Répertorié : Rogers Communications Inc. c. Voltage Pictures, LLC
No du greffe : 37679.
Traduction française officielle
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Côté, Brown, Rowe et Martin
Motifs de jugement (par. 1 à 59) : Le juge Brown (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Rowe et Martin)
Motifs concordants (par. 60 à 75) : La juge Côté
Clinique d’intérêt public et de politique d’internet du Canada Samuelson‑Glushko, Bell Canada Inc.,
Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc.,
Cogeco Inc., Québecor Média Inc.,
Saskatchewan Telecommunications Holding Corporation,
Shaw Communications Inc., TekSavvy Solutions Inc.,
TELUS Communications Inc. et Xplornet Communications Inc. Intervenantes
en appel de la Cour d’appel fédérale
Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Brown, Rowe et Martin : Un FSI peut recouvrer les coûts occasionnés pour se conformer à une ordonnance de type Norwich, mais il ne peut être indemnisé pour chacun des coûts qu’il supporte en vue de se conformer à une telle ordonnance. Les coûts recouvrables doivent être raisonnables et découler de la conformité à l’ordonnance de type Norwich. Lorsque les coûts auraient dû être supportés par le FSI dans l’exécution de ses obligations légales dans le cadre du régime d’avis et avis, ces coûts ne peuvent être considérés comme raisonnables ou comme découlant de la conformité à une ordonnance de type Norwich, et ne peuvent être recouvrés.
Le régime d’avis et avis a été adopté afin de réaliser deux objectifs complémentaires : dissuader la violation en ligne du droit d’auteur, et établir un équilibre entre les droits des parties intéressées, y compris les titulaires de droits d’auteur, les internautes et les intermédiaires de l’Internet comme les FSI. Il n’avait pas pour but d’établir un cadre exhaustif au moyen duquel les cas de violation en ligne du droit d’auteur pourraient être totalement éliminés, et il ne va pas jusqu’à exiger que le FSI révèle au titulaire du droit d’auteur l’identité d’une personne qui a reçu un avis. En conséquence, le titulaire qui souhaite poursuivre une personne qui aurait violé son droit d’auteur en ligne doit prendre des mesures à l’extérieur du régime d’avis et avis et obtenir une ordonnance de type Norwich pour obliger le FSI à lui communiquer l’identité de cette personne. Le régime législatif d’avis et avis n’a pas écarté cette exigence; il fonctionne de concert avec elle.
De même, le régime d’avis et avis n’a pas écarté le fardeau du titulaire du droit d’auteur, en common law, de supporter les coûts raisonnables occasionnés par le FSI pour se conformer à l’ordonnance de type Norwich. Cependant, le régime législatif interdit au FSI d’exiger des droits pour l’exécution de l’une ou l’autre de ses obligations découlant du régime. En conséquence, un FSI ne devrait pas être autorisé à recouvrer le coût des mesures prises pour l’exécution de l’une ou l’autre des obligations, expresses ou implicites, qui ont déjà pris naissance sous le régime, même lorsqu’il s’acquitte de ses obligations seulement après avoir reçu signification d’une ordonnance de type Norwich. Autrement, la répartition du fardeau financier qu’a établie le Parlement serait minée puisque cela aurait pour effet d’imposer aux titulaires de droits d’auteur une obligation qui a été spécifiquement attribuée aux FSI dans le cadre du régime d’avis et avis.
Les trois obligations expresses énoncées aux al. 41.26(1) a) et b) de la Loi sur le droit d’auteur comportent plusieurs obligations implicites dont le FSI doit s’acquitter dans le cadre du régime d’avis et avis. Puisque ces obligations implicites sont des mesures nécessaires pour que ces obligations légales expresses soient remplies, le FSI ne sera pas autorisé à recouvrer les coûts à l’étape de la conformité à l’ordonnance de type Norwich. Plus précisément, l’al. 41.26(1) a) exige que le FSI établisse, aux fins de la transmission d’un avis par voie électronique, l’identité de la personne à qui appartenait l’adresse IP. Il exige également que le FSI prenne toutes les mesures nécessaires pour vérifier qu’il l’a fait correctement. De même, le registre que le FSI doit conserver aux termes de l’al. 41.26(1) b) doit être exact. Toute mesure nécessaire pour la vérification de l’exactitude de ce registre fait donc partie des obligations du FSI.
Toutefois, il existe une distinction entre l’obligation du FSI dans le cadre du régime d’avis et avis d’assurer l’exactitude de son registre permettant d’identifier le propriétaire d’une adresse IP, et son obligation, aux termes d’une ordonnance de type Norwich, d’identifier effectivement une personne à partir de son registre. Bien que le registre que le FSI doit conserver aux termes de l’al. 41.26(1) b) doive l’être sous une forme et d’une manière permettant à un FSI d’établir le nom et l’adresse de la personne à qui l’avis est transmis aux termes de l’al. 41.26(1) a), l’al. 41.26(1) b) n’exige pas qu’il soit conservé sous une forme et d’une manière qui permettrait à un titulaire de droit d’auteur ou à un tribunal de le faire. Le titulaire du droit d’auteur serait toutefois autorisé à recevoir ces renseignements du FSI aux termes d’une ordonnance de type Norwich, dont le processus ne relève pas des obligations du FSI dans le cadre du régime d’avis et avis. Un FSI a donc droit aux coûts raisonnables des mesures nécessaires pour discerner l’identité d’une personne à partir du registre exact conservé au titre de l’al. 41.26(1) b).
Étant donné l’interdiction légale relative au recouvrement des coûts découlant du régime d’avis et avis, les juges des requêtes devraient examiner attentivement la preuve du FSI lorsqu’ils évaluent les coûts occasionnés par le FSI pour se conformer à l’ordonnance de type Norwich, afin de décider si les droits qu’il propose sont raisonnables, à la lumière des obligations qui lui incombent dans le cadre du régime d’avis et avis. Dans le cas présent, Rogers a droit aux coûts raisonnables occasionnés pour se conformer à l’ordonnance de type Norwich. Cependant, le juge des requêtes a omis de déterminer la pleine portée des obligations du FSI aux termes du par. 41.26(1) , et a omis de se demander si l’une ou l’autre des huit étapes du processus manuel qu’entreprend Rogers lorsqu’elle doit communiquer l’identité de l’un de ses abonnés chevauche les obligations légales de Rogers pour lesquelles elle n’avait pas droit à un remboursement. Puisqu’il est impossible, au vu du présent dossier, de déterminer les coûts raisonnables occasionnés par Rogers pour se conformer à l’ordonnance, l’affaire devrait être renvoyée au juge des requêtes.
La juge Côté : Il y a accord avec les juges majoritaires pour accueillir le pourvoi. Cependant, il y a désaccord avec la proposition voulant que toute obligation implicite découlant du par. 41.26(1) de la Loi sur le droit d’auteur empêche catégoriquement un FSI de vérifier certains éléments de son registre au moment où il reçoit l’ordonnance de type Norwich et de demander une indemnisation pour ces travaux.
Ensemble, les al. 41.26(1) a) et b) indiquent clairement que le FSI n’est pas tenu d’établir l’identité de la personne qui aurait violé le droit d’auteur. En conséquence, le travail nécessaire pour établir l’identité de la personne qui aurait violé le droit d’auteur et pour communiquer cette identité conformément à une ordonnance de type Norwich n’est pas inclus dans le régime d’avis et avis, et peut donc faire l’objet d’une indemnisation en application de la common law. Le régime de common law établi dans Norwich permet aux FSI d’être indemnisés pour les coûts raisonnables occasionnés pour se conformer à l’ordonnance.
Aucune des huit étapes que suit Rogers en réponse à une ordonnance de type Norwich n’est supplantée par le régime d’avis et avis, puisqu’elles ne comportent pas la vérification de l’exactitude du registre que Rogers est tenue de conserver aux termes du par. 41.26(1) . Rogers suit plutôt ce processus afin d’établir et de vérifier l’identité de la personne qui aurait violé le droit d’auteur (qu’elle ne connaît pas déjà) en fonction de ce registre. Si l’on suppose que ce processus en huit étapes est par ailleurs raisonnable, Rogers a droit à la pleine indemnisation pour les étapes qu’elle suit afin d’identifier un titulaire de compte et de communiquer son identité au titulaire du droit d’auteur.
Il y a aussi désaccord avec la proposition voulant que toute obligation implicite découlant du par. 41.26(1) de la Loi sur le droit d’auteur empêche catégoriquement un FSI de vérifier certains éléments de son registre au moment où il reçoit l’ordonnance de type Norwich et de demander une indemnisation pour ces travaux pour deux raisons. Tout d’abord, les renseignements relatifs aux clients peuvent changer au fil du temps, et une ordonnance de type Norwich peut être reçue bien après l’envoi initial de l’avis de violation au titulaire de compte. Il demeure nécessaire de vérifier l’exactitude de ces renseignements au moment où le titulaire du droit d’auteur demande l’identité du titulaire de compte, puisque ce sont les renseignements actuels permettant l’identification du titulaire de compte dont le demandeur a besoin afin d’intenter une action pour violation du droit d’auteur, et non les renseignements d’identification qui existaient quand l’avis automatisé de violation a été envoyé. Ensuite, il est possible que les avis de violation ne soient pas tous envoyés au bon titulaire de compte conformément à l’al. 41.26(1) a). En conséquence, et même si certaines étapes du processus de Rogers relatif aux ordonnances de type Norwich pouvaient être qualifiées de vérifications des renseignements ou registres préexistants, rien dans la Loi sur le droit d’auteur ne justifie de façon incontestablement claire qu’une démarche sensée pour établir ce qui est raisonnable soit écartée sur le fondement d’une obligation implicite qui découlerait du par. 41.26(1) . Dans ces circonstances, il pourrait être justifié que Rogers effectue des vérifications plus rigoureuses. Cela dit, les juges ont le pouvoir de refuser le remboursement des coûts de ces vérifications si le FSI procède inutilement à des vérifications approfondies ou redondantes.
Dans la présente affaire, le juge des requêtes n’a pas tiré une conclusion indépendante quant au caractère raisonnable du processus en huit étapes de Rogers. En conséquence, la présente affaire devrait être renvoyée au juge des requêtes pour qu’il prenne une telle décision.
Jurisprudence
Citée par le juge Brown
Arrêts mentionnés : Norwich Pharmacal Co. c. Customs and Excise Commissioners, [1974] A.C. 133; Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N., [1998] 4 C.F. 439; Alberta (Treasury Branches) c. Leahy, 2000 ABQB 575, 270 A.R. 1, conf. par 2002 ABCA 101, 303 A.R. 63; BMG Canada Inc. c. John Doe, 2005 CAF 193, [2005] 4 R.C.F. 81; BMG Canada Inc. c. John Doe, 2004 CF 488, [2004] 3 R.C.F. 241; Voltage Pictures LLL c. Untel, 2015 CF 1364; Voltage Pictures LLC c. Untel, 2014 CF 161, [2015] 2 R.C.F. 540; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Assoc. canadienne des pilotes de lignes aériennes, [1993] 3 R.C.S. 724; Voltage Pictures LLC c. Untel, 2011 CF 1024; Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157; Goodyear Tire & Rubber Co. of Canada c. T. Eaton Co., [1956] R.C.S. 610; Canada (Procureur général) c. Thouin, 2017 CSC 46, [2017] 2 R.C.S. 184; Cartier International AG c. British Telecommunications plc, [2018] UKSC 28, [2018] 1 W.L.R. 3259.
