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01/03/1962 | CJUE | N°46/59

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'Avocat général Lagrange présentées le 1er mars 1962., Compagnie des Hauts Fourneaux de Chasse contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier., 01/03/1962, 46/59


Conclusions de l'avocat général

M. MAURICE LAGRANGE

1er mars 1962

SOMMAIRE

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  I — Faits et conclusions


  II — Recevabi...

Conclusions de l'avocat général

M. MAURICE LAGRANGE

1er mars 1962

SOMMAIRE

Page
  I — Faits et conclusions
  II — Recevabilité
  III — Existence du préjudice et prescription
  IV — Existence d'une faute de service
  A — Fautes dans l'exercice d'un contrôle normal préventif
  B — Fautes dans le déclenchement des enquêtes
  V — Considérations finales

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

I — Faits et conclusions

La société Chasse et les deux sociétés Meroni reviennent une fois de plus devant vous pour vous demander, cette fois, la condamnation de la Haute Autorité à la réparation, sur la base de l'article 40 du traité, du préjudice qu'elles prétendent avoir subi du fait des fraudes commises dans l'admission au bénéfice de la péréquation des ferrailles qui n'y avaient pas droit, ce qui a eu pour effet d'augmenter corrélativement le montant des contributions qui leur sont demandées.

Pendant le cours de la procédure a été rendu votre arrêt 23-59 du 17 décembre 1959 qui, statuant sur un recours formé par la société FERAM et ayant un objet analogue, a rejeté ce recours. Bien entendu, cet arrêt (et la Haute Autorité le reconnaît) n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard des présents litiges, puisqu'il n'y a pas identité de parties, mais il va de soi que, dans la mesure où les requérantes se fondent sur les mêmes faits et circonstances, l'existence d'un tel précédent constitue
par elle-même un sérieux obstacle à l'encontre de leurs prétentions. Aussi est-il important — et c'est la première question à élucider — de savoir si et dans quelle mesure leurs conclusions diffèrent de celles qu'avaient présentées la société FERAM.

Les conclusions de Chasse (recours 33-59) sont les suivantes:

«Déclarer responsable la Haute Autorité de la C.E.C.A. pour n'avoir pas su éviter que, au cours des années 1954-1957, aient été vendues d'importantes quantités de ferraille pour lesquelles furent produits, comme documents justificatifs, des certificats frauduleux de démolition navale, délivrés par le chef de la section sidérurgique du ministère néerlandais pour les affaires économiques.

Désigner tel expert qu'il appartiendra pour que soit évalué le montant exact du préjudice subi par la requérante au cours des années 1954-1957 à cause de la faute de service des organismes de péréquation.

Condamner la Haute Autorité à la réparation du dommage qui en est résulté, avec intérêts moratoires.»

Ces conclusions sont identiques, presque mot pour mot, à celles de FERAM.

Les conclusions de Meroni (Erba) (recours 46-59) sont, dans leur première partie, pratiquement identiques à celles de FERAM et de Chasse, mais il s'y ajoute ce qui suit:

«déclarer de même la Haute Autorité responsable pour tous les autres faits éventuellement constatés au cours de la procédure»;

et. plus loin

«… si besoin est, confier à un expert qui sera désigné d'office le soin de déterminer… le tonnage exact de ferraille vendu frauduleusement au préjudice des entreprises sidérurgiques de la Communauté soumises à la péréquation obligatoire au moyen soit de faux certificats, soit d'autres agissements frauduleux, en vue de bénéficier abusivement de la prime de péréquation pour la ferraille importée».

Les conclusions de Meroni (Settimo Torinese) (recours 47-59) sont à peu près semblables à celles de Meroni (Erba).

Ainsi ce ne sont plus seulement les fraudes provenant des faux certificats délivrés par le fonctionnaire néerlandais du ministère des affaires économiques qui sont invoquées, mais toutes les fraudes ayant permis de 1954 à 1957 l'attribution de la péréquation pour des ferrailles qui n'y avaient pas droit.

Ces différences dans la présentation des conclusions s'expliquent aisément, si l'on se réfère aux dates différentes auxquelles les recours ont été formés (avril 1959 et juillet 1959): l'ampleur des fraudes, qui n'étaient plus limitées aux agissements du fonctionnaire néerlandais, n'a été révélée que peu à peu, et c'est seulement après la clôture de la procédure écrite et notamment par la publication du rapport de la Haute Autorité du 8 avril 1961 qu'il a été possible de se faire une idée précise de
la nature des fraudes et une idée approximative de leur importance. C'est la raison pour laquelle la Cour, tout en refusant de décider la suspension de la procédure jusqu'à la fin de l'enquête en cours (ordonnance du 2 juin 1960), a, par la même ordonnance, prescrit à la Haute Autorité de produire son rapport définitif, dès qu'il serait établi, et n'a ouvert la procédure orale que plusieurs mois après ce dépôt et après que les parties eurent déposé les pièces qu'elles avaient été autorisées à
produire. Nous lisons, d'ailleurs dans le rapport à l'audience de M. le Juge rapporteur (page 4 de la traduction française):

«La chronologie des événements laisse apparaître clairement que, durant la procédure écrite, les parties ne pouvaient présenter que des observations limitées à certains aspects de ces irrégularités. C'est en ce sens qu'il faut entendre les arguments des parties (reproduits ci-après sous III).»

