COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. Produits forestiers Résolu,
2019 CSC 60, [2019] 4 R.C.S. 394
Appel entendu : 28 mars 2019
Jugement rendu : 6 décembre 2019
Dossier : 37985
Entre :
Produits forestiers Résolu
Appelante
et
Sa Majesté la Reine représentée par
le ministère du procureur général et
Compagnie Weyerhaeuser Limitée
Intimées
Et entre :
Sa Majesté la Reine représentée par
le ministère du procureur général
Appelante
et
Compagnie Weyerhaeuser Limitée et
Produits forestiers Résolu
Intimées
Et entre :
Compagnie Weyerhaeuser Limitée
Appelante
et
Sa Majesté la Reine représentée par
le ministère du procureur général
Intimée
- et -
Procureur général de la Colombie-Britannique
Intervenant
Traduction française officielle
Coram : Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe et Martin
Motifs de jugement conjoints :
(par. 1 à 35)
Motifs conjoints dissidents en partie :
(par. 36 à 165)
Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis et Martin
Les juges Côté et Brown (avec l’accord du juge Rowe)
produits forestiers résolu c. ontario (p.g.)
Produits forestiers Résolu Appelante
c.
Sa Majesté la Reine représentée par
le ministère du procureur général et
Compagnie Weyerhaeuser Limitée Intimées
‑ et ‑
Sa Majesté la Reine représentée par
le ministère du procureur général Appelante
c.
Compagnie Weyerhaeuser Limitée et
Produits forestiers Résolu Intimées
‑ et ‑
Compagnie Weyerhaeuser Limitée Appelante
c.
Sa Majesté la Reine représentée par
le ministère du procureur général Intimée
et
Procureur général de la Colombie‑Britannique Intervenant
Répertorié : Produits forestiers Résolu c. Ontario (Procureur général)
2019 CSC 60
No du greffe : 37985.
2019 : 28 mars; 2019 : 6 décembre.
Présents : Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe et Martin.
en appel de la cour d’appel de l’ontario
Contrats — Interprétation — Indemnité — Réseau hydrographique contaminé par des déchets mercuriels rejetés par l’exploitation d’une usine de pâtes et papiers — Action en dommages‑intérêts intentée contre les propriétaires de l’usine pour la contamination — Indemnité accordée par la province dans le cadre du règlement de l’action aux propriétaires actuels et aux anciens propriétaires de l’usine pour le dommage environnemental causé par le rejet de mercure — Arrêté de remédiation pris plus tard par une autorité provinciale de l’environnement en ce qui concerne le lieu d’élimination des déchets situé sur la propriété de l’usine — L’indemnité s’applique‑t‑elle aux frais engagés pour se conformer à l’arrêté de remédiation?
En 1985, l’Ontario a accordé une indemnité (l’« Indemnité ») à Reed Ltd. et à Great Lakes Forest Products Limited, toutes deux anciennement propriétaires d’une usine de pâtes et papiers située à Dryden, en Ontario, ainsi qu’à leurs successeurs et ayants droit, à l’égard de « l’ensemble des obligations, responsabilités, dommages, pertes, frais ou dépenses qu’est susceptible d’entraîner pour l’une ou l’autre d’entre elles », après la date de l’Indemnité, « toute réclamation, action ou procédure, qu’elle soit prévue par la loi ou autrement », du fait de « dommages, pertes, événements ou circonstances dus ou présumés dus ou en ce qui a trait, en tout ou en partie, au rejet ou à la fuite de polluants, notamment le mercure ou toute autre substance, par Reed ou ses prédécesseurs, à partir des usines, des terrains ou des lieux [. . .], ou encore à la présence de tels polluants dans ces usines, terrains ou lieux », tel qu’énoncé au par. 1 de l’Indemnité. L’Indemnité a été convenue entre les parties dans le cadre du règlement de la poursuite intentée par deux Premières Nations pour la contamination de deux rivières par des déchets mercuriels, contamination causée par l’exploitation de l’usine de Dryden.
Vingt‑six ans plus tard, un arrêté de remédiation a été pris par le ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique en ce qui concerne la surveillance et l’entretien d’un lieu d’élimination de déchets mercuriels à l’usine de Dryden. Dans l’intervalle, l’usine avait changé de propriétaires à la suite de plusieurs opérations. L’arrêté du directeur a été adressé à Résolu, société ayant succédé à Great Lakes, et à Weyerhaeuser, à qui avait également déjà appartenu la propriété de Dryden pendant une certaine période. Weyerhaeuser a intenté une action devant la Cour supérieure et sollicité un jugement déclaratoire portant que, selon les modalités de l’Indemnité, l’Ontario était tenu de l’indemniser pour les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur. Résolu a demandé l’autorisation d’intervenir pour réclamer la même protection. Weyerhaeuser, Résolu et l’Ontario ont chacun présenté une motion en jugement sommaire.
Le juge des motions a conclu que l’Indemnité s’appliquait aux réclamations prévues par la loi présentées par un agent de la province, et que Résolu et Weyerhaeuser avaient toutes deux droit à une indemnisation pour les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur. Il a donc rendu un jugement sommaire en leur faveur. L’Ontario a interjeté appel. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont souscrit à la conclusion du juge des motions selon laquelle l’Indemnité visait l’arrêté du directeur, mais ont conclu que Résolu n’avait pas droit à une indemnisation et ont renvoyé à la Cour supérieure la question du droit de Weyerhaeuser à une indemnité. Le juge dissident aurait fait droit à l’appel interjeté par l’Ontario. À son avis, le juge des motions a commis des erreurs justifiant infirmation dans son interprétation de l’Indemnité; interprétée comme il se doit, celle‑ci devait s’appliquer seulement aux réclamations pour pollution présentées par des tiers, et non aux réclamations réglementaires de première partie, tel l’arrêté du directeur. L’Ontario, Weyerhaeuser et Résolu interjettent appel devant la Cour.
Arrêt (les juges Côté, Brown et Rowe sont dissidents en partie) : Le pourvoi de l’Ontario est accueilli et un jugement sommaire est rendu en sa faveur. Les pourvois de Résolu et de Weyerhaeuser sont rejetés.
Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis et Martin : L’Indemnité ne s’applique pas à l’arrêté du directeur. Comme l’a conclu le juge dissident de la Cour d’appel, le juge des motions a commis des erreurs de fait manifestes et déterminantes et n’a pas tenu suffisamment compte du fondement factuel dans son interprétation du champ d’application de l’Indemnité, ce qui justifie une intervention en appel.
Le juge des motions s’est trompé en concluant que le lieu d’élimination des déchets continuait de rejeter du mercure dans l’environnement. Sa conclusion erronée suivant laquelle les rejets de mercure depuis le lieu d’élimination des déchets constituaient une source constante de lourde responsabilité environnementale l’a sans nul doute amené à conclure que les rejets en question pourraient donner lieu à des réclamations pour pollution, et qu’à moins que l’Indemnité ne s’applique aux réclamations de première partie, Résolu et Weyerhaeuser seraient exposées à une responsabilité considérable. Le juge des motions a mal interprété l’objet et l’effet du lieu d’élimination des déchets — ce site n’était pas une source constante de contamination par le mercure ou de responsabilité environnementale, et sa création n’était donc pas susceptible de donner lieu à une réclamation pour pollution. Le lieu d’élimination des déchets a plutôt été créé et utilisé en tant que solution au problème de pollution au mercure, c’est‑à‑dire, dans les faits, en tant que site d’enfouissement pour les déchets contaminés par le mercure. Rien ne prouvait que des déchets contaminés par le mercure étaient rejetés du lieu d’élimination des déchets. Cette conclusion de fait erronée a joué un rôle déterminant dans la conclusion du juge selon laquelle l’arrêté du directeur constituait une réclamation pour pollution au sens de l’Indemnité.
De plus, l’Indemnité constituait une annexe à une convention de règlement plus large, de sorte que son champ d’application se limitait aux points en litige définis dans cette convention, à savoir le rejet par Reed et ses prédécesseurs de mercure et de tout autre polluant dans le réseau hydrographique, ainsi que la présence continue de ces polluants dans les écosystèmes connexes. Le juge des motions n’a pas tenu compte de ce contexte lorsqu’il a interprété le champ d’application de l’Indemnité. Interprétée comme il se doit, l’Indemnité était censée s’appliquer seulement aux procédures découlant du rejet ou de la présence continue de mercure dans les écosystèmes connexes, et non à celles liées à la simple présence de mercure dans le lieu d’élimination des déchets.
L’Indemnité doit être interprétée à la lumière de deux indemnités accordées précédemment par l’Ontario en 1979 et en 1982 dans le cadre de la poursuite intentée par les Premières Nations. L’Indemnité a été accordée en contrepartie partielle du fait que Great Lakes et Reed avaient déchargé l’Ontario de ses obligations en vertu de ces précédentes indemnités. Il est clair que les indemnités de 1979 et de 1982 ont été consenties en réponse au litige qui était en instance, et qui concernait des réclamations présentées par des tiers, et non par l’Ontario directement. Rien dans le libellé de ces indemnités ne tend à indiquer que l’Ontario avait l’intention d’offrir une protection à l’égard des frais engagés pour se conformer à la réglementation.
L’opinion que s’est formée le juge des motions sur l’importance des mots « prévue par la loi ou autrement » dans l’Indemnité ainsi que sur les raisons pour lesquelles les parties ont conclu l’Indemnité a été entachée de manière importante par une erreur de fait manifeste et déterminante. Le juge des motions a estimé que l’Indemnité avait été accordée en contrepartie des engagements pris par Great Lakes de procéder à des investissements financiers considérables dans l’usine de Dryden. Étant donné ce qui, à son avis, constituait la raison d’être de l’Indemnité, il a conclu qu’il serait absurde sur le plan commercial que l’Ontario puisse toujours imposer des frais de remédiation. Cependant, les engagements financiers de Great Lakes étaient en réalité prévus dans la précédente indemnité de 1979. Par la suite, Great Lakes n’a pris aucun nouvel engagement de modernisation en contrepartie de l’Indemnité. Le juge des motions a donc fait reposer son interprétation de l’Indemnité sur un fondement factuel erroné, lequel l’a amené à accorder trop d’importance à la modification au libellé et à mal interpréter la transaction réellement intervenue dans l’Indemnité.
Le juge des motions a également eu tort de ne pas considérer l’Indemnité globalement au moment de déterminer si l’arrêté du directeur entrait ou non dans son champ d’application. Les paragraphes 2 et 3 de l’Indemnité revêtent une importance cruciale pour son interprétation. Le paragraphe 2 dispose que, dans toute réclamation pour pollution, l’Ontario a le droit de choisir d’assumer la défense ou de participer à la défense et/ou au règlement de la réclamation et de toute procédure y afférente, selon ce qu’il estime approprié. Le paragraphe 3 exige des parties qu’elles collaborent avec l’Ontario à la défense d’une réclamation. Ces clauses seraient dénuées de tout sens en ce qui a trait aux réclamations de première partie. Leur inclusion est tout à fait incompatible avec l’idée selon laquelle le par. 1 de l’Indemnité vise les réclamations de première partie. Rien dans l’Indemnité ne tend à indiquer que les réclamations pour pollution comprenaient aussi bien les réclamations de première partie que celles de tiers, mais que les exigences des par. 2 et 3 s’appliqueraient seulement au sous‑ensemble des réclamations pour pollution présentées par des tiers. Au contraire, le par. 2 s’applique à « toute réclamation pour pollution ». Le fait que les exigences des par. 2 et 3 soient dénuées de tout sens en ce qui a trait aux réclamations de première partie signifie que les réclamations pour pollution englobent seulement celles présentées par des tiers. Interprétée comme il se doit, l’Indemnité s’applique seulement aux réclamations de tiers et ne vise donc pas l’arrêté du directeur.
Les juges Côté, Brown et Rowe (dissidents en partie) : Les pourvois interjetés par l’Ontario et Weyerhaeuser devraient être rejetés et le pourvoi de Résolu devrait être accueilli. L’Indemnité bénéficie aux successeurs et ayants droit de la province, de Reed et de Great Lakes. Résolu a le droit de bénéficier de l’Indemnité pour couvrir les frais passés et futurs engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur à titre de successeur corporatif de Great Lakes, mais Weyerhaeuser n’est ni cessionnaire du bénéfice de l’Indemnité ni un successeur corporatif de Great Lakes ou de Reed, et elle n’a donc pas droit au bénéfice de l’Indemnité.
L’Indemnité est un contrat qui doit être interprété dans le but de déterminer les intentions objectives et les attentes raisonnables des parties contractantes en ce qui concerne la signification des dispositions contractuelles. L’approche se fonde sur des considérations pratiques et sur le bon sens. Elle prend en compte les termes employés par les parties pour exprimer leur accord, la preuve objective des renseignements qui appartenaient ou auraient raisonnablement dû appartenir aux connaissances des deux parties à la date de signature ou avant celle‑ci, et le principe de la raisonnabilité et de l’efficacité commerciales. Le fondement factuel ne peut pas supplanter les termes du contrat et ne peut changer ceux‑ci de manière à modifier les droits et les obligations des parties.
L’Indemnité couvre les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur. Le juge des requêtes n’a commis aucune des quatre erreurs invoquées par la province en interprétant l’Indemnité.
Premièrement, il n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas le libellé de l’Indemnité à la lumière du fondement factuel, y compris les deux indemnités précédentes, la convention d’achat d’actifs dans laquelle Reed a vendu l’ensemble de la propriété à Great Lakes, la convention de règlement dont l’Indemnité était une annexe et certaines dispositions incorporées dans la Loi sur la protection de l’environnement en 1985. Tout comme l’Indemnité, les deux indemnités antérieures visaient à corriger la contamination par le mercure, mais il s’agit d’ententes distinctes conclues à des fins distinctes dans le cadre de négociations distinctes. L’Indemnité a un large champ d’application par rapport à celui des autres indemnités. De plus, les indemnités antérieures ont été remplacées par l’Indemnité, ce qui tend à indiquer que les parties elles‑mêmes ne considéraient pas qu’elles avaient le même champ d’application que l’Indemnité. Cette dernière est une entente distincte que l’on doit interpréter en tenant compte des mots employés par les parties à celle‑ci et non d’une entente intervenue antérieurement. La convention d’achat d’actifs a essentiellement le même champ d’application que celui de l’Indemnité, mais elle soustrayait les frais engagés pour se conformer à une ordonnance réglementaire antérieure. La province en connaissait les modalités et rien n’empêchait les parties à l’Indemnité de prévoir expressément que de telles ordonnances ne seraient pas visées par l’Indemnité, comme les parties à la convention d’achat d’actifs l’avaient fait. En ce qui concerne la convention de règlement, les points en litige que cette convention visait à régler incluaient les mesures gouvernementales prises à l’égard de la contamination par le mercure. De plus, l’Indemnité s’applique expressément à la présence de mercure dans les terrains touchés et la convention de règlement ne saurait supplanter le texte de l’Indemnité. Pour ce qui est des modifications législatives, même en acceptant qu’elles constituent une preuve objective et admissible de ce que les parties avaient envisagé ou auraient dû envisager au moment de conclure l’Indemnité, il est difficile de conclure que les parties comprenaient que la mention de réclamations prévues par la loi dans l’Indemnité renvoyait seulement aux réclamations présentées en vertu des modifications ou aux autres réclamations statutaires qui auraient pu être présentées par des tiers à ce moment‑là. De plus, une interprétation de l’Indemnité selon laquelle celle‑ci exclut les réclamations de première partie n’est pas conciliable avec le fait que les modifications créent un droit d’action en faveur de la province, ou que l’Indemnité renvoie à « toute province » et à tout acteur statutaire.
Deuxièmement, le juge des requêtes n’a pas commis l’erreur de ne pas avoir interprété la clause d’indemnisation figurant au par. 1 de l’Indemnité à la lumière de l’entente dans son ensemble. Sa lecture de cette clause était compatible avec les dispositions d’avis/contrôle et de collaboration aux par. 2 et 3 de l’Indemnité, qui sont typiques des indemnités de tiers et n’ont de sens qu’à l’égard des réclamations de tiers présentées à l’encontre des parties indemnisées.
Troisièmement, le juge des requêtes n’a pas commis d’erreurs manifestes et déterminantes en décrivant les raisons qui ont poussé Great Lakes à faire certaines dépenses ou en concluant que le lieu d’élimination des déchets était la source de la contamination par le mercure. Dans la mesure où il s’agissait d’erreurs, celles‑ci ne sauraient avoir eu d’effet déterminant sur la conclusion du juge des requêtes. Pareilles conclusions de fait mineures et accessoires ne pouvaient déterminer l’issue de l’affaire, en particulier lorsque la conclusion finale du juge des requêtes sur le champ d’application de l’Indemnité reposait sur des considérations factuelles et contextuelles différentes.
Quatrièmement, le juge des requêtes n’a pas commis l’erreur d’avoir interprété l’Indemnité de manière à entraver de manière inacceptable les pouvoirs de légiférer de la législature, de sorte que l’Indemnité est devenue non exécutoire. Sur le plan constitutionnel canadien, le pouvoir exécutif ne peut lier l’exercice souverain du pouvoir législatif ni restreindre celui‑ci, que ce soit par contrat ou autrement. Il s’ensuit qu’un contrat conclu par le pouvoir exécutif qui vise à obliger à ce qu’une certaine loi soit adoptée, modifiée ou abrogée ne peut faire l’objet d’une exécution par injonction ou en nature. Toutefois, il y a une différence importante entre un contrat qui entrave de façon inacceptable le pouvoir de la législature d’adopter, de modifier et d’abroger une loi, et un contrat dont une violation par la Couronne expose celle‑ci à une responsabilité. Si la législature exerce son pouvoir de légiférer d’une manière incompatible avec les modalités d’un contrat, la Couronne peut quand même être exposée à des conséquences prenant la forme d’une responsabilité pour dommages. Bien que l’éventualité d’une telle responsabilité puisse dissuader la législature d’agir d’une manière qui va à l’encontre des promesses contractuelles de la Couronne, ce qu’on appelle parfois une « entrave indirecte », la législature n’est pas de ce fait véritablement entravée.
En l’espèce, l’édiction de mesures permettant de nouvelles réclamations statutaires pourrait exposer la province à une plus grande responsabilité en vertu de l’Indemnité, mais l’Indemnité n’empêche nullement la législature d’exercer son droit souverain de faire ou d’abroger quelque loi que ce soit, et dissuader ou autrement décourager la législature d’exercer son pouvoir de légiférer d’une certaine façon ne rendrait pas cette indemnité non exécutoire en droit. La liberté d’action de la législature n’est pas touchée.
En ce qui concerne la question de savoir si Résolu et Weyerhaeuser pouvaient bénéficier de l’Indemnité à titre de successeurs et ayants droit de Great Lakes, le juge des requêtes n’a commis aucune erreur en interprétant l’Indemnité comme couvrant les frais que l’arrêté du directeur a imposés aux successeurs et ayants droit de Great Lakes. Bien que son analyse sur ce point ait reposé principalement sur le libellé de l’Indemnité, le juge s’est aussi penché sur sa signification à la lumière de l’entente dans son ensemble et des circonstances ayant entouré sa conclusion en 1985. Cependant, il est arrivé à la conclusion que ni l’une ni l’autre de ces considérations n’étayait une interprétation de l’Indemnité qui exclurait les réclamations de première partie.
Le juge des requêtes a toutefois commis une erreur de principe en concluant qu’un prédécesseur de Résolu avait cédé le bénéfice de l’Indemnité à Weyerhaeuser. Il n’a pas lu la clause contractuelle contestée à la lumière du fondement factuel et d’une manière qui a du sens sur le plan commercial, et a centré son analyse exclusivement sur le libellé des dispositions pertinentes de la convention d’achat d’actifs entre le prédécesseur et Weyerhaeuser. Bien qu’une partie indemnisée ne puisse continuer à jouir du bénéfice de l’Indemnité après avoir consenti à un tiers une cession des droits qu’elle lui confère, les parties ont structuré la convention de façon à ce que le prédécesseur assume tous les risques en matière de responsabilités environnementales tout en renonçant à sa propre protection. Cette structure de répartition du risque n’a de sens sur le plan commercial que si l’Indemnité continuait à protéger les intérêts du prédécesseur.