Citée par la juge Côté
Arrêts mentionnés : Canada (Procureur général) c. Thouin, 2017 CSC 46, [2017] 2 R.C.S. 184; Norwich Pharmacal Co. c. Customs and Excise Commissioners, [1974] A.C. 133; Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N., [1998] 4 C.F. 439; Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157.
Lois et règlements cités
Décret fixant à la date qui tombe six mois après la date de publication du présent décret la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions de la Loi sur le droit d’auteur , TR/2014‑58, et Note explicative, Gazette du Canada, Partie II, vol. 148, no 14, 2 juillet 2014, p. 2121‑2123.
Digital Millennium Copyright Act (1998), 17 U.S.C. § 512.
Loi sur la modernisation du droit d’auteur, L.C. 2012, c. 20 , sommaire, préambule.
Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, c. C‑42, art. 27(2.3) , 31.1 , 41.25 , 41.26 .
Doctrine et autres documents cités
Canada. Bureau de la consommation. Le régime d’avis et avis (en ligne : https://ic.gc.ca/eic/site/oca-bc.nsf/fra/ca02920.html; version archivée : https://www.scc-csc.ca/cso-dce/2018SCC-CSC38_1_fra.pdf).
Canada. Chambre des communes. Comité législatif chargé du projet de loi C‑32. Témoignages, no 19, 3e sess., 40e lég., 22 mars 2011, p. 1, 10.
Canada. Chambre des communes. Débats de la Chambre des communes, vol. 146, no 31, 1re sess., 41e lég., 18 octobre 2011, p. 2107, 2109.
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Oxford English Dictionary, 2nd ed., Oxford, Clarendon Press, 1989, « retain ».
Seltzer, Wendy. « Free Speech Unmoored in Copyright’s Safe Harbor : Chilling Effects of the DMCA on the First Amendment » (2010), 24 Harv. J.L. & Tech. 171.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 6th ed., Markham (Ont.), LexisNexis, 2014.
Urban, Jennifer M., Joe Karaganis and Brianna L. Schofield. Notice and Takedown in Everyday Practice. (March 2017) (en ligne : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2755628; version archivée : https://www.scc-csc.ca/cso-dce/2018SCC-CSC38_3_eng.pdf).
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (les juges Stratas, Gleason et Woods), 2017 CAF 97, 146 C.P.R. (4th) 339, 410 D.L.R. (4th) 602, [2017] A.C.F. no 477 (QL), 2017 CarswellNat 8731 (WL Can.), qui a annulé l’ordonnance du juge Boswell, 2016 CF 881, 141 C.P.R. (4th) 136, [2016] A.C.F. no 901 (QL), 2016 CarswellNat 8156 (WL Can.). Pourvoi accueilli.
Andrew Bernstein, James Gotowiec et Nic Wall, pour l’appelante.
Kenneth Clark, Patrick Copeland et Paul McCallen, pour les intimées.
Jeremy de Beer et Bram Abramson, pour l’intervenante la Clinique d’intérêt public et de politique d’internet du Canada Samuelson‑Glushko.
Gerald Kerr‑Wilson, Ariel Thomas et Christopher Ferguson, pour les intervenantes Bell Canada Inc., Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc., Cogeco Inc., Québecor Média Inc., Saskatchewan Telecommunications Holding Corporation, Shaw Communications Inc., TekSavvy Solutions Inc., TELUS Communications Inc. et Xplornet Communications Inc.
Version française du jugement du juge en chef Wagner et des juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Gascon, Brown, Rowe et Martin rendu par
Le juge Brown —
I. Introduction
[1] La violation en ligne du droit d’auteur est devenue monnaie courante. À l’aide de réseaux de partage de fichiers poste à poste, les abonnés à Internet peuvent télécharger du contenu protégé par le droit d’auteur, comme des films et de la musique, tout en téléversant simultanément ce contenu en vue du téléchargement par d’autres personnes, qui peuvent ainsi faire de même. Grâce à ces téléchargements et téléversements simultanés, les réseaux poste à poste facilitent le partage rapide du contenu protégé par le droit d’auteur avec de multiples abonnés à Internet en même temps. En outre, en raison de l’anonymat d’Internet, les titulaires de droits d’auteur n’ont pas accès à l’identité des abonnés qui participent à ce partage illégal de contenu protégé.
[2] En 2009, le gouvernement du Canada a lancé une consultation sur la modernisation du droit d’auteur dans le but de prendre des mesures contre la violation en ligne de ce droit. Il a entendu à la fois les titulaires de droits d’auteur qui exigeaient qu’un moyen de décourager la violation en ligne de leurs droits soit mis en place, et les consommateurs qui demandaient de pouvoir disposer d’une mesure pour savoir si eux‑mêmes, ou quelqu’un utilisant leur adresse de protocole Internet (« IP »), violent le droit d’auteur.
[3] Le Parlement a répondu à ces deux préoccupations en adoptant le régime d’« avis et avis » qui se retrouve aux art. 41.25 et 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, c. C‑42 , qui est entré en vigueur le 2 janvier 2015. Maintenant, lorsque le titulaire du droit d’auteur donne un avis à un fournisseur de services Internet (« FSI ») dans lequel il affirme qu’une personne à une certaine adresse IP a violé son droit d’auteur, le FSI doit transmettre cet avis de prétendue violation à la personne à qui appartient l’adresse IP (soit « l’emplacement électronique identifié par les données de localisation qui sont précisées dans l’avis » (al. 41.26(1) a)). Même si ce régime vise à décourager la violation continue en ligne du droit d’auteur, il ne va pas plus loin. En particulier, il n’exige pas que le FSI révèle au titulaire du droit d’auteur l’identité d’une personne qui a reçu un avis. Pour que le titulaire du droit d’auteur puisse obtenir l’identité de cette personne, il doit prendre des mesures à l’extérieur du régime — plus précisément, obtenir une ordonnance de type Norwich obligeant le FSI à la révéler (voir Norwich Pharmacal Co. c. Customs and Excise Commissioners, [1974] A.C. 133 (C.L.)).
[4] Le présent pourvoi oblige la Cour à se demander qui supporte les « coûts raisonnables occasionnés en vue de la conformité » du FSI à une telle ordonnance de type Norwich. En common law, ce fardeau incombe au titulaire du droit d’auteur. En adoptant le régime d’avis et avis, le Parlement a toutefois interdit aux FSI d’exiger des droits pour se conformer aux obligations que leur impose le régime (sauf, comme je l’expliquerai, lorsque le ministre fixe, par règlement, le montant maximal des droits, ce qui ne s’est pas produit à ce jour). Cela laisse sans réponse la question de savoir si, dans le cas où certaines des mesures prises par un FSI pour se conformer à une ordonnance de type Norwich chevaucheraient ses obligations dans le cadre du régime d’avis et d’avis, ce FSI pourrait recouvrer les coûts de ces mesures qui font double emploi à même ses coûts raisonnables de conformité à l’ordonnance de type Norwich.
II. Aperçu des faits et de l’instance
A. Contexte
[5] Les intimées dans le présent pourvoi (collectivement « Voltage ») sont des sociétés de production cinématographique qui allèguent que leurs droits d’auteur ont été violés en ligne. Plus précisément, Voltage affirme que des milliers d’abonnés à Internet qu’elle ne peut identifier ont, en contravention de la Loi, partagé ses films sur Internet à l’aide de réseaux de partage de fichiers poste à poste. Voltage a poursuivi l’un de ces inconnus, « M. Untel », pour une prétendue violation du droit d’auteur relativement au téléchargement et au téléversement simultanés de plusieurs films à diverses dates. Voltage affirme qu’elle a ultimement l’intention de faire certifier son action contre M. Untel en tant que recours collectif « inversé » contre environ 55 000 personnes dont l’identité est actuellement inconnue, mais qui, selon Voltage, ont violé de façon similaire son droit d’auteur. À cette fin, Voltage a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance de type Norwich obligeant le FSI de M. Untel, Rogers Communications Inc., à lui communiquer [traduction] « toutes les coordonnées et tous les renseignements personnels [de M. Untel] » (d.a., p. 48). Voltage a également demandé que l’ordonnance de communication soit rendue « sans aucun droit à payer » à Rogers « conformément aux [art. 41.25 et 41.26 de la Loi] » (d.a., p. 48‑49).
[6] Selon la description que donnent les articles 41.25 et 41.26 de la Loi, l’envoi d’un avis de prétendue violation du droit d’auteur comporte deux étapes. Premièrement, le titulaire du droit d’auteur doit envoyer un avis de prétendue violation à un FSI, comme Rogers. Cette étape est prescrite par l’art. 41.25 :
Avis de prétendue violation
41.25 (1) Le titulaire d’un droit d’auteur sur une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur peut envoyer un avis de prétendue violation à la personne qui fournit, selon le cas :
a) dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, les moyens de télécommunication par lesquels l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation est connecté à Internet ou à tout autre réseau numérique;
b) en vue du stockage visé au paragraphe 31.1(4), la mémoire numérique qui est utilisée pour l’emplacement électronique en cause;
c) un outil de repérage au sens du paragraphe 41.27(5).
Forme de l’avis
(2) L’avis de prétendue violation est établi par écrit, en la forme éventuellement prévue par règlement, et, en outre :
a) précise les nom et adresse du demandeur et contient tout autre renseignement prévu par règlement qui permet la communication avec lui;
b) identifie l’oeuvre ou l’autre objet du droit d’auteur auquel la prétendue violation se rapporte;
c) déclare les intérêts ou droits du demandeur à l’égard de l’œuvre ou de l’autre objet visé;
d) précise les données de localisation de l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation;
e) précise la prétendue violation;
f) précise la date et l’heure de la commission de la prétendue violation;
g) contient, le cas échéant, tout autre renseignement prévu par règlement.
Deuxièmement, le FSI doit, à la réception de l’avis de prétendue violation envoyé par le titulaire du droit d’auteur, « transmettre [. . .] par voie électronique une copie de l’avis à la personne à qui appartient l’emplacement électronique [en l’espèce, une adresse IP] identifié » dans l’avis. Cette deuxième étape est prescrite par le par. 41.26(1) , qui impose au FSI certaines obligations, dont la portée est essentielle pour trancher le présent pourvoi :
Obligations
41.26 (1) La personne visée aux alinéas 41.25(1)a) ou b) qui reçoit un avis conforme au paragraphe 41.25(2) a l’obligation d’accomplir les actes ci‑après, moyennant paiement des droits qu’elle peut exiger :
a) transmettre dès que possible par voie électronique une copie de l’avis à la personne à qui appartient l’emplacement électronique identifié par les données de localisation qui sont précisées dans l’avis et informer dès que possible le demandeur de cette transmission ou, le cas échéant, des raisons pour lesquelles elle n’a pas pu l’effectuer;
b) conserver, pour une période de six mois à compter de la date de réception de l’avis de prétendue violation, un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique et, dans le cas où, avant la fin de cette période, une procédure est engagée par le titulaire du droit d’auteur à l’égard de la prétendue violation et qu’elle en a reçu avis, conserver le registre pour une période d’un an suivant la date de la réception de l’avis de prétendue violation.
[7] Le paragraphe 41.26(2) de la Loi indique si un FSI peut exiger des droits pour se conformer à ces obligations :
Droits
(2) Le ministre peut, par règlement, fixer le montant maximal des droits qui peuvent être exigés pour les actes prévus au paragraphe (1). À défaut de règlement à cet effet, le montant de ces droits est nul.
