessaire pour les aider à présenter une défense pleine et entière dans des instances criminelles en cours, et elle a été prononcée par une juge chargée de la gestion d’une instance criminelle, en rapport avec les droits des parties à une instance criminelle en cours, et relativement à des actes que peuvent poser les accusés dans le cadre de leur défense. Le fait que l’ordonnance était déclaratoire ne change rien à son caractère essentiel.

De plus, l’art. 37 constituait le moyen approprié pour contester l’ordonnance, puisqu’elle autorisait une forme de divulgation à laquelle la Couronne avait le droit de s’opposer pour des raisons d’intérêt public. Les objets interreliés des art. 37 et 37.1 visent à conférer à la Couronne la capacité de s’opposer pour des raisons d’intérêt public à la divulgation de renseignements, ainsi qu’un droit d’appel interlocutoire en cas d’opposition infructueuse. Ces dispositions constituent un outil fort utile à la Couronne pour protéger des renseignements confidentiels et privilégiés contre la communication, et témoignent du fait que la capacité de la Couronne de s’opposer à la divulgation de renseignements pour des raisons d’intérêt public n’est pas censée se limiter aux situations où la divulgation est obligatoire et se déroulera en salle d’audience. Qu’elle ait lieu devant le tribunal ou à l’extérieur de celui‑ci, et qu’elle soit faite sous contrainte ou volontairement, la divulgation de renseignements peut être tout aussi préjudiciable à l’intérêt public dans un cas comme dans l’autre.

Les policiers n’ont pas le droit de divulguer à leurs avocats des renseignements protégés par le privilège de l’indicateur. La jurisprudence ne permet pas de lever le privilège relatif aux indicateurs de police, sauf si l’accusé est en mesure de démontrer que son innocence est en jeu. Rien ne justifie de déroger à cette règle dans les cas où l’accusé est un policier. Le privilège de l’indicateur s’applique dans les cas où les policiers obtiennent des renseignements en échange d’une promesse de confidentialité. Les indicateurs sont en droit de se fier à de telles promesses. Le privilège relatif aux indicateurs de police est un principe de common law qui existe depuis longtemps et qui revêt une importance capitale dans notre système de justice pénale. Sous réserve de l’exception relative à l’innocence en jeu, le privilège crée une interdiction absolue de révéler l’identité de l’indicateur, et tant la police que la Couronne et les tribunaux sont tenus de le respecter. Le critère permettant de lever le privilège de l’indicateur — soit celui de l’innocence en jeu — est en conséquence exigeant. Le privilège devrait être levé seulement si des questions fondamentales touchant la culpabilité ou l’innocence de l’accusé sont en cause ou s’il y a un risque véritable qu’une déclaration de culpabilité injustifiée soit prononcée. Les policiers dans la présente affaire n’ont pas fait valoir que des renseignements confidentiels en leur possession satisfaisaient au critère de l’innocence en jeu. Ils n’ont pas non plus soutenu que des renseignements concernant les indicateurs anonymes étaient véritablement pertinents pour les besoins de leur défense.

En outre, comme l’a déjà confirmé la Cour, les avocats de la défense ne font pas partie du cercle du privilège relatif aux indicateurs de police, c’est‑à‑dire le groupe de personnes ayant le droit d’avoir accès aux renseignements visés par le privilège de l’indicateur. Dans tous les cas où le privilège relatif aux indicateurs de police s’applique, la divulgation des renseignements en dehors du cercle requiert la démonstration par l’accusé que son innocence est en jeu. Les restrictions imposées à l’égard de ce que les policiers peuvent dire à leurs avocats ne créent pas d’obligations légales et professionnelles contradictoires; elles sont plutôt en adéquation avec les obligations professionnelles des policiers et elles permettent aux avocats de ces derniers d’assurer leur défense sans crainte de révéler par inadvertance des renseignements protégés que possèdent leurs clients. Il est possible que les restrictions obligent les policiers à faire preuve d’une certaine prudence quant à ce qu’ils révèlent, mais cette attente n’entrave pas de façon appréciable la relation avec leurs avocats. L’objet premier du droit des avocats et de leurs clients de communiquer librement dans le cadre d’une instance criminelle est de permettre à l’accusé et à l’avocat de discuter des aspects qui se rapportent à une défense pleine et entière; les « communications avocat‑client » n’ont pas de valeur intrinsèque indépendante au‑delà de leur rapport avec une défense pleine et entière. Comme c’est le cas pour toute autre personne qui se défend contre des accusations criminelles, s’il devient clair que les policiers risquent véritablement d’être reconnus coupables, et qu’il est nécessaire que les renseignements en question soient divulgués, les policiers peuvent présenter une demande de type McClure.

Lorsque des policiers sont accusés de crimes, ils sont en droit de s’attendre à être traités non moins équitablement que les autres accusés et à bénéficier de l’entière protection de la loi. Ce à quoi ils ne peuvent s’attendre, toutefois, c’est à être traités plus favorablement que les autres accusés. Aucune raison ne justifie d’avantager des policiers qui, du fait de leur position de confiance, disposent de renseignements qui leur ont été confiés à titre confidentiel. Ce ne sont pas des renseignements qu’ils peuvent exploiter pour obtenir un avantage personnel sur le plan juridique.

Jurisprudence

Arrêts examinés : Dagenais c. Société Radio‑Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; Canadian Broadcasting Corp. c. Ontario, 2011 ONCA 624, 107 O.R. (3d) 161; R. c. Basi, 2009 CSC 52, [2009] 3 R.C.S. 389; arrêts mentionnés : R. c. Cheung, 2000 ABQB 905, 150 C.C.C. (3d) 192; R. c. Trang, 2001 ABQB 437, 201 D.L.R. (4th) 160; R. c. Sandham (2008), 248 C.C.C. (3d) 543; R. c. Stobbe, 2011 MBQB 293, 284 C.C.C. (3d) 123; Canadian Broadcasting Corp. c. Millard, 2015 ONSC 6583, 338 C.C.C. (3d) 227; R. c. Stanley, 2018 SKQB 27; R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326; R. c. McClure, 2001 CSC 14, [2001] 1 R.C.S. 445; R. c. Personne désignée B, 2013 CSC 9, [2013] 1 R.C.S. 405; Personne désignée c. Vancouver Sun, 2007 CSC 43, [2007] 3 R.C.S. 253; R. c. Durham Regional Crime Stoppers Inc., 2017 CSC 45, [2017] 2 R.C.S. 157; R. c. Brown, 2002 CSC 32, [2002] 2 R.C.S. 185; R. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281; R. c. Barros, 2011 CSC 51, [2011] 3 R.C.S. 368; Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, 2015 CSC 7, [2015] 1 R.C.S. 401; Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 61, [2002] 3 R.C.S. 209; Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455; Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), 2006 CSC 31, [2006] 2 R.C.S. 32.

Lois et règlements cités

Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, art. 648(1) .

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, c. C‑5, art. 2 , 37 , 37.1 .

