CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M^ME VERICA TRSTENJAK
présentées le 28 septembre 2010 (1)
Affaire C‑241/09
Fluxys SA
contre
Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG)
[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique)]
«Politique énergétique – Marché intérieur du gaz naturel – Directive 2003/55/CE – Règlement (CE) n° 1775/2005 – Exception pour les contrats historiques – Principe d’‘accès non discriminatoire aux réseaux de transport de gaz naturel’ – Loi nationale instaurant deux régimes distincts, l’un pour les activités d’acheminement, l’autre pour les activités de transit – Situations comparables – Critères pertinents pouvant justifier un traitement différencié – Généralisation basée sur la distinction entre
l’acheminement et le transit»
I – Introduction
1. Par la présente demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE (2), la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) demande si les dispositions de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE (3), ainsi que du règlement (CE) n° 1775/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 28 septembre 2005, concernant les conditions d’accès aux réseaux de
transport de gaz naturel (4), s’opposent à une loi nationale qui prévoit, au sein de la réglementation pour les tarifs de transport de gaz naturel, des régimes distincts, l’un pour le gaz naturel distribué ou fourni en Belgique (ci‑après l’«acheminement»), et l’autre pour le gaz naturel dont la destination se situe hors du territoire belge (ci‑après le «transit»).
II – Le cadre juridique
A – Le droit communautaire (5)
2. La directive 91/296/CEE du Conseil, du 31 mai 1991, relative au transit du gaz naturel sur les grands réseaux (6), visait à encourager les échanges de gaz naturel entre grands réseaux de gazoducs à haute pression des pays européens. Elle contenait une «obligation de transit» du gaz naturel sur les grands réseaux. L’article 2, paragraphe 1, de la directive 91/296 définissait le transit de la manière suivante:
«Constitue un transit du gaz naturel entre grands réseaux, aux fins de la présente directive et sans préjudice d’accords particuliers conclus entre la Communauté et les pays tiers, toute opération de transport du gaz naturel répondant aux conditions suivantes:
a) le transport est effectué par l’entité ou les entités qui sont responsables dans chaque État membre d’un grand réseau de gaz naturel à haute pression, à l’exclusion des réseaux de distribution, sur le territoire d’un État membre et qui participent au bon fonctionnement des interconnexions européennes à haute pression;
b) le réseau d’origine ou de destination finale est situé sur le territoire de la Communauté;
c) ce transport implique le franchissement, à tout le moins, d’une frontière intracommunautaire.»
3. La directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (7), définissait les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur du gaz naturel, d’accès au marché et d’exploitation des réseaux, ainsi que les critères et procédures applicables en ce qui concerne l’octroi d’autorisations de transport, de distribution, de fourniture et de stockage du gaz naturel. Elle imposait un accès régulé
notamment en ce qui concerne les infrastructures de transport.
4. La directive 2003/55 contient les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel qui sont applicables, ratione temporis, au litige au principal. Les deuxième, sixième à huitième, seizième, vingt-deuxième ainsi que trente et unième considérants de cette directive se lisent comme suit:
«(2) L’expérience acquise avec la mise en œuvre de [la directive 98/30] montre les avantages considérables qui peuvent découler du marché intérieur du gaz, en ce qui concerne les gains d’efficacité, les réductions de prix, l’amélioration de la qualité du service et l’accroissement de la compétitivité. Cependant, d’importantes lacunes subsistent et il est encore possible d’améliorer le fonctionnement de ce marché, il faut notamment prendre des dispositions concrètes pour assurer des conditions
de concurrence équitables et pour réduire le risque de domination du marché et de comportement prédateur, en garantissant des tarifs de transport et de distribution non discriminatoires par l’accès au réseau sur la base de tarifs publiés avant leur entrée en vigueur, et en garantissant la protection des droits des petits consommateurs vulnérables.
[…]
(6) Les principaux obstacles à l’achèvement d’un marché intérieur tout à fait opérationnel et compétitif sont liés, entre autres, à des questions d’accès au réseau, d’accès aux installations de stockage, de tarification, d’interopérabilité entre systèmes et de diversité des degrés d’ouverture des marchés entre les États membres.
(7) Pour le bon fonctionnement de la concurrence, l’accès au réseau doit être non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix.
(8) Afin d’achever le marché intérieur du gaz, l’accès non discriminatoire au réseau des gestionnaires de réseau de transport et de distribution revêt une importance primordiale. Un gestionnaire de réseau de transport ou de distribution peut consister en une ou plusieurs entreprises.
[…]
(16) Les autorités de régulation nationales devraient pouvoir fixer ou approuver les tarifs, ou les méthodes de calcul des tarifs, sur la base d’une proposition du gestionnaire du réseau de transport ou du (des) gestionnaire(s) du réseau de distribution ou du gestionnaire du réseau de [gaz naturel liquide (GNL)], ou sur la base d’une proposition agréée par ces gestionnaires et les utilisateurs du réseau. Dans l’exécution de ces tâches, les autorités de régulation nationales devraient veiller à
ce que les tarifs de transport et de distribution soient non discriminatoires et reflètent les coûts, et devraient tenir compte des coûts de réseau marginaux évités à long terme grâce aux mesures de gestion de la demande.
[…]
(22) Il convient de prendre d’autres mesures pour garantir, en ce qui concerne l’accès au transport, des tarifs transparents et non discriminatoires. Ces tarifs devraient être applicables sans discrimination à tous les utilisateurs. Lorsque l’installation de stockage, le stockage en conduite ou les services auxiliaires sont exploités sur un marché suffisamment concurrentiel dans un secteur déterminé, l’accès pourrait être autorisé sur la base de mécanismes de marché transparents et non
discriminatoires.
[…]
(31) À la lumière de l’expérience acquise avec le fonctionnement de la directive 91/296[...], il convient de prendre des mesures permettant la mise en place de régimes d’accès homogènes et non discriminatoires dans le domaine des activités de transport, y compris les flux transfrontaliers de gaz entre les États membres. Afin d’assurer des conditions homogènes d’accès au réseau de gaz, même dans le cas d’un transit, il convient d’abroger ladite directive, sans préjudice de la continuité des
contrats conclus en vertu de celle-ci. L’abrogation de la directive 91/296[...] ne devrait pas non plus être un obstacle à la conclusion de nouveaux contrats de longue durée.»
5. L’article 1^er, paragraphe 1, de la directive 2003/55, énonce ce qui suit:
«La présente directive établit des règles communes concernant le transport, la distribution, la fourniture et le stockage du gaz naturel. Elle définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur du gaz naturel, d’accès au marché, ainsi que les critères et procédures applicables en ce qui concerne l’octroi d’autorisations de transport, de distribution, de fourniture et de stockage du gaz naturel, et l’exploitation des réseaux.»
6. À son article 2, point 3, cette directive définit la notion de «transport» comme «le transport de gaz naturel via un réseau de gazoducs à haute pression autre qu’un réseau de gazoducs en amont, aux fins de fourniture à des clients, mais ne comprenant pas la fourniture».
7. L’article 3, paragraphes 3 et 4, de la directive 2003/55 dispose:
«3. Les États membres prennent les mesures appropriées pour protéger les clients finals et assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, et veillent en particulier à garantir une protection adéquate aux clients vulnérables, y compris en prenant les mesures appropriées pour leur permettre d’éviter l’interruption de la fourniture de gaz. Dans ce contexte, ils peuvent prendre les mesures appropriées pour protéger les clients raccordés au réseau de gaz dans les régions reculées. Les
États membres peuvent désigner un fournisseur du dernier recours pour les clients raccordés au réseau de gaz. Ils garantissent un niveau de protection élevé des consommateurs, notamment en ce qui concerne la transparence des conditions contractuelles, l’information générale et les mécanismes de règlement des litiges. Les États membres veillent à ce que le client éligible puisse effectivement changer de fournisseur. En ce qui concerne au moins les clients résidentiels, ces mesures incluent celles
figurant dans l’annexe A.
4. Les États membres mettent en œuvre les mesures appropriées pour atteindre les objectifs en matière de cohésion économique et sociale, de protection de l’environnement, qui peuvent comprendre des moyens de lutte contre le changement climatique, et de sécurité d’approvisionnement. Ces mesures peuvent inclure notamment des incitations économiques adéquates, en ayant recours, le cas échéant, à tous les instruments nationaux et communautaires existants, pour l’entretien et la construction des
infrastructures de réseau nécessaires, et en particulier de la capacité d’interconnexion.»
8. Aux termes de l’article 18 de ladite directive:
«1. Les États membres veillent à ce que soit mis en place, pour tous les clients éligibles, y compris les entreprises de fourniture, un système d’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution ainsi qu’aux installations de GNL. Ce système, fondé sur des tarifs publiés, doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau. Les États membres veillent à ce que ces tarifs, ou les méthodes de calcul de ceux-ci, soient approuvés avant leur entrée en
vigueur par l’autorité de régulation nationale visée à l’article 25, paragraphe 1, et que ces tarifs et les méthodes de calcul, lorsque seules les méthodes de calcul sont approuvées, soient publiés avant leur entrée en vigueur.
2. Les gestionnaires de réseaux de transport doivent, le cas échéant et dans le cadre de l’accomplissement de leurs tâches, notamment en ce qui concerne le transport transfrontalier, avoir accès au réseau d’autres gestionnaires de réseaux de transport.
3. Les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle à la conclusion de contrats à long terme pour autant qu’ils respectent les règles communautaires en matière de concurrence.»
9. L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2003/55 précise:
«Les États membres désignent un ou plusieurs organes compétents chargés d’exercer la fonction d’autorités de régulation. Ces autorités sont totalement indépendantes du secteur du gaz. Elles sont au minimum chargées, par l’application du présent article, d’assurer la non-discrimination, une concurrence effective et le fonctionnement efficace du marché, […]
[...]»
10. Aux termes de l’article 32 de la directive 2003/55:
«1. La directive 91/296[...] est abrogée avec effet au 1^er juillet 2004, sans préjudice des contrats conclus conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/296[...] qui continuent d’être valables et mis en œuvre conformément aux dispositions de ladite directive.
2. La directive 98/30[...] est abrogée à partir du 1^er juillet 2004, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les dates limites de transposition et de mise en application de ladite directive. Les références à la directive abrogée s’entendent comme faites à la présente directive et doivent être lues conformément à la table de concordance figurant à l’annexe B.»