II — Recevabilité

Ces quelques explications nous permettent déjà de nous prononcer, du moins en ce qui concerne les deux affaires Meroni, sur la fin de non-recevoir opposée à l'audience par le représentant de la Haute Autorité et tirée de ce qu'il y aurait changement d'objet dans la demande. Il n'y a pas changement d'objet, ce qu'on appelle en droit français «demande nouvelle» parce que, nous l'avons vu, les conclusions du recours visent expressément tous les faits de fraude ayant entraîné une attribution irrégulière
de péréquation pour des ferrailles qui n'y avaient pas droit. Il est vrai que la portée réelle des conclusions d'une requête ne doit pas s'apprécier trop littéralement ni trop extensivement: elles doivent être éclairées par les développements dont elles s'accompagnent. Or, à cet égard, la Haute Autorité estime que le seul véritable objet des recours, lorsqu'ils ont été formés, concernait les fraudes résultant des faux certificats délivrés par le fonctionnaire néerlandais, comme dans l'affaire FERAM.

Messieurs, ce n'est pas notre avis. Quel est l'objet des conclusions? C'est d'obtenir réparation du préjudice causé par une faute de service de la Haute Autorité et des organismes de Bruxelles dans l'accomplissement de leur tâche de contrôle de l'origine des ferrailles admises au bénéfice de la péréquation. La cause juridique de l'action est donc la faute de service résultant d'une absence ou d'une insuffisance de contrôle ayant permis des versements indus au titre de la péréquation. Les agissements
frauduleux du fonctionnaire néerlandais constituent bien l'une des manifestations des fraudes, «l'un des aspects des irrégularités» pour reprendre l'expression du rapport à l'audience, mais ce ne sont pas ces agissements qui constituent la cause juridique de l'action: bien, au contraire, ils ont été invoqués par la Haute Autorité — avec succès d'ailleurs — comme un fait justificatif, la faute personnelle du fonctionnaire, qui appartenait à une administration nationale, ne pouvant engager la
responsabilité de la Communauté. Il n'y a donc pas cause juridique nouvelle dans le fait d'invoquer d'autres cas de fraude ayant eu le même résultat: la cause juridique est toujours la faute commise dans l'exercice du contrôle de l'origine des ferrailles.

Nous n'avons donc aucun doute en ce qui concerne la recevabilité, pour l'ensemble de leurs conclusions, des deux recours Meroni.

En revanche, il ne nous paraît pas possible d'admettre que, dans l'affaire Chasse, les conclusions aient la même portée, étant donné le libellé très précis de ces conclusions. La cause juridique est bien la même que dans les recours Meroni, mais le dommage dont il est demandé réparation ne concerne que les conséquences de la délivrance des faux certificats par le fonctionnaire du ministère des affaires économiques des Pays-Bas. Cette solution est fâcheuse, sans doute, étant donné la similitude des
trois litiges, mais la procédure a ses exigences qui ne sont pas toujours en accord avec l'équité. C'est d'autant plus regrettable que nous sommes ici dans un domaine où, sauf la prescription que nous examinerons dans un instant, il n'existe pas de délai, comme c'est le cas en matière de recours en annulation: il n'y a pas de décision préalable et, à tout moment, sauf encore une fois l'application de la prescription, la société Chasse aurait pu compléter ses conclusions ou, en admettant que la
rigidité de notre procédure ne le lui eût pas permis, introduire une nouvelle requête.

Quoi qu'il en soit, cette restriction ne vise que la nature et le montant du dommage, et non les faits et arguments au moyen desquels la requérante tente d'établir la responsabilité de la Haute Autorité dans l'exercice de sa mission de contrôle: à cet égard, la situation est exactement la même que pour les deux autres litiges, et la requérante nous paraît en droit de se prévaloir de toutes les circonstances nouvellement révélées de nature à fonder une responsabilité de la Haute Autorité à raison de
l'ensemble des fraudes, dont seule sa négligence pourrait expliquer l'ampleur, y compris les fraudes pour lesquelles la société Chasse demande réparation. En somme, le recours de Chasse devrait être jugé exactement comme les deux autres, sauf au dispositif de votre arrêt à éviter de statuer ultra petita.

III — Existence du préjudice et prescription

Nous devons maintenant examiner une deuxième objection de la Haute Autorité, d'après laquelle il n'existe, du moins actuellement, aucun préjudice, nous dirions aucun préjudice «né et actuel». Il en résulterait aussi que le délai de prescription n'a pas encore couru et que tous ces litiges seraient au moins prématurés. En effet, dit la défenderesse, la Haute Autorité s'applique à poursuivre le recouvrement des sommes indûment payées au titre de la péréquation; une partie de la créance a d'ailleurs
déjà été recouvrée et ce n'est que lorsque ces opérations seront terminées qu'il sera possible de savoir exactement si et dans quelle mesure le montant définitif des contributions de péréquation demeurera supérieur à ce qu'il aurait été en l'absence de fraudes.

