CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME ELEANOR SHARPSTON
présentées le 12 juin 2008 ( 1 )
Affaire C-214/07
Commission des Communautés européennes
contre
République française
«Aides d’État — Régime d’aides — Incompatibilité avec le marché commun — Exécution de la décision — Récupération des aides mises à disposition — Impossibilité absolue d’exécution»
1. La Commission des Communautés européennes a engagé un recours contre la République française conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE au motif qu’à n’avoir pas récupéré les aides accordées aux sociétés reprenant les activités d’entreprises en difficulté, la République française n’a pas exécuté la décision 2004/343/CE ( 2 ) de la Commission (ci-après la «décision») dans le délai imparti. La Commission demande donc à la Cour de déclarer que la République française a manqué aux obligations qui
lui incombent en vertu des articles 5 et 6 de la décision, de l’article 249, quatrième alinéa, CE ainsi que de l’article 10 CE.
2. La République française ne conteste ni la décision déclarant les aides d’État litigieuses illégales ni le fait qu’elle est en principe obligée de les récupérer. Elle soutient néanmoins qu’elle n’a pas enfreint ses obligations de droit communautaire.
3. Pour sa défense, la République française fait valoir que ses autorités ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour récupérer les aides concernées et que c’est lui demander l’impossible que d’exiger d’elles qu’elles le fassent avec plus de diligence, en particulier lorsque les sociétés qui en ont bénéficié ont ensuite mis fin à leurs activités ou vendu leurs actifs.
Le cadre juridique
Les dispositions du traité CE
4. L’article 10 CE dispose que:
«Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.
Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité.»
5. L’article 87, paragraphe 1, CE énonce les conditions auxquelles une aide d’État est en principe incompatible avec le marché commun. L’article 87, paragraphe 3, CE énonce un certain nombre de circonstances dans lesquelles de telles aides peuvent néanmoins être considérées comme compatibles.
6. L’article 88, paragraphe 2, CE dispose que:
«Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87 […], elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.
Si l’État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation aux articles 226 et 227 […]»
7. Le quatrième alinéa de l’article 249 CE dispose que:
«La décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne.»
Le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil
8. Le cadre réglementaire général de la récupération des aides d’État se trouve dans le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil ( 3 ). Ce règlement énonce le principe que toute aide incompatible avec le marché commun soit récupérée sans délai afin de rétablir une concurrence effective ( 4 ).
La décision
9. L’article 44 septies du code général des impôts ( 5 ) prévoyait une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant deux ans en faveur des entreprises reprenant les activités d’entreprises en difficulté. Conformément aux articles 1383 A, 1464 B et 1464 C, les entreprises qui bénéficiaient de cette exonération pouvaient également bénéficier, sur délibération des collectivités locales compétentes, d’une exonération de la taxe professionnelle et de la taxe foncière pendant une période de deux ans.
10. Par lettre du 12 septembre 2001, la Commission a adressé à la République française une demande de renseignements concernant l’exonération fiscale prévue à l’article 44 septies du code général des impôts. Par lettre du 19 août 2002, elle a ensuite ouvert la procédure formelle d’examen au motif que cette exonération était susceptible d’équivaloir à une aide tombant sous le coup de l’article 87, paragraphe 1, CE.
11. Dans une lettre du 13 décembre 2002, les autorités françaises lui ont répondu que cette mesure n’était pas une aide d’État au sens de l’article 87 CE et que, dans l’hypothèse où elle devrait être considérée comme telle, elle était justifiée conformément aux lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté ( 6 ).
12. La Commission a néanmoins conclu que les exonérations fiscales litigieuses étaient des aides d’État illicites au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et elle a donc adopté la décision le 16 décembre 2003.
13. Le dispositif de la décision est rédigé dans les termes suivants:
«Article premier
Le régime d’aides d’État prévu à l’article 44 septies du code général des impôts, sous la forme d’un régime d’exonérations fiscales en faveur des entreprises reprenant les actifs d’entreprises en difficulté, mis à exécution par la République française en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité est incompatible avec le marché commun, sans préjudice des articles 2 et 3.
Article 2
Les exonérations octroyées au titre du régime visé à l’article 1er ne constituent pas des aides d’État si elles remplissent les conditions énoncées par le règlement (CE) no 69/2001[ ( 7 )] ou par les règles de minimis applicables au moment de leur octroi.
Article 3
Les aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui remplissent les conditions énoncées par la communication de 1979 sur les régimes d’aides à finalité régionale ou par les lignes directrices de 1998 concernant les aides d’État à finalité régionale, ou par le règlement (CE) no 70/2001[ ( 8 )], sont compatibles avec le marché commun à concurrence des intensités admissibles.
Article 4
La République française est tenue de supprimer le régime d’aides visé à l’article 1er.
Article 5
La République française prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er, autres que celles visées aux articles 2 et 3, et illégalement mises à leur disposition.
La récupération a lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. […]
Article 6
La République française informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises et envisagées pour s’y conformer.