Le juge des requêtes a également commis une erreur manifeste et déterminante en concluant que la clause d’extension des bénéfices de l’Indemnité étendait le bénéfice de celle‑ci aux successeurs en titre quant à la propriété de Dryden. La clause d’extension des bénéfices de l’Indemnité est une clause contractuelle type et la certitude en matière d’opérations commerciales est mieux protégée lorsque les tribunaux donnent effet au sens courant et à l’inclusion de telles clauses figurant dans les contrats, en l’absence d’indication que les parties ont voulu que celles‑ci aient un effet différent. Employé à l’égard de sociétés, le terme « successeur » désigne généralement une autre société qui, par une forme de succession juridique, assume les obligations et acquiert les droits de la première société. Rien dans le libellé de l’Indemnité ou dans les circonstances entourant la conclusion du contrat ne suggère que le terme « successeurs » dans l’Indemnité devrait s’étendre aux successeurs corporatifs de Great Lakes et aux successeurs en titre quant à la propriété de Dryden. Cependant, il se peut que dans d’autres circonstances, le terme « successeurs » renvoie aux successeurs en titre.
Jurisprudence
Citée par les juges Côté et Brown (dissidents en partie)
Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633; Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37, [2016] 2 R.C.S. 23; Mandamin c. Reed Ltd., C.S. Ont., no 14716/77, 26 juin 1986; Royal Devon and Exeter NHS Foundation Trust c. ATOS IT Services UK Ltd., [2017] EWCA Civ 2196, [2018] 2 All E.R. (Comm.) 535; Scanlon c. Castlepoint Development Corp. (1992), 1992 CanLII 7745 (ON CA), 11 O.R. (3d) 744; Antaios Compania Naviera S.A. c. Salen Rederierna A.B., [1985] 1 A.C. 191; Interprovincial Co‑operatives Ltd. c. La Reine, 1975 CanLII 212 (CSC), [1976] 1 R.C.S. 477; Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352; South Yukon Forest Corp. c. R., 2012 CAF 165, 4 B.L.R. (5th) 31; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), 1991 CanLII 74 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 525; West Lakes Ltd. c. South Australia (1980), 25 S.A.S.R. 389; Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, 2018 CSC 48, [2018] 3 R.C.S. 189; Wells c. Terre‑Neuve, 1999 CanLII 657 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 199; Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2000 CSC 64, [2000] 2 R.C.S. 919; Andrews c. Canada (Attorney General), 2014 NLCA 32, 354 Nfld. & P.E.I.R. 42; Rio Algom Ltd. c. Canada (Attorney General), 2012 ONSC 550; Ontario First Nations (2008) Limited Partnership c. Ontario (Minister of Aboriginal Affairs), 2013 ONSC 7141, 118 O.R. (3d) 356; Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2004 CSC 75, [2004] 3 R.C.S. 575; King c. Operating Engineers Training Institute of Manitoba Inc., 2011 MBCA 80, 341 D.L.R. (4th) 520; Nickel Developments Ltd. c. Canada Safeway Ltd., 2001 MBCA 79, 156 Man. R. (2d) 170; Humphries c. Lufkin Industries Canada Ltd., 2011 ABCA 366, 68 Alta. L.R. (5th) 175; Reardon Smith Line Ltd. c. Hansen‑Tangen, [1976] 3 All E.R. 570; Guarantee Co. of North America c. Gordon Capital Corp., 1999 CanLII 664 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 423; City of Toronto c. W.H. Hotel Ltd., 1966 CanLII 8 (SCC), [1966] R.C.S. 434; Kentucky Fried Chicken Canada c. Scott’s Food Services Inc. (1998), 1998 CanLII 4427 (ON CA), 114 O.A.C. 357; Brown c. Belleville (City), 2013 ONCA 148, 114 O.R. (3d) 561; National Trust Co. c. Mead, 1990 CanLII 73 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 410; Heritage Capital Corp. c. Équitable, Cie de fiducie, 2016 CSC 19, [2016] 1 R.C.S. 306.
Lois et règlements cités
Act to amend The Environmental Protection Act, 1971, S.O. 1979, c. 91.
Loi de 1986 sur la convention de règlement relative à la contamination par le mercure du réseau hydrographique English‑Wabigoon, L.O. 1986, c. 23.
Loi sur la protection de l’environnement, L.R.O. 1980, c. 141.
Loi sur la protection de l’environnement, L.R.O. 1990, c. E.19, art. 7(1) [mod. 1990, c. 18, art. 18(1)].
Loi sur le règlement des revendications des bandes indiennes de Grassy Narrows et d’Islington (pollution par le mercure), L.C. 1986, c. 23.
Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, c. C‑36.
Doctrine et autres documents cités
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Elderkin, Cynthia L., and Julia S. Shin Doi. Behind and Beyond Boilerplate : Drafting Commercial Agreements, Scarborough (Ont.), Carswell, 1998.
Hall, Geoff R. Canadian Contractual Interpretation Law, 3rd ed., Toronto, LexisNexis, 2016.
Hogg, Peter W., Patrick J. Monahan and Wade K. Wright. Liability of the Crown, 4th ed., Toronto, Carswell, 2011.
Horsman, Karen, and Gareth Morley, eds. Government Liability : Law and Practice, Toronto, Thomson Reuters, 2007 (loose‑leaf updated June 2019, release 32).
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Ogilvie, M. H. « Re‑defining Privity of Contract : Brown v. Belleville (City) » (2015), 52 Alta. L. Rev. 731.
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Tolhurst, Greg. The Assignment of Contractual Rights, 2nd ed., Oxford, Hart Publishing, 2016.
Waddams, Stephen M. The Law of Contracts, 7th ed., Toronto, Thomson Reuters, 2017.
POURVOIS contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Laskin, Lauwers et Brown), 2017 ONCA 1007, 13 C.E.L.R. (4th) 28, 77 B.L.R. (5th) 175, [2017] O.J. No. 6654 (QL), 2017 CarswellOnt 20156 (WL Can.), qui a infirmé une décision du juge Hainey, 2016 ONSC 4652, 3 C.E.L.R. (4th) 278, 60 B.L.R. (5th) 237, [2016] O.J. No. 3900 (QL), 2016 CarswellOnt 11807 (WL Can.). Pourvoi de Produits forestiers Résolu rejeté, les juges Côté, Brown et Rowe sont dissidents. Pourvoi de Sa Majesté la Reine représentée par le ministère du procureur général accueilli, les juges Côté, Brown et Rowe sont dissidents. Pourvoi de Compagnie Weyerhaeuser Limitée rejeté.
Andrew Bernstein, Jeremy Opolsky et Jonathan Silver, pour l’appelante/intimée Produits forestiers Résolu.
Leonard F. Marsello, Tamara D. Barclay et Nansy Ghobrial, pour l’appelante/intimée Sa Majesté la Reine représentée par le ministère du procureur général.
Christopher D. Bredt et Markus Kremer, pour l’appelante/intimée Compagnie Weyerhaeuser Limitée.
Elizabeth J. Rowbotham, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.
Version française du jugement rendu par
[1] les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis et Martin — En 1985, la province d’Ontario a accordé une indemnité (l’« Indemnité de 1985 ») à Reed Ltd. et à Great Lakes Forest Products Limited, toutes deux anciennement propriétaires d’une usine de pâtes et papiers située à Dryden, en Ontario, ainsi qu’à leurs successeurs et ayants droit, pour les [traduction] « dommages, pertes, événements ou circonstances dus ou présumés dus ou en ce qui a trait, en tout ou en partie, au rejet ou à la fuite de polluants, notamment le mercure ou toute autre substance, par Reed ou ses prédécesseurs, à partir des usines, des terrains ou des lieux [. . .], ou encore à la présence de tels polluants dans ces usines, terrains ou lieux ». L’Indemnité de 1985 a été convenue entre les parties dans le cadre du règlement de la poursuite intentée par deux Premières Nations relativement à la pollution par le mercure causée par l’exploitation de l’usine de Dryden.
[2] Vingt‑six ans plus tard, un arrêté de remédiation a été pris par le directeur du ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique en ce qui concerne la surveillance et l’entretien d’un lieu d’élimination du mercure à l’usine de Dryden. Dans l’intervalle, l’usine avait changé de propriétaires à la suite de plusieurs opérations. L’arrêté du directeur a été adressé à Résolu, société ayant succédé à Great Lakes, et à Weyerhaeuser, à qui avait également déjà appartenu la propriété de Dryden pendant une certaine période. Tant Résolu que Weyerhaeuser ont réclamé une indemnité à l’Ontario pour les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur.
[3] Bien que les parties aux présents pourvois aient soulevé un certain nombre de questions liées aux demandes d’indemnisation de Résolu et de Weyerhaeuser, la question préliminaire qui se pose est celle de savoir si l’Indemnité de 1985 s’applique à l’arrêté du directeur. À notre avis, et pour les motifs dissidents exprimés par le juge Laskin de la Cour d’appel (2017 ONCA 1007, 77 B.L.R. (5th) 175), elle ne s’y applique pas. En conséquence, nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi de l’Ontario ainsi que la motion en jugement sommaire de l’Ontario.
[4] Dans les années 1960, la société Dryden Paper Company Limited possédait et exploitait une usine de pâtes et papiers à Dryden. Dans le cadre de l’exploitation de l’usine, Dryden Paper, par l’intermédiaire d’une société affiliée, Dryden Chemicals Limited, exploitait une usine de chlore et de soude caustique utilisant le procédé à cathode de mercure sur une propriété située près de l’usine. Cette usine de chlore et de soude caustique a rejeté des déchets mercuriels non traités dans les rivières English et Wabigoon, ce qui a eu un effet préjudiciable sur la santé de certains résidents locaux, en plus d’avoir entraîné la fin de la pêche commerciale et causé du tort à l’industrie touristique de la région. Bon nombre des personnes touchées étaient des membres des Premières Nations de Grassy Narrows et d’Islington qui vivaient dans des réserves situées en aval.
[5] En 1971, Dryden Paper a construit sur ses terres un lieu d’élimination des déchets devant servir de site d’enfouissement des déchets contaminés par le mercure qui provenaient de l’usine de chlore et de soude caustique. Six puits de surveillance ont été installés lors de la création du lieu d’élimination des déchets, auxquels se sont ajoutés trois puits supplémentaires en 2002, puis un autre en 2010. Ces puits de surveillance faisaient l’objet d’un échantillonnage et d’une analyse deux fois par année. Depuis 1977, le lieu d’élimination des déchets a été visé par plusieurs certificats sous le régime de la Loi sur la protection de l’environnement, L.R.O. 1990, c. E.19. Selon le certificat d’autorisation provisoire initial, le propriétaire du lieu d’élimination était tenu d’assurer la surveillance des eaux souterraines et des eaux de surface. En 2011, on estimait qu’il restait 35 années à la « durée de vie de la charge contaminante » du site.
[6] En 1976, Dryden Paper et Dryden Chemicals ont fusionné pour former la société Reed.
[7] En juin 1977, les deux Premières Nations ont intenté une poursuite en dommages‑intérêts contre Reed, Dryden Paper et Dryden Chemicals pour la contamination des rivières par les déchets mercuriels (le « litige de Grassy Narrows »).
[8] En 1978, le ministère de l’Environnement a délivré deux autres certificats d’autorisation provisoires selon lesquels Reed était tenue de maintenir le programme de surveillance des eaux au lieu d’élimination des déchets.
[9] En 1979, Reed a voulu vendre ses propriétés de Dryden. L’acheteuse potentielle, Great Lakes, s’est montrée réticente à finaliser la vente en raison du litige de Grassy Narrows. Craignant que l’économie locale ne souffre de la fermeture de l’usine de pâtes et papiers, l’Ontario est intervenu et a accepté de limiter à 15 millions de dollars la responsabilité combinée de Great Lakes et de Reed pour les dommages environnementaux causés par Reed avant l’achat par Great Lakes de l’exploitation de Dryden. Great Lakes et Reed ont convenu de partager les conséquences financières du litige de Grassy Narrows jusqu’à concurrence de ce montant. Great Lakes a également accepté de consacrer environ 200 millions de dollars à l’agrandissement et à la modernisation des installations de Dryden en contrepartie de l’indemnité accordée par l’Ontario (l’« Indemnité de 1979 »).
[10] Le 4 décembre 1979, le ministère de l’Environnement a délivré un autre certificat d’autorisation provisoire selon lequel Reed était tenue d’enregistrer le certificat sur le titre de propriété du lieu d’élimination des déchets. Le même mois, la vente des propriétés de Dryden à Great Lakes a été conclue conformément aux modalités énoncées dans un protocole d’entente daté du 7 décembre 1979.
[11] En janvier 1980, le Ministère a délivré un autre certificat d’autorisation provisoire, cette fois pour exiger de Great Lakes qu’elle maintienne le programme de surveillance et d’analyse des eaux souterraines au lieu d’élimination des déchets.
[12] À la même époque, les gouvernements de l’Ontario et du Canada ont pris part à un processus de médiation avec les Premières Nations d’Islington et de Grassy Narrows visant à réparer les préjudices causés par le rejet de mercure. Les discussions ont porté sur le litige de Grassy Narrows. Pendant cette période, Great Lakes était réticente à participer à tout règlement du litige, à moins d’avoir obtenu une décharge de responsabilité. Le 28 janvier 1982, le secrétaire provincial du Développement des ressources de l’époque a écrit à Great Lakes pour lui faire savoir que l’Ontario était [traduction] « prêt à indemniser Great Lakes Forest Products Limited pour toute réclamation relative à la pollution au mercure » (« Indemnité de 1982 » (d.a., vol. III, p. 176)). L’Indemnité de 1982 précisait que l’Ontario indemniserait Great Lakes pour toute somme accordée à titre de dommages‑intérêts par un tribunal ou pour tout règlement s’élevant à plus de 15 millions de dollars. Toute procédure associée à la pollution au mercure devait être portée à l’attention de l’Ontario, qui prendrait alors part au litige.
[13] Le litige de Grassy Narrows a été réglé à la fin de 1985. Les modalités du règlement ont été énoncées dans un protocole d’entente daté du 22 novembre 1985 conclu entre le Canada, l’Ontario, les Premières Nations d’Islington et de Grassy Narrows, Reed et Great Lakes. Les points en litige, tels qu’ils ont été définis dans le protocole d’entente, portaient sur [traduction] « [l]e rejet par Reed et ses prédécesseurs de mercure et de tout autre polluant dans le réseau hydrographique English‑Wabigoon, ainsi que la présence continue de ces polluants [. . .] dans les écosystèmes connexes ». Fait important pour les besoins des présents pourvois, le par. 2.4 du protocole d’entente précisait que l’Ontario indemniserait Great Lakes et Reed relativement aux points en litige, et que Great Lakes et Reed déchargeraient l’Ontario de ses obligations en vertu des Indemnités de 1979 et de 1982.
[14] L’indemnisation requise aux termes du par. 2.4 du protocole d’entente est énoncée dans une annexe à la convention de règlement, intitulée [traduction] « Indemnité de l’Ontario » (ici appelée « Indemnité de 1985 ») et qui a été signée par l’Ontario, Great Lakes, Reed et Reed International. Les pourvois en l’espèce portent sur l’interprétation de l’Indemnité de 1985, et en particulier son par. 1, ainsi rédigé :
[traduction] 1. L’Ontario s’engage et consent à tenir Great Lakes, Reed, International et toute société qui, à la date de clôture, était (directement ou indirectement) une filiale ou une société affiliée d’International, à couvert de l’ensemble des obligations, responsabilités, dommages, pertes, frais ou dépenses qu’est susceptible d’entraîner pour l’une ou l’autre d’entre elles, après la date des présentes, toute réclamation, action ou procédure, qu’elle soit prévue par la loi ou autrement, qui existait au 17 décembre 1979 ou qui était susceptible de prendre naissance ou d’être présentée par la suite (y compris celles ayant pris naissance ou ayant été présentées après la date des présentes), par des particuliers, des firmes, des sociétés, des gouvernements (y compris le gouvernement fédéral du Canada et toute province ou municipalité du Canada, ou tout organisme ou autorité créé en vertu d’un pouvoir légal ou d’un autre pouvoir) ou un ou plusieurs groupes de ceux‑ci, du fait ou à l’égard des dommages, pertes, événements ou circonstances dus ou présumés dus ou en ce qui a trait, en tout ou en partie, au rejet ou à la fuite de polluants, notamment le mercure ou toute autre substance, par Reed ou ses prédécesseurs, à partir des usines, des terrains ou des lieux faisant partie des actifs de Dryden que Reed Ltd. a vendus à Great Lakes en vertu de la convention de Dryden, ou encore à la présence de tels polluants dans ces usines, terrains ou lieux (ci‑après appelées les « réclamations pour pollution »). Il est expressément reconnu et convenu par les présentes qu’en ce qui concerne l’engagement et le consentement de l’Ontario à indemniser Great Lakes, l’expression « réclamations pour pollution » comprend l’ensemble des obligations, responsabilités, dommages, pertes, frais ou dépenses qu’est susceptible d’entraîner pour Great Lakes toute réclamation, action ou procédure qui découle de l’entente d’indemnisation conclue à la même date que les présentes entre Great Lakes, Reed et International, ou qui y est liée. [d.a., vol. IV, p. 189‑190]
[15] Le paragraphe 2 de l’Indemnité de 1985 exige que Great Lakes ou Reed avisent rapidement l’Ontario de toute réclamation pour pollution, telle qu’elle est définie au par. 1, et l’Ontario peut alors se charger du litige ou y participer. Great Lakes et Reed doivent collaborer avec l’Ontario à l’enquête sur toute réclamation pour pollution (par. 3). L’Indemnité de 1985 n’est [traduction] « assujettie à aucune limite de temps » (par. 4). La clause d’extension des bénéfices contenue au par. 6 prévoit ce qui suit : « L’indemnité lie les successeurs et ayants droit respectifs de l’Ontario, de Reed, d’International et de Great Lakes et bénéficie à ceux‑ci, à condition toutefois que l’Ontario ne soit pas autorisé à céder l’indemnité sans le consentement préalable écrit des autres parties » (d.a., vol. IV, p. 191‑192).
[16] Conformément au protocole d’entente, Reed et Great Lakes ont déchargé l’Ontario de ses obligations en vertu des Indemnités de 1979 et de 1982. Le règlement du litige de Grassy Narrows a été approuvé par la Cour suprême de l’Ontario le 26 juin 1986.
[17] Au cours des années suivantes, Reed et Great Lakes ont subi des changements organisationnels. Après avoir fusionné avec d’autres sociétés, la société ayant succédé à Reed a été dissoute en 1993. En 1998, Great Lakes est devenue Bowater, qui a été intégrée à Abitibi‑Consolidated Inc. en 2010. En 2012, la société a pris le nom de Résolu.
[18] En août 1998, Weyerhaeuser a conclu une entente avec Bowater, la société ayant succédé à Great Lakes, en vue de l’achat de certains actifs utilisés dans l’entreprise de pâtes et papiers de Dryden. Étant donné les responsabilités environnementales possibles, Weyerhaeuser a d’abord cherché à exclure le lieu d’élimination des déchets des actifs visés par l’achat. Toutefois, pour procéder à cette exclusion, il fallait séparer ce lieu du titre, ce qui ne pouvait s’effectuer avant la clôture de la vente. En conséquence, à la clôture de l’opération, Bowater a transféré le titre de propriété du lieu d’élimination des déchets à Weyerhaeuser, qui a immédiatement loué celui‑ci à Bowater. Lorsque la séparation en question a finalement eu lieu quelque deux années plus tard, Weyerhaeuser a rétrocédé le site à Bowater. Le titre a été enregistré au nom de Weyerhaeuser du 30 septembre 1998 au 25 août 2000. En 2007, Weyerhaeuser a vendu l’usine de pâtes et papiers de Dryden à Domtar Inc.
[19] En avril 2009, Bowater et ses sociétés affiliées ont demandé à être placées sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, c. C‑36 (« LACC »). Dans le cadre des procédures fondées sur la LACC, et avec l’approbation du tribunal, le lieu d’élimination des déchets a été abandonné en avril 2011.
[20] Le 25 août 2011, le ministère de l’Environnement a pris un arrêté du directeur adressé à Weyerhaeuser (à titre d’ancienne propriétaire du lieu d’élimination des déchets) et à Bowater, la société ayant précédé Résolu. Cet arrêté imposait trois obligations principales : (1) réparer une certaine érosion du site, effectuer une analyse déterminée d’eaux souterraines et d’eaux de surface, et déposer des rapports annuels contenant des renseignements déterminés; (2) remettre au ministère de l’Environnement la somme de 273 063 $ à titre de garantie financière pour le lieu d’élimination des déchets; et (3) [traduction] « prendre toutes les mesures raisonnables pour éviter le rejet d’un contaminant dans l’environnement naturel et pour remédier aux conséquences préjudiciables pouvant résulter d’un tel rejet conformément à toutes les exigences légales » (d.a., vol. IV, p. 27).
