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13/10/2011 | CJUE | N°C-43/10

CJUE | CJUE, Conclusions de l’avocat général Mme J. Kokott, présentées le 13 octobre 2011., Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. contre Ypourgos Perivallontos, Chorotaxias kai Dimosion ergon e.a., 13/10/2011, C-43/10


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 13 octobre 2011 ( 1 )

Affaire C‑43/10

Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias

Dimos Agriniou

Dimos Oiniádon

Emporiko kai Viomichaniko Epimelitirio Aitoloakarnanias

Enosi Agrotikon Synetairismon Agriniou

Aitoliki Etaireia Prostasias Topiou kai Perivallontos

Elliniki Ornithologiki Etaireia

Elliniki Etaireia gia tin prostasia tou Perivallontos kai tis Politistikis Klironomias

Dimos Mesologiou

Dimos Aitolikou

Dimos Inachou

Topiki Enosi Dimon kai Koinotiton Nomou Aitoloakarnanias

Pagkosmio Tameio gia ti Fysi WWF Ell...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 13 octobre 2011 ( 1 )

Affaire C‑43/10

Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias

Dimos Agriniou

Dimos Oiniádon

Emporiko kai Viomichaniko Epimelitirio Aitoloakarnanias

Enosi Agrotikon Synetairismon Agriniou

Aitoliki Etaireia Prostasias Topiou kai Perivallontos

Elliniki Ornithologiki Etaireia

Elliniki Etaireia gia tin prostasia tou Perivallontos kai tis Politistikis Klironomias

Dimos Mesologiou

Dimos Aitolikou

Dimos Inachou

Topiki Enosi Dimon kai Koinotiton Nomou Aitoloakarnanias

Pagkosmio Tameio gia ti Fysi WWF Ellas

contre

Ypourgos Perivallontos, Chorotaxias kai Dimosion ergon

Ypourgos Esoterikon, Dimosias Dioikisis kai Apokentrosis

Ypourgos Oikonomias kai Oikonomikon

Ypourgos Anaptyxis

Ypourgos Agrotikis Anaptyxis kai Trofimon

Ypourgos Politismou

[demande de décision préjudicielle formée par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce)]

«Protection de l’environnement — Directive 2000/60/CE — Politique de l’Union dans le domaine de l’eau — Déviation du cours d’un fleuve — Notion de délai pour l’établissement des plans de gestion de district hydrographique — Effets anticipés — Participation du public — Directive 2001/42/CE — Évaluation des incidences de plans et programmes sur l’environnement — Application ratione temporis — Directive 85/337/CEE — Évaluation des incidences sur l’environnement — Possibilité d’utiliser des études
antérieures — Directive 92/43/CEE — Conservation de la faune et la flore sauvages — Conservation des sites d’intérêt communautaire — Directive 79/409/CEE — Conservation des oiseaux — Conservation des zones spéciales de protection — Étude de compatibilité — Interdiction de régression — Justification de restrictions»