Jusqu’à présent, le ministre n’a pas fixé de montant maximal pour les droits. En application du par. 41.26(2), le FSI ne peut donc pas exiger de droits pour se conformer aux obligations qui lui incombent en application du par. 41.26(1) .
[8] En conséquence, la question à trancher est la suivante : la portée des obligations de Rogers en tant que FSI prévues au par. 41.26(1) , peut‑elle
(1) chevaucher entièrement les mesures que Rogers pourrait être tenue de prendre aux termes de l’ordonnance de type Norwich qu’a obtenue Voltage (et, le cas échéant, Rogers peut‑elle tout de même exiger des droits pour les coûts raisonnables occasionnés afin de se conformer à l’ordonnance de type Norwich)?
(2) ne pas chevaucher ces mesures (auquel cas Rogers aurait droit aux coûts raisonnables occasionnés afin de se conformer à l’ordonnance)? ou,
(3) chevaucher en partie ces mesures (et, le cas échéant, dans quelle mesure Rogers peut‑elle tout de même exiger des droits pour les coûts raisonnables occasionnés afin de se conformer à l’ordonnance, compte tenu du chevauchement de ces mesures)?
Comme je l’expliquerai plus loin, les juridictions inférieures ont divergé sur ce point. Bien que les motifs du juge des requêtes ne soient pas tout à fait clairs, celui‑ci semble avoir tenu pour acquis que la deuxième interprétation était correcte, puisque les art. 41.25 et 41.26 n’ont pas, selon lui, abrogé « le droit et les principes établis concernant les [. . .] ordonnances [de type Norwich] » (par. 12). Par conséquent, il a autorisé Rogers à recouvrer les coûts de toutes les mesures qu’elle affirmait être nécessaires pour se conformer à l’ordonnance de type Norwich. Toutefois, l’interprétation faite par la Cour d’appel fédérale aurait limité le recouvrement de Rogers aux coûts raisonnables liés à la communication en tant que telle lors de l’exécution de l’ordonnance de type Norwich. Pour la cour, le reste des coûts réclamés par Rogers étaient irrécouvrables, puisqu’ils chevauchaient les mesures faisant partie des obligations implicites de Rogers dans le cadre du régime législatif.
B. Historique judiciaire
(1) Cour fédérale, 2016 CF 881 — le juge Boswell
[9] Comme je l’ai déjà mentionné, Voltage a sollicité une ordonnance de type Norwich obligeant Rogers à communiquer [traduction] « toutes les coordonnées et tous les renseignements personnels » de M. Untel sans « aucun droit à payer » à Rogers conformément aux art. 41.25 et 41.26 de la Loi. Lors de l’instruction de la requête, Rogers n’a pas pris position quant à la question de savoir si Voltage avait le droit d’obtenir une ordonnance de type Norwich. Elle a cependant soutenu que, si l’ordonnance était accordée, elle devrait avoir le droit de recouvrer auprès de Voltage les coûts raisonnables occasionnés pour se conformer à cette ordonnance (lesquels étaient, selon les calculs de Rogers, de 100 $ de l’heure, TVH en sus).
[10] Le juge des requêtes a accordé l’ordonnance, mais compte tenu des droits à la vie privée entourant la communication de l’identité d’un abonné à Internet, il a ordonné que Rogers ne révèle que « le nom et l’adresse de [M. Untel], tels qu’ils figurent dans les dossiers de Rogers » (par. 17). Le juge des requêtes a ensuite examiné, puis accepté, l’argument de Rogers selon lequel elle avait le droit de recouvrer les coûts occasionnés pour se conformer à l’ordonnance. Il a expliqué que, bien que le régime législatif d’avis et avis réglemente le processus par lequel un avis de prétendue violation du droit d’auteur est donné tant à un FSI qu’à un abonné à Internet, et bien qu’il réglemente également la conservation d’un registre concernant cet avis, le régime ne réglemente pas la communication par le FSI de l’identité d’un abonné au titulaire du droit d’auteur. Pour obtenir une telle communication, le titulaire doit obtenir une ordonnance de type Norwich. De plus, en common law, le FSI a le droit de recouvrer les coûts raisonnables occasionnés pour se conformer à l’ordonnance.
[11] Alors qu’il examinait ce qu’avait, dans les faits, réclamé Rogers — le tarif horaire de 100 $, TVH en sus — le juge des requêtes a conclu que « [l]es droits sont ce qu’ils sont », et il a statué que Voltage devait les payer avant que lui soient communiqués le nom et l’adresse de M. Untel (par. 21). Il a aussi conclu que Rogers ne devrait pas avoir besoin de plus qu’une heure pour se conformer à l’ordonnance, et il a estimé que Voltage serait tenue de rembourser environ 113 $ (TVH incluse) à Rogers. Il a également statué que Rogers avait droit aux dépens à l’égard de la requête, qu’il a fixés à 500 $.
(2) Cour d’appel fédérale, 2017 CAF 97 — le juge Stratas, avec l’accord des juges Gleason et Woods
[12] La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel de Voltage. L’issue de l’appel portait sur l’interprétation du régime législatif d’avis et avis. La cour a conclu que le régime avait pour objet de « réduire les complications et répondre à un grand nombre des questions qui peuvent survenir lorsqu’on demande une ordonnance de type Norwich » (par. 21), ainsi que de « prot[éger] et fai[re] valoir les droits des titulaires du droit d’auteur » (par. 22). Le régime doit donc être interprété « comme autorisant les titulaires du droit d’auteur à protéger et à faire valoir leurs droits aussi rapidement, facilement et efficacement que possible, tout en assurant un juste traitement de tous » (par. 27).
[13] La Cour d’appel fédérale a dégagé diverses obligations du par. 41.26(1) — tant expresses qu’implicites — dont un FSI doit s’acquitter dans le cadre du régime. Premièrement, l’alinéa 41.26(1) a) exige expressément que le FSI transmette l’avis de prétendue violation du droit d’auteur à la personne à qui appartient l’emplacement électronique précisé dans l’avis. Cette obligation, ainsi que les objets généraux du régime, a toutefois pour corollaire implicite un ensemble d’obligations exigeant que le FSI « conserve les renseignements d’une manière lui permettant d’identifier les présumés contrefacteurs rapidement et efficacement »; « cherch[e] et rep[ère] les renseignements pertinents »; « analys[e] les renseignements pour être convaincu d’avoir correctement identifié les présumés contrefacteurs »; et entreprenne des vérifications, « puisque le [FSI] doit procéder à des vérifications pour [en] assurer l’exactitude » (motifs de la C.A., par. 34 et 35).
[14] Deuxièmement, l’al. 41.26(1) a) exige expressément que le FSI avise le titulaire du droit d’auteur qu’il a transmis l’avis ou qu’il explique pourquoi il n’a pas pu le faire.
[15] La troisième obligation expresse d’un FSI, décrite à l’al. 41.26(1) b), consiste à « conserver [. . .] un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique ». La Cour d’appel fédérale a conclu que le « registre » était celui que le FSI utilise pour identifier une personne en application de l’al. 41.26(1) a) afin d’envoyer l’avis. En outre, elle a conclu que ce registre devait être conservé d’une manière et sous une forme utilisable « par les personnes qui utiliseront le registre » (par. 37), à savoir les titulaires de droits d’auteur et les tribunaux, pour identifier la personne ayant reçu l’avis. Si le registre ne peut être utilisé, le FSI est tenu de le « tradui[re] ou modifi[er] » pour qu’il soit utilisable dans le cadre de ses obligations découlant de l’al. 41.26(1) b) (motifs de la C.A., par. 39).
[16] La Cour d’appel fédérale a convenu avec le juge des requêtes que l’absence de règlement prescrivant le montant maximal des droits empêche Rogers d’exiger des droits pour s’acquitter de ses obligations prévues par la loi. Elle a également convenu que le régime législatif d’avis et avis ne régit pas la communication de l’identité d’une personne à partir du registre d’un FSI. Il s’ensuit que le titulaire du droit d’auteur qui cherche à faire divulguer, par un FSI, l’identité d’une personne doit obtenir une ordonnance de type Norwich et qu’un FSI peut exiger des droits pour les « coûts réels, raisonnables et nécessaires associés à l’acte de divulgation » (motifs de la C.A., par. 61). Cependant, une fois qu’un FSI s’acquitte de ses obligations légales sans indemnisation dans le cadre du régime d’avis et avis, la communication en tant que telle est une démarche simple : « [t]out ce qu’il reste, c’est la remise ou la transmission électronique de ces renseignements par le [FSI] au titulaire du droit d’auteur et la participation du [FSI] dans l’obtention d’une ordonnance de divulgation de la Cour » (motifs de la C.A., par. 62). En conséquence, les coûts associés seront probablement négligeables.
[17] La Cour d’appel fédérale a conclu que Rogers semblait s’être acquittée de ses obligations dans le cadre du régime d’avis et avis mais, en réponse à la demande de communication de Voltage, qu’elle avait « refait une partie de son travail [. . .] afin de vérifier le travail fait antérieurement et d’en assurer l’exactitude » (par. 67). Les droits de 100 $ l’heure exigés par Rogers « se fond[aient] principalement sur le coût de ce travail additionnel » (par. 67). Le juge des requêtes a donc commis une erreur en permettant à Rogers de facturer des travaux qu’elle était déjà tenue d’exécuter sous le régime d’avis et avis. Il a également commis une erreur en omettant d’apprécier le caractère raisonnable des droits exigés par Rogers et en concluant plutôt simplement que « [l]es droits sont ce qu’ils sont ». La cour a annulé l’ordonnance du juge des requêtes selon laquelle Rogers devait rembourser à Voltage les droits de 100 $ l’heure, TVH en sus, et, jugeant que la preuve au dossier était insuffisante pour établir les coûts réels, raisonnables et nécessaires occasionnés par la conformité à l’ordonnance et supportés par Rogers, elle a conclu que cette dernière n’avait droit à aucun remboursement. Pour le motif que les dépens doivent suivre l’issue de la cause, la Cour d’appel fédérale a annulé l’adjudication des dépens ordonnée par le juge des requêtes, et a plutôt ordonné à Rogers de payer les dépens en appel de Voltage ainsi que ses dépens en Cour fédérale.
III. Analyse
A. Introduction
[18] Formulée initialement comme une ordonnance de communication en equity (Norwich; Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N. [1998] 4 C.F. 439 (C.A.)), l’ordonnance de type Norwich est un type de communication préalable qui, notamment, permet au titulaire du droit d’identifier les auteurs de la faute (Alberta (Treasury Branches) c. Leahy, 2000 ABQB 575, 270 A.R. 1, par. 59, conf. par 2002 ABCA 101, 303 A.R. 63). Les éléments du test à respecter pour obtenir une ordonnance de type Norwich (qui sont parfois décrits comme des « facteurs » à examiner (Leahy (B.R.), par. 106)), ne sont pas contestés devant nous. Le titulaire du droit d’auteur doit démontrer ce qui suit :
a) [il existe à première vue] quelque chose à reprocher à l’auteur inconnu du tort;
b) la personne devant faire l’objet d’un interrogatoire préalable a quelque chose à voir avec la question en litige; elle n’est pas une simple spectatrice;
c) la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable est la seule source pratique de renseignements dont disposent les demandeurs;
d) la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable recevra une compensation raisonnable pour les débours occasionnés par son respect de l’ordonnance portant interrogatoire préalable, en sus de ses frais de justice;
e) l’intérêt public à la divulgation l’emporte sur l’attente légitime de respect de la vie privée. [Je souligne.]
