Avis juridique important
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61998J0307
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 25 mai 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Directive 76/160/CEE - Qualité des eaux de baignade. - Affaire C-307/98.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-03933
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire C-307/98,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. de Sousa Fialho, membre du service juridique, et O. Couvert-Castéra, fonctionnaire national mis à la disposition dudit service, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,
partie requérante,
contre
Royaume de Belgique, représenté initialement par M. J. Devadder, conseiller général à la direction générale des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, puis par M. Y. Houyet, conseiller adjoint à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de Belgique, 4, rue des Girondins,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en n'ayant pas adopté, dans le délai de dix ans à compter de la notification de la directive 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade (JO 1976, L 31, p. 1), les mesures nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de celle-ci, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4 de cette directive
ainsi que de l'article 189, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 249, troisième alinéa, CE),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), C. Gulmann, J.-P. Puissochet et M. Wathelet, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 29 septembre 1999, au cours de laquelle la Commission a été représentée par MM. G. Valero Jordana, membre du service juridique, en qualité d'agent, et O. Couvert-Castéra, et le royaume de Belgique par Mme A. Snoecx, conseiller au ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d'agent,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 octobre 1999,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 août 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en n'ayant pas adopté, dans le délai de dix ans à compter de la notification de la directive 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade (JO 1976, L 31, p. 1), les mesures nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue
conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de celle-ci, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4 de cette directive ainsi que de l'article 189, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 249, troisième alinéa, CE).
2 Par ce recours, la Commission fait grief en substance au royaume de Belgique
- d'avoir exclu, sans justifications appropriées, du champ d'application de la directive 76/160 de nombreuses zones de baignade en eaux intérieures;
- de ne pas avoir adopté les mesures nécessaires pour rendre la qualité des eaux de baignade conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive et de ne pas avoir atteint les résultats exigés par celle-ci;
- de ne pas avoir prévu, dans sa réglementation, l'obligation d'interdire la baignade dans les zones où la qualité des eaux n'est pas conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive.
La réglementation communautaire
3 La directive 76/160 tend, conformément à son premier considérant, à protéger l'environnement et la santé publique par la réduction de la pollution des eaux de baignade et la protection de celles-ci à l'égard d'une dégradation ultérieure. À cette fin, elle prévoit, pour mesurer la qualité des eaux de baignade, une série de paramètres microbiologiques et physico-chimiques indiqués dans son annexe, auxquels correspondent des valeurs impératives (I) et des valeurs indicatives ou guides (G).
4 L'article 1er de la directive 76/160 dispose:
«1. La présente directive concerne la qualité des eaux de baignade à l'exception des eaux destinées aux usages thérapeutiques et des eaux de piscine.
2. Au sens de la présente directive, on entend par:
a) `eaux de baignade' les eaux ou parties de celles-ci, douces, courantes ou stagnantes, ainsi que l'eau de mer, dans lesquelles la baignade:
- est expressément autorisée par les autorités compétentes de chaque État membre
ou
- n'est pas interdite et habituellement pratiquée par un nombre important de baigneurs;
b) `zone de baignade' l'endroit où se trouvent des eaux de baignade;
c) `saison balnéaire' la période pendant laquelle une affluence importante de baigneurs peut être envisagée, compte tenu des usages locaux, y compris les éventuelles dispositions locales concernant la pratique de la baignade, ainsi que des conditions météorologiques.»
5 Conformément à l'article 3 de la directive 76/160, les États membres fixent les valeurs applicables aux eaux de baignade en ce qui concerne les paramètres microbiologiques et physico-chimiques indiqués à son annexe, valeurs qui ne peuvent être moins sévères que celles figurant dans la colonne I de cette annexe.
6 L'article 4, paragraphe 1, de la directive 76/160 prévoit:
«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 dans un délai de dix ans après la notification de la présente directive.»