[21] Weyerhaeuser a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal de l’environnement afin de demander la révocation ou la modification de l’arrêté du directeur.
[22] En mai 2013, Weyerhaeuser a intenté une action devant la Cour supérieure et sollicité un jugement déclaratoire portant que, selon les modalités de l’Indemnité de 1985, l’Ontario était tenu de l’indemniser pour les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur. Résolu a demandé l’autorisation d’intervenir. L’Ontario a fait valoir qu’elle n’était pas responsable des frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur. Les trois parties ont présenté une motion en jugement sommaire.
[23] Le juge des motions a conclu que l’Indemnité de 1985 s’appliquait clairement aux réclamations ou procédures prévues par la loi présentées par un agent de la province, et que Résolu et Weyerhaeuser avaient toutes deux droit à une indemnisation au titre de l’Indemnité de 1985 pour les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur. Il a donc rendu un jugement sommaire en faveur de Résolu et de Weyerhaeuser (2016 ONSC 4652, 60 B.L.R. (5th) 237).
[24] L’Ontario a interjeté appel. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Ontario ont souscrit à l’opinion du juge des motions en ce qui a trait au champ d’application de l’Indemnité de 1985, à savoir qu’elle visait l’arrêté du directeur. Ils ont toutefois conclu que Résolu n’avait pas droit à une indemnisation et ils ont renvoyé à la Cour supérieure la question du droit de Weyerhaeuser à une indemnité.
[25] Le juge Laskin, dissident, aurait fait droit à l’appel interjeté par l’Ontario. À son avis, le juge des motions a commis des erreurs justifiant infirmation dans son interprétation de l’Indemnité de 1985. Interprétée comme il se doit, celle‑ci devait s’appliquer seulement aux réclamations pour pollution présentées par des tiers. Les réclamations réglementaires de première partie, tel l’arrêté du directeur, n’entraient pas dans le champ d’application de l’Indemnité de 1985.
Analyse
[26] La question primordiale en l’espèce concerne le champ d’application de l’Indemnité de 1985. En toute déférence, nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi formé par l’Ontario, essentiellement pour les motifs énoncés par le juge Laskin. Nous concluons, comme il l’a fait, que le juge des motions a commis des erreurs de fait manifestes et déterminantes et n’a pas tenu suffisamment compte du fondement factuel dans son interprétation du champ d’application de l’Indemnité de 1985, ce qui justifie une intervention en appel. Il nous paraît difficile d’améliorer ses motifs; aussi nous contenterons‑nous de formuler les brèves remarques qui suivent.
[27] Le juge Laskin et les juges majoritaires de la Cour d’appel ont convenu que le juge des motions s’était trompé en concluant que le lieu d’élimination des déchets continuait de rejeter du mercure dans l’environnement. Pour reprendre les propos du juge Laskin :
[traduction] La conclusion erronée du juge des motions suivant laquelle les rejets de mercure depuis le [lieu d’élimination des déchets] constituaient une source constante de « lourde responsabilité environnementale » l’a sans nul doute amené à conclure que les rejets en question pourraient donner lieu à des « réclamations pour pollution », et qu’à moins que l’Indemnité de 1985 ne s’applique aux réclamations de première partie, les intimées seraient exposées à une responsabilité financière considérable. Sa conclusion est erronée.
Le juge des motions a mal interprété l’objet et l’effet du [lieu d’élimination des déchets]. Celui‑ci n’était pas une source constante de contamination par le mercure ou de responsabilité environnementale. Sa création n’était pas susceptible de donner lieu à une réclamation pour pollution. Bien au contraire. Le [lieu d’élimination des déchets] a été créé et utilisé en tant que solution au problème de pollution au mercure, c’est‑à‑dire, dans les faits, en tant que site d’enfouissement pour les déchets contaminés par le mercure. Encore une fois, rien ne prouvait que des déchets contaminés par le mercure étaient rejetés du [lieu d’élimination des déchets]. Aucune des intimées n’a fait valoir le contraire. [par. 233‑234]
[28] Nous convenons que cette conclusion de fait erronée a joué un rôle déterminant dans la conclusion du juge des motions selon laquelle l’arrêté du directeur, qui imposait des obligations en matière d’entretien et de surveillance, constituait une [traduction] « réclamation pour pollution » au sens de l’Indemnité de 1985.
[29] Pourtant, comme l’a souligné le juge Laskin, l’Indemnité de 1985 constituait une annexe au protocole d’entente plus large réglant le litige de Grassy Narrows. Le champ d’application de l’Indemnité de 1985 se limitait aux points en litige définis dans cette entente, à savoir : [traduction] « [l]e rejet par Reed et ses prédécesseurs de mercure et de tout autre polluant dans le réseau hydrographique English‑Wabigoon, ainsi que la présence continue de ces polluants [. . .] dans les écosystèmes connexes » (d.a., vol. IV, p. 140). Le juge des motions n’a pas tenu compte de ce contexte lorsqu’il a interprété le champ d’application de l’Indemnité de 1985. Nous sommes d’accord avec le juge Laskin pour dire qu’interprétée comme il se doit, l’Indemnité de 1985 était censée s’appliquer seulement aux procédures découlant du rejet ou de la présence continue de mercure dans les écosystèmes connexes, et non à celles liées à la simple présence de mercure dans le lieu d’élimination des déchets.
[30] Nous souscrivons également à l’opinion du juge Laskin selon laquelle l’Indemnité de 1985 doit être interprétée à la lumière des Indemnités de 1979 et de 1982. En fait, l’Indemnité de 1985 a été accordée en contrepartie partielle du fait que Great Lakes et Reed avaient déchargé l’Ontario de ses obligations en vertu de ces précédentes indemnités. Il est clair que les Indemnités de 1979 et de 1982 ont été consenties en réponse au litige de Grassy Narrows qui était en instance, et qui concernait des réclamations présentées par des tiers, et non par l’Ontario directement. Comme l’a fait observer le juge Laskin, rien dans le libellé de ces indemnités ne tend à indiquer que l’Ontario avait l’intention d’offrir une protection à l’égard des frais engagés pour se conformer à la réglementation.
[31] Bien que le juge des motions ait conclu que l’ajout des mots [traduction] « prévue par la loi ou autrement » dans l’Indemnité de 1985 élargissait l’étendue de la protection au‑delà de ce qui était prévu auparavant, nous sommes d’accord avec le juge Laskin pour dire que l’opinion que s’est formée le juge des motions sur l’importance de ces mots ainsi que sur les raisons pour lesquelles les parties ont conclu l’Indemnité de 1985 a été entachée de manière importante par une erreur de fait manifeste et déterminante. Le juge des motions a estimé que l’Indemnité de 1985 avait été accordée en contrepartie des engagements pris par Great Lakes de procéder à des investissements financiers considérables dans l’usine de Dryden. Étant donné ce qui, à son avis, constituait la raison d’être de l’Indemnité de 1985, le juge des motions a conclu qu’il serait absurde sur le plan commercial que l’Ontario puisse toujours imposer des frais de remédiation. Cependant, les engagements financiers de Great Lakes étaient en réalité prévus dans la précédente Indemnité de 1979. Par la suite, Great Lakes n’a pris aucun nouvel engagement de modernisation en contrepartie de l’Indemnité de 1985. Le juge des motions a donc fait reposer son interprétation de cette indemnité sur un fondement factuel erroné, lequel, comme l’a souligné le juge Laskin, l’a amené à accorder trop d’importance à la modification au libellé et à mal interpréter la transaction réellement intervenue dans l’Indemnité de 1985.
[32] De plus, comme l’a conclu le juge Laskin, le juge des motions a eu tort de ne pas considérer l’Indemnité de 1985 globalement au moment de déterminer si l’arrêté du directeur entrait ou non dans son champ d’application. Les paragraphes 2 et 3 de l’Indemnité de 1985 revêtent une importance cruciale à cet égard. Le paragraphe 2 dispose que, dans [traduction] « toute réclamation pour pollution [. . .], l’Ontario a le droit de choisir d’assumer la défense ou de participer à la défense et/ou au règlement de la réclamation pour pollution et de toute procédure y afférente, selon ce qu’il estime approprié » (d.a., vol. IV, p. 190). Le paragraphe 3 de l’Indemnité de 1985 exige également des parties qu’elles collaborent avec l’Ontario à la défense d’une réclamation. Nous sommes d’accord avec le juge Laskin pour dire que ces clauses seraient [traduction] « dénuées de tout sens en ce qui a trait aux réclamations de première partie ».
[33] De fait, l’inclusion des par. 2 et 3 à l’Indemnité de 1985 est tout à fait incompatible avec l’idée selon laquelle le par. 1 vise les réclamations de première partie. Rien dans l’Indemnité de 1985 ne tend à indiquer que les réclamations pour pollution comprenaient aussi bien les réclamations de première partie que celles de tiers, mais que les exigences des par. 2 et 3 s’appliqueraient seulement au sous‑ensemble des réclamations pour pollution présentées par des tiers. Au contraire, le par. 2 s’applique à « toute réclamation pour pollution » (italiques ajoutés). Le fait que les exigences des par. 2 et 3 soient [traduction] « dénuées de tout sens » en ce qui a trait aux réclamations de première partie signifie que les réclamations pour pollution englobent seulement celles présentées par des tiers. Nous sommes donc d’accord avec le juge Laskin pour dire que le juge des motions a commis une erreur en n’interprétant pas globalement l’Indemnité de 1985. Interprétée comme il se doit, cette indemnité s’applique seulement aux réclamations de tiers.
[34] En somme, nous souscrivons à la conclusion du juge Laskin selon laquelle l’Indemnité de 1985 ne s’applique pas à l’arrêté du directeur et nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi de l’Ontario pour ce motif. Nous n’estimons donc pas nécessaire de traiter des autres arguments soulevés dans les présents pourvois.
Conclusion
[35] Nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi de l’Ontario et de rendre un jugement sommaire en sa faveur, avec dépens dans toutes les cours. Les pourvois de Résolu et de Weyerhaeuser sont rejetés.
Version française des motifs des juges Côté, Brown et Rowe rendus par
Les juges Côté et Brown (dissidents en partie) —
I. Aperçu
[36] Au cours des années 1960, le propriétaire d’une usine de pâtes et papiers située à Dryden, en Ontario (la société ayant précédé Reed Ltd.), a mis fin au rejet de déchets mercuriels non traités dans un réseau hydrographique voisin en enterrant ces déchets dans un lieu d’élimination adjacent. En 1979, Reed — alors propriétaire — a vendu l’ensemble de la propriété (y compris le lieu d’élimination des déchets) ainsi que l’exploitation de pâtes et papiers à Great Lakes Forest Products Limited. Dans le cadre d’un règlement des réclamations liées au rejet des déchets mercuriels, la province d’Ontario a accordé à Reed et à Great Lakes une indemnité au titre de la responsabilité environnementale (l’« Indemnité de l’Ontario »). Cette indemnité devait bénéficier aux successeurs et ayants droit de ces sociétés.
[37] Les présents motifs visent trois pourvois. Dans le pourvoi interjeté par la province, nous sommes appelés à déterminer si l’Indemnité de l’Ontario couvre les frais engagés pour se conformer aux ordonnances réglementaires de première partie, y compris celles prises en vertu d’une loi adoptée après la signature de l’entente. Les pourvois interjetés par la Compagnie Weyerhaeuser Limitée et Produits forestiers Résolu se rapportent à la question de savoir si l’une ou l’autre des sociétés, ou les deux, peuvent bénéficier de l’Indemnité de l’Ontario à titre de successeurs et ayants droit de Great Lakes.
[38] Les présents pourvois offrent aussi à notre Cour l’occasion d’appliquer les principes d’interprétation contractuelle énoncés dans les arrêts Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, et Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37, [2016] 2 R.C.S. 23, à un ensemble d’ententes commerciales complexes. Dans le pourvoi interjeté par la province, nous sommes aussi invités à nous pencher sur l’application de la doctrine de l’entrave aux pouvoirs de légiférer de la législature.
[39] Pour les motifs qui suivent, nous sommes d’avis de rejeter les pourvois interjetés par la province et Weyerhaeuser, et d’accueillir celui de Résolu.
II. Contexte factuel
A. La contamination par le mercure des rivières English et Wabigoon dans les années 1960 et 1970
[40] Au cours des années 1960 et 1970, Dryden Chemicals Limited et Dryden Paper Company Limited ont exploité, respectivement, une usine de chlore et de soude caustique utilisant le procédé à cathode de mercure et une usine de pâtes et papiers sur une propriété située à Dryden (la « propriété de Dryden »). Ensemble, elles ont produit divers polluants, dont des déchets mercuriels non traités, qu’elles ont rejeté dans les rivières English et Wabigoon situées à proximité, nuisant à la santé et aux entreprises de la population environnante, y compris des membres des Premières Nations de Grassy Narrows et d’Islington. Pour éliminer ces contaminants environnementaux, Dryden Paper a, en 1971, construit un lieu d’élimination des déchets sur la propriété de Dryden. Depuis 1977, ce site est assujetti à des exigences provinciales en matière de conformité.
[41] En 1976, Dryden Paper et Dryden Chemicals ont fusionné pour former Reed.
[42] En 1977, les Premières Nations de Grassy Narrows et d’Islington ont poursuivi Reed, Dryden Paper et Dryden Chemicals pour le préjudice que leur avait causé, selon elles, la contamination des rivières (le « litige de Grassy Narrows »).
B. La vente de la propriété de Dryden à Great Lakes en 1979
[43] En 1979, Reed a entamé des négociations en vue de vendre à Great Lakes ses opérations sur la propriété de Dryden. Great Lakes était toutefois réticente à procéder à cet achat en raison des responsabilités susceptibles de découler de la contamination par le mercure, dont celles en cause dans le litige de Grassy Narrows. Par ailleurs, la province tenait à ce que la vente se conclue afin d’assurer la viabilité économique locale de Dryden. La province a donc convenu d’indemniser Reed et Great Lakes pour tout dommage environnemental causé par Reed excédant 15 millions de dollars (l’« Indemnité de 1979 »). En retour, Great Lakes et Reed ont accepté de dépenser environ 200 millions de dollars pour la modernisation et l’agrandissement de l’usine de pâtes et papiers. Les modalités de cette entente ont été énoncées dans une lettre datée du 6 novembre 1979 du trésorier de l’Ontario au président de Great Lakes. Voici le passage pertinent de la lettre en question :
[traduction] La viabilité des installations de Dryden et l’engagement de dépenses majeures pour leur modernisation revêtent une importance considérable pour les gens de cette province. Les effets bénéfiques marqués qu’aura l’exploitation d’une installation modernisée sur l’emploi et l’économie de Dryden sont d’une grande importance.
Si les négociations entre Great Lakes et le groupe d’entreprises Reed aboutissent, et que Great Lakes est tenue de verser une quelconque somme d’argent par suite d’une décision judiciaire définitive rendue avant 2010 contre Great Lakes, Reed Ltd. ou toute autre personne relativement à la pollution causée par Reed Ltd. ou l’une des sociétés qui l’ont précédée dans la région de Dryden avant la date d’acquisition par Great Lakes des actifs et de l’entreprise du complexe de Reed Ltd. situé à Dryden, ou qu’un règlement est conclu avec un demandeur, règlement dont le montant aura été approuvé par le procureur général de l’Ontario, j’ai été autorisé par le Conseil exécutif de l’Ontario à vous aviser que je recommanderai au Conseil exécutif de l’Ontario de faire en sorte que le gouvernement de l’Ontario prenne les mesures nécessaires pour que Great Lakes Forest Products Limited ne soit pas tenue de verser une somme qui dépasse le montant maximal de 15 millions de dollars dont il est question au paragraphe 2 de la présente lettre, pourvu que Great Lakes consacre une somme de l’ordre de 200 millions de dollars à la modernisation et à l’agrandissement des installations de Dryden au cours des trois ou quatre prochaines années.
(d.a., vol. IV, p. 135‑136)
[44] Great Lakes a acheté l’usine de pâtes et papiers en décembre 1979 aux termes d’une convention d’achat d’actifs (la « convention de Dryden de 1979 »). Cette convention portait entre autres sur les responsabilités environnementales relatives à la propriété de Dryden. Plus particulièrement, la clause 5.3 de la convention créait un régime de partage des frais découlant des réclamations pour pollution, en vertu duquel Reed et Great Lakes devaient partager les frais liés aux responsabilités environnementales jusqu’à concurrence de 15 millions de dollars, laissant ainsi à Great Lakes l’entière responsabilité de tous les frais excédant ce montant. La clause 11.4 excluait de ce régime les frais engagés pour se conformer à un arrêté d’intervention pris par la province en 1979 (l’« arrêté d’intervention »), de sorte que Great Lakes en assumait seule la responsabilité.
C. Le règlement du litige de Grassy Narrows en 1985
[45] Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont amorcé un processus de médiation avec les Premières Nations d’Islington et de Grassy Narrows dans le but de résoudre les problèmes liés à la contamination par le mercure et de régler le litige de Grassy Narrows. Great Lakes était réticente à l’idée de participer à un règlement de litige de ce genre sans avoir obtenu de décharges de responsabilité pour la pollution au mercure causée par Reed et ses prédécesseurs. Pour sortir de cette impasse, le secrétaire provincial du Développement des ressources de l’Ontario, l’honorable R. H. Ramsay, a écrit à Great Lakes le 28 janvier 1982 (la « lettre de 1982 de Ramsay ») pour l’informer que la province l’indemniserait pour toute réclamation relative à la pollution au mercure :
[traduction] La présente lettre vise à faciliter le dénouement des négociations en cours. . .
Le gouvernement de l’Ontario reconnaît que le fait de parvenir à un règlement dans un avenir très rapproché représente un net avantage pour les peuples autochtones. Par conséquent, le gouvernement est prêt à indemniser Great Lakes Forest Products Limited pour toute réclamation relative à la pollution au mercure de sorte que le total des sommes versées par l’entreprise à titre de dommages‑intérêts octroyés par un tribunal ou versées par l’entreprise dans le cadre d’un règlement approuvé par le procureur général de l’Ontario pour des dommages imputables aux activités de Reed Paper Ltd. ou de l’une des sociétés l’ayant précédée dans la région de Dryden sera limité à 15 millions de dollars. Le gouvernement de l’Ontario assumera la responsabilité de toute somme accordée à titre de dommages‑intérêts par un tribunal ou de tout règlement approuvé par le procureur général de l’Ontario une fois que les 15 millions de dollars auront été payés par Great Lakes Forest Products Limited, Reed Ltd., Reed International Ltd., Dryden Chemicals Ltd. et Dryden Paper Co. Ltd. en ce qui touche les réclamations relatives à la pollution au mercure dont il est question précédemment. Ces réclamations incluent les réclamations relatives à la pollution au mercure fondées sur des dommages corporels, des dommages matériels et des pertes économiques, peu importe le demandeur, qu’il s’agisse d’un adulte, d’un mineur ou d’un enfant à naître.
Il est entendu que toute procédure judiciaire à l’issue de laquelle le gouvernement de l’Ontario pourrait être tenu de verser des sommes d’argent conformément à cet engagement doit être portée à l’attention dudit gouvernement dès qu’elle est introduite et celui‑ci a le droit d’assumer la défense ou de participer à la défense et/ou au règlement du litige. Le fait de ne pas donner cet avis ou de ne pas permettre au gouvernement de l’Ontario d’assumer la défense ou de participer à la défense et/ou au règlement du litige fera obstacle au versement par la province de toute somme d’argent en ce qui concerne l’action en question.
(d.a., vol. III, p. 175‑176)
[46] Le litige de Grassy Narrows fut réglé suivant des modalités officialisées dans un protocole d’entente (la « Convention de règlement ») signé le 22 novembre 1985 par le Canada, la province, les Premières Nations de Grassy Narrows et d’Islington, Reed et Great Lakes. Ces modalités furent approuvées par la Cour suprême de l’Ontario en 1986 (Mandamin c. Reed Ltd., C.S. Ont., n° 14716/77, 26 juin 1986), et furent mises en œuvre par le Parlement et par la législature ontarienne (Loi sur le règlement des revendications des bandes indiennes de Grassy Narrows et d’Islington (pollution par le mercure), L.C. 1986, c. 23; Loi de 1986 sur la convention de règlement relative à la contamination par le mercure du réseau hydrographique English‑Wabigoon, L.O. 1986, c. 23).