(voir BMG Canada Inc. c. John Doe, 2005 CAF 193, [2005] 4 R.C.F. 81, par. 15 et 32, citant BMG Canada Inc. c. John Doe, 2004 CF 488, [2004] 3 R.C.F. 241, par 13; Voltage Pictures LLC c. Untel, 2015 CF 1364, par. 37 (CanLII); voir aussi Voltage Pictures LLC c. John Doe, 2014 CF 161, [2015] 2 R.C.F. 540, par. 45)
[19] Rogers et Voltage conviennent toutes les deux que le régime législatif d’avis et avis n’a pas écarté la nécessité pour le titulaire du droit d’auteur d’obtenir une ordonnance de type Norwich afin d’obliger un FSI à révéler l’identité d’une personne qui aurait commis une violation de droit d’auteur. Encore une fois, le présent pourvoi porte sur le lien entre les mesures que doit prendre le FSI pour se conformer à ce régime législatif et celles qu’il doit prendre pour se conformer à une ordonnance de type Norwich, ainsi que les répercussions de ce lien sur la capacité du FSI de recouvrer les coûts occasionnés pour se conformer à une telle ordonnance.
B. Interprétation du régime d’avis et avis
[20] L’interprétation législative consiste à dégager l’intention du Parlement en examinant, dans la présente affaire, les termes des art. 41.25 et 41.26 dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie et les objets de la Loi (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27).
(1) L’économie de la Loi
[21] La Loi énonce les droits des titulaires de droits d’auteur, les comportements qui violent ces droits ainsi que les recours civils et criminels pouvant être sollicités ou exercés en cas de violation de ces droits. La partie IV de la Loi, intitulée « Recours », décrit également les façons de procéder lorsque le titulaire du droit d’auteur allègue une violation et cherche à faire respecter les droits que la Loi lui confère. L’une de ces façons de procéder est exposée dans les dispositions du régime d’avis et avis, aux art. 41.25 et 41.26 .
(2) Les objets de la Loi
[22] Le régime d’avis et avis a été adopté dans le cadre de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, L.C. 2012, c. 20 , et vise deux objectifs complémentaires : (1) dissuader la violation en ligne du droit d’auteur; (2) établir un équilibre entre les droits des parties intéressées.
[23] Ce premier objectif — la dissuasion — ressort clairement du préambule de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur , qui énonce que le « gouvernement du Canada s’engage à améliorer la protection des oeuvres ou autres objets du droit d’auteur ». L’objectif est repris dans le sommaire de cette loi, qui précise que la Loi est modifiée pour « mettre à jour les droits et les mesures de protection dont bénéficient les titulaires du droit d’auteur [. . .] afin de mieux tenir compte des défis et des possibilités créés par Internet ». De même, la lettre de consultation envoyée par le gouvernement du Canada à des intervenants pour les inviter à présenter des observations sur la forme et le contenu de l’avis énonçait aussi que le régime d’avis et avis avait comme « objectif principal [. . .] de dissuader la violation du droit d’auteur » (d.a., p. 74). Plus particulièrement, en exigeant qu’un avis de prétendue violation soit envoyé à la personne associée à l’adresse IP à partir de laquelle le droit d’auteur aurait été violé, le régime vise à dissuader cette personne, ou d’autres utilisant l’adresse IP, de continuer à violer le droit d’auteur (voir Gouvernement du Canada, Bureau de la consommation, Le régime d’avis et avis (en ligne)).
[24] Toutefois, le régime d’avis et avis n’avait pas pour but d’établir un cadre exhaustif au moyen duquel les cas de violation en ligne du droit d’auteur pourraient être totalement éliminés. Comme l’a expliqué une représentante de Rogers devant le comité de la Chambre des communes qui examinait ce qui allait devenir la Loi sur la modernisation du droit d’auteur , « le processus d’avis et avis n’est pas une solution miracle; ce n’est que la première étape d’un processus permettant aux titulaires de droit de poursuivre ceux qui violeraient ces droits. [. . .] [Le titulaire du droit] peut ensuite s’en servir quand il décide de poursuivre le contrevenant allégué » (Chambre des communes, Comité législatif chargé du projet de loi C‑32, Témoignages, no 19, 3e sess., 40e lég., 22 mars 2011, p. 10). C’est pourquoi, comme je l’ai expliqué, le titulaire du droit d’auteur qui souhaite poursuivre une personne qui aurait violé son droit en ligne doit obtenir une ordonnance de type Norwich pour obliger le FSI à lui communiquer l’identité de cette personne. Le régime législatif d’avis et avis n’a pas écarté cette exigence; il fonctionne de concert avec elle. Cela est confirmé par l’al. 41.26(1) b), qui prévoit que le titulaire du droit d’auteur peut poursuivre une personne qui reçoit un avis dans le cadre du régime, et établit l’obligation du FSI de conserver le registre permettant d’identifier cette personne pendant une certaine période suivant la réception de cet avis.
[25] Le deuxième objectif des art. 41.25 et 41.26 est « d’établir un équilibre entre les intérêts de toutes les parties intéressées par le régime de droits d’auteur » (Débats de la Chambre des communes, vol. 146, no 31, 1re sess., 41e lég., 18 octobre 2011, p. 2107 (je souligne)). Il s’agit non seulement d’établir un équilibre entre les droits des titulaires de droits d’auteur et ceux des internautes qui peuvent porter atteinte à ces droits, mais aussi entre ceux‑ci et les intérêts des intermédiaires de l’Internet comme les FSI (voir la note explicative relative à la Loi sur la modernisation du droit d’auteur , Gazette du Canada, partie II, vol. 148, no 14, 2 juillet 2014, p. 2121‑2123; Comité législatif chargé du projet de loi C‑32, Témoignages, p. 1). Pour cette raison, un tel équilibre se présente de plusieurs façons à l’intérieur du régime d’avis et avis.
[26] Par exemple, le Parlement a cherché à établir un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits d’auteur et ceux des abonnés à Internet, respectivement, en choisissant un régime d’avis et avis plutôt qu’un régime « d’avis et de retrait » (voir Débats de la Chambre des communes, p. 2109, l’hon. James Moore). Le régime d’avis et de retrait qu’a établi aux États‑Unis la Digital Millennium Copyright Act (1998), 17 U.S.C. § 512, exige que les [traduction] « fournisseurs de services » en ligne, à la réception d’un avis de prétendue violation du droit d’auteur, prennent des mesures rapidement en supprimant ou en bloquant l’accès au contenu qui fait l’objet de la prétendue violation. Bien que ce soit évidemment un régime préférable du point de vue des titulaires de droits d’auteur, l’exigence de « retirer » a fait l’objet de critiques puisqu’elle mine la présomption d’innocence et limite inutilement la liberté d’expression (voir, par ex., Comments of Electronic Frontier Foundation before the U.S. Copyright Office, Library of Congress, In the Matter of Section 512 Study, document présenté par C. McSherry et K. Walsh (1er avril 2016) (en ligne), p. 9‑13; J. M. Urban, J. Karaganis et B. L. Schofield, Notice and Takedown in Everyday Practice (mars 2017) (en ligne), p. 116‑118; W. Seltzer, « Free Speech Unmoored in Copyright’s Safe Harbor : Chilling Effects of the DMCA on the First Amendment » (2010), 24 Harv. J. L. & Tech. 171). En revanche, le régime d’avis et avis permet que les avis de prétendue violation soient transmis (assurant ainsi le respect des droits des titulaires de droits d’auteur), tout en tenant compte des intérêts des abonnés à Internet grâce au maintien de la présomption d’innocence et en leur permettant de surveiller leur propre comportement (et, plus précisément, d’éviter la violation continue du droit d’auteur).
[27] Le Parlement a également cherché à établir un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits d’auteur et ceux des intermédiaires Internet comme les FSI. Bien que la plupart des dispositions de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur soient entrées en vigueur le 7 novembre 2012, l’entrée en vigueur des art. 41.25 et 41.26 a été reportée pour permettre aux parlementaires de consulter des intervenants au sujet de la mise en œuvre du régime d’avis et avis et de la possibilité de prendre des règlements d’application. Finalement, le Parlement a choisi d’adopter le régime d’avis et avis sans règlement, interdisant ainsi aux FSI d’exiger des droits pour se conformer à leurs obligations légales (TR/2014‑58 et note explicative, p. 2121‑2123). Cependant, les modifications à la Loi visaient également à « clarifier la responsabilité des fournisseurs de services Internet » envers les titulaires de droits d’auteur (Loi sur la modernisation du droit d’auteur , sommaire; voir aussi Comité législatif chargé du projet de loi C‑32, Témoignages, p. 1, Craig McTaggart). À cette fin, le Parlement a exonéré les FSI de toute responsabilité pour la violation du droit d’auteur commise par leurs abonnés à Internet (art. 31.1 de la Loi). Désormais, pour que la responsabilité du FSI soit engagée selon la Loi, il doit manquer à ses obligations légales dans le cadre du régime d’avis et avis, ou fournir un service « principalement en vue de faciliter l’accomplissement d’actes qui constituent une violation du droit d’auteur » (par. 27(2.3) et 41.26(3) et art. 31.1 ).
(3) Le sens ordinaire de l’article 41.26 à la lumière de l’économie et des objets de la Loi
[28] Compte tenu de l’économie et des objets de la Loi, quelle est l’interprétation ordinaire et grammaticale qu’il faut donner au libellé de l’art. 41.26 ? Ou, comme l’a écrit le juge Gonthier dans l’arrêt Lignes Aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Assoc. canadienne des pilotes de lignes aériennes, [1993] 3 R.C.S. 724, p. 735, quel est « le sens naturel qui se dégage de la simple lecture de [l’art. 41.26 ] »? (Voir aussi R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (6e éd. 2014), p. 30.)
[29] Rappelons que le par. 41.26(1) impose trois obligations expresses au FSI qui reçoit un avis de prétendue violation du droit d’auteur de la part du titulaire de ce droit : (1) « transmettre [. . .] par voie électronique une copie de l’avis à la personne à qui appartient l’emplacement électronique identifié par les données de localisation qui sont précisées dans l’avis » (al. 41.26(1) a)); (2) « informer [. . .] le [titulaire du droit d’auteur] de cette transmission ou [. . .] des raisons pour lesquelles elle n’a pas pu l’effectuer » (al. 41.26(1) a)); (3) « conserver [. . .] un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique » (al. 41.26(1) b)). Sur ce point, toutes les parties sont d’accord. Elles conviennent également que, selon le libellé du par. 41.26(2), étant donné que le ministre n’a pas, « par règlement, fix[é] le montant maximal des droits qui peuvent être exigés pour les actes prévus au paragraphe (1) [. . .], le montant [des] droits [qu’un FSI peut exiger] est nul » quant aux coûts engagés pour s’acquitter de ces trois obligations expresses. Le désaccord des parties, et aussi celui des tribunaux des juridictions inférieures, porte sur la question de savoir si ces obligations expresses comportent certaines obligations implicites, pour lesquelles un FSI ne peut pas recouvrer auprès du titulaire du droit d’auteur les coûts qu’il a engagés.
a) L’alinéa 41.26(1) a)
[30] Les deux premières obligations expresses d’un FSI (transmettre un avis au propriétaire de l’adresse IP et confirmer au titulaire du droit d’auteur qu’un tel avis a été transmis) sont prévues à l’al. 41.26(1) a) et doivent être exécutées « dès que possible ».