7 Aux termes de l'article 5 de la directive 76/160:
«1. Pour l'application de l'article 4, les eaux de baignade sont réputées conformes aux paramètres qui s'y rapportent:
si des échantillons de ces eaux, prélevés selon la fréquence prévue à l'annexe en un même lieu de prélèvement, montrent qu'elles sont conformes aux valeurs des paramètres concernant la qualité de l'eau en question pour:
- 95 % des échantillons dans le cas des paramètres conformes à ceux spécifiés dans la colonne I de l'annexe,
- 90 % des échantillons dans les autres cas, sauf pour les paramètres «coliformes totaux» et «coliformes fécaux» où le pourcentage des échantillons peut être de 80 %,
et si, pour les 5 %, 10 % ou 20 % des échantillons qui, selon le cas, ne sont pas conformes:
- l'eau ne s'écarte pas de plus de 50 % de la valeur des paramètres en question, exception faite pour les paramètres microbiologiques, le pH et l'oxygène dissous,
- les échantillons consécutifs d'eau prélevés à une fréquence statistiquement appropriée ne s'écartent pas des valeurs des paramètres qui s'y rapportent.
2. Les dépassements des valeurs visées à l'article 3 ne sont pas pris en considération dans le décompte des pourcentages prévus au paragraphe 1 lorsqu'ils sont la conséquence d'inondations, de catastrophes naturelles ou de conditions météorologiques exceptionnelles.»
8 Conformément à l'article 6 de la directive 76/160, les États membres effectuent les échantillonnages, dont la fréquence minimale est fixée à l'annexe de celle-ci, afin de vérifier la qualité des eaux de baignade.
9 L'article 8 de la directive 76/160 précise:
«Des dérogations à la présente directive sont prévues:
a) pour certains paramètres marqués (0) dans l'annexe en raison de circonstances météorologiques ou géographiques exceptionnelles;
b) lorsque les eaux de baignade subissent un enrichissement naturel en certaines substances qui provoque un dépassement des limites fixées à l'annexe.
On entend par enrichissement naturel le processus par lequel une masse d'eau déterminée reçoit du sol certaines substances contenues dans celui-ci, sans intervention de la part de l'homme.
En aucun cas, les dérogations prévues au présent article ne peuvent faire abstraction des impératifs de la protection de la santé publique.
Lorsqu'un État membre a recours à une dérogation, il en informe immédiatement la Commission, en précisant les motifs et les délais.»
10 L'article 12 de la directive 76/160 prévoit:
«1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive dans un délai de deux ans à compter de sa notification. Ils en informent immédiatement la Commission.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.»
11 En outre, conformément à l'article 13 de la directive 76/160, les États membres communiquent régulièrement à la Commission, et pour la première fois quatre ans après la notification de la directive, un rapport de synthèse sur les eaux de baignade et leurs caractéristiques les plus significatives. Ce rapport de synthèse est annuel à compter du 1er janvier 1993, à la suite de la modification de cette disposition par la directive 91/692/CEE du Conseil, du 23 décembre 1991, visant à la
standardisation et à la rationalisation des rapports relatifs à la mise en oeuvre de certaines directives concernant l'environnement (JO L 377, p. 48).
La procédure précontentieuse
12 Après avoir examiné le rapport sur la qualité des eaux de baignade en Belgique pour les années 1983 à 1987, la Commission a, par lettre du 8 octobre 1987, attiré l'attention des autorités belges sur diverses infractions à la directive 76/160, notamment le dépassement des valeurs limites, l'exclusion de certaines zones de baignade et la fréquence insuffisante des analyses. Par lettre du 11 février 1988, les autorités belges ont répondu en apportant quelques informations sur les questions posées
par la Commission.
13 Par lettre du 21 juin 1988, la Commission a informé le royaume de Belgique qu'elle avait été saisie d'une plainte selon laquelle la baignade serait pratiquée en Région wallonne dans de nombreuses zones dont les eaux ne respecteraient pas les paramètres mentionnés à l'annexe de la directive 76/160 et qui seraient exclues du champ d'application de celle-ci.