[47] La Convention de règlement prévoit que [traduction] « [l]es parties conviennent, sans pour autant admettre leur responsabilité et sous réserve des modalités de la présente convention, que le règlement vise à régler toute réclamation et tout droit d’action, passés, présents et futurs, découlant des points en litige » (d.a., vol. IV, p. 141 (nous soulignons)). Les « points en litige » sont définis comme suit dans les attendus :
[traduction] Le rejet par Reed et ses prédécesseurs de mercure et de tout autre polluant dans le réseau hydrographique English‑Wabigoon, ainsi que la présence continue de ces polluants, ce qui inclut la présence continue mais en voie de diminution de mercure méthylé dans les écosystèmes connexes depuis qu’on a constaté sa présence en 1969, et les mesures gouvernementales prises à cet égard, peuvent avoir eu des incidences et continuer d’en avoir et de soulever des préoccupations en ce qui concerne la conjoncture économique et sociale ainsi que la santé des membres actuels et futurs des bandes en question (« les points en litige »).
(d.a., vol. IV, p. 140)
[48] Aux termes de la Convention de règlement, la province devait aussi indemniser Great Lakes et Reed [traduction] « à l’égard des points en litige » (par. 2.4(a)), ce qui a mené à l’Indemnité de l’Ontario (d.a., vol. IV, p. 6). Cette indemnité a été incorporée à l’annexe F de la Convention de règlement. En retour, Great Lakes et Reed ont libéré la province de toutes les obligations découlant de l’Indemnité de 1979 et de la lettre de 1982 de Ramsay (par. 2.4(b); d.a., vol. IV, p. 6).
[49] Le paragraphe 1 de l’Indemnité de l’Ontario — dont le sens est au cœur du présent pourvoi — est, en partie, ainsi libellé :
[traduction] L’Ontario s’engage et consent à tenir Great Lakes, Reed, International et toute société qui, à la date de clôture [soit le 17 décembre 1979], était (directement ou indirectement) une filiale ou une société affiliée d’International, à couvert de l’ensemble des obligations, responsabilités, dommages, pertes, frais ou dépenses qu’est susceptible d’entraîner pour l’une ou l’autre d’entre elles, après la date des présentes, toute réclamation, action ou procédure, qu’elle soit prévue par loi ou autrement, qui existait au 17 décembre 1979 ou qui était susceptible de prendre naissance ou d’être présentée par la suite (y compris celles ayant pris naissance ou ayant été présentées après la date des présentes), par des particuliers, des firmes, des sociétés, des gouvernements (y compris le gouvernement fédéral du Canada et toute province ou municipalité du Canada, ou tout organisme ou autorité créé en vertu d’un pouvoir légal, ou d’un autre pouvoir) ou un ou plusieurs groupes de ceux‑ci, du fait ou à l’égard des dommages, pertes, événements ou circonstances dus ou présumés dus ou en ce qui a trait, en tout ou en partie, au rejet ou à la fuite de polluants, notamment le mercure ou toute autre substance, par Reed ou ses prédécesseurs, à partir des usines, des terrains ou des lieux faisant partie des actifs de Dryden que Reed Ltd. a vendus à Great Lakes en vertu de la convention de Dryden [de 1979], ou encore à la présence de tels polluants dans ces usines, terrains ou lieux (ci‑après appelées les « réclamations pour pollution »).
(d.a., vol. IV, p. 189‑190)
[50] Le paragraphe 2 de l’Indemnité de l’Ontario oblige la partie qui demande une indemnisation à aviser rapidement la province de la réception d’un avis de « réclamations pour pollution » (définies au par. 1), et donne à la province le droit d’assumer la défense, ou encore de participer à la défense et au règlement de la réclamation pour pollution. Aux termes du par. 3, Great Lakes doit collaborer avec la province à l’enquête, à la défense et au règlement d’une réclamation pour pollution. Le paragraphe 4 précise que l’indemnité n’est assujettie à aucune limite de temps, et le par. 6 prévoit que l’indemnité bénéficie aux successeurs et ayants droit respectifs des parties. Cette disposition est ainsi libellée :
[traduction] L’indemnité lie les successeurs et ayants droit respectifs de l’Ontario, de Reed, d’International et de Great Lakes et bénéficie à ceux‑ci, à condition toutefois que l’Ontario ne soit pas autorisé à céder l’indemnité sans le consentement préalable écrit des autres parties.
(d.a., vol. IV, p. 191‑192)
[51] En même temps, dans le cadre de la Convention de règlement, Great Lakes accordait une indemnité à Reed pour ses responsabilités environnementales. Les parties envisageaient que ces deux indemnités (cette indemnité et celle de l’Ontario) s’appliqueraient de concert; si Reed demandait à Great Lakes de l’indemniser, Great Lakes serait indemnisée en vertu de l’Indemnité de l’Ontario. Ce lien a été expressément reconnu à la toute fin du par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario :
[traduction] Il est expressément reconnu et convenu par les présentes qu’en ce qui concerne l’engagement et le consentement de l’Ontario à indemniser Great Lakes, l’expression « réclamations pour pollution » comprend l’ensemble des obligations, responsabilités, dommages, pertes, frais ou dépenses qu’est susceptible d’entraîner pour Great Lakes toute réclamation, action ou procédure qui découle de l’entente d’indemnisation conclue à la même date que les présentes entre Great Lakes, Reed et International, ou qui y est liée.
(d.a., vol. IV, p. 190)
[52] Après que les parties eurent signé la Convention de règlement, mais avant qu’elles signent l’Indemnité de l’Ontario, la Loi sur la protection de l’environnement, L.R.O. 1980, c. 141, a été modifée afin de conférer à la province et aux tiers un droit d’action contre certains pollueurs. Les modifications découlaient d’une loi intitulée An Act to amend The Environmental Protection Act, 1971, S.O. 1979, c. 91, et étaient également connues sous le nom de « loi sur les déversements ». Bien que la loi sur les déversements ne soit jamais entrée en vigueur, certains de ses éléments ont été incorporés dans la Loi sur la protection de l’environnement de 1980. Les dispositions pertinentes sont entrées en vigueur en novembre 1985. Par souci de commodité, ces modifications seront appelées « loi sur les déversements » dans les présents motifs.
D. Les modifications apportées au statut de la société entre 1985 et 1998
[53] Reed a subséquemment fusionné avec d’autres sociétés et la société qui lui a succédé a été dissoute en 1993. Pour sa part, Great Lakes est devenue Bowater Pâtes et papiers Canada Inc. en juillet 1998.
E. L’achat par Weyerhaeuser de la propriété de Dryden en 1998
[54] Le 30 septembre 1998, Weyerhaeuser a acheté de Bowater la propriété de Dryden ainsi que certains actifs utilisés dans l’exploitation de pâtes et papiers. Cette vente a été constatée dans la « convention d’achat d’actifs de 1998 ». En raison des responsabilités environnementales pouvant être associées au lieu d’élimination des déchets, Weyerhaeuser a voulu au départ exclure de l’opération la parcelle de terrain sur laquelle se trouvait le lieu en question, ce à quoi Bowater a consenti. Cette parcelle ne pouvait cependant pas être séparée de la propriété avant la date de clôture; l’accord a donc été restructuré de telle sorte que Bowater a transféré le titre de l’ensemble de la propriété de Dryden — y compris le lieu d’élimination des déchets — à Weyerhaeuser, et cette dernière a ensuite immédiatement loué ce site à Bowater. Une fois le titre du lieu d’élimination des déchets séparé du reste de la propriété de Dryden, ce lieu devait être rétrocédé à Bowater.
[55] Aux termes de la convention de bail conclue entre Bowater et Weyerhaeuser relativement au lieu d’élimination des déchets (la « Convention de bail »), Bowater devait entre autres indemniser Weyerhaeuser pour [traduction] « la présence ou le rejet de mercure et de tout autre contaminant, substance ou déchet sur ou dans les terres » (d.a., vol. V, p. 126). Cette clause d’indemnisation devait continuer de s’appliquer après la fin du bail.
[56] Bowater et Weyerhaeuser ont reconnu que la Convention de bail n’était [traduction] « qu’une entente provisoire en attendant que la séparation soit approuvée en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire », après quoi le titre du lieu d’élimination des déchets devait être rétrocédé à Bowater (ibid., p. 123). La séparation a été approuvée environ deux ans plus tard et Weyerhaeuser a rétrocédé le lieu d’élimination des déchets à Bowater le 25 août 2000.
[57] En 2007, Weyerhaeuser a vendu l’usine de pâtes et papiers de Dryden à Domtar Inc.
F. La restructuration de la société Bowater
[58] En avril 2009, Bowater (qui était alors devenue Bowater Produits forestiers du Canada Inc.) et un certain nombre de sociétés affiliées déposaient une demande de protection contre les créanciers en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, c. C‑36 (« LACC »). Bowater était alors toujours propriétaire du lieu d’élimination des déchets. Dans le cadre de la procédure fondée sur la LACC, Bowater a obtenu, en octobre 2010, une ordonnance l’autorisant à transférer le lieu d’élimination des déchets à 4513541 Canada Inc. Plusieurs mois plus tard, le séquestre de 4513541 Canada Inc. a obtenu du tribunal l’autorisation d’abandonner le lieu d’élimination des déchets, sans aucune responsabilité.
[59] En 2012, Bowater est devenue Produits forestiers Résolu.
G. L’arrêté du directeur de 2011
[60] Le 25 août 2011, la province, par l’entremise de son ministère de l’Environnement, a délivré un arrêté du directeur contre 4513541 Canada Inc., Weyerhaeuser, Bowater et plusieurs administrateurs de Bowater, les obligeant à faire ce qui suit :
[traduction] . . . réparer une certaine érosion du site, effectuer une analyse déterminée d’eaux souterraines et d’eaux de surface, et déposer des rapports annuels contenant des renseignements déterminés; (ii) remettre au [ministère de l’Environnement] la somme de 273 063 $ à titre de garantie financière pour le [lieu d’élimination des déchets]; et (iii) « prendre toutes les mesures raisonnables pour éviter le rejet d’un contaminant dans l’environnement naturel et pour remédier aux conséquences préjudiciables pouvant résulter d’un tel rejet conformément à toutes les exigences légales. »
(Motifs de la C.A., par. 50, citant l’arrêté du directeur, d.a., vol. IV, p. 27.)
Aux termes du par. 3.1 de l’arrêté du directeur, ces exigences étaient [traduction] « des exigences minimales seulement » et le fait d’y satisfaire ne dispensait pas les parties désignées de « se conformer aux autres arrêtés, lois ou règlements applicables » ou d’« obtenir les approbations ou consentements non mentionnés dans [l’] arrêté [du directeur] » (d.a., vol. IV, p. 28).
[61] L’arrêté du directeur a été pris en vertu de la Loi sur la protection de l’environnement, L.R.O. 1990, c. E.19. Cette loi avait été modifiée en 1990 afin d’autoriser le directeur à imposer certaines obligations aux anciens propriétaires d’une entreprise ou d’un bien et aux personnes qui, antérieurement, en assuraient la gestion ou en avaient le contrôle (voir Environmental Protection Statute Law Amendment Act, S.O. 1990, c. 18, par. 18(1) et art. 21 à 23).
[62] Weyerhaeuser et Résolu ont interjeté appel de l’arrêté du directeur auprès du Tribunal de l’environnement. La province affirme que ces appels sont présentement suspendus. Weyerhaeuser a également déposé, dans le cadre de la procédure fondée sur la LACC introduite par Bowater (qui était toujours en cours à l’époque), une preuve de réclamation en vue d’être indemnisée, en vertu de la Convention de bail, pour la valeur actuelle des travaux exigés par l’arrêté du directeur et les frais juridiques estimés, soit environ 373 063 $. En règlement de sa réclamation, Weyerhaeuser a reçu des actions d’une compagnie qui n’était plus sous la protection de la LACC, actions ayant par la suite été vendues en mai 2015.
III. Décisions des juridictions inférieures
[63] Peu après que l’arrêté du directeur lui eut été signifié, l’avocat de Weyerhaeuser en a avisé le ministère du Procureur général de l’Ontario, invoquant les par. 2 et 6 de l’Indemnité de l’Ontario et demandant que sa cliente soit indemnisée à titre de successeur et ayant droit de Great Lakes. En réponse, le procureur général a nié que les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur étaient couverts par l’Indemnité de l’Ontario. Weyerhaeuser a poursuivi la province afin d’obtenir une ordonnance déclarant qu’elle avait le droit d’être indemnisée en vertu de l’Indemnité de l’Ontario [traduction] « pour les frais qu’elle a engagés et qu’elle pourrait engager par suite de [l]’arrêté du directeur ayant pris effet le 6 septembre 2011 » (d.a., vol. II, p. 3). Résolu a obtenu l’autorisation d’intervenir à titre de partie à l’instance.
A. La décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, 2016 ONSC 4652, 60 B.L.R. (5th) 237
[64] Les parties ont présenté diverses requêtes en jugement sommaire à la Cour supérieure de justice de l’Ontario. La question en litige était de savoir si l’Indemnité de l’Ontario couvrait les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur et, dans l’affirmative, si Weyerhaeuser et Résolu avaient le droit d’en bénéficier.
[65] Le juge des requêtes a donné gain de cause à Weyerhaeuser et à Résolu, et a conclu que, comme le prévoit son premier paragraphe, l’Indemnité de l’Ontario s’appliquait aux ordonnances réglementaires de première partie. Il a ajouté que l’Indemnité de l’Ontario n’entravait pas indûment les pouvoirs de légiférer de la législature ontarienne.
[66] Le juge des requêtes a également conclu que la clause d’extension des bénéfices faisait en sorte que les droits et obligations conférés par l’Indemnité de l’Ontario s’étendaient à Résolu et à Weyerhaeuser — Résolu à titre de successeur corporatif de Great Lakes et Weyerhaeuser à titre de successeur en titre quant à la propriété de Dryden et de cessionnaire de l’Indemnité de l’Ontario de Bowater en vertu du par. 3.1(xiv) de la convention d’achat d’actifs de 1998.
B. La décision de la Cour d’appel, 2017 ONCA 1007, 77 B.L.R. (5th) 175
[67] La province a interjeté appel, soutenant que le juge des requêtes avait commis une erreur en concluant que l’Indemnité de l’Ontario couvrait les frais pour se conformer à l’arrêté du directeur, et que Weyerhaeuser et Résolu jouissaient du bénéfice de l’indemnisation qu’elle prévoyait.
[68] Les juges majoritaires de la Cour d’appel n’ont relevé aucune erreur dans la conclusion du juge des requêtes selon laquelle l’Indemnité de l’Ontario couvrait les frais engagés pour donner suite aux réclamations de première partie, y compris l’arrêté du directeur. Ils n’ont pas non plus modifié la conclusion selon laquelle la convention d’achat d’actifs de 1998 avait pour effet de transférer de Bowater à Weyerhaeuser le plein bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario. Cependant, comme Weyerhaeuser avait vendu l’usine de pâtes et papiers de Dryden à Domtar en 2007, la question de savoir quels droits, s’il en est, détenait Weyerhaeuser à titre de cessionnaire de l’Indemnité de l’Ontario au moment où a été pris l’arrêté du directeur en 2011 a été renvoyée à la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour décision. Les juges majoritaires ont toutefois relevé une erreur manifeste et déterminante dans la conclusion du juge des requêtes selon laquelle Weyerhaeuser pouvait se prévaloir de la clause d’extension des bénéfices prévue dans l’Indemnité de l’Ontario, affirmant que cette clause ne s’applique qu’aux successeurs corporatifs.
[69] Quant à Résolu, les juges majoritaires ont conclu que le juge des requêtes avait commis une erreur en statuant que Résolu pouvait réclamer l’Indemnité de l’Ontario à titre de successeur corporatif de Great Lakes après que Bowater eut cédé l’indemnité à Weyerhaeuser en vertu de la convention d’achat d’actifs de 1998. Cette cession a eu pour effet d’éteindre l’intérêt de Bowater dans l’indemnité de sorte que Bowater ne pouvait pas par la suite le transférer à Résolu à titre de successeur corporatif.
[70] Dissident, le juge Laskin aurait conclu que l’Indemnité de l’Ontario ne s’appliquait pas à l’arrêté du directeur parce qu’elle ne devait pas viser les réclamations de première partie et que l’arrêté du directeur ne constituait pas une [traduction] « réclamation pour pollution » au sens de ce document. Vu cette conclusion, il a estimé inutile de trancher la question de savoir si Résolu et Weyerhaeuser (ou l’une d’entre elles) pouvaient bénéficier de l’Indemnité de l’Ontario à titre de successeurs et ayants droit.
IV. Questions en litige et positions des parties
[71] La province, Résolu et Weyerhaeuser se pourvoient toutes les trois en appel devant la Cour. Bien qu’elles soulèvent diverses questions interreliées, il est possible de trancher les présents pourvois en répondant aux deux questions suivantes :
1. Le juge des requêtes a‑t‑il commis une erreur en concluant que l’Indemnité de l’Ontario couvrait les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur?
2. Le juge des requêtes a‑t‑il commis une erreur en concluant que Résolu et Weyerhaeuser bénéficiaient de l’Indemnité de l’Ontario à titre de successeurs et ayants droit de Great Lakes?
[72] La province soutient que le juge des requêtes a commis une erreur à ces deux égards et que son interprétation de l’Indemnité de l’Ontario a pour effet d’entraver de manière inacceptable le pouvoir de légiférer de la législature ontarienne. Résolu et Weyerhaeuser demandent pour leur part que la décision du juge des requêtes soit confirmée sur ces deux questions. Elles font également valoir que l’obligation qu’a la province en vertu de l’Indemnité de l’Ontario n’impose aucune entrave inacceptable à la législature ontarienne.
V. Analyse
A. Les principes d’interprétation contractuelle
[73] L’Indemnité de l’Ontario est un contrat. Les avocats d’aujourd’hui ont de la chance de vivre à [traduction] « une époque où il existe une multitude de directives formulées par les tribunaux d’appel supérieurs sur la manière d’interpréter des contrats » (Royal Devon and Exeter NHS Foundation Trust c. ATOS IT Services UK Ltd., [2017] EWCA Civ 2196, [2018] 2 All E.R. (Comm.) 535, par. 45). Sans vouloir ajouter à cette multitude de directives, nous estimons utile de souligner certains principes fondamentaux que nous jugeons importants pour l’interprétation du contrat dont il est question en l’espèce.
[74] Notre Cour a affirmé que l’objectif de l’interprétation contractuelle était de déterminer les intentions objectives des parties (Sattva, par. 55). Elle a aussi dit que cet objectif était de cerner les « attentes raisonnables des parties en ce qui concerne la signification d’une disposition contractuelle » (Ledcor, par. 65). Elle a signalé que, pour satisfaire à ces objectifs, les tribunaux avaient tendance à délaisser l’approche axée « sur des règles de forme en matière d’interprétation » et à appliquer une démarche fondée plutôt sur des « [considérations] pratique[s] [et] sur le bon sens » (Sattva, par. 47). Cela les oblige à interpréter le contrat « dans son ensemble, en donnant aux mots y figurant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat » (ibid.).
[75] Nous reconnaissons qu’en parlant des intentions objectives des parties au moment de conclure le contrat et des attentes raisonnables des parties, la Cour peut avoir laissé planer une certaine incertitude quant aux objectifs de l’interprétation contractuelle (voir A. Swan, J. Adamski et A. Y. Na, Canadian Contract Law (4e éd. 2018), p. 673‑916). Comme rien ne tend ici à indiquer qu’il y a une divergence entre les intentions et les attentes des parties, nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire de régler cette question en l’espèce; nous soulignons simplement l’incohérence.
[76] L’interprétation contractuelle commence par la lecture des mots du contrat; une interprétation légitime sera compatible avec les termes employés par les parties pour exprimer leur accord (G. R. Hall, Canadian Contractual Interpretation Law (3e éd. 2016), p. 11). Comme la Cour l’a affirmé dans l’arrêt Sattva, la signification d’un contrat est fondée sur les termes mêmes utilisés par les parties (par. 57). Une interprétation qui s’écarte trop de ces termes ne donne pas effet à la façon dont les parties ont choisi de définir leurs obligations (Canadian Contractual Interpretation Law, p. 9).