Article 7
La République française […] dressera une liste exhaustive des entreprises ayant bénéficié des exonérations octroyées au titre du régime visé à l’article 1er et des montants versés dans chaque cas.
La République française dressera une liste des entreprises ayant bénéficié des aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui ne remplissent pas les conditions [d’exonération visées aux articles 2 et 3 de la décision]. Cette liste précisera également les montants d’aide dont chacune de ces entreprises a bénéficié.
[…]»
14. Plutôt que de contester la validité de la décision, la République française a, dans un premier temps, suspendu l’article 44 septies par l’instruction administrative 4 H-2-04 du 4 mars 2004 ( 9 ). Elle l’a ensuite amendé au moyen de l’article 41 de la loi 2004-1485 du 30 décembre 2004 ( 10 ). La version amendée a été acceptée par la Commission ( 11 ).
Évolution de la décision
15. Entre le mois de décembre 2003 et le mois de juillet 2006, la Commission et la République française ont échangé une série de lettres et de memoranda concernant la décision. Des fonctionnaires des deux parties se sont également rencontrés pour discuter des modalités du recouvrement, mais ni la correspondance ni ces réunions n’ont débouché sur la récupération d’aucune des aides illégales.
16. La chronologie des échanges entre la Commission et les autorités françaises est exposée dans les annexes de la requête. Je trouve plus utile de les résumer en me référant aux arguments invoqués par chacune des parties.
Le nombre d’entreprises concernées
17. La première question à résoudre était celle de savoir combien d’entreprises avaient été touchées par la décision. Au départ, les autorités françaises estimaient qu’à peu près 2000 entreprises pouvaient être concernées. Un mois plus tard environ, elles ont envoyé à la Commission des données préliminaires indiquant que le nombre des entreprises susceptibles d’avoir bénéficié d’une aide en application de ces dispositions fiscales était plus proche de 4000. Lorsque la Commission a engagé la
procédure, la République française avait fourni trois listes de bénéficiaires ( 12 ).
Les aides accordées avant l’exercice fiscal 1994
18. Au cours de la première réunion, les autorités françaises ont indiqué que la loi française limitait l’obligation de garder les documents comptables à dix ans et qu’il n’existait dès lors pas de documents pour la période antérieure à l’exercice fiscal 1994. La Commission a reconnu qu’il était impossible de récupérer les aides octroyées avant cette date. Elles ne sont dès lors pas concernées par la présente procédure.
Les bénéficiaires qui ont cessé leurs activités
19. Au cours de la première réunion, la République française a indiqué que certains bénéficiaires pouvaient avoir mis fin à leurs activités. Dix mois plus tard, elle a déclaré qu’il s’agissait d’environ 140 entreprises. Au cours de la troisième réunion entre les parties, la Commission est convenue que la décision pouvait être considérée comme ayant été mise en œuvre lorsqu’une entreprise avait cessé toute activité économique.
Définition des priorités
20. En ce qui concerne les bénéficiaires qui avaient cédé leurs actifs à d’autres sociétés, la Commission a proposé que la République française limite ses contrôles aux principales d’entre elles et s’assure que les cessions avaient eu lieu aux conditions du marché.
21. D’une manière plus générale, la Commission a proposé que, dans l’exercice de récupération des aides illégales, les autorités françaises s’intéressent en premier lieu aux distorsions de la concurrence les plus importantes. La République française a accepté cette proposition, mais elle a indiqué qu’elle répartirait les bénéficiaires en deux groupes, le premier réunissant les entreprises entièrement exemptées du remboursement et le second celles dont les dossiers feraient l’objet d’un examen
approfondi visant à déterminer le montant exact des sommes à rembourser.
22. Le 16 mars 2005, la République française a fourni à la Commission une liste de 55 bénéficiaires qu’elle avait identifiés comme devant rembourser chacun plus d’un million d’euros.
L’octroi de nouvelles aides à certains bénéficiaires
23. La République française a proposé d’accorder de nouvelles aides à certains bénéficiaires. La Commission lui a rétorqué qu’il convenait de ne pas faire de lien entre ces nouvelles aides et l’obligation de rembourser les sommes versées en application du régime d’aide au rachat d’entreprises en difficulté. Le 7 juillet 2006, la République française a adressé à la Commission une liste indiquant les bénéficiaires qui devaient rembourser des sommes inférieures à 200000 euros et elle a proposé de leur
octroyer de nouvelles aides destinées à couvrir leurs dettes liées au remboursement des aides illégales ( 13 ).
La définition des PME
24. La République française a demandé l’autorisation d’appliquer une définition simplifiée des PME. La Commission lui a fait observer que se concentrer sur les PME irait à l’encontre de l’ordre des priorités qu’elle avait précisé pour la récupération des aides, mais elle a finalement accepté, à titre exceptionnel, de simplifier les critères normaux permettant de définir une PME aux fins de l’exonération de l’obligation de remboursement.