11. Le règlement n° 1775/2005 contient les règles relatives aux conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel. Ses premier, sixième et septième considérants se lisent comme suit:
«(1) La directive 2003/55[…] contribue grandement à la création d’un marché intérieur du gaz. Il convient aujourd’hui d’apporter au cadre réglementaire les changements structurels nécessaires pour lever les derniers obstacles à l’achèvement dudit marché, en particulier pour ce qui est des échanges de gaz. Des règles techniques supplémentaires s’imposent, notamment en ce qui concerne les services relatifs à l’accès des tiers, les principes régissant les mécanismes d’attribution des capacités,
les procédures de gestion de la congestion ainsi que les exigences de transparence.
[…]
(6) Il convient de préciser les critères en fonction desquels les tarifs d’accès au réseau sont déterminés, afin de garantir qu’ils respectent totalement le principe de non-discrimination et les exigences de bon fonctionnement du marché intérieur, et qu’ils tiennent pleinement compte de la nécessaire intégrité du système et reflètent les coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable et sont
transparents, tout en comprenant un rendement approprié des investissements, et prennent en considération, le cas échéant, les analyses comparatives des tarifs réalisées par les autorités de régulation.
(7) Le calcul des tarifs d’accès aux réseaux doit impérativement tenir compte des coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable et sont transparents, ainsi que de la nécessité d’offrir un rendement approprié des investissements et des incitations à la construction de nouvelles infrastructures. À cet égard, et notamment en présence d’une concurrence réelle entre gazoducs, l’analyse comparative des
tarifs par les autorités de régulation représente un élément de réflexion important.»
12. L’article 1^er, paragraphe 1, du règlement n° 1775/2005 définit son objectif comme suit:
«Le présent règlement vise à établir des règles non discriminatoires pour déterminer les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel, compte tenu des particularités des marchés nationaux et régionaux, en vue d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz.
Cet objectif comprend notamment la définition de principes harmonisés pour les tarifs d’accès au réseau, ou les méthodologies de calcul de ces tarifs, l’établissement de services d’accès des tiers, et des principes harmonisés pour l’attribution des capacités et la gestion de la congestion, la détermination des exigences de transparence, des règles et des redevances d’équilibrage et la facilitation des échanges de capacités.»
13. Selon l’article 2 dudit règlement, on entend par «transport» «le transport de gaz naturel via un réseau principalement constitué de gazoducs à haute pression, autre qu’un réseau de gazoducs en amont, et autre que la partie des gazoducs à haute pression utilisée principalement pour la distribution du gaz au niveau local, aux fins de fourniture à des clients, fourniture non comprise».
14. L’article 3 du règlement n° 1775/2005 concerne les tarifs d’accès aux réseaux. Aux termes de cet article:
«1. Les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, appliqués par les gestionnaires de réseau de transport et approuvés par les autorités de régulation conformément à l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2003/55[...], [...] sont transparents, tiennent compte de la nécessaire intégrité et de l’amélioration du système, reflètent les coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable et sont
transparents, tout en comprenant un rendement approprié des investissements, et prennent en considération, le cas échéant, les analyses comparatives des tarifs réalisées par les autorités de régulation. Les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, sont appliqués de façon non discriminatoire.
Les États membres ont la faculté de décider que les tarifs peuvent aussi être fixés selon des modalités faisant appel au marché, par exemple les enchères, pour autant que ces modalités et les recettes qu’elles génèrent soient approuvées par les autorités de régulation.
Les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, favorisent l’efficacité des échanges de gaz et de la concurrence et, dans le même temps, visent à éviter les subventions croisées entre utilisateurs du réseau, offrent des incitations à l’investissement et préservent ou instaurent l’interopérabilité des réseaux de transport.
2. Les tarifs d’accès au réseau ne limitent pas la liquidité du marché ni ne faussent les échanges transfrontaliers entre différents réseaux de transport. Nonobstant les dispositions de l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2003/55[...], si des différences dans les structures tarifaires ou les mécanismes d’équilibrage entravent les échanges entre réseaux de transport, les gestionnaires de réseau de transport s’emploient activement, en étroite coopération avec les autorités nationales
compétentes, à faire converger les structures tarifaires et les principes de tarification, y compris en ce qui concerne l’équilibrage.»
15. L’article 6 du même règlement dispose:
«1. Les gestionnaires de réseau de transport publient des informations détaillées concernant les services qu’ils offrent et les conditions qu’ils appliquent, ainsi que les informations techniques nécessaires aux utilisateurs du réseau pour obtenir un accès effectif au réseau.
2. Afin de garantir des tarifs transparents, objectifs et non discriminatoires et de favoriser une utilisation efficace du réseau de gaz, les gestionnaires de réseau de transport ou les autorités nationales compétentes publient des informations raisonnablement et suffisamment détaillées sur la formation, la méthodologie et la structure des tarifs.
3. Pour les services fournis, chaque gestionnaire de réseau de transport publie, de façon régulière et continue et sous une forme normalisée et conviviale, des informations chiffrées sur les capacités techniques, contractuelles et disponibles pour tous les points pertinents, y compris les points d’entrée et de sortie.
[…]
6. Les gestionnaires de réseau de transport divulguent toujours les informations requises au titre du présent règlement d’une façon intelligible et aisément accessible, en exposant clairement les données chiffrées qu’elles comportent, et sur une base non discriminatoire.»
16. Aux termes de l’article 16 du règlement n° 1775/2005:
«Le présent règlement ne s’applique pas:
a) aux systèmes de transport de gaz naturel situés dans les États membres pendant la durée des dérogations accordées au titre de l’article 28 de la directive 2003/55[...]; les États membres bénéficiaires de dérogations en vertu de l’article 28 de la directive 2003/55[...] peuvent demander à la Commission une dérogation temporaire à l’application du présent règlement pour une durée maximale de deux ans à partir de la date d’expiration des dérogations visées au présent point;
b) aux interconnexions entre États membres et aux augmentations significatives de la capacité des infrastructures existantes ainsi qu’aux modifications de ces infrastructures permettant le développement de nouvelles sources d’approvisionnement en gaz visées à l’article 22, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/55[...] qui sont exemptés des dispositions des articles 18, 19 et 20 ainsi que de l’article 25, paragraphes 2, 3 et 4, de ladite directive, et ce aussi longtemps qu’elles sont
exemptées des dispositions visées au présent point; ou
c) aux systèmes de transport de gaz naturel bénéficiant d’une dérogation au titre de l’article 27 de la directive 2003/55[...]»
B – Le droit national
17. En droit belge, la réglementation relative au transport du gaz naturel est fondée sur la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations (ci-après la «loi gaz»). Cette loi a été modifiée, notamment, par la loi du 1^er juin 2005 visant à transposer la directive 2003/55 en droit belge (ci-après la «loi gaz 2005») ainsi que par des lois postérieures (8).
1. La loi gaz 2005
18. L’article 1^er, 7° et 7°bis, de la loi gaz, dans sa version résultant de la loi gaz 2005, contient les définitions suivantes:
– «transport de gaz»: le transport de gaz au moyen d’installations de transports aux fins de fourniture à des clients, mais ne comprenant pas la fourniture;
– «transit»: l’activité qui consiste à effectuer le transport de gaz naturel sans distribution ni fourniture de gaz naturel sur le territoire belge.
19. Le chapitre IVter de la loi gaz 2005, intitulé «Accès au réseau de transport de gaz naturel et aux installations de stockage de gaz naturel et de GNL», est consacré à l’accès au réseau de transport de gaz naturel. Il règle les aspects tarifaires de cet accès au réseau de transport de gaz naturel et les principes applicables quant à la détermination des tarifs relatifs aux différents services y afférents.
20. L’article 15/5 de la loi gaz 2005 dispose:
«Les clients et les titulaires d’autorisations de fourniture peuvent accéder à tout réseau de transport de gaz naturel, d’installation de stockage de gaz naturel et d’installation de GNL sur la base des tarifs établis conformément aux dispositions de l’article 15/5bis et approuvés par la [CREG].» (9).
21. L’article 15/5bis, paragraphes 1 et 2, de la loi gaz 2005 prévoit:
«§ 1. Le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel, le gestionnaire d’installation de stockage de gaz naturel et le gestionnaire d’installation de GNL déterminent individuellement le revenu total nécessaire à l’exécution de leurs obligations légales et réglementaires respectives afin d’établir les tarifs de transport de gaz naturel, de stockage de gaz naturel et d’utilisation de l’installation de GNL. Ce revenu total est soumis à l’approbation de la [CREG].
§ 2. Les revenus respectifs visés au § 1^er couvrent individuellement pour la période régulatoire de quatre ans:
a) l’ensemble des coûts réels nécessaires à l’exercice des tâches visées à l’article 15/1, § 1^er, et 15/2 par tout gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel, gestionnaire d’installation de stockage de gaz naturel et gestionnaire d’installation de GNL;
b) une marge équitable et des amortissements, tous deux nécessaires pour assurer au gestionnaire le fonctionnement optimal, les investissements futurs nécessaires et la viabilité du réseau de transport de gaz naturel ou de l’installation de stockage de gaz naturel et/ou l’installation de GNL et offrir au gestionnaire concerné, après un étalonnage européen sur la base de gestionnaires comparables, une perspective favorable concernant l’accès aux marchés des capitaux à long terme;
c) le cas échéant, l’exécution des obligations de service public en application de l’article 15/11;
d) le cas échéant, les surcharges appliquées sur les tarifs en vertu de la loi;
e) le cas échéant, les coûts et la rémunération liés à l’exécution des obligations mentionnées à l’article 15/1, § 1^er, alinéa 1^er, 1° et 2°. [...]»
22. L’article 15/5ter de la loi gaz 2005 dispose:
«Sans préjudice de l’article 15/5quater, § 2, alinéa 2, les tarifs, visés aux articles 15/5 et 15/5bis, respectent les orientations suivantes:
1° ils sont non discriminatoires et transparents;
2° ils couvrent le revenu ainsi qu’il est précisé à l’article 15/5bis, §2;
3° ils permettent le développement équilibré du réseau de transport de gaz naturel, de l’installation de stockage de gaz naturel et/ou de l’installation de GNL sur le territoire belge, de manière à assurer un traitement non discriminatoire à l’égard de tous les consommateurs finals;
4° ils sont comparables au niveau international par rapport aux meilleures pratiques tarifaires appliquées par des gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel, d’installation de stockage de gaz naturel et/ou d’installation de GNL, comparables dans des circonstances similaires;
5° ils visent à optimaliser l’utilisation de la capacité du réseau de transport de gaz naturel, de l’installation de stockage de gaz naturel et de l’installation de GNL;
6° ils sont suffisamment décomposés, notamment:
a) en fonction des conditions et modalités d’utilisation du réseau de transport de gaz naturel de l’installation de stockage de gaz naturel et de l’installation de GNL;
b) en ce qui concerne les services auxiliaires;
c) en ce qui concerne les éventuelles surcharges pour obligations de service public.
