CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,
PRÉSENTÉES LE 17 FÉVRIER 1976 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Nous avons de la peine à contenir une certaine irritation et à ne pas utiliser un langage trop dur pour exposer les faits de l'instance préjudicielle soumise aujourd'hui à notre examen.
De quoi s'agit-il?
Après avoir travaillé pendant des années en Italie, un ressortissant italien, M. Balsamo, a exercé l'activité d'ouvrier-mineur en Belgique de 1946 à 1958 pour revenir travailler par la suite en tant qu'ouvrier agricole en Italie, où il s'est établi après son retour en Belgique. Depuis le 1er novembre 1968, il importe de prêter une grande attention aux dates, il n'exerce plus aucune activité professionnelle pour des raisons de santé.
En raison de son état de santé qui exigeait la cessation à bref délai de son activité professionnelle, M. Balsamo a introduit le 26 octobre 1968 une demande de pension d'invalidité auprès des l'«Istituto nazionale della previdenza sociale» (en abrégé: INPS), (organisme d'assurances sociales italien compétent à son égard, lequel lui a, en vertu du droit italien, accordé ladite pension, avec effet au 1er novembre 1968, au vu des activités qu'il avait exercées en Italie. La demande, présentée par M.
Balsamo a été transmise en juin 1970 par l'INPS à l'organisme belge compétent en matière d'assurances sociales par le biais des formulaires prévus par le droit communautaire, c'est-à-dire par les règlements nos 3 et 4 concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (JO no 30 du 16 décembre 1958). Le formulaire mentionnait notamment le nom du dernier employeur et la date à laquelle M. Balsamo avait cessé son activité. C'est ainsi que l'assurance sociale belge a appris que M. Balsamo
n'exerçait plus aucune activité depuis le 1er novembre 1968 et qu'il percevait depuis cette date une pension d'invalidité italienne.
Étant longtemps demeuré sans réponse de Belgique, M. Balsamo a demandé à plusieurs reprises par lettres datées d'août 1973, de février et mars 1974, ces dates sont malheureusement exactes, et adressées à l'organisme d'assurances sociales belge compétent, l'«Institut national d'assurance maladie-invalidité» (en abrégé: INAMI), à quel stade en était l'instruction de sa demande. Il a reçu en octobre 1974, par l'intermédiaire de l'assurance sociale italienne, une décision de l'assurance sociale belge en
date du 24 juillet 1974, par laquelle celle-ci rejetait sa demande de pension d'invalidité belge. La décision avait été rendue en ce sens, bien que le Conseil médical subordonné à l'INAMI et chargé de statuer sur les cas d'invalidité, ait reconnu M. Balsamo atteint d'une incapacité professionnelle du 31 octobre 1968 au 31 mars 1976, date à laquelle l'intéressé aura atteint la limite d'âge ouvrant droit au versement d'une pension de vieillesse. A l'appui de sa décision de rejet, l'INAMI a invoqué
l'article 56 de la loi belge du 9 août 1963, qui subordonne l'existence de l'incapacité professionnelle à la cessation de toute activité professionnelle. L'organisme belge a fait valoir que cette condition n'était pas encore remplie quand l'intéressé a sollicité sa pension le 26 octobre 1968 et qu'elle ne l'a été au contraire que quelques jours plus tard. Il aurait donc été nécessaire de présenter une nouvelle demande de pension.
M. Balsamo a attaqué cette décision devant le tribunal de Bruxelles. Il a relevé que l'assurance sociale italienne n'avait envoyé sa demande à Bruxelles, aux fins d'instruction, que le 10 juin 1970, et il a souligné qu'il ne sollicitait des prestations que pour la période postérieure au 1er novembre 1968, date à laquelle il avait cessé toute activité professionnelle. Dans ces conditions, M. Balsamo estime que l'on ne saurait considérer comme nécessaire la présentation d'une nouvelle demande de
pension. Selon lui, les dispositions de l'article 28, paragraphe 1, lettres f) et g) du règlement no 3, celles de l'article 30, paragraphe 1, du règlement no 4 ainsi que les prescriptions homologues, en vigueur depuis le 1er octobre 1970, des règlements no 1408/71 (article 49, paragraphe 3) (JO no L 149 du 5. 7. 1971) et 574/72 (article.36, paragraphe l)(JO no L 74 du 27. 3. 1972) vont notamment en ce sens.
