COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. Alas, 2022 CSC 14
Appel entendu : 21 avril 2022
Jugement rendu : 21 avril 2022
Dossier : 39654
Entre :
Sa Majesté la Reine
Appelante
et
Anthony Raul Alas
Intimé
Traduction française officielle
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal
Jugement unanime lu par :
(par. 1 à 6)
Le juge en chef Wagner
Avocats :
Kevin Rawluk et G. Karen Papadopoulos, pour l’appelante.
John Rosen, pour l’intimé.
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
No. 39654
April 22, 2022
Le 22 avril 2022
Coram: Wagner C.J. and Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer and Jamal JJ.
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal
BETWEEN:
Her Majesty The Queen
Appellant
- and -
Anthony Raul Alas
Respondent
ENTRE :
Sa Majesté la Reine
Appelante
- et -
Anthony Raul Alas
Intimé
JUDGMENT
The appeal from the judgment of the Court of Appeal for Ontario, Number C66058, 2021 ONCA 224, dated April 9, 2021, was heard on April 21, 2022, and the Court on that day delivered the following judgment orally:
The Chief Justice — Mr. Alas was convicted at trial of second degree murder after he stabbed the deceased six times during an altercation at a bar. A majority of the Ontario Court of Appeal (MacPherson J.A. dissenting) overturned this verdict and ordered a new trial. The Crown appeals to this Court as of right. The sole issue is whether there was an air of reality to the defence of provocation, such that the trial judge erred in failing to put the defence to the jury. This offence pre-dated the amendment to the provocation provision, which applies to offences committed on or after July 17, 2015.
We find no error in the trial judge’s determination that there was no air of reality to the defence of provocation.
The standard of review for whether there is an air of reality to the defence of provocation is correctness (R. v. Cinous, 2002 SCC 29, 2002 CSC 29 (CanLII), [2002] 2 S.C.R. 3, at para. 55).
The key issue here is whether there is sufficient evidential basis as to the fourth element of the provocation defence — that the accused acted on the sudden.
Taking the evidence at its highest for the accused, for present purposes, the subjective element of the test for provocation has not been met. The accused did not react “on the sudden” before there was time for his passion to cool. It is beyond the range of reasonable inferences to say that Mr. Alas’ reaction to the deceased making a punching/lunging motion at the women was “on the sudden”; rather, it was the culmination of an altercation that Mr. Alas both instigated and anticipated. As he indicated in his statement to the police:
a) Mr. Alas was aware that the deceased had an altercation with his friend earlier in the evening, during which the deceased closed a door on her head.
b) Mr. Alas was so upset about the deceased’s conduct that he wanted to hit the deceased in the head with a pool cue. He cooled down and did not take this course of action.
c) When his fiancée and friend went outside to smoke, he told them that he would follow if he saw the deceased go outside as well: “. . . if I see this guy get up and come out, I’m coming . . . I’ll be right behind him” (A.R., vol. II, at p. 103).
d) Mr. Alas observed the deceased preparing to leave the bar. In anticipation, he went outside to join the two women.
e) When the deceased came out of the bar, he looked at Mr. Alas’ friend. In response to this look, Mr. Alas responded: “. . . [w]hat the fuck is wrong with you? Do you have a problem”? A verbal altercation ensued involving Mr. Alas, the deceased, and the two women (A.R., vol .II, at p. 104).
f) During the verbal altercation, Mr. Alas retrieved a knife from his pants pocket and moved it to his jacket pocket “just in case”. With the knife gripped in his hand, he stared at the deceased. At his police interview, Mr. Alas said that he stared at the deceased in this way in order to “le[t] him know like if you do anything, um, I would jump on you” (A.R., vol. II, at pp. 167-68).
g) When Mr. Alas saw the deceased making a fist directed at the women, he immediately jumped in and stabbed him in the throat, although he said that he “wanted to stab him . . . in his chest” (A.R., vol. II, at p. 171). He stabbed the deceased five more times after that.
Accordingly, the appeal is allowed and the conviction is restored.