7° les structures tarifaires prennent en considération la capacité réservée et nécessaire pour assurer le transport de gaz naturel et le fonctionnement de l’installation de stockage de gaz naturel et de l’installation de GNL.
8° les structures tarifaires sont uniformes sur l’ensemble du territoire, sans différentiation par zone géographique.»
23. L’article 15/5quater de la loi gaz 2005, qui règle le processus tarifaire, établit:
«§ 1. Le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel, le gestionnaire d’installation de stockage de gaz naturel, le gestionnaire d’installation de GNL soumettent individuellement une demande d’approbation de leurs tarifs respectifs à la [CREG] ainsi que des tarifs des services auxiliaires. Ils publient individuellement ces tarifs approuvés pour les activités respectives, conformément aux orientations du présent chapitre.
§ 2. Le revenu total est fixé pour une période de quatre ans et les tarifs portent sur une période identique. Cette période régulatoire de quatre ans débute au moment de l’entrée en vigueur des tarifs.
Le revenu total est décomposé sur base unitaire pour obtenir des tarifs. Ces tarifs doivent respecter le flux financier dont a besoin le gestionnaire du réseau chaque année pour remplir ses obligations conformément à la présente loi.
§ 3. Sans préjudice du pouvoir d’évaluation et du contrôle de la [CREG], le revenu total de la première année de la période régulatoire sert de référence à l’évaluation du revenu total pour les années suivantes de la période régulatoire de quatre ans, compte tenu des règles d’évolution suivantes: […]
§ 4. Les gestionnaires introduisent auprès de la [CREG], pour approbation, une proposition de revenu et de tarifs, élaborés sur la base du revenu total visé à l’article 15/5bis.
[…]»
24. L’article 15/5quinquies de la loi gaz 2005 dispose:
«Le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel qui exerce une activité de transit introduit une demande d’approbation spécifique au transit auprès de la [CREG] conformément au présent chapitre à l’exception des articles 15/5ter, 2°, 4°, 5°, 8° et 15/5quater, § 3, et sans préjudicier à l’article 15/19.»
25. Aux termes de l’article 15/19 de la loi gaz 2005, les contrats qui sont conclus avant le 1^er juillet 2004 conformément à l’article 3, premier alinéa de la directive 91/296 restent valables et continuent d’être mis en œuvre conformément aux dispositions de ladite directive.
2. La loi gaz 2009
26. Par la loi du 10 mars 2009, qui est entrée en vigueur le 10 avril 2009, le législateur belge a modifié l’article 15/5quinquies et l’article 15/19 de la loi gaz.
27. L’article 15/5quinquies, de la loi gaz, tel que modifié par la loi du 10 mars 2009 (ci-après: la loi gaz 2009), énonce:
«§ 1. Sans préjudice de l’application de l’article 15/19, les dispositions du présent chapitre et l’arrêté royal du 8 juin 2007 relatif à la méthodologie pour déterminer le revenu total comprenant la marge équitable, à la structure tarifaire générale, aux principes de base en matière de tarifs, aux procédures, à la publication des tarifs, aux rapports annuels, à la comptabilité, à la maîtrise des coûts, aux écarts de revenu des gestionnaires et à la formule objective d’indexation visés par la loi du
12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisation, dans sa version publiée au Moniteur belge du 29 juin 2007, sont applicables aux tarifs de transit de gaz naturel et au gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel qui exerce une activité de transit, sous réserve des dérogations suivantes:
1° les tarifs sont applicables pour les durées fixées contractuellement entre le gestionnaire du réseau de transport et les utilisateurs de ce réseau;
2° afin de garantir la stabilité de prix à terme, la période régulatoire visée à l’article 15/5bis, §2, peut dépasser quatre ans;
3° la marge équitable pour le transit est déterminée conformément aux articles 4 à 8 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007, étant entendu que:
a) la valeur initiale de l’actif régulé de transit au 31 décembre 2007 est approuvée par la [CREG] sur proposition du gestionnaire, en prenant en compte toutes les installations de transport situées en Belgique et utilisées pour le transit;
b) le produit du coefficient bêta et de la prime de risque, comme composante du taux de rendement R visé à l’article 6 de l’arrêté royal précité, est fixé à 7 %;
Dans les cas visés à l’alinéa 1^er, 2°, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, prolonger la période régulatoire sur la base d’une révision importante du plan d’investissement du gestionnaire de réseau. La durée de cette période et sa révision éventuelle sont proposées par le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel, et soumis à l’approbation de la [CREG] avant le début de chaque période régulatoire.
Les tarifs de transit que la [CREG] détermine suivant les principes qui précèdent et à l’issue de la procédure prévue aux articles 16 à 19 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007, constituent les tarifs basés sur les coûts.
§ 2. Le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel donne accès, pour le transit, aux installations de transport existantes sur la base des tarifs déterminés en accord avec le §1^er et conformément à la procédure prévue aux articles 16 à 19 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007.
Le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel donne accès, pour le transit, aux installations à réaliser, soit sur la base de tarifs déterminés en accord avec le §1^er et conformément à la procédure prévue aux articles 16 à 19 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007, soit sur la base de tarifs fixés au moyen de modalités transparentes et non discriminatoires faisant appel au marché, telles que des consultations de marché, à condition que ces modalités faisant appel au marché, y compris les
revenus et les tarifs qui en découlent, aient été préalablement approuvées par la [CREG].
Si l’application des modalités faisant appel au marché donnent des tarifs plus élevés que ceux déterminés en accord avec le §1^er et conformément à la procédure prévue aux articles 16 à 19 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007, ces premiers tarifs sont d’application et ils sont publiés par le gestionnaire conformément à l’article 20, §3, de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007. Dans le cas contraire, ou dans le cas où aucune modalité faisant appel au marché n’a été mise en œuvre, les tarifs
déterminés en accord avec le §1^er et conformément à la procédure prévue aux articles 16 à 19 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007 sont applicables.
L’écart positif entre les revenus résultant de la clôture de l’appel au marché d’une part et les coûts approuvés comprenant la marge équitable, résultant des tarifs déterminés en accord avec le §1^er et conformément à la procédure prévue aux articles 16 à 19 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007 d’autre part, est alloué, après approbation de la [CREG], par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres:
a) aux tarifs pour l’utilisation du réseau de transport;
b) à une réserve destinée au financement des installations à réaliser dans un délai approuvé par la [CREG] sur proposition du gestionnaire; dans le cas contraire, ce montant est alloué aux tarifs pour l’utilisation du réseau de transport.
Le solde est affecté à la discrétion des actionnaires du gestionnaire.
Les tarifs d’utilisation du réseau de transport prennent en compte préalablement l’allocation estimée de cet écart positif. La différence entre l’écart positif budgété et l’écart réalisé est corrigée par la suite.
§3. Si la durée contractuelle dépasse la durée de la période régulatoire, l’article 15/5nonies, alinéa 2, reste applicable.
§4. Les tarifs de transit, qu’il s’agisse des tarifs déterminés en accord avec le §1er et conformément à la procédure prévue aux articles 16 à 19 de l’arrêté royal précité du 8 juin 2007, ou, qu’il s’agisse des tarifs résultant de l’application de l’article 15/5bis, § 3, ou de l’application de modalités faisant appel au marché, sont globalisés pour l’ensemble du territoire et tiennent compte de la distance parcourue.»
28. L’article 15/19 de la loi gaz 2009 dispose que les contrats qui sont conclus avant le 1^er juillet 2004 conformément à l’article 3, alinéa 1^er, de la directive 91/296[...] restent valables et continuent d’être mis en œuvre conformément aux dispositions de ladite directive.
L’alinéa 1^er est interprété en ce sens qu’il s’applique aux contrats portant sur le transit de gaz naturel conclus avant le 1^er juillet 2004 entre:
1° d’une part, la société anonyme Fluxys, la société anonyme Distrigaz ou une filiale de l’une de ces sociétés, qui était spécialisée dans la commercialisation des capacités de transit et l’exécution des services de transport y afférents, et
2° d’autre part, des affréteurs ayant la qualité soit d’entité responsable d’un grand réseau de gaz naturel à haute pression, soit d’entité responsable d’importation et d’exportation de gaz naturel au sens de l’article 3[, paragraphe 1,] de la directive 91/296[...].
29. À la suite de l’adoption de la loi du 10 mars 2009, la CREG a introduit un recours en annulation contre cette loi et la Commission a entamé une procédure d’infraction à l’encontre du Royaume de Belgique en envoyant une lettre de mise en demeure au gouvernement belge le 9 octobre 2009. Par la loi du 29 avril 2010, entrée en vigueur le 31 mai 2010 (ci‑après la «loi gaz 2010»), l’article 15/5quinquies de la loi gaz 2009 a été abrogé ex nunc. Cette même loi dispose que l’article 15/19, premier
alinéa, de la loi gaz 2009 cesse de produire ses effets le 2 mars 2011 (10) et que l’article 15/19, deuxième alinéa, de la loi gaz 2009 est abrogé ex nunc. Par arrêt du 8 juillet 2010, la Cour constitutionnelle belge a annulé la loi gaz 2009 avec un effet ex tunc.
III – Le litige au principal
30. Fluxys SA (ci‑après «Fluxys») est la société gestionnaire du réseau de transport du gaz en Belgique (11).
31. La CREG est l’autorité de réglementation belge chargée, notamment, d’approuver les tarifs relatifs aux activités régulées sur le réseau de transport du gaz naturel.
32. Selon la loi gaz 2005, Fluxys était obligée de soumettre deux propositions tarifaires distinctes, l'une relative aux activités de transit et l’autre relative aux activités d’acheminement et de stockage. En 2007, Fluxys a donc soumis à l’approbation de la CREG deux propositions tarifaires distinctes pour la période allant de 2008 à 2011. Ces propositions étaient basées sur deux méthodologies différentes. La CREG n’a pas accepté ces deux propositions, car elle estimait que Fluxys n’avait pas
correctement alloué les coûts opérationnels à ses différentes activités. Dans le cadre des deux procédures administratives concernant les deux propositions de Fluxys, la CREG a fixé elle-même des tarifs provisoires, dans lesquels elle a réattribué une partie des coûts opérationnels que Fluxys avait alloués à ses activités d’acheminement aux activités de transit de Fluxys. Fluxys a attaqué ces décisions de la CREG.
