CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. ALBERTO TRABUCCHI,
PRÉSENTÉES LE 13 DÉCEMBRE 1973 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Il n'est pas surprenant que l'application pratique d'un arrêt qui a énoncé un principe de caractère général, tel que celui de l'égalité absolue entre l'homme et la femme dans l'application de l'indemnité de dépaysement prévue par l'article 4 de l'annexe VII au statut des fonctionnaires pose de nouveaux problèmes. Si la question de fond a été résolue dans les affaires 20-71, Sabbatini, et 32-71, Bauduin, la portée concrète du principe à l'égard des diverses situations qui peuvent entrer dans son
champ d'application et s'y rattacher de quelque manière, n'a pas été définie. Le Conseil a entendu le faire en apportant différentes modifications au statut par le règlement no 558 du 26 février 1973 (JO no L 55, p. 1) ; mais cela n'exclut pas, naturellement, que la jurisprudence puisse être appelée à apporter des précisions ultérieures conformes à l'esprit de votre arrêt.
Cependant, la présente affaire ne concerne pas tant le contenu concret du principe affirmé de façon générale que la détermination de la portée subjective et temporelle de l'innovation juridique que votre décision a constituée.
Les requérantes auxquelles la disposition de l'annexe VII, qui les privait de l'indemnité de dépaysement à la suite de mariage, a été appliquée à différentes époques remontant dans certains cas à une vingtaine d'années, demandent maintenant une restitutio in integrum. Elles soutiennent qu'elles ont le droit de bénéficier rétroactivement du principe d'égalité affirmé par la Cour à propos de l'indemnité en question.
A l'exception préliminaire d'irrecevabilité opposée par les institutions défenderesses, en raison de l'expiration du délai de recours, les requérantes opposent divers arguments, certains de caractère formel, d'autres étroitement liés au fond de l'affaire. En raison de la nécessité de considérer également ces dernières, nous ne pourrons pas toujours éviter d'aborder des points relatifs au bien-fondé des recours.
Voyons tout d'abord la thèse selon laquelle les demandes tendant au paiement des arrérages constitueraient une voie de recours autonome, et ne devraient donc pas être considérées comme soumises au délai de recours prévu par l'article 91 du statut.
Dans aucune partie de la demande introductive du recours, cependant, le paiement demandé n'est présenté comme une demande en réparation de dommage; jamais on n'invoque l'existence d'une faute de l'administration susceptible de justifier une demande d'indemnisation. Ce n'est qu'au cours de la seconde séance de la procédure orale, que l'avocat des requérantes a parlé pour la première fois d'actions en indemnité en invoquant à ce sujet le précédent de l'arrêt 79-71, Heinemann (Recueil, 1972, p. 588).
En revanche, les actes écrits, y compris les observations sur l'exception d'irrecevabilité, tendent clairement à démontrer non pas l'existence d'une «faute de service» de l'administration, mais l'illégalité, soit de la décision initiale par laquelle l'indemnité a été refusée ou supprimée, soit du refus actuel opposé à la réclamation administrative ayant le même objet que les présents recours, puisque ce refus aurait un caractère discriminatoire par rapport au traitement accordé à Mes Sabbatini et
Bauduin, requérantes dans les affaires qui ont donné lieu à la constatation incidente d'illégalité de l'ancienne disposition de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, et qui ont donc abouti à l'annulation des décisions individuelles attaquées.
Il suffit de constater ici que le recours a été conçu sur la base de l'article 91 du statut et qu'une modification substantielle de la causa petendi survenue pendant la phase orale, relative à l'exception d'irrecevabilité soulevée par les défenderesses, est certainement inadmissible dans le cadre de la présente procédure.
En second lieu, une partie des requérantes soutient que les décisions initiales de suppression ou de refus de l'indemnité de dépaysement, qui les concernaient, ne leur auraient pas été régulièrement notifiées conformément à l'article 25 du statut, ce qui aurait empêché que le délai de recours commence à courir.