La base légale du recouvrement
25. Au cours de la seconde réunion, la République française a expliqué qu’elle était confrontée à des difficultés dans la recherche d’une base légale appropriée en droit national sur laquelle fonder la procédure de récupération et qu’un acte réglementaire ou une modification législative serait nécessaire pour obliger les entreprises à rembourser l’aide. Il ne semble pas qu’aucune modification législative ait effectivement eu lieu. Au lieu de cela, les autorités françaises ont entrepris de recouvrer
les aides illégales sur une base ad hoc.
26. Cette procédure ad hoc nécessitait la coopération des bénéficiaires. De surcroît, certaines démarches procédurales s’avéraient nécessaires avant que l’aide illégale puisse être récupérée. La République française a insisté sur le fait qu’il était essentiel de déterminer le montant précis de l’aide à récupérer avant d’envoyer les ordres de recouvrement et elle a évoqué la masse de travail administratif que cela impliquait. Elle a également souligné la nécessité d’éviter les recours
post-recouvrement que les bénéficiaires pourraient engager à l’encontre de l’État.
Le calendrier de la récupération
27. La Commission a demandé aux autorités françaises de lui communiquer le calendrier selon lequel elles comptaient récupérer les aides auprès des grandes entreprises établies en dehors des zones bénéficiant du régime des aides à finalité régionale, mais elles n’en ont rien fait.
Explication pour les retards de recouvrement
28. La République française a fourni un certain nombre d’explications politiques qui justifieraient les retards dans le recouvrement des aides illégales: les réactions des sociétés concernées; le préjudice potentiel que le recouvrement de l’aide pourrait entraîner pour elles; le risque d’impact sur le niveau de l’emploi et l’éventuel effet néfaste qu’une récupération à grande échelle des aides illégales pourrait avoir sur le lancement de la campagne en vue du référendum français sur le traité
instituant une Constitution européenne.
Le montant des aides à récupérer
29. La Commission a demandé à la République française d’expliquer comment elle avait l’intention de calculer le montant de l’aide à récupérer auprès de chacun des bénéficiaires. La République française a expliqué que ses calculs seraient basés sur l’avantage que chaque société avait effectivement tiré de l’aide. La Commission avait déjà indiqué qu’une telle base était conceptuellement incorrecte et elle a donc rejeté la méthode de calcul des sommes à récupérer proposée par la République française.
La récupération des aides
30. La Commission a demandé à la République française de lui exposer la procédure qu’elle avait l’intention de suivre pour récupérer les aides illégales. Rien n’indique que cela a été fait.
31. Au mois de janvier 2006, la Commission lui a ensuite demandé d’expédier les ordres de recouvrement aux sociétés qu’elle avait déjà identifiées et dont elle avait déjà calculé le montant des aides illégalement perçues. Deux mois plus tard, elle lui a demandé de confirmer que les ordres avaient bel et bien été envoyés. Au moment où la présente procédure a été engagée en avril 2007, la République française n’avait pas encore expédié les ordres de recouvrement.
32. Au mois d’août 2004, la Commission a commencé à manifester son inquiétude que les sommes dues n’avaient toujours pas été effectivement récupérées. En janvier 2005, elle a fait savoir que la procédure de récupération devait démarrer avant avril et elle a menacé d’engager une procédure conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE. La République française a répondu à cette lettre à la mi-mars. Un an plus tard (en mars 2006), la Commission a de nouveau menacé d’introduire un recours conformément à
l’article 88, paragraphe 2, CE. La République française a répondu en juillet 2006 en insistant sur les difficultés auxquelles elle était confrontée et elle a fourni deux listes de sociétés qui n’avaient rien à rembourser.
33. C’est après avoir reçu cette dernière lettre que la Commission a saisi la Cour conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE.
La procédure devant la cour
34. La Commission demande à la Cour de déclarer que la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 6 de la décision, du quatrième alinéa de l’article 249 CE et de l’article 10 CE.
35. La Commission fait grief à la République française de n’avoir pas immédiatement et effectivement récupéré les aides illégales comme la décision lui imposait de le faire. La République française n’a récupéré aucune des sommes dues ni effectué aucune démarche de nature à en assurer la récupération effective. Elle n’a pas davantage démontré qu’il lui était absolument impossible de recouvrer les aides illégales. Au contraire, elle a adopté une attitude de nature à enfreindre le devoir de coopération
loyale que lui fait l’article 10 CE.
36. La République française rétorque qu’elle a entrepris un certain nombre de démarches afin de récupérer les aides comme la décision lui en fait l’obligation. Tout au long de la procédure, elle n’a cessé de souligner et d’expliquer les difficultés auxquelles ces autorités étaient confrontées. Ces difficultés ont entraîné une situation dans laquelle il a, jusqu’à présent, été impossible de récupérer les aides illégales. Elle soutient qu’elle a activement appliqué la procédure de recouvrement des
aides, que la Commission a gravement sous-estimé les difficultés auxquelles la République française est confrontée et qu’elle n’a pas enfreint les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE.
37. La Commission et la République française ont présenté tous les mémoires prévus par la procédure écrite. Aucune audience n’a été tenue.