[77] Cela ne veut pas dire que les mots employés dans le contrat doivent être lus isolément. La Cour a indiqué dans l’arrêt Sattva que les mots du contrat doivent être lus en tenant compte des circonstances — que l’on appelle parfois le « fondement factuel » — qui consistent en une « preuve objective du contexte factuel au moment de la signature du contrat, c’est‑à‑dire, les renseignements qui appartenaient ou auraient raisonnablement dû appartenir aux connaissances des deux parties à la date de signature ou avant celle‑ci » (par. 58 (référence omise)). Une interprétation qui ne tient pas compte du contexte dans lequel le contrat a été conclu ne permettra pas de cerner les intentions des parties, même si l’interprétation est [traduction] « littéralement correcte » (Canadian Contractual Interpretation Law, p. 9; voir aussi Sattva, par. 57). En termes simples, le texte du contrat tire sa signification, en partie, du contexte.
[78] Nous tenons à souligner que le texte tire sa signification en partie du contexte. Une mise en garde importante s’impose donc : le contexte — c’est‑à‑dire le fondement factuel — ne peut pas « supplanter [les termes] » du contrat ou appuyer une interprétation qui « s’écarte [du texte] au point de créer dans les faits une nouvelle entente » (Sattva, par. 57). Le fondement factuel aide à dégager le sens des mots que les parties ont choisi d’employer pour exprimer leur accord; ce n’est pas un moyen pour changer les termes du contrat de manière à modifier les droits et les obligations des parties (Canadian Contractual Interpretation Law, p. 33‑34).
[79] Comme nous l’expliquerons plus loin, l’interprétation contractuelle requiert aussi que les tribunaux tiennent compte du principe de la raisonnabilité et de l’efficacité commerciales. Les contrats doivent donc être interprétés [traduction] « conformément aux principes commerciaux reconnus et au bon sens en matière commerciale » (Scanlon c. Castlepoint Development Corp. (1992), 1992 CanLII 7745 (ON CA), 11 O.R. (3d) 744, p. 770). Comme l’a expliqué lord Diplock dans l’arrêt Antaios Compania Naviera S.A. c. Salen Rederierna A.B., [1985] 1 A.C. 191 (H.L.), à la p. 201, [traduction] « si l’analyse sémantique et syntaxique détaillée de mots contenus dans un contrat commercial mène à une conclusion qui va à l’encontre du bon sens en matière commerciale, c’est le bon sens en matière commerciale qui l’emporte ». Le principe selon lequel les contrats doivent être lus de manière commercialement raisonnable et efficace est donc important dans l’interprétation des modalités d’un contrat.
[80] En définitive, l’interprétation contractuelle implique l’application de divers outils — y compris un examen du fondement factuel et du principe de la raisonnabilité commerciale — pour bien comprendre la signification des mots employés par les parties pour exprimer leur accord.
B. Le pourvoi de la province
[81] La question en litige dans le pourvoi de la province est celle de savoir si le juge des requêtes a commis une erreur en concluant que l’obligation qu’avait la province de verser une indemnité en vertu du par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario s’étendait aux frais engagés pour se conformer aux ordonnances réglementaires de première partie, comme l’arrêté du directeur. En arrivant à cette conclusion, le juge a accordé une importance considérable au texte du par. 1, où il est question de [traduction] « toute réclamation, action ou procédure, qu’elle soit prévue par la loi ou autrement, [. . .] par des particuliers, des firmes, des sociétés, des gouvernements (y compris le gouvernement fédéral du Canada et toute province ou municipalité du Canada, ou tout organisme ou autorité créé en vertu d’un pouvoir statutaire ou d’un autre pouvoir) » (d.a., vol. IV, p. 189 (nous soulignons)). À son avis, ni la lecture du contrat dans son ensemble ni les circonstances ne permettaient de considérer que l’Indemnité de l’Ontario excluait les frais engagés pour se conformer aux ordonnances réglementaires de première partie.
[82] La province voit les choses différemment. Elle affirme que, correctement interprété, le par. 1 vise seulement [traduction] « les réclamations de tiers, prévues par la loi ou par la common law, de la nature de celles réglées en 1985 » (m.a. Ontario, par. 3). Comme l’arrêté du directeur a été pris en 2011 par le ministère provincial de l’Environnement en vertu de dispositions de la Loi sur la protection de l’environnement de 1990, laquelle a été édictée cinq ans après la signature de la Convention de règlement, la province estime que l’obligation d’indemniser ne s’étend pas aux frais engagés par Weyerhaeuser et Résolu pour s’y conformer.
[83] Plus précisément, la province affirme que le juge des requêtes a commis quatre erreurs : (1) il n’a pas examiné le libellé de l’Indemnité de l’Ontario à la lumière du fondement factuel, qui, selon la province, comprend l’Indemnité de 1979, la lettre de 1982 de Ramsay, la convention de Dryden de 1979, la Convention de règlement et la loi sur les déversements; (2) il n’a pas interprété le par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario à la lumière du reste de cette indemnité; (3) il a commis des erreurs manifestes et déterminantes dans deux conclusions de fait; et (4) il a interprété l’Indemnité de l’Ontario de manière à entraver de manière inacceptable les pouvoirs de légiférer de la législature, de sorte que l’Indemnité de l’Ontario est devenue complètement non exécutoire.
[84] À l’instar des juges majoritaires de la Cour d’appel, nous rejetons chacun de ces arguments et nous rejetterions le pourvoi de la province. Le juge des requêtes n’a commis aucune erreur en interprétant l’Indemnité de l’Ontario comme couvrant les frais que l’arrêté du directeur a imposés aux successeurs et ayants droit de Great Lakes. Bien que son analyse sur ce point ait reposé principalement sur le libellé du par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario, le juge s’est aussi penché sur la signification de cette disposition à la lumière de l’entente dans son ensemble et des circonstances ayant entouré sa conclusion en 1985. Loin d’avoir exclu de son examen le contexte de l’entente dans son ensemble ou les circonstances entourant celle‑ci, il en a tenu compte et il est tout simplement arrivé à la conclusion que ni l’une ni l’autre de ces considérations n’étayait une interprétation de l’Indemnité de l’Ontario qui exclurait les réclamations de première partie.
(1) Le juge des requêtes a‑t‑il commis une erreur dans son appréciation du fondement factuel?
[85] La province soutient que le juge des requêtes a commis une erreur en mettant l’accent sur le texte de l’Indemnité de l’Ontario et que, ce faisant, il [traduction] « ne s’est pas rendu compte que des événements remontant à 1979 éclairaient considérablement le sens de l’indemnité [de l’Ontario] » (m.a. Ontario, par. 71). Selon elle, le juge aurait dû prendre en considération la corrélation entre, d’une part, l’Indemnité de l’Ontario et, d’autre part, l’Indemnité de 1979, la lettre de 1982 de Ramsay, la convention de Dryden de 1979, la Convention de règlement (y compris un contrat d’entiercement et des annexes) et l’adoption de la loi sur les déversements.
[86] L’appréciation que le juge des requêtes a faite du fondement factuel dans les circonstances de l’espèce commande la déférence en appel (Sattva, par. 52). Il incombe à la province de prouver que toute erreur commise à cet égard est une erreur de nature manifeste et déterminante.
a) L’Indemnité de 1979 et la lettre de 1982 de Ramsay
[87] La province souligne que l’Indemnité de 1979, qui ne peut être invoquée que si une décision judiciaire exige le paiement d’une somme d’argent ou si un règlement est approuvé par la province, et la lettre de 1982 de Ramsay, qui est rédigée en termes semblables, démontrent toutes deux qu’elle avait l’intention d’accorder une indemnité seulement pour les réclamations de tiers. Elle fait valoir qu’une prise en compte adéquate de ces éléments du fondement factuel aurait dû amener le juge des requêtes à conclure que l’Indemnité de l’Ontario ne s’étend de la même manière qu’aux frais associés aux obligations qu’ont les tiers en vertu d’ordonnances judiciaires ou de règlements de réclamations relatives à la contamination par le mercure et ne couvre pas les frais engagés pour se conformer aux ordonnances réglementaires de première partie.
[88] Bien qu’il n’ait pas fait précisément référence à la lettre de 1982 de Ramsay dans son analyse, le juge des requêtes a rejeté toute comparaison entre l’Indemnité de l’Ontario et l’Indemnité de 1979 au motif que la première [traduction] « est une entente distincte que l’on doit interpréter en tenant compte des mots employés par les parties à celle‑ci et non d’une entente intervenue antérieurement » (par. 48). Nous ne relevons aucune erreur dans cette conclusion. S’il est vrai que les trois indemnités visent à corriger le même problème sous‑jacent (la contamination par le mercure), nos collègues de la majorité ne reconnaissent pas qu’il s’agit d’ententes distinctes conclues à des fins distinctes dans le cadre de négociations distinctes. Plus précisément, l’Indemnité de 1979 a été accordée pour inciter Great Lakes à acheter la propriété de Dryden, l’indemnité dont il est question dans la lettre de 1982 de Ramsay a été versée pour encourager Great Lakes à régler le litige de Grassy Narrows et l’Indemnité de l’Ontario a été accordée dans le cadre du règlement définitif de ces réclamations.
[89] Fait important, l’Indemnité de l’Ontario — contrairement à l’Indemnité de 1979 ou à la lettre de 1982 de Ramsay — englobe bien plus que les ordonnances judiciaires et les règlements relatifs à la contamination par le mercure remontant à l’époque de Reed; elle s’applique à [traduction] « l’ensemble des obligations, responsabilités, dommages, pertes, frais ou dépenses qu’est susceptible d’entraîner [. . .] toute réclamation, action ou procédure, qu’elle soit prévue par la loi ou autrement » (d.a., vol. IV, p. 189). Le champ d’application de cette indemnité, par rapport à celui des autres indemnités, est significatif pour l’exercice d’interprétation.
[90] En outre, le fait que les parties aient remplacé l’Indemnité de 1979 et l’engagement pris dans la lettre de 1982 de Ramsay par l’Indemnité de l’Ontario tend à indiquer que les parties elles‑mêmes — dont le juge des requêtes devait cerner les intentions — ne considéraient pas que les ententes antérieures avaient le même champ d’application que l’Indemnité de l’Ontario. De toute évidence, il n’aurait servi à rien que Great Lakes et Reed libèrent la province des obligations qui lui incombaient en vertu de l’Indemnité de 1979 et de la lettre de 1982 de Ramsay figurant à l’annexe E de la Convention de règlement pour ensuite imposer à la province les mêmes conditions en signant l’Indemnité de l’Ontario contenue à l’annexe F de la même convention.
[91] Nous concluons donc que le juge des requêtes n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante en refusant de restreindre le champ d’application de l’Indemnité de l’Ontario sur le fondement des indemnités antérieures.
b) La convention de Dryden de 1979
[92] Le champ d’application de l’Indemnité de l’Ontario est essentiellement le même que celui de l’indemnité que Great Lakes a accordée à Reed à la clause 5.3 de la convention de Dryden de 1979 dans le cadre de son régime de partage des frais. Comme nous l’avons déjà expliqué, la clause 11.4 de cette convention soustrayait les frais engagés pour se conformer à l’arrêté d’intervention pris par le ministère de l’Environnement en 1979, et laissait à Great Lakes l’entière responsabilité de ces frais. Le juge des requêtes a conclu que l’existence de cette [traduction] « disposition particulière qui excluait les frais engagés pour se conformer à la réglementation étaye la conclusion selon laquelle l’Indemnité de l’Ontario englobe ces frais parce qu’elle ne renferme pas de disposition semblable » (par. 48 (nous soulignons))[1].
[93] Devant notre Cour, la province fait remarquer que la convention de Dryden de 1979 [traduction] « était une entente contractuelle privée conclue entre Reed et Great Lakes », de sorte que l’absence d’une exemption particulière dans l’Indemnité de l’Ontario ne signifie pas que la province voulait couvrir les frais engagés pour se conformer à la réglementation (m.a. Ontario, par. 83). Bien qu’il soit vrai que la province n’était pas partie à la convention de Dryden de 1979, elle en connaissait les modalités quand elle a consenti à l’Indemnité de l’Ontario (comme il ressort clairement du par. 7 de l’Indemnité de l’Ontario). En outre, le texte de l’indemnité prévue à la clause 5.3 de la convention de Dryden de 1979 est presque identique à celui utilisé au par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario. Vu qu’il existe une disposition soustrayant l’arrêté d’intervention du champ d’application du régime de partage des frais dans la convention de Dryden de 1979, les parties devaient avoir compris que cette ordonnance réglementaire aurait autrement constitué une [traduction] « réclamation pour pollution » pour l’application de la clause 5.3. De plus, comme le par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario définit l’expression « réclamation pour pollution » dans des termes quasi identiques, le juge des requêtes n’a commis aucune erreur en considérant que l’absence d’une exemption semblable dans l’Indemnité de l’Ontario étayait la conclusion que les ordonnances réglementaires — comme l’arrêté du directeur — étaient visées par cette indemnité.
[94] Dans ses motifs dissidents, le juge Laskin affirme qu’un [traduction] « libellé d’exclusion semblable n’était pas nécessaire » dans l’Indemnité de l’Ontario puisqu’en 1985, ni Reed ni Great Lakes n’avait d’obligation en vertu de l’arrêté d’intervention (par. 256). Cependant, avec égards, les parties devaient savoir qu’une nouvelle ordonnance réglementaire pouvait facilement être rendue après la signature de l’Indemnité de l’Ontario. Rien ne les empêchait de prévoir expressément — comme l’avaient fait les parties à la convention de Dryden de 1979 — que de telles ordonnances ne seraient pas visées par l’indemnité.
c) La Convention de règlement
[95] Aux termes du par. 2.4(a) de la Convention de règlement, la province était tenue d’indemniser Reed et Great Lakes relativement aux [traduction] « points en litige », expression qui était définie comme suit dans les attendus de la convention :
[traduction] Le rejet par Reed et ses prédécesseurs de mercure et de tout autre polluant dans le réseau hydrographique English‑Wabigoon, ainsi que la présence continue de ces polluants, ce qui inclut la présence continue mais en voie de diminution de mercure méthylé dans les écosystèmes connexes depuis qu’on a constaté sa présence en 1969, et les mesures gouvernementales prises à cet égard, peuvent avoir eu et continuer d’avoir des incidences en ce qui concerne la conjoncture économique et sociale ainsi que la santé des membres actuels et futurs des bandes en question (les « points en litige »). [Nous soulignons.]
(d.a., vol. IV, p. 140)
[96] La province soutient que le juge des requêtes n’a pas bien compris l’importance de ces passages de la Convention de règlement pour l’interprétation du par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario. Selon elle, les ordonnances préventives — comme l’arrêté du directeur — ne font pas partie des [traduction] « points en litige » que la Convention de règlement visait à régler puisque le lieu d’élimination des déchets n’était pas une source du rejet. Nous constatons toutefois que parmi ces « points en litige » se trouvent les « mesures gouvernementales prises à [l’]égard » de la contamination par le mercure causée par Reed et ses prédécesseurs. Le dossier montre amplement que la province savait que Dryden Paper avait construit un lieu d’élimination des déchets qui était destiné à contenir les déchets mercuriels et qui était surveillé par des organismes gouvernementaux depuis 1977 (d.a., vol. IV, p. 35‑36; d.a., vol. VI, p. 2‑3). Il s’ensuit que cette surveillance fait entièrement partie des « points en litige » que la Convention de règlement visait à régler.
[97] Quoi qu’il en soit, l’Indemnité de l’Ontario s’applique expressément (entre autres) à la présence de « polluants, notamment le mercure ou toute autre substance, [. . .] [dans] [l]es usines, [l]es terrains ou [l]es lieux faisant partie des actifs de Dryden que Reed Ltd. a vendus à Great Lakes en vertu de la convention de Dryden [de 1979] » (d.a., vol. IV, p. 190). En conséquence, peu importe la compréhension que l’on peut avoir de la portée des points en litige énoncés dans la Convention de règlement, cet élément du fondement factuel ne saurait « supplanter » le texte de l’Indemnité de l’Ontario ou être utilisé pour « s’écarte[r] » de ce dernier (Sattva, par. 57).
d) La loi sur les déversements
[98] Le paragraphe 1 de l’Indemnité de l’Ontario suit de très près le libellé de l’indemnité que Great Lakes a accordée à Reed à la clause 5.3 de la convention de Dryden de 1979 dans le cadre du régime de partage des frais, mais il existe une différence importante entre ces deux indemnités : la première s’applique expressément aux réclamations, actions et procédures, [traduction] « qu’elle[s] soi[ent] prévue[s] par la loi ou autrement », mais pas la deuxième. La province explique que ce renvoi exprès aux réclamations prévues par la loi dans l’Indemnité de l’Ontario reflète l’adoption de la loi sur les déversements, qui a créé en faveur du gouvernement et des particuliers un nouveau droit d’action statutaire contre les pollueurs, et qui a été promulguée seulement deux semaines avant que les parties signent la Convention de règlement et l’Indemnité de l’Ontario. Ce libellé, affirme‑t‑elle, [traduction] « traitait d’une nouvelle cause d’action statutaire importante créée par la loi sur les déversements ainsi que des autres réclamations statutaires qui auraient pu être présentées par des tiers à ce moment‑là » (m.a. Ontario, par. 88). La province soutient donc que les tribunaux d’instance inférieure ont commis une erreur en considérant que les termes en question englobaient les frais engagés pour donner suite a) aux réclamations réglementaires de première partie présentées en vertu de pouvoirs conférés par la loi et b) aux autres types de réclamations découlant d’une loi adoptée après la date de clôture en 1985 — comme l’arrêté du directeur, qui a été pris en vertu des dispositions de la Loi sur la protection de l’environnement entrées en vigueur en 1990.
[99] Le juge des requêtes n’a pas tenu compte de la loi sur les déversements. (Nos collègues de la majorité ne l’ont d’ailleurs pas fait non plus.) Il s’est toutefois fondé sur le libellé du par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario pour conclure qu’elle s’applique [traduction] « aux réclamations ou procédures prévues par la loi présentées par un organisme de la province, comme [l’arrêté du directeur] pris par le [ministère de l’Environnement] » (par. 47). Les juges majoritaires de la Cour d’appel n’ont relevé aucune erreur à cet égard : [traduction] « il n’appartenait pas au juge des requêtes de prendre en considération la preuve relative aux intentions particulières des parties ou aux négociations particulières intervenues entre elles, et notamment de se demander si elles ont parlé de la loi sur les déversements pendant les négociations qui ont mené à la signature de l’Indemnité de l’Ontario » (par. 112). Comme ils l’ont expliqué, cette approche repose sur le principe selon lequel la preuve relative aux négociations particulières menées par les parties est inadmissible aux fins de l’interprétation contractuelle. Cependant, le juge Laskin a plutôt qualifié l’adoption de la loi sur les déversements de fait objectif que les parties connaissaient ou auraient raisonnablement dû connaître au moment de conclure leur entente, et il a conclu que [traduction] « [l]e moment où la loi sur les déversements a été adoptée par rapport à celui où l’Indemnité [de l’Ontario] a été conclue démontre que cette loi est sans aucun doute la raison pour laquelle l’Indemnité [de l’Ontario] contenait les termes supplémentaires sur lesquels se sont appuyés le juge des requêtes et les intimées » (par. 249).
[100] Soulignons que la « règle générale » qui rend inadmissible la preuve relative aux négociations particulières intervenues entre les parties et aux intentions subjectives particulières de ces dernières s’accorde mal avec la règle selon laquelle les circonstances entourant la conclusion d’un contrat en guident l’interprétation. Comme il a été souligné dans Canadian Contract Law :
[traduction] Au Canada, la difficulté à maintenant déterminer le contenu de la règle ou même à reconnaître le maintien de son existence découle de la déclaration du juge Rothstein dans l’arrêt Sattva Capital selon qui un tribunal doit tenir compte des circonstances ou du « fondement factuel ». Il semble très difficile de distinguer ce qui s’est passé lors des négociations des « circonstances »; en fait, et malgré l’arrêt de la Chambre des lords, Chartbrook Ltd. c. Persimmon Homes Ltd. [[2009] UKHL 38], il est difficile d’imaginer où ou encore comment tracer la ligne. [Note en bas de page omise; p. 746.]
Les juges majoritaires de la Cour d’appel faisaient peut‑être allusion à cette difficulté lorsqu’ils ont laissé entendre que la règle pourrait devoir être modifiée [traduction] « pour des raisons de politique générale » (par. 112). Bien que nous soyons conscients de l’incertitude qui entoure cette question de droit, nous sommes d’avis d’en reporter la résolution à une autre occasion, lorsqu’il sera nécessaire de le faire pour trancher le pourvoi, et lorsque les juridictions inférieures se seront prononcées plus directement sur celle‑ci et que les parties en auront traité plus directement dans leur argumentation.