Cette objection ne nous semble pas pertinente. En effet, il faut distinguer l'existence du dommage et son évaluation. Or il paraît tout à fait invraisemblable que la récupération soit totale. La Cour, dans l'arrêt Mannesmann et autres, 4 à 13-59, du 4 avril 1960, a jugé que la Haute Autorité n'était pas en droit de récupérer les versements indus auprès des entreprises utilisatrices de la ferraille. La Haute Autorité ou l'Office doivent donc poursuivre la récupération auprès des auteurs des fraudes,
ce qui ne peut guère laisser d'espoir d'une récupération intégrale, quelles que soient les diligences observées; le rapport de la Haute Autorité (p. 43 et s.) est édifiant à cet égard. De plus, comme l'a fait observer le représentant des requérantes, le dommage comprend aussi les frais importants occasionnés par les opérations de contrôle. Toutefois, sur ce point, on devrait tenir compte, en atténuation, des dépenses qu'aurait entraînées l'organisation d'un système de contrôle préventif
satisfaisant, que les requérantes reprochent précisément à la Haute Autorité de ne pas avoir mis sur pied pendant la durée du fonctionnement du mécanisme.

Le préjudice nous paraît donc certain, si son montant ne l'est encore pas. C'est là une situation qui n'a rien d'exceptionnel: elle rappelle le cas, par exemple, d'un accident corporel ayant entraîné une incapacité dont on ne sait encore si elle sera permanente ni quel en sera le taux: le juge statue néanmoins.

Pour des raisons analogues, nous pensons que le délai de prescription a commencé à courir depuis longtemps et que les requérantes ont été bien avisées de l'interrompre par leurs recours. L'article 40 du protocole sur le statut de la Cour dispose, en effet, que

«les actions prévues aux deux premiers alinéas de l'article 40 du traité se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu».

Or, le «fait qui donne lieu» aux présentes actions est constitué par les versements de péréquation correspondant à de la ferraille qui n'y donnait pas droit, versements qui ne sont pas récupérables sur les entreprises utilisatrices d'après votre arrêt 4 à 13-59: c'est ce fait, à savoir le versement, qui est la cause du dommage constitué par une augmentation corrélative du montant des contributions. On peut évidemment imaginer des cas où le dommage ne se révélerait que plus de cinq ans après sa
survenance: mais c'est là la conséquence d'un système de prescription qui n'a pas pour objet de mettre une limite à la négligence des créanciers, mais d'assurer une certaine stabilité dans les rapports juridiques.

Avant d'en arriver au fond, une mise au point est sans doute nécessaire quant à la portée de l'arrêt FERAM. Sans doute, nous l'avons dit, cet arrêt n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard des présents litiges. Cependant, nous n'entendons pas discuter de nouveau les solutions qu'il a admises, au moins sur les points essentiels. D'abord en ce qu'il condamne la thèse de la «responsabilité objective» soutenue à titre principal par FERAM et reprise dans les recours actuels: le fondement de la
responsabilité sur la base de l'article 40 est la «faute de service»; c'est une responsabilité subjective et la faute doit être établie. En second lieu, nous ne voyons pas que la Cour ait à renier la partie de l'arrêt qui dégage la responsabilité de la Haute Autorité à raison des agissements coupables d'un fonctionnaire faisant partie d'une administration nationale et ne pouvant être considéré comme ayant agi pour le compte ou au nom de la Communauté. Enfin, nous pensons qu'il en est de même pour la
partie de l'arrêt qui refuse de voir une faute dans le fait d'avoir confié à l'autorité nationale compétente le soin de délivrer les attestations, étant donné que ces attestations servaient en même temps de base légale pour la réexportation de la ferraille.

Tout cela est, en soi, fort pertinent. Mais l'affaire actuelle se situe sur un plan beaucoup plus général, celui de la responsabilité de la Haute Autorité à raison de l'organisation défectueuse du contrôle de l'origine des ferrailles admises à la péréquation. Or, c'est l'extension considérable des fraudes de toute sorte révélées par les contrôles a posteriori des sociétés fiduciaires qui a amené à se demander s'il n'y avait pas là l'indice d'un vice dans l'organisation et le fonctionnement des
services de gestion et de contrôle, vice que les agissements coupables d'un fonctionnaire dans un secteur particulier n'auraient pu à eux seuls faire présumer. Au surplus aucun autre cas de fraude du type de celle commise par le fonctionnaire néerlandais (navires déjà coulés et reposant au fond de la mer) n'a été révélé par l'enquête (rapport Poher, no 44).