[31] Lorsqu’on examine le texte, le contexte et l’objet de l’al. 41.26(1) a), il devient rapidement et clairement évident que ces obligations ne se limitent pas à la transmission d’un avis et à la confirmation qu’il a été transmis. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale, les objectifs de la Loi — et, en fait, l’exigence voulant que le FSI s’acquitte de ces obligations « dès que possible » — seront minés s’il n’a pas pris les mesures lui permettant de faire son travail « rapidement et efficacement ». Mais à un niveau encore plus fondamental, les obligations de transmettre et de confirmer suggèrent des obligations implicites connexes, c’est‑à‑dire des mesures nécessaires pour que ces obligations légales expresses soient remplies. Premièrement, il est évident que, pour qu’un FSI puisse « transmettre [. . .] par voie électronique une copie de l’avis à la personne à qui appartient l’emplacement électronique », il doit avoir déterminé, aux fins de l’envoi de l’avis par voie électronique, à qui, dans ce cas, appartenait l’adresse IP. (Pour être clair, et comme je vais l’expliquer, cela n’exige pas que le FSI identifie cette personne par son nom. En l’espèce, par exemple, Rogers affirme avoir établi à qui appartenait l’adresse IP au moment des faits en mettant manuellement ou automatiquement en corrélation cette adresse IP avec l’adresse courriel qui appartient à son propriétaire.) Deuxièmement, le FSI doit également prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il a correctement établi l’identité de cette personne.
[32] Le fait que ces obligations implicites d’identification et de vérification font partie du fardeau du FSI aux termes de l’al. 41.26(1) a) ressort manifestement du libellé même de la disposition. Plus spécifiquement, l’al. 41.26(1) a) exige non seulement que le FSI transmette l’avis, mais aussi qu’il informe le titulaire du droit d’auteur « de cette transmission » (ou des raisons pour lesquelles la transmission a échoué). Sur le plan de la logique et du bon sens, le fonctionnement adéquat de cet aspect du régime d’avis et avis est fondé sur le fait que le FSI a établi avec exactitude à qui l’avis devait être transmis. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale, « [p]our que le régime [. . .] fonctionne, l’exactitude doit être garantie » (par. 35). Si le FSI était autorisé à confirmer que l’avis a été transmis correctement alors qu’il l’a transmis à la mauvaise personne, une telle confirmation serait, du point de vue du titulaire du droit d’auteur, peu fiable et donc dénuée de sens. Ni le FSI ni le titulaire du droit d’auteur ne sauraient jamais si l’avis est parvenu à la bonne personne, c’est‑à‑dire celle à qui appartient l’adresse IP identifiée dans l’avis.
[33] L’importance de l’exactitude est en outre mise en évidence par l’économie du régime d’avis et avis. Plus précisément, aux termes du par. 41.26(3), lorsque le FSI omet de transmettre correctement l’avis à la personne à qui appartient l’adresse IP en cause, il peut être tenu responsable envers le titulaire du droit d’auteur de dommages‑intérêts préétablis d’un montant d’au moins 5 000 $, mais d’au plus 10 000 $. Cette responsabilité légale se veut une affirmation claire de l’obligation du FSI selon laquelle, chaque fois qu’il reçoit un avis d’un titulaire de droit d’auteur, il doit s’assurer qu’il transmet cet avis à la bonne personne. De plus, si l’exactitude n’était pas jugée primordiale pour l’exécution par le FSI de ses obligations au titre de l’al. 41.26(1) a), l’équilibre que le Parlement a établi grâce à l’adoption du régime d’avis et avis serait rompu, puisque les titulaires de droits d’auteur seraient dépouillés de l’avantage que leur confère cet alinéa. Les FSI seraient exonérés de toute responsabilité envers les titulaires de droits d’auteur non seulement lorsqu’ils respectent leurs obligations légales dans le cadre du régime d’avis et avis, mais aussi lorsqu’ils omettent, dans les faits, de le faire.
[34] L’objectif dissuasif du régime d’avis et avis confirme également l’obligation du FSI d’établir correctement à qui appartenait l’adresse IP en cause au moment de la prétendue violation. Pour dissuader la violation en ligne du droit d’auteur, il faut aviser cette personne, parce que seule cette personne est capable de mettre fin à la violation continue en ligne du droit d’auteur.
[35] Je reconnais qu’il y aura probablement des cas où la personne qui reçoit un avis de prétendue violation du droit d’auteur n’aura pas, en fait, partagé illégalement en ligne du contenu protégé par droit d’auteur. Cela pourrait se produire, par exemple, lorsqu’une adresse IP, bien qu’elle soit enregistrée au nom de la personne qui reçoit un avis de violation, peut être utilisée par plusieurs personnes à un moment donné. Cependant, même dans de tels cas, l’exactitude est cruciale. Lorsque, par exemple, un parent ou un employeur reçoit un avis, il peut savoir ou être en mesure d’établir qui utilisait l’adresse IP au moment de la prétendue violation et pourrait prendre des mesures pour décourager la violation continue du droit d’auteur ou y mettre fin. De même, bien que les institutions ou les entreprises qui offrent un accès Internet au public ne sachent peut‑être pas précisément qui a utilisé leurs adresses IP pour partager illégalement en ligne des œuvres protégées par le droit d’auteur, elles peuvent, lorsqu’elles reçoivent un avis, prendre des mesures pour que leur compte Internet auprès du FSI soit protégé contre la violation en ligne du droit d’auteur à l’avenir.
[36] Que comporte donc précisément l’obligation implicite qui incombe au FSI d’établir correctement qui doit recevoir un avis au titre de l’al. 41.26(1) a)? Devant la Cour, Voltage a soutenu que le FSI doit établir le nom et l’adresse physique de la personne à qui l’avis est transmis afin de satisfaire à ses obligations aux termes de l’al. 41.26(1) a). Selon ses explications, cela découle du fait que le régime d’avis et avis est destiné à fonctionner parallèlement au processus des ordonnances de type Norwich. En outre, étant donné qu’une ordonnance de ce type, si elle est obtenue, oblige le FSI à communiquer le nom et l’adresse physique de la personne à qui a été envoyé l’avis dans le cadre du régime, Voltage affirme qu’il est simplement logique que ces détails soient d’abord établis au moment de la transmission de l’avis.
[37] Soit dit en tout respect, je ne peux souscrire à cette argumentation. L’alinéa 41.26(1) a) exige que le FSI établisse à qui appartient l’adresse IP uniquement afin de lui « transmettre [. . .] par voie électronique une copie de l’avis ». L’exigence de livraison électronique (par opposition à la livraison en mains propres) peut être satisfaite de diverses façons qui n’obligent pas le FSI à connaître le nom et l’adresse physique de la personne visée. Dans la présente affaire, par exemple, Rogers affirme qu’elle transmet l’avis par voie électronique au moyen d’un courriel. L’alinéa 41.26(1) a) exige donc que le FSI (1) établisse à qui appartient l’adresse IP précisée dans l’avis, afin d’en permettre la transmission par voie électronique à cette personne, et (2) vérifie l’exactitude de l’identité de cette personne, afin de faire en sorte que la personne qui reçoit l’avis est, en fait, la personne à qui appartient l’adresse IP précisée dans l’avis. Encore une fois, pour être clair, l’al. 41.26(1) a) n’exige pas que le FSI identifie cette personne par son nom ou son adresse physique, mais simplement qu’il établisse que cette personne est propriétaire de l’adresse IP en cause.
[38] Je fais remarquer que les mesures que doit prendre le FSI pour vérifier l’exactitude — c’est‑à‑dire pour vérifier qu’il a transmis l’avis à la bonne personne — peuvent dépendre de la méthode avec laquelle il transmet l’avis par voie électronique au titre de l’al. 41.26(1) a). Dans la présente affaire, par exemple, Rogers affirme que l’un des systèmes qu’elle utilise pour transmettre un avis par courriel met automatiquement en corrélation l’adresse IP en cause se trouvant dans l’avis du titulaire du droit d’auteur avec l’adresse courriel appartenant à la personne à qui appartenait cette adresse IP au moment de la prétendue violation. Ce système transmet ensuite l’avis du titulaire du droit d’auteur par courriel à cette personne et confirme au titulaire du droit d’auteur que l’avis a été transmis. Selon Rogers, rien n’indique que son système automatisé est imprécis. Toutefois, le système automatisé de Rogers n’est pas utilisé dans toutes les circonstances. Dans certains cas (y compris, semble‑t‑il, l’affaire dont nous sommes saisis), un employé de Rogers doit, à la réception de l’avis d’un titulaire de droit d’auteur, vérifier manuellement l’adresse courriel appartenant au propriétaire de l’adresse IP en cause. Compte tenu des différences entre ces deux systèmes, Rogers peut être tenue d’entreprendre diverses étapes de vérification lorsqu’elle doit utiliser son processus manuel, plutôt que son processus automatisé.
[39] Pour en revenir à ma conclusion selon laquelle le FSI n’est pas tenu d’établir le nom et l’adresse de la personne qui reçoit un avis au titre de l’al. 41.26(1) a), cette conception des obligations du FSI est renforcée par l’économie du régime d’avis et avis. En lisant l’al. 41.26(1) a) conjointement avec l’al. 41.26(1) b), qui exige qu’un FSI « conserve [. . .] un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique », il devient clair que l’al. 41.26(1) a) suppose que le FSI n’aura pas déjà établi l’identité spécifique d’une personne, p. ex. son nom et son adresse physique.
[40] De plus, le fait de considérer que l’al. 41.26(1) a) oblige le FSI à établir le nom et l’adresse physique de la personne à qui il transmet l’avis ne cadrerait pas avec l’objectif du régime d’avis et avis d’établir un équilibre entre les intérêts de tous les intervenants. Chaque mois, Rogers reçoit environ 200 000 à 300 000 avis de prétendues violations de droit d’auteur, et elle doit transmettre chacun d’eux conformément à l’al. 41.26(1) a). Seule une petite partie de ces avis donne ultimement lieu à des ordonnances de type Norwich exigeant que Rogers communique le nom et l’adresse physique d’une personne qui a reçu l’avis. La reconnaissance d’une exigence implicite à l’al. 41.26(1) a) selon laquelle Rogers devrait établir le nom et l’adresse physique des centaines de milliers de personnes à qui elle fait parvenir des avis chaque mois obligerait Rogers à entreprendre des travaux d’identification dans tous les cas, même si la grande majorité des avis envoyés n’aboutira jamais à une ordonnance de type Norwich. À mon avis, cela menacerait l’équilibre établi par le Parlement au sein du régime d’avis et avis entre les intérêts respectifs des FSI et des titulaires de droits d’auteur.