[101] Même en acceptant que la promulgation de la loi sur les déversements en novembre 1985 soit une preuve objective et admissible de ce que les parties avaient envisagé ou auraient dû envisager au moment de conclure l’Indemnité de l’Ontario, il est difficile de conclure à partir de cette prémisse que les parties comprenaient que les mots [traduction] « prévue par la loi ou autrement » renvoyaient seulement aux réclamations présentées en vertu de la loi sur les déversements ou aux « autres réclamations statutaires qui auraient pu être présentées par des tiers à ce moment‑là » (m.a. Ontario, par. 88). Cet élément du fondement factuel n’étaye pas la thèse selon laquelle l’indemnité exclut les réclamations, actions ou procédures présentées en vertu d’une loi adoptée après la signature de l’Indemnité de l’Ontario — surtout qu’il est expressément indiqué qu’elle vise les réclamations, actions ou procédures « qui existai[ent] au 17 décembre 1979 ou qui étai[ent] susceptible[s] de prendre naissance ou d’être présentée[s] par la suite » (d.a., vol. IV, p. 189 (nous soulignons)).
[102] De plus, la thèse selon laquelle l’adoption de la loi sur les déversements, à titre de circonstance, appuie une interprétation restreinte de l’Indemnité de l’Ontario — interprétation selon laquelle cette indemnité exclut les frais liés aux réclamations de première partie — n’est pas conciliable avec le fait que la loi sur les déversements crée un droit d’action en faveur des particuliers et de la province de l’Ontario. À cet égard, le par. 68i(2) de la loi sur les déversements prévoit ce qui suit :
[traduction]
(2) Sa Majesté du chef de l’Ontario ou du chef du Canada ou toute autre personne a le droit d’obtenir une indemnisation du propriétaire du polluant et de la personne qui exerce un contrôle sur le polluant :
a) en ce qui concerne une perte ou un dommage subis directement à la suite :
(i) du déversement d’un polluant qui a ou aura vraisemblablement des conséquences préjudiciables,
(ii) de l’exercice de tout pouvoir en vertu du paragraphe 1 de l’article 68j ou de l’exécution d’une obligation imposée, de l’application d’un arrêté pris, ou d’une directive donnée dans le cadre de la présente partie, ou de la tentative qui est faite à cette fin,
(iii) du défaut, notamment par négligence, d’exécuter une obligation imposée ou d’appliquer un arrêté pris ou une directive donnée dans le cadre de la présente partie;
b) en ce qui concerne les frais et les dépenses raisonnables engagés en vue de faire appliquer ou de tenter de faire appliquer un arrêté pris ou une directive donnée dans le cadre de la présente partie.
En fait, si les parties avaient (ou, du moins, devaient avoir) envisagé la loi sur les déversements lorsqu’elles ont signé l’Indemnité de l’Ontario, elles auraient su qu’elle créait une responsabilité à l’égard des premières parties et des tiers.
[103] Dans le même ordre d’idées, la province avance aussi l’argument pour le moins étrange selon lequel les réclamations de première partie devraient être exclues du champ d’application de l’Indemnité de l’Ontario parce que les réclamations, actions et procédures présentées par [traduction] « toute province » auxquelles elle fait référence n’englobent pas celles présentées par le gouvernement de l’Ontario (m.a. Ontario, par. 43 et 93). Avec égards, l’idée selon laquelle les parties n’auraient pas saisi que les termes « toute province » incluaient la province dans laquelle la propriété de Dryden est située et qui a clairement le pouvoir constitutionnel d’édicter et de faire valoir des réclamations statutaires en pareilles circonstances est simplement absurde (voir motifs du juge des requêtes, par. 48). En effet, l’Ontario est peut‑être la seule « province » à laquelle pourrait s’appliquer cette disposition puisque dans l’arrêt Interprovincial Co‑operatives Ltd. c. La Reine, 1975 CanLII 212 (CSC), [1976] 1 R.C.S. 477, notre Cour a conclu que le Manitoba n’avait pas le pouvoir constitutionnel d’édicter et de faire valoir une réclamation statutaire contre Dryden Chemicals relativement à la contamination par le mercure des rivières.
[104] Enfin, l’idée selon laquelle le champ d’application de l’indemnité exclut les frais engagés pour se conformer aux ordonnances réglementaires de première partie est affaiblie davantage par le fait que l’indemnité s’applique expressément aux réclamations, actions et procédures intentées par [traduction] « tout organisme ou autorité créé en vertu d’un pouvoir statutaire ou d’un autre pouvoir » (d.a., vol. IV, p. 189). Le rôle de tels organismes ou autorités est d’agir en vertu des lois ou des règlements de l’Ontario en rendant des ordonnances réglementaires comme celle en cause en l’espèce.
[105] Compte tenu de ce qui précède, nous ne voyons aucune erreur révisable dans l’examen que le juge des requêtes a fait du fondement factuel et nous n’en voyons donc aucune dans son interprétation de l’obligation qu’a la province en vertu du par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario, interprétation selon laquelle cette indemnité s’étend aux réclamations de première partie, y compris celles présentées en vertu d’une loi adoptée subséquemment.
(2) Le juge des requêtes a‑t‑il commis une erreur en ne lisant pas le par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario à la lumière de l’entente dans son ensemble?
[106] À l’appui de son deuxième argument, la province soutient que les par. 2 et 3 de l’Indemnité de l’Ontario, lesquels confèrent à l’Ontario le droit de prendre en charge une réclamation pour pollution et obligent les sociétés à collaborer avec cette province dans le contexte d’une réclamation pour pollution, sont typiques des indemnités de tiers, de sorte qu’il devrait être clair que l’Indemnité de l’Ontario n’était pas censée viser également les réclamations de première partie. Ces deux dispositions sont rédigées en ces termes :
[traduction]
2. Sur réception d’un avis de toute réclamation pour pollution adressé à Great Lakes, à Reed ou à tout prédécesseur en titre de Reed, Great Lakes, Reed, ou à défaut de Reed, International, selon le cas, avise rapidement, par écrit, l’Ontario de la réception de cet avis et en donne des détails raisonnables; l’Ontario a le droit de choisir d’assumer la défense ou de participer à la défense et/ou au règlement de la réclamation pour pollution et de toute procédure y afférente, selon ce qu’il estime approprié.
. . .
3. Lorsqu’une réclamation pour pollution est présentée contre l’une ou l’autre des sociétés dont il est question au paragraphe 1 des présentes, lesdites sociétés doivent pleinement collaborer avec l’Ontario à l’enquête, à la défense et au règlement de la réclamation. Elles doivent également mettre tout en œuvre pour obtenir la collaboration de tout le personnel ayant des connaissances ou des informations pertinentes relativement à la réclamation pour pollution et communiquer à l’Ontario tous les renseignements dont elles disposent . . .
[107] Nous convenons avec le juge Laskin que ces dispositions [traduction] « n’ont de sens qu’à l’égard des réclamations de tiers » présentées à l’encontre des parties indemnisées, et qu’elles sont « dénuées de tout sens » dans le contexte de réclamations et d’ordonnances de première partie, tel l’arrêté du directeur (par. 268). Cela n’a pas non plus échappé au juge des requêtes. Celui‑ci a plutôt estimé que l’obligation d’aviser imposée par le par. 2 n’était [traduction] « pas incompatible avec l’obligation qui incombe à la province d’indemniser Weyerhaeuser et Résolu pour les frais engagés pour se conformer à l’[arrêté du directeur] » (par. 48). Autrement dit, s’il ne prévoit pas d’indemnisation de première partie, le par. 2 ne l’exclut pas non plus, et il n’écarte pas le libellé du par. 1 qui la prévoit clairement. Comme le souligne Weyerhaeuser, [traduction] « [c]e n’est pas parce que certaines dispositions procédurales peuvent être inutiles ou redondantes pour certains types de réclamations qu’un tribunal ne doit pas prendre en considération un texte clair qui confirme que ces réclamations sont visées par l’indemnité [de l’Ontario] » (m.i. Weyerhaeuser (pourvoi de l’Ontario), par. 55). (Ce raisonnement s’appliquerait aussi au par. 3, étant donné sa ressemblance avec le par. 2.) Là encore, nous ne voyons aucune erreur révisable.
(3) Le juge des requêtes a‑t‑il commis des erreurs manifestes et déterminantes dans ses conclusions de fait?
[108] Le troisième argument de la province repose sur ce qu’elle affirme être deux erreurs de fait manifestes et déterminantes commises par le juge des requêtes. La province renvoie d’abord à la déclaration de ce dernier que Great Lakes a [traduction] « continué de dépenser beaucoup d’argent à la modernisation de l’exploitation de pâtes et papiers de Dryden », conformément à la Convention de règlement (par. 48). Selon elle, cette déclaration montre que le juge n’a pas compris que ces efforts de modernisation étaient consentis en contrepartie de l’Indemnité de 1979, et qu’ils ne faisaient pas partie de la contrepartie donnée par Great Lakes en échange de l’Indemnité de l’Ontario. La deuxième erreur soi‑disant commise par le juge se trouverait dans sa conclusion, non étayée par la preuve, que le lieu d’élimination des déchets était la source de la contamination par le mercure des rivières English et Wabigoon.
[109] Nous commençons par rejeter la proposition selon laquelle le juge des requêtes a commis une erreur en disant que l’Indemnité de l’Ontario [traduction] « a remplacé l’Indemnité de 1979 et faisait partie du règlement de la poursuite dans le cadre duquel Great Lakes a consenti à verser des millions des dollars, en plus de continuer de dépenser beaucoup d’argent à la modernisation de l’exploitation de pâtes et papiers de Dryden » (par. 48). Plus précisément, et contrairement à la position adoptée par nos collègues de la majorité, le juge des requêtes n’a pas vraiment conclu que la promesse de modernisation avait été faite à la province dans le cadre du règlement de 1985. Il a plutôt simplement fait observer que Great Lakes avait continué à investir dans l’usine de pâtes et papiers située à Dryden jusqu’en 1985, comme elle était tenue de le faire en contrepartie de l’Indemnité de 1979 (qui, comme l’a conclu à juste titre le juge des requêtes, a par la suite été remplacée par l’Indemnité de l’Ontario). Nous convenons avec la Cour d’appel que la preuve au dossier étaye amplement ces conclusions et qu’il n’y a aucune raison d’intervenir en appel.
[110] Quoi qu’il en soit, et dans la mesure où il s’agit dans l’un ou l’autre cas d’« erreurs », ou même d’erreurs « manifestes », nous convenons aussi avec les juges majoritaires de la Cour d’appel que ces soi‑disant erreurs ne sauraient avoir eu d’effet déterminant sur la conclusion du juge des requêtes. À notre humble avis, ni la province ni nos collègues n’ont un tant soit peu justifié la prétention exagérée voulant que des conclusions de fait mineures et accessoires de la sorte aient acquis une importance primordiale au point de déterminer l’issue de l’affaire (Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 38, citant South Yukon Forest Corp. c. R., 2012 CAF 165, 4 B.L.R. (5th) 31, par. 46) — en particulier lorsque la conclusion finale du juge des requêtes sur le champ d’application de l’indemnité reposait sur des considérations factuelles et contextuelles différentes. Ce moyen d’appel doit être rejeté.
(4) L’interprétation donnée par le juge des requêtes à l’Indemnité de l’Ontario a‑t‑elle pour effet de rendre l’entente non exécutoire parce qu’elle constitue une entrave inacceptable aux pouvoirs de légiférer de la législature?
[111] L’argument ici avancé par la province est que l’interprétation que le juge des requêtes a faite de l’Indemnité de l’Ontario — interprétation selon laquelle elle s’étend aux frais engagés pour donner suite aux réclamations de première partie faites en vertu d’une loi adoptée après que l’indemnité ait été consentie à Great Lakes et à Reed en 1985 — a comme effet inacceptable d’entraver indirectement le pouvoir de légiférer de la législature. Suivant cette hypothèse, la dépense qu’engagerait la province pour indemniser Great Lakes et Reed afin qu’elles puissent donner suite à de telles réclamations aurait pour effet de dissuader la législature d’adopter la loi habilitante. Compte tenu de la [traduction] « présomption de droit favorisant une interprétation contractuelle qui soit légale et exécutoire », la province affirme que l’interprétation du juge des requêtes devrait être rejetée et que l’Indemnité de l’Ontario devrait plutôt être interprétée comme excluant les frais engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur et pour donner suite à d’autres réclamations de première partie fondées sur une loi adoptée après 1985 (m.a. Ontario, par. 132).
[112] Cet argument repose sur deux prémisses clés. La première est que le juge des requêtes [traduction] « a introduit comme modalité implicite à [l’Indemnité de l’Ontario] que [la province] devait verser une indemnité pour les frais engagés pour se conformer à une ordonnance prise en vertu d’une loi future » (m.a. Ontario, par. 116 (nous soulignons)). La deuxième est qu’un contrat qui décourage implicitement une action législative est invalide et non exécutoire. À ce sujet, la province affirme qu’une entrave indirecte au pouvoir législatif — qui se produit lorsqu’un contrat impose au gouvernement l’obligation d’indemniser l’autre partie contractante en cas d’action ou d’inaction législative future — [traduction] « ne devrait être permise que s’il existe une intention expresse de répartir [ainsi] le risque commercial » (m.a. Ontario, par. 115).
[113] Nous partageons l’avis des juges majoritaires de la Cour d’appel. L’argument de la province repose sur une interprétation erronée des modalités de l’Indemnité de l’Ontario et sur une très mauvaise compréhension de la doctrine de l’entrave.
a) Le juge des requêtes n’a introduit aucune modalité implicite à l’Indemnité de l’Ontario en ce qui a trait à l’effet des ordonnances prises en vertu d’une loi adoptée subséquemment
[114] Nous commençons par rejeter la prémisse mise de l’avant sans plus d’explication par la province que la conclusion du juge des requêtes reposait sur l’introduction de modalités implicites. Sa conclusion reposait plutôt sur une interprétation simple de la portée de l’obligation de la province, explicitement énoncée au par. 1 de l’Indemnité de l’Ontario, selon laquelle celle‑ci s’étendait à [traduction] « l’ensemble des obligations, responsabilités, dommages, pertes, frais ou dépenses qu’est susceptible d’entraîner [. . .] toute réclamation, action ou procédure [. . .] qui existait au 17 décembre 1979 ou qui était susceptible de prendre naissance ou d’être présentée par la suite » (d.a., vol. IV, p. 189 (nous soulignons)). La conclusion du juge des requêtes est renforcée par le par. 4, qui prévoit que l’indemnité n’est assujettie [traduction] « à aucune limite de temps » (ibid., p. 191). Il ressort de ces dispositions que Reed et Great Lakes doivent être indemnisées à l’égard de toute réclamation pour pollution, tel que cette expression est définie, peu importe le moment où elle est présentée. Ni le libellé du texte ni les circonstances n’appuient la restriction que la province souhaiterait voir reconnue.
[115] Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont raison. Il n’y a aucune erreur — et encore moins une erreur manifeste et déterminante — dans la conclusion du juge des requêtes selon laquelle l’Indemnité de l’Ontario oblige la province à verser une indemnité pour les frais engagés pour se conformer à une ordonnance prise en vertu d’une loi adoptée subséquemment. Plus précisément, le juge des requêtes n’a introduit aucune modalité implicite dans l’entente.
b) La doctrine de l’entrave ne rend pas non exécutoire le contrat qui décourage, implicitement ou explicitement, une action ou une inaction législative
[116] Sur le plan constitutionnel canadien, le pouvoir exécutif ne peut lier l’exercice souverain du pouvoir législatif ni restreindre celui‑ci, que ce soit par contrat ou autrement. Comme la Cour l’a affirmé dans le Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), 1991 CanLII 74 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 525, [traduction] « [l]es ministres d’État ne sauraient [. . .] au moyen d’obligations contractées pour le compte de l’État, imposer des restrictions à leur propre liberté, à celle de leurs successeurs ou à celle d’autres députés, de proposer, d’étudier et, s’ils le jugent opportun, de voter des lois, fussent‑elles incompatibles avec les obligations contractuelles » (p. 560, citant West Lakes Ltd. c. South Australia (1980), 25 S.A.S.R. 389, p. 390). De même, notre Cour a récemment expliqué dans le Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, 2018 CSC 48, [2018] 3 R.C.S. 189, que « le pouvoir exécutif est incapable de restreindre le pouvoir de la législature d’adopter, de modifier et d’abroger des lois », de sorte qu’« [u]n accord conclu par différents exécutifs et censé lier les législatures respectives des parties ne peut donc avoir un tel effet » (par. 53).
[117] Il s’ensuit qu’un contrat conclu par le pouvoir exécutif qui vise à obliger à ce qu’une certaine loi soit adoptée, modifiée ou abrogée ne peut faire l’objet d’une exécution par injonction ou en nature. Le pouvoir souverain de la législature [traduction] « de faire ou d’abroger quelque loi que ce soit » signifie que l’exercice de ce pouvoir ne peut être lié par une telle prescription (P. W. Hogg, P. J. Monahan et W. K. Wright, Liability of the Crown (4e éd. 2011), p. 324). C’est ce qu’on appelle parfois la règle interdisant l’« entrave directe ».
[118] Par ailleurs — et c’est le point qui échappe à la province —, il y a une différence importante entre un contrat qui entrave de façon inacceptable le pouvoir de la législature d’adopter, de modifier et d’abroger une loi, et un contrat dont une violation par la Couronne expose celle‑ci à une responsabilité. Si la législature exerce son pouvoir de légiférer d’une manière incompatible avec les modalités d’un contrat, la Couronne peut quand même être exposée à des conséquences prenant la forme d’une responsabilité pour dommages. Bien que l’éventualité d’une telle responsabilité puisse dissuader la législature d’agir d’une manière qui va à l’encontre des promesses contractuelles de la Couronne, ce qu’on appelle parfois une « entrave indirecte », la législature n’est pas de ce fait véritablement entravée. Sa liberté d’action dans les circonstances [traduction] « n’est pas réduite du fait que l’on affirme que l’édiction d’une mesure législative en particulier donne ouverture à une action en dommages‑intérêts pour violation de contrat » (S. M. Waddams, The Law of Contracts (7e éd. 2017), p. 453; voir aussi K. Horsman et G. Morley, dir., Government Liability : Law and Practice (feuilles mobiles), p. 2‑10). Comme il est expliqué dans l’ouvrage Liability of the Crown :
[traduction] Bien qu’un contrat conclu par la Couronne (ou par n’importe qui d’autre) ne puisse valablement imposer d’entrave directe au pouvoir législatif, l’exercice de ce pouvoir en violation dudit contrat donnera naissance à une obligation pour la Couronne d’indemniser la partie contractante privée pour toute perte subie en conséquence de cette violation. Cette obligation est une entrave indirecte au pouvoir législatif, mais elle n’est pas interdite par la règle interdisant l’entrave; au contraire, elle est requise par la primauté du droit. [En italique dans l’original; p. 325.]
[119] Il n’y a rien de nouveau dans ce que nous venons de dire : la même chose se dégage de l’arrêt Wells c. Terre‑Neuve, 1999 CanLII 657 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 199. Dans cette affaire, le demandeur, M. Wells, était commissaire au sein d’un organisme établi par la loi, en vertu d’un contrat qui lui permettait d’occuper son poste à titre inamovible jusqu’à l’âge de 70 ans. La commission a été restructurée et le poste de M. Wells aboli par voie législative. N’ayant pas été nommé à la nouvelle commission, il a intenté une poursuite pour violation de contrat.