14 Par lettre du 6 octobre 1988, les autorités belges ont répondu que la mise en oeuvre de la directive 76/160 était retardée par les difficultés pratiques résultant de la régionalisation des administrations.
15 Par lettre du 25 septembre 1989, la Commission a mis le royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations dans un délai de deux mois, lettre à laquelle ce dernier a répondu le 4 janvier 1990 en contestant que ladite directive ait été appliquée de manière incorrecte et en précisant que différentes mesures avaient été adoptées pour améliorer la qualité des eaux de baignade dans le pays.
16 Par lettre du 14 novembre 1995, la Commission a informé les autorités belges qu'elle ne procéderait pas à l'envoi d'un avis motivé si celles-ci lui transmettaient une information complète et détaillée sur les plans d'assainissement des zones de baignade où les valeurs limites fixées par la directive 76/160 étaient dépassées.
17 En réponse à la demande de la Commission, les autorités belges ont transmis à cette dernière différentes informations, le 31 janvier 1996, pour la Région flamande et, le 13 mars suivant, pour la Région wallonne.
18 Le 27 décembre 1996, la Commission a adressé au royaume de Belgique un avis motivé l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations lui incombant en vertu de la directive 76/160 dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit avis. Dans celui-ci, la Commission relevait, en premier lieu, que de nombreuses zones de baignade intérieures ne respectaient pas les paramètres indiqués à l'annexe de cette directive. En deuxième lieu, elle jugeait insuffisantes
les informations fournies sur les plans d'assainissement des eaux de baignade intérieures, tant en ce qui concerne la Région flamande qu'en ce qui concerne la Région wallonne. En troisième lieu, elle réfutait l'argument selon lequel les cours d'eaux wallons ne présenteraient pas, en été, un débit suffisant pour permettre la baignade. En dernier lieu, la Commission faisait valoir que, sauf exceptions mentionnées dans les rapports sur la qualité des eaux de baignade, les autorités compétentes
n'avaient pas fait usage de la possibilité d'interdire la baignade dans les eaux non conformes aux paramètres fixés dans l'annexe de la directive 76/160.
19 Les autorités belges ont répondu à l'avis motivé par lettres du 12 février 1997, en ce qui concerne la Région bruxelloise, du 6 mars 1997, en ce qui concerne la Région flamande, et du 1er juillet 1997, en ce qui concerne la Région wallonne.
20 Considérant que ces lettres n'apportaient aucun élément nouveau en ce qui concerne la Région flamande et que, s'agissant de la Région wallone, d'une part, les autorités belges avaient réduit le nombre des sites de baignade d'une manière qui ne correspond pas aux exigences de la directive 76/160 et, d'autre part, qu'il n'était pas établi à suffisance de droit que la baignade était effectivement interdite sur les sites pollués fréquentés par les baigneurs, la Commission a décidé d'intoduire le
présent recours.
Sur le fond
Sur l'exclusion, sans justifications appropriées, du champ d'application de la directive 76/160 de nombreuses zones de baignade en eaux intérieures
21 La Commission fait valoir que la Région wallonne a réduit le champ d'application de la directive 76/160 en excluant, sans justifications appropriées, des rapports annuels sur la qualité des eaux de baignade de nombreuses zones de baignade en eaux intérieures qui figuraient auparavant dans ces rapports.
22 Les autorités belges soutiennent que les seules «zones de baignade» intérieures qui doivent être considérées comme telles au sens de la directive 76/160 sont les 10 zones mentionnées dans le rapport sur la qualité des eaux de baignade pour la saison balnéaire de 1996 et dans lesquelles la baignade est expressément autorisée. Des échantillons auraient été prélevés dans ces zones conformément aux dispositions de l'article 6 de ladite directive. Chaque fois qu'un dépassement des valeurs fixées en
vertu de l'article 3 de celle-ci a été constaté, la baignade aurait été interdite de sorte que la zone concernée serait sortie temporairement ou définitivement du champ d'application de la directive 76/160.
