Avis juridique important
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61990J0107
Arrêt de la Cour (première chambre) du 17 janvier 1992. - Ingfried Hochbaum contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Promotion - Détournement de pouvoir. - Affaire C-107/90 P.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-00157
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
++++
1 . Fonctionnaires - Promotion - Pouvoir d' appréciation de l' administration - Contrôle juridictionnel - Limites
( Statut des fonctionnaires, art . 45 )
2 . Fonctionnaires - Recours - Moyens - Détournement de pouvoir - Notion
Sommaire
1 . L' autorité investie du pouvoir de nomination dispose d' un large pouvoir d' appréciation en ce qui concerne l' examen comparatif des mérites respectifs des fonctionnaires ayant vocation à la promotion . Il en résulte que le contrôle judiciaire doit se limiter à la question de savoir si elle n' a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée, étant entendu que, lorsqu' une décision de promotion fait suite à un avis de vacance, ce contrôle doit aussi porter sur la question de savoir si
ladite autorité a exercé son pouvoir discrétionnaire dans le cadre qu' elle s' était imposé par cet avis .
2 . Le détournement de pouvoir n' est réputé exister que s' il est prouvé à suffisance de droit qu' en adoptant l' acte litigieux l' autorité investie du pouvoir de nomination a poursuivi un but autre que celui légal .
Parties
Dans l' affaire C-107/90 P,
Ingfried Hochbaum, représenté par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg, au siège de la SARL fiduciaire Myson, 6-8, rue Origer,
partie requérante,
soutenu par Union syndicale - Bruxelles, représentée par Me Véronique Leclerq, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg, au siège de la SARL fiduciaire Myson, 6-8, rue Origer,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l' arrêt du Tribunal de première instance rendu le 14 février 1990 dans l' affaire T-38/89, opposant Ingfried Hochbaum à la Commission des Communautés européennes, tendant à l' annulation de cet arrêt,
l' autre partie à la procédure étant :
Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sean van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M . Guido Berardis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg, qui a conclu au rejet total du pourvoi,
LA COUR ( première chambre ),
composée de Sir Gordon Slynn, président de chambre, MM . R . Joliet et G . C . Rodríguez Iglesias, juges,
avocat général : M . G . Tesauro
greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal
vu le pourvoi et les mémoires en réponse,
vu le rapport d' audience,
ayant entendu les représentants des parties en leur plaidoirie à l' audience du 24 septembre 1991,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 15 octobre 1991,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 avril 1990, M . Ingfried Hochbaum, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, a, en vertu de l' article 49 du statut CEE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l' arrêt du 14 février 1990 par lequel le Tribunal de première instance a rejeté son recours tendant à l' annulation des décisions de la Commission annulant l' avis de vacance COM/902/84 relatif à l' emploi de
chef de la division "monopoles d' État et entreprises publiques" et adoptant corrélativement l' avis de vacance COM/83/87 .
2 A l' appui de son pourvoi, par lequel il demande à la Cour d' annuler l' arrêt du Tribunal, le requérant avance deux moyens qui visent tous les deux le troisième moyen invoqué devant le Tribunal, fondé sur le détournement de pouvoir . Le premier est tiré de la violation de l' article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut ") et le deuxième de la méconnaissance du contrôle qui doit être exercé en cas de détournement de pouvoir .
3 Selon M . Hochbaum, c' est à tort que le Tribunal a rejeté ses arguments tendant à établir que la Commission avait clôturé la procédure de recrutement COM/902/84 et ouvert une nouvelle procédure de recrutement dans le but de donner un semblant de légalité à la décision, déjà certaine, de nommer l' un des candidats, M . Waterschoot . A l' appui de cette thèse, le requérant a allégué que, lors de la première procédure, qui a abouti à la nomination de M . Waterschoot au poste litigieux, celui-ci ne
possédait pas les qualifications requises par l' avis COM/902/84 . Cette nomination a été annulée par l' arrêt de la Cour du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes ( 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, Rec . p . 3259 ) en raison d' un vice de procédure, mais, selon le requérant, l' expérience acquise à ce poste a permis à M . Waterschoot de combler la lacune dans ses qualifications et c' est ce fait qui aurait motivé la décision d' ouvrir la procédure COM/83/87 qui a, de nouveau, abouti à la nomination de M
. Waterschoot .
4 Par ordonnance du 10 octobre 1990, la Cour a admis l' Union syndicale - Bruxelles à intervenir à l' appui des conclusions du requérant .