33. À la suite des demandes d’annulation et de suspension provisoire de la décision de la CREG concernant les tarifs provisoires pour les activités de transit, la juridiction de renvoi a suspendu cette décision. Elle a considéré que, au regard du droit communautaire, ladite décision de la CREG avait prima facie un caractère illégal. Selon la motivation de la juridiction de renvoi, la réglementation communautaire s’oppose à l’application de dispositions nationales qui appliquent des régimes
distincts, l’un pour les activités d’acheminement, l’autre pour les activités de transit. La juridiction de renvoi a conclu que la CREG aurait dû exiger de Fluxys l’introduction d’une proposition tarifaire relative à l’ensemble de son réseau de transport, sans distinction entre ses activités d’acheminement et celles de transit. Dans le cadre de cette procédure, la juridiction de renvoi n’a pas saisi la Cour d'une demande de décision préjudicielle.
34. À la suite des demandes d’annulation et de suspension provisoire de la décision de la CREG concernant les tarifs provisoires pour les activités d’acheminement et de stockage, la juridiction de renvoi a suspendu cette décision pour les mêmes raisons. Dans le cadre de cette procédure, la juridiction de renvoi a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour.
IV – La question préjudicielle et la procédure devant la Cour
35. La juridiction de renvoi doute de la compatibilité de la loi gaz avec la réglementation communautaire, dans la mesure où cette loi prévoit deux régimes tarifaires distincts, l’un pour les activités de transit, l’autre pour les activités d’acheminement et de stockage. Dans l’hypothèse d’une incompatibilité de cette loi avec la réglementation communautaire, la juridiction de renvoi estime que la CREG aurait dû écarter les dispositions de la loi gaz contraires à ladite réglementation et
rejeter les propositions tarifaires distinctes de Fluxys, en ce que celles-ci reposaient sur des méthodologies tarifaires différentes pour les activités d’acheminement et de transit. En raison de ses doutes concernant la compatibilité de la loi gaz avec le règlement n° 1775/2005 et avec la directive 2003/55, et des arguments de la CREG et de Fluxys avancés sur ce point, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
Les articles 1^er, 2 et 18 de la directive 2003/55 et l’article 3 du règlement (CE) n° 1775/2005 s’opposent-ils à ce que les législations nationales créent un régime tarifaire spécifique à l’activité de transit qui déroge aux règles qui régissent l’activité de transport, en créant au sein de l’activité de transport, une distinction entre ‘acheminement’ et ‘transit’?
36. Par ordonnance du 21 septembre 2009, le président de la Cour a rejeté la demande de la juridiction de renvoi sollicitant l'application de la procédure accélérée.
37. Fluxys, la CREG, les gouvernements belge et du Royaume-Uni ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites dans le délai prévu par l’article 23 du statut de la Cour de justice.
38. Par lettre du 7 avril 2010, Fluxys a informé la Cour qu’un accord avait été conclu entre Fluxys et la CREG sur l’application d’un régime tarifaire pour le futur qui ne reposait plus sur une distinction entre l’acheminement et le transit, mais qui reflétait, sur la base de la même méthodologie, les coûts des services fournis pour chaque activité. De plus, Fluxys a avisé la Cour qu’elle avait renoncé à presque tous les moyens invoqués devant la juridiction de renvoi contre les décisions de la
CREG, y compris ceux liés à la distinction entre les activités d’acheminement et celles de transit, le seul moyen maintenu par Fluxys étant le moyen alléguant une violation de l’article 15/19 de la loi gaz transposant l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55, relatif aux contrats «historiques». Vu ces circonstances, la Cour a demandé à la juridiction de renvoi, par lettre du 28 avril 2010, si elle entendait maintenir sa demande préjudicielle. Par lettre du 12 mai 2010, la juridiction de
renvoi a répondu que l’accord entre la CREG et Fluxys, ainsi que le désistement partiel de Fluxys n’avaient pas pour effet d’enlever sa pertinence à la question préjudicielle et qu’elle entendait la maintenir.
39. Par télécopie du 28 mai 2010, le gouvernement belge a informé la Cour de l’entrée en vigueur de la loi gaz 2010 par laquelle les articles 15/5quinquies et 15/19, deuxième alinéa, de la loi gaz avaient été abrogés, et qui disposait que l’article 15/19, premier alinéa, de la loi gaz allait cesser de produire des effets le 2 mars 2011.
40. Une audience s’est tenue le 17 juin 2010, en présence des représentants de la CREG, des gouvernements belge et tchèque ainsi que de la Commission.
41. Par courrier du 16 juillet 2010, Fluxys a attiré l'attention de la Cour sur un arrêt de la Cour constitutionnelle belge du 8 juillet 2010, par lequel cette dernière a annulé la loi gaz 2009 avec un effet ex tunc. La Cour a demandé à la juridiction de renvoi d’indiquer les conséquences qu’elle tire de cet arrêt. Par courrier du 8 septembre 2010, la juridiction de renvoi a répondu que, à la suite de l'annulation ex tunc de la loi gaz 2009, les dispositions de la loi gaz antérieure sont
applicables au litige au principal. Bien que la distinction entre le transit et l'acheminement du gaz, qui a entraîné l'annulation de la loi gaz 2009, se trouvait déjà dans cette loi antérieure et que les considérations de la Cour constitutionnelle belge s'appliquent donc également à cette loi antérieure, la juridiction de renvoi a indiqué qu'elle reste néanmoins liée par les dispositions de cette loi antérieure, celles-ci n'ayant pas fait l'objet d'une saisine devant la Cour constitutionnelle
belge.
V – Résumé des observations présentées à la Cour
42. Fluxys, les gouvernements belge et tchèque soutiennent que ni les articles 1^er, 2 et 18 de la directive 2003/55 ni l’article 3 du règlement n° 1775/2005 ne s’opposent à un régime national qui différencie, au sein des activités de transport du gaz naturel, les activités d’acheminement et celles de transit, et qui applique un régime tarifaire différent à ces activités, pourvu que cette différenciation reflète des différences objectives entre ces deux types d’activité, telle la réalité des
coûts.
43. Les activités d’acheminement et celles de transit ne seraient pas identiques, mais se développeraient sur des marchés différents. Pour cette raison, elles comporteraient des coûts et des investissements différents. Les activités d’acheminement ne dépendraient en principe que des prévisions de la demande d’un marché essentiellement captif et stable. Elles seraient d’ailleurs soumises à des obligations de service public. Les activités de transit, par contre, se développeraient sur un marché
international concurrentiel et dépendraient donc de l’évolution de la demande qui serait difficilement prévisible à long terme. À la différence des activités d’acheminement qui se fonderaient toujours sur des contrats à long terme et sur une certitude en matière de tarifs, les activités de transit courraient le risque que les utilisateurs puissent cesser à tout moment d’utiliser une route ou qu’un cumul de circonstances compromette la rentabilité d’un investissement qui ne serait pas réutilisable à
d’autres fins. Les caractéristiques spécifiques du transit se traduiraient ainsi par un niveau très élevé d’incertitude et donc par un risque de surinvestissement et de coûts échoués. Le gouvernement tchèque estime que les gestionnaires d’un réseau doivent tenir compte du fait que les activités de transit nécessitaient une capacité technique identique à tous les points d’entrée et de sortie du réseau en question.
44. Fluxys, les gouvernements belge et tchèque font valoir que les régimes distincts instaurés par la loi gaz tiennent compte des caractéristiques spécifiques de chaque activité. Imposer le même traitement à des situations différentes serait contraire au principe de non-discrimination. La directive 2003/55 n’imposerait pas un traitement uniforme de l’acheminement et du transit. Les États membres garderaient la possibilité de traiter différemment des situations différentes et auraient une
relative liberté pour déterminer des régimes différents. Cette différenciation pourrait être faite au niveau de la décision d’approbation de l’autorité de réglementation comme au niveau de la loi. Dans ce dernier cas, il suffirait que les exigences du règlement n° 1775/2005 et de la directive 2003/55 soient respectées dans chacun des régimes distincts instaurés par la loi. Les tarifs devraient donc être préalablement approuvés et publiés, ainsi qu’être appliqués d’une façon non discriminatoire. Les
dispositions de la loi gaz ne mèneraient pas à un traitement discriminatoire, tous les utilisateurs du réseau ayant la possibilité au même moment de souscrire le même service aux mêmes conditions.
45. Quant à l’abrogation du régime dérogatoire pour le transit par la loi gaz 2010, le gouvernement belge soutient que celle-ci a été motivée uniquement par l’objectif de garantir la sécurité juridique en Belgique en matière de transit.
46. La CREG estime qu’il est nécessaire, dans le cadre de la présente procédure préjudicielle, d’examiner d’abord la validité de l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55, selon lequel les dispositions de cette directive ne s’appliquent pas à des contrats «historiques». Une application de cette exception dans le litige au principal aurait comme résultat de soustraire plus de 85 % des activités de transit de Fluxys au régime de la directive 2003/55. Or, en adoptant le règlement
n° 1775/2005, le législateur communautaire aurait implicitement abrogé cette exception pour les contrats «historiques». Dans l’hypothèse où le législateur communautaire n’aurait pas abrogé l’exception pour les contrats «historiques», la CREG s’interroge sur la conformité de celle-ci avec les dispositions du traité CE et les principes généraux du droit, notamment le principe de non-discrimination.
47. En ce qui concerne le principe de non-discrimination, consacré notamment à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 ainsi qu’aux articles 1^er, 2 et 18 de la directive 2003/55, la CREG estime que celui-ci s’oppose à ce qu’une loi nationale crée, au sein des activités de transport, une distinction entre l’acheminement et le transit, en instaurant un régime tarifaire spécifique aux activités de transit. La réglementation communautaire ne comporterait aucune distinction entre les activités
d’acheminement et celles de transit. Elle n’autoriserait aucun traitement différencié. La CREG fait référence à l’intention du législateur communautaire, exprimée au trente et unième considérant de la directive 2003/55, de mettre en place des régimes d’accès homogènes et non discriminatoires aux réseaux de transport, y compris en ce qui concerne les flux transfrontaliers entre États membres. Un régime unitaire de tarification permettrait d’assurer la transparence et la non-discrimination dans cet
accès et favoriserait le développement et la stabilité du réseau. Il s’inscrirait ainsi dans le développement et l’harmonisation du transport dans le réseau européen.
48. Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission proposent à la Cour de répondre que le principe de non-discrimination, énoncé à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1775/2005 ainsi qu’aux articles 18, paragraphe 1, et 25, paragraphe 4, de la directive 2003/55, s’oppose à ce qu’une législation nationale crée un régime tarifaire spécifique à l’activité de transit, qui déroge aux règles qui régissent l’activité de transport, en créant au sein de l’activité de transport une distinction
entre l’acheminement et le transit.