23 En premier lieu, les autorités belges reconnaissent que la Région wallonne a, dans un souci de transparence, transmis à la Commission des résultats obtenus pour 28 autres zones de baignade dans le cadre d'un réseau d'études de la qualité bactériologique des cours d'eau wallons. Toutefois, lorsque, à la suite de cette transmission, ces zones ont été prises en compte dans le rapport sur la qualité des eaux de baignade pour la saison balnéaire de 1991, la Région wallonne aurait attiré l'attention de
la Commission sur le fait que ces zones étaient dépourvues d'infrastructures d'accueil des baigneurs et que la fréquentation de ces zones était faible ou inexistante. Celles-ci ne devraient dès lors pas être considérées comme des zones de baignade au sens de la directive 76/160.
24 En deuxième lieu, les autorités belges relèvent que le seul critère retenu par la Région wallonne pour déterminer les zones de baignade est celui qui est utilisé à l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 76/160 pour la définition de la notion d'«eaux de baignades», à savoir la fréquentation par un «nombre important de baigneurs».
25 Des éléments, tels qu'une faible profondeur des eaux, l'inexistence d'infrastructures, la pratique du kayak ou les conditions climatiques défavorables, seraient pertinents pour déterminer si la pratique de la baignade est faible ou inexistante et si, par conséquent, lesdites zones doivent ou non être considérées comme des zones de baignade au sens de la directive 76/160. Les autorités belges se réfèrent à cet égard aux extraits suivants de la proposition de directive COM(74) 2255 final du
Conseil, du 3 février 1975, lesquels n'ont pas été repris dans le texte final de la directive:
- La directive ne concerne que les zones de baignade autorisées ou tolérées. C'est à ses propres risques que le baigneur se baignera dans les lieux non autorisés (point 3. 2).
- Une attention spéciale est donnée aux sites où la densité de baigneurs dépasse la valeur moyenne de 10 000 personnes par km linéaire de plage ou de rivage (point 3. 4).
- Les risques encourus sur le plan de la santé sont proportionnels au temps passé dans l'eau et varient considérablement suivant la température de l'air et par suite de celle de l'eau. La directive prescrit par conséquent, en ce qui concerne l'eau de mer qui représente le lieu de baignade préféré, des conditions moins contraignantes pour les régions où la température généralement basse de l'eau (moins de 20 _C) limite la durée du bain par rapport à d'autres régions où l'on peut se baigner toute la
journée (point 3. 5).
- L'immersion prolongée de tout le corps dans l'eau est l'activité principale qui détermine les caractéristiques physiques et chimiques requises des eaux de baignade (point 3. 6).
26 En outre, les autorités belges font valoir que leur argument selon lequel la faible profondeur des eaux, inférieure à plusieurs endroits à 50 centimètres en raison du débit insuffisant des cours d'eau, limiterait la pratique de la baignade est confirmé par l'exigence, mentionnée au point 11 de l'annexe de la directive 76/160, selon lequel les eaux de baignade présentent une transparence d'au moins un mètre de profondeur. Une telle exigence constituerait un indice important de ce que la baignade
est généralement considérée comme nécessitant un mètre d'eau.
27 En troisième lieu, les autorités belges arguent que la mention comme sites de baignade d'au moins 16 des zones désormais exclues des rapports annuels dans une brochure publicitaire relative à des zones de camping, publiée en 1998 par la Région wallonne, ne signifie pas que la baignade y soit pratiquée par un nombre important de baigneurs ni qu'elle soit possible dans ces zones, la profondeur pouvant y être insuffisante. Ces informations relèveraient de la seule responsabilité des propriétaires
des campings, lesquels chercheraient à rendre leurs établissements plus attrayants.