[41] Il ne faut pas oublier que le fait qu’une personne soit associée à une adresse IP qui fait l’objet d’un avis au titre de l’al. 41.26(1) a) ne permet pas de conclure à sa culpabilité. Comme je l’ai expliqué, il est possible que la personne à qui appartenait une adresse IP au moment de la prétendue violation ne soit pas celle qui a partagé en ligne du contenu protégé par le droit d’auteur. Il est également possible qu’une erreur de la part du titulaire du droit d’auteur entraîne l’identification incorrecte d’une adresse IP comme étant la source de la violation en ligne du droit d’auteur. En conséquence, exiger d’un FSI qu’il identifie par son nom et son adresse physique la personne à qui appartient l’adresse IP pertinente modifierait non seulement l’équilibre qu’a établi le Parlement en adoptant le régime d’avis et avis, mais le ferait au détriment des droits relatifs à la vie privée des personnes, y compris les personnes innocentes, qui reçoivent un avis.
b) L’alinéa 41.26(1) b)
[42] La troisième obligation expresse du FSI dans le cadre du régime d’avis et avis — soit de conserver un registre « permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique » — se trouve à l’al. 41.26(1) b). La Cour d’appel fédérale a conclu que cette obligation expresse comportait l’obligation implicite de conserver ce registre d’une manière et sous une forme qui permettra l’identification « par les personnes qui utiliseront le registre », soit « le titulaire du droit d’auteur [qui] doit pouvoir connaître l’identité des présumés contrefacteurs, pour décider ce qu’il doit faire », et le « tribunal [qui] devra également connaître l’identité des présumés contrefacteurs de façon à pouvoir trancher les questions de la violation du droit d’auteur et des redressements » (par. 37). Dans la mesure où le registre se présente « d’une manière que le [FSI] peut utiliser pour identifier les présumés contrefacteurs, mais non d’une manière que les titulaires du droit d’auteur et les tribunaux peuvent utiliser », la Cour d’appel fédérale a statué que le FSI doit convertir le registre et « doit effectuer ce travail au titre de ses obligations aux termes de l’alinéa 41.26(1) b) » (par. 39).
[43] En toute déférence, je suis en désaccord avec cette conclusion. L’alinéa 41.26(1) b) n’exige pas que le FSI communique effectivement le registre auquel fait référence la disposition. Autrement dit, l’al. 41.26(1) b) ne prévoit pas qu’une personne autre que le FSI aura accès à son registre ou l’utilisera. À tout le moins, il ne découle pas du texte législatif que le registre (auquel n’ont pas accès les titulaires de droits d’auteur et les tribunaux) doive être conservé dans un format lisible qui permettrait aux titulaires de droits d’auteur et aux tribunaux d’établir l’identité d’une personne à partir de ce registre. Certes, l’on pourrait soutenir que l’al. 41.26(1) b) laisse cette question en suspens, car bien qu’il fasse référence à « un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique », il ne précise pas par qui. Toutefois, en l’absence d’un mécanisme de communication, la meilleure interprétation à mon avis est que l’al. 41.26(1) b) fait référence à une « identifi[cation] » par le FSI.
[44] Ce point de vue est étayé par l’exigence de l’al. 41.26(1) b) selon laquelle le FSI doit « conserver » un registre permettant l’identification. Le verbe « conserver » suggère quelque chose qui existe déjà, c’est‑à‑dire [traduction] « maintenir, au lieu d’écarter ou d’enlever; préserver » ou « garder fixé dans un lieu ou une position » (The Oxford English Dictionary (2e éd. 1989), p. 768‑769). La conservation suppose donc la préservation du registre, et non l’acte ultérieur de « traduire les renseignements [. . .] d’une manière permettant [. . .] aux titulaires du droit d’auteur et par la suite aux tribunaux [de] les utilise[r] » (motifs de la C.A., par. 40). Même si le FSI, se contentant de conserver le registre sans traduction ultérieure (en convertissant son registre dans un nouveau format ou en compilant les renseignements dans un nouveau type de document), pourrait bien empêcher les titulaires de droits d’auteur et les tribunaux de l’utiliser pour établir le nom et l’adresse physique d’une personne, cela n’empêcherait généralement pas le FSI de le faire.
[45] Cette interprétation s’inscrit également dans l’économie générale du régime d’avis et avis, dans le cadre de laquelle l’objectif dissuasif est visé. Comme je l’ai mentionné, lorsqu’il a adopté le régime d’avis et avis, le Parlement savait que celui‑ci n’était qu’une première étape dans la dissuasion de la violation en ligne du droit d’auteur, et que le titulaire du droit d’auteur qui souhaitait poursuivre une personne qui aurait violé son droit serait toujours tenu d’obtenir une ordonnance de type Norwich pour l’identifier. Une ordonnance de type Norwich exigeant que le FSI, à partir de son registre, établisse et communique le nom et l’adresse physique de la personne qui aurait violé le droit d’auteur ne sera pas satisfaite si le FSI communique simplement des renseignements qui se présentent sous une forme inutilisable pour le titulaire du droit d’auteur ou le tribunal; les FSI assujettis à des ordonnances de type Norwich doivent plutôt établir et communiquer, à partir de leur registre, le nom et l’adresse physique des personnes qui auraient violé un droit d’auteur (Voltage Pictures LLC c. Untel, 2011 CF 1024; Voltage Pictures (2014)).
[46] Enfin, j’insiste sur le fait que l’al. 41.26(1) b), comme l’al. 41.26(1) a), exige implicitement que le FSI conserve un registre qui lui permette d’identifier correctement la personne à qui appartenait l’adresse IP en cause. Je suis d’accord avec la Cour d’appel fédérale pour dire que le régime d’avis et avis devrait être interprété « comme autorisant les titulaires du droit d’auteur à protéger et à faire valoir leurs droits aussi rapidement, facilement et efficacement que possible, tout en assurant un juste traitement de tous ». L’identification inexacte par le FSI, ainsi que le retard qui s’ensuivrait, compromettrait la revendication en temps utile des droits d’auteur. En effet, compte tenu de la rapidité avec laquelle le contenu protégé par le droit d’auteur est partagé par téléchargement et téléversement simultanés sur des réseaux poste à poste, une identification inexacte pourrait vider complètement ces droits de leur substance. L’alinéa 41.26(1) b) a pour objectif de permettre l’identification lorsque le FSI est tenu de le faire aux termes d’une ordonnance judiciaire. Il est donc de la plus haute importance que le FSI conserve son registre d’une manière et sous une forme qui préserve son exactitude afin d’assurer que l’identification se fasse rapidement.
c) Conclusion relative au paragraphe 41.26(1)
[47] En bref, les trois obligations expresses énoncées aux al. 41.26(1) a) et b) comportent plusieurs obligations implicites dont le FSI doit s’acquitter dans le cadre du régime d’avis et avis. Plus précisément, l’al. 41.26(1) a) exige que le FSI établisse, aux fins de la transmission d’un avis par voie électronique, l’identité de la personne à qui appartenait l’adresse IP. Il exige également que le FSI prenne toutes les mesures nécessaires pour vérifier qu’il l’a fait correctement, sous peine de voir sa responsabilité légale engagée s’il ne transmet pas l’avis à cette personne. Il n’exige pas, toutefois, que le FSI établisse le nom et l’adresse physique de cette personne.
[48] De même, le registre que le FSI doit conserver aux termes de l’al. 41.26(1) b) doit être exact. Toute mesure nécessaire pour la vérification de l’exactitude de ce registre fait donc partie des obligations du FSI au titre de l’al. 41.26(1) b). Cela dit, bien que ce registre doive être conservé sous une forme et d’une manière permettant à un FSI d’établir le nom et l’adresse de la personne à qui l’avis est transmis aux termes de l’al. 41.26(1) a), l’al. 41.26(1) b) n’exige pas qu’il soit conservé sous une forme et d’une manière qui permettrait à un titulaire de droit d’auteur ou à un tribunal de le faire. Le titulaire du droit d’auteur serait toutefois autorisé à recevoir ces renseignements du FSI aux termes d’une ordonnance de type Norwich, dont le processus, comme je l’ai déjà dit, ne relève pas des obligations du FSI dans le cadre du régime d’avis et avis.
d) Le paragraphe 41.26(2)
[49] Comme je l’ai expliqué, étant donné que le ministre n’a pas fixé, par règlement, de montant maximal des droits, le par. 41.26(2) interdit au FSI d’exiger des droits pour s’acquitter de ses obligations expresses en matière d’avis et avis prévues par la loi. Mais qu’en est‑il des obligations implicites d’identification et de vérification du FSI dans le cadre du régime d’avis et avis? Le FSI peut‑il recouvrer les coûts occasionnés pour se conformer à une ordonnance de type Norwich si les mesures qu’il dit devoir prendre pour ce faire chevauchent, par exemple, son obligation implicite au titre de l’art. 41.26 de vérifier l’exactitude du registre?
[50] Voltage fait valoir que, lorsque de telles obligations légales implicites chevauchent les mesures que le FSI dit devoir prendre pour se conformer à une ordonnance de type Norwich, celui‑ci n’a pas le droit de recouvrer les coûts de ces mesures. Rogers souligne toutefois que les titulaires de droits d’auteur ont toujours été tenus, en common law, d’indemniser le FSI pour les [traduction] « coûts raisonnables occasionnés pour se conformer » à une ordonnance de type Norwich (Voltage Pictures (2014)). Selon Rogers, pour que le Parlement soit considéré comme ayant eu l’intention d’écarter cette règle de common law, il doit l’avoir fait expressément et « de façon incontestablement claire » (Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157, par. 39, citant Goodyear Tire & Rubber Co. of Canada c. T. Eaton Co., [1956] R.C.S. 610, p. 614; Canada (Procureur général) c. Thouin, 2017 CSC 46, [2017] 2 R.C.S. 184, par. 19).
[51] À mon avis, l’argument de Voltage devrait l’emporter sur ce point. En l’absence d’un règlement fixant le montant maximal des droits, le par. 41.26(2) interdit au FSI d’exiger des droits pour l’exécution de l’une ou l’autre de ses obligations découlant du régime d’avis et avis. À mon avis, ces obligations comprennent implicitement (1) l’identification, aux fins de la transmission de l’avis par voie électronique, de la personne à qui appartenait l’adresse IP en cause au moment de la prétendue violation; (2) la prise de toutes les mesures nécessaires pour vérifier que le FSI l’a fait correctement; et (3) la prise de toutes les mesures nécessaires pour vérifier l’exactitude du registre permettant au FSI d’établir le nom et l’adresse physique de la personne à qui l’avis a été transmis. Ces obligations découlent d’abord du par. 41.26(1) — c’est‑à‑dire avant les obligations du FSI résultant d’une ordonnance de type Norwich. Il s’ensuit qu’un FSI ne devrait pas être autorisé à recouvrer le coût des mesures prises pour l’exécution de l’une ou l’autre des obligations, expresses ou implicites, qui ont déjà pris naissance sous le par. 41.26(1) lorsqu’il les prend seulement après avoir reçu signification d’une ordonnance de type Norwich. Accepter l’argument contraire de Rogers minerait la répartition du fardeau financier qu’a établie le Parlement puisque cela aurait pour effet d’imposer aux titulaires de droits d’auteur une obligation qui a été spécifiquement attribuée, par l’opération conjointe des par. 41.26(1) et 41.26(2) , aux FSI.
[52] Pour être clair, il existe une distinction entre l’obligation du FSI dans le cadre du régime d’avis et avis d’assurer l’exactitude de son registre permettant d’identifier le propriétaire d’une adresse IP, et son obligation, aux termes d’une ordonnance de type Norwich, d’identifier effectivement une personne à partir de son registre. Alors que les coûts de cette dernière sont recouvrables, les coûts de la première obligation ne le sont pas. Toutefois, lorsque les mesures que le FSI dit devoir prendre pour vérifier l’identité d’une personne en réponse à une ordonnance de type Norwich impliquent, dans les faits, la vérification de l’exactitude du registre même qu’il était tenu de conserver aux termes du par. 41.26(1) , le FSI ne peut recouvrer les coûts qui en découlent.
[53] Enfin, il convient de mentionner que le FSI ne peut être indemnisé pour chacun des coûts qu’il supporte en vue de se conformer à une ordonnance de type Norwich (Voltage Pictures (2015)). Les coûts recouvrables doivent (1) être raisonnables et (2) découler de la conformité à l’ordonnance de type Norwich. Lorsque les coûts auraient dû être supportés par le FSI dans l’exécution de ses obligations légales aux termes du par. 41.26(1) , ces coûts ne peuvent être considérés comme raisonnables ou comme découlant de la conformité à une ordonnance de type Norwich.