[120] Bien qu’elle ait reconnu que la législature avait toujours conservé le pouvoir libre de toute entrave de restructurer la Commission et d’éliminer le poste occupé par M. Wells, notre Cour a néanmoins conclu en faveur de ce dernier en appliquant la « distinction fondamentale [qui existe] entre le fait pour la Couronne de se soustraire à l’exécution d’un contrat au moyen d’une loi, et le fait d’échapper entièrement aux conséquences juridiques d’une telle mesure » (par. 41). La Cour a ensuite expliqué :
Dans un pays régi par la primauté du droit, nous présumons que le gouvernement respectera ses obligations, à moins qu’il n’exerce expressément son pouvoir de ne pas le faire. Faute d’une intention expresse et claire d’abroger des droits et des obligations — droits de la plus haute importance pour l’individu — ces droits demeurent en vigueur. Prétendre le contraire signifierait que le gouvernement n’est lié que par son caprice, non par sa parole. Au Canada, cela est inacceptable et ne concorde pas avec la façon dont on envisage la relation entre l’État et ses citoyens. [par. 46]
[121] L’arrêt Wells confirme donc la distinction entre l’entrave et le fait de s’exposer à une responsabilité. Une législature doit être libre — c’est‑à‑dire n’être soumise à aucune entrave — d’exercer ses pouvoirs de légiférer comme elle le juge indiqué, dans les limites fixées par la Constitution. Cependant, si elle exerce ses pouvoirs d’une façon telle qu’elle viole un contrat gouvernemental (c’est‑à‑dire un contrat entre le pouvoir exécutif et une partie cocontractante), la Couronne est, en règle générale, responsable, à moins que la législature ait aussi, expressément et sans équivoque, éteint les droits d’action de la partie cocontractante ou exclu la responsabilité de la Couronne.
[122] Même si, par conséquent (pour revenir aux faits du présent pourvoi), l’Indemnité de l’Ontario a pour effet d’imposer à la province une obligation de couvrir les réclamations de première partie — ou même de dissuader ou autrement décourager la législature d’exercer son pouvoir de légiférer d’une certaine façon —, l’arrêt Wells établit clairement que ces effets ne rendent pas l’entente non exécutoire en droit. L’arrêt Wells mine également la thèse, avancée par la province, selon laquelle l’entrave indirecte [traduction] « ne devrait être permise que s’il existe une intention expresse de répartir le risque commercial » (m.a. Ontario, par. 115), puisqu’aucune répartition expresse de ce genre n’a été faite en l’espèce. Même si le contrat d’emploi de M. Wells était muet sur la question de l’indemnisation en cas d’abolition de son poste, notre Cour n’a eu aucune difficulté à conclure que « [l]’interprétation la plus vraisemblable des conditions d’emploi de l’intimé est que même si son poste et le pouvoir qui en découle pouvaient être abolis, il ne pouvait pas être privé des avantages de l’emploi sauf en raison de son âge ou d’une inconduite » (par. 36).
[123] Pour sa part, la province s’appuie fortement sur l’arrêt de notre Cour Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2000 CSC 64, [2000] 2 R.C.S. 919 (« Pacific National no 1 »). Cette affaire portait sur un contrat intervenu entre Pacific National Investments (« PNI ») et la Ville de Victoria, aux termes duquel PNI devait réaménager un quartier situé au bord de la mer alors que la Ville devait adopter le zonage nécessaire et approuver le lotissement. S’inclinant devant la pression publique, la Ville a par la suite modifié le zonage afin de limiter l’aménagement ultérieur, torpillant ainsi le plan de réaménagement de PNI. Cette dernière a engagé des poursuites, soutenant que son contrat interdisait implicitement à la Ville de modifier le zonage des terrains avant l’expiration d’un délai raisonnable et que la Ville avait contrevenu à cette clause implicite en modifiant le zonage des terrains.
[124] En concluant en faveur de la Ville, notre Cour a expliqué qu’en tant que création statutaire, la Ville ne pouvait consentir à une clause implicite comme celle invoquée par PNI que si la loi lui conférait le pouvoir de le faire. Et, même en admettant qu’une telle clause puisse être considérée comme faisant partie du contrat, elle aurait été invalide puisqu’elle aurait constitué « une entrave illicite aux pouvoirs de réglementation discrétionnaires de la [Ville] » (par. 66). En fait, la Cour est même allée jusqu’à rejeter la distinction entre l’entrave directe et indirecte, affirmant qu’« une entente d’indemnisation pour une décision en matière de réglementation [. . .] n’est pas plus acceptable qu’une restriction catégorique du pouvoir de réglementation » (par. 63). La Cour répondait alors à l’argument voulant qu’une « obligation d’indemniser [. . .] de ce genre [. . .] assujettirait nécessairement cette décision [en matière de réglementation] à des considérations autres que l’examen objectif du meilleur intérêt de la collectivité [dont PNI fait indubitablement aussi partie] » (par. 64).
[125] Le problème tient à ce que ce raisonnement est inconciliable avec l’arrêt Wells que notre Cour a rendu seulement un an plus tôt. Si le droit exige que M. Wells ait droit à une indemnité pour la violation de son contrat d’emploi résultant d’une action législative, il nous est difficile d’expliquer pourquoi le droit ne s’appliquerait pas de la même manière afin de permettre à PNI d’être indemnisée pour la violation de son contrat d’aménagement avec la Ville lorsque le conseil municipal a décidé de « modifier le zonage » des terrains situés au bord de la mer. Soulignons que le raisonnement suivi dans l’arrêt Pacific National no 1 a été fortement critiqué sur la question précise de l’entrave. Les auteurs de l’ouvrage Liability of the Crown estiment que [traduction] « la décision est erronée, même si elle se limite à l’exercice des pouvoirs de réglementation municipaux » (p. 328 (nous soulignons); voir aussi Government Liability, p. 2‑10; et Andrews c. Canada (Attorney General), 2014 NLCA 32, 354 Nfld. & P.E.I.R. 42, par. 34‑41). De même, le juge Perell a dit, dans la décision Rio Algom Ltd. c. Canada (Attorney General), 2012 ONSC 550, que [traduction] « des raisons solides permettent d’avancer que l’arrêt Pacific National no 1 est erroné et qu’il est incompatible avec d’autres arrêts de la Cour suprême du Canada dont la force obligatoire et la valeur de précédent sont équivalentes » (par. 153 (CanLII) (nous soulignons); voir aussi Ontario First Nations (2008) Limited Partnership c. Ontario (Minister of Aboriginal Affairs), 2013 ONSC 7141, 118 O.R. (3d) 356, par. 53‑59).
[126] Fait important, dans Pacific National no 1, notre Cour n’entendait pas écarter l’arrêt Wells, et elle a plutôt établi une distinction entre celui‑ci et l’affaire dont elle était saisie pour deux raisons. Premièrement, les juges majoritaires ont fait observer que, dans l’affaire Wells, « [i]l n’était pas question [. . .] d’un contrat régissant l’exercice de pouvoirs de réglementation municipaux » (par. 61). Le raisonnement semble être que, contrairement à une province, une municipalité ne peut indirectement entraver ses pouvoirs de réglementation à moins « qu’une mesure législative n’énonce une politique officielle l’autorisant à le faire » (par. 65). Avec égards, et bien que la faute puisse fort bien nous en incomber, cette distinction nous échappe. Comme l’a fait remarquer le juge Bastarache en dissidence, cette politique tend plutôt vers l’autre sens; il n’y a aucune raison pour laquelle le principe selon lequel le gouvernement devrait honorer ses engagements à moins que sa législature n’exerce expressément son pouvoir de ne pas le faire (ainsi qu’il a été déclaré dans Wells, au par. 46) ne devrait pas s’appliquer avec la même force dans le contexte municipal (voir Pacific National no 1, par. 112). Quoi qu’il en soit, cette distinction ne serait pas utile à la province en l’espèce, puisque c’est elle — et non une municipalité — qui a consenti à l’Indemnité de l’Ontario. Ainsi, les circonstances du présent pourvoi sont analogues à celles de l’affaire Wells, et non à celles de l’affaire Pacific National no 1.
[127] Deuxièmement, les juges majoritaires dans Pacific National no 1 ont établi une distinction d’avec l’arrêt Wells en décrivant le contrat d’emploi de M. Wells comme un « contrat d’affaire[s] portant sur l’engagement de hauts fonctionnaires » (par. 61). Autrement dit, une distinction a été établie entre les « contrats d’affaires » qui peuvent avoir pour effet d’entraver indirectement les pouvoirs de légiférer et les autres types de contrats qui ne le peuvent pas. Là encore, et avec égards, nous ne voyons pas l’importance de cette distinction — d’autant plus que, dans l’affaire Pacific National no 1, on pouvait difficilement considérer que le contrat de réaménagement des terrains était moins un « contrat d’affaires » que le contrat d’emploi de M. Wells. De toute façon, s’il faut écarter le principe selon lequel le gouvernement devrait honorer ses engagements à moins que la législature n’exerce expressément son pouvoir de ne pas le faire, nous ne voyons aucune raison de l’écarter à l’égard d’un type de contrat et non d’un autre.
[128] Soulignons également que les déclarations relatives à l’entrave faites par la Cour dans l’arrêt Pacific National no 1 ont été mises en doute seulement quatre ans plus tard alors que la Cour a de nouveau été saisie du litige dans Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2004 CSC 75, [2004] 3 R.C.S. 575 (« Pacific National no 2 »). Dans son action contre la Ville, PNI avait également soulevé l’enrichissement sans cause pour le 1,08 million de dollars qu’elle avait dépensé pour les améliorations apportées dans l’exécution du contrat d’aménagement qui a échoué. Concluant en faveur de PNI, la Cour a unanimement rejeté l’argument de la Ville selon lequel l’obligation de restitution dans les circonstances constituerait une entrave indirecte au pouvoir de réglementation de la Ville, expliquant que « [l]e pouvoir de modifier le zonage dans l’intérêt public ne met pas la Ville à l’abri d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause » (par. 52). Commentant cette affaire, les auteurs de l’ouvrage Liability of the Crown ont affirmé ce qui suit :
[traduction] [Dans l’arrêt Pacific National no 2], le juge Binnie a dit : « L’enrichissement sans cause s’applique à une municipalité comme à toute personne physique ou morale ». Nous tenons à ajouter ce qui suit : quel dommage que l’on ne puisse en dire autant du droit des contrats! [Note en bas de page omise; p. 329.]
[129] Compte tenu de tout ce qui précède, et dans la mesure où l’arrêt Pacific National no 1 peut être interprété comme établissant que la Couronne ne sera pas responsable des dommages causés par la violation d’un contrat gouvernemental si cette violation résulte d’une action (ou d’une inaction) législative, nous croyons respectueusement que cet arrêt n’énonce pas le droit applicable en ce qui concerne la doctrine de l’entrave. Sur ce point, nous considérons que nous sommes liés par l’arrêt Wells, et non par l’arrêt Pacific National no 1.
c) Conclusion sur la question de l’entrave
[130] Nous rejetons donc les arguments avancés par la province au sujet de la doctrine de l’entrave. Même s’il fallait considérer que l’Indemnité de l’Ontario a pour effet de dissuader la législature d’édicter des mesures permettant de nouvelles réclamations de première partie, réclamations qui, après avoir été présentées contre Great Lakes et Reed, relèveraient ensuite de l’obligation imposée à la province par le par. 1, un tel effet ne rend pas le contrat non exécutoire ou invalide de sorte qu’il y a eu entrave au pouvoir législatif. Cela est compatible avec l’arrêt de notre Cour dans l’affaire Wells.
[131] Il s’ensuit également que nous ne considérons pas que l’interprétation donnée à l’Indemnité de l’Ontario par le juge des requêtes — selon laquelle la province doit verser une indemnité pour les frais engagés pour se conformer aux ordonnances prises en vertu d’une loi subséquente — entrave de façon inacceptable le pouvoir de légiférer de la législature ontarienne. Bien qu’il soit possible que l’édiction de mesures permettant de nouvelles réclamations statutaires expose la province à une plus grande responsabilité en vertu de l’Indemnité de l’Ontario (ce qui pourrait en conséquence décourager de telles édictions), cette indemnité, telle qu’interprétée par le juge des requêtes, n’empêche nullement la législature d’exercer son droit souverain [traduction] « de faire ou d’abroger quelque loi que ce soit » (A. V. Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution (10e éd. 1959), p. 40, cité dans le Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, par. 54).
C. Les pourvois de Résolu et de Weyerhaeuser
[132] Les pourvois formés par Résolu et Weyerhaeuser soulèvent la question de savoir si l’une ou l’autre, ou les deux, jouissent du bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario par l’effet de la clause d’extension des bénéfices (par. 6) de cette entente. Cette clause stipule que l’indemnité [traduction] « lie les successeurs et ayants droit respectifs de l’Ontario, de Reed, d’International et de Great Lakes et bénéficie à ceux‑ci » (d.a., vol. IV, p. 191 (nous soulignons)).
[133] Les arguments invoqués par les parties sur cette question portent sur trois questions distinctes, mais connexes, que nous examinerons tour à tour ci‑après. La première vise à déterminer si le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario s’étend à tous les successeurs et ayants droit de Great Lakes, à perpétuité, que ces successeurs et ayants droit aient ou non eux‑mêmes cédé à des tiers les bénéfices qu’elle leur confère. Résolu et Weyerhaeuser affirment que c’est le cas, alors que la province (à l’instar de la Cour d’appel) affirme que le cédant d’une chose non possessoire — tel un droit à une indemnité — en perd le bénéfice en cas de cession (voir motifs de la C.A., par. 194 et 196‑198).
[134] La deuxième question est de savoir si Bowater a en fait cédé le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser en vertu de la convention d’achat d’actifs de 1998. Résolu dit que Bowater ne l’a pas cédé et que le juge des requêtes et les juges majoritaires de la Cour d’appel ont commis une erreur en concluant autrement. Weyerhaeuser et la province affirment toutes les deux que les juridictions inférieures n’ont pas commis une telle erreur.
[135] La dernière question consiste à décider si Weyerhaeuser peut bénéficier de l’Indemnité de l’Ontario en tant que successeur en titre de Great Lakes quant à la propriété de Dryden, peu importe qu’elle puisse ou non également en bénéficier en tant que cessionnaire des droits conférés par cette indemnité. Weyerhaeuser affirme que le juge des requêtes a correctement interprété le terme [traduction] « successeurs » employé dans la clause d’extension des bénéfices en l’étendant aux successeurs corporatifs de Great Lakes (comme Résolu) et aux successeurs en titre quant à la propriété de Dryden.
(1) Une partie indemnisée peut‑elle continuer à jouir du bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario après avoir consenti à un tiers une cession absolue des droits qu’elle lui confère?
[136] Résolu et Weyerhaeuser affirment que tous les successeurs et ayants droit de Great Lakes peuvent continuer à bénéficier à perpétuité de l’Indemnité de l’Ontario, même s’ils ont cédé le bénéfice de cette indemnité à des tiers. En d’autres mots, elles affirment que la clause d’extension des bénéfices prévoit que (1) Résolu continue à jouir du bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario en tant que successeur corporatif de Great Lakes, même si elle a, en vertu de la convention d’achat d’actifs de 1998, cédé l’intérêt que cette indemnité lui confère à Weyerhaeuser, et que (2) Weyerhaeuser continue à jouir du bénéfice de ladite indemnité en tant que successeur en titre quant à la propriété de Dryden et en tant que cessionnaire de l’Indemnité de l’Ontario, même si elle a par la suite cédé l’intérêt que cette indemnité lui confère à un tiers. Selon Résolu :
[traduction] Aucun principe juridique n’obligeait la Cour d’appel à appliquer une théorie de la « question délicate », selon laquelle seul le particulier qui est propriétaire en droit d’une indemnité peut en bénéficier. Cette Cour a assoupli l’exigence de la connexité d’intérêts il y a plus de 25 ans. La question pertinente est plutôt celle de savoir quelle était l’intention objective des parties à l’Indemnité de l’Ontario. La seule interprétation raisonnable de l’indemnité consiste à considérer que les parties entendaient protéger Great Lakes ainsi que ses successeurs et ayants droit à perpétuité. Toute autre interprétation est fondamentalement incompatible avec la nature de la responsabilité environnementale contre laquelle l’Indemnité de l’Ontario est censée protéger. [En italique dans l’original.]
(m.a. Résolu, par. 64)
[137] Nous ne sommes pas d’accord. Notre position de départ est celle des juges majoritaires de la Cour d’appel : la cession absolue d’un droit contractuel a pour effet d’éteindre le droit du cédant d’exiger en sa faveur l’exécution de l’obligation en question, et de placer ce droit entre les mains du cessionnaire :
[traduction] La partie qui consent la cession était un destinataire de promesse, mais elle est devenue un cédant qui a cédé le droit contractuel qu’elle avait à l’encontre du promettant. À moins que la cession soit faite pour garantir le paiement d’une dette, elle éteint le droit contractuel détenu par le cédant (l’ancien destinataire de promesse), lequel droit est recréé en faveur du cessionnaire à qui la partie à qui incombe l’obligation corrélative (le promettant) n’a fait aucune promesse. Il n’y a plus aucun destinataire de promesse puisque l’ancien destinataire de promesse a cédé le droit antérieurement créé par la promesse qui lui a été faite en devenant cédant.
(J. E. Murray, Jr., Corbin on Contracts — Third Party Beneficiaries, Assignment, Joint and Several Contracts (éd. rév. 2007), vol. 9, p. 130)
Voir aussi les motifs de la C.A., par. 194; G. Tolhurst, The Assignment of Contractual Rights (2e éd. 2016), § 3.10.
[138] La clause d’extension des bénéfices ne change rien à cela. En faisant référence aux [traduction] « successeurs et ayants droit », elle ne fait que confirmer que les droits et obligations découlant de l’entente continuent de bénéficier à ceux‑ci. Nous ne voyons rien dans le libellé du par. 6 ou dans les circonstances, et Résolu et Weyerhaeuser n’ont rien fait valoir à cet égard qui permettrait que l’indemnité s’applique à ceux qui ont aliéné leur intérêt. Nous ne décelons donc aucune erreur dans la conclusion que la Cour d’appel a tirée sur ce point.
(2) Bowater a‑t‑elle transféré le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser en vertu de la convention d’achat d’actifs de 1998?
[139] Sur cette question, Résolu affirme qu’un examen approprié du contexte dans lequel la convention d’achat d’actifs de 1998 a été conclue par les parties, examen fait selon la méthode moderne d’interprétation contractuelle — plutôt que selon une interprétation purement textuelle des dispositions pertinentes —, aurait dû amener le juge des requêtes à conclure que Bowater n’a pas cédé de façon absolue l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser en vertu de cette convention. Nous sommes d’accord avec Résolu. Nous estimons qu’en ne lisant pas la clause contractuelle contestée à la lumière du fondement factuel et d’une manière qui a du sens sur le plan commercial, le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu’il a conclu que Bowater a cédé l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser en vertu de la convention d’achat d’actifs de 1998. Nous serions donc d’avis d’accueillir le pourvoi de Résolu. Résolu a le droit de bénéficier de l’Indemnité de l’Ontario pour couvrir les frais passés et futurs engagés pour se conformer à l’arrêté du directeur.
a) Le juge des requêtes a commis une erreur de principe dans sa façon d’interpréter la convention d’achat d’actifs de 1998
[140] De façon générale, l’interprétation de contrats négociés soulève des questions mixtes de fait et de droit, de sorte que le contrôle en appel se limite à la recherche d’une erreur manifeste et déterminante. Les questions de droit isolables sont toutefois contrôlées selon la norme de la décision correcte (voir Sattva, par. 53). Ces questions comprennent le fait [traduction] d’« appliquer le mauvais principe[, de] négliger un élément essentiel d’un critère juridique[,] un facteur pertinent », ou encore les questions relatives aux règles de droit substantif en matière contractuelle (Sattva, par. 53, citant King c. Operating Engineers Training Institute of Manitoba Inc., 2011 MBCA 80, 341 D.L.R. (4th) 520, par. 21).
[141] Nous acceptons l’argument de Résolu selon lequel le juge des requêtes a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement les règles d’interprétation contractuelle au moment de déterminer si Bowater avait cédé l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser en vertu de la convention d’achat d’actifs de 1998. Le juge n’a d’ailleurs pas motivé sa conclusion sur ce point, laquelle a été exposée de manière quelque peu péremptoire et reposait exclusivement sur une analyse du libellé des dispositions pertinentes de la convention en question (motifs du juge des requêtes, par. 20 et 64). À notre humble avis, il devait prendre en considération à la fois le contexte et les circonstances entourant la conclusion de la convention d’achat d’actifs de 1998, ainsi que la raisonnabilité commerciale d’une quelconque cession. Comme il n’a pas appliqué la bonne méthode d’interprétation contractuelle, sa conclusion suivant laquelle Bowater a cédé l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser ne commande aucune déférence en appel.
b) Bowater n’a pas cédé le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser en vertu de la convention d’achat d’actifs de 1998
(i) Les contrats doivent être interprétés à la lumière de la raisonnabilité commerciale
[142] Comme nous l’avons déjà mentionné, la raisonnabilité commerciale est une considération cruciale dans l’interprétation d’un contrat (voir Canadian Contractual Interpretation Law, p. 55). Il s’agit simplement d’un corollaire de l’objectif visant à cerner les intentions des parties : dans l’interprétation de contrats commerciaux, les tribunaux cherchent à parvenir à une interprétation sensée sur le plan commercial, puisque ce faisant, il est plus probable qu’ils donnent effet à l’intention des parties (voir ibid., p. 57; Nickel Developments Ltd. c. Canada Safeway Ltd., 2001 MBCA 79, 156 Man. R. (2d) 170, par. 34). En termes simples, les tribunaux assument que les parties qui concluent un contrat commercial veulent que leur contrat [traduction] « fonctionne » (Humphries c. Lufkin Industries Canada Ltd., 2011 ABCA 366, 68 Alta. L.R. (5th) 175, par. 15).