49. Les activités d’acheminement et de transport seraient des situations comparables. Dans le règlement n° 1775/2005 et la directive 2003/55, le transport serait défini comme l’activité consistant à transporter du gaz à travers des réseaux de gazoducs à haute pression, quelle que soit sa destination ultérieure. Ces actes ne feraient donc aucune distinction entre les activités d’acheminement et celles de transit. Au contraire, ladite directive, ainsi qu’il ressortirait de son trente et unième
considérant, aurait abrogé la directive 91/296 en ce qu’elle donnait une définition distincte du transit.
50. Par conséquent, la législation communautaire s’opposerait à des régimes spéciaux de tarification relatifs à des activités de transit, tel que celui établi par la législation belge. La Commission souligne que le régime instauré par la loi gaz 2009 prévoit une réglementation distincte pour les activités de transit, en ce qui concerne la période d’application des tarifs approuvés, la détermination de la marge équitable ainsi que les conditions tarifaires d’accès au réseau de transport. Toutes
ces règles seraient en conflit avec la directive 2003/55 ainsi qu’avec le règlement n° 1775/2005.
51. Selon le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que les tarifs reflètent les coûts et les risques d’une activité de transport, et puissent, par conséquent, être différents. Toutefois, une législation nationale, telle que la loi gaz, poserait problème parce qu’elle établirait une structure de tarifs tout à fait différente, fondée sur la distinction générale et systématique entre l’acheminement et le transit, et donc sur la destination
ultérieure du gaz naturel. La loi gaz ne contiendrait pas d’éléments qui refléteraient de façon détaillée, au cas par cas, la prise en compte des coûts et des risques de l’activité de transit, et ne justifierait pas pourquoi un régime différent devrait être applicable à l’ensemble de l’activité de transit. Or, il n’existerait pas de raison systématique pour laquelle les coûts d’un prélèvement de gaz sur le réseau à un point de connexion avec un réseau de distribution ou avec un grand consommateur
devraient être plus faibles que les coûts associés au prélèvement à une interconnexion entre grands réseaux. En outre, rien n'autoriserait à penser que des accords impliquant le prélèvement de gaz à une interconnexion entre grands réseaux sont en soi plus risqués que tout autre type de transport.
52. Finalement, la Commission est d’avis que l’exception applicable aux contrats «historiques» visés à l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55 n’a pas été abrogée par le règlement n° 1775/2005.
VI – Sur la recevabilité de la question préjudicielle
53. Au cours de la procédure, la Cour a été informée de différents événements concernant le litige au principal et la validité de la loi gaz 2009. J’analyserai d'abord les répercussions que ces événements sont susceptibles d’avoir sur la recevabilité de la question préjudicielle.
54. Premièrement, Fluxys a renoncé à ses moyens liés à la distinction entre transit et acheminement devant la juridiction de renvoi. La question se pose dès lors de savoir, si cette renonciation a rendu la demande préjudicielle irrecevable. A cet égard, il convient de rappeler qu'une question préjudicielle est irrecevable lorsqu’elle n’est manifestement pas pertinente aux fins de la solution du litige au principal (12). La juridiction de renvoi a indiqué que, selon les règles de procédure
nationales, Fluxys ne peut pas renoncer unilatéralement à ses moyens et que la question préjudicielle reste donc pertinente. Dans le cadre d’une procédure de renvoi préjudiciel, les juridictions nationales sont seules compétentes pour interpréter et appliquer le droit national. En principe, il n’appartient pas à la Cour de contrôler l’interprétation faite par la juridiction de renvoi des dispositions nationales (13). Il s'ensuit que la renonciation de Fluxys ne remet pas en question la recevabilité
de la demande préjudicielle.
55. Le deuxième événement est l’abrogation ex nunc du régime distinct pour les activités de transit par la loi gaz 2010. Cette abrogation ne remet pas en question la pertinence de la demande préjudicielle, du moins pas dans son ensemble, l’abrogation n’ayant d’effet que pour le futur.
56. Le troisième événement est l'annulation de la loi gaz 2009 avec un effet ex tunc par l'arrêt de la Cour constitutionnelle belge du 8 juillet 2010. Dans sa lettre du 8 septembre 2010, la juridiction de renvoi a indiqué qu’en dépit de l’annulation de cette loi, elle entendait maintenir sa question préjudicielle. Selon elle, la loi gaz qui s’applique au litige au principal à la suite de l’annulation de la loi gaz 2009, soulève également la question de la compatibilité avec la réglementation
communautaire d’un régime national qui distingue les activités de transit de celles d’acheminement.
57. Tout d’abord, il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi n'a pas indiqué le contenu de cette loi gaz antérieure ni dans sa demande préjudicielle ni dans sa lettre du 8 septembre 2010. Selon la jurisprudence de la Cour, il est indispensable que le juge national explicite, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit communautaire dont il demande
l’interprétation ainsi que sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (14). À cet égard, il importe de souligner que les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations. Il incombe donc à la Cour de veiller à ce
que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (15). Conformément à cette jurisprudence, une demande préjudicielle peut être rejetée comme irrecevable, si elle n’indique pas les dispositions de la loi nationale applicable au litige au principal.
58. Cependant, vu les circonstances en l’espèce, il me semble qu’il serait excessivement strict de rejeter la demande préjudicielle en application de cette jurisprudence. La distinction systématique entre le transit et l'acheminement est au centre de la question préjudicielle et a donc été abordée et discutée par les parties intéressées pendant la procédure devant la Cour. Dans son courrier du 8 septembre 2010, la juridiction nationale a indiqué que cette distinction était déjà présente dans la
loi antérieure à la loi gaz 2009. Par conséquent, l’annulation de la loi gaz 2009 ne modifie pas réellement la portée du débat. En outre, les dispositions de la loi gaz antérieure à la loi gaz 2009, donc la loi gaz 2005, résultent des observations soumises par Fluxys et la CREG. En effet, ces parties soutiennent que, indépendamment de l’annulation ex tunc de la loi gaz 2009, les dispositions de la loi gaz 2005 étaient applicables au litige au principal ratione temporis et non celles de la loi gaz
2009. Dans ces circonstances, il me semble que le manque d'indications précises de la juridiction de renvoi, quant aux dispositions de la loi antérieure à la loi gaz 2009 annulée, n’impose pas inéluctablement le rejet de la demande préjudicielle comme irrecevable.
59. L’annulation de la loi gaz 2009 soulève une question supplémentaire concernant la recevabilité de la demande préjudicielle. En l'espèce, la juridiction de renvoi semble être capable de juger le litige au principal en recourant à la Cour constitutionnelle belge et pas à notre Cour. En effet, ainsi que la juridiction de renvoi l’indique dans sa lettre du 8 septembre 2010, les considérations de la Cour constitutionnelle belge, qui ont justifié l’annulation de la loi gaz 2009, semblent
également être applicables à la distinction systématique entre les activités d’acheminement et de transit, prévues dans la loi gaz 2005. Or, si la juridiction de renvoi soutient qu’elle est obligée d’appliquer les dispositions de la loi gaz 2005, celles-ci n'ayant pas fait l'objet d'une saisine de la Cour constitutionnelle, elle n’explique pas pourquoi elle n’a pas saisi elle-même la Cour constitutionnelle par le biais d’une question préjudicielle, en dépit des doutes manifestes sur la
constitutionnalité de la loi gaz 2005.
60. Toutefois, quand bien même la juridiction de renvoi aurait eu la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle belge par le biais d’une question préjudicielle, cela ne rendrait pas irrecevable sa question préjudicielle devant notre Cour. En effet, le système de coopération entre les juridictions nationales et notre Cour, tel que prévu à l’article 234 CE, n’est pas une procédure subsidiaire et ne dépend donc pas de l’épuisement de procédures prévues par le droit national (16). Il suffit
que la question posée à notre Cour soit pertinente. En tout état de cause, force est de constater que la Cour constitutionnelle belge a fondé son arrêt, entre autres, sur une interprétation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1775/2005 et de la directive 2003/55. Si, en dépit de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, la juridiction de renvoi conserve des doutes quant à l'interprétation de ces dispositions du droit communautaire, l’article 234 CE lui permet de saisir notre Cour.
61. La question préjudicielle est donc recevable.
VII – Appréciation juridique
A – Remarques liminaires
62. Un objectif de la politique européenne de l’énergie dans le domaine du gaz naturel est d’offrir aux citoyens européens les bénéfices d’un marché efficace et ouvert en éliminant les barrières aux échanges entre les États membres dans ce domaine (17). Le marché du gaz naturel présente des caractéristiques spécifiques qui le distinguent d’autres secteurs. L'une de ces caractéristiques spécifiques est que le transport du gaz se fait par des gazoducs à haute pression et que les gestionnaires de
ces gazoducs disposent régulièrement d’un monopole pour le transport de gaz sur un certain territoire (18).
63. Afin d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur du gaz, le législateur communautaire a d’abord adopté la directive 91/296 relative au transit du gaz naturel sur les grands réseaux, puis la directive 98/30 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. Ensuite, le législateur a adopté la directive 2003/55 qui a pour objectif d’assurer des conditions de concurrence équitables ainsi que de réduire le risque de domination du marché et de comportement
prédateur (19). L’article 18 de cette dernière directive instaure un système d’accès des tiers aux réseaux de transport, qui est fondé sur des tarifs publiés et qui doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau. Avec le règlement n° 1775/2005, le législateur communautaire a adopté des dispositions communes concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel, qui sont directement applicables dans tous les États membres.
64. La question préjudicielle concerne le principe d’accès non discriminatoire et, partant, un élément essentiel du système d’accès aux réseaux de transport sur la base de tarifs régulés. La juridiction de renvoi cherche à savoir si le principe d’accès non discriminatoire aux réseaux de transport, consacré à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 et à l’article 18 de la directive 2003/55, s’oppose à une loi nationale telle que la loi gaz applicable au litige au principal qui distingue, au sein
de l’activité du transport de gaz, entre l’acheminement (soit le transport de gaz naturel, dont la destination finale se situe en Belgique) et le transit (soit le transport de gaz naturel transfrontalier), et applique deux régimes tarifaires distincts à ces deux activités de transport.
