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26/10/1983 | CJUE | N°235/82

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 26 octobre 1983., Ferriere San Carlo SpA contre Commission des Communautés européennes., 26/10/1983, 235/82


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 26 OCTOBRE 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Cette procédure a pour objet une amende infligée à la requérante en vertu de l'article 9 de la décision n° 2794/80, motif pris d'un dépassement du quota de production qui lui avait été attribué pour le quatrième trimestre de 1980.

Par lettre du 1er novembre 1980, la requérante a été informée que son quota de production pour le quatrième trimestre de 1980 et les produits du groupe IV s'élevait

à 5753 tonnes. Lorsqu'il est apparu que les déclarations de production de la requérante, sur lesque...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 26 OCTOBRE 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Cette procédure a pour objet une amende infligée à la requérante en vertu de l'article 9 de la décision n° 2794/80, motif pris d'un dépassement du quota de production qui lui avait été attribué pour le quatrième trimestre de 1980.

Par lettre du 1er novembre 1980, la requérante a été informée que son quota de production pour le quatrième trimestre de 1980 et les produits du groupe IV s'élevait à 5753 tonnes. Lorsqu'il est apparu que les déclarations de production de la requérante, sur lesquelles se fondait le calcul de la production de référence, ne comportaient pas des travaux effectués pour le compte de tiers, son quota a été corrigé d'autant et elle a été informée, par lettre du 23 novembre 1981, que le quota de production
pour le quatrième trimestre de 1980 s'élevait en réalité à 5792 tonnes.

En fait, la requérante n'a pas respecté cette limitation. D'après les rapports des contrôleurs mandatés par la Commission, celle-ci a pensé dans un premier temps que la requérante avait produit, au quatrième trimestre de 1980, 6798 tonnes. Sur cette base et compte tenu du quota de production communiqué initialement, la Commission a parlé d'abord, dans une lettre du 6 octobre 1981, qui engageait la procédure de sanction au titre de l'article 36 du traité CECA, d'une production excédentaire illégale
de 1 045 tonnes.

Après que les contrôleurs de la Commission eurent constaté chez la requérante une consommation déterminée d'électricité, la requérante admettant alors, début juin 1981, und production supplémentaire de 1000 tonnes, la Commission a déclaré, dans une lettre suivante du 30 novembre 1981, que la requérante avait produit 2045 tonnes de trop.

Dans une première prise de position sur le reproche qui lui était adressé, la requérante a fait observer, le 12 octobre 1981, que la Commission n'avait pas tenu compte, dans sa lettre engageant la procédure de sanction, du fait que le quota de production communiqué initialement avait été porté à 5792 tonnes. En outre, elle a fait valoir qu'en présence d'une production effective de 6798 tonnes, on ne pouvait pas, en réalité, parler d'un dépassement du quota, car il faudrait prendre en considération,
d'une part, la tolérance de dépassement de 3 % prévue à l'article 8, paragraphe 1, de la décision n° 2794/80, ce qui donnerait une production autorisée du 5964 tonnes, tandis qu'il ne faudrait pas prendre en compte, d'autre part, des livraisons indirectes à l'exportation effectuées par la requérante à destination de la Libye et s'élevant à 994 tonnes.

Dans une deuxième prise de position du 14 décembre 1981, la requérante a de nouveau fait valoir que la Commission n'avait pas pris en considération, dans sa lettre du 30 novembre 1981, la modification ultérieure du quota de production. De plus elle a fait remarquer que la commande relative à la livraison à l'exportation — déjà citée — était parvenue à la requérante dès avant l'entrée en vigueur de la décision n° 2794/80, et elle a allégué que les 1000 tonnes produites en supplément, non déclarées
initialement puis déclarées seulement le 2 juin 1981, représentaient une partie des travaux effectués pour le compte de tiers.

La Commission a alors changé son grief en ce sens que, par rapport au quota de production modifié, la requérante avait en tout cas produit 2007 tonnes de trop.