Les obligations des États membres
La nature de l’obligation
38. Les États membres sont en principe tenus de récupérer les aides d’État illégales. Cette obligation générale résulte de l’article 88, paragraphe 2, CE et du règlement no 659/1999. La décision individuelle déclarant illégale une forme particulière d’aide d’État impose une obligation plus spécifique à l’État membre auquel elle est adressée. La décision est obligatoire pour son destinataire.
39. Ces obligations visent autant que possible au rétablissement de la situation antérieure et à l’élimination des avantages anticoncurrentiels créés par les aides d’État illégales ( 14 ).
40. La République française est la destinataire de la décision. Bien que la décision n’imposât pas un délai spécifique pour la récupération des aides illégales, elle imposait à la République française de procéder à la récupération «sans délai» (article 5). Les parties s’entendent à dire qu’aucune récupération n’a eu lieu avant que la Commission engage le présent recours. La République française ne s’est dès lors pas acquittée de l’obligation de résultat que lui faisait la décision.
41. L’article 5 de la décision impose également une obligation concernant la manière d’atteindre le résultat prescrit. Il fait obligation à la République française de prendre «toutes les mesures nécessaires» et précise que la récupération «a lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la […] décision» ( 15 ).
42. Selon moi, il est dénué de pertinence d’analyser en détail la manière dont un État membre a cherché à récupérer les aides lorsqu’il a totalement manqué à son obligation de résultat.
L’exception d’impossibilité absolue
43. La Cour a toujours dit pour droit que seule une impossibilité absolue est susceptible de justifier la non-récupération des aides d’État illégales ( 16 ). La Cour interprète cette exception de manière stricte et ne considère pas que la simple «crainte de difficultés internes» puisse entraîner une impossibilité absolue ( 17 ).
44. Il importe de souligner que l’exception d’impossibilité absolue s’attache au résultat à atteindre: la récupération de l’aide illégale. Si elle pouvait être invoquée à propos de la manière dont cette récupération a été effectuée, il serait trop facile pour un État membre de choisir une procédure dont il s’est avéré qu’elle ne permet pas la récupération de l’aide illégale et de prétendre ensuite qu’il est dégagé de son obligation de récupérer l’aide.
45. Certains devoirs complémentaires se présentent lorsqu’un État membre rencontre des difficultés à récupérer les aides. C’est ainsi que la Cour a constamment dit pour droit que la condition relative à l’impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque le gouvernement défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présente la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre une véritable démarche auprès des entreprises en cause aux
fins de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission d’autres modalités de mise en œuvre de cette décision qui auraient permis de surmonter ces difficultés. Un État membre ne peut se prévaloir de l’exception d’impossibilité absolue que s’il a attiré l’attention de la Commission sur ces problèmes et s’il a essayé de résoudre les difficultés auxquelles il est confronté ( 18 ).
46. Un État membre ne peut donc prétendre qu’il a «fait tout ce qu’il pouvait» pour récupérer les sommes en question que si les circonstances contribuent à créer une impossibilité absolue objective ( 19 ). Il ne peut pas fonder cette exception sur sa perception subjective propre de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas.
L’obligation résultant de l’article 10 CE
47. L’article 10 CE impose une obligation générale de coopération sincère aux États membres.
48. Un État membre demeure évidemment tenu par cette obligation même lorsqu’il rencontre des difficultés à récupérer l’aide illégale. L’obligation spécifique d’exécuter une décision imposant la récupération d’aides d’État et l’obligation plus générale faite par l’article 10 CE sont étroitement liées; l’article 10 CE façonne la manière dont un État membre doit agir au cours de la procédure de récupération ( 20 ).
49. La Cour a en effet été extrêmement explicite en ce qui concerne les exigences qui découlent de l’article 10 CE si ou lorsqu’un État membre rencontre des difficultés à récupérer une aide d’État illégale. Dans l’arrêt Commission/Espagne, elle a dit pour droit qu': «un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre
ces problèmes à l’appréciation de cette dernière, en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire notamment l’article 10 CE, la Commission et l’État membre doivent collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité, et notamment de celles relatives aux aides.» (
21 )
50. J’examinerai donc le comportement des autorités françaises en deux étapes. Tout d’abord, la République française a-t-elle démontré qu’il lui était absolument impossible de récupérer les aides illégales? Deuxièmement, la République française s’est-elle acquittée des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 10 CE en cherchant à résoudre comme elle l’a fait les difficultés auxquelles elle était confrontée?
L’impossibilité absolue alléguée de récupérer les aides illégales
51. La République française a évoqué un certain nombre de circonstances spécifiques qui, selon elle, ont produit une situation d’impossibilité absolue.
52. La République française allègue en premier lieu qu’il était absolument impossible d’identifier les bénéficiaires des aides accordées avant la fin de l’exercice fiscal 1993 parce que les documents comptables ne sont conservés que pendant dix ans. La Commission a accepté cet argument et le recours de la Commission ne porte pas sur la récupération de ces aides-là ( 22 ).
53. Deuxièmement, les autorités françaises ont identifié 204 sociétés qui avaient cessé leurs activités après avoir bénéficié de l’aide en application du régime d’aide à la reprise des entreprises en difficulté. La République française fait valoir que, dans le cas de ces sociétés, il est absolument impossible d’exécuter la décision ordonnant la récupération des aides.