JUGEMENT
L’appel interjeté contre l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, numéro C66058, 2021 ONCA 224, daté du 9 avril 2021, a été entendu le 21 avril 2022 et la Cour a prononcé oralement le même jour le jugement suivant :
[traduction]
Le juge en chef —Monsieur Alas a, au terme de son procès, été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré après qu’il eut poignardé le défunt à six reprises au cours d’une altercation dans un bar. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Ontario (le juge MacPherson étant dissident) ont écarté ce verdict et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Le ministère public se pourvoit de plein droit devant notre Cour. La seule question en litige consiste à décider si la défense de provocation était vraisemblable, de telle sorte que le juge du procès a fait erreur en ne la soumettant pas à l’appréciation du jury. L’infraction en cause précédait la modification à la disposition sur la provocation, qui s’applique aux infractions commises le 17 juillet 2015 ou après cette date.
Nous ne voyons aucune erreur dans la décision du juge du procès portant que la défense de provocation était dépourvue de vraisemblance.
La norme de contrôle applicable à la question de savoir si la défense de provocation est vraisemblable est celle de la décision correcte (R. c. Cinous, 2002 CSC 29, [2002] 2 R.C.S. 3, par. 55).
La question clé en l’espèce consiste à déterminer s’il existe une preuve suffisante à l’égard du quatrième élément de la défense de provocation — soit que l’accusé a agi sous l’impulsion du moment.
Même si l’on considère la preuve de la manière la plus favorable à l’accusé, pour les besoins de la présente affaire, il n’a pas été satisfait au volet subjectif de l’analyse de la provocation. L’accusé n’a pas réagi « sous l’impulsion du moment » avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid. Affirmer que M. Alas a réagi « sous l’impulsion du moment » au mouvement du défunt pour s’approcher des femmes et les frapper ne fait pas partie des inférences raisonnables; ce fut plutôt le point culminant d’une altercation dont M. Alas avait été l’instigateur et qu’il avait anticipée. Comme il l’a indiqué dans sa déclaration à la police :
a) Monsieur Alas savait que le défunt avait eu avec son amie, plus tôt dans la soirée, une altercation au cours de laquelle le défunt avait fermé une porte sur la tête de cette dernière.
b) Monsieur Alas était tellement furieux à propos de la conduite du défunt qu’il voulait le frapper à la tête avec une queue de billard. Il s’était calmé et n’avait pas posé ce geste.
c) Quand sa fiancée et son amie sont sorties pour fumer, il leur a dit qu’il les suivrait s’il voyait le défunt sortir lui aussi : [traduction] «. . . si je vois ce gars se lever et sortir, j’arrive [. . .] je serai juste derrière lui » (d.a., vol. II, p. 103).
d) Monsieur Alas a observé le défunt se préparer à quitter le bar. Le devançant, il est sorti se joindre aux deux femmes.
e) Quand le défunt est sorti du bar, il a regardé en direction de l’amie de M. Alas. En réaction à ce regard, M. Alas a répondu : «. . . [q]u’est-ce qui cloche chez toi? T’as un problème »? Il s’en est suivi une altercation verbale impliquant M. Alas, le défunt et les deux femmes (d.a., vol. II, p. 104).
f) Durant l’altercation verbale, M. Alas a sorti un couteau de la poche de son pantalon et l’a inséré dans la poche de son veston, « juste au cas où ». Serrant le couteau dans sa main, il a fixé le défunt du regard. Lors de son entretien avec les policiers, M. Alas a déclaré avoir fixé le défunt du regard de cette façon afin de « lui faire savoir que, si tu fais quoi que ce soit, hum, je vais te sauter dessus » (d.a., vol. II, p. 167-168).
g) Quand M. Alas a vu le défunt fermer le poing en direction des femmes, il est intervenu immédiatement et il l’a poignardé à la gorge; il a toutefois dit qu’il « voulait le poignarder [. . .] à la poitrine » (d.a., vol. II, p. 171). Il a par la suite donné cinq autres coups de couteau au défunt.
En conséquence, le pourvoi est accueilli et la déclaration de culpabilité est rétablie.
C.J.C.
J.C.C.