Doctrine et autres documents cités

Hubbard, Robert W., Peter M. Brauti and Scott K. Fenton. Wiretapping and Other Electronic Surveillance : Law and Procedure, Aurora (Ont.), Canada Law Book, 2000 (loose‑leaf updated March 2018, release 56).

Hubbard, Robert W., Susan Magotiaux and Suzanne M. Duncan. The Law of Privilege in Canada, Aurora (Ont.), Canada Law Book, 2006 (loose‑leaf updated March 2018, release 44).

POURVOIS contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Newbury, Frankel et Savage), 2017 BCCA 84, qui a modifié une ordonnance de la juge Wedge, 2016 BCSC 163. Pourvois accueillis.

POURVOIS contre une décision de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique (la juge Wedge), 2015 BCSC 2001, qui avait accordé une ordonnance déclaratoire portant que les intimés avaient le droit de révéler à leurs avocats des renseignements sur les indicateurs anonymes. Pourvois accueillis.

Christopher M. Considine, c.r., et Christopher A. Massey, pour l’appelante Sa Majesté la Reine.

Patrick McGowan, pour l’appelante Personne A.

François Lacasse et Ginette Gobeil, pour les appelants Surintendant Gary Shinkaruk et le procureur général du Canada.

Ian Donaldson, c.r., Michael Sobkin et Miriam Isman, pour l’intimé Derek Brassington.

Michael Klein, c.r., pour l’intimé David Attew.

Michael Bolton, c.r., pour l’intimé Paul Johnston.

Greg DelBigio, c.r., et Alison Latimer, pour l’intimé Danny Michaud.

Robert W. Hubbard et Rebecca Schwartz, pour l’intervenante la procureure générale de l’Ontario.

Scott Hutchison et Lisa Jørgensen, pour l’intervenante Criminal Lawyers’ Association.

Breese Davies et Owen Goddard, pour l’intervenante la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada.

Argumentation écrite seulement par Brock Martland, pour l’intervenante Independent Criminal Defence Advocacy Society.

Version française du jugement de la Cour rendu par

La juge Abella —

[1] Les présents pourvois portent principalement sur une question de fond : Lorsque des policiers sont accusés de crimes liés à leur conduite au cours d’une enquête, ceux-ci peuvent‑ils, à leur gré, divulguer à leurs avocats des renseignements dont ils ont pris connaissance pendant cette enquête et qui sont susceptibles de révéler l’identité d’un indicateur anonyme?

[2] La jurisprudence de notre Cour ne permet pas de lever le privilège relatif aux indicateurs de police, sauf si l’accusé est en mesure de démontrer que son innocence est en jeu. Je ne vois aucune raison de déroger à cette règle dans les cas où l’accusé est un policier. Aucune preuve d’« innocence en jeu » n’a été présentée en l’espèce. Les policiers n’ont en conséquence pas le droit de divulguer les renseignements en question à leurs avocats.

Contexte

[3] La présente instance découle de l’affaire des « Surrey Six », une enquête complexe menée par la GRC sur des homicides liés à des gangs. Selon la Couronne, environ 80 indicateurs anonymes ont été mêlés à cette enquête.

[4] Les quatre accusés — Derek Brassington, David Attew, Paul Johnston et Danny Michaud — sont d’anciens policiers qui ont participé à l’enquête. Ils ont été accusés d’abus de confiance, de fraude et d’entrave à la justice en lien avec leur conduite relative à un témoin qui, même s’il n’était pas un indicateur anonyme, avait été placé sous leur protection dans le cadre de l’enquête. Les allégations — dont les détails ne sont pas pertinents pour trancher les présents pourvois — n’ont pas encore été prouvées[1].

[5] Lorsque les accusations ont été portées, la GRC et la Couronne ont indiqué aux policiers qu’il leur était interdit de parler des [traduction] « circonstances des enquêtes d’une manière susceptible de révéler l’identité des indicateurs anonymes à quiconque, y compris à leurs avocats ».

[6] Préalablement au procès, les policiers ont présenté à la juge chargée de la gestion de l’instance, la juge Wedge, une demande en vue d’obtenir une ordonnance déclaratoire portant qu’ils pouvaient discuter avec leurs avocats de renseignements susceptibles de révéler l’identité d’indicateurs anonymes. La Couronne s’est opposée à cette requête, plaidant que de telles discussions porteraient atteinte au privilège de l’indicateur et ne pourraient être autorisées que si les policiers satisfaisaient au critère de « l’innocence en jeu », aussi appelé critère relatif à la « démonstration de l’innocence de l’accusé ». Bien que les policiers ne soient pas allés jusqu’à affirmer qu’ils pouvaient, à ce stade, satisfaire au critère de « l’innocence en jeu », ils ont déposé qu’ils souhaitaient discuter des renseignements en leur possession parce qu’ils estimaient que ceux‑ci [traduction] « pourraient être pertinents pour les besoins de leur défense » et parce qu’ils voulaient déterminer si « les renseignements protégés avaient une valeur probante ». L’un des policiers a dit croire qu’« il ne pouvait donner à son avocat des directives complètes et appropriées [ainsi qu’obtenir les conseils de ce dernier] sans divulguer directement ou indirectement l’identité d’un ou plusieurs indicateurs anonymes ».

[7] La Couronne a souligné qu’il n’existait aucune preuve que l’un ou l’autre des indicateurs anonymes avait même participé à quelque opération faisant partie de sa théorie de la cause contre les policiers. Par conséquent, le témoignage des indicateurs n’avait aucune pertinence apparente.

[8] La « Personne A », un indicateur anonyme, s’est vu reconnaître qualité pour présenter des observations quant à la raison pour laquelle la divulgation des renseignements devrait être interdite. La Couronne fédérale et le surintendant de la GRC, Gary Shinkaruk, étaient également parties à l’instance.

[9] La juge Wedge a accueilli la demande des policiers et déclaré que ceux‑ci pouvaient discuter des renseignements en leur possession avec leurs avocats. Elle a reconnu la nature [traduction] « quasi absolue » du privilège de l’indicateur, mais elle a également tenu compte de l’importance des « communications illimitées » entre l’accusé et son avocat dans le cadre de la relation avocat‑client. La juge a estimé que l’obligation exigeant que l’accusé prouve que son « innocence est en jeu » ne s’appliquait pas, parce que, selon elle, cette étroite exception se justifie difficilement dans les cas où l’accusé connaît déjà les renseignements protégés et demande simplement à en discuter avec son avocat. La juge a conclu que le privilège de l’indicateur et les communications entre l’avocat et son client peuvent coexister harmonieusement :

[traduction] Tout ce que dit le client à son avocat est protégé par le secret professionnel. Si le client communique à son avocat des renseignements susceptibles de révéler l’identité d’un indicateur, ces renseignements sont protégés [. . .] [L]’avocat se trouve alors dans la même situation que son client. Il est ainsi tenu de respecter la confidentialité des renseignements, à la fois par le secret professionnel de l’avocat et par le privilège de l’indicateur [. . .] [Les renseignements] demeureront sous la protection de ce privilège tant que [les policiers] n’auront pas été avisés par leurs avocats que la communication des renseignements au sujet des indicateurs est nécessaire pour soulever un doute raisonnable quant à leur culpabilité et qu’une demande de type McClure n’aura pas été présentée au procès.