65. Toutefois, eu égard aux points litigieux au principal, cette question ne saurait être interprétée comme portant uniquement sur les conséquences qu’il y a lieu de tirer de ce principe, mais vise également l’applicabilité de ce principe. Un des points litigieux au principal concerne la validité de l’exception applicable aux contrats «historiques», établie à l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55. Même si la demande préjudicielle ne mentionne pas expressément cette disposition,
force est de constater que celle-ci soustrait certains contrats aux dispositions de la directive 2003/55. Or, le principe d’accès non discriminatoire énoncé à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 et à l’article 18 de la directive 2003/55 ne peut s’opposer à une loi nationale que si ces dispositions sont applicables aux contrats en cause. En outre, la juridiction de renvoi a indiqué dans sa lettre du 12 mai 2010 que la question concernant l’applicabilité du principe d’accès non discriminatoire est
pertinente dans le cadre du litige au principal et a invité la Cour à se pencher sur celle-ci.
66. Il me semble donc indiqué d’aborder d’abord la question de la validité de l’exception relative aux contrats «historiques» établie à l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55 (sous-titre B), avant d’analyser si le principe d’accès non discriminatoire énoncé à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 et à l’article 18 de la directive 2003/55 s’oppose à une loi nationale qui applique deux régimes tarifaires distincts, l’un pour les activités d’acheminement et l’autre pour celles de
transit (sous-titre C).
B – Sur l’exception relative aux contrats «historiques»
67. Selon l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55, la directive 91/296, à savoir la directive «transit», a été abrogée avec effet au 1^er juillet 2004. Cette date coïncide avec la date d’expiration du délai de transposition pour la directive 2003/55. L’article 32, paragraphe 1, de cette dernière directive prévoit toutefois une exception pour les contrats qui:
– portent sur le transit au sens de l’article 2 de la directive 91/296;
– ont été conclus avant le 1^er juillet 2004, et
– sont conformes à l’article 3, paragraphe 1, de la directive transit (20).
Ces contrats «historiques» continuent d'être valables et mis en œuvre conformément aux dispositions de la directive 91/296. Le principe de non-discrimination énoncé à l’article 18 de la directive 2003/55 ne s’applique donc pas à ces contrats.
68. La CREG estime que cette exception relative aux contrats «historiques» n’est pas valable.
69. Premièrement, la CREG est d’avis que le règlement n° 1775/2005 a abrogé implicitement l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55. Dans ce contexte, la CREG soutient que ce règlement ne fait aucune référence à cette dernière disposition, et notamment pas son article 16, qui énumère les exceptions et dérogations. La CREG en déduit que, avec l’adoption du règlement n° 1775/2005, postérieure à celle de la directive 2003/55, le législateur communautaire a abrogé implicitement
l’exception applicable aux contrats «historiques». Cette interprétation serait confirmée par les travaux préparatoires du règlement n° 1775/2005, dont il résulterait que toutes les exceptions et dérogations pertinentes sont énumérées à l’article 16 du règlement n° 1775/2005, ainsi que par le premier considérant de ce règlement, selon lequel l’objectif de celui‑ci serait d’adopter les changements structurels nécessaires pour lever les derniers obstacles à l’achèvement du marché intérieur du gaz.
70. Cette interprétation ne me convainc pas.
71. Il est vrai que le règlement n° 1775/2005 ne contient pas de référence à l’exception relative aux contrats «historiques». Toutefois, force est de constater que ce règlement ne comporte pas non plus de disposition concernant l’abrogation de la directive 91/296. À mon avis, cela indique que le règlement n° 1775/2005 ne règle pas la question de savoir dans quelle mesure la directive 91/296 a été abrogée et dans quelle mesure elle est restée en vigueur, et que cette question a été réglée
uniquement dans la directive 2003/55. L’absence de référence à l’exception relative aux contrats «historiques» dans le règlement n° 1775/2005 ne saurait dès lors être interprétée comme une abrogation implicite de cette exception.
72. Cette analyse se trouve confirmée par le fait qu’aucun des considérants du règlement n° 1775/2005 ne reflète l'intention du législateur communautaire d’abroger ladite exception. Une telle volonté n’apparaît pas non plus dans les travaux préparatoires de cet acte. Vu les conséquences économiques considérables qui peuvent résulter de l’abrogation d’une telle exception et les relations très étroites entre la directive 2003/55 et le règlement n° 1775/2005, l’absence d’une indication claire de
la part du législateur me semble plaider contre une interprétation selon laquelle cette exception aurait été abrogée implicitement.
73. La CREG soutient, deuxièmement, que l’exception relative aux contrats «historiques» réglée à l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55 n’est pas conforme au droit primaire, notamment le principe de non-discrimination.
74. Les arguments avancés à cet égard par la CREG n’emportent pas non plus ma conviction. En effet, le fait que l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55 distingue les affréteurs disposant d’un contrat «historique» de ceux qui ne disposent pas d'un tel contrat ne constitue pas une discrimination, cette distinction étant justifiée par le respect de la confiance légitime des affréteurs disposant de contrats «historiques».
75. Pour conclure, il y a lieu de retenir que l’exception relative aux contrats «historiques» établie à l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55, est valable, et doit dès lors être prise en compte dans le cadre de l’application non seulement de la directive 2003/55, mais également du règlement n° 1775/2005. Dans la mesure où les conditions pour la qualification de «contrats historiques» sont réunies (21), les contrats de Fluxys ne sont donc pas soumis au principe d’accès non
discriminatoire énoncé à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 et à l’article 18 de la directive 2003/55.
C – Sur le principe d’accès non discriminatoire
76. La juridiction de renvoi cherche à savoir si le principe d’accès non discriminatoire consacré à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 ainsi qu’à l’article 18 de la directive 2003/55 s’oppose à une législation nationale, telle que la loi gaz 2005 applicable au litige au principal, qui opère une distinction générale, au sein de l’activité de transport du gaz, entre les activités d’acheminement, d’une part, et les activités de transit, d’autre part, et applique deux régimes tarifaires
distincts à ces deux types d’activité.
77. Le principe de non-discrimination impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (22). Je n’ai guère de doute que les activités d’acheminement et celles de transit doivent être considérées comme deux situations comparables (sous-titre 1). Or, la loi gaz 2005 applicable au litige au principal traite ces deux situations
d’une façon différente (sous-titre 2). Il y a donc lieu d’analyser dans quelle mesure l’application de deux régimes distincts, l’un pour les activités d’acheminement, l’autre pour les activités de transit, peut être objectivement justifiée (sous-titre 3).
1. Situations comparables
78. Le caractère comparable de deux situations doit être apprécié notamment à la lumière de l’objet et du but de l’encadrement juridique en cause (23). Il convient dès lors d’examiner les dispositions pertinentes du règlement n° 1775/2005 et de la directive 2003/55.
79. Selon l’article 1^er, paragraphe 1, respectivement de la directive 2003/55 et du règlement n° 1775/2005, ces deux actes s’appliquent au transport de gaz. Conformément à l’article 2, point+ 3, de la directive 2003/55 et à l’article 2 du règlement n° 1775/2005, le transport de gaz consiste dans le transport de gaz naturel via un réseau de gazoducs à haute pression autre qu’un réseau de gazoducs en amont, aux fins de fourniture à des clients, mais ne comprenant pas la fourniture. La définition
du transport de gaz ne fait donc pas de distinction entre le flux de gaz interne et le flux de gaz transfrontalier. Selon le principe ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus, cela plaide en faveur d’une comparabilité des activités d’acheminement et celles de transit.
80. Cette interprétation se trouve confirmée par l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55 et par le trente et unième considérant de celle-ci. Ledit article 32, paragraphe 1, abroge la directive 91/296, qui prévoyait un régime légal spécifique pour le transit. Il résulte du trente et unième considérant de la directive 2003/55 que l’un des objectifs poursuivis par l’abrogation de la directive 91/296 était d’établir des régimes d’accès homogènes et non discriminatoires pour l’ensemble
des activités de transport, y compris pour le transit.
81. À la lumière de l’objet et du but du règlement n° 1775/2005 ainsi que de la directive 2003/55, les activités d’acheminement et celles de transit doivent donc être considérées comme des situations comparables. Par conséquent, le principe d’accès non discriminatoire exige que ces deux types d’activité de transport de gaz soient traités de la même façon à moins qu’un traitement différent ne soit objectivement justifié.
2. Traitement différent
82. Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a fait référence aux dispositions de la loi gaz 2009. Toutefois, à la suite de l’annulation ex tunc de cette loi, la juridiction de renvoi se réfère maintenant aux dispositions de la loi gaz 2005.
83. L’article 15/5quinquies de la loi gaz 2005 dispose que le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel, qui exerce une activité de transit, introduit une demande d’approbation spécifique au transit auprès de la CREG. Cette demande est soumise aux mêmes dispositions que la demande respective pour l’acheminement, à l’exception des articles 15/5ter, 2°, 4°, 5° et 8°, et 15/5quater, § 3, de la loi gaz 2005. En vertu de ces exceptions, les tarifs pour les activités de transit:
– ne doivent pas couvrir le revenu ainsi qu’il est précisé à l’article 15/5bis, paragraphe 2 (24),
– ne doivent pas être comparables au niveau international par rapport aux meilleures pratiques tarifaires appliquées par des gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel, comparables dans des circonstances similaires (25),
– ne doivent pas viser à optimaliser l’utilisation de la capacité du réseau de transport de gaz naturel (26), et
– ne doivent pas être uniformes sur l’ensemble du territoire, sans différenciation par zone géographique (27).
De plus, pour les activités de transit, le revenu total de la première année de la période régulatoire ne doit pas servir de référence à l’évaluation du revenu total pour les années suivantes de la période régulatoire de quatre ans.
84. Les dispositions de la loi gaz 2005 traitent donc les activités d’acheminement et celles de transit d’une façon différente.
3. Justification objective
85. En présence de deux types d’activité de transport de gaz comparables, tels que les activités d’acheminement et celles de transit (28), le principe d’accès non discriminatoire aux réseaux de gaz impose que les tarifs pour ces deux activités de transport ne soient pas différents, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. Ce principe n’exige pas l’application d’un tarif uniforme. Une différence de traitement peut être justifiée si elle est fondée sur un critère objectif
et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (29).