La requérante a une nouvelle fois pris position à ce sujet lors d'une audition en date du 21 avril 1982, au cours de laquelle elle a admis une production réelle de 7798 tonnes, puis dans une lettre du 31 mai 1982. Pour l'essentiel, elle a fait valoir que la production excédentaire qui lui était reprochée correspondait à la quantité exportée dans un pays tiers en exécution d'une commande acceptée avant l'entrée en vigueur de la décision n° 2794/80. Elle a prétendu être partie — de bonne foi — de
l'idée que les exportations n'étaient pas concernées par le régime des quotas; en tout cas, elle n'aurait pas su qu'une demande en application de l'article 14 de la décision n° 2794/80 était nécessaire à cet égard. Pour le surplus, elle a encore fait remarquer qu'elle avait arrêté la production en novembre et décembre 1980 et qu'elle avait dû refuser des commandes afin de respecter le quota de production attribué.

Le 13 août 1982, la Commission a alors arrêté une décision en application de l'article 9 de la décision n° 2794/80, dans laquelle elle a constaté que la requérante ne pouvait pas se prévaloir de l'article 8, paragraphe 1, de la décision n° 2794/80 parce qu'elle fabriquait seulement des produits d'un groupe; l'invocation de livraisons à l'exportation vers la Libye ne serait pas pertinente parce que ces livraisons n'avaient pas été déclarées à la Commission, conformément aux prescriptions de la
décision n° 2794/80, et parce que la requérante n'avait pas introduit à temps à leur sujet une demande au titre de l'article 14 de la décision n° 2794/80. Partant d'une production excédentaire de 2007 tonnes pour les produits du groupe IV, ce qui représenterait un dépassement du quota de plus de 10%,.une application de l'article 9, paragraphe 2, de la décision n° 2794/80 n'entrerait pas en ligne de compte, mais comme le bilan de la requérante était négatif, la Commission déclarait avoir décidé
d'appliquer seulement un taux de 82,5 Écus par tonne produite en trop. Il en résultait une somme de 165570 Ecus (ou 218762674 LIT). La requérante était invitée à payer cette somme dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision et était informée en outre que l'amende serait majorée de 1 % pour chaque mois de retard de paiement.

Le 17 septembre 1982, la requérante s'est pourvue contre cette décision devant la Cour, en concluant à ce qu'il plaise à celle-ci annuler la décision du 13 août 1982 ou, à titre subsidiaire, réduire l'amende infligée. Dans la réplique, elle a conclu en outre, à titre subsidiaire, à ce que lui soient accordés des termes et délais qui tiennent compte de sa situation financière et de la conjoncture dans le secteur de la sidérurgie.

Sur ces demandes, nous prenons position comme suit.

1.  Une importance primordiale présente pour la requérante le fait que la production excédentaire qui lui est reprochée a été exportée dans un pays tiers. D'une part elle estime qu'il faut considérer qu'elle n'a pas nui, ce faisant, à la concurrence à l'intérieur de la Communauté, mais qu'elle s'est comportée au contraire d'une manière conforme à l'esprit des articles 3 et 4 du traité CECA, dont spécialement l'article 3, sous a), déclare qu'il y a lieu de veiller à un approvisionnement régulier du
marché commun en tenant compte des besoins des pays tiers. D'autre part elle pense que s'il était effectivement impossible de ne pas prendre en compte des exportations dans le cadre du régime des quotas, elle a agi de bonne foi sous cet angle car, en tant que petite entreprise employant peu de personnes, elle n'aurait pas été au courant des dispositions applicables et n'aurait pas non plus, pour ce motif, déclaré les livraisons à l'exportation à la Commission.

a) En ce qui concerne le premier point, nous pourrons être très bref.

Sur la justification en principe de la prise en compte d'exportations dans le cadre du régime des quotas, la Cour s'est déjà prononcée à diverses reprises. C'est ainsi que dans l'arrêt dans l'affaire 119/81 ( 2 ), elle a souligné que l'effet restrictif que la fixation de quotas de production peut avoir sur les possibilités d'exportation est une conséquence inhérente au mécanisme institué par l'article 58 du traité CECA (point 24 des motifs). La décision sur le point de savoir dans quelle
mesure les échanges extérieurs doivent être pris en considération dans le cadre des mesures à prendre en vertu de l'article 58 relève, a-t-elle dit, de l'appréciation de la Commission, de sorte qu'on ne saurait déduire de l'article 58 aucune obligation d'exempter du régime des quotas les productions que certaines entreprises désirent diriger de préférence vers les marchés d'exportation (point 24 des motifs). Elle a répété cette analyse dans l'arrêt dans l'affaire 244/81 ( 3 ), en ajoutant que
l'institution de quotas de production serait inefficace si les entreprises conservaient la liberté d'exporter des quantités non contrôlées vers les pays tiers, de telles exportations pouvant avoir pour effet non seulement de compromettre les intérêts de la Communauté sur ces marchés, mais encore de faire refluer certaines quantités vers le marché intérieur et de mettre ainsi en danger l'équilibre de celui-ci (point 44 des motifs).