Table des matières

  I — Introduction
  II — Cadre juridique
  A — Droit de l’Union
  1. La directive-cadre sur l’eau
  2. La directive EIE
  3. La directive ESIE
  4. La directive de conservation des oiseaux
  5. La directive habitats
  B — Droit grec
  III — Faits et demande de décision préjudicielle
  IV — Appréciation juridique
  A — La directive-cadre sur l’eau
  1. Sur la première question — Quand l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau est-il applicable?
  2. Sur la première partie de la troisième question — La licéité du détournement d’eau vers d’autres districts hydrographiques
  a) Sur les obligations de protection et de restauration découlant de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau
  b) Sur l’application à des projets de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau
  c) Sur le bon état des eaux
  d) Sur l’écart par rapport aux objectifs environnementaux
  3. Sur la deuxième question — La nécessité d’établir des plans de gestion de districts hydrographiques
  4. Sur la deuxième partie de la troisième question — Les objectifs licites d’un détournement
  5. Sur la troisième partie de la troisième question — La recherche d’alternatives
  6. Sur la quatrième question — Les effets anticipés de la directive-cadre sur l’eau
  a) Sur la jurisprudence concernant l’effet anticipé de directives
  b) Sur la confiance légitime et la sécurité juridique
  c) Le cas en l’espèce
  7. Sur la cinquième question — La participation du public
  B — La directive EIE
  C — La directive ESIE
  1. Sur la septième question — Le champ d’application matériel de la directive ESIE
  a) La notion de «plans et programmes»
  b) L’obligation de contrôler les plans de gestion
  2. Sur la huitième question — L’application de la directive ESIE ratione temporis
  a) Sur l’élaboration des plans de gestion
  b) Sur l’établissement d’un plan de détournement de l’Acheloos
  c) Réponse à la huitième question
  3. Sur la neuvième question — La portée de l’évaluation environnementale
  D — La protection de la nature
  1. Sur la dixième question — La protection des sites proposés lors de l’adoption de la loi no 3481/2006
  a) Sur la protection provisoire des sites proposés
  b) Sur la protection des sites après leur inscription au registre communautaire
  c) La réponse à la dixième question
  2. Sur la onzième question
  a) Sur l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats
  b) Sur l’article 6, paragraphes 2 et 4, de la directive habitats
  c) Réponse à la onzième question
  3. Sur la douzième question — Les raisons impératives d’intérêt public majeur
  4. Sur la treizième question — Les mesures garantissant la cohérence globale de Natura 2000
  5. Sur la quatorzième question — La transformation d’un écosystème fluvial naturel
  V — Conclusion

I – Introduction

1. Depuis plus de vingt ans, des services grecs œuvrent à détourner partiellement l’Acheloos, fleuve de Grèce occidentale, vers le fleuve Pineios, dans l’est de la Grèce, ainsi qu’à en exploiter le cours supérieur pour produire de l’énergie. Toutefois, le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce, ci-après le «Conseil d’État») a annulé, à plusieurs reprises, les décisions d’autorisation y relatives. Le litige au principal porte sur la validité d’une loi de 2006 qui autorise à nouveau le projet.

2. La très volumineuse et complexe demande de décision préjudicielle porte essentiellement sur la question de savoir si — ou dans quelle mesure — ladite loi doit être examinée au regard de la directive-cadre sur l’eau ( 2 ), alors même que, lors de l’adoption de la loi, un délai de transition courait encore pour les dispositions pertinentes de ladite directive. Par ailleurs, il est demandé dans quelle mesure le fait que la procédure législative renvoie à une étude d’incidences environnementales
réalisée dans le cadre d’une procédure administrative antérieure est compatible avec la directive EIE ( 3 ). Est également posée la question de savoir si la directive relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement ( 4 ) (ci-après la «directive ESIE», pour «évaluation stratégique des incidences sur l’environnement») était applicable et si, le cas échéant, un examen au regard de la directive ESIE s’imposait en plus de l’étude d’incidences
environnementales précitée. Enfin, il est demandé d’examiner certaines questions concernant la protection des zones Natura 2000 concernées au regard de la directive habitats ( 5 ).

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

1. La directive-cadre sur l’eau

3. Les objectifs environnementaux essentiels ainsi que les éventuelles dérogations sont fixés à l’article 4:

«1.   En rendant opérationnels les programmes de mesures prévus dans le plan de gestion du district hydrographique:

a) pour ce qui concerne les eaux de surface

i) les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau de surface, sous réserve de l’application des paragraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8;

ii) les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d’eau de surface, sous réserve de l’application du point iii) en ce qui concerne les masses d’eau artificielles et fortement modifiées afin de parvenir à un bon état des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions de l’annexe V, sous réserve de l’application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l’application des
paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8;

iii) les États membres protègent et améliorent toutes les masses d’eau artificielles et fortement modifiées, en vue d’obtenir un bon potentiel écologique et un bon état chimique des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions énoncées à l’annexe V, sous réserve de l’application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l’application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8;

iv) […] sans préjudice des accords internationaux pertinents visés à l’article 1er pour les parties concernées;

b) pour ce qui concerne les eaux souterraines

[…]

