CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN MISCHO
présentées le 8 octobre 1986
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
A — Les faits
Les faits de la présente affaire sont assez simples:
Par lettre du 2 juillet 1984, M. Strack, fonctionnaire des Nations unies, a été admis aux épreuves écrites du concours PE/27/A organisé par le Parlement européen. Il n'a cependant pas pu y participer, la convocation lui étant parvenue à son domicile, le 5 juillet 1984, alors qu'il se trouvait en vacances, de sorte qu'il n'en a eu connaissance que postérieurement à la date des épreuves qui ont eu lieu les 19 et 20 juillet 1984.
M. Strack a alors demandé au jury de concours de lui accorder un nouveau délai pour présenter les épreuves écrites, ce qui lui fut refusé par lettre de son président du 4 octobre 1984. Après qu'un premier recours (affaires 259/84 et 259/84 R) ait été rejeté comme irrecevable par ordonnance de la Cour du 31 janvier 1985 et après le rejet implicite de la réclamation introduite, le 2 novembre 1984, auprès du président du Parlement européen contre la décision du jury, M. Strack a saisi une nouvelle fois
la Cour afin:
1) d'obtenir l'annulation de la décision du jury du concours PE/27/A,
2) d'obliger le Parlement européen à l'admettre a posteriori, compte tenu de ce que la Cour estimera en droit ( 1 ), à présenter les épreuves écrites dudit concours, et
3) à titre subsidiaire, de se voir allouer des dommages-intérêts d'un montant à fixer par la Cour, mais couvrant au moins les frais de procédure et d'avocat exposés par lui.
B — Considérations préliminaires de recevabilité
Avant de passer à l'examen des moyens et arguments invoqués par le requérant à l'appui de son recours, je prendrai position à l'égard de trois considérations de recevabilité présentées incidemment par le défendeur.
1. Le défendeur renvoit à l'arrêt de la Cour du 8 juillet 1965 ( 2 ) dans les affaires jointes 19 et 65/63 pour mettre en cause la recevabilité de la simple référence faite dans la requête introductive d'instance à l'énoncé des faits tels qu'exposés dans le cadre de l'affaire 259/84 précitée. La Cour y avait déclaré que « seuls les moyens et arguments autres que ceux qui font l'objet (d'un tel) renvoi peuvent être pris en considération ».
J'estime pourtant que cette jurisprudence ne s'applique pas au cas d'espèce. Tout d'abord, le renvoi, dans les affaires jointes 19 et 65/63, concernait une autre affaire où les parties n'étaient pas les mêmes. Ensuite, le renvoi fait par le requérant ne concerne que les faits, et encore seulement leur détail. Enfin et surtout, en dépit de ce renvoi, la requête est assez complète et précise pour satisfaire aux exigences de l'article 38 du règlement de procédure, et la Cour est certainement en
mesure de trancher le présent litige sans devoir s'appuyer sur les actes de procédure de l'affaire précédente.
2. Le défendeur estime que le second chef du recours doit être rejeté comme irrecevable, la Cour n'ayant pas compétence pour se substituer au jury de concours et ordonner l'admission a posteriori de M. Strack aux épreuves écrites du concours.
Il est vrai que « l'appréciation de l'opportunité ou de la nécessité d'organiser un concours est du ressort exclusif de l'autorité investie du pouvoir de nomination » et que, « dans ces conditions, la Cour ne saurait ordonner l'ouverture ou la réouverture d'un concours sans empiéter sur les prérogatives de l'autorité administrative » ( 3 ). Les conclusions du requérant présentées à cet effet ne sont donc pas recevables dans la forme dans laquelle elles ont été présentées.
Je considère cependant qu'il n'est pas nécessaire que la Cour statue expressément sur la recevabilité de cette seconde demande.
En effet, ou bien la Cour décide de ne pas annuler la décision litigieuse, alors la deuxième demande devient automatiquement sans objet.
Ou bien la Cour annule la décision du jury, alors la conséquence logique en sera que le jury devra admettre le requérant à se présenter a posteriori aux épreuves auxquelles il n'a pas pu participer à l'époque.