[143] La détermination de la raisonnabilité commerciale nécessite, comme toute interprétation contractuelle, une analyse objective (voir Canadian Contractual Interpretation Law, p. 57). Les tribunaux devraient donc interpréter les contrats commerciaux de [traduction] « manière positive et téléologique », et chercher à comprendre la structure de l’entente conclue par les parties, l’objet de l’opération et le contexte commercial dans lequel le contrat doit être exécuté (Humphries, par. 15). Comme lord Wilberforce l’a dit dans l’arrêt Reardon Smith Line Ltd. c. Hansen‑Tangen, [1976] 3 All E.R. 570, cité avec approbation par notre Cour au par. 47 de l’arrêt Sattva :
[traduction] Aucun contrat n’est conclu dans l’abstrait : les contrats s’inscrivent toujours dans un contexte. [. . .] Lorsqu’un contrat commercial est en cause, le tribunal devrait certes connaître son objet sur le plan commercial, ce qui présuppose d’autre part une connaissance de l’origine de l’opération, de l’historique, du contexte, du marché dans lequel les parties exercent leurs activités.
[144] Étant donné, donc, le choix entre une interprétation qui permet au contrat de servir son objectif commercial et une qui n’a pas cet effet, c’est généralement la première interprétation qui devrait l’emporter (voir Humphries, par. 15). Bien qu’une partie ne puisse échapper à ses obligations contractuelles simplement parce que la transaction qu’elle a conclue est non souhaitable ou inhabituelle, il convient d’éviter les interprétations absurdes sur le plan commercial (voir Canadian Contractual Interpretation Law, p. 61‑63). Comme notre Cour l’a affirmé dans l’arrêt Guarantee Co. of North America c. Gordon Capital Corp., 1999 CanLII 664 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 423, par. 61, « [s]i une interprétation donnée du contrat menait à un résultat absurde, on supposerait qu’en l’absence d’explication contraire des acteurs commerciaux rationnels ne peuvent pas avoir voulu un tel résultat en concluant leur contrat ». Voir également City of Toronto c. W.H. Hotel Ltd., 1966 CanLII 8 (SCC), [1966] R.C.S. 434, p. 440.
(ii) Il n’était pas commercialement raisonnable pour Bowater de transférer l’Indemnité de l’Ontario à Weyerhaeuser
[145] À la lumière de ce qui précède — et nous fondant, en particulier, sur une interprétation de la convention d’achat d’actifs de 1998 qui reflète adéquatement le fondement factuel et qui s’accorde avec le principe de la raisonnabilité commerciale —, nous ne partageons pas les conclusions tirées par les juridictions inférieures. Nous estimons plutôt que l’Indemnité de l’Ontario n’a pas été cédée par Bowater à Weyerhaeuser dans le cadre de la convention d’achat d’actifs de 1998. La façon dont les parties ont structuré le transfert de la propriété de Dryden de Bowater à Weyerhaeuser révèle l’intention que Bowater continue d’assumer le risque posé par le lieu d’élimination des déchets et indemnise Weyerhaeuser à l’égard de toute responsabilité environnementale qui pourrait incomber à cette dernière en ce qui a trait à la contamination par le mercure remontant à l’époque de Reed.
[146] Les paragraphes 3.1(vii) et (xiv) de la convention d’achat d’actifs de 1998 constatent le fait que Bowater a consenti à vendre à Weyerhaeuser certains actifs incorporels faisant partie de la propriété de Dryden. Comme nous l’avons déjà souligné, le juge des requêtes s’est fondé sur ces deux dispositions pour conclure que le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario avait été cédé à Bowater dans le cadre de la vente d’actifs. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont souscrit à cette conclusion, invoquant les [traduction] « termes clairs et non équivoques du par. 3.1(xiv) », et la raisonnabilité commerciale de la volonté de Weyerhaeuser de « maximiser sa protection contre les responsabilités environnementales liées au [lieu d’élimination des déchets] » (par. 156 et 159).
[147] Cependant, le par. 3.1(xiv) de la convention d’achat d’actifs de 1998 ne saurait être interprété isolément. Comme nous l’avons souligné tout au long des présents motifs, un libellé contractuel doit plutôt être interprété à la lumière des circonstances et de la raisonnabilité commerciale, eu égard à l’objectif commercial et à la structure de l’entente.
[148] En outre, la raisonnabilité commerciale doit être évaluée du point de vue des deux parties. Après tout, une entente commerciale qui est sensée pour une partie, mais qui ne l’est pas pour une autre, n’est en aucun cas une entente sensée sur le plan commercial. Comme l’a expliqué la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Kentucky Fried Chicken Canada c. Scott’s Food Services Inc. (1998), 1998 CanLII 4427 (ON CA), 114 O.A.C. 357, par. 27 :
[traduction] Lorsque [. . .] le document à interpréter est un document commercial négocié, le tribunal devrait éviter toute interprétation qui mènerait à une absurdité sur le plan commercial. Il convient plutôt d’interpréter le document conformément aux principes commerciaux reconnus et au bon sens en matière commerciale. Il faut prendre soin, cependant, de le faire objectivement plutôt que du point de vue d’une partie contractante ou de l’autre, puisque ce qui peut être sensé sur le plan commercial pour l’une ne l’est pas nécessairement pour l’autre. [Nous soulignons; références omises.]
[149] Ce point revêt une grande importance dans l’examen du libellé du par. 3.1(xiv), qui, à première vue, semble transférer à Weyerhaeuser le plein bénéfice de l’ensemble des droits incorporels dont jouit Bowater à l’égard des déclarations, garanties, indemnités, engagements, certificats, conventions, ententes et sûretés qu’elle a reçus lors de l’acquisition de la propriété de Dryden [traduction] ou « autrement ». Interprété littéralement, le mot « autrement » donne à penser que Bowater aurait été dépouillée de tous ses bénéfices contractuels par application du par. 3.1(xiv) même si ces bénéfices n’étaient pas liés à la propriété de Dryden. Cela ne peut tout simplement pas avoir été l’intention des parties : Weyerhaeuser ne peut raisonnablement s’être attendue à jouir de droits qui n’ont aucun rapport avec les actifs qu’elle achetait. Un tel arrangement serait absurde sur le plan commercial.
[150] Le sens du terme « autrement » au par. 3.1(xiv) — et, plus précisément, la question de savoir s’il englobe le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario — devient évident, cependant, lorsqu’on comprend la structure de l’entente intervenue entre Bowater et Weyerhaeuser, et la façon dont ces sociétés ont choisi de répartir le risque entre elles. Cette deuxième considération joue un rôle clé, car la répartition du risque contractuel est une tentative par une partie d’orienter les attentes de l’autre partie en fonction de ce qu’elle est disposée à faire (voir Canadian Contract Law, p. 731).
[151] En l’espèce, les parties ont structuré la convention d’achat d’actifs de 1998 de façon à ce que tous les risques en matière de responsabilités environnementales — en particulier ceux ayant trait au lieu d’élimination des déchets — incombent à Bowater, et non à Weyerhaeuser. D’abord et avant tout, Bowater a consenti à Great Lakes, dans le cadre de l’entente qu’elles ont conclue, une indemnité environnementale considérable en ce qui concerne l’ensemble de la propriété de Dryden :
[traduction]
10.7 Indemnité environnementale
Le vendeur s’engage à indemniser l’acheteur quant à toute réclamation dans laquelle le réclamant allègue avoir subi une perte ou des dommages de quelque nature qu’ils soient par suite du rejet d’une substance dangereuse antérieur à l’heure de clôture, laquelle substance dangereuse doit être évacuée ou avoir été évacuée des actifs visés par l’achat avant l’heure de clôture et doit provenir des actifs visés par l’achat (la « réclamation »). Pour l’application du présent paragraphe, le terme « réclamant » n’englobe pas l’acheteur. La conduite et la défense de la réclamation se feront conformément à l’article 18.4. Aucun délai de prescription ni aucun montant maximal ne s’appliqueront à l’indemnité prévue au présent article 10.7.
(d.a., vol. V, p. 70)
[152] Par ailleurs, aux termes de l’art. 9.01 de la Convention de bail de 1998, Bowater a également consenti à Weyerhaeuser une indemnité distincte à l’égard de l’ensemble des réclamations portant sur la présence ou le rejet de mercure en ce qui concerne le lieu d’élimination des déchets :
[traduction]
9.01 Indemnité du locataire
[Bowater] s’engage à indemniser [Weyerhaeuser] et à la tenir à couvert de l’ensemble des réclamations, actions, frais et pertes de quelconque nature ayant pris naissance pendant la durée du présent bail ou après l’expiration de celui‑ci, et qui ont trait ou sont consécutives de quelque manière que ce soit au présent bail sur les terres et la zone d’accès sauf dans la mesure où il est question de négligence ou d’inconduite délibérée de la part du locateur. L’indemnité susmentionnée s’étend notamment à l’ensemble des réclamations, actions, frais ou pertes consécutives ou ayant trait à ce qui suit :
(1) la présence ou le rejet de mercure et de tout autre contaminant, substance ou déchet sur ou dans les terres;
. . .
Les obligations d’indemnisation du locateur qui incombent au locataire en vertu des dispositions du présent article continuent de s’appliquer après la résiliation ou l’expiration du présent bail.
(d.a., vol. V, p. 126‑127)
[153] Ces deux indemnités, rédigées en termes larges, révèlent avec une clarté absolue la structure de répartition du risque que Bowater et Weyerhaeuser entendaient établir. Une fois l’indemnité de la Convention de bail de 1998 accordée, Weyerhaeuser était protégée contre toute responsabilité environnementale découlant de son droit de propriété temporaire sur le lieu d’élimination des déchets, en plus de bénéficier d’une protection à l’égard du reste de la propriété de Dryden. Les parties ont clairement voulu que toute réclamation visant Weyerhaeuser en ce qui a trait à la présence ou au rejet de déchets mercuriels soit visée soit par l’indemnité prévue à l’art. 10.7 de la convention d’achat d’actifs de 1998 ou par celle prévue à l’art. 9.01 de la Convention de bail (en supposant, bien sûr, qu’une telle réclamation entre dans le champ d’application de l’une ou l’autre de ces dispositions).
[154] Toutefois, cette structure de répartition du risque n’a de sens sur le plan commercial que si, et seulement si, l’Indemnité de l’Ontario continuait à protéger les intérêts de Bowater. La province l’a reconnu à l’audience devant notre Cour ainsi que dans le mémoire qu’elle a déposé devant la Cour supérieure de justice (voir transcription de l’audience, p. 121; d.a., vol. VIII, p. 24). Comme le dit Résolu, cette façon d’interpréter la convention d’achat d’actifs de 1998 est sensée parce que [traduction] « Weyerhaeuser pourrait poursuivre Bowater, et cette dernière pourrait poursuivre [la province] », de sorte que « [t]out le monde serait protégé » (m.a. Résolu, par. 101).
[155] Weyerhaeuser a également concédé qu’il [traduction] « aurait été absurde sur le plan commercial que Bowater cède l’indemnité si, ce faisant, Bowater (et son successeur, Résolu) en avait perdu le bénéfice » (m.i. Weyerhaeuser (pourvoi de Résolu), par. 28). Elle soutient cependant — et les juges majoritaires de la Cour d’appel en conviennent — qu’il était [traduction] « parfaitement raisonnable » pour elle de vouloir à la fois une cession de l’Indemnité de l’Ontario et l’octroi par Bowater d’une indemnité distincte en vertu de la Convention de bail (ibid., par. 27; voir aussi motifs de la C.A., par. 159). Bien que ce soit indubitablement le cas, cet argument envisage la raisonnabilité commerciale de l’opération uniquement du point de vue de Weyerhaeuser. Cependant, nous le répétons, la raisonnabilité commerciale doit être appréciée du point de vue de chacune des parties, et non seulement de l’une d’elles. De plus, comme le concède Weyerhaeuser, du point de vue de Bowater, cet arrangement serait ridicule en ce que Bowater (et ses successeurs) assumerait la responsabilité de deux indemnités contractuelles à l’égard de Weyerhaeuser, et qu’elle serait complètement exposée à toute responsabilité environnementale afférente à la propriété de Dryden et au lieu d’élimination des déchets.
[156] C’est pourquoi nous estimons que, pour l’application du par. 3.1(xiv) de la convention d’achat d’actifs de 1998, les droits et indemnités contractuels « autrement » reçus par Bowater et les sociétés qui l’ont précédée ne doivent pas être interprétés de façon à conférer à Weyerhaeuser tous les droits et indemnités dont bénéficiait Bowater. Tant le fondement factuel (qui comprend les indemnités prévues dans la convention d’achat d’actifs de 1998 et la Convention de bail) que le principe de la raisonnabilité commerciale indiquent que cette disposition n’a pas eu pour effet de transférer à Weyerhaeuser les droits de Bowater en vertu de l’Indemnité de l’Ontario. Les parties ne pouvaient raisonnablement vouloir que Bowater soit tenue d’indemniser Weyerhaeuser pour toute responsabilité environnementale afférente à la propriété de Dryden et au lieu d’élimination des déchets tout en renonçant à sa propre protection.
[157] Nous accueillerions donc le pourvoi de Résolu.
(3) Weyerhaeuser est‑elle un « successeur » de Great Lakes pour les besoins de la clause d’extension des bénéfices contenue au par. 6 de l’Indemnité de l’Ontario?
[158] Bien que Weyerhaeuser ne soit pas cessionnaire du bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario, elle affirme par ailleurs qu’elle peut quand même en bénéficier en tant que propriétaire successeur de la propriété de Dryden. Elle soutient que le terme [traduction] « successeurs » au par. 6 de l’Indemnité de l’Ontario vise à la fois les successeurs corporatifs de Great Lakes et les successeurs en titre quant à la propriété de Dryden. Invoquant l’arrêt Brown c. Belleville (City), 2013 ONCA 148, 114 O.R. (3d) 561, Weyerhaeuser fait valoir que la clause d’extension des bénéfices étend le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario à une classe de bénéficiaires, tous susceptibles de bénéficier simultanément de l’entente.
[159] À l’instar des juges majoritaires de la Cour d’appel, nous sommes d’avis que le juge des requêtes a commis une erreur manifeste et déterminante en concluant que la clause d’extension des bénéfices étendait le bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario aux propriétaires successeurs de la propriété de Dryden (c.‑à‑d. aux successeurs en titre). Selon nous, le terme [traduction] « successeurs » ne renvoie clairement qu’aux successeurs corporatifs. Il convient de souligner que cette clause est une clause contractuelle type, c.‑à‑d. [traduction] « standard », que les avocats utilisent pour protéger les intérêts et les attentes de leurs clients (voir Canadian Contract Law, p. 741‑742). La certitude en matière d’opérations commerciales est mieux protégée lorsque les tribunaux donnent effet au sens courant et à l’inclusion de telles clauses figurant dans les contrats, en l’absence d’indication que les parties ont voulu que celles‑ci aient un effet différent.
[160] Dans l’arrêt National Trust Co. c. Mead, 1990 CanLII 73 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 410, notre Cour a fait observer qu’« [e]mployé à l’égard de sociétés, le terme “successeur” désigne généralement une autre société qui, par fusion ou une autre forme de succession juridique, assume les obligations et acquiert les droits de la première société » (p. 423). En fait, ce sens courant du terme « successeur » a été reconnu à l’occasion de l’examen de clauses d’extension des bénéfices comme celle en cause en l’espèce (voir C. L. Elderkin et J. S. Shin Doi, Behind and Beyond Boilerplate : Drafting Commercial Agreements (1998), p. 250‑251; M. H. Ogilvie, « Re‑defining Privity of Contract : Brown v. Belleville (City) » (2015), 52 Alta. L. Rev. 731, p. 736). Encore là, étant donné que l’interprétation contractuelle a pour objectif de cerner les intentions objectives des parties, le sens communément reconnu de ce terme constitue un point de départ utile pour déterminer comment les parties ont interprété les mots employés dans la clause d’extension des bénéfices.
[161] Nous sommes d’accord avec les juges majoritaires de la Cour d’appel pour dire que, dans les circonstances particulières de l’espèce, [traduction] « rien dans le libellé de l’Indemnité de l’Ontario ou dans les circonstances entourant la conclusion du contrat » n’appuie l’interprétation donnée par Weyerhaeuser à la clause d’extension des bénéfices (par. 184). Au contraire, lorsqu’on lit cette clause conjointement avec le reste de l’Indemnité de l’Ontario, il apparaît clairement que les parties ont voulu restreindre le sens du terme [traduction] « successeurs » aux successeurs corporatifs. Le paragraphe 2 de l’Indemnité de l’Ontario renvoie aux « prédécesseur[s] en titre » de Reed, alors que le par. 6 emploie le terme « successeurs » sans aucun qualificatif de la sorte. Comme la Cour l’a fait remarquer dans l’arrêt Heritage Capital Corp. c. Équitable, Cie de fiducie, 2016 CSC 19, [2016] 1 R.C.S. 306, par. 47, « [i]l faut donner un sens à la décision d’employer un terme donné dans une clause et un terme différent dans une autre clause figurant dans le même contrat ». Si les parties à l’Indemnité de l’Ontario voulaient que la clause d’extension des bénéfices s’applique à tous les successeurs en titre quant à la propriété de Dryden, elles auraient pu l’exprimer clairement.
[162] Cela ne signifie pas que notre conclusion sur le mot [traduction] « successeurs » figurant dans cette clause particulière d’extension des bénéfices donne à ce terme une définition universelle. Il se peut que dans d’autres circonstances, le terme « successeurs » renvoie aux successeurs en titre (p. ex. Belleville).
[163] Pour ces motifs, Weyerhaeuser n’est ni cessionnaire du bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario ni un successeur corporatif de Great Lakes ou de Reed. Malgré les droits que lui confèrent la convention d’achat d’actifs de 1998 et la Convention de bail, elle n’a pas droit au bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario et nous rejetterions son pourvoi.
[164] Étant donné cette conclusion, il n’est pas nécessaire que nous décidions si la clause d’extension des bénéfices s’applique au profit d’une classe de bénéficiaires (qui sont les successeurs et ayants droit de Great Lakes).
VI. Conclusion
[165] Nous rejetterions les pourvois de la province et de Weyerhaeuser. Nous accueillerions le pourvoi de Résolu et déclarerions que Weyerhaeuser ne jouit pas du bénéfice de l’Indemnité de l’Ontario. Résolu a droit à ses dépens devant toutes les cours, y compris les dépens aux conditions ordonnées par le juge des requêtes (Weyerhaeuser Company Limited c. Ontario (Attorney General), 2017 ONSC 1814).
Pourvoi de Produits forestiers Résolu rejeté, les juges Côté, Brown et Rowe sont dissidents.
Pourvoi de Sa Majesté la Reine représentée par le ministère du procureur général accueilli avec dépens dans toutes les cours, les juges Côté, Brown et Rowe sont dissidents.
Pourvoi de Compagnie Weyerhaeuser Limitée rejeté.
Procureurs de l’appelante/intimée Produits forestiers Résolu : Torys, Toronto.
Procureur de l’appelante/intimée Sa Majesté la Reine représentée par le ministère du procureur général : Ministère du procureur général, Toronto.
Procureurs de l’appelante/intimée Compagnie Weyerhaeuser Limitée : Borden Ladner Gervais, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.
[1] Le juge des requêtes a affirmé que l’Indemnité de 1979 renfermait cette [traduction] « disposition particulière », mais, vu le contexte, il est clair qu’il s’est mal exprimé et qu’il renvoyait plutôt à la convention de Dryden de 1979. La province ne prétend pas qu’il s’agit là d’une erreur de fait manifeste et déterminante (m.a. Ontario, par. 81‑83).