Fondamentalement il s'agit donc uniquement de savoir si les quotas de production ont été respectés, sans qu'il faille considérer où on a cherché à écouler les quantités produites, et le dépassement d'un quota ne peut pas être justifié — notamment en se prévalant des termes très généraux de l'article 3, sous a) — par une référence à des exportations dans des pays tiers, où il existe du reste également une concurrence avec d'autres entreprises de la Communauté, laquelle peut être perturbée par
un comportement incorrect dans le cadre du régime des quotas.

b) En tant que la requérante fait valoir sa bonne foi, c'est-à-dire invoque une ignorance excusable des dispositions applicables, on est obligé de lui répondre qu'elle aurait au moins dû s'efforcer de prendre connaissance du petit nombre des dispositions du régime des quotas, lequel était déjà en discussion bien avant son entrée en vigueur et qui a également fait l'objet de communiqués de presse.

Le texte même des prescriptions applicables montre toutefois clairement que les entreprises étaient obligées de déclarer leurs productions (article 10) et qu'il s'agissait de respecter les quotas de production (article 7). D'après l'article 7, l'endroit de la livraison avait de l'importance dans la mesure où les livraisons à l'intérieur du marché commun étaient limitées, cependant que d'après l'article 8, paragraphe 4, les livraisons pour lesquelles une entreprise n'apportait pas la preuve de
leur exportation en dehors du territoire de la Communauté étaient considérées comme ayant été effectuées à l'intérieur du marché commun.

Si le contenu de la réglementation ne pouvait donc pas laisser subsister de doute quant à sa portée — en ce qui concerne les exportations —, la requérante ne pouvait pas adopter tout simplement un point de vue qui lui était favorable; elle aurait au contraire dû demander des éclaircissements à la Commission. Comme elle ne l'a pas fait, il faut au moins lui reprocher d'avoir fait preuve de négligence, ce qui suffit pour l'application des règles relatives aux sanctions, encore qu'on puisse déjà
douter de la bonne foi de la requérante si on considère que, contrairement aux dispositions expresses et claires de l'article 11 de la décision n° 2794/80 — qui parle de livraisons dans le marché commun et d'exportations vers des pays tiers —, elle n'a pas déclaré ses livraisons à l'exportation dans des pays tiers à la Commission.

2.  Ensuite la requérante prétend que, pour éviter de dépasser son quota, elle a fermé son entreprise en novembre et décembre 1980; dans la réplique, elle a précisé cette assertion en disant que dès après l'exécution de l'exportation vers la Libye, elle a fermé son entreprise au quatrième trimestre de 1980, ce qui signifierait — comme la deuxième livraison à l'exportation a eu lieu, d'après les indications de la requérante, le 4 décembre 1980 — qu'elle n'a ensuite plus rien produit en décembre 1980.
Le seul sens possible de cette argumentation est sans doute que la requérante a démontré ainsi sa volonté de respecter le régime des quotas, en s'accommodant de pertes au niveau de la gestion de l'entreprise, et que ceci doit au moins être pris en considération du point de vue de l'existence de «circonstances atténuantes».

Sur ce point également, nous pouvons difficilement suivre la requérante, et cela, tout simplement en raison des faits, imputables à la requérante elle-même, qui sont apparus au cours de la procédure.