Eu égard à ces dispositions du droit communautaire dont l'interprétation ne lui paraît pas exempte d'incertitudes, et faisant droit à une demande subsidiaire du demandeur au principal, le juge a quo a, par jugement du 6 octobre 1975, sursis à statuer et demandé, en application de l'article 177 du traité CEE, qu'il soit statué à titre préjudiciel sur la question suivante:
«Quelle est l'interprétation exacte qu'il convient de donner à l'article 28, paragraphe 1, lettres f) et g), du règlement no 3 et à l'article 49 du règlement no 1408/71 du Conseil de la Communauté économique européenne, afin qu'il soit établi si l'application de ces articles nécessite chaque fois la présentation d'une nouvelle demande de pension selon les modalités visées à l'article 30, paragraphe 1, du règlement no 4 et de l'article 36, paragraphe 1, du règlement no 574/72 du Conseil de la
Communauté économique européenne?».
Nous pensons, au même titre que la Commission, qu'il convient de présenter quelques observations sur l'état des législations italienne et belge avant de nous prononcer sur cette question.
Au regard du droit italien, l'élément important est que l'assuré peut se prévaloir d'un droit à une pension d'invalidité indépendamment d'une maladie antérieure et que, dans le cas où toutes les conditions sont remplies, il acquiert ce droit avec effet au premier jour du mois suivant la présentation de la demande. Il n'est pas non plus interdit en droit italien sans doute, eu égard à cette réglementation, d'exercer encore une activité professionnelle au moment de la présentation de la demande. Il
est de plus essentiel que, pendant toute la durée de l'instruction d'une demande, il n'est pas nécessaire d'en présenter une nouvelle. Au contraire, la demande introduite antérieurement couvre toutes les prestations auxquelles l'assuré peut prétendre jusqu'à ce que l'assurance sociale ait statué sur sa demande. C'est ce qui résulte de l'article 18 du décret no 488 du président de la République, en date du 27 avril 1968.
En ce qui concerne l'assurance maladie-invalidité belge, il existait en vertu de la loi du 9 août 1963 trois sortes d'indemnités. Il faut mentionner en premier l'indemnité d'incapacité primaire exigible dès la survenance de l'incapacité professionnelle et versée pendant un an, et pour les ouvriers mineurs, pendant six mois. L'assuré recevait ensuite l'indemnité d'incapacité prolongée au cours des deux années suivantes, puis l'indemnité d'invalidité accordée jusqu'à ce que l'intéressé ait atteint la
limite d'âge (65 ans pour les hommes) lorsque L'incapacité professionnelle se prolongeait. La loi du 7 juin 1969 a modifié, avec effet au 1er janvier 1970, cette réglementation dans la mesure où désormais l'indemnité d'invalidité est payée dès l'expiration d'un an à compter du début de la maladie, et pour les mineurs, dès l'expiration d'un délai de six mois. D'après les indications fournies par la Commission, il suffit de présenter un certificat d'incapacité professionnelle pour bénéficier de
l'indemnité d'incapacité primaire. A l'expiration des délais prévus, l'indemnité d'invalidité est versée d'office, c'est-à-dire sans présentation d'une demande spécifique quand les conditions en sont réunies. Dans le cas où un assuré auquel cette réglementation s'applique en Belgique, travaillait également dans d'autres États membres et y a droit à une pension d'invalidité, l'assurance belge, après avoir statué elle-même sur la pension d'invalidité belge, transmet en conséquence le dossier, sans y
avoir été invitée, aux organismes d'assurance compétents des autres États membres. Cette manière de procéder tient manifestement compte de l'article 37 du règlement no 4, qui stipule que, aux fins de l'application des législations du type A (pensions d'invalidité dont le montant n'est pas fonction de la durée des périodes d'assurance accomplies), la date de l'expiration de la période d'octroi des prestations en espèces de maladie doit être considérée comme date d'introduction de la demande de
pension.