28 Il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 1er, paragraphe 2, sous a), second tiret, de la directive 76/160, sont à considérer comme «eaux de baignade» les eaux ou parties de celles-ci, douces, courantes ou stagnantes, ainsi que l'eau de mer, dans lesquelles la baignade n'est pas interdite et est habituellement pratiquée par un nombre important de baigneurs. Cette notion doit être interprétée à la lumière de la finalité de cette directive, exprimée dans ses deux premiers considérants,
aux termes desquels «... la protection de l'environnement et de la santé publique rend nécessaires la réduction de la pollution des eaux de baignade et la protection de celles-ci à l'égard d'une dégradation ultérieure» et «un contrôle des eaux de baignade est nécessaire à la réalisation, dans le fonctionnement du marché commun, des objectifs de la Communauté dans les domaines de l'amélioration des conditions de vie, d'un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la
Communauté et d'une expansion continue équilibrée» (arrêt du 14 juillet 1993, Commission/Royaume-Uni, C-56/90, Rec. p. I-4109, point 33).
29 Ces objectifs ne seraient pas atteints si les eaux de zones de baignade, qui ont pendant des années été soumises aux contrôles prévus par la directive 76/160 et dont les résultats ont été envoyés à la Commission aux fins de publication dans ses rapports annuels sur la qualité des eaux de baignade dans les États membres, pouvaient, du seul fait que le nombre de baigneurs se situerait au-dessous d'un certain seuil, être exclues du champ d'application de ladite directive.
30 En outre, il appartient à l'État membre qui prétend que la baignade a cessé d'être habituellement pratiquée dans certaines zones et qui souhaite en conséquence ne plus considérer celles-ci comme des zones de baignade au sens de la directive 76/160, d'une part, de démontrer l'absence de baignades habituelles pour chacune des zones concernées et, d'autre part, d'établir qu'une telle absence n'est pas due au non-respect dans lesdites zones des valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de cette
directive.
31 Or, force est de constater que les autorités belges n'ont pas apporté une telle preuve pour chacune des zones concernées.
32 En premier lieu, la mention d'au moins 16 zones comme sites de baignade dans une brochure publicitaire relative à des terrains de camping implique que certaines infrastructures, telles que des équipements sanitaires, existent à proximité de ces zones. Dans ces conditions, une telle mention constitue un indice de ce que ces zones continuent à être habituellement fréquentées par un nombre important de baigneurs dont la santé doit être protégée.
33 En deuxième lieu, en ce qui concerne la faible profondeur des eaux, elle ne saurait suffire à elle seule à autoriser un État membre à exclure certains sites des zones de baignade au sens de la directive 76/160.
34 En effet, il ne saurait être exclu qu'une faible profondeur des eaux constitue un attrait pour des groupes de population spécifiques, tels que les personnes plus âgées ou les enfants. En tout état de cause, ainsi que le relève à juste titre la Commission, il ne saurait être inféré du paramètre prévu au point 11 de l'annexe de la directive 76/160, selon lequel la transparence requise des eaux doit être d'un mètre au minimum, que seules les zones dans lesquelles la profondeur de l'eau est de plus
d'un mètre doivent être considérées comme des zones de baignade au sens de ladite directive. Un tel paramètre signifie seulement que la transparence des eaux des zones de baignade doit être d'un mètre au minimum ou, si la profondeur de celles-ci est inférieure à un mètre, que la transparence doit être totale.
35 En troisième lieu, les autorités belges n'ont pas établi que la pratique du kayak dans les zones dont il s'agit serait massive et constante de sorte que la baignade y serait devenue impossible.
36 En quatrième lieu, l'existence de conditions climatiques défavorables ne permet pas non plus à un État membre de considérer certains sites comme ne relevant pas des zones de baignade au sens de la directive 76/160.