C. Application
[54] Je vais maintenant examiner l’ordonnance du juge des requêtes, selon laquelle Rogers a droit au remboursement de ses coûts raisonnables de 100 $ l’heure, TVH en sus, et la décision de la Cour d’appel fédérale de l’annuler. Le juge des requêtes a conclu à juste titre que le régime d’avis et avis exigeait que les FSI assument les coûts de l’exécution de leurs obligations légales. Il a également conclu, cependant, que, dans le cadre du régime, « [u]n FSI [. . .] est seulement tenu de faire deux choses » : (1) transmettre un avis aux termes de l’al. 41.26(1) a); et (2) conserver un registre aux termes de l’al. 41.26(1) b) (par. 11). Il a ensuite conclu que les droits de 100 $ l’heure, TVH en sus, proposé par Rogers pour les mesures prises en vue de se conformer à une ordonnance de type Norwich « sont ce qu’ils sont », et que Voltage devrait rembourser Rogers à ce taux si elle souhaitait obtenir l’identité de M. Untel. Nulle part dans ses motifs le juge des requêtes n’a examiné les mesures qui, selon Rogers, étaient nécessaires pour qu’elle se conforme à l’ordonnance de type Norwich. Plus précisément, le juge des requêtes ne s’est pas demandé si Rogers aurait dû avoir déjà pris l’une ou l’autre de ces mesures pour se conformer à ses obligations dans le cadre du régime d’avis et avis.
[55] Étant donné l’interdiction légale relative au recouvrement des coûts découlant du régime d’avis et avis, les juges des requêtes devraient examiner attentivement la preuve du FSI afin de décider si les droits qu’il propose sont « raisonnables », à la lumière des obligations qui lui incombent dans le cadre du régime d’avis et avis. Selon la preuve en l’espèce, par exemple, Rogers entreprend un processus manuel en huit étapes lorsqu’un tribunal lui ordonne de communiquer l’identité d’un de ses abonnés. Ces huit étapes, telles qu’elles ont été décrites par un employé de Rogers, sont les suivantes :
1. [traduction] La demande est enregistrée par un analyste de la sécurité. L’analyste saisit dans une base de données la date, l’heure, les renseignements demandés, les services touchés, la date d’échéance et l’information sur le demandeur;
2. Dans le cas d’une recherche d’adresse IP, lorsque l’entrée du journal s’inscrit dans la file d’attente du travail à traiter, un deuxième analyste de la sécurité compare l’adresse IP à une ressource Internet afin de s’assurer qu’il s’agit bien d’une adresse IP de Rogers Cable;
3. L’analyste de la sécurité chargé de traiter la demande recherche l’adresse IP dans une base de données Rogers qui enregistre tous les utilisateurs d’une adresse IP donnée au cours des 12 derniers mois (environ). La requête est limitée à des paramètres de date et d’heure précis afin d’identifier un modem précis;
4. L’information d’identification du modem est comparée à une liste de modems en double, afin de vérifier si le modem a été cloné;
5. Le modem est recherché dans la base de données des clients de Rogers. Trois vérifications distinctes sont ensuite effectuées pour s’assurer que l’identification du client est exacte;
6. Des captures d’écran des renseignements générés aux étapes 2 à 5 sont sauvegardées dans un fichier en tant que dossier justificatif;
7. L’analyste de la sécurité crée un document contenant les résultats demandés et consigne la date d’achèvement;
8. Un enquêteur du groupe [responsable de l’accès légal] examine les captures d’écran et le document de résultats. Si l’enquêteur est satisfait du résultat, celui‑ci est transmis aux parties requérantes. L’enquêteur consigne sa participation au processus, puis ferme le dossier.
(d.a., p. 120)
[56] À mon humble avis, le juge des requêtes a commis une erreur de droit en omettant de déterminer la pleine portée des obligations du FSI aux termes du par. 41.26(1) , puis en omettant de se demander si l’une ou l’autre de ces huit étapes chevauche les obligations légales de Rogers pour lesquelles elle n’avait pas droit à un remboursement. La Cour d’appel fédérale a donc annulé à juste titre l’ordonnance du juge des requêtes. Cela dit, je ne suis pas d’accord avec la décision de la Cour d’appel fédérale selon laquelle les coûts que Rogers peut recouvrer en raison de sa conformité à l’ordonnance de type Norwich se limitent à ceux engagés à l’égard de la communication en tant que telle — bien que je convienne que Rogers a le droit de recouvrer ces coûts. Comme je l’ai expliqué, le régime législatif d’avis et avis, à mon sens, n’exige pas que le FSI tienne un registre d’une manière ou sous une forme qui permettrait aux titulaires de droits d’auteur ou à un tribunal de discerner l’identité et l’adresse physique de la personne à qui l’avis a été envoyé. En réponse à une ordonnance de type Norwich l’obligeant à fournir de tels renseignements (ou d’autres renseignements à l’appui), le FSI a donc droit aux coûts raisonnables des mesures nécessaires pour discerner l’identité d’une personne à partir du registre exact conservé au titre de l’al. 41.26(1) b). Bien que ces coûts, même combinés, puissent être minimes, je ne présume pas qu’ils seront toujours « négligeables », comme le prévoit la Cour d’appel fédérale.
[57] Je suis toutefois d’accord avec la Cour d’appel fédérale pour dire que, selon la preuve au dossier, il est impossible de déterminer les coûts raisonnables occasionnés par Rogers pour se conformer à l’ordonnance dans la présente affaire. Comme il a déjà été mentionné, dans la mesure où le juge des requêtes a évalué les droits exigés par Rogers, cette évaluation n’a pas été entreprise en tenant compte de l’art. 41.26 , dûment interprété. Dans les circonstances, qui comprennent les questions nouvelles et épineuses relatives à l’interprétation législative que soulève le présent pourvoi, je retournerais cette question au juge des requêtes afin de permettre à Rogers de prouver les coûts raisonnables occasionnés pour se conformer à l’ordonnance de type Norwich. Et, compte tenu de ces mêmes circonstances, Rogers devrait avoir le droit de présenter de nouveaux éléments de preuve pour prouver ces coûts.
IV. Conclusion
[58] Par conséquent, j’accueillerais le pourvoi de Rogers. Celle‑ci a droit aux coûts raisonnables occasionnés pour se conformer à l’ordonnance de type Norwich. La question du montant auquel a droit Rogers est renvoyée au juge des requêtes à la Cour fédérale pour qu’elle soit tranchée conformément à l’interprétation que donne la Cour aux art. 41.25 et 41.26 de la Loi.
[59] En ce qui a trait aux dépens, l’ordonnance de type Norwich comporte la condition préalable que le FSI a droit aux dépens raisonnables qu’il a encourus dans le cadre de l’instance relative à l’ordonnance de type Norwich (BMG Canada Inc. (C.A.), par. 15 et 35). Je rétablirais donc l’ordonnance du juge des requêtes qui octroyait à Rogers des dépens de 500 $. Toutefois, à la lumière des circonstances inhabituelles du présent pourvoi que j’ai déjà décrites, de même que du succès mitigé tout au long de la présente affaire, j’ordonnerais que les parties supportent leurs propres dépens devant la Cour et devant la Cour d’appel fédérale (voir Cartier International AG c. British Telecommunications plc, [2018] UKSC 28, [2018] 1 W.L.R. 3259, par. 38).
Version française des motifs rendus par
La juge Côté —
I. Aperçu
[60] Je suis d’avis qu’il y a lieu d’accueillir le pourvoi. La Cour d’appel (2017 CAF 97) a commis une erreur en imposant aux fournisseurs de services Internet (« FSI ») une série d’obligations implicites qui ne peuvent ni ne doivent être considérées comme découlant de la loi, particulièrement à la lumière de la présomption voulant que les changements à la common law nécessitent une « expression de volonté claire et non équivoque du législateur » (Canada (Procureur général) c. Thouin, 2017 CSC 46, [2017] 2 R.C.S. 184, par. 19). Le juge Brown écarte à juste titre de nombreux aspects de cette analyse de la Cour d’appel.
[61] J’irais cependant plus loin que mon collègue le juge Brown. À mon avis, aucune des huit étapes suivies par Rogers Communications Inc. en réponse à une ordonnance de type Norwich n’est supplantée par le régime législatif d’avis et avis (Norwich Pharmacal Co. c. Customs and Excise Commissioners, [1974] A.C. 133 (C.L.)). Je suis aussi en désaccord avec la proposition voulant que toute obligation implicite découlant du par. 41.26(1) de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, c. C‑42 , empêche catégoriquement un FSI de vérifier certains éléments de son registre au moment où il reçoit l’ordonnance de type Norwich et de demander une indemnisation pour ces travaux. Si l’on suppose que le processus en huit étapes de Rogers est par ailleurs raisonnable, une conclusion que le juge des requêtes ne semble pas avoir tirée en première instance (2016 CF 881), Rogers a droit à la pleine indemnisation pour les étapes qu’elle suit afin d’identifier un titulaire de compte et de communiquer son identité au titulaire du droit d’auteur.
II. Analyse
[62] Dans le contexte du présent pourvoi, le régime d’avis et avis impose aux FSI deux séries d’obligations statutaires, et aucune de celles‑ci ne peut, présentement, faire l’objet d’une indemnisation. Premièrement, conformément à l’al. 41.26(1) a), le FSI doit transmettre par voie électronique un avis de la prétendue violation du droit d’auteur à la personne à qui appartient l’emplacement électronique identifié par les données de localisation fournies par le titulaire du droit d’auteur, et ensuite informer ce dernier de la transmission avec succès ou non de l’avis en question. Deuxièmement, conformément à l’al. 41.26(1) b), le FSI doit « conserver [. . .] un registre permettant d’identifier [cette] personne ». Ensemble, ces dispositions indiquent clairement que le FSI n’est pas tenu d’établir l’identité de la personne qui aurait violé le droit d’auteur. En outre, comme le conclut le juge Brown, il n’existe aucune obligation de conserver ce registre d’une manière particulière ou sous une forme particulière (par. 43 à 46). En conséquence, le travail nécessaire pour établir l’identité de la personne qui aurait violé le droit d’auteur et pour communiquer cette identité conformément à une ordonnance de type Norwich n’est pas inclus dans le régime d’avis et avis, et peut donc faire l’objet d’une indemnisation en application de la common law. Je suis d’accord avec les juges majoritaires sur ce point. Mais de quelle façon une telle interprétation s’applique‑t‑elle à Rogers?
[63] Rogers, en tant que l’un des plus importants FSI au Canada, reçoit plus de deux millions de demandes relatives à des avis de violation par année, ce qui représente plus de 5000 par jour. En raison de ce volume élevé, Rogers traite ces demandes au moyen d’une plateforme automatisée. Le titulaire du droit d’auteur soumet une demande à la plateforme par le biais d’un portail électronique et fournit les renseignements quant à l’adresse de protocole Internet (« IP ») de la personne qui aurait violé le droit d’auteur. La plateforme envoie ensuite automatiquement un avis de violation à l’adresse courriel du titulaire de compte Rogers associé à l’adresse IP indiquée. Pour reprendre l’exemple utilisé par mon collègue le juge Gascon lors de l’audience, la plateforme peut envoyer automatiquement un avis de violation à l’adresse « gohabsgo@gmail.com » s’il s’agit de l’adresse courriel associée à l’adresse IP indiquée selon le système électronique de Rogers. Toutefois, à aucun moment Rogers n’identifie-t-elle la personne qui aurait violé le droit d’auteur — soit le propriétaire du compte de courriel « gohabsgo@gmail.com » — en réponse à une demande dans le cadre du régime d’avis et avis, et ne donne encore moins son adresse physique ou d’autres renseignements permettant de l’identifier. Rogers soutient que ce processus est conforme à ses obligations statutaires prévues à l’al. 41.26(1) a), et Voltage ne semble pas contester ce point.