Il n'est pourtant pas douteux que ces requérantes, elles aussi, ont eu connaissance de la suppression ou du refus d'accorder l'indemnité de dépaysement à leur égard plus de trois mois (il s'agit souvent de plusieurs années) avant la présentation de la réclamation administrative effectuée par chacune d'elles à des dates différentes comprises entre le 25 juillet 1972 et le 14 novembre 1972. L'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires dispose que le fonctionnaire peut présenter une
réclamation dirigée contre une acte lui faisant grief, dans un délai de trois mois à compter, s'il s'agit d'une décision individuelle, du jour de la notification au destinataire, ou, en tout cas, du jour où l'intéressé en a connaissance.
En vertu de l'article 91, paragraphe 2, un recours du fonctionnaire devant la Cour n'est recevable que si l'autorité investie du pouvoir de nomination a été saisie d'une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, et dans le délai y prévu.
Il s'ensuit que les recours des intéressées ne satisfont pas à la condition relative au délai de la réclamation préliminaire au recours juridictionnel. L'absence éventuelle d'une décision formelle explicite, relative à la suppression de l'indemnité ou au refus de l'accorder, ne peut pas avoir d'importance en ce qui concerne l'expiration du délai pour le recours prévu dans le cadre du régime statutaire antérieur au 1er juillet 1972 ou, dans la perspective du nouveau statut, des fonctionnaires, pour
la réclamation préliminaire au recours, du moment que toutes les intéressées ont pu se rendre compte de la manièr e don t leur situation était réglée quant à l'indemnité de dépaysement, à tout le moins par les fiches mensuelles relatives à la rémunération qui contiennent clairement dans une colonne spéciale — demeurée sans signes positifs — la rubrique de l'indemnité en question. En outre, la suppression de l'indemnité en cas de mariage de la fonctionnaire ou son refus à la femme déjà mariée au
moment de son entrée en service correspondait à une pratique générale des institutions communautaires fondée sur une disposition précise du statut; c'est pourquoi il n'est pas douteux que, dans ce contexte, la transmission de la fiche relative à la rémunération a pu constituer une communication valable susceptible de faire courir les délais de recours. Les arrêts rendus dans les affaires 33-72, Gunnella et 36-72, Meganck, ont déà admis un critère de ce genre. S'agissant de l'application courante
d'une règle bien précise et claire du statut, une motivation expresse et spécifique pouvait ne pas être considérée comme indispensable. De toute façon, de ce point de vue, la décision concrète une fois connue, il pouvait, le cas échéant, être question de connaissance de ses motifs, et le défaut de motivation peut être éventuellement constitutif d'un vice susceptible d'aboutir à l'annulation de la décision si on le fait valoir dans les délais, et, évidemment, il ne pouvait en aucun cas empêcher
l'expiration du délai de recours.
Toutefois, les requérantes invoquent la survenance de faits nouveaux capables de rouvrir ex nunc les délais de recours. Ces faits seraient constitués, d'une part, par les arrêts de la Cour, déjà cités, rendus dans les affaires Sabbatini et Bauduin, et, d'autre part, par les conséquences qui en ont été tirées par les institutions défenderesses, qui, avant même l'entrée en vigueur du nouveau texte de la disposition relative à l'indemnité de dépaysement abolissant la discrimination dénoncée par la
Cour, ont rétabli cette indemnité en faveur de toutes les intéressées à partir du mois de juillet 1972.
Les deux arrêts en question ont annulé deux décisions individuelles de suppression de l'indemnité de dépaysement à la suite de mariage, en raison de l'illégalité de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut sur lequel lesdites décisions reposaient. Les requérantes s'appuient surtout sur cette illégalité constatée d'une règle du statut qui avait pourtant été appliquée à leur détriment, pour soutenir la réouverture des délais en leur faveur.
Il est clair que les arrêts rappelés rendus dans les affaires 20-71 et 32-71 ont eu pour seul effet juridique d'annuler les décisions indivuduelles attaquées par les requérantes dans ces affaires. La constatation de l'illégalité de la règle du statut qui était à la base des décisions annulées a été effectuée de manière purement incidente, et donc avec un effet limité à la non-application de ladite règle à l'égard des seules requérantes dans ces deux affaires. Une constatation de cette nature ne
pourrait certainement pas avoir une portée équivalante à l'annulation.