C'est ainsi que d'après les constatations des contrôleurs de la Commission, dont l'exactitude n'est pas contestée par la requérante, il est certain qu'en novembre 1980 la requérante a produit 2194 tonnes et en décembre 2439 tonnes. Comme, en octobre 1980, elle avait seulement produit 3165 tonnes, cela signifie que le quota a seulement été dépassé au cours du mois de décembre 1980, c'est-à-dire que le quota de production de la requérante n'était donc pas déjà épuisé, par exemple, lorsque la
décision n° 2794/80 a été publiée. De plus, d'après les indications de la requérante elle-même concernant sa production journalière, il est manifeste qu'elle n'a pas cessé de produire dès le mois de novembre, ni non plus immédiatement après l'exécution de la deuxième livraison à l'exportation (4 décembre). Le relevé qu'elle a fourni montre au contraire qu'en novembre ses installations n'ont pas fonctionné les 3 et 4 puis du 24 au 28, et en décembre le 8 ainsi que du 22 au 31 (soit en réalité
chaque fois pendant 7 jours).

Dans ces conditions, il n'est pas possible de dire que la requérante a fait des efforts particuliers pour respecter le quota de production, et il n'y a certainement aucun motif d'en tenir compte sous la forme de circonstances atténuantes.

3.  La requérante Fernere San Carlo a fait valoir elle aussi, comme la requérante dans l'affaire 234/82 ( 4 ), que le paiement de l'amende qui lui a été infligée provoquerait la fermeture de son entreprise, et elle s'est référée à cet égard aux bilans des années 1980 et 1981, à un document sur la situation de la société en septembre 1982, établi par des experts en matière de gestion d'entreprises, ainsi qu'à la correspondance à ce sujet échangée avec la Commission

Dans la présente affaire, ces documents doivent toutefois être pris en considération aussi peu que dans l'affaire 234/82, parce que — comme nous l'avons exposé dans nos conclusions sur l'affaire précitée — cet élément ne peut pas avoir de l'importance pour l'appréciation de la légalité de la décision infligeant l'amende. Dans le cas actuel aussi, il faut au contraire se contenter de constater que pour ménager des entreprises en difficulté, la Commission est disposée à accorder des termes et
délais et qu'elle examine en outre si les délais, qui sont prévus à cette fin dans une décision datant de 1977, ne peuvent pas être allongés. Quant à savoir comment un calendrier de paiements échelonnés par la requérante pourrait alors se présenter — si on considère qu'un plan proposé initialement par elle n'a pas été accepté par la Commission et que la question n'est du reste plus actuelle en raison du dépôt d'une caution bancaire jusqu'au prononcé de l'arrêt dans cette affaire —, il s'agit
d'une question qui ne doit pas être résolue dans le cadre de la présente procédure. C'est au contraire à la Commission qu'il appartient d'en décider dans une procédure administrative distincte, ou bien il faudra statuer à ce sujet dans le cadre de la procédure d'exécution, si la requérante introduit, conformément à l'article 89 du règlement de procédure, une demande de sursis à l'exécution.

4.  Enfin, il faut encore examiner quelques points que la requérante a soulevés additionnelement dans sa réplique, en pâme dans le prolongement d'allusions contenues dans la requête.

a) C'est ainsi que la requérante fait remarquer que bien que la décision n° 2794/80 ait seulement été publiée au Journal officiel du 31 octobre 1980, elle a été déclarée en vigueur à partir du 1er octobre 1980, c'est-à-dire assortie d'un effet rétroactif. Comme ceci ne serait pas régulier, la production du mois d'octobre et les commandes en vue de livraisons, déjà reçues à cette époque, ne devraient pas être prises en compte, avec comme conséquence que la requérante n'aurait donc pas, en
réalité, dépassé son quota.

Du moins la commande en vue d'une exportation, acceptée encore le 7 octobre 1980, devrait-elle être laissée hors de cause dans la mesure où des livraisons en exécution de cette commande ont été réalisées avant que la décision n° 2794/80 soit connue (début novembre 1980); dans ces conditions, il serait au moins opportun de réduire sensiblement l'amende.

Ce point de vue de la requérante ne pourra pas être partagé non plus. Sur la question de l'entrée en vigueur rétroactive de la décision n° 2794/80, ayant eu pour effet d'inclure le mois d'octobre 1980 dans le régime des quotas, il existe effectivement déjà une jurisprudence suffisamment claire.