37 En revanche, il convient de rappeler que l'existence de telles conditions climatiques peut, selon les dispositions de la directive 76/160, être prise en compte lors de la détermination de la durée de la «saison balnéaire». En effet, l'article 1er de ladite directive définit la «saison balnéaire» comme «la période pendant laquelle une affluence importante de baigneurs peut être envisagée, compte tenu des usages locaux, y compris les éventuelles dispositions locales concernant la pratique de la
baignade, ainsi que des conditions météorologiques».
38 En outre, conformément aux articles 5, paragraphe 2, et 8 de la directive 76/160, des circonstances météorologiques exceptionnelles permettent de ne pas prendre en considération les dépassements des valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive ou de bénéficier de dérogations aux prescriptions de celle-ci, à condition, dans cette dernière hypothèse, d'en informer immédiatement la Commission et de préciser les motifs et les délais de ces dérogations.
39 Toutefois, il est constant que ces dispositions, qui doivent être interprétées de manière stricte, n'ont pas été invoquées par les autorités belges.
40 En dernier lieu, il importe de relever que l'interprétation des dispositions de la directive 76/160 résultant des points 32 à 39 du présent arrêt ne saurait être remise en cause par les extraits de la proposition de directive du 3 février 1975, invoqués par les autorités belges, lesquels n'ont pas été repris dans le texte final de la directive 76/160, ainsi que ces dernières le reconnaissent d'ailleurs expressément.
41 Il y a lieu dès lors de conclure que, en excluant, sans justifications appropriées, du champ d'application de la directive 76/160 de nombreuses zones de baignade en eaux intérieures, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive.
Sur la non-adoption des mesures nécessaires pour rendre la qualité des eaux de baignade conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive 76/160 et sur le non-respect des résultats exigés par cette directive
42 La Commission reproche aux autorités belges, d'une part, de ne pas avoir adopté les mesures nécessaires pour rendre la qualité des eaux de baignade conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive 76/160 et, d'autre part, de ne pas avoir atteint les résultats exigés par celle-ci.
43 Il convient d'examiner ces griefs ensemble dès lors que le résultat que les États membres doivent atteindre en vertu de l'article 4 de la directive 76/160 consiste à rendre la qualité des eaux de baignade conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive.
44 La Commission fait valoir que les programmes d'investissement en matière d'épuration des eaux sont insuffisants tant en Région flamande qu'en Région wallonne. Les autorités belges se référeraient seulement à la mise en place d'infrastructures de traitement des eaux en général, sans préciser l'incidence de leur fonctionnement sur l'amélioration de la qualité des eaux de baignade. En Région flamande, toutes les zones de baignade ne seraient pas couvertes par le programme d'épuration des eaux. En
Région wallonne, le programme ne préciserait ni les dates de début et d'achèvement des travaux d'infrastructures prévus ni l'emplacement exact de ceux-ci.
45 Les autorités belges auraient enfreint l'article 4 de la directive 76/160 en ne prenant pas les mesures nécessaires pour rendre la qualité des eaux de baignade conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive. En particulier, les résultats prescrits à l'article 5 de celle-ci, pour l'application de l'article 4, n'auraient pas été atteints, sans qu'aucune des dérogations prévues par la directive soit applicable. Selon le rapport sur la qualité des eaux de baignade
durant la saison balnéaire de 1995 pour l'ensemble de la Belgique, le taux de conformité des zones de baignade en eau douce serait de 41,4 %.
46 Les autorités belges font valoir que, en ce qui concerne la Région flamande, les mesures nécessaires ont été prises en vue de garantir les améliorations indispensables de la qualité des eaux de baignade dans les quelques zones où cela était nécessaire. Des programmes d'action visant à améliorer la qualité de l'eau auraient été soumis à plusieurs reprises à la Commission. Ils comprendraient aussi bien les investissements relatifs à certaines infrastructures d'épuration destinées à améliorer la
qualité des eaux des zones de baignade du littoral qu'un aperçu des projets d'investissement intercommunaux relatifs aux zones de baignade en eaux douces de surface.