En ce qui concerne la nature des fraudes découvertes et les diverses formes qu'elles ont revêtues, nous ne pouvons que renvoyer à la lecture du rapport de la Haute Autorité, n os 41 à 73, qui est fort édifiant: citons au hasard, pour les ferrailles importées, licence d'exportation obtenue par subterfuge (10.601 tonnes), présentation d'acquits de douane truqués par photomontage (4.092 tonnes), péréquation d'un tonnage plus élevé que celui figurant sur les déclarations (433 tonnes), double emploi de
connaissements (8.500 tonnes); pour les ferrailles de démolition navale, assimilées, comme vous le savez, aux ferrailles d'importation, on se base sur un pourcentage de rendement présumé, 60 % par exemple du tonnage du navire; lorsque des tonnages plus élevés ont été livrés, il y a une présomption de fraude, ce qui, dans certains cas, a permis de saisir la justice; il existe, enfin, une catégorie spéciale, le Heeresschrott, qui sont des ferrailles achetées à des unités des forces armées américaines
stationnées en Allemagne et réputées, du point de vue douanier, n'avoir pas été importées en République fédérale: or, d'après le rapport de la Haute Autorité (no 48, in fine),

«les contrôles ont démontré qu'en déclarant à la douane un tonnage plus élevé et en acquittant les droits afférents, on obtenait un document permettant de réclamer le versement d'un montant de péréquation correspondant»;

on relève entre autres irrégularités: acquits de douane falsifiés (10.133 tonnes), acquits de douane obtenus par subterfuge (54.034 tonnes), etc.; 87.050 tonnes de Heeresschrott ont été admises indûment à la péréquation sur un total de 181.000 tonnes, soit près de la moitié !

Quant au tonnage total des ferrailles admises à tort à la péréquation, il est, d'après la réponse de la Haute Autorité à une question posée par M. le juge Hammes, de 229.889 tonnes sur un total de 13.018.270 tonnes.

IV — Existence d'une faute de service

Il faut maintenant essayer de répondre à la question: L'ensemble des faits tels qu'ils sont aujourd'hui connus révèle-t-il l'existence d'une «faute de service» au sens de l'article 40 du traité?

Plusieurs observations doivent être faites à cet égard.

Première observation: il faut d'abord bien préciser la nature de la faute prétendue pour savoir quelle responsabilité elle est susceptible d'entraîner. Il s'agit d'une faute dans l'exercice du contrôle de l'origine des ferrailles, avons-nous dit, mais le mot «contrôle» est équivoque et son sens varie suivant qu'on envisage la responsabilité de l'O.C.C.F. et de la Caisse ou celle de la Haute Autorité. Le contrôle de l'origine des ferrailles par les organismes de Bruxelles et les bureaux régionaux
fait partie du fonctionnement même du mécanisme de péréquation: c'est une responsabilité de gestion. Quant au contrôle de la Haute Autorité, il ressortit à sa responsabilité générale, telle qu'elle résulte de l'article 53: c'est une responsabilité de contrôle.

Il est vrai que la Haute Autorité a, du moins pendant longtemps, déclaré assumer pleinement la responsabilité des fautes commises par les organismes de Bruxelles: il en était encore ainsi dans l'affaire FERAM, et c'est seulement à une époque plus récente qu'elle semble avoir cherché à s'en dégager, si l'on en juge par exemple dans l'attitude qu'elle a prise en défense au recours Fives-Lille et autres (nous faisons allusion, notamment, à la plaidoirie de M. de Laubadère). Mais votre jurisprudence a
toujours refusé de faire la distinction: non seulement elle considère l'activité des organismes de Bruxelles comme une activité de droit public, bien que ces organismes soient des personnes morales de droit privé, mais elle assimile leurs actes à des décisions prises par la Haute Autorité; un de vos arrêts est même allé jusqu'à affirmer que l'Office commun était un organe de la Haute Autorité (Mannesmann et autres, déjà cité, Recueil, VI, p. 283). Sur le terrain de la faute, l'arrêt Fives-Lille a
également confirmé la même thèse: la Haute Autorité est responsable des fautes commises par les organismes de péréquation.

Ceci est très important, parce que la responsabilité d'un service de gestion est évidemment beaucoup plus forte que celle d'un service de contrôle: alors qu'une faute lourde est généralement exigée pour ce dernier, une faute ordinaire suffit pour le premier, qui est le service «directement» responsable.

Deuxième observation: le rapport de l'Assemblée parlementaire européenne (que nous appellerons désormais «rapport Poher») a pour objet — et il ne pouvait en avoir un autre — d'apprécier la responsabilité politique de la Haute Autorité. C'est pourquoi il n'envisage que les insuffisances du contrôle auquel elle était tenue vis-à-vis des organismes de Bruxelles, et non sa responsabilité civile, et notamment celle que, d'après votre jurisprudence, elle assume de plein droit du fait du mauvais
fonctionnement de ces organismes.