3.   Les États membres peuvent désigner une masse d’eau de surface comme étant artificielle ou fortement modifiée lorsque:

a) les modifications à apporter aux caractéristiques hydromorphologiques de cette masse d’eau pour obtenir un bon état écologique auraient des incidences négatives importantes sur:

i) l’environnement au sens large;

ii) la navigation, y compris les installations portuaires, ou les loisirs;

iii) les activités aux fins desquelles l’eau est stockée, telles que l’approvisionnement en eau potable, la production d’électricité ou l’irrigation;

iv) la régularisation des débits, la protection contre les inondations et le drainage des sols;

v) d’autres activités de développement humain durable tout aussi importantes;

b) les objectifs bénéfiques poursuivis par les caractéristiques artificielles ou modifiées de la masse d’eau ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints raisonnablement par d’autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure.

Cette désignation ainsi que les raisons de cette désignation doivent être explicitement mentionnées dans le plan de gestion de district hydrographique prévu à l’article 13 et revue tous les six ans.

4.   […]

5.   Les États membres peuvent viser à réaliser des objectifs environnementaux moins stricts que ceux fixés au paragraphe 1, pour certaines masses d’eau spécifiques, lorsque celles-ci sont tellement touchées par l’activité humaine, déterminée conformément à l’article 5, paragraphe 1, ou que leur condition naturelle est telle que la réalisation de ces objectifs serait impossible ou d’un coût disproportionné, et que toutes les conditions suivantes sont réunies:

a) les besoins environnementaux et sociaux auxquels répond cette activité humaine ne peuvent être assurés par d’autres moyens constituant une option environnementale meilleure et dont le coût n’est pas disproportionné;

b) les États membres veillent à ce que:

— les eaux de surface présentent un état écologique et chimique optimal compte tenu des incidences qui n’auraient raisonnablement pas pu être évitées à cause de la nature des activités humaines ou de la pollution;

— […]

c) aucune autre détérioration de l’état des masses d’eau concernées ne se produit;

d) les objectifs environnementaux moins stricts sont explicitement indiqués et motivés dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l’article 13 et ces objectifs sont revus tous les six ans.

6.   […]

7.   Les États membres ne commettent pas une infraction à la présente directive lorsque:

— le fait de ne pas rétablir le bon état d’une eau souterraine, le bon état écologique ou, le cas échéant, le bon potentiel écologique ou de ne pas empêcher la détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface ou d’eau souterraine résulte de nouvelles modifications des caractéristiques physiques d’une masse d’eau de surface ou de changements du niveau des masses d’eau souterraines, ou

— l’échec des mesures visant à prévenir la détérioration d’un très bon état vers un bon état de l’eau de surface résulte de nouvelles activités de développement humain durable

et que toutes les conditions suivantes sont réunies:

a) toutes les mesures pratiques sont prises pour atténuer l’incidence négative sur l’état de la masse d’eau;

b) les raisons des modifications ou des altérations sont explicitement indiquées et motivées dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l’article 13 et les objectifs sont revus tous les six ans;

c) ces modifications ou ces altérations répondent à un intérêt général majeur et/ou les bénéfices pour l’environnement et la société qui sont liés à la réalisation des objectifs énoncés au paragraphe 1 sont inférieurs aux bénéfices pour la santé humaine, le maintien de la sécurité pour les personnes ou le développement durable qui résultent des nouvelles modifications ou altérations, et

d) les objectifs bénéfiques poursuivis par ces modifications ou ces altérations de la masse d’eau ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints par d’autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure.

8.   Pour l’application des paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7, les États membres veillent à ce que l’application n’empêche pas ou ne compromette pas la réalisation des objectifs de la présente directive dans d’autres masses d’eau du même district hydrographique et qu’elle soit cohérente avec la mise en œuvre des autres dispositions législatives communautaires en matière d’environnement.

9.   Des mesures sont prises de manière à ce que l’application des nouvelles dispositions, notamment l’application des paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7, garantisse au moins le même niveau de protection que la législation communautaire actuellement en vigueur.»