Cet exposé de la situation juridique ne laisse pas, à lui seul, de provoquer l'étonnement quant à la position des assurances belges, laquelle consiste, quand l'invalidité est survenue à l'étranger, c'est-à-dire quand aucune indemnité d'incapacité primaire n'a été versée, à faire dépendre avec une telle insistance l'octroi d'une pension d'invalidité belge de la présentation d'une demande à cet effet et à exiger surtout que toutes les conditions — incapacité de travail et cessation de toute activité
professionnelle — soient réunies à la date même de l'introduction de la demande qui peut être présentée, aux termes du règlement no 4, auprès d'un organisme d'assurance étranger. A cet égard, il a été relevé à juste titre au cours de l'instance que cette position revenait en réalité, lorsque le risque se réalise à l'étranger, à imposer des conditions plus sévères et l'observation de formalités supplémentaires, à savoir celles auxquelles il y a lieu de procéder pour le versement de l'indemnité
d'incapacité primaire: présentation d'un certificat d'incapacité de travail constatant également la cessation de l'activité professionnelle. C'est à bon droit que l'on peut se demander si ces exigences sont compatibles avec l'esprit des dispositions communautaires relatives à la sécurité sociale des travailleurs migrants et qui s'inspirent d'une manière décisive du principe fondamental de l'exclusion de toute discrimination à l'encontre des travailleurs en provenance d'autres États membres. Lorsque
l'organisme belge invoque à ce propos l'article 56, paragraphe 1, de la loi du 9 août 1963 aux termes duquel ne peut être considéré comme frappé d'incapacité de travail que celui qui a cessé toute activité et dont la capacité de gain est réduite à raison d'un pourcentage déterminé, il est en outre permis de se demander si, en vérité, la disposition précitée doit être nécessairement interprétée comme exigeant la réunion des conditions précitées dès la réception de la demande. On peut après tout
invoquer à l'encontre de cette interprétation la formule «est reconnu incapable de travailler …», selon laquelle il pourrait tout aussi bien suffire que les conditions d'attribution d'une pension soient remplies à la date de l'instruction de la demande.
Cependant, nous ne pouvons pas nous borner à ces constatations ni, surtout, aux considérations que nous venons de développer en dernier lieu; elles impliquent en effet une interprétation du droit national que nous ne pouvons évidemment pas entreprendre, car ce serait aller à l'encontre de la pratique administrative courante.
Il importe par conséquent de savoir ce qu'on peut déduire en ce qui concerne les faits qui retiennent présentement notre attention et l'interprétation du droit belge donnée par l'organisme d'assurance belge, du droit communautaire de la sécurité sociale et notamment des dispositions citées dans la décision du juge a quo.
Il convient tout d'abord d'examiner l'article 28, lettres f) et g), du règlement no 3, auquel correspond l'article 49 du règlement no 1408/71. Cette disposition stipule que:
«f) si l' intéressé ne remplit pas, à un moment donné, les conditions exigées par toutes les législations qui lui sont applicables, mais satisfait aux conditions d'une seule d'entre elles, sans qu'il soit nécessaire de faire appel aux périodes accomplies sous une ou plusieurs des autres législations, le montant de la prestation est déterminé en vertu de la seule législation au regard de laquelle le droit est ouvert et compte tenu des seules périodes accomplies sous cette législation;
g) dans les cas visés aux alinéas e) et f) du présent paragraphe, les prestations déjà liquidées sont révisées conformément aux dispositions de l'alinéa (b) du présent paragraphe au fur et à mesure que les conditions exigées par une ou plusieurs des autres législations sont satisfaites, compte tenu de la totalisation des périodes visées à l'article précédent».
Comme la Commission l'a relevé à juste titre, le seul libellé de cette disposition suffit à montrer qu'elle n'est pas applicable au cas d'espèce. En effet, il est d'une part constant qu'au 1er novembre 1968, date à partir de laquelle la pension d'invalidité italienne a été octroyée, les conditions posées par la loi belge étaient également remplies. D'autre part, si tel n'était pas le cas, l'assurance sociale italienne serait dès lors tenue d'effectuer une révision d'office, et cela à une date à
laquelle l'assurance sociale belge a également liquidé les prestations dues. Il est donc difficile de déduire de l'article 28 que l'assurance belge est tenue d'octroyer une pension d'invalidité à compter de la date à laquelle toutes les conditions de fait sont remplies.