Si les arrêts invoqués avaient annulé la règle du statut reconnue illégale, la question de l'effet rétroactif même à l'égard des tiers pourrait se poser sérieusement. Mais si la nature, l'objet et les effets d'un recours doivent avoir une signification propre et si la différence entre constatation incidente d'illégalité d'une règle et annulation de celle-ci doit être maintenue, alors une diversité d'effets doit également s'ensuivre et par conséquent l'impossibilité de tirer d'une constatation
incidente d'illégalité d'un règlement un effet général qui finirait par aboutir à des résultats analogues à ceux de l'annulation ex tunc de cet acte. Sans quoi, la limite d'ordre public constituée en général par les délais de procédure péremptoires et posée, dans notre cas, par l'article 91 du statut, se trouverait compromise, au préjudice du principe de la sécurité des rapports juridiques. Par conséquent, la connaissance du «fait nouveau» ne serait pas éventuellement la connaissance d'une
déclaration de nullité, mais d'une affirmation incidente qui peut avoir son effet dans les limites de l'affaire dont il s'agit et non au-delà.
Aucun fait nouveau ne touche, même si peu que ce soit, le passé, qui n'aurait pu être concerné que par une déclaration objective d'annulation. Nos affirmations sur ce point sont aussi fondamentales qu'élémentaires, elles ont été rappelées maintes fois et constamment par la Cour, il n'est donc pas nécessaire d'y insister.
Quant au comportement des institutions défenderesses qui, à la suite des deux arrêts Sabbatini et Bauduin, ont accordé ou rétabli ex nunc l'indemnité de dépaysement pour les fonctionnaires qui en avaient été privées, il constitue surtout un hommage à l'autorité du principe affirmé par la Cour.
Ce comportement qui a avantagé de nombreuses fonctionnaires, a été loyalement observé par les institutions pour des considérations d'équité et d'opportunité administrative également.
En termes plus juridiques, la non-application concordante d'une règle encore en vigueur par toutes les institutions peut être considérée comme une application anticipée de l'amendement (que l'on pouvait raisonnablement attendre et qui avait même été annoncé à l'avance) que le Conseil aurait introduit à la suite de ces arrêts, et qu'il a, en effet, apporté quelques mois après ladite disposition. D'ailleurs, il ne peut être question de changement de conceptions juridiques par les administrations, du
moment que la question de droit avait déjà été tranchée par la Cour.
Comme la Cour l'a déjà affirmé en réponse à l'argument d'un requérant qui faisait valoir que la modification à propos de plusieurs fonctionnaires des thèses juridiques antérieurement soutenues par les exécutifs, à la suite de certains arrêts en matière de statut du fonctionnaire aurait constitué un fait nouveau imposant à la Commission de réviser ses décisions antérieures, lorsque les administrations s'inspirent d'un arrêt de la Cour de justice, c'est moins l'acte de l'administration que l'arrêt
lui-même qui pourrait être présenté comme fait nouveau, en en excluant par ailleurs l'importance, sous cet aspect également pour la réouverture des délais (voir arrêt 34-65, Mosthaf, Recueil, 1966, vol. XII, p. 768).
Le fait nouveau que pourrait constituer un changement de pratiques administratives à la suite d'une modification de l'interprétation de certaines règles statutaires par l'administration pourrait revêtir de l'importance pour les fonctionnaires en leur permettant d'intenter une action qui autrement leur aurait été interdite en raison de l'expiration des délais. Mais cette action ne serait concevable que dans la mesure où elle viserait à obtenir une modification de leur situation pour l'avenir, et non
pas à remettre en question la manière dont la situation a été réglée antérieurement au changement de la pratique administrative qui constitue le fait nouveau. Ce dernier n'a donc pas pour effet de rouvrier les délais pour attaquer une décision, mais en raison de la modification qu'il comporte à partir du moment où il se produit, il constitue la base d'une nouvelle demande du fonctionnaire tendant à modifier la situation actuelle, même si celle-ci est la conséquence d'une décision qui remonte loin
ans le temps et qui ne peut plus être attaquée. C'est justement sur la situation actuelle que l'intéressée aurait pu être en droit de demander que l'administration prenne position à son égard, conformément à la nouvelle pratique suivie. Mais à ce sujet, les requérantes ont déjà eu pleine satisfaction avant même d'introduire les présents recours.