54. Lorsqu’une société disparaît simplement en ne laissant derrière elle qu’une coquille vide dans le registre des sociétés, il devient, en pratique, impossible de récupérer l’aide illégale. Néanmoins, lorsqu’une société tombe en faillite, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être obtenus par l’inscription au tableau des créances de la créance relative à la restitution des aides
concernées ( 23 ).
55. Lorsqu’une société est déclarée en faillite aux termes d’une procédure judiciaire et que le juge tient compte de l’aide illégale pour adopter sa décision, l’obligation de récupérer l’aide illégale sera soit remplie (si la société a suffisamment d’actifs pour rembourser l’aide à ce moment-là) soit prendra fin avec la liquidation de la société, qui mettra un terme à la distorsion de la concurrence.
56. Lorsqu’un bénéficiaire poursuit ses activités et que ses actifs sont vendus à une autre société ( 24 ), la Cour a dit pour droit qu’il incombait à l’État membre concerné de s’assurer que l’acheteur les avait bien acquis aux conditions du marché ( 25 ) sans chercher à se soustraire à l’obligation de rembourser l’aide illégale.
57. Dans ses mémoires, la Commission s’est référée aux critères énoncés dans l’arrêt Banks ( 26 ), qui ne prévoit pas l’obligation de vérifier si la vente a eu lieu dans le but de contourner l’obligation de rembourser l’aide illégale. L’affaire Banks concernait cependant la vente d’actions, alors que la présente affaire porte sur la vente d’actifs, de sorte que les critères pertinents sont ceux qui sont énoncés dans l’arrêt Allemagne/Commission. Dans celui-ci, la Cour a adopté l’approche qu’elle
avait suivie dans l’affaire Banks ( 27 ), mais elle l’a modifiée en fonction des particularités de l’achat d’actifs au lieu d’actions ( 28 ) et elle a appliqué cette approche modifiée à la vente d’actifs ( 29 ). Je ne vois aucune raison de s’écarter de l’approche exposée dans l’arrêt Allemagne/Commission.
58. La République française prétend qu’il est parfois impossible de déterminer si c’est au bénéficiaire initial ou à l’acheteur qui a acquis les actifs qu’incombe l’obligation de rembourser l’aide illégale. Dans certaines circonstances, les actifs cédés sont parfois de nature tellement inhabituelle qu’il n’existe aucun point de comparaison qui permettrait de déterminer le prix hypothétique que cet actif pourrait valoir sur le marché.
59. Je ne peux pas accepter un tel argument.
60. La Cour s’est montrée réticente à admettre qu’une situation particulière pouvait poser des problèmes insurmontables ( 30 ). De surcroît, il serait (je suppose) assez inhabituel que les actifs cédés soient vraiment uniques. La République française ne peut pas se prévaloir d’une objection purement hypothétique. Elle n’a d’ailleurs pas démontré qu’il s’agirait là de la situation d’aucune des sociétés en question ni, a fortiori, de la majorité d’entre elles ou de leur totalité.
61. La République française n’a pas non plus démontré que ses autorités ne disposent pas de moyens d’enquêter sur de telles ventes ou qu’elles auraient effectivement entrepris de telles enquêtes. J’ajoute que, si les autorités compétentes imposaient aux sociétés repreneuses la charge de prouver que la vente a eu lieu aux conditions normales du marché, les éléments nécessaires à l’évaluation des transactions individuelles pourraient suivre.
62. La République française fait également valoir que, lorsqu’un acheteur n’a pas connaissance de la dette liée au remboursement de l’aide au moment où il a acquis les actifs de la société en liquidation, il ne saurait être considéré comme étant tenu de rembourser l’aide illégale, même si la vente a eu lieu à un prix inférieur au prix du marché. La République française prétend qu’une action en recouvrement à son encontre serait dénuée de fondement juridique en droit national.
63. Comme la Commission l’a fait observer à bon droit, admettre l’argumentation de la République française encouragerait les repreneurs à éviter d’être au courant de l’existence de pareilles dettes. De surcroît, l’absence de fondement légal pour une action en recouvrement en droit national ne saurait équivaloir à une impossibilité absolue.
64. Je considère les situations spécifiques décrites plus haut comme relevant de la catégorie des difficultés internes. La République française n’a donc pas démontré l’impossibilité absolue à cet égard.
65. Les arguments plus généraux que la République française déduit de l’impossibilité sont fondés sur la prémisse qu’elle a le droit de se prévaloir des difficultés qu’elle a rencontrées à chaque étape du processus de récupération de l’aide et qui auraient ralenti celui-ci. Comme je l’ai indiqué plus haut ( 31 ), la manière dont un État membre a organisé la procédure de récupération ne peut pas être prise en considération pour évaluer l’impossibilité absolue lorsqu’il n’a absolument pas récupéré
l’aide illégale en pratique.