(2015 BCSC 2001, reproduit dans le d.a., vol. I, p. 16‑55, par. 134.)

[10] La Couronne et la GRC ont ensuite demandé à la juge Wedge, en vertu de l’art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, c. C‑5 , de décider si les divulgations autorisées aux termes de l’ordonnance déclaratoire initiale constituaient des « divulgations » visées par l’art. 37 , de telle sorte que la Couronne pouvait s’y opposer sur le fondement de cette même disposition. Dans l’affirmative, la Couronne disposait du droit d’interjeter appel immédiatement devant la Cour d’appel du rejet par la juge Wedge de son opposition, conformément à l’art. 37.1 de la Loi sur la preuve au Canada [2].

[11] Le paragraphe 37(1) prévoit notamment ce qui suit :

[T]out ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s’opposer à la divulgation de renseignements auprès d’un tribunal, d’un organisme ou d’une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d’intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués.

[12] La juge Wedge a conclu qu’elle avait compétence pour se prononcer sur l’opposition présentée en application de l’art. 37 , parce que son ordonnance déclaratoire autorisait une forme de « divulgation » à laquelle la Couronne s’est opposée pour des raisons d’intérêt public, entraînant ainsi l’application de l’art. 37 . Toutefois, la juge a rejeté l’opposition sur la base du raisonnement qu’elle avait exposé dans sa décision initiale sur la demande des policiers.

[13] La Couronne, la GRC et la Personne A ont ensuite fait appel du rejet de l’opposition présentée en vertu de l’art. 37 , et les policiers ont sollicité l’annulation de la conclusion de la juge Wedge selon laquelle elle avait compétence pour se prononcer sur l’opposition. En Cour d’appel, le juge Frankel a qualifié de « civile » plutôt que « criminelle » l’ordonnance visée par l’appel, pour le motif qu’un jugement déclaratoire est une réparation civile. Par conséquent, il a conclu que la Couronne ne pouvait interjeter appel devant la Cour d’appel en vertu de l’art. 37.1 , et que les règles d’appel provinciales en matière civile s’appliquaient. Le juge Frankel a également conclu que la Couronne ne pouvait pas contester l’ordonnance déclaratoire sur le fondement de l’art. 37 , étant donné qu’elle ne constituait pas une « divulgation » visée par cette disposition, puisqu’elle n’« obligeait » personne à divulguer quoi que ce soit.

[14] La Couronne, la GRC et la Personne A ont obtenu l’autorisation d’interjeter appel de l’ordonnance déclaratoire initiale ainsi que de la décision de la Cour d’appel.

Analyse

[15] Il pourrait être utile, en commençant, de souligner que notre Cour est saisie de la présente affaire par suite d’un cheminement procédural inhabituel. Généralement, les litiges relatifs au privilège de l’indicateur portent sur l’un ou l’autre des aspects suivants — la portée du privilège et la levée de celui-ci — ou les deux. Les différends concernant la portée du privilège sont relativement fréquents. Ils surviennent, par exemple, lorsque la Couronne veut caviarder certaines parties de documents qui peuvent par ailleurs être produits suivant l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, mais qui renferment des renseignements protégés par le privilège de l’indicateur, par exemple une dénonciation visant l’obtention d’un mandat de perquisition. Lors de mesures préparatoires au procès, le juge peut examiner les renseignements caviardés pour établir s’ils sont effectivement assujettis au privilège de l’indicateur. À ce stade, si les renseignements sont protégés par le privilège, l’accusé ne peut y avoir accès. Par contre, lorsque l’accusé cherche à obtenir la levée du privilège qui s’applique aux renseignements confidentiels, il présente une demande à cet égard, habituellement après que la Couronne a présenté sa preuve au procès, conformément à l’arrêt de notre Cour R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445. L’accusé ne se verra accorder l’accès aux renseignements que s’il démontre que son « innocence est en jeu », comme il sera expliqué plus loin dans les présents motifs.

[16] En l’espèce, la demande n’a pas été présentée dans le cadre du processus ordinaire établi dans l’arrêt McClure, ni tranchée selon les principes énoncés dans cet arrêt. Les accusés ont plutôt cherché à obtenir, avant le procès, une réparation sous forme de jugement déclaratoire concernant non pas la portée du privilège, mais plutôt l’identité des personnes qui ont le droit d’avoir accès à des renseignements qui, tous s’accordent pour le dire, sont visés par le privilège. Ces anomalies ont quant à elles amené la Couronne à s’opposer, en vertu de l’art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada , à l’ordonnance déclaratoire après son prononcé, ce qui a donné lieu au litige en matière de compétence qui a été débattu jusqu’en Cour d’appel.

[17] Bien que je ne constate aucun vice de procédure ou de compétence déterminant dans la façon dont la Couronne a plaidé la présente affaire, et bien que je reconnaisse le caractère inédit des faits de l’espèce, je ne saurais qualifier l’historique de l’instance de modèle procédural applicable aux litiges concernant le privilège de l’indicateur.

[18] À l’origine du litige en matière de compétence dont nous sommes saisis se trouve la question de savoir si l’ordonnance prononcée par la juge Wedge était de nature « civile » ou « criminelle ». La Loi sur la preuve au Canada est une loi fédérale et la partie I de cette loi s’applique seulement aux procédures pénales ou aux autres matières de compétence fédérale (art. 2 ). Par conséquent, la qualification de l’ordonnance déclaratoire prononcée par la juge Wedge détermine si l’art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada s’applique eu égard aux circonstances de l’espèce.

[19] Dans l’arrêt Dagenais c. Société Radio‑Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, à la p. 879, le juge en chef Lamer a conclu que, pour établir si une ordonnance est de nature civile ou criminelle, ce n’est pas son titre officiel ni sa formulation qui importe, mais son contenu et son objet. Dans cette affaire, les accusés ont sollicité une « injonction » interdisant la diffusion d’une émission de télévision qui, selon eux, était susceptible de porter atteinte à leur droit à un procès équitable. De l’avis du juge en chef Lamer, même si l’injonction est habituellement une réparation civile, l’ordonnance sollicitée portait sur le droit des accusés à un procès équitable dans le cadre d’une instance criminelle en cours. L’ordonnance ne pouvait donc être qualifiée de « civile ».