Cette façon de voir me semble se situer dans le droit fil de la position que la Cour a adoptée, notamment, dans son arrêt du 30 novembre 1978 ( 4 ), où elle n'a pas formellement rejeté comme irrecevables des conclusions lui demandant de « dire pour autant que de besoin que le concours sera recommencé pour les requérants » (Rec. 1978, p. 2407). Elle a simplement statué « que, s'agissant d'un concours général organisé pour la constitution d'une réserve de recrutement, les droits des requérants sont
adéquatement protégés si le jury reconsidère sa décision, sans qu'il y ait lieu de mettre en cause l'ensemble du résultat du concours ou d'annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci » (point 35). Bien que ne comportant donc aucune injonction précise à l'adresse du jury du concours ou de la Commission, cet arrêt, à l'image de ce qui s'était passé dans une affaire semblable ( 5 ), « impliquait donc la nécessité d'une nouvelle session ad hoc », comme le soulignait M. l'avocat général
Capotorti (Rec. 1978, p. 2427).
3. Le défendeur prétend que la demande subsidiaire de dommages-intérêts serait également irrecevable, toute autre prétention étant exclue si un recours en annulation basé sur l'article 91 du statut est rejeté comme non fondé ( 6 ).
Cette position, présentée d'une façon trop générale, aurait mérité d'être nuancée. En effet, la Cour, sur base de la constatation que les articles 90 et 91 du statut ne font aucune distinction en ce qui concerne la procédure tant administrative que contentieuse du recours en annulation et en indemnité, qui constituent pourtant des voies de droit distinctes et autonomes, a, dans son arrêt Meyer-Burckhardt, reconnu aux intéressés le droit d'en choisir soit l'une, soit l'autre, soit les deux
conjointement pour faire valoir leurs prétentions respectives ( 7 ).
Récemment, elle s'est référée à cet arrêt dans toute une série d'arrêts interlocutoires ( 8 ) pour en conclure que « les requérants sont recevables à présenter à h fois des conclusions d'annulation et d'indemnisation, mais ils sont tenus de respecter les conditions requises par le statut, qui sont les mêmes pour les deux voies de recours ».
Il est vrai qu'elle a également statué à plusieurs reprises qu'une partie ne peut tourner par le biais d'une demande en indemnité l'irrecevabilité d'une demande en annulation visant la même illégalité et tendant aux mêmes fins pécuniaires ( 9 ). Conformément à cette approche elle a conclu que « lorsqu'un fonctionnaire, en application de l'article 179 du traité, introduit un recours tendant à l'annulation d'un acte d'une institution et à l'octroi d'une indemnité pour le préjudice à lui causé par
cet acte, les demandes sont tellement liées l'une à l'autre que l'irrecevabilité de la demande en annulation entraîne l'irrecevabilité de celle en indemnité » ( 10 ). Mais dans l'hypothèse contraire où l'action en indemnité ne trouve pas son origine dans la prétendue illégalité de la décision attaquée, c'est-à-dire s'appuie sur des circonstances de fait sans aucun rapport avec elle ou des griefs qui ne se confondent pas nécessairement avec ceux concernant l'illégalité, elle lui a tout aussi
logiquement réservé, en raison de son caractère autonome, un sort séparé ( 11 ), même au cas où les deux actions pouvaient aboutir au même résultat pécuniaire pour le requérant ( 12 ).
Je conclus de ce qui précède que le fait qu'une demande en annulation soit rejetée comme non fondée ne suffit pas à déclarer irrecevable la demande subsidiaire de dommages-intérêts. Ou bien l'action en indemnité est autonome par rapport à l'action en annulation: elle est alors à apprécier sur ses propres mérites. Ou bien les deux actions sont étroitement liées en ce sens que l'action en indemnité est fondée sur la seule illégalité de la décision contestée par l'action en annulation: son sort est
alors tributaire de l'issue de cette dernière, dont le rejet entraîne le rejet des conclusions visant à l'allocation de dommages-intérêts ( 13 ). (L'inverse n'est pas nécessairement vrai: l'annulation d'une décision jugée illégale n'entraîne pas automatiquement l'octroi de dommages-intérêts — Voir arrêt 263/81, point 20, Rec. 1983, p. 103, 116).
En l'occurrence, la recevabilité de la demande en annulation ne pouvant être contestée, ce n'est donc que lorsque nous aurons examiné le fond de l'affaire que nous pourrons prendre position au sujet de la demande en indemnité.