47 Les autorités belges ajoutent qu'un taux de conformité des eaux de baignade de 100 % par rapport aux exigences de la directive 76/160 constitue un objectif illusoire. En effet, la baignade en milieu naturel impliquerait des risques sanitaires, qui ne pourraient être totalement contrôlés, liés aux déversements illicites, à l'utilisation de lisiers et à la pollution provoquée par les baigneurs eux-mêmes.
48 Il y a lieu de rappeler tout d'abord que la directive 76/160, en son article 4, paragraphe 1, oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive dans un délai de dix ans après la notification de celle-ci, ce délai étant plus long que celui prévu pour sa transposition afin de permettre aux États membres de satisfaire à une telle exigence (arrêts
Commission/Royaume-Uni, précité, point 42, et du 8 juin 1999, Commission/Allemagne, C-198/97, Rec. p. I-3257, point 35).
49 La directive 76/160 impose donc aux États membres que certains résultats soient atteints et ne leur permet pas d'invoquer, en dehors des dérogations qu'elle prévoit, des circonstances particulières pour justifier le non-respect de cette obligation (voir arrêts Commission/Royaume-Uni, précité, point 43; du 12 février 1998, Commission/Espagne, C-92/96, Rec. p. I-505, point 28, et Commission/Allemagne, précité, point 35).
50 Or, les autorités belges n'invoquent aucune de ces dérogations. Elles ne contestent pas non plus que, selon le rapport sur la qualité des eaux de baignade portant sur la saison balnéaire de 1995, le taux de conformité des zones de baignade en eau douce était de 41,4 % pour l'ensemble de la Belgique.
51 Dans ces conditions, le fait que, en ce qui concerne la Région flamande, les mesures nécessaires auraient été prises pour garantir les améliorations indispensables de la qualité des eaux de baignade ne saurait justifier le non-respect des résultats prescrits par la directive 76/160 (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Royaume-Uni, point 44, et Commission/Allemagne, point 35).
52 Ensuite, en ce qui concerne l'argument des autorités belges selon lequel un taux de conformité de 100 % des eaux de baignade en milieu naturel serait impossible à atteindre, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/160, les eaux de baignade sont réputées conformes aux paramètres qui y sont fixés lorsque les échantillons, prélevés selon la fréquence prévue à l'annexe de celle-ci en un même lieu de prélèvement, montrent qu'elles sont conformes aux
valeurs des paramètres concernant la qualité de l'eau en question pour un pourcentage de 95, 90 ou 80 % de ces échantillons, selon les cas précisés par cette disposition.
53 Il en résulte que, dans certaines circonstances, et sous les conditions prévues à l'article 5, paragraphe 1, troisième et quatrième tirets, de la directive 76/160, les eaux de baignade sont réputées conformes aux exigences de celle-ci même en cas de non-conformité de 5, 10 ou 20 % des échantillons prélevés en un même lieu.
54 Enfin, à supposer que, dans le cadre de la directive 76/160, une impossibilité absolue d'exécuter les obligations résultant de ladite directive puisse justifier un manquement à celle-ci, les autorités belges n'ont pas non plus établi en l'espèce l'existence d'une telle impossibilité (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 41).
55 Il y a lieu dès lors de conclure que, en n'ayant pas adopté les mesures nécessaires pour rendre la qualité des eaux de baignade conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive 76/160 et en n'ayant pas atteint les résultats exigés par celle-ci, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive.