86. Dans un premier temps, il convient dès lors de déterminer les critères pertinents qui sont susceptibles de justifier un traitement différencié de ces deux activités de transport de gaz [sous-titre a)], avant d’examiner, dans un second temps, si la distinction générale et systématique entre les activités d’acheminement et celles de transit opérée par la loi gaz peut être justifiée au regard de ces critères [sous-titre b)]. Dans la mesure où une telle distinction ne reflète pas exactement des
différences concernant des critères pertinents entre l’ensemble des activités d’acheminement et l’ensemble des activités de transit, mais reflète néanmoins une tendance générale, la question se pose de savoir si une telle généralisation peut être justifiée [sous-titre c)].
a) Critères pertinents susceptibles de justifier une différenciation des tarifs
87. Un examen des dispositions du règlement n° 1775/2005 et de la directive 2003/55 révèle que les critères objectifs pouvant justifier une différenciation des tarifs sont notamment:
– la réalité des coûts que cause l’activité de transport (30),
– les investissements nécessaires à l’intégrité et à l’amélioration du système (31),
– les risques auxquels sont soumis les investissements concernant une certaine activité (32),
– la concurrence à laquelle est exposée une certaine activité (33), et
– les obligations de service public (34).
Le règlement n° 1775/2005 et la directive 2003/55 soulignent d’ailleurs qu’il est important d’éviter des subsides croisés entre différentes activités de transport de gaz (35).
88. En revanche, le fait que le gaz transporté soit destiné à la consommation sur le territoire belge ou au transport vers le territoire d’un autre État membre n’est pas un critère qui permet par lui-même de justifier un traitement différent de deux activités comparables de transport de gaz (36).
b) Justification d’une distinction générale et systématique telle que la distinction entre les activités d’acheminement et celles de transit
89. Une loi nationale, telle que la loi gaz 2005, qui fait une distinction générale et systématique entre les activités d’acheminement et celles de transit soulève un problème évident au regard du principe d’accès non discriminatoire aux réseaux. Une telle loi distingue selon que le gaz transporté est destiné à la consommation sur le territoire belge ou au transport vers le territoire d’un autre État membre. Ce critère n’est pas un critère pertinent permettant de justifier un traitement
différent.
90. Néanmoins, une telle distinction peut être conforme au principe de non-discrimination dans l’hypothèse où elle reflète en fait des différences entre ces deux types d’activité qui concernent des critères pertinents. En effet, bien qu’il résulte de l’article 3 du règlement n° 1775/2005 et de l’article 18 de la directive 2003/55 qu’un traitement différent entre l’acheminement et le transit doit être justifié, ces dispositions ne prévoient pas de discrimination positive entre ces deux types
d’activité. Elles ne s’opposent donc pas à ce qu'une activité d’acheminement et une activité de transit fassent l'objet d'un traitement différent, s’il existe, entre ces deux activités, des différences concernant des critères pertinents.
i) L’approche du gouvernement belge
91. Le gouvernement belge estime qu’une distinction entre les activités d’acheminement et les activités de transit est justifiée. Il soutient qu’il est conforme au principe de non-discrimination d’appliquer deux régimes distincts aux activités d’acheminement et à celles de transit, pourvu que des différences pertinentes entre ces deux activités existent et que les autres exigences du règlement n° 1775/2005 et de la directive 2003/55 soient respectées. Selon le gouvernement belge, un tel système
n’est pas discriminatoire parce que tous les utilisateurs du réseau ont la possibilité de souscrire le même service au même moment et aux mêmes conditions, au sein de chaque régime.
92. Cette approche me semble être fondée sur une interprétation erronée du principe de non-discrimination. Certes, ce principe n’oblige pas les États membres à justifier un traitement différent de deux situations non comparables. Toutefois, dans la mesure où deux situations, telles que les activités d’acheminement et celles de transit, sont comparables, chaque élément d’un régime dérogatoire doit être justifié. Il n’est dès lors pas suffisant de démontrer que certaines des activités de transit
peuvent présenter des caractéristiques différentes par rapport aux activités d’acheminement, afin de justifier l’application de deux régimes tarifaires distincts. Au contraire, un État membre doit justifier chaque élément du régime dérogatoire qu’il prévoit pour les activités de transit par rapport au régime réservé aux activités d’acheminement. Un régime dérogatoire pour les activités de transit n’est donc justifié que dans la mesureoù il reflète des différences existant entre ces deux activités et
concernant des caractéristiques pertinentes selon le règlement n° 1775/2005 et la directive 2003/55.
ii) Différences objectives entre les activités d’acheminement et celles de transit
93. Fluxys et le gouvernement belge soutiennent que la distinction générale entre les activités d’acheminement et celles de transit reflète des différences objectives qui existent entre ces deux types d’activité de transport et qui concernent des critères pertinents. Dans ce contexte, ils allèguent notamment que:
– les activités de transit sont exposées à la concurrence internationale, alors qu’il existe un monopole pour les activités d’acheminement;
– la demande pour les activités de transit est moins stable;
– les activités de transit sont soumises à un risque d’échouage des investissements plus élevé;
– les activités d’acheminement peuvent connaître d’importantes variations à court terme et doivent donc comprendre typiquement un service de flexibilité, et
– les activités d’acheminement sont soumises à des obligations de service public.
94. La CREG, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission doutent du fait que toutes les activités de transit opérées par Fluxys soient caractérisées par ces spécificités. Ils estiment que cela peut varier en fonction des différentes routes de transit.
95. En ce qui concerne les différences invoquées par Fluxys et par le gouvernement belge, il y a lieu de retenir, d’abord, que ces différences concernent des critères pertinents, tels que ceux mentionnés au point 87 des présentes conclusions. Des différences concernant ces critères peuvent donc justifier l’application d’un traitement différencié.
96. Toutefois, force est de constater que les dispositions d’une loi nationale, telles que celles de la loi gaz 2005 font une distinction générale et systématique entre toutes les activités d’acheminement, d’une part, et toutes les activités de transit, d’autre part. Une telle distinction ne peut être justifiée que si les différences invoquées sont présentes pour l’ensemble des activités de transit. Fluxys et le gouvernement belge justifient les dispositions dérogatoires pour toutes les
activités de transit en faisant notamment valoir, que ces activités sont exposées à la concurrence internationale, que la demande pour le transit est moins stable et que le risque d’investissement est plus élevé pour les activités de transit. En l’espèce, il me semble cependant loin d’être évident que toutes les activités de transit présentent ces caractéristiques.
97. Dans une procédure de renvoi préjudiciel, la Cour n’est pas compétente pour constater elle-même des faits. Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi d’examiner si l’ensemble des activités de transit opérées par Fluxys est caractérisé par les différences invoquées par Fluxys et le gouvernement belge. Toutefois, cet examen devant se faire compte tenu du cadre réglementaire posé par le règlement n° 1775/2005 et la directive 2003/55, il convient de donner les indications suivantes.
98. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les activités de transit sont soumises à la concurrence internationale, la juridiction de renvoi devra examiner en détail si toutes les routes de transit dans le réseau de Fluxys sont soumises à une concurrence internationale et si celle-ci est d’une intensité telle qu'elle doit être prise en compte pour les tarifs pour toutes les activités de transit. La seule possibilité technique de construire une autre route de transit ou d’utiliser le
réseau d’un autre gestionnaire ne suffit pas pour conclure qu’une route de transit est soumise à une concurrence internationale appréciable. La route par le réseau d’un autre gestionnaire ou la construction d’une autre route doit représenter une alternative économiquement substituable à la route de transit dans le réseau de Fluxys. L’influence de la concurrence internationale sur les activités de transit est donc susceptible de varier en fonction des différentes routes de transit.
99. Dans la mesure où Fluxys et le gouvernement belge invoquent un risque d’investissement plus élevé pour les activités de transit, la juridiction de renvoi devra examiner la probabilité de ce risque. Celle-ci peut varier, notamment, en fonction de l’existence et de l’intensité d’une concurrence internationale, qu'en fonction du montant de l’investissement initial déjà récupéré. Il est donc possible que ce risque d’investissement varie en fonction de la route de transit.
100. Finalement, la juridiction de renvoi devra analyser si l’instabilité de la demande concerne toutes les routes de transit dans le réseau de Fluxys et si elle les concerne dans la même mesure.
101. Sans vouloir anticiper le résultat de l’examen de la juridiction de renvoi, il me semble assez probable que celle-ci constatera que toutes les activités de transit ne sont pas soumises aux contraintes invoquées par Fluxys et le gouvernement belge, ou qu’elles n’y sont pas soumises dans la même mesure. Dans cette hypothèse, la distinction systématique et générale entre les activités d’acheminement et celles de transit ne pourrait pas être justifiée dans son ensemble par des différences
concernant des critères pertinents, parce qu’elle ne reflèterait pas des différences objectives entre ces deux types d’activité.
iii) Pouvoir de généralisation
102. Dans l’hypothèse (probable) où la distinction générale et systématique entre l’ensemble des activités d’acheminement et l’ensemble des activités de transit, prévue par une loi nationale telle que la loi gaz, ne saurait être justifiée dans son ensemble par des différences concernant des critères pertinents, la question se pose de savoir si cette distinction peut être justifié en vertu d’un pouvoir de généralisation des États membres.
103. Le principe d’accès non discriminatoire n’oblige pas les États membres à prévoir des régimes tarifaires qui reflètent dans le moindre détail toutes les spécificités que peuvent présenter les différentes activités de transport. En vue d’une praticabilité et de la transparence des tarifs, les États membres peuvent généraliser le régime tarifaire dans une certaine mesure. Ils disposent d’une certaine marge d’appréciation quant au choix des critères en fonction desquels ils généralisent le régime
tarifaire (37).
104. Même si la distinction entre les activités d’acheminement et celles de transit ne reflète pas exactement toutes les différences entre l’ensemble de ces activités de transport, il ne semble pas être exclu qu’elle reflète une tendance générale. La question se pose dès lors de savoir si la distinction générale et systématique entre l’acheminement et le transit pourrait être justifiée en vertu d’un pouvoir de généralisation des États membres.
105. À mon avis, cette question appelle une réponse négative. Une généralisation basée sur la distinction de l’acheminement et du transit irait à l'encontre des objectifs poursuivis par le règlement n° 1775/2005 et la directive 2003/55. Ces actes visent à promouvoir le développement d’un marché unique européen du gaz naturel et, partant, à éliminer les obstacles qui s’opposent aux flux transfrontaliers de gaz entre les États membres (38). L’instauration d’un accès réglementé et non discriminatoire
aux réseaux de gaz à haute pression est un instrument principal pour l’élimination des obstacles au flux transfrontalier de gaz naturel. En effet, le principe de non-discrimination oblige les gestionnaires des différents réseaux à démontrer pourquoi les flux de gaz transfrontaliers doivent être traités d’une manière autre que les flux de gaz internes. Cette obligation de justifier un traitement différent des flux de gaz internes et des flux de gaz transfrontaliers permet de déterminer les
différences de traitement, qui ne reposent pas sur des critères pertinents et ne sont donc pas fondées (39).