66. Lorsqu’elle a pris les mesures que comporte l’exécution de la décision, la République française a, en réalité, identifié les principaux bénéficiaires tenus de rembourser l’aide illégale. Elle a déterminé le montant dû par chacun d’entre eux. Je ne peux voir aucune raison tangible — et encore moins un obstacle insurmontable — qui empêcherait les autorités françaises d’envoyer des ordres de recouvrement à ces bénéficiaires.
67. Je conclus dès lors que la République française n’a pas réfuté les griefs de la Commission et n’a pas non plus démontré l’impossibilité absolue de récupérer les aides accordées aux sociétés à partir de l’exercice fiscal 1994. La République française a donc manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 6 de la décision et (ce qui est une conséquence nécessaire du premier manquement) aux obligations qui lui incombent en vertu du quatrième alinéa de l’article 249 CE.
L’article 10 CE
68. Le devoir de coopération loyal entre les États membres et la Commission au cours de la procédure de récupération repose sur la nécessité de garantir l’exécution immédiate et effective de la décision ainsi que la récupération sans délai des sommes versées à titre d’aides illégales.
69. La décision est datée du 16 décembre 2003. Les autorités françaises n’ont récupéré aucune des aides illégales ni pris de mesures véritablement efficaces pour arriver à un tel résultat.
70. Au contraire, l’approche qu’elles ont suivie pour recouvrer les sommes dues était aux antipodes de celle qui aurait permis de récupérer rapidement les aides illégales, du moins en partie.
71. Premièrement, les autorités françaises ont consacré beaucoup de temps et d’énergie à minimiser le nombre de sociétés qui auraient dû effectuer des remboursements ainsi que les montants à rembourser. En revanche, elles n’ont fait aucun effort pour récupérer l’aide auprès de bénéficiaires qui étaient d’emblée clairement identifiables comme étant redevables de sommes élevées ( 32 ).
72. Deuxièmement, la République française a choisi d’appliquer une procédure de récupération ad hoc qui exigeait que les bénéficiaires des aides illégales participent et coopèrent de manière active. Il n’est peut être pas étonnant que l(a tentative d)’utilisation d’une telle procédure ait entraîné un certain nombre de problèmes. Les bénéficiaires en question n’étaient guère disposés à se faire connaître et à ouvrir les comptes de leurs entreprises ou à fournir d’autres informations qui étaient en
leur possession. Lorsque les ordres de recouvrement seront expédiés, il est fort possible que des difficultés supplémentaires apparaîtront ( 33 ).
73. La Commission a laissé entendre qu’une coopération si approfondie n’aurait sûrement pas été nécessaire si les autorités françaises avaient simplement exigé des bénéficiaires de l’aide qu’ils payent l’impôt dont ils avaient été originellement exonérés et leur avaient laissé le soin de fournir les preuves nécessaires pour démontrer que tout ou partie de ce montant relevait des catégories d’aide d’État compatibles visées aux articles 2 et 3 de la décision. Je suis d’accord.
74. La procédure suivie par les autorités françaises exigeait apparemment aussi que les ordres de recouvrement soient groupés par département avant de pouvoir être émis. La République française n’a pas expliqué pourquoi il devrait en être ainsi.
75. La République française a fait valoir que ses autorités étaient obligées d’utiliser une procédure ad hoc afin de surmonter deux problèmes.
76. Premièrement, elle fait valoir que son droit national ne contient aucune base juridique adéquate permettant de recouvrer ces dettes. Comme je l’ai déjà indiqué, cet argument ne saurait prospérer. Si l’ordre juridique national d’un État membre ne contient pas les mécanismes nécessaires pour lui permettre de s’acquitter de ses obligations de droit communautaire, c’est à cet État membre qu’il incombe de les mettre en place. Il ne s’agit là que d’une conséquence logique de la nature obligatoire des
décisions prévue à l’article 249 CE.
77. Deuxièmement, la République française prétend qu’il n’est pas possible de recouvrer ces dettes au moyen des procédures utilisées pour le recouvrement des dettes fiscales ordinaires, qui bénéficient d’un délai de prescription de trois ans. C’est la raison pour laquelle elle devait appliquer une procédure ad hoc qui requiert la coopération des bénéficiaires de l’aide.
78. Je n’accepte pas cet argument. Le droit communautaire impose à la République française de récupérer les aides illégales, qu’elles aient ou non la nature de dettes fiscales en droit national. Un État membre ne saurait se soustraire à son obligation de récupérer des aides illégales en se prévalant de la confiance légitime des bénéficiaires de celles-ci ( 34 ).
79. Si les autorités françaises considèrent que le droit national les oblige à utiliser une procédure ad hoc, elles doivent en appliquer une qui entraîne la récupération immédiate et effective des aides illégales. Une procéduread hoc dans la forme ne requiert pas nécessairement la coopération des bénéficiaires de l’aide. Il était loisible aux autorités françaises de choisir une procédure de récupération en fonction de l’obligation primordiale qui leur incombe d’en retenir une qui permette à la
République française de s’acquitter de ses obligations. Il apparaît néanmoins que la procédure qu’elles ont choisie s’est avérée singulièrement inefficace et qu’elle a entraîné des difficultés que la République française ne s’est pas véritablement employée à résoudre. Il est difficile de considérer une telle approche comme compatible avec l’esprit de coopération requis par l’article 10 CE.