[20] Dans Canadian Broadcasting Corp. c. Ontario, 2011 ONCA 624, 107 O.R. (3d) 161, le juge Doherty s’est fondé sur le raisonnement formulé dans l’arrêt Dagenais pour expliquer comment faire la distinction entre les ordonnances de nature « civile » et celles de nature « criminelle » :

[traduction] En règle générale, il ne sera pas difficile de faire la distinction entre une instance criminelle et une instance civile. Une demande d’ordonnance présentée dans le cadre d’une instance criminelle, une demande d’ordonnance ayant une incidence directe sur une instance criminelle en cours ou encore une demande d’ordonnance annulant ou modifiant une ordonnance rendue dans le cadre d’une instance criminelle sont toutes des procédures de nature criminelle. . . [par. 17]

[21] Dans cette affaire, la Société Radio-Canada sollicitait l’accès à un enregistrement vidéo qui se trouvait sous la garde de la Cour de justice de l’Ontario et qui avait constitué une pièce déposée à l’occasion d’une enquête sur remise en liberté provisoire, enquête qui était terminée au moment de la demande. Le juge Doherty a conclu que l’ordonnance n’était pas de nature criminelle, car contrairement à l’interdiction de publication ou l’injonction en cause dans l’arrêt Dagenais, la demande :

[traduction] [. . .] n’a pas été présentée dans le cadre d’une procédure criminelle et n’a aucune incidence sur une instance criminelle en cours. D’ailleurs, il n’y a aucune instance criminelle en cours et l’ordonnance obtenue par la SRC n’a pas non plus pour effet d’annuler ou de modifier une ordonnance rendue dans le cadre d’une instance criminelle. [par. 18]

[22] Dans l’affaire qui nous occupe, l’ordonnance sollicitée se rapportait à l’argument des accusés selon lequel un jugement déclaratoire était nécessaire pour les aider à présenter une défense pleine et entière dans des instances criminelles en cours. L’ordonnance a été prononcée par une juge chargée de la gestion d’une instance criminelle, en rapport avec les droits des parties à une instance criminelle en cours, et relativement à des actes que peuvent poser les accusés dans le cadre de leur défense. Le fait que l’ordonnance était déclaratoire ne change rien à son caractère essentiellement « criminel » plutôt que « civil ».

[23] Ayant conclu que nous sommes en présence d’une ordonnance de nature « criminelle », qui relève donc de la compétence du législateur fédéral aux termes de la Constitution, la question qui se pose ensuite est celle de savoir si la présentation d’une demande fondée sur l’art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada constituait le moyen approprié pour contester l’ordonnance.

[24] Le paragraphe 37(1) confère à la Couronne le droit de s’opposer, dans certains cas, à la divulgation de renseignements pour des raisons d’intérêt public. Comme il a déjà été mentionné, cette disposition prévoit notamment ce qui suit :

37 (1) [T]out ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s’opposer à la divulgation de renseignements auprès d’un tribunal, d’un organisme ou d’une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d’intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués (italiques ajoutés).

[25] Le tribunal qui est saisi d’une telle opposition évalue les raisons d’intérêt public invoquées et, à la lumière de cette évaluation, il peut soit ordonner la divulgation des renseignements (par. 37(4.1)), soit en ordonner la divulgation moyennant certaines conditions et révisions (par. 37(5)), soit en interdire la divulgation (par. 37(6) ).

[26] L’article 37.1 établit un droit d’appel interlocutoire spécial devant la Cour d’appel fédérale ou les cours d’appel provinciales, selon le cas, à l’égard des décisions rendues en vertu de l’art. 37 .

[27] La juge Wedge a conclu que l’art. 37 avait été invoqué à bon droit pour contester son ordonnance déclaratoire, mais elle a rejeté l’opposition au motif que cette ordonnance ne portait pas atteinte au privilège de l’indicateur et, par conséquent, à l’intérêt public. Pour sa part, la Cour d’appel a jugé que l’art. 37 ne s’appliquait pas du tout.

[28] Dans R. c. Basi, [2009] 3 R.C.S. 389, notre Cour a confirmé que la Couronne a le droit d’introduire une instance « incidente » en vertu de l’art. 37 , parce que le maintien du privilège de l’indicateur constitue le type de « raisons d’intérêt public déterminées » visées à l’art. 37 qui représente un fondement valable lui permettant de s’opposer à la divulgation de renseignements. Dans Basi, les accusés ont demandé la communication de documents à l’égard desquels le privilège de l’indicateur avait été revendiqué par la Couronne. Cette dernière a sollicité la tenue d’une audience ex parte en vue d’établir sa revendication du privilège de l’indicateur. Les avocats des accusés ont demandé la permission d’assister à l’audience, moyennant un engagement de leur part de ne divulguer aucun renseignement protégé à leurs clients. La juge du procès a autorisé les avocats à assister à l’audience conformément à ces conditions, et la Couronne a ensuite intenté la procédure prévue à l’art. 37 pour s’opposer à cette décision. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Fish a conclu que la Couronne avait à bon droit invoqué l’art. 37 dans les circonstances, puisque la décision constituait une forme de divulgation.

[29] Cependant, la Cour d’appel a voulu établir une distinction entre la présente espèce et l’affaire Basi, pour le motif que cette dernière concernait une ordonnance de divulgation obligatoire. La Cour d’appel a expliqué que dans les cas où, comme dans le présent pourvoi, l’ordonnance déclare simplement qu’une partie est autorisée à communiquer des renseignements plutôt qu’obligée de le faire, il n’y a pas d’ordonnance de « divulgation » susceptible de faire l’objet d’une opposition et l’art. 37 ne peut donc être invoqué. La Cour d’appel a en outre cherché à distinguer l’affaire qui nous occupe de l’affaire Basi, en ce que cette dernière portait sur une divulgation qui devait se dérouler devant le tribunal. L’article 37 , a conclu le juge Frankel, [traduction] « ne vise pas à empêcher les personnes qui disposent de renseignements de les communiquer volontairement en dehors d’une instance [judiciaire] ».

[30] Dans leurs affidavits, les policiers ont déclaré qu’ils sollicitaient l’ordonnance déclaratoire parce qu’ils voulaient divulguer à leurs avocats des renseignements protégés par le privilège de l’indicateur. Si l’ordonnance déclaratoire avait été maintenue, elle aurait inexorablement entraîné la divulgation des renseignements. Alors, le fait de prétendre qu’il n’y avait pas d’ordonnance de « divulgation » parce que l’ordonnance n’obligeait pas de façon stricte les policiers à faire ce qu’ils avaient dit avoir l’intention de faire, ou parce que la divulgation des renseignements aurait lieu ailleurs qu’au tribunal, a pour effet de remplacer une interprétation basée sur le sens ordinaire des mots par une interprétation purement technique, qui laisserait une victime dans son sillage : l’objet de la disposition.