C — Le fond du litige
1. Quant aux demandes relatives à l'annulation de la décision du jury et à l'autorisation de présenter les épreuves écrites postérieurement à la date fixée pour celles-ci
A l'appui de son recours, le requérant fait valoir que le délai de convocation de deux semaines, d'une part, serait totalement insuffisant, surtout en période de vacances d'été, et, d'autre part, serait contraire à la pratique en usage dans les institutions communautaires. Il en conclut que le refus du jury de concours de lui fixer une nouvelle date pour les épreuves écrites serait illégal d'autant plus qu'il avait déclaré sur l'honneur, et était prêt à le faire à nouveau sous serment devant la
Cour, qu'il n'avait pas et n'a toujours pas pris connaissance des sujets d'examen.
Le défendeur rétorque, pour l'essentiel, que M. Strack n'aurait qu'à s'en prendre à lui-même, étant donné la négligence dont il avait fait preuve en ne communiquant pas son adresse de vacances ou en ne faisant pas suivre son courrier, et que respectivement le principe d'égalité et le principe de la sécurité juridique s'opposeraient à ce qu'il soit interrogé après coup sur des sujets soit nouveaux, soit identiques à ceux proposés aux autres candidats.
Que faut-il en penser?
Le statut lui-même ne prévoit aucun délai pour la convocation aux épreuves. L'article 1er, paragraphe 2, de l'annexe III du statut se borne à fixer un délai pour la publication de l'avis de concours: elle doit avoir lieu « un mois au moins avant la date limite prévue pour la réception des candidatures et, le cas échéant, deux mois au moins avant la date des épreuves » ( 14 ).
A supposer que les autorités compétentes veuillent s'en tenir strictement aux délais minimaux prévus par cette disposition, elles ne disposeraient alors que d'un mois pour:
— arrêter la liste des candidats qui remplissent les conditions prévues aux alinéas a), b), et c) de l'article 28 du statut,
— déterminer la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l'avis de concours et
— convoquer les candidats admis aux épreuves.
Comme les deux premières opérations nécessitent par la force des choses un laps de temps considérable, surtout lorsqu'il s'agit d'un concours général, on peut conclure que le statut n'exclut pas la possibilité de délais de convocation largement inférieurs à un mois.
Mais il est évidemment dans l'intérêt d'une bonne administration que la date des épreuves soit fixée de sorte à permettre à la fois aux autorités compétentes d'effectuer d'une façon consciencieuse et convenable les opérations de dépouillement des candidatures, dont la durée peut varier et est difficile à évaluer d'avance, et aux candidats de disposer du temps nécessaire pour se libérer et se rendre à l'endroit où se tiendra le concours.
Aussi, en pratique, la date des épreuves n'est fixée qu'une fois les opérations préliminaires terminées. La date prévue ou probable des épreuves ne figure d'ailleurs pas parmi les indications qu'aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de l'annexe III du statut, l'avis de concours doit obligatoirement spécifier.
Le défendeur n'a donc méconnu aucune disposition juridique en ne respectant qu'un délai de convocation de quinze jours.
Cette conclusion ne saurait être mise en cause ni par le fait qu'on se trouvait en période de vacances d'été, ni par un renvoi à une prétendue pratique des autres institutions.
D'une part, comme le requérant le souligne lui-même (il est vrai pour d'autres motifs, réplique, point 2, p. 3), les vacances varient d'un pays à l'autre, voire d'une personne à l'autre. Prendre en considération les périodes de vacances de tout un chacun n'est donc guère imaginable.
D'autre part, les pratiques du Conseil et de la Commission consistant à aviser les candidats « en général » quatre semaines. « environ » avant la date des épreuves ne semblent pas certaines au point de les lier juridiquement et de ne souffrir aucune exception. En l'absence de toute indication dans le statut elles ne peuvent lier en aucun cas le Parlement européen.
Enfin, le fait que le délai en question n'a pas été « utile » pour le requérant n'a pas sa cause véritable et principale dans le fait qu'il aurait été objectivement trop court, mais résulte de ce que la convocation ne lui est pas parvenue à temps pour des raisons qui lui sont personnelles et qui ne sont pas opposables au défendeur.
Celui-ci fait valoir à juste titre qu'en cas d'absence prolongée du domicile indiqué dans l'acte de candidature, il incombe aux candidats soit d'en avertir l'autorité investie du pouvoir de nomination, soit de veiller à faire suivre leur courrier. D'ailleurs l'acte de candidature prévoit une rubrique spéciale en vue de l'inscription de l'adresse postale au cas où elle serait différente du domicile permanent.