C'est ainsi que dans l'arrêt dans l'affaire 258/80 ( 5 ), la Cour a souligné qu'il avait été nécessaire d'inclure le mois d'octobre dans le système pour éviter que des entreprises augmentent leur production au cours de ce mois en prévision des diminutions à appliquer par la suite (point 12 des motifs). Dans ces circonstances, la décision n'aurait pas eu un effet rétroactif véritable puisque les entreprises pouvaient adapter leurs productions des mois de novembre et décembre pour tenir compte
de leurs quotas pour le premier trimestre et éviter ainsi toute infraction, ce qui — comme nous l'avons vu — s'applique également à la requérante. Au surplus, la confiance légitime des intéressés aurait en tout cas été respectée dûment par le fait que, dans une communication du 11 octobre 1980 (JO C 264 du 11. 10. 1980, p. 2), la Commission aurait fait connaître son intention d'inclure le mois d'octobre dans le système de quotas, ainsi que par le fait qu'elle aurait publié le même jour (JO L
268 du 11. 10. 1980, p. 25) une décision qui obligeait les entreprises à fournir des renseignements sur leur production du mois d'octobre 1980 (point 12 des motifs).

Il n'est donc pas possible d'envisager de ne pas prendre en compte la production antérieure à la publication de la décision n° 2794/80 et les commandes à l'exportation acceptées en octobre, si bien qu'il n'est certainement pas possible non plus d'arriver, sur la base de considérations relatives à l'effet rétroactif, à la conclusion que la requérante n'a pas enfreint le régime des quotas ou qu'elle l'a en tout cas enfreint dans une mesure moindre que celle retenue par la Commission.

b) Ensuite la requérante se réfère — pour ce qui est des livraisons à l'exportation — à l'article 14 de la décision n° 2794/80, qui est déjà bien connu par suite d'une série d'autres procédures. Elle fait valoir que sur la base de cette disposition, une adaptation des quotas de production pour tenir compte des livraisons à l'exportation eût été possible et elle est d'avis que, les conditions de l'article 13 étant réunies dans le cas de la requérante, la Commission aurait dû en tenir compte.

On notera à ce propos que d'après la pratique administrative de la Commission, telle que nous la connaissons entre temps, une augmentation des quotas de production en raison de commandes destinées à l'étranger était effectivement susceptible d'entrer en ligne de compte et qu'il est parfaitement pensable qu'ainsi les quotas de la requérante auraient également pu être augmentés, même s'il ne s'agissait pas dans son cas d'exportations directes, mais indirectes, réalisées par l'entremise d'un
intermédiaire indépendant.

Elle a toutefois omis de présenter à temps une demande en ce sens et d'exposer spécialement dans celle-ci que le régime des quotas lui causait des difficultés exceptionnelles. Dans ces conditions, il n'existe sans doute plus de possibilité maintenant, en principe d'examiner cette question délicate en détail et, notamment, de déterminer l'ampleur de l'augmentation du quota qui serait entrée en ligne de compte puisque, d'après la pratique administrative de la Commission, le volume des
livraisons à l'exportation ne constituait pas à cet égard le seul critère de référence.

Sur la base des faits qui sont apparus au cours de procédure et compte tenu d'une pratique administrative relativement généreuse de la part de la Commission, on pourrait parler tout au plus d'une certaine probabilité qu'une demande de la requérante au titre de l'article 14 de la décision n° 2794/80 aurait abouti, tandis que d'autre part — eu égard à la nouveauté de la matière et à la taille réduite de l'entreprise de la requérante — l'absence de présentation d'une demande au titre de
l'article 14 peut apparaître excusable. Un tel raisonnement pourrait alors justifier une certaine réduction de l'amende. Nous ne pouvons pas aller plus loin maintenant que cette suggestion générale; la détermination de l'ampleur d'une réduction éventuelle de l'amende, nous la laissons à l'appréciation de la Cour.

c) Puis la requérante dans cette procédure se prévaut, elle aussi, de l'article 58 du traité CECA, selon lequel les amendes peuvent être égales au maximum à la valeur des productions irrégulières, et elle est d'avis que l'amende prononcée à son égard est excessive si on se réfère au bénéfice prouvable par tonne qu'elle a pu réaliser par sa production excédentaire.