4. En vertu de l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau, les États membres devaient procéder jusqu’au 22 décembre 2004 à l’analyse de certaines caractéristiques de chaque district hydrographique. En vertu de l’article 8 de la directive-cadre sur l’eau, les États membres devaient établir, avant le 22 décembre 2006, des programmes de surveillance des eaux. Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, les États membres devaient rendre compte dans les trois mois à la Commission européenne sur les deux
mesures précitées.

5. L’article 11 régit les programmes de mesures que les États membres sont tenus d’adopter par district hydrographique. Le délai imparti pour leur adoption est inscrit au paragraphe 7:

«Les programmes de mesures sont établis au plus tard neuf ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive et toutes les mesures sont opérationnelles au plus tard douze ans après cette même date.»

6. L’article 13 de la directive-cadre sur l’eau régit l’élaboration des plans de gestion des districts hydrographiques. Le paragraphe 1 consacre l’obligation de les élaborer et le paragraphe 6 fixe le délai imparti pour leur publication:

«1.   Les États membres veillent à ce qu’un plan de gestion de district hydrographique soit élaboré pour chaque district hydrographique entièrement situé sur leur territoire.

[…]

6.   Les plans de gestion de district hydrographique sont publiés au plus tard neuf ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive.»

7. L’article 14 de la directive-cadre sur l’eau contient des dispositions relatives à la participation du public:

«1.   Les États membres encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de la présente directive, notamment à la production, à la révision et à la mise à jour des plans de gestion de district hydrographique. Les États membres veillent à ce que, pour chaque district hydrographique, soient publiés et soumis aux observations du public, y compris des utilisateurs:

a) un calendrier et un programme de travail pour l’élaboration du plan, y compris un relevé des mesures qui seront prises en matière de consultation, trois ans au moins avant le début de la période de référence du plan;

b) une synthèse provisoire des questions importantes qui se posent dans le bassin hydrographique en matière de gestion de l’eau, deux ans au moins avant le début de la période de référence du plan;

c) un projet de plan de gestion de district hydrographique, un an au moins avant le début de la période de référence du plan.

Sur demande, les documents de référence et les informations utilisées pour l’élaboration du projet de plan de gestion sont mis à disposition.

2.   Les États membres prévoient au moins six mois pour la formulation par écrit des observations sur ces documents, afin de permettre une consultation et une participation actives.»

8. En vertu de l’article 24, le délai imparti pour la transposition de la directive-cadre sur l’eau a expiré le 22 décembre 2003.

2. La directive EIE

9. L’article 2, paragraphe 1, fixe l’objectif de la directive EIE:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.»

10. L’article 1er, paragraphe 5, de la directive EIE comporte néanmoins une exception applicable aux actes législatifs:

«La présente directive ne s’applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par la présente directive, y compris l’objectif de la mise à disposition d’informations, étant atteints à travers la procédure législative.»

11. L’article 5 de la directive EIE fixe les informations devant être fournies dans le cadre d’une évaluation des incidences environnementales:

«1.   Dans le cas des projets qui, en application de l’article 4, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10, les États membres adoptent les mesures nécessaires pour assurer que le maître d’ouvrage fournisse, sous une forme appropriée, les informations spécifiées à l’annexe IV, dans la mesure où:

a) les États membres considèrent que ces informations sont appropriées à un stade donné de la procédure d’autorisation et aux caractéristiques spécifiques d’un projet spécifique ou d’un type de projet et des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés;

b) les États membres considèrent que l’on peut raisonnablement exiger d’un maître d’ouvrage de rassembler les données compte tenu, entre autres, des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes.»

12. En ses points 12 et 15, l’annexe I de la directive EIE cite les projets de transvasement de ressources hydrauliques et de barrages.

3. La directive ESIE

13. Les plans et programmes sont définis à l’article 2, sous a), de la directive ESIE:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) ‘plans et programmes’: les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par la Communauté européenne, ainsi que leurs modifications:

— élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

— exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives».