106. Une généralisation des régimes tarifaires qui distingue les activités d’acheminement de celles de transit est susceptible de mettre en péril l’objectif d’intégration du marché poursuivi par le règlement n° 1775/2005 et la directive 2003/55 (40). Elle permettrait aux gestionnaires des réseaux d’appliquer des tarifs différents, même lorsque cela n’est pas justifié en fonction de critères pertinents. Quand bien même elle ne concernerait qu’un nombre limité de cas, une telle approche serait à
l'opposé de l’idée d’une intégration progressive des marchés nationaux.
107. Pour conclure, je considère que si les États membres peuvent, certes, généraliser leurs régimes tarifaires dans une certaine mesure, le règlement n° 1775/2005 et la directive 2003/55 s’opposent cependant à une généralisation entre les activités d’acheminement et celles de transit.
c) Résultat
108. Dans la mesure où une loi nationale, telle que la loi gaz 2005, établit une distinction générale et systématique entre les activités d’acheminement et celles de transit, qui ne reflète pas exactement les différences qui existent entre l’ensemble des activités d’acheminement et l’ensemble des activités de transit concernant des critères pertinents, elle n’est pas conforme au principe d’accès non discriminatoire aux réseaux de gaz naturel énoncé à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 et à
l’article 18 de la directive 2003/55.
D – Résumé
109. Il résulte de l’article 32, paragraphe 1, de la directive 2003/55, que le principe d’accès non discriminatoire aux réseaux de gaz réglé à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1775/2005 et à l’article 18 de ladite directive n’est pas applicable aux contrats «historiques».
110. Dans la mesure où le principe d’accès non discriminatoire aux réseaux de gaz énoncé à l’article 3 du règlement n° 1775/2005 et à l’article 18 de la directive 2003/55 est applicable, il s’oppose à ce qu’une loi nationale instaure deux régimes tarifaires distincts, l’un pour l’acheminement et l’autre pour le transit de gaz naturel, sauf si ces régimes tarifaires distincts reflètent exactement les différences entre l’ensemble des activités d’acheminement et l’ensemble des activités de transit, et
si ces différences concernent des critères qui sont pertinents conformément au règlement n° 1775/2005 et à la directive 2003/55. Le fait que le gaz franchisse une frontière intracommunautaire n’est pas en lui-même un critère pertinent.
VIII – Conclusion
111. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par la Cour d'appel de Bruxelles:
«Le principe d’accès non discriminatoire aux réseaux de gaz à haute pression énoncé à l’article 3 du règlement (CE) n° 1775/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 28 septembre 2005, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel, et à l’article 18 de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE, s’oppose à ce que les législations
nationales créent deux régimes tarifaires distincts, l’un pour le transport de gaz interne et l’autre pour le transport de gaz transfrontalier, sauf si le régime tarifaire dérogatoire pour le transport de gaz transfrontalier reflète exactement les différences entre l’ensemble des activités de transport de gaz transfrontalier et l’ensemble des activités de transport de gaz interne et si ces différences concernent des critères pertinents conformément au règlement n° 1775/2005 et à la directive
2003/55.»
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1 – Langue originale: le français.
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2 – Conformément au traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (JO C 306, p. 1), la procédure de demande de décision préjudicielle est désormais régie par l’article 267 TFUE.
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3 – JO L 176, p. 57.
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4 – JO L 289, p. 1.
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5 – Dans les présentes conclusions, il sera fait usage de la notion de droit communautaire, dans la mesure où, ratione temporis, c’était encore le droit communautaire, et non le droit de l’Union, qui s’appliquait à l’époque des faits au principal.
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6 – JO L 147, p. 37.
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7 – JO L 204, p. 1.
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8 – Lois du 16 mars 2007; du 21 décembre 2007; du 6 juin 2008; du 22 décembre 2008; du 10 mars 2009, et du 6 mai 2009.
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9 – Cet article comportait un second alinéa, qui énonçait, « Sans préjudice des dispositions relatives aux tarifs réglementés et du code de bonne conduite, l’accès est négocié de bonne foi». Cet alinéa, qui a été supprimé par la loi du 22 décembre 2008, à la suite du recours en manquement dans l’affaire Commission/Belgique (arrêt du 3 décembre 2009, C-475/08, non encore publié au Recueil), n’est pas pertinent pour la présente affaire.
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10 – Cette date correspond à la fin de validité des dispositions de la directive 2003/55 à la suite de son abrogation par l’article 53 de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55 (JO L 211, p. 94).
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11 – En Belgique, les activités de fourniture et de transport de gaz naturel ont été historiquement effectuées par l’entreprise Distrigaz SA, dont l’État belge détenait 50 % du capital. Dans le cadre de la libéralisation du secteur, Distrigaz SA a fait l’objet, en 2001, d’une scission partielle. Ainsi, une nouvelle société anonyme a été créée, qui a repris la dénomination «Distrigaz» et à laquelle ont été apportées notamment les activités de fourniture, tandis que la société existante a conservé les
activités de transport et a changé sa dénomination sociale en «Fluxys».
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12 – Arrêts du 25 mars 2004, Karner (C‑71/02, Rec. p. I‑3025, point 21), et du 1^er avril 2004, Bellio F.lli (C‑286/02, Rec. p. I‑3465, point 28).
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13 – Arrêt du 4 décembre 2008, Jobra (C‑330/07, Rec. p. I‑9099, point 17 et jurisprudence citée).
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14 – Ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie (C‑116/00, Rec. p. I‑4979, points 23 et 24); arrêt du 19 avril 2007, Asemfo (C‑295/05, Rec. p. I‑2999, point 33), ainsi que ordonnance du 20 janvier 2010, Agueda María Saenz Morales (C‑389/09, non encore publiée au Recueil, point 13).
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15 – Arrêts du 1^er avril 1982, Holdijk e.a. (141/81 à 143/81, Rec. p. 1299, point 6); du 8 novembre 2007, Schwibbert (C‑20/05, Rec. p. I‑9447, point 21), ainsi que ordonnance Agueda María Saenz Morales (précitée, point 14).
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16 – Arrêt du 22 juin 2010, Melki (C‑188/10 et C‑189/10, non encore publié au Recueil, points 40 à 57).
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17 – Voir deuxième considérant de la directive 2003/55.
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18 – Les raisons de l’existence d’un tel monopole sont exposées dans Olbricht, T., Netzzugang in der deutschen Gaswirtschaft, Düsseldorfer Schriften zum Energie- und Kartellrecht, Verlag Energiewirtschaft und Technik, 2008, p. 56 et suiv.
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19 – Voir deuxième considérant de la directive 2003/55.
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20 – Il s’agit des contrats conclus entre les entités responsables des grands réseaux de gaz naturel et de la qualité de leur desserte, et avec, le cas échéant, les entités responsables, dans les États membres, des importations et exportations du gaz naturel, les entités responsables des grands réseaux étant reprises de manière exhaustive à l’annexe de la directive 91/296.
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21 – Voir point 67 des présentes conclusions.
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22 – Arrêts du 13 février 1996, Gillespie e.a. (C‑342/93, Rec. p. I‑475, point 16); du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals (C‑106/01, Rec. p. I‑4403, point 60); du 11 juin 2009, Agrana Zucker (C‑33/08, Rec. p. I‑5035, point 46), et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, non encore publié au Recueil, point 100).
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23 – Voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 1971, Rheinmühlen Düsseldorf (6/71, Rec. p. 823, point 14); du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a. (117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 8); du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 74), ainsi que du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, Rec. p. I‑9895, point 26). Voir, également, Hernu, R., «Principe d’égalité et principe de non-discrimination dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes», LGDJ, 2003, p. 357, qui considère qu’il n’y a pas de similarité ou de singularité des situations en soi, mais que l’appréciation de la situation se fait uniquement en fonction de l’objet et du but de la règle.
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24 – Contrairement aux tarifs pour les activités d’acheminement qui doivent respecter cette orientation conformément à l’article 15/5ter, 2°, de la loi gaz 2005.
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25 – Contrairement aux tarifs pour les activités d’acheminement qui doivent respecter cette orientation conformément à l’article 15/5ter, 4°, de la loi gaz 2005.
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26 – Contrairement aux tarifs pour les activités d’acheminement qui doivent respecter cette orientation conformément à l’article 15/5ter, 5°, de la loi gaz 2005.
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27 – Contrairement aux tarifs pour les activités d’acheminement qui doivent respecter cette orientation conformément à l’article 15/5ter, 8°, de la loi gaz 2005.
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28 – Voir points 78 à 81 des présentes conclusions.
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29 – Voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 1977, Bela-Mühle Bergmann (114/76, Rec. p. 1211, point 7); du 15 juillet 1982, Edeka Zentrale (245/81, Rec. p. 2745, points 11 et 13); du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil (C-122/95, Rec. p. I-973, points 68 et 71); du 23 mars 2006, Unitymark et North Sea Fishermen’s Organisation (C‑535/03, Rec. p. I-2689, points 53, 63, 68 et 71), ainsi que Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., précité (point 47).
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30 – Voir, notamment, article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1775/2005 et sixième et septième considérants de ce règlement ainsi que seizième considérant de la directive 2003/55.
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31 – Voir, notamment, article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1775/2005, et sixième considérant de ce règlement.
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32 – Voir, notamment, septième considérant du règlement n° 1775/2005.
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33 – Voir, notamment, article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 1775/2005 et septième considérant de ce règlement.
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34 – Voir article 3, paragraphes 3 et 4, de la directive 2003/55.
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35 – Voir, notamment, article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 1775/2005.
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36 – Voir points 78 à 81 des présentes conclusions.
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37 – Voir, par analogie, points 57 à 59 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Hlozek ayant donné lieu à l'arrêt du 9 décembre 2004, C‑19/02, Rec. p. I‑11491.
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38 – Voir trente et unième considérant de la directive 2003/55, selon lequel l’objectif poursuivi par l’adoption de la directive 2003/55 et par l’abrogation de la directive 91/296 est de prendre des mesures permettant la mise en place d’un régime d’accès homogène et non discriminatoire dans le domaine des activités de transport, y compris le flux transfrontalier de gaz entre les États membres. Voir aussi premier et sixième à huitième considérants de la directive 2003/55.
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39 – Elle permet aussi de déterminer les obstacles aux flux transfrontaliers qui peuvent être éliminés non pas par l’application du principe d’accès non discriminatoire, mais éventuellement par une autre mesure du législateur communautaire.
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40 – Voir article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1775/2005 qui dispose que les tarifs d’accès en réseau ne doivent pas fausser les échanges transfrontaliers entre différents réseaux de transport.