Par contre, on peut invoquer plutôt les dispositions combinées de l'article 30, paragraphe 1, également cité du règlement no 4, et d'autres dispositions de ce chapitre du même règlement, pour répondre à la question de savoir si M. Balsamo devait, après le 26 octobre 1968, présenter une nouvelle demande de pension à l'assurance sociale belge au moment où a pris fin son activité professionnelle.
L'article 30, paragraphe 1, prévoit que le travailleur qui désire percevoir les prestations en vertu des articles 26 à 28 du règlement no 3 est tenu d'adresser sa demande à l'institution de son lieu de résidence et selon les modalités déterminées par la législation du pays de résidence. Il ressort de l'article 31, paragraphe 1, lettre b), que l'exactitude des renseignements donnés par le demandeur peut être également confirmée par les organes autorisés de l'État de sa résidence. Il découle de
l'article 33 qu'un formulaire est utilisé aux fins de l'instruction des demandes de prestations, et que la transmission de ce formulaire aux institutions compétentes d'un autre État membre tient lieu de transmission des pièces justificatives.
En ce qui concerne ces dispositions, nous estimons qu'il n'y a pas lieu maintenant de délimiter notamment la portée de l'article 30 ni de distinguer, par exemple — ceci dit eu égard aux moyens de défense invoqués par l'assurance belge selon laquelle ses objections ne portent pas sur n'importe quelle formalité, mais concernent des conditions de fond auxquelles le droit à pension est subordonné — ce qui relève du domaine des formalités accompagnant la demande au sens de l'article 30 et ce qui
ressortit aux conditions de fond. Il nous semble plus important de dégager le principe directeur des dispositions précitées, parmi lesquelles l'article 30 a notamment pour objet de supprimer l'obligation de présenter plusieurs demandes en application des dispositions d'États membres différents. Il est certainement possible de définir ce principe directeur comme devant faciliter l'exercice de leurs droits aux travailleurs migrants qui peuvent prétendre au versement de prestations dans plusieurs pays
quand un risque se réalise. Dans un système qui débouche simplement sur la coordination des droits nationaux et non pas sur une unification des législations de sécurité sociale destinée à supprimer toutes les difficultés, ce principe met, selon nous, à la charge de tous les organismes d'assurance intéressés, l'obligation évidente d'éviter tout formalisme inutile exposant l'intéressé au risque de perdre certains de ses droits ou, en d'autres termes, l'obligation de tenir compte, quand ils appliquent
le droit national, des intérêts communautaires dans toute la mesure du possible, surtout lorsqu'il n'en résulte aucune perturbation sérieuse des rouages administratifs nationaux assez complexes en vérité.
Mais, d'après ce que nous avons entendu au cours de l'instance, l'assurance sociale belge encourt précisément le reproche de méconnaître cette finalité fondamentale du droit communautaire, lorsqu'elle attend de M. Balsamo l'introduction d'une nouvelle demande en 1974, au motif qu'en 1968 il a travaillé encore cinq jours après que sa demande de pension a été reçue en Italie.
L'organisme d'assurance belge a adopté sa décision de rejet, parce qu'il part de l'idée que les demandes de pension portant sur des risques se réalisant à une date ultérieure sont irrecevables. Il estime par conséquent que les conditions de fait déterminant la reconnaissance d'un droit à pension doivent être remplies dès le stade de sa saisine. Il fait valoir d'autre part que, en vertu du droit communautaire, la demande de pension présentée à un organisme d'assurance étranger est réputée également
introduite auprès de l'organisme d'assurance compétent pour le droit à pension.