14. L’article 3 de la directive ESIE précise quels plans et programmes doivent faire l’objet de l’évaluation. Les paragraphes 1 à 5 notamment sont les plus pertinents:

«1.   Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.   Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes:

a) qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE pourra être autorisée à l’avenir; ou

b) pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE.

3.   Les plans et programmes visés au paragraphe 2 qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes visés au paragraphe 2 ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

4.   Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

5.   Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l’annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences
notables sur l’environnement soient couverts par la présente directive.

6.   […]»

15. L’article 11 de la directive ESIE régit la relation avec les exigences de la directive EIE et avec d’autres procédures d’évaluation environnementale:

«1.   Une évaluation environnementale effectuée au titre de la présente directive est sans préjudice des exigences de la directive 85/337/CEE ni d’aucune autre disposition législative communautaire.

2.   Pour les plans et programmes pour lesquels l’obligation d’effectuer une évaluation des incidences sur l’environnement découle simultanément de la présente directive et d’autres dispositions communautaires, les États membres peuvent prévoir des procédures coordonnées ou communes qui satisfont aux exigences des dispositions législatives communautaires pertinentes, afin notamment d’éviter de faire plusieurs évaluations.

3.   […]»

16. En vertu de l’article 13, paragraphe 1, la directive ESIE devait être transposée jusqu’au 21 juillet 2004.

17. L’article 13, paragraphe 3, régit l’application ratione temporis de la directive ESIE. Elle ne s’applique en principe qu’à des procédures initiées après l’expiration du délai de transposition. Elle ne s’applique que de façon limitée à des procédures initiées plus tôt:

«L’obligation prévue à l’article 4, paragraphe 1, s’applique aux plans et programmes dont le premier acte préparatoire formel est postérieur à la date visée au paragraphe 1. Les plans et programmes dont le premier acte préparatoire est antérieur à cette date et qui sont adoptés ou présentés plus de vingt-quatre mois après cette date sont soumis à l’obligation prévue à l’article 4, paragraphe 1, à moins que les États membres ne décident au cas par cas que cela n’est pas possible et n’informent le
public de cette décision.»

4. La directive de conservation des oiseaux

18. La directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ( 6 ) (ci-après la «directive oiseaux»), dispose en son article 4, paragraphes 1 et 2, que les États membres classent en zones de protection spéciale (ci-après les «ZPS») les territoires les plus appropriés à la conservation des espèces visées à l’annexe I et des espèces migratrices.

19. L’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive oiseaux régit la protection des ZPS:

«Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2 la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article.»

5. La directive habitats

20. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive habitats, ainsi que de l’annexe III (étape 1), les États membres proposent à la Commission des sites abritant des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces indigènes de l’annexe II. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, ainsi qu’à l’annexe III (étape 2), la Commission sélectionne les sites qu’elle inscrit dans une liste de sites d’intérêt communautaire (ci-après les «SIC»).

21. L’article 4, paragraphe 5, de la directive habitats régit l’application ratione temporis des dispositions relatives à la conservation des sites:

«Dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2 troisième alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4.»

22. Par la décision 2006/613/CE, du 19 juillet 2006, arrêtant, en application de la directive 92/43 du Conseil, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique méditerranéenne ( 7 ), la Commission a inscrit sur la liste, entre autres, les sites ci-après:

— «Delta Acheloou, Limnothalassa Mesologgiou-Aitolikou, Ekvoles Evinou, Nisoi Echinades, Nisos Petalas» (GR2310001);

— «Limni Amvrakia» (GR2310007);

— «Limni Ozeros» (GR2310008);

— «Limnes Trichonida kai Lysimachia» (GR2310009), et

— «Aspropotamos» (GR1440001 ( 8 )).

23. D’après la base données EUR-Lex, cette décision a été notifiée aux États membres le 19 juillet 2006 ( 9 ) et elle a été publiée dans un numéro du Journal officiel de l’Union européenne en date du 21 septembre 2006.

24. Les dispositions relatives à la conservation des sites figurent à l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats:

«2.   Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.   Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent
leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.   Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.»

