COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. Smith, 2021 CSC 16
Appel entendu : 22 avril 2021
Jugement rendu : 22 avril 2021
Dossier : 39401
Entre :
Sa Majesté la Reine
Appelante
et
Mark Anthony Smith
Intimé
Traduction française officielle
Coram : Les juges Moldaver, Karakatsanis, Brown, Rowe et Kasirer
Jugement unanime lu par :
(par. 1 à 3)
Le juge Brown
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
r. c. smith
Sa Majesté la Reine Appelante
c.
Mark Anthony Smith Intimé
Répertorié : R. c. Smith
2021 CSC 16
No du greffe : 39401.
2021 : 22 avril.
Présents : Les juges Moldaver, Karakatsanis, Brown, Rowe et Kasirer.
en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique
Droit criminel — Appels — Interprétation erronée de la preuve — Erreur judiciaire — Accusé déclaré coupable d’agression sexuelle — Arrêt majoritaire de la Cour d’appel ordonnant la tenue d’un nouveau procès parce que la juge de première instance a commis des erreurs dans une partie essentielle de son raisonnement et parce que l’omission de cette dernière de relever certaines incohérences et d’en traiter expressément a constitué une interprétation erronée de la preuve — Motifs de la juge dissidente concluant que la juge du procès n’a pas interprété erronément la preuve et que la déclaration de culpabilité devrait être maintenue — Déclaration de culpabilité rétablie.
Jurisprudence
Arrêts mentionnés : R. c. Burns, 1994 CanLII 127 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 656; R. c. Morrissey (1995), 1995 CanLII 3498 (ON CA), 97 C.C.C. (3d) 193; R. c. Lohrer, 2004 CSC 80, [2004] 3 R.C.S. 732.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Newbury, Saunders et Dickson), 2020 BCCA 271, 393 C.C.C. (3d) 581, 456 D.L.R. (4th) 553, [2020] B.C.J. No. 1582 (QL), 2020 CarswellBC 2493 (WL Can.), qui a confirmé la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle prononcée par la juge Gropper, 2018 BCSC 1376, [2018] B.C.J. No. 7269 (QL), 2018 CarswellBC 4138 (WL Can.). Pourvoi accueilli.
Mila Shah et John R. W. Caldwell, pour l’appelante.
Eric Purtzki et Garth Barriere, pour l’intimé.
Version française du jugement de la Cour rendu oralement par
[1] Le juge Brown — Nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler l’ordonnance intimant la tenue d’un nouveau procès et de rétablir la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle prononcée contre l’intimé, essentiellement pour les motifs exposés par la juge d’appel Dickson. En particulier, nous convenons avec cette dernière que l’omission de la juge du procès de traiter adéquatement les déclarations antérieures incompatibles ne signifie pas qu’elle ne les a pas considérées ou ne leur a pas donné effet (R. c. Burns, 1994 CanLII 127 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 656, p. 665). De plus, et ce, même si la juge du procès n’a pas considéré ces déclarations lorsqu’elle a apprécié la crédibilité et la fiabilité de la plaignante, cette erreur n’a pas entraîné d’erreur judiciaire.
[2] Afin de déterminer si une interprétation erronée de la preuve a entraîné une erreur judiciaire, le tribunal d’appel doit apprécier la nature et l’étendue de l’erreur, ainsi que son importance pour le verdict (R. c. Morrissey (1995), 1995 CanLII 3498 (ON CA), 97 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Ont.), p. 221). Il s’agit d’une norme stricte, à laquelle il est satisfait uniquement dans les cas où l’interprétation erronée a pu influer sur l’issue de l’affaire (R. c. Lohrer, 2004 CSC 80, [2004] 3 R.C.S. 732, par. 7). Bien qu’il puisse arriver que des incohérences dans un témoignage soient pertinentes dans l’appréciation de la crédibilité et la fiabilité d’un témoin, seulement certaines incohérences présentent une importance telle que l’omission de les considérer satisfera à cette norme.
[3] En l’espèce, nous convenons avec la juge Dickson que les incohérences — en supposant que ce sont des incohérences — entre les déclarations qu’a faites la plaignante à son amie peu de temps après l’agression et le témoignage qu’elle a donné au procès ne sont pas importantes. Bien qu’il ait été préférable que la juge du procès en traite, l’omission de le faire ne jette pas de doute sur son appréciation de la crédibilité et de la fiabilité de la plaignante ou sur le caractère sûr de la déclaration de culpabilité. Par conséquent, le seuil requis pour établir une erreur judiciaire n’est pas franchi.
Jugement en conséquence.
Procureur de l’appelante : Procureur général de la Colombie-Britannique, Vancouver.
Procureurs de l’intimé : Melville Law Chambers, Vancouver.