En l'occurrence, la diligence, dont doivent ainsi faire preuve les candidats, s'imposait d'autant plus que le requérant savait la date des épreuves imminente, ce qui explique qu'il ait essayé de se renseigner par voie téléphonique avant son départ en vacances. Le fait qu'il n'ait reçu aucune information précise aurait dû le pousser à prendre les dispositions nécessaires afin qu'il eût pu être averti à temps. Dans ces conditions, il ne saurait donc y avoir violation du principe de la confiance
légitime, car rien dans l'attitude du Parlement à l'égard du requérant n'a pu lui faire croire qu'il était en droit de s'attendre à être convoqué avec un préavis d'une durée bien déterminée. D'autre part, une telle confiance légitime n'a évidemment pas pu être créée dans son chef par une pratique plus ou moins constante d'autres institutions.
Finalement, dans l'arrêt Prais du 27 octobre 1976 ( 15 ), la Cour a statué que l'intérêt des candidats à ce que les épreuves n'aient pas lieu à une date qui ne leur convient pas doit s'apprécier au regard de (la) nécessité que, dans un souci d'égalité, ces épreuves soient les mêmes pour tous et aient lieu à une même date (points 13 à 15). Elle en a conclu que si un candidat n'informe pas à temps l'autorité investie du pouvoir de nomination des difficultés, en l'occurrence d'ordre religieux, qu'il a
de se présenter aux épreuves à certaines dates, celle-ci est en droit de refuser de proposer une autre date, particulièrement lorsque d'autres candidats ont déjà été convoqués aux épreuves.
Dans la présente affaire, l'empêchement du requérant de participer aux dates fixées aux épreuves écrites du concours PE/27/A, dû essentiellement à une négligence de sa part, ne saurait pas non plus, mis au regard du principe d'égalité, constituer une raison suffisante pour annuler la décision du jury de concours refusant de lui proposer une autre date, cela d'autant plus qu'au moment de sa réclamation initiale, contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire 130/75, les épreuves avaient déjà eu
lieu.
Le jury de concours n'a donc commis aucune illégalité en adoptant la décision litigieuse.
J'ajoute que le fait que le requérant ait déclaré sur l'honneur qu'il n'a pas eu connaissance des sujets d'examen, et quelle que soit la valeur qu'il y a lieu d'attribuer à une telle déclaration, ne change rien à cette conclusion. Une telle déclaration me semble en effet inutile et ne saurait influencer dans l'un ou l'autre sens ni la décision de la Cour ni les suites éventuelles à y réserver. En effet, de deux choses l'une.
Ou bien la décision du jury a été légale et le recours est rejeté: la question de l'égalité des chances au moyen de l'identité des sujets et des dates des épreuves ne se posera pas.
Ou bien la décision du jury a été illégale et elle est annulée: il appartiendra alors au défendeur d'en tirer les conséquences qui s'imposent et au jury de concours de « reconsidérer sa décision », au sens des arrêts Salerno et Costacurta précités, ce qui implique nécessairement une entorse au principe d'identité de la date et, — soyons réalistes — aussi au principe de l'identité des sujets d'examen.
Il résulte de tout ce qui précède que la demande en annulation de la décision incriminée doit être rejetée comme non fondée, tout comme, indépendamment de la question de la recevabilité, la demande tendant à l'admission du requérant à présenter a posteriori les épreuves du concours PE/27/A.
2. Quant à la demande de dommages-intérêts
Force est de constater, tout d'abord, que le requérant ne motive pas spécialement sa demande subsidiaire en dommages-intérêts, ce qui rend à première vue plus difficile la question de savoir si elle peut être considérée ou non comme autonome par rapport à la demande en annulation.
Il est vrai que dans sa requête (p. 6) il estime que « les complications ont été créées au départ par une faute grave du jury de concours ». Mais il ajoute que cette faute « ne peut être corrigée d'une manière sensée pour le requérant que par la fixation demandée d'une nouvelle date pour les épreuves ». Je crois qu'on peut en déduire, ainsi que de l'ensemble des moyens et arguments du requérant, que la faute visée consiste dans le fait que le jury de concours aurait soit observé un délai de
convocation trop, court, soit refusé à tort la demande du requérant de présenter les épreuves écrites après coup, soit les deux. Comme ces griefs se confondent avec ceux invoqués à l'appui de la demande en annulation basée sur la prétendue illégalité de la décision attaquée, la demande en indemnité doit également être rejetée comme non fondée.