25. L’article 7 de la directive habitats étend ces dispositions aux ZPS de la directive oiseaux.

B – Droit grec

26. La directive-cadre sur l’eau a été transposée par la loi no 3199/2003 ( 10 ) et par le décret présidentiel no 51/2007 ( 11 ). En l’espèce, il est question d’amendements à la loi no 3199/2003 par la loi no 3481/2006 ( 12 ).

27. L’article 9 de la loi no 3481/2006 ajoute, à l’article 7 de la loi no 3199/2003, un paragraphe 5:

«Jusqu’à l’entérinement du programme national de gestion et de protection du potentiel aquatique du pays et jusqu’à l’adoption des plans de gestion de chaque région, la captation d’un bassin hydrographique donné et le transfert d’eau vers un autre bassin hydrographique en vertu d’un plan approuvé de gestion des eaux du ou des bassins concernés sont autorisés pour:

a) satisfaire à des besoins impérieux d’approvisionnement en eau de villes et agglomérations;

b) […];

c) […]; ou

d) produire de l’énergie dans de grandes centrales hydroélectriques dont la capacité excède 50 MW. […]»

28. L’article 13 de la loi no 3481/2006 porte sur le projet litigieux:

«1.   Les travaux de détournement partiel vers la Thessalie du cours supérieur de l’Acheloos sont qualifiés de ‘travaux de grande ampleur et d’intérêt national’.

2.   Le plan de gestion des bassins hydrographiques du fleuve Acheloos et du fleuve Pineios (Thessalie) est approuvé. […]

3.   Les spécifications et restrictions environnementales applicables aux ouvrages de détournement vers la Thessalie du cours supérieur du fleuve Acheloos, pour lesquelles ont été entièrement respectées toutes les procédures — y compris les procédures de publicité et de consultation du public concerné et avec les services compétents — prévues par les dispositions pertinentes de la législation nationale ou communautaire relative à l’environnement et à la protection des antiquités, sont
approuvées. […]

4.   Il est possible, conformément au plan de gestion et aux paramètres environnementaux entérinés au paragraphe précédent, de mettre en service ou de finaliser la construction des ouvrages publics ainsi que des ouvrages de la Dimosia Epicheirisi Ilektrismou [entreprise publique d’électricité de la Grèce, ci-après DEI], relatifs au détournement du cours supérieur de l’Acheloos vers la Thessalie ou à la production d’énergie électrique, qui ont fait l’objet d’une passation de marchés et qui ont
été construits ou qui sont en construction.»

III – Faits et demande de décision préjudicielle

29. Le projet dont la juridiction de renvoi est saisie consiste en un détournement partiel du fleuve Acheloos (ouest de la Grèce) vers le fleuve Pineios (situé dans l’est de la Grèce, plus précisément en Thessalie). Outre le détournement stricto sensu, le projet comporte également divers barrages destinés à servir à la production d’énergie.

30. Long de 220 kilomètres et d’une largeur allant jusqu’à 90 mètres, l’Acheloos a sa source près de Metsovo, dans la chaîne montagneuse du Pinde, et — enrichi par plusieurs affluents — il se jette dans la mer à l’ouest de Messolonghi, dans le golfe de Patras; il s’agit d’un des plus grands bassins aquatiques du pays et il constitue un très important écosystème fluvial.

31. Le Pineios a également sa source dans le massif du Pinde, mais il s’écoule vers l’est, à travers la plaine de Thessalie, pour se jeter dans le golfe de Salonique.

32. Aux fins de la réalisation de ce projet, diverses décisions ministérielles ont été adoptées, puis en dernier lieu la loi no 3481/2006.

33. Plus particulièrement, des paramètres environnementaux pour certains ouvrages techniques isolés — s’inscrivant dans le cadre du projet global de détournement vers la Thessalie des eaux du fleuve Acheloos — avaient initialement été approuvés par des décisions ministérielles conjointe en 1991 et en 1992. Ces décisions ministérielles conjointes avaient été annulées en 1994 par des arrêts du Conseil d’État.