Sur cette question, nous avons dit tout ce qu'il fallait dans nos conclusions sur l'affaire 234/82. Pour nous, il est clair que la «valeur de la production» au sens de l'article 58 est la valeur vénale des produits fabriqués irrégulièrement et non pas, par conséquent, la plus-value créée dans chaque cas, ni non plus le bénéfice réalisé par le fabricant. Mais comme la valeur des ronds à béton qui sont en cause ici représente plusieurs fois, comme la Commission l'a montré, le taux normal de
l'amende, il ne peut certainement pas être parlé d'une violation de l'article 58 du traité CECA.

Au surplus, il n'est pas possible non plus d'envisager de se référer, pour le calcul de l'amende dans un cas d'espèce, par exemple pour des raisons d'équité, au bénéfice réalisé. Non seulement le système deviendrait en effet alors impraticable, puisque les marges bénéficaires varient fortement, comme on le sait, en fonction de l'opération et de l'entreprise mais son efficacité s'en trouverait également affectée dans une mesure considérable, puisque des entreprises travaillant à perte ou en
réalisant un faible bénéfice pourraient dépasser les quotas de production sans risque notable.

Du point de vue du bénéfice réalisé, pas plus qu'en considération du fait qu'une petite partie de la production de la requérante a été fabriquée pour le compte de tiers, la décision infligeant l'amende ne peut donc pas être modifiée.

d) Il reste encore à examiner la demande de la requérante tendant à obtenir un délai raisonnable pour le paiement de l'amende, délai qu'elle-même souhaite voir être fixé à 15 ans, avec application des taux d'intérêt en vigueur dans les pays du Benelux.

A ce sujet également, nous pourrons être très bref.

D'après le contenu de la décision entreprise, il y a seulement lieu de vérifier si c'est à juste titre qu'une amende — payable en principe immédiatement — a été prononcée à l'encontre de la requérante et s'il existe un motif de modifier son montant, comme l'article 36 du traité CECA permet de le faire. Tout le reste: possibilité de paiements échelonnés, que la Commission est disposée à accepter, et fixation du taux d'intérêt à appliquer dans cette hypothèse, est l'affaire de la Commission
dans le cadre d'une autre procédure, dans laquelle la Cour aussi devra peut-être alors se prononcer en vertu de l'article 89 du règlement de procédure. Tant que la Commission n'a pas pris position formellement sur d'éventuelles facilités de paiement, il n'existe certainement aucun motif de dire quelque chose à ce sujet dans l'arrêt de la Cour.

5.  En résumé, nous sommes dès lors d'avis que la demande d'annulation intégrale de la décision infligeant une amende n'est pas fondée et que — sous l'angle de la possibilité d'une application de l'article 14 de la décision n° 2794/80, telle qu'elle existait à l'époque — il peut être pensé tout au plus à une réduction de l'amende à un montant que la Cour pourrait fixer à sa discrétion. Si la Cour se rallie à cette conclusion — étant entendu que la demande subsidiaire complémentaire de la requérante
tendant à obtenir un délai de paiement nous paraît irrecevable —, il s'imposera sans doute aussi de juger que chaque partie supportera ses propres dépens.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Arrêt du 7 juillet 1982 dans l'affaire 119/81, Klöckner-Werke AG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1982, p. 2627.

( 3 ) Arrêt du 11 mai 1983 dans l'affaire 244/81, Klöckner-Werke AG/Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 1451.

( 4 ) Affaire 234/82, Ferriere di Roè Volciano SpA/Commission des Communautés européennes, non encore jugée.

( 5 ) Arrêt du 16 février 1982 dans l'affaire 258/80, SpA Metallurgica Rumi/Commission des Communautés européennes, Recueil 1982, p. 487.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 235/82
Date de la décision : 26/10/1983
Type de recours : Recours contre une sanction - non fondé

Analyses

Régimes des quotas de production pour l'acier - Recours contre une décision de la Commission infligeant une amende.

Matières CECA

Quotas de production

Sidérurgie - acier au sens large


Parties
Demandeurs : Ferriere San Carlo SpA
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Galmot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1983:297

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