80. J’observe également que la République française a l’intention d’accorder des nouvelles aides aux bénéficiaires qui ont été identifiés comme étant redevables de moins de 200000 euros ( 35 ), profitant ainsi du fait qu’au cours des années qui se sont écoulées entre la notification de la décision et l’engagement de la présente procédure, le seuil de minimis a été porté de 100000 à 200000 euros. Une telle approche ne renforce pas davantage l’impression d’un État membre agissant dans un esprit de
coopération loyale.
81. La République française ne conteste pas qu’elle n’a pas informé la Commission dans le délai imposé par l’article 6 de la décision. Bien que la Commission n’ait pas assorti d’un délai ferme l’obligation de récupérer les aides faite par l’article 5 de la décision, elle en a néanmoins imposé un certain nombre au cours des échanges prolongés qu’elle a eus avec les autorités françaises ( 36 ). Celles-ci n’en ont respecté aucun.
82. Le fait qu’au moment où la Commission a introduit la procédure, à savoir trois ans et quatre mois après la publication de la décision, pas un centime de l’aide initiale n’ait été récupéré se passe de tout commentaire.
83. C’est pourquoi je conclus que la République française a également enfreint les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 10 CE.
Conclusion
84. Je suggère dès lors à la Cour de dire pour droit qu’à n’avoir pas récupéré les sommes versées aux sociétés reprenant les activités d’entreprises en difficulté, la République française n’a pas exécuté la décision 2004/343/CE de la Commission, du 16 décembre 2003, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France concernant la reprise d’entreprises en difficulté, et a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 5 et 6 de cette décision, en vertu du quatrième alinéa de
l’article 249 CE et en vertu de l’article 10 CE.
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( 1 ) Langue originale: l'anglais.
( 2 ) Décision du 16 décembre 2003, concernant le régime d’aide mis à exécution par la République française concernant la reprise d’entreprises en difficulté (JO 2004, L 108, p. 38).
( 3 ) Règlement du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE [devenu article 88 CE] (JO L 83, p. 1). Les dispositions applicables en l’espèce sont demeurées en vigueur et n’ont pas été amendées.
( 4 ) Voir, en particulier, le treizième considérant de l’exposé des motifs ainsi que l’article 14 du règlement no 659/1999.
( 5 ) Introduit par l’article 14A de la loi 88-1149 du 23 décembre 1988 (loi de finances pour 1989), Journal officiel de la République française du 28 décembre 1988. L’article 44 septies a été amendé à cinq reprises avant d’être abrogé et remplacé par une disposition déclarée compatible avec le marché commun par la Commission (voir le point 14 plus bas).
( 6 ) JO 2004, C 244, p. 2.
( 7 ) Règlement (CE) no 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides des minimis (JO L 10, p. 30).
( 8 ) Règlement (CE) no 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO L 10, p. 33), qui met en place un régime spécifique pour l’octroi des aides d’État aux petites et moyennes entreprises (ci-après les «PME»). Ce régime comporte en particulier un certain nombre de conditions que ces aides doivent remplir.
( 9 ) Bulletin officiel des impôts, no 43 du 4 mars 2004. La Commission a été avisée de cette mesure par lettre du 26 avril 2004.
( 10 ) Loi de finances rectificative pour 2004, JORF du 31 décembre 2004.
( 11 ) Décision N553/04 du 1er juin 2005 approuvant le nouvel article 44 septies (JO C 242, p. 5). Par la même décision, la Commission reconnaît que les articles 1383 A et 1464 B sont également compatibles avec le droit communautaire.
( 12 ) La République française a fourni une liste supplémentaire de bénéficiaires en annexe à sa duplique. Dans ces quatre listes, les autorités françaises identifiaient un total de 721 sociétés. Parmi celles-ci, 143 étaient susceptibles de rembourser plus de 200000 euros d’aide illégale. L’écart entre les premières estimations et le nombre d’entreprises figurant sur les listes peut (éventuellement) s’expliquer par le fait que les autorités françaises auraient limité leurs contrôles aux entreprises
dont les déclarations fiscales étaient soumises au «régime réel normal» (c’est-à-dire dont les revenus excédaient le seuil de minimis applicable à ce régime) et qu’elles auraient en conséquence exclu les sociétés dont les déclarations étaient soumises au «régime simplifié» ainsi que celles qui avaient bénéficié d’exonérations inférieures au seuil de minimis.
( 13 ) Il existe une disparité apparente entre le maximum de l’aide de minimis prévu par le règlement no 69/2001 et celui que cite la République française. Le premier établit un plafond de 100000 euros. Le règlement no 1998/2006 (JO L 379, p. 5) — qui est d’application depuis le 1er janvier 2007 — a porté ce plafond à 200000 euros. Si cette modification ne peut avoir aucun impact sur la classification des aides initialement versées, le nouveau plafond s’appliquera aux nouvelles aides d’État
octroyées.