Il y a enfin l'autre argument invoqué dans l'affaire 137-73, selon lequel la disposition de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, dans le texte antérieur à la modification apportée par le règlement déjà mentionné du Conseil, no 558/73, établissant une discrimination présentant un degré d'inégalité et d'iniquité particulièrement important, doit être considérée non pas comme simplement invalide, mais comme carrément inexistante. On a fait valoir ce moyen non pas simplement à l'égard
des décisions individuelles d'application, mais directement contre la règle de base.
Dans ses citations pourtant nombreuses de jurisprudence, la requérante n'a pas pu fournir un seul précédent de droit interne qui applique réellement une notion d'inexistence aussi large que celle qu'elle nous propose aujourd'hui; et si elle ne l'a pas fait, ce n'est certainement pas par négligence, mais simplement parce que l'inexistence d'un acte public, surtout s'il s'agit d'un acte normatif (même si cette notion d'inexistence était admise pour de tels actes, ce qui ne paraît pas être toujours le
cas dans les droits internes) ne serait concevable que dans des limites très restreintes, pour des cas vraiement extrêmes, spécialement pour vices très graves et évidents de forme (exemple: absence de signature), de procédure (exemple: absence de délibération) ou de compétence (exemple: décision administrative en matière de réserve à la loi, et en général, usurpation manifeste de pouvoir).
Les conséquences d'une constatation d'inexistence d'un acte ayant valeur de loi sont tellement graves et souvent pas du tout prévisibles, qu'une extrême prudence est conseillée dans l'emploi de cette notion à l'égard d'actes normatifs, surtout si ceux-ci sont demeurés longtemps en vigueur. Cela est également conforme à la sauvegarde de la certitude du droit; car, dans le cas d'inexistence constatée d'une règle de portée générale, on devrait logiquement en faire naître l'obligation pour
l'administration d'éliminer toutes les conséquences qui en ont résulté ab initio.
Dans un système comme celui de notre droit communautaire, on ne voit aucune raison pour s'écarter du critère suivi dans les différents droits nationaux, selon lequel un acte normatif susceptible d'être appliqué et qui répond aux conditions essentielles de procédure, de forme et de compétence, quant à sa fonction et sa publication, est un acte dont une incompatibilité éventuelle de contenu avec des règles ou des principes supérieurs permet de contester la validité, mais jamais de faire désavouer
l'existence.
D'ailleurs, si le vice qui invalide l'ancien texte de l'article 4, paragraphe 3, avait été aussi énorme qu'on le prétend maintenant, il ne serait pas possible de justifier que la contradiction patente avec le système ait pu rester dans l'ombre aussi longtemps malgré les centaines d'applications qui en ont été faites et les nombreux intérêts en jeu. Et, last but not least, il peut certainement sembler hardi d'affirmer l'existence d'une contradiction radicale et énorme par rapport aux principes
élémentaires de la société civile moderne, si, justement, sa validité et sa survivance ont été défendues dans ce même prétoire par l'avocat général d'alors dans les affaires Sabbatini et Bauduin.
La réalité est autre. L'incompatibilité de cette règle avec un principe général, affirmée par les arrêts, qui ont donné lieu à toute cette suite de procès, n'a pas révélé une opposition scandaleuse du statut avec un principe éternel d'égalité et de justice, mais elle a constitué un pas de plus dans le processus visant à rapprocher la position juridique de la femme de celle de l'homme dans la société. Un développement jurisprudentiel de ce genre suivant l'évolution historique des mœurs, doit être
situé dans le temps et ce n'est que de cette manière que l'on comprend et que l'on en justifie l'affirmation progressive.