Dernière observation: à plusieurs reprises, le rapport Poher insiste sur le fait que l'accord unanime du Conseil nécessaire pour rendre le mécanisme obligatoire n'a été obtenu que moyennant l'assurance que la Haute Autorité s'abstiendrait de toute ingérence dans le fonctionnement interne du mécanisme et, notamment, de tout contrôle sur la gestion. Le rapport Poher voit dans cette circonstance, ce qui se comprend parfaitement, une sensible atténuation de la responsabilité de l'exécutif. Mais un tel
élément ne peut être pris en considération, ici encore, que sur le terrain de la responsabilité politique. Il ne peut en être tenu compte du point de vue juridique pour deux raisons: d'abord parce que la «condition» que le Conseil aurait ainsi mise à son accord, en admettant qu'elle soit établie, ne pouvait juridiquement dégager la Haute Autorité de sa responsabilité au titre de l'article 53, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs reconnu depuis; et aussi parce que l'article 40 vise la faute de service de la
Communauté et non pas de telle ou telle institution; or, le Conseil est une institution de la Communauté. Peu importe, dès lors, pour les victimes, que la responsabilité soit partagée, comme il semble bien que c'est le cas, ou qu'elle ne soit imputable qu'à la Haute Autorité: il s'agit toujours de la responsabilité de la Communauté, seule investie de la personnalité morale dans le traité C.E.C.A., mais la Communauté est, en l'espèce, vis-à-vis des tiers, représentée par la Haute Autorité seule.
Donc, sur le terrain juridique on ne peut voir dans l'attitude du Conseil une cause d'atténuation de responsabilité.

C'est sous le bénéfice de ces observations que nous allons maintenant rechercher si l'attitude tant des organismes de Bruxelles que de la Haute Autorité doit être considérée comme ayant le caractère d'une faute de service au sens de l'article 40 du traité.

Deux arguments développés par le représentant des requérantes au début de sa plaidoirie nous paraissent devoir être écartés. Le premier est tiré de ce qu'il aurait été anormal de confier à la Haute Autorité le soin de faire une enquête sur ses propres agissements: elle devait être l'objet de l'enquête et non l'enquêteur.

A cela il convient de répondre d'abord que l'enquête devait porter essentiellement sur le fonctionnement du mécanisme assuré par les organismes de Bruxelles; en ce qui concerne la Haute Autorité elle-même, il ne s'agit pas d'une défaillance de ses services, mais de l'attitude de principe qu'elle a prise en refusant de s'occuper de la gestion du mécanisme: les services propres de la Haute Autorité n'étaient pas spécialement en cause. Au surplus, il est normal dans une administration publique qu'une
enquête sur le fonctionnement des services de cette administration soit confiée à des agents de l'État et même du ministère même où les actes se sont passés: les corps de contrôle et d'inspection n'ont pas d'autre mission.

Le deuxième argument, que nous avons souvent entendu, conteste l'utilité du mécanisme de péréquation lui-même, qui n'aurait nullement fait économiser 3 milliards de dollars à la sidérurgie et dont le caractère artificiel n'a fait que s'accentuer, ainsi qu'en témoignent l'abondance et le bas prix de la ferraille depuis qu'il a été supprimé.

Sur ce point — et sans vouloir entrer dans cette controverse —, nous répondrons qu'il s'agit d'une responsabilité de politique économique, dont la Haute Autorité n'a à répondre que devant l'Assemblée. Si les États devaient être pécuniairement responsables à l'égard des citoyens pour les fautes qu'ils commettent dans leur politique économique, la plupart d'entre eux seraient sans doute ruinés depuis longtemps…

Cela dit, nous pensons qu'il convient de bien distinguer ce qui a trait aux règles d'un contrôle normal préventif, et ce qui concerne le déclenchement des enquêtes lorsque l'existence des fraudes a commencé à apparaître.

A — Fautes dans l'exercice d'un contrôle normal préventif. Le contrôle de l'origine des ferrailles faisait partie, nous l'avons dit, du fonctionnement d'un service de gestion. C'était, évidemment, l'une des tâches essentielles des services chargés d'assurer le fonctionnement du mécanisme que de vérifier la provenance régulière des ferrailles avant de les admettre au bénéfice de la péréquation.

Or, on peut dire que, a priori, cette vérification devait être assurée avec une vigilance particulière pour les raisons suivantes:

La première tenait à la grande différence de prix entre la ferraille d'importation ou assimilée et la ferraille intérieure. La tentation, de ce seul fait, était très grande d'essayer de faire bénéficier la ferraille intérieure des avantages de la péréquation en la faisant passer pour de la ferraille d'origine extérieure ou de démolition navale. D'ailleurs, la nature particulière à bien des égards du commerce de la ferraille, que ni la Haute Autorité ni encore moins les sidérurgistes qui géraient
le mécanisme ne pouvaient ignorer, devait imposer une vigilance spéciale.

Il en était ainsi tout particulièrement sur trois points:

1o En ce qui concerne la ferraille de démolition navale, pour laquelle il est pratiquement impossible de vérifier, à une tonne près, l'origine de cette ferraille, vu les aléas de la récupération et le caractère approximatif des proportions de tonnage des navires à démolir qui servent normalement de base au contrôle. Dans ces conditions, ces opérations doivent être surveillées aussi étroitement que possible.