Sur l'obligation d'interdire la baignade dans les zones où la qualité des eaux n'est pas conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive 76/160
56 La Commission fait valoir que les mesures prévues par la réglementation belge en cas de dépassement des valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive 76/160 dans une zone de baignade sont insuffisantes. Elle relève à cet égard que la décision d'interdire la baignade appartient aux communes, lesquelles sont informées par l'administration de la santé publique des éventuels dépassements des valeurs limites dans les zones de baignade situées sur leur territoire, mais que les
autorités belges n'auraient pas la certitude que les communes suivent effectivement l'invitation d'interdire la baignade qui leur est adressée. Seul un arrêté municipal du 17 juin 1996, interdisant la baignade dans une zone polluée par des salmonelles, aurait été communiqué en ce qui concerne la Région wallonne et le rapport annuel de la Commission sur la qualité des eaux de baignade portant sur la saison balnéaire de 1995 indiquerait qu'aucune zone n'a été concernée par une telle interdiction.
57 Or, une application correcte de la directive 76/160 impliquerait l'obligation d'interdire la baignade en cas de dépassement des valeurs limites dans une zone déterminée. Une telle obligation, qui n'est, certes, pas expressément prévue par la directive 76/160, découlerait des dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 2, sous a), et 4, paragraphe 1, de cette directive, interprétées à la lumière de la finalité de celle-ci, exprimée dans son premier considérant et rappelée à son article 8,
troisième alinéa, qui vise notamment à assurer la protection de la santé publique. En l'absence d'une telle interdiction, les baigneurs seraient en effet exposés à de nombreux risques pour leur santé.
58 Les autorités belges soutiennent que, chaque fois que les contrôles révèlent, dans une zone de baignade, un dépassement des valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive 76/160, l'administration de la santé publique avertit la commune concernée et celle-ci interdit la baignade dans cette zone après consultation de tous les services intéressés. La proposition d'interdire la baignade aurait toujours été suivie. La zone de baignade concernée serait ainsi exclue, temporairement ou
définitivement, du champ d'application de la directive 76/160. Les autorités belges contestent l'interprétation de la directive 76/160 proposée par la Commission, selon laquelle la réglementation belge aurait dû imposer aux communes l'obligation d'interdire la baignade en cas de dépassement des valeurs limites dans une zone.
59 Il y a lieu de relever tout d'abord que, en cas de dépassement dans une zone de baignade des valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive 76/160, l'État membre concerné a, conformément à l'article 4, paragraphe 1, de celle-ci, l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme auxdites valeurs limites.
60 Il convient de constater ensuite qu'aucune disposition de la directive 76/160 n'instaure une obligation d'interdire la baignade dans une zone dès qu'un dépassement desdites valeurs limites y est observé.
61 Enfin, une telle obligation ne saurait non plus être inférée de la finalité de la directive 76/160, laquelle vise, ainsi qu'il a été rappelé au point 25 du présent arrêt, à assurer la protection de la santé publique.
62 La nécessité de protéger la santé publique n'entraîne l'obligation, pour un État membre, d'interdire la baignade dans une zone déterminée que lorsque, compte tenu des conditions locales, l'importance des dépassements observés dans cette zone ou la nature des valeurs limites qui ne sont pas respectées impliquent un danger pour la santé publique.
63 Par conséquent, eu égard au libellé des dispositions de la directive 76/160, la Commission ne saurait reprocher au royaume de Belgique de ne pas avoir prévu, dans sa réglementation, l'obligation d'interdire la baignade dans les zones où la qualité des eaux n'est pas conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive 76/160.
64 Il convient dès lors de rejeter ce troisième grief comme n'étant pas fondé.
65 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que
- en excluant, sans justifications appropriées, du champ d'application de la directive 76/160 de nombreuses zones de baignade en eaux intérieures, et
- en n'ayant pas adopté, dans le délai de dix ans à compter de la notification de cette directive, les mesures nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive et en n'ayant pas atteint les résultats exigés par celle-ci,
le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
66 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume de Belgique et ce dernier ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) - En excluant, sans justifications appropriées, du champ d'application de la directive 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade, de nombreuses zones de baignade en eaux intérieures, et
- en n'ayant pas adopté, dans le délai de dix ans à compter de la notification de cette directive, les mesures nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de ladite directive et en n'ayant pas atteint les résultats exigés par celle-ci,
le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.