L'illégalité constatée incidemment par les arrêts Sabbatini et Bauduin est donc une illégalité qui s'est révélée et a été appréciée à l'époque où elle a été examinée; elle est le résultat de l'évolution récente des conceptions dominantes sur la position de la femme dans la famille et dans la société, évolution qui s'est manifestée par des modifications même dans le droit des États membres et que la Cour, par une action avisée de recherche et d'affirmation d'un droit vivant, a traduite dans l'ordre
juridique communautaire.
Il est donc absolument hors de question de parler ici d'inexistence.
Ce qui constitue le point d'arrivée actuel d'une longue évolution sociale ne peut manifestement pas être transposé dans le passé. Outre qu'elle serait antihistorique, la rétroactivité comporterait ici une fictio iuris injustifiée, pour ne pas dire grossière.
Pour toutes ces raisons, nous ne comprenons vraiment pas le sentiment d'offense à la justice que les requérantes affirment éprouver à l'égard du refus que les administrations leur opposent au paiement des arrérages à titre d'indemnité de dépaysement. Elles devraient se rendre compte que ce fut grâce à l'initiative de deux de leurs collègues, qui ont pris la peine et le risque d'intenter un procès, que l'évolution a pu se traduire en acte à l'avantage de la profession. Les requérantes ont agi en
grand nombre uniquement pour bénéficier à titre rétroactif de cette conquête récente. Le sentiment d'injustice qu'elles affirment éprouver maintenant en se voyant traitées, pour le passé, autrement que leurs deux collègues qui, ayant attaqué dans les délais la décision individuelle de refus de l'indemnité, ont pu en obtenir l'annulation, n'est donc pas justifié.
Dans cette perspective, nous trouverions vraiment aberrant de penser que le fait de refuser aux requérantes la possibilité de contester la légalité de décisions adoptées à leur égard dans le passé, et qu'elles n'ont pas attaquées dans les délais, les rendrait victimes d'une discrimination par rapport à celles de leurs collègues qui ont pris l'initiative de sauvegarder leurs intérêts légitimes dans les délais des voies de recours offertes à cet égard par le statut. Cette diversité de traitement n'est
pas une discrimination, mais seulement l'application cohérente d'un principe ancien et toujours valable : vigilantibus non dormientibus iura succurrunt.
En résumé, on doit constater que, pour admettre la recevabilité du présent recours, il faudrait déroger à des règles fondamentales de procédure qui touchent à un principe général de certitude du droit et des situations juridiques. Il faudrait des raisons extrêmement graves, susceptibles de peser davantage que la sauvegarde de celles qui sont des règles, des principes et des exigences fondamentales de l'ordre juridique. Tel n'est certainement pas le cas en l'espèce. Le principe de l'égalité entre
l'homme et la femme, même quant au bénéfice de l'indemnité de dépaysement, a été désormais affirmé; le progrès a été accompli. Il n'y a pas lieu maintenant de faire appel pour la défense des requérantes, à des idéaux d'égalité à réaliser lorsque, par contre, ce dont il s'agit concrètement n'est plus une question de principe, mais un simple problème de rétroactivité dans la perception d'une indemnité.
Il est trop commode et trop vague d'invoquer l'adage cicéronien summum ius summa iniuria dans tous les cas dans lesquels le droit, par ses exigences de certitude, impose des délais a respecter; et seul le respect de ces délais est aujourd'hui en question ici. Une longue expérience dans les différents secteurs de la vie juridique nous a enseigné que l'adage cicéronien doit être compris dans de justes limites; mais la même expérience de vie nous incite à conclure, toujours selon les paroles de
l'orateur romain, que lorsque de grands principes, des principes fondamentaux qui s'imposent à la conscience humaine, ne sont pas directement en jeu, il est nécessaire que celui qui a la charge de rendre là justice, ait l'humilité de juger non de legibus, mais secundum leges.
Nous concluons donc en vous proposant d'admettre l'exception d'irrecevabilité soulevée par la défenderesse et de statuer, sur les dépens selon les règles qui régissent la matière des recours des fonctionnaires.
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( 1 ) Traduit de l'italien.