2o En ce qui concerne la ferraille dite«de substitution». Notre collègue Roemer s'est exprimé ainsi à ce sujet dans ses conclusions sur l'affaire Mannesmann et autres (Recueil, VI, p. 317):

«D'après ce que nous avons entendu ici, l'usage s'est introduit dans le commerce de la ferraille de livrer de la ferraille communautaire à la place de la ferraille qui doit provenir de la démolition de navires et de la faire participer à la péréquation comme de la ferraille de démolitions navales, à condition que la ferraille de démolitions qui reste encore à récupérer soit vendue ultérieurement sur le marché à des prix internes. Cette procédure a été tolérée, compte tenu du fait que la
démolition se prolonge souvent pendant une durée assez longue.

Certes, il est possible d'émettre des objections contre cette pratique, en raison des difficultés d'un contrôle sérieux lors de l'exécution de ces contrats. Mais il ne paraît pas impossible de garantir une exécution régulière de ces opérations et d'affirmer ainsi qu'elles sont licites.»

Il est clair cependant qu'une pareille pratique était de nature par elle-même à provoquer de nombreux abus. Les organismes de Bruxelles l'ont d'ailleurs reconnu et ont décidé, au cours de réunions tenues du 22 au 24 avril 1958, que

«les ferrailles dites de remplacement ne seront plus acceptées en péréquation, l'expérience ayant démontré que le contrôle de la provenance des ferrailles de cette catégorie présentait des aléas» (annexe III au rapport Poher).

3o En ce qui concerne, enfin, le Heeresschrott, sur lequel nous. nous sommes déjà expliqué.

En face de ces exigences, tant générales que particulières, que peut-on reprocher à la Caisse et à l'Office, d'une part, à la Haute Autorité, d'autre part?

1o En ce qui concerne les organismes de Bruxelles, il s'agit, nous l'avons dit, d'une responsabilité de gestion. Or, nous lisons, sur ce point, dans le rapport Poher ce qui suit (no 31):

«La gestion assurée par les organismes de Bruxelles apparaît à plus d'un égard critiquable. Les dirigeants de ces organismes ne se sont pas suffisamment rendu compte qu'ils exerçaient une fonction publique. Dans les opérations de paiement et l'appréciation des pièces et documents il eût fallu davantage de rigueur.»

Un des exemples les plus frappants de cette «absence de rigueur» dans l'appréciation des pièces et documents concerne le fonctionnement du bureau régional de Milan (Campsider), au sujet duquel le paragraphe 71 du rapport de la Haute Autorité contient ce qui suit:

«Le contrôle effectué par la Haute Autorité a montré que les dossiers remis par le bureau régional de Milan ne contenaient aucun document qui prouvait valablement l'origine et la provenance de la ferraille prise en péréquation.»

A la charge des organismes de Bruxelles, on doit également relever l'insuffisance du contrôle qu'ils exerçaient sur les bureaux régionaux.

2o En ce qui concerne la Haute Autorité, le reproche essentiel qu'elle encourt, et qui domine toute l'affaire, est d'avoir pendant longtemps refusé d'admettre que sa responsabilité s'étendait au contrôle de la gestion du mécanisme. Or, dès la création du mécanisme obligatoire, la décision 22-54 disposait expressément que

«le fonctionnement du mécanisme est confié — sous la responsabilité de la Haute Autorité — à l'O.C.C.F. et à la Caisse de péréquation».

Nous lisons à ce sujet, au même no 31 du rapport Poher, ceci:

«D'un autre côté, la Haute Autorité a pu émettre l'idée que les industriels et les intéressés sauraient eux-mêmes faire leur police. Il convient pourtant de toujours faire une distinction entre des pratiques commerciales et la gestion des fonds d'un mécanisme placé sous la responsabilité d'une autorité publique.

Il semble que cette distinction n'ait malheureusement pas toujours été faite.»

On ne peut évidemment affirmer que l'organisation d'un contrôle par la Haute Autorité de la gestion du mécanisme aurait suffi à empêcher complètement les fraudes. Néanmoins, on doit penser qu'un tel contrôle aurait stimulé le rôle des exécutants, et aurait sans doute permis de déceler plus tôt les fraudes et d'éviter leur extension.

On peut, d'autre part, ne pas faire grief à la Haute Autorité de n'avoir pas spontanément aperçu le caractère juridique de droit public que la Cour a par la suite reconnu, dans les conditions que nous avons rappelées, aux organismes chargés de gérer le mécanisme de péréquation: c'est ainsi que le 24 mars 1955 le représentant de la Haute Autorité auprès du Conseil de la Caisse avait exigé de celui-ci qu'il donne mandat à la Société fiduciaire de Belgique d'effectuer des vérifications
concernant notamment les décomptes de péréquation, sans vouloir donc s'immiscer lui-même en quoi que ce soit dans ce contrôle, ce qui d'ailleurs ne semble pas avoir donné de grands résultats. Mais il n'en reste pas moins que le refus de principe de la Haute Autorité de contrôler la gestion d'un tel mécanisme placé sous sa responsabilité constitue en soi, à notre avis, une faute administrative caractérisée.