5 Pour un plus ample exposé des faits de l' affaire, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .
Quant au premier moyen
6 Aux termes de l' article 45 du statut, la promotion "se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d' un minimum d' ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, ainsi que des rapports dont ils ont fait l' objet ".
7 Par la première branche de son premier moyen, le requérant fait grief au Tribunal d' avoir limité son contrôle de l' application de cette disposition à la recherche d' une erreur manifeste de la part de l' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") dans l' exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose en la matière .
8 Il découle d' une jurisprudence constante que l' AIPN jouit d' un pouvoir d' appréciation en matière de promotion et que le contrôle du juge doit donc se limiter à la question de savoir si elle n' a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ( voir arrêt du 25 février 1987, Banner, point 9, 52/86, Rec . p . 979 ). L' approche du Tribunal était, dès lors, conforme à l' étendue de son contrôle en la matière .
9 Il est vrai que tout contrôle judiciaire doit, en outre, s' assurer que l' AIPN a exercé son pouvoir discrétionnaire dans le cadre qu' elle s' était imposé par l' avis de vacance ( voir arrêt du 9 février 1990, Culin, point 19, C-343/87, Rec . p . I-225 ); toutefois, il convient de relever, à cet égard, la constatation du Tribunal, au point 24 de son arrêt, qu' "aucun élément de dossier n' indique qu' avant d' exercer les fonctions du chef de la division 'monopoles d' État et entreprises
publiques' , M . Waterschoot ne remplissait pas les conditions pour présenter sa candidature au poste litigieux ". S' agissant d' une appréciation en fait, la Cour n' a pas compétence pour la mettre en cause .
10 Par la deuxième branche de son premier moyen, M . Hochbaum fait valoir que l' arrêt contesté ne répond pas de façon adéquate aux arguments qu' il a développés devant le Tribunal concernant les qualifications de M . Waterschoot .
11 Il suffit de rappeler, à cet égard, l' affirmation du Tribunal, précitée . Cette affirmation, tout en étant succincte, répond aux arguments avancés par M . Hochbaum .
12 Le moyen tiré de la violation de l' article 45 du statut doit donc être rejeté .
Quant au deuxième moyen
13 Par son deuxième moyen, M . Hochbaum fait valoir que le Tribunal a méconnu la nature même du moyen tiré du détournement de pouvoir en ce qu' il n' a pas recherché le but réel des décisions de l' AIPN en cause .
14 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un détournement de pouvoir n' est réputé exister que s' il est prouvé à suffisance de droit que l' AIPN, en prenant l' acte litigieux, a poursuivi un but autre que celui poursuivi par la réglementation en cause ( voir, par exemple, arrêt du 8 juin 1988, Vlachou/Cour des comptes, point 27, 135/87, Rec . p . 2901 ).
15 Dans son arrêt, le Tribunal a conclu que la prise en compte par l' AIPN de l' expérience acquise par M . Waterschoot à la suite de sa première nomination n' aurait pas suffi pour établir que l' AIPN avait agi dans un but autre que l' intérêt du service, commettant ainsi un détournement de pouvoir .
16 Il s' ensuit que le Tribunal n' a pas appliqué la notion de détournement de pouvoir d' une manière erronée . D' ailleurs, conformément à l' article 164 A du traité CEE et aux dispositions correspondantes des traités CECA et CEEA, les questions de fait échappent au contrôle que la Cour exerce sur un pourvoi . Il découle de ce qui précède que le deuxième moyen de M . Hochbaum doit être rejeté .
17 Aucun des moyens avancés par M . Hochbaum n' ayant pu être retenu, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble .
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
18 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Aux termes de l' article 70 de ce règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours de fonctionnaires restent à la charge de celles-ci . Cependant, en vertu de l' article 122 du règlement, l' article 70 n' est pas applicable aux pourvois formés par les fonctionnaires ou autres agents des institutions . M . Hochbaum ayant succombé en son action, il y a donc
lieu de le condamner aux dépens de la présente instance . Toutefois, aux termes de l' article 69, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement de procédure, la Cour peut décider qu' une partie intervenante supportera ses propres dépens . L' Union syndicale - Bruxelles étant intervenue à l' appui des conclusions de M . Hochbaum dans l' intérêt général de ses membres, il y a donc lieu de décider qu' elle supportera ses propres dépens .
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR ( première chambre )
déclare et arrête :
1 ) Le pourvoi est rejeté .
2 ) Le requérant est condamné aux dépens, à l' exception de ceux de la partie intervenante .
3 ) L' Union syndicale supportera ses propres dépens .