[64] En revanche, Rogers reçoit chaque année entre 1500 et 3000 demandes de recherche du même type que celles qu’a présentées Voltage (ordonnances de type Norwich). Elle répond à ces demandes manuellement au moyen d’un processus auquel participent de multiples employés et qui comporte des recherches dans diverses bases de données. Elle n’a pas recours à un système automatisé parce que le nombre de demandes est relativement peu élevé et le coût d’une erreur — c’est‑à‑dire communiquer incorrectement les renseignements personnels d’un titulaire de compte à un tiers, et assujettir par erreur ce titulaire à la signification de procédures judiciaires — est relativement élevé. Rogers soutient aussi que ce processus ne peut tout simplement pas être automatisé. Contrairement aux demandes dans le cadre du régime d’avis et avis, qui sont habituellement soumises dans des documents électroniques formatés de façon identique par des titulaires de droit d’auteur qui se sont enregistrés auprès de Rogers, les ordonnances judiciaires doivent être examinées manuellement afin de vérifier leur légitimité et de déterminer la nature précise des renseignements demandés.
[65] Selon le juge Brown, le régime d’avis et avis impose à Rogers l’obligation implicite d’établir avec exactitude à qui l’avis automatisé doit être envoyé conformément à l’al. 41.26(1) a) (par. 32). En outre, il établit une distinction entre « assurer l’exactitude d[u] [. . .] registre permettant d’identifier le propriétaire d’une adresse IP » (une obligation pour laquelle le FSI ne peut être indemnisé) et « vérifier l’identité d’une personne en réponse à une ordonnance de type Norwich » (une obligation pour laquelle le FSI peut être indemnisé), sur le fondement d’une autre obligation implicite (par. 52). Il demande ensuite au juge des requêtes de réévaluer le processus suivi par Rogers à la lumière de cette interprétation.
[66] À mon avis, l’ensemble du processus en huit étapes de Rogers fait partie de cette deuxième catégorie. Rogers n’effectue pas « dans les faits, la vérification de l’exactitude du registre même qu’[elle] était tenu[e] de conserver aux termes du par. 41.26(1) » (motifs du juge Brown, par. 52); elle établit et vérifie l’identité de la personne (qu’elle ne connaît pas déjà) en fonction de ce registre. Elle le fait en répertoriant la demande, en vérifiant s’il s’agit d’un compte Rogers, en faisant des recherches dans d’autres bases de données (comme la liste des modems en double et la base de données sur les clients), et en faisant des captures d’écran des résultats pour qu’un autre employé puisse les examiner. Ceci constitue un moyen exhaustif et rigoureux d’identifier avec exactitude la personne associée à l’adresse IP fournie par le titulaire du droit d’auteur. Ce processus tient pour acquis que Rogers a bien envoyé un avis automatisé de violation (si un tel avis a été demandé) à l’adresse courriel qui est associée dans son système à l’adresse IP fournie par le titulaire du droit d’auteur. Ce processus établit simplement des corrélations entre des registres ainsi que des renvois à divers autres registres afin d’assurer que le titulaire du compte est identifié correctement. Le fait que Rogers puisse avoir déjà déterminé l’adresse courriel de la personne grâce à sa plateforme automatisée ne rend pas répétitive ou redondante l’une ou l’autre des huit étapes du processus, notamment parce que le titulaire du droit d’auteur n’est pas tenu de passer par la plateforme du régime d’avis et avis avant de soumettre une demande d’ordonnance de type Norwich. Le juge des requêtes pourrait toujours adopter cette interprétation de la loi une fois que Rogers aura eu l’occasion de présenter de nouveaux éléments de preuve sur ces points.
[67] Mais, subsidiairement, même si certaines étapes du processus de Rogers relatif aux ordonnances de type Norwich pouvaient être qualifiées de « vérifications » des renseignements ou registres préexistants, je dois avec égards rejeter la conclusion du juge Brown selon laquelle Rogers ne devrait pas pouvoir demander une indemnisation sur le fondement de toute obligation implicite qui découlerait du par. 41.26(1) .
[68] Tout d’abord, les renseignements relatifs aux clients, y compris les adresses physiques, les adresses électroniques et les numéros de téléphone, peuvent changer au fil du temps; une ordonnance de type Norwich peut être reçue bien après l’envoi initial de l’avis automatisé de violation au titulaire de compte. Il demeure nécessaire de vérifier l’exactitude de ces renseignements au moment où le titulaire du droit d’auteur demande l’identité du titulaire de compte. Après tout, ce sont les renseignements actuels permettant l’identification du titulaire de compte dont le demandeur a besoin afin d’intenter une action pour violation du droit d’auteur — et non les renseignements d’identification qui existaient quand l’avis automatisé de violation a été envoyé (ou, plus précisément, si et quand un avis automatisé a été envoyé). D’ailleurs, ce sont précisément ces renseignements que Voltage a demandés dans sa requête.
[69] Toutefois, ce qui est encore plus important, c’est qu’il est évidemment possible que les millions d’avis de violation produits par la plateforme automatisée de Rogers ne soient pas tous envoyés au bon titulaire de compte conformément à l’al. 41.26(1) a). Dans certains cas, cela peut se produire sans que Rogers ait le moindre contrôle sur la situation — par exemple, lorsqu’un titulaire de compte n’indique pas la bonne adresse électronique dans son profil, ce qui fait en sorte que Rogers envoie l’avis à quelqu’un d’autre. Dans d’autres cas, il peut y avoir des complications qui ne peuvent être décelées que lorsqu’un employé de Rogers suit le processus de vérification manuelle, et que la plateforme automatisée ne peut déceler.
[70] Pour le juge Brown, la réponse à ce problème est que Rogers ne peut demander d’indemnisation en contrepartie de la vérification d’une recherche déjà effectuée au moyen de sa plateforme automatisée. Dans les faits, Rogers doit tenir pour acquis que l’avis automatisé s’est rendu chaque fois à la bonne personne, pour chacune des millions de demandes d’avis qu’elle reçoit. Mais si nous acceptons la réalité selon laquelle la plateforme automatisée peut parfois causer des erreurs, seules deux possibilités s’offrent à Rogers, selon le juge Brown : soit elle doit réviser la conception de son système automatisé relativement aux besoins en matière d’identification qui touchent seulement un infime sous‑ensemble de ces cas; ou bien elle doit entreprendre gratuitement des vérifications manuelles en réponse à une ordonnance de type Norwich.
[71] Avec égards, je vois les choses autrement. La partie qui répond à une ordonnance de type Norwich a droit au remboursement des coûts raisonnables occasionnés pour se conformer à l’ordonnance (voir, p. ex., Glaxo Wellcome PLC c. M. R. N., [1998] 4 C.F. 439 (C.A.)). Alors, qu’est-ce qui est raisonnable dans le contexte qui nous occupe? Compte tenu du fait que Rogers reçoit chaque année plus de deux millions de demandes dans le cadre du régime d’avis et avis, une faible proportion de cas où la plateforme automatisée n’envoie pas l’avis au bon titulaire de compte peut ne pas justifier pour ces demandes l’adoption de vérifications manuelles de l’ampleur de celles actuellement effectuées par Rogers en réponse aux ordonnances de type Norwich. Cependant, dans le contexte d’une ordonnance de type Norwich — où le nombre de demandes est beaucoup moins important et où le coût d’une erreur est plus élevé — il pourrait être justifié d’effectuer des vérifications plus rigoureuses. Par conséquent, il est raisonnable que Rogers entreprenne de telles vérifications, en reconnaissance du fait que le nombre de demandes qu’elle reçoit dans le cadre du régime d’avis et d’avis peut faire de la conformité parfaite un objectif illusoire dans ce contexte. Rien dans la loi ne justifie de façon « incontestablement claire » que cette démarche par ailleurs sensée soit écartée en fonction d’une obligation soi‑disant implicite (Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157, par. 39).
[72] Évidemment, Rogers n’a pas carte blanche pour effectuer toutes les vérifications qu’elle veut et en refiler les coûts aux titulaires de droits d’auteur. Le régime de common law établi dans Norwich permet aux FSI d’être indemnisés seulement pour les étapes « raisonnables » suivies en vue de se conformer à l’ordonnance. Ainsi, dans la mesure où le FSI procède inutilement à des vérifications approfondies ou redondantes, les juges ont le pouvoir de refuser le remboursement de ces coûts. Ce pouvoir provient cependant de la common law, et non d’une interprétation de la loi. Si, par exemple, un FSI procède à la recherche manuelle du nom d’un titulaire de compte, mais assigne cette tâche de façon redondante à dix employés différents, chacun exécutant une fonction identique et superflue, le juge peut certainement refuser d’accorder une indemnisation pour le motif que ces étapes n’étaient pas raisonnables.
[73] Le problème en l’espèce découle du fait que le juge des requêtes ne semble pas avoir tiré une conclusion indépendante quant au caractère raisonnable du processus en huit étapes de Rogers. Il a conclu que les honoraires de 100 $ l’heure de Rogers étaient raisonnables — conclusion qui, selon le procureur de Voltage, a été [traduction] « exhaustivement débattue », et qui n’a donc pas besoin d’être examinée à nouveau. Mais la question de savoir si Rogers peut facturer 100 $ l’heure n’offre pas de réponse à la question de savoir ce que peut faire Rogers pour 100 $ l’heure.
[74] Selon mon interprétation de la loi, évidemment, le processus en huit étapes de Rogers n’est pas inclus dans le régime d’avis et avis. Et comme je l’ai déjà mentionné, le juge des requêtes peut encore, selon les motifs du juge Brown, adopter cette interprétation et conclure que le processus de Rogers est par ailleurs raisonnable. Toutefois, même selon mon interprétation de la loi, je renverrais l’affaire pour que soit tranchée la question de savoir si le temps que Rogers a passé à suivre son processus en huit étapes était raisonnable. Le juge des requêtes devrait tirer une conclusion à ce sujet en première instance, conclusion qui doit être distincte et séparée de celle concernant le caractère raisonnable du taux horaire.
III. Conclusion
[75] Pour les motifs décrits précédemment, je partage l’avis du juge Brown, selon lequel le pourvoi devrait être accueilli et l’affaire renvoyée au juge des requêtes pour que celui-ci tranche d’autres questions.
Pourvoi accueilli.
Procureurs de l’appelante : Torys, Toronto.
Procureurs des intimées : Aird & Berlis, Toronto.
Procureur de l’intervenante la Clinique d’intérêt public et de politique d’internet du Canada Samuelson‑Glushko : Clinique d’intérêt public et de politique d’internet du Canada Samuelson‑Glushko, Ottawa.
Procureurs des intervenantes Bell Canada Inc., Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc., Cogeco Inc., Québecor Média Inc., Saskatchewan Telecommunications Holding Corporation, Shaw Communications Inc., TekSavvy Solutions Inc., TELUS Communications Inc. et Xplornet Communications Inc. : Fasken Martineau DuMoulin, Ottawa.