Cela dit, il n'en reste pas moins qu'il aurait été dans l'intérêt d'un bon déroulement des épreuves que les candidats finalement admis à concourir aient été informés et convoqués dans un délai raisonnable afin de leur permettre d'y participer effectivement.
Or, je ne suis personnellement pas convaincu qu'un délai de quinze jours pleins soit à cet égard un délai satisfaisant, même si juridiquement il est suffisant. En semble témoigner le fait qu'en l'occurrence, sur 362 candidats convoqués aux épreuves écrites, 92, soit un cinquième, ne se sont pas présentés.
Par ailleurs, d'autres aspects du comportement des services du Parlement européen prêtent également à critique. Je pense plus particulièrement au fait que le jury de concours, après s'être mis d'accord le 18 juin 1984 seulement, sur les dates des 19 et 20 juillet suivants, ait attendu deux semaines avant d'en informer les candidats, par lettres portant la date du 2 juillet 1984. Ce retard est d'autant plus regrettable que les candidats n'avaient pas été informés de ce que le jury avait, dans un
premier temps, envisagé les dates des 28 et 29 juin 1984.
Dans ce contexte, je note encore que la Commission avait informé dès le 27 avril 1984 les candidats au concours COM/A/403 que ledit concours était prévu pour la dernière semaine de juin 1984. Il eut finalement lieu les 28 et 29 juin. Une meilleure coordination interinstitutionnelle aurait certainement permis au Parlement européen d'éviter de devoir reporter la date envisagée, sur le plan interne, pour son propre concours, ce report étant considéré par le Parlement lui-même comme ayant été à la base
des circonstances particulières qui ont imposé un raccourcissement du délai de convocation (défense, point 27, p. 10). Aussi le défendeur me semble-t-il mal avisé de vouloir rendre le requérant responsable de ce contretemps en faisant valoir qu'il ne saurait invoquer des « irrégularités » qu'il aurait lui-même déclenchées en se portant candidat aux deux concours à la fois (défense, point 25, p. 9 et 10).
Finalement, il semble bien que le dernier contact téléphonique du requérant avec les services du Parlement européen ait eu lieu juste avant le début de ses vacances de trois semaines, c'est-à-dire entre le 28 et le 30 juin et donc après le 18 juin, date à laquelle le jury de concours a décidé que les épreuves auraient lieu les 19 et 20 juillet. On peut donc dire que les services du Parlement européen ont au moins fait preuve de légèreté en se bornant à faire savoir au requérant que la date n'était
pas encore fixée et qu'il serait informé en temps utile.
Même si le comportement du défendeur n'était certainement pas de nature à dispenser le requérant de son obligation de diligence et s'il ne constitue pas un motif suffisant pour conclure à l'illégalité du refus du jury de concours de fixer une nouvelle date pour le requérant, il est compréhensible que ce comportement ait pu faire croire au requérant qu'il avait été la victime d'une injustice ou du moins d'une négligence administrative, susceptible d'être sanctionnée par la Cour, et l'inciter à
introduire le présent recours.
Je propose dès lors qu'il soit tenu compte de cet élément lors du règlement des dépens et, en conséquence, qu'il soit fait application de l'article 69, paragraphe 3, alinéa 2, du règlement de procédure, selon lequel la Cour peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais d'une procédure occasionnée par son propre comportement ( 16 ).
Conclusion
Sur la base de l'ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le recours comme non fondé, mais de mettre néanmoins l'ensemble des dépens à charge du défendeur.
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( 1 ) Il est vrai que le requérant n'a ajouté cette précision à ses conclusions que dans la réplique (point 14, p. 9). Contrairement au défendeur, je ne crois toutefois pas qu'elle constitue une modification de l'objet du recours qui justifierait de la déclarer irrecevable.
( 2 ) Affaires jointes 19 et 65/63, Satya Prakash/Commission, Rec. 1965, p. 677.
( 3 ) Voir notamment les arrêts du 14 décembre 1965 dans les affaires 11/65 et 21/65, Morina/Parlement européen, Rec. p. 1259 et 1279.