B — Fautes dans le déclenchement des enquêtes. Il va de soi qu'une fois les premières fraudes découvertes, des mesures particulières s'imposaient tant pour essayer d'en déceler d'autres (que l'existence des premières rendaient vraisemblables) que pour éviter à l'avenir des pratiques semblables.

Ici encore, nous distinguerons les fautes qu'on peut relever à la charge des organismes de Bruxelles et celles qui incombent à la Haute Autorité.

1o En ce qui concerne les organismes de Bruxelles. Il semble bien que ces organismes aient été avertis de l'existence ou au moins de l'éventualité de certaines irrégularités bien avant la dénonciation faite par M. Worms en novembre 1957 (rapport Poher, no 40). Cependant, ce n'est que le 15 mars 1958, après intervention de la Haute Autorité, que la Caisse a donné mandat à la Société fiduciaire suisse de procéder à des vérifications sur l'origine des ferrailles. Ce mandat lui-même était
strictement limité (rapport Poher, no 36). De toute évidence, on ne cherchait pas alors à Bruxelles à élargir le champ des investigations, ce qui n'a été fait qu'en août 1958; en attendant, les fraudes avaient toutes facilités pour se poursuivre.

2o En ce qui concerne la Haute Autorité, on ne peut certainement pas la soupçonner d'avoir cherché à «minimiser» l'affaire. Néanmoins, à cette époque, elle n'a pas — c'est le moins qu'on puisse dire — fait preuve d'un zèle excessif. Les dates sont là pour en témoigner: la dénonciation Worms est de novembre 1957 et c'est le 29 septembre 1958 que la Haute Autorité prend directement en mains la surveillance de l'enquête à mener et donne elle-même un mandat illimité à la Société fiduciaire suisse.
L'intervalle entre ces deux dates est rempli d'études, de réunions, de correspondances avec la Caisse: le rapport Poher relate tous ces faits (no 30).

Le principal reproche qu'on puisse adresser à la Haute Autorité pendant cette période, outre l'excessive circonspection (pour ne pas dire la lenteur) dont elle a fait preuve, est de ne s'être aperçue qu'à la fin du mois d'août 1958 du caractère limité du mandat donné par l'O.C.C.F. à la Société fiduciaire suisse le 15 mars de la même année! (rapport Poher, no 38, avant-dernier alinéa).

A partir de septembre, en revanche, la Haute Autorité, ayant pris en mains, en même temps qu'elle procédait à la refonte du mécanisme à la suite de l'arrêt Meroni, a déployé le maximum d'efforts pour déceler les fraudes et en poursuivre les auteurs devant les tribunaux en collaboration avec les autorités compétentes des États membres. Il semble qu'actuellement la poursuite de ces efforts dépende surtout de la bonne volonté desdites autorités et de leur esprit de coopération.

Que conclure de tout cela?

A notre avis, la faute des organismes de Bruxelles est caractérisée: les dirigeants et les membres de ces organismes ne pouvaient ignorer les risques considérables de fraude que le système comportait par lui-même et, par suite, la nécessité d'une organisation administrative et comptable appropriée: or, l'organisation mise sur pied ne répondait pas à ces conditions, et des négligences dans l'exécution même du service, notamment à l'échelon des bureaux régionaux, ont été relevées. D'autre part,
leur attitude n'a pas changé lorsque les premières fraudes ont été découvertes et ils n'ont entrepris les redressements nécessaires qu'avec retard et sous la pression, elle-même lente et mesurée dans les débuts, de la Haute Autorité.

Quant à la Haute Autorité, les lenteurs dont elle a fait preuve dans les mois qui ont suivi la découverte des premières fraudes, quelque regrettables qu'elles soient, ne nous auraient pas paru, à elles seules, de nature à faire admettre une «faute de service» au sens de l'article 40. En revanche, la faute administrative incontestable qu'elle a commise résulte de l'absence volontaire de tout contrôle de sa part sur la gestion du mécanisme dont elle avait assumé la responsabilité.

C'est pour mieux les caractériser, car elles sont de nature différente, que nous avons distingué les fautes imputables aux organismes de Bruxelles et celles qui sont imputables à la Haute Autorité. Mais, d'après votre jurisprudence, les premières engagent, comme les secondes, la responsabilité de la Communauté.