[31] Les objets qui animent les art. 37 et 37.1 appuient pleinement l’applicabilité de ces dispositions dans les circonstances de l’espèce. Les objets interreliés des art. 37 et 37.1 visent à conférer à la Couronne la capacité de s’opposer pour des raisons d’intérêt public à la divulgation de renseignements, ainsi qu’un droit d’appel interlocutoire en cas d’opposition infructueuse. Ces dispositions constituent [traduction] « un outil fort utile parmi la panoplie des mesures dont dispose la Couronne pour protéger des renseignements confidentiels et privilégiés contre la communication » (Robert W. Hubbard, Peter M. Brauti et Scott K. Fenton, Wiretapping and Other Electronic Surveillance : Law and Procedure (feuilles mobiles) (Aurora, Ont. : Canada Law Book, 2000), p. 9-27). Les objets visés par ces dispositions témoignent du fait que la capacité de la Couronne de s’opposer à la divulgation de renseignements pour des raisons d’intérêt public n’est pas censée se limiter aux situations où la divulgation est obligatoire et se déroulera en salle d’audience. Qu’elle ait lieu devant le tribunal ou à l’extérieur de celui-ci, et qu’elle soit faite sous contrainte ou volontairement, la divulgation de renseignements peut être tout aussi préjudiciable à l’intérêt public dans un cas comme dans l’autre. La divulgation de renseignements sensibles, et particulièrement de renseignements protégés par le privilège de l’indicateur, peut entraîner des conséquences très graves et immédiates pour des tiers et pour l’administration de la justice. C’est pourquoi le législateur a élaboré un processus spécial de contestation de ces divulgations. Ce processus comporte également une exception à la règle ordinaire interdisant les appels interlocutoires dans les affaires criminelles, un des [traduction] « principaux avantages » du recours à l’art. 37 en tant que « mécanisme de sécurité » (Robert W. Hubbard, Susan Magotiaux et Suzanne M. Duncan, The Law of Privilege in Canada (feuilles mobiles) (Aurora, Ont. : Canada Law Book, 2006), p. 3‑44.4 et 3‑45).

[32] Étant donné que, à mon humble avis, l’ordonnance déclaratoire rendue par la juge Wedge était de nature criminelle et autorisait une forme de divulgation à laquelle la Couronne avait le droit de s’opposer pour des raisons d’intérêt public en vertu de l’art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada , un appel devant la Cour d’appel en vertu de l’art. 37.1 était donc une procédure appropriée.

[33] Cela nous amène à la question de fond que soulève l’appel formé contre l’ordonnance de la juge Wedge, soit la question de savoir si les policiers pouvaient divulguer à leurs avocats des renseignements protégés par le privilège de l’indicateur en l’absence d’une décision judiciaire ayant conclu que l’application de l’exception de « l’innocence en jeu » avait été établie.

[34] Le privilège de l’indicateur s’applique dans les cas où les policiers obtiennent des renseignements en échange d’une promesse de confidentialité. Une telle promesse peut soit être explicite, soit découler implicitement d’une conduite policière qui aurait pu « donner à quelqu’un dans la situation de l’indicateur potentiel des motifs raisonnables de croire que son identité serait protégée » (R. c. Personne désignée B, [2013] 1 R.C.S. 405, par. 18). Les indicateurs sont en droit de se fier aux promesses que leur font les policiers, car leur sécurité personnelle pourrait être sérieusement menacée si le fait qu’ils collaborent avec ceux-ci venait à être connu (Personne désignée c. Vancouver Sun, [2007] 3 R.C.S. 253, au par. 16). Et [traduction] « [q]uand les gens du milieu savent que l’identité d’un indicateur est protégée lorsque celui‑ci communique aux policiers des renseignements confidentiels, il est possible que d’autres indicateurs se manifestent » (Hubbard, Magotiaux et Duncan, p. 2‑2).

[35] La Cour a récemment résumé la règle dans l’arrêt R. c. Durham Regional Crime Stoppers Inc., [2017] 2 R.C.S. 157, où le juge Moldaver s’est exprimé ainsi :

Le privilège relatif aux indicateurs de police est un principe de common law qui existe depuis longtemps et qui revêt une importance capitale dans notre système de justice pénale. Les indicateurs de police jouent un rôle essentiel en matière de lutte contre les infractions, parce qu’ils fournissent à la police des informations qu’il serait autrement pour elle difficile, voire impossible, à obtenir. En protégeant l’identité des personnes qui communiquent des informations à la police — et en encourageant d’autres à en faire autant —, le privilège relatif aux indicateurs de police s’avère d’une grande utilité pour les policiers dans le cadre de leurs enquêtes criminelles et de leur mission de protection du public. Sous réserve de l’exception relative à la démonstration de l’innocence de l’accusé, le privilège crée une interdiction absolue de révéler l’identité de l’indicateur, et tant la police que le ministère public et les tribunaux sont tenus de le respecter. [par. 1]

[36] Le critère permettant de lever le privilège de l’indicateur — soit celui de la « démonstration de l’innocence de l’accusé » ou de « l’innocence en jeu » — est en conséquence exigeant. Notre Cour a énoncé ce critère dans l’arrêt McClure. Le « privilège devrait être levé seulement si des questions fondamentales touchant la culpabilité ou l’innocence de l’accusé sont en cause ou s’il y a un risque véritable qu’une déclaration de culpabilité injustifiée soit prononcée » (McClure, par. 47). Les demandes de type McClure sont habituellement présentées une fois la preuve de la Couronne close, de sorte que les tribunaux ne considèrent la possibilité d’écarter le privilège de l’indicateur que dans les cas où cela est strictement nécessaire (R. c. Brown, [2002] 2 R.C.S. 185, par. 52). Le privilège de l’indicateur n’est pas assorti d’autres exceptions (Vancouver Sun, par. 28; R. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281). Il « ne permet[. . .] pas que l’on évalue au cas par cas le maintien ou la portée du privilège en fonction des risques auxquels pourrait s’exposer l’indicateur » (Vancouver Sun, par. 19 et 22).

[37] Dans le cadre d’une demande de type McClure, l’accusé sollicite l’accès aux renseignements protégés par le privilège de l’indicateur, habituellement à l’issue d’un processus en deux étapes. En règle générale, la première étape se déroule en salle d’audience, en présence de l’accusé et de tous les avocats. À cette étape, à titre préliminaire, l’accusé doit établir que les renseignements protégés ne peuvent pas être obtenus ailleurs et que, compte tenu de la preuve de la Couronne, il n’y a aucune autre façon pour lui de soulever un doute raisonnable. À cette étape, l’accusé doit en outre présenter « des éléments de preuve permettant de conclure à l’existence d’une communication qui pourrait susciter un doute raisonnable quant à sa culpabilité » (Brown, par. 4).

[38] Si un tel fondement existe, le tribunal procède alors à la deuxième étape du processus. À ce stade, le juge du procès doit « examiner la communication afin de déterminer si elle suscitera probablement un doute raisonnable » (Brown, par. 4). Selon les circonstances de l’affaire, le juge du procès peut examiner les renseignements lui‑même ou avec l’aide du procureur de la Couronne ou d’un amicus, au besoin, lors d’une audience à huis clos (voir, de manière générale, Brown; Vancouver Sun, par. 45‑49).