( 4 ) Affaires jointes 4, 19 et 28/78, Salerno et autres/Commission, Rec. 1978, p. 2403.
( 5 ) Arrêt 31/75 du 4 décembre 1975, Costacurta/Commission, Rec. p. 1563.
( 6 ) Dans son mémoire en défense (point 30, p. 12), le défendeur a parlé d'« un recours en illégalité au sens de l'article 90, paragraphe 2. » Or l'article 90 règle la procédure de la réclamation qui précède l'introduction éventuelle du recours basé sur l'article 91.
( 7 ) Voir arrêt 9/75 du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/ Commission, Rec. p. 1171, notamment points 10 et 11.
( 8 ) Arrêts interlocutoires du 4 juillet 1985, dans les affaires 174/83, 175/83, 176/83, 233/83, 247/83 et 264/83, Rec. p. 2133, 2149, 2155, 2163, 2171 et 2179.
( 9 ) Voir arrêt du 15 décembre 1966, affaire 59/65, Schreckenberg/Commission, Rec. p. 785; arrêt du 10 novembre 1981, affaires jointes 532, 534, 567, 600, 618 et 660/79, Amesz/Commission et Conseil, Rec. p. 2569; arrêts du 12 novembre 1981, affaires 543/79, Birke/Commission et Conseil, Rec. p. 2669, et 799/79, Bruckner/Commission et Conseil, Rec. p. 2697.
( 10 ) Arrêt du 16 juillet 1981, affaire 33/80, Albini/Conseil et Commission, Rec. p. 2141, en particulier point 18. Voir aussi arrêt du 12 décembre 1967, affaire 4/67, Müller/Commission, Rec. p. 469, en particulier p. 480.
( 11 ) Voir arrêt du 19 novembre 1981, affaire 106/80, Fournier/Commission, Rec. p. 2759, en particulier points 18 et 19; voir aussi arrêt du 11 juillet 1985, affaires jointes 255 et 256/83, R./Commission, Rec. p. 2473, en particulier points 56-58, où le recours en indemnité n'a été introduit que pour le cas où le recours en annulation serait rejeté.
( 12 ) Arrêt du 13 juillet 1972, affaire 79/71, Heinemann/Commission, Rec. p. 579, en particulier point 7.
( 13 ) Arrêt du 17 mars 1983, affaire 280/81, Hoffmann/Commission, Rec. p. 889, en particulier point 11; dans le même sens, voir arrêt du 27 janvier 1983, affaire 263/81, List/Commission, Rec. p. 103, en particulier point 29, et arrêt du 5 avril 1984, affaire 347/82, Rec. p. 1847, en particulier point 17. (Dans d'autres arrêts, il est vrai, la Cour, après avoir rejeté la demande en annulation, retient expressément l'absence de faute ou de responsabilité dans le chef de l'institution pour rejeter
également la demande en indemnité — voir arrêt du 22 octobre 1981, affaires 218/80, Kruse/Commission, Rec. p. 2417, en particulier point 10; arrêt du 11 juillet 1980, affaire 137/79, Kohll/Commission, Rec. p. 2601, en particulier point 15; arrêt du 28 mai 1980, affaires jointes 33 et 75/79, Kuhner/Commission, Rec. p. 1677, en particulier point 27. Dans son arrêt du 9 décembre 1982 — affaire 191/81, Plug/Commission, Rec. p. 4229, en particulier point 29 — elle déclare tout simplement qu'il n'y a pas
lieu d'examiner la demande de dommages-intérêts au motif que celle-ci était fondée sur le caractère prétendument illégal de décisions dont elle a reconnu, dans le même arrêt, la légalité.)
( 14 ) Ces conditions ont été respectées dans le cas d'espèce.
( 15 ) Affaire 130/75, Prais/Conseil, Rec. 1976, p. 1589.
( 16 ) Voir à titre de précédents: arrêt du 22 octobre 1981, affaire 218/80, Rec. p. 2417, Kruse/Commission, en particulier points 11 et 12; arrêt du 29 octobre 1981, affaire 125/80, Arning/Commission, Rec. p. 2539, en particulier points 20 et 21; arrêt du 27 janvier 1983, affaire 263/81, List/Commission, Rec. p. 103, en particulier points 30 et 31; arrêt du 21 avril 1983, affaire 282/81, Ragusa/Commission, Rec. p. 1245, en particulier points 28 et 29.