En ce qui concerne ces objections, il convient certes d'admettre que leur première branche semble justifiée. En effet, on ne peut exiger des organismes d'assurance qu'ils maintiennent longtemps des dossiers au stade de l'instruction pour ensuite — dans les cas où, lors de la réception du dossier, toutes les conditions auxquelles les prestations sont subordonnées ne sont pas encore remplies — accorder d'office le droit à pension, lorsque sont réunies toutes les conditions dont l'examen peut notamment
occasionner des difficultés considérables quand il s'agit de situations acquises à l'étranger. Toutefois, l'exposé des faits montre à l'évidence que l'organisme d'assurance belge ne se trouvait absolument pas dans cette situation. En effet, quand il a reçu le dossier d'Italie après que se fut écoulé un laps de temps considérable en raison des complexités de la procédure fixée par l'article 34 du règlement no 4, il disposait de tous les éléments dont il avait besoin pour donner sans délai une suite
favorable à la demande de pension. Aucune espèce de difficulté n'empêchait donc l'organisme de statuer immédiatement sur la demande de pension, et cela avec effet au jour de la réalisation des conditions du droit à pension. Lorsque l'organisme d'assurance belge invoque à cet égard, et nous en venons au deuxième point de sa défense, la fiction du droit communautaire selon laquelle la réception de la demande à l'étranger emporte réception de cette demande par ses services, et lorsqu'il fait valoir que
toutes les conditions n'étaient pas encore réunies à cette date, il ne fait, selon nous, que dénaturer le sens de cette disposition qui doit naturellement avoir un effet favorable et non pas préjudiciable à l'endroit des assurés.
Il convient encore de considérer ce qui suit:
Les dispositions du droit italien, qui sont déterminantes au premier chef à l'égard d'un postulant domicilié en Italie, prévoient que, lorsque toutes les conditions sont remplies, la pension est accordée à compter du premier jour du mois suivant la présentation de la demande. C'est sans doute également pour cette raison que la cessation de toute activité professionnelle n'est pas exigée à la date de la présentation de la demande. En outre, il n'est pas non plus nécessaire, d'après le droit italien,
d'introduire une nouvelle demande tant qu'une demande antérieure fait l'objet d'une instruction.
Si l'on rapproche cette situation juridique du point de vue de l'assurance belge, le postulant, M. Balsamo, n'aurait eu que l'alternative suivante: ou bien il aurait dû attendre d'avoir cessé son activité professionnelle avant d'introduire sa demande ou bien il aurait dû présenter deux demandes rapprochées à l'organisme d'assurance de son domicile. L'une de ces solutions lui aurait manifestement fait perdre des droits, conséquence que les règlements communautaires, votre jurisprudence l'a souligné à
plusieurs reprises, entendent précisément éviter. L'autre aurait constitué un comportement contraire au droit italien, sur les formalités duquel il importe avant tout de se fonder. Il est évident selon nous que ces deux solutions sont inacceptables au regard de l'économie et de l'esprit du droit communautaire.
Devant une telle situation, la seule solution judicieuse consiste, à notre avis, et cela, d'autant plus qu'elle ne présuppose aucunement un excès de bonne volonté ni n'entraîne la moindre difficulté pour la pratique administrative, à parvenir, en s'inspirant du droit communautaire, à une application du droit belge qui retient comme suffisante la réunion de toutes les conditions de fait au moment de la réception effective de la demande par l'organisme d'assurance belge et admet qu'un droit à pension
peut être reconnu à compter de la date à laquelle sont réunies toutes les conditions auxquelles le droit à pension est subordonné. Par contre, nous ne pouvons entrevoir la moindre justification à l'appui de la nécessité de présenter une nouvelle demande, laquelle implique éventuellement cette conséquence préjudiciable que la prestation ne sera accordée qu'à compter de la date de réception de cette nouvelle demande.
C'est avant tout en nous inspirant de l'économie et de l'esprit des règlements communautaires relatifs au droit de la sécurité sociale et en ayant notamment recours au principe directeur de l'article 30 du règlement no 4 ou de la disposition homologue du règlement no 574/72 que nous pouvons donc répondre comme suit à la question posée par le tribunal du travail de Bruxelles:
Lorsque, selon la législation d'un État membre, une pension d'invalidité est accordée sans qu'il soit nécessaire de présenter une demande à cet effet, la demande qui est introduite auprès de l'organisme d'assurance de cet État par l'intermédiaire de l'organisme de l'État du domicile du postulant en application de l'article 30 du règlement no 4 ou de l'article 36 du règlement no 574/72 est valablement présentée si, à la date de l'introduction de la demande auprès de l'organisme d'assurance de l'État
membre premier nommé, toutes les conditions auxquelles l'ordre juridique de cet État subordonne l'octroi d'une pension d'invalidité sont remplies.
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( 1 ) Traduit de l'allemand.