[39] À aucun moment dans la présente affaire les policiers n’ont fait valoir que des renseignements confidentiels en leur possession satisfaisaient au critère de « l’innocence en jeu ». Ils n’ont pas non plus soutenu que des renseignements concernant les indicateurs anonymes dans le cadre de l’enquête sur les « Surrey Six » étaient véritablement pertinents pour les besoins de leur défense. Ils disent simplement croire que les renseignements se trouvant en leur possession « pourraient » être pertinents et que, par conséquent, ils souhaitent évaluer leur pertinence. Le témoin de sexe féminin qui se trouve au cœur de la conduite criminelle reprochée aux policiers n’était pas un indicateur anonyme, et la Couronne affirme que, à sa connaissance, aucun indicateur anonyme n’a été impliqué dans les événements à l’origine des accusations en cause.

[40] Ce que les policiers soutiennent plutôt, c’est qu’il ne s’agit pas d’un cas où l’exception relative à « l’innocence en jeu » s’applique. Selon eux, la thèse de la Couronne aurait pour effet de restreindre le droit à des « communications illimitées » entre les accusés et leurs avocats, ces derniers étant de surcroît liés à la fois par le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif aux indicateurs de police.

[41] Pour résoudre cette question, il faut donc se demander qui se trouve dans le « cercle » du privilège relatif aux indicateurs de police — le groupe de personnes ayant le droit d’avoir accès aux renseignements visés par le privilège de l’indicateur et qui sont liées par celui‑ci. Traditionnellement, ce cercle a été défini étroitement et ne comprend que l’indicateur anonyme lui‑même, la police, la Couronne et les tribunaux (R. c. Barros, [2011] 3 R.C.S. 368, par. 37). Si les avocats de la défense peuvent être intégrés dans ce cercle, le paradigme de « l’innocence en jeu » ne s’applique pas. S’ils ne peuvent l’être, le paradigme s’applique.

[42] Je conviens avec la Couronne que le paradigme de « l’innocence en jeu » s’applique, car les avocats de la défense ne font pas partie du « cercle du privilège ». Dans Basi, le juge Fish, qui s’exprimait au nom de la Cour, a confirmé que les avocats de la défense ne sont pas liés par le privilège relatif aux indicateurs de police et qu’ils sont « en dehors du cercle ». Il a conclu qu’il serait inapproprié de permettre aux avocats de la défense d’avoir accès aux renseignements visés par ce privilège moyennant un engagement de leur part de ne pas les divulguer à leurs clients, étant donné que « [n]ul en dehors du cercle du privilège ne peut accéder aux renseignements à l’égard desquels le privilège est revendiqué tant qu’un juge n’a pas déterminé que le privilège n’existe pas ou qu’une exception s’applique » (par. 44). Le juge Fish a poursuivi en soulignant les problèmes inhérents au fait d’intégrer les avocats de la défense dans le « cercle » :

Conclure autrement placerait les avocats de la défense dans une position inconfortable et non souhaitable au plan professionnel. Le problème ne vient pas de ce que les avocats de la défense violeraient délibérément leurs engagements ou l’ordonnance du tribunal, mais plutôt de ce que le respect de ces engagements et de l’ordonnance du tribunal mettrait à rude épreuve, dans le meilleur des cas, la relation qui doit nécessairement s’établir entre eux et leurs clients accusés.

Les avocats de la défense devraient constamment se garder de ne jamais dire ou faire quoi que ce soit, même par inadvertance, qui pourrait tendre à révéler l’identité de l’indicateur. Cette contrainte extrêmement onéreuse, de par sa nature même, [traduction] « empêcherait la franchise et gênerait la libre circulation de l’information entre l’avocat et son client », et entraverait par ailleurs la relation avocat‑client [. . .] Dans certains cas, les avocats de la défense pourraient se sentir obligés de se retirer du dossier, pris dans le conflit entre leur devoir de défendre au mieux les intérêts de leur client et leur devoir envers la cour de ne pas divulguer les renseignements entendus à huis clos ou de s’abstenir d’agir sur la base de ceux‑ci. . . [Italique omis; par. 45‑46.]

[43] Les policiers ont tenté de distinguer l’arrêt Basi de la présente affaire sur la base que, en l’espèce, la divulgation ne mettrait pas à rude épreuve la relation avocat‑client, étant donné que les accusés disposent déjà des renseignements en cause. De fait, prétendent les policiers, la tension résulte plutôt de la non‑divulgation, parce que les accusés possèdent des renseignements que leurs avocats n’ont pas.

[44] À mon avis, cette tentative de différenciation de l’arrêt Basi n’est pas convaincante. Si les policiers discutent des renseignements protégés par le privilège de l’indicateur avec leurs avocats, et que ces derniers ne peuvent les utiliser avant d’avoir présenté avec succès, une fois la preuve de la Couronne close, une demande fondée sur l’exception relative à « l’innocence en jeu », les avocats se retrouvent dans un conflit d’obligations analogue à la « position inconfortable et non souhaitable au plan professionnel » décrite dans Basi, voire dans une position plus difficile encore. D’une part, leur obligation envers le client leur dictera d’utiliser les renseignements. D’autre part, le privilège relatif aux indicateurs de police leur dictera de garder le silence. Le raisonnement exposé dans l’arrêt Basi s’applique donc. Je ne saurais retenir l’argument des policiers selon lequel les restrictions imposées à l’égard de ce qu’ils peuvent dire à leurs avocats mettraient la relation « à rude épreuve » de la manière envisagée dans Basi. Ces restrictions, contrairement à celles imposées à l’avocat dans Basi, ne créent pas d’obligations légales et professionnelles contradictoires : elles sont en adéquation avec les obligations professionnelles des policiers et elles permettent aux avocats de ces derniers d’assurer leur défense sans crainte de révéler par inadvertance des renseignements protégés que possèdent leurs clients. Il est possible que les restrictions obligent les policiers à faire preuve d’une certaine prudence quant à ce qu’ils révèlent, mais cette attente n’entrave pas de façon appréciable la relation avec leurs avocats.

[45] Plus récemment, dans Barros, la Cour a de nouveau examiné et rejeté l’argument selon lequel la défense — et plus particulièrement son mandataire, l’enquêteur — était liée par le privilège relatif aux indicateurs de police :

C’est à la police, au ministère public et aux tribunaux qu’il incombe de protéger et d’appliquer le privilège relatif aux indicateurs de police, mais aucune jurisprudence n’a été portée à notre attention où ce devoir aurait été étendu à l’accusé et à ses représentants [. . .] sauf dans le cas exceptionnel de la divulgation par inadvertance au procureur de la défense. . . [par. 37]

[46] Comme les avocats de la défense sont en dehors du cercle du privilège, les policiers ne sauraient prétendre que la divulgation des renseignements aux avocats de la défense ne fait courir qu’un faible risque à l’indicateur de police. Cela pourrait certainement être le cas, car le système de justice accorde, et ce, à juste titre, une très grande confiance aux avocats de la défense. Mais il s’agirait précisément du type de mise en balance « au cas par cas » des risques et avantages d’une telle mesure que notre Cour a jugée inadmissible dans Vancouver Sun. Dans tous les cas où le privilège relatif aux indicateurs de police s’applique, la divulgation des renseignements en dehors du cercle requiert la démonstration par l’accusé que son « innocence est en jeu ».