Toutefois, une objection pourrait être faite: cette responsabilité peut-elle être considérée comme engagée à l'égard des entreprises consommatrices de ferraille, qui étaient affiliées au mécanisme de péréquation dont la gestion leur était confiée? Sont-elles en droit d'invoquer une responsabilité quasi délictuelle à l'encontre de l'organisme même dont elles faisaient partie? Sont-elles en droit de reprocher une insuffisance de contrôle à celui qui était chargé de les contrôler? La mise en jeu de
la responsabilité des sociétés obéit à des règles différentes suivant que la victime est un associé ou un tiers. N'oublions pas, au surplus, que si, comme nous l'avons rappelé, le Conseil semble n'avoir donné son accord unanime qu'à la condition qu'une grande liberté de gestion serait laissée aux organismes de péréquation, c'est manifestement sous la pression des entreprises dirigeantes du mécanisme.

Messieurs, à cet égard, nous pensons qu'il faut précisément faire une distinction suivant qu'il s'agit des membres et surtout des dirigeants des sociétés en cause, l'Office et la Caisse, ou qu'il s'agit d'entreprises qui, bien qu'affiliées au mécanisme en raison de son caractère obligatoire, ne faisaient pas partie des sociétés et ne pouvaient, par suite, exercer aucune influence sur leur action. Pour les premières, il y a une question, qu'il convient de réserver. Pour les secondes (ce qui est
le cas des trois requérantes), nous pensons que l'objection est sans valeur: elles sont dans la situation purement passive du citoyen vis-à-vis du service public qui profite des avantages du service et en subit les inconvénients, sans avoir aucune responsabilité dans sa gestion, mais est en droit, en revanche, de recevoir réparation des dommages causés par son action fautive.

V — Considérations finales

Nous sommes donc amené, en définitive, à reconnaître l'existence d'une faute de service de la Haute Autorité engageant la responsabilité de la Communauté à l'égard des trois sociétés requérantes. Nous avons déjà vu, d'autre part, que le dommage résultant de cette faute était certain, «né et actuel», bien que la Cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour en évaluer le montant. Que convient-il de décider en l'occurrence?

Nous pensons que la solution la plus opportune consiste à renvoyer l'affaire devant la Haute Autorité pour fixation et liquidation de l'indemnité due.

En effet, vous savez que la Haute Autorité est occupée à l'heure actuelle à établir les comptes de la péréquation. Il est évident que ces comptes devront être arrêtés dès que les opérations en cours seront terminées et sans attendre le dernier acte de la dernière des poursuites engagées ou encore à engager. Nous croyons savoir que telle est bien l'intention de la Haute Autorité. S'il en est ainsi, l'indemnité due devra être égale, pour chaque société, à la différence entre le montant de la
contribution de péréquation tel qu'il aurait dû être si les ferrailles indûment prises en compte pour la péréquation ne l'avaient pas été, et le montant de la contribution effectivement arrêté à la date de clôture des opérations.

Il va de soi que si, ultérieurement, certaines récupérations sont encore réalisées, leur montant devra, pour la part correspondant aux trois sociétés déjà indemnisées, pouvoir être conservé par la Haute Autorité, alors que, pour les autres sociétés, il sera réparti à due concurrence entre ces sociétés comme membres des anciens organismes de péréquation. Est-ce par voie de «subrogation légale», ou de cession de créance, ou par un autre procédé juridique que la Haute Autorité pourra exercer cette
récupération au profit de son propre budget? Nous n'avons pas à nous prononcer sur ce point.

D'autre part, comme nous l'avons déjà dit, la Haute Autorité devra également faire état, dans l'évaluation du dommage, des frais résultant des enquêtes et poursuites rendues nécessaires par la découverte des fraudes, mais en tenant compte, en atténuation, des frais supplémentaires d'administration qu'aurait justifiés la mise en place d'un service de contrôle normal préventif. Sur ces derniers points, il y a évidemment une certaine part d'évaluation arbitraire, à laquelle la Haute Autorité devra
procéder en toute équité, et nous l'espérons fermement, avec un accord des parties de nature à éviter un nouveau litige.

C'est sous le bénéfice de ces observations que nous concluons:

— à ce que la Haute Autorité soit déclarée responsable à l'égard des sociétés requérantes du préjudice résultant pour elles des versements effectués au titre de la péréquation, de 1954 à 1957, pour des ferrailles indûment admises à en bénéficier;

— au renvoi de l'affaire devant la Haute Autorité pour liquidation des indemnités dues de ce chef, l'indemnité allouée à la société Chasse étant toutefois limitée au préjudice résultant de l'admission au bénéfice de la péréquation des ferrailles pour lesquelles avaient été produits, comme documents justificatifs, des certificats frauduleux de démolition navale délivrés par le chef de la section sidérurgique du ministère néerlandais pour les affaires économiques;

— et à ce que la mute Autorité soit condamnée aux dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46/59
Date de la décision : 01/03/1962
Type de recours : Recours en responsabilité - non fondé

Analyses

Affaire 33/59.

Meroni & Co., Erba - Meroni & Co., Milan contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

Matières CECA

Péréquation de ferrailles

Sidérurgie - acier au sens large

Dispositions financières CECA


Parties
Demandeurs : Compagnie des Hauts Fourneaux de Chasse
Défendeurs : Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lagrange
Rapporteur ?: Riese

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1962:5

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