( 14 ) Arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce (C-419/06, points 53 et 54 ainsi que jurisprudence citée).
( 15 ) En imposant ces obligations, l’article 5 de la décision ne fait que reprendre la substance de l’article 14 du règlement no 659/1999, qui oblige les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer sans délai toutes sommes illégalement versées à titre d’aide d’État en exécution immédiate et effective de la décision. La Cour a toujours souligné la nécessité d’assurer une exécution immédiate et effective de la décision en question. Voir arrêts du 12 décembre 2002,
Commission/Allemagne (C-209/00, Rec. p. I-11695, points 33 et 34); du 5 octobre 2006, Commission/France (C-232/05, Rec. p. I-10071, points 49 et 50), et Commission/Grèce, précité (points 57 à 61).
( 16 ) Arrêt Commission/Grèce, précité (point 39 ainsi que jurisprudence citée).
( 17 ) Arrêt du 26 juin 2003, Commission/Espagne (C-404/00, Rec. p. I-6695, point 55).
( 18 ) Voir, tout récemment, arrêt Commission/Grèce, précité (point 40 ainsi que jurisprudence citée).
( 19 ) Il est de jurisprudence constante que les États membres ne peuvent pas invoquer les particularités de leurs propres systèmes légaux à l’appui d’une exception d’impossibilité absolue. Voir arrêts du 27 avril 1988, Commission/Italie (225/86, Rec. p. 2271, point 10), et du 10 juin 1993, Commission/Grèce (C-183/91, Rec. p. I-3131, point 17). Au point 72 des conclusions présentées dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Commission/France, précité, l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a rejeté, à
bon droit, selon moi, un argument qui était probablement basé de manière implicite sur des restrictions résultant du système juridique de l’État membre en question.
( 20 ) Cette jurisprudence est constante depuis l'arrêt du 15 janvier 1986, Commission/Belgique (52/84, Rec. p. 89, point 16). Elle a été confirmée tout récemment dans l'arrêt du 12 mai 2005, Commission/Grèce (C-415/03, Rec. p. I-3875, point 42).
( 21 ) Arrêt du 2 juillet 2002, Commission/Espagne (C-499/99, Rec. p. I-6031, point 24).
( 22 ) La République française ne peut se prévaloir de l’exception d’impossibilité absolue que pour les documents comptables qui, au moment où la décision est entrée en vigueur, avaient été déjà détruits après l’expiration du délai de conservation obligatoire de dix ans. Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’au début de la procédure de récupération, les autorités françaises disposaient des documents comptables des exercices fiscaux de 1994 et suivants.
( 23 ) Arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C-277/00, Rec. p. I-3925, point 85 ainsi que jurisprudence citée).
( 24 ) Ou à plusieurs sociétés: le fait que les actifs soient rachetés par plus d’une société n’affecte en rien l’analyse, même si cette pluralité de repreneurs est susceptible de rendre plus difficile en pratique l’identification des débiteurs.
( 25 ) Arrêt Allemagne/Commission, précité (point 86).
( 26 ) Arrêt du 20 septembre 2001 (C-390/98, Rec. p. I-6117).
( 27 ) Point 80 de l’arrêt
( 28 ) Point 86 de l’arrêt.
( 29 ) Points 92 et 93 de l’arrêt.
( 30 ) Dans l'arrêt du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission (C-328/99, Rec. p. I-4035), la Cour a disséqué le relevé des conditions du marché qu’avait dressé la Commission. Elle s’est référée à un hypothétique «investisseur privé» pour évaluer les actions de l’investisseur concerné (points 37 à 40) et elle a accepté qu’un expert indépendant évalue le prix payé (point 72).
( 31 ) Au point 42.
( 32 ) À savoir les 55 sociétés redevables de plus d’un million d’euros chacune et dont l’identité avait été établie dès le mois de mars 2005.
( 33 ) La Commission a exprimé des doutes concernant la nécessité alléguée de coopération. En particulier, elle se demande si la coopération de toutes les sociétés était nécessaire.
( 34 ) Arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission (C-372/97, Rec. p. I-3679, point 112).
( 35 ) La Commission estime que l’octroi de nouvelles aides ne devrait pas être lié au remboursement des anciennes aides qui ont été déclarées illégales. Je ne m’étendrai pas sur le sujet parce que ces questions sont étrangères à la saisine de la Cour.
( 36 ) Ces délais ont été impartis dans l’ordre suivant: le délai de notification des mesures de récupération proposées (fin mars 2004); le délai d’envoi d’une liste des bénéficiaires redevables de plus d’un million d’euros (1er octobre 2004); le délai d’envoi d’un calendrier de récupération (1er mars 2005); le délai de lancement des opérations de récupération (1er avril 2005); le nouveau délai de notification (mi-juin 2005); le délai d’envoi des ordres de recouvrement (début février 2006) et le
délai d’envoi d’une liste des bénéficiaires redevables de plus de 100000 euros (7 juin 2006). La République française a elle-même proposé un délai pour l’envoi des ordres de recouvrement (31 mai 2006), qu’elle n’a pas davantage respecté.