[47] Il n’y a aucune raison pour que cette conclusion cède devant l’argument des policiers selon lequel l’application du paradigme de « l’innocence en jeu » entraverait ce qu’ils appellent leur droit à des communications « illimitées » avec leurs avocats. En l’espèce, les policiers ne peuvent discuter d’aspects qui n’ont pas encore été jugés comme satisfaisant au critère de « l’innocence de l’accusé », critère qui, comme l’a affirmé de façon constante notre Cour, permet d’établir le juste équilibre entre le droit de présenter une défense pleine et entière et la nécessité de protéger les indicateurs anonymes (Vancouver Sun, par. 28; Leipert, par. 28). À mon avis, ajouter à l’analyse la prise en compte des limites concernant ce que l’accusé peut dire à son avocat ne modifie pas l’équilibre de façon appréciable. L’objet premier du droit des avocats et de leurs clients de communiquer librement dans le cadre d’une instance criminelle est de permettre à l’accusé et à l’avocat de discuter des aspects qui se rapportent à une défense pleine et entière. Dans ces circonstances, les « communications avocat‑client » n’ont pas de valeur intrinsèque indépendante au‑delà de leur rapport avec une défense pleine et entière. Comme c’est le cas pour toute autre personne qui se défend contre des accusations criminelles, s’il devient clair que les policiers risquent véritablement d’être reconnus coupables, et qu’il est nécessaire que les renseignements en question soient divulgués, les policiers peuvent présenter une demande de type McClure.

[48] De fait, les policiers invitent la Cour à créer une nouvelle exception au privilège relatif aux indicateurs de police, exception qui tirerait ses origines du secret professionnel de l’avocat. Soit dit en tout respect, j’estime qu’il faut décliner cette invitation, non seulement parce que la Cour a clairement indiqué qu’elle ne créerait pas de nouvelles exceptions particulières au privilège de l’indicateur, mais aussi parce que l’argument des policiers repose sur une compréhension erronée du droit au secret professionnel de l’avocat et de la manière dont celui‑ci interagit avec d’autres obligations juridiques (en l’espèce le privilège de l’indicateur). Le secret professionnel de l’avocat protège les communications de l’accusé avec son avocat contre la divulgation et l’obligation de production, sous réserve d’exceptions limitées et très étroites (Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, [2015] 1 R.C.S. 401; Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 209; Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455; Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860). Toutefois, cela n’autorise pas le client à communiquer des renseignements par ailleurs protégés contre la divulgation s’ils sont susceptibles de permettre l’identification d’un indicateur anonyme. Autrement dit, bien que le secret professionnel de l’avocat constitue un bouclier presque impénétrable protégeant les communications avec les avocats, il ne saurait être utilisé comme une épée pour percer une brèche dans le privilège de l’indicateur.

[49] Les policiers font valoir qu’ils doivent être en mesure de discuter des renseignements en leur possession avec leurs avocats afin de déterminer s’ils devraient d’abord présenter une demande de type McClure. Mais notre Cour a refusé de permettre la divulgation de renseignements protégés uniquement à des fins exploratoires, en l’absence de démonstration de la « nécessité absolue » de la divulgation (voir, à titre d’exemple, Goodis c. Ontario (Ministère des Services correctionnels), [2006] 2 R.C.S. 32, par. 21). Le droit ne permet pas de lever le privilège relatif aux indicateurs de police seulement sur la base d’une possibilité conjecturale que des renseignements susceptibles de disculper l’accusé puissent être révélés. Il ne permet pas non plus la divulgation de renseignements simplement parce qu’ils pourraient être utiles à la défense. Le critère demeure celui de « l’innocence en jeu ».

[50] Je ne suis pas non plus convaincue qu’il serait nécessaire que les policiers divulguent des renseignements protégés pour discuter de l’opportunité de présenter une demande de type McClure. Si un policier accusé estime que des éléments de preuve se rapportant à un indicateur anonyme établiraient son innocence, il pourrait simplement en informer son avocat sans révéler quelque renseignement susceptible de permettre l’identification de l’indicateur. Dans ce cas, une fois la preuve de la Couronne close, une demande de type McClure pourrait être instruite et le juge du procès déterminerait de quelle façon chaque étape de cette demande devrait se dérouler.

[51] Obliger les policiers à faire montre de prudence à l’égard des renseignements qu’ils divulguent à leurs avocats ne porte pas en soi atteinte aux droits que leur garantit la Constitution. Les policiers ont des responsabilités particulières en raison de la position de pouvoir et de confiance dans laquelle ils se trouvent, y compris l’obligation de protéger de façon stricte la confidentialité des renseignements visés par le privilège relatif aux indicateurs de police. Ni le droit au secret professionnel de l’avocat ni le droit à une défense pleine et entière ne libèrent les policiers de ces obligations. Et, inversement, assujettir les policiers à ces obligations n’a pas pour effet, dans les circonstances, de porter atteinte de façon appréciable à l’un ou l’autre de ces droits. On attend des policiers qu’ils connaissent leurs obligations et responsabilités, et qu’ils agissent en conséquence. Il est possible que le droit les oblige à faire montre de prudence à l’égard des renseignements qu’ils divulguent aux avocats qui les défendent, mais le fait d’empêcher les policiers de commettre une violation illégale de leur obligation d’assurer le maintien du privilège ne leur impose pas un lourd fardeau. Et, comme je l’ai expliqué plus tôt, le respect de cette obligation ne constitue pas un obstacle les empêchant de discuter de tout aspect véritablement nécessaire à la présentation d’une défense pleine et entière.

[52] Qui plus est, lorsque les obligations des policiers les empêchent de discuter de certaines questions avec leurs avocats, c’est uniquement parce qu’ils sont en possession de renseignements que tout autre accusé ne pourrait obtenir qu’après avoir établi que son « innocence est en jeu ». Lorsque des policiers sont accusés de crimes, ils sont en droit de s’attendre à être traités non moins équitablement que les autres accusés et à bénéficier de l’entière protection de la loi. Ce à quoi ils ne peuvent s’attendre, toutefois, c’est à être traités plus favorablement que les autres accusés. Aucune raison ne justifie d’avantager des policiers qui, du fait de leur position de confiance, disposent de renseignements qui leur ont été confiés à titre confidentiel. Ils détiennent ces renseignements strictement afin de faire respecter la loi, et ils ne peuvent les utiliser qu’à cette fin. Ce ne sont pas des renseignements qu’ils peuvent exploiter pour obtenir un avantage personnel sur le plan juridique.

[53] J’accueillerais donc les pourvois et j’annulerais l’ordonnance déclaratoire de la juge Wedge permettant la divulgation des renseignements protégés par le privilège relatif aux indicateurs de police. La demande qu’a présentée la Couronne, en vertu du par. 37(6) de la Loi sur la preuve au Canada , en vue d’obtenir une ordonnance interdisant aux policiers de divulguer à leurs avocats des renseignements protégés par le privilège de l’indicateur, à moins qu’ils ne présentent avec succès une demande fondée sur l’exception relative à « l’innocence en jeu », est accueillie.

Pourvois accueillis.

Procureurs de l’appelante Sa Majesté la Reine : Considine & Company, Victoria; Marshall & Massey, Victoria.

Procureurs de l’appelante Personne A : Ritchie Sandford McGowan, Vancouver.

Procureur des appelants Surintendant Gary Shinkaruk et le procureur général du Canada : Ministère de la Justice Canada, Montréal.

Procureurs de l’intimé Derek Brassington : Donaldson’s, Vancouver; Michael Sobkin, Ottawa; Sugden, McFee & Roos, Vancouver.

Procureurs de l’intimé David Attew : Michael Klein Law Corporation, Vancouver.

Procureurs de l’intimé Paul Johnston : Bolton Law, Vancouver.

Procureurs de l’intimé Danny Michaud : Thorsteinssons, Vancouver; Arvay Finlay, Vancouver.

Procureur de l’intervenante la procureure générale de l’Ontario : Procureure générale de l’Ontario, Toronto.

Procureurs de l’intervenante Criminal Lawyers’ Association : Henein Hutchison, Toronto; Cooper Jørgensen, Toronto.

Procureurs de l’intervenante la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada : Breese Davies Law, Toronto.

Procureurs de l’intervenante Independent Criminal Defence Advocacy Society : Martland & Saulnier, Vancouver.

[1] Avec le consentement des avocats, les juridictions inférieures ont traité la présente instance comme étant assujettie à l’ordonnance de non-publication prévue au par. 648(1) du Code criminel . L’application du par. 648(1) à des procédures préalables au procès comme celles en l’espèce, où le jury n’a pas encore été constitué, fait l’objet de décisions contradictoires devant les tribunaux de première instance (voir, par exemple, R. c. Cheung (2000), 150 C.C.C. (3d) 192 (B.R. Alb.); R. c. Trang (2001), 201 D.L.R. (4th) 160 (B.R. Alb.); R. c. Sandham (2008), 248 C.C.C. (3d) 543 (C. sup. Ont.); R. c. Stobbe (2011), 284 C.C.C. (3d) 123 (B.R. Man.); Canadian Broadcasting Corp. c. Millard (2015), 338 C.C.C. (3d) 227 (C. sup. Ont.); R. c. Stanley, 2018 SKQB 27). Sans prétendre régler la question, j’estime que les motifs tels qu’ils sont rédigés peuvent être publiés et diffusés conformément à la pratique habituelle de la Cour.

[2] 37.1 (1) L’appel d’une décision rendue en vertu des paragraphes 37(4.1) à (6) se fait :

a) devant la Cour d’appel fédérale, s’agissant d’une décision de la Cour fédérale;

b) devant la cour d’appel d’une province, s’agissant d’une décision de la division ou du tribunal de première instance d’une cour supérieure d’une province.


Synthèse
Référence neutre : 2018CSC37 ?
Date de la décision : 20/07/2018
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Droit criminel — Défense — Divulgation — Privilège de l’indicateur de police — Communication avocat‑client — Policiers accusés de crimes liés à la conduite répréhensible qu’ils auraient eue au cours d’une enquête policière — Demandes des policiers sollicitant la permission de divulguer à leurs avocats des renseignements dont ils ont pris connaissance dans le cadre de l’enquête et qui sont susceptibles de révéler l’identité d’indicateurs anonymes — Les policiers ont‑ils le droit de divulguer les renseignements? — Les restrictions imposées à l’égard des renseignements que les policiers peuvent divulguer à leurs avocats entravent‑elles la relation avocat‑client? Droit criminel — Renseignements protégés par le privilège de l’indicateur — Opposition à la divulgation — Policiers accusés de crimes liés à leur conduite au cours d’une enquête policière — Déclaration par la juge chargée de la gestion de l’instance que les policiers peuvent discuter avec leurs avocats des renseignements dont ils ont pris connaissance pendant cette enquête et qui sont susceptibles de révéler l’identité d’indicateurs anonymes — Rejet de l’opposition de la Couronne à la divulgation des renseignements — L’ordonnance déclaratoire est‑elle de nature criminelle ou civile? — L’ordonnance autorisait‑elle une forme de divulgation à laquelle la Couronne avait le droit de s’opposer pour des raisons d’intérêt public en vertu de la Loi sur la preuve au Canada ? — Le rejet de l’opposition peut‑il être porté en appel?

Quatre policiers ont été accusés de crimes liés à la conduite répréhensible qu’ils auraient eue au cours d’une enquête policière. Avant leur procès, ils ont présenté une demande en vue d’obtenir une déclaration portant qu’ils pouvaient discuter avec leurs avocats des renseignements dont ils ont pris connaissance pendant l’enquête et qui sont susceptibles de révéler l’identité d’indicateurs anonymes. La juge chargée de la gestion de l’instance a accueilli la demande et a déclaré que les policiers pouvaient discuter des renseignements en leur possession avec leurs avocats. La Couronne et la GRC ont ensuite demandé à la juge de décider si les divulgations autorisées aux termes de l’ordonnance déclaratoire constituaient des « divulgations » visées par l’art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada . En vertu du par. 37(1) de la Loi, la Couronne peut s’opposer aux divulgations pour des motifs d’intérêt public. L’article 37.1 de la Loi établit un droit d’appel interlocutoire spécial contre les décisions relatives aux oppositions. Les articles 37 et 37.1 s’appliquent aux procédures pénales et aux autres matières de compétence fédérale. La juge chargée de la gestion de l’instance a conclu qu’elle avait compétence pour se prononcer sur l’opposition présentée par la Couronne mais l’a rejetée. La Cour d’appel a rejeté l’appel du rejet de l’opposition fondée sur l’art. 37 . Elle a qualifié l’ordonnance permettant la divulgation de civile plutôt que criminelle, a conclu que la Couronne ne pouvait pas interjeter appel en vertu de l’art. 37.1 et a conclu que celle‑ci ne pouvait pas contester l’ordonnance déclaratoire sur le fondement de l’art. 37 . L’ordonnance déclaratoire prononcée par la juge chargée de la gestion de l’instance et la décision de la Cour d’appel ont été portées en appel devant la Cour.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine, Surintendant Gary Shinkaruk, Procureur général du Canada, Appelants
Défendeurs : Derek Brassington, David Attew, Paul Johnston et Danny Michaud, Intimés
Proposition de citation de la décision: Canada, Cour suprême, 20 juillet 2018, 2018CSC37


Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2018
Fonds documentaire ?: Jugements de la Cour supreme
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2018-07-20;2018csc37 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award