34. À la suite de ces arrêts, il a été procédé, sous la responsabilité du ministère de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Travaux publics, à une évaluation environnementale unique portant sur l’ensemble des ouvrages du projet de détournement. En 1995, deux décisions ministérielles ont été adoptées concernant l’aménagement du territoire et les conditions environnementales. Ces décisions ont, elles aussi, été annulées, en l’an 2000, par un arrêt du Conseil d’État.

35. À la suite de cet arrêt du Conseil d’État prononçant l’annulation, le ministère de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Travaux publics a réalisé une étude complémentaire des incidences environnementales du détournement du fleuve Acheloos vers la Thessalie. En 2003 a été adoptée une décision ministérielle conjointe approuvant les paramètres environnementaux applicables à la construction et au fonctionnement du projet. Cette décision ministérielle conjointe a été annulée en 2005
par arrêt du Conseil d’État.

36. En conséquence, le 6 juillet 2006, ont été apportées dans le cadre de la procédure d’adoption de la loi no 3481/2006 des propositions de dispositions qui prévoyaient des plans de gestion des bassins hydrographiques de l’Acheloos et du Pineios et qui autorisaient le projet précité. La loi a été adoptée avec lesdites dispositions et est entrée en vigueur à sa publication, le 2 août 2006.

37. Dans le litige au principal, la Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias (administration préfectorale d’Aitoloakarnania) e.a. demandent l’annulation du projet dans son ensemble. En vue de statuer sur ce recours, le Symvoulio tis Epikrateias adresse à la Cour les quatorze questions suivantes:

«1) L’article 13, paragraphe 6, de la directive-cadre sur l’eau se borne-t-il simplement à fixer un délai maximal — au 22 décembre 2009 — pour l’élaboration de plans de gestion de ressources aquatiques ou bien fixe-t-il un délai spécial (expirant à la date indiquée) pour la transposition des dispositions pertinentes des articles 3, 4, 5, 6, 9, 13 et 15 de ladite directive?

2) Dans l’hypothèse où la Cour jugerait que la disposition précitée de la directive se borne simplement à fixer un délai maximal pour l’élaboration de plans de gestion de ressources aquatiques:

Une disposition nationale autorisant le transfert d’eau d’un bassin hydrographique fluvial vers un autre, sans qu’aient préalablement été élaborés les plans de gestion des districts hydrographiques dans lesquels sont situés lesdits bassins hydrographiques, est-elle conforme aux articles 2, 3, 4, 5, 6, 9, 13 et 15 de la directive-cadre sur l’eau, compte tenu notamment du fait que, en vertu de l’article 2, point 15, de ladite directive, la principale unité aux fins de la gestion d’un bassin
hydrographique est le district hydrographique auquel il appartient?

3) Dans l’affirmative:

Le transfert d’eau d’un district hydrographique à un autre district hydrographique avoisinant est-il permis au regard des articles 2, 3, 5, 6, 9, 13 et 15 de la directive-cadre sur l’eau? Dans l’affirmative, le but d’un tel transfert doit-il se limiter à la satisfaction de besoins en approvisionnement en eau potable, ou bien ce transfert peut-il également servir à l’irrigation et à la production d’énergie? En tout état de cause, est-il nécessaire, au regard des dispositions précitées de la
directive, que l’administration ait considéré de façon motivée que le district hydrographique de réception est dans l’impossibilité de satisfaire par ses propres ressources aquatiques à ses besoins en eau potable, pour l’irrigation, etc.?

4) Si la Cour répond à la première question que l’article 13, paragraphe 6, de la directive-cadre sur l’eau ne se borne pas simplement à fixer un délai maximal — au 22 décembre 2009 — pour l’élaboration de plans de gestion de ressources aquatiques, mais que ladite disposition fixe au contraire un délai spécial pour la transposition des dispositions pertinentes des articles 3, 4, 5, 6, 9, 13 et 15 de ladite directive:

Une disposition nationale, adoptée dans le délai spécial précité et autorisant le transfert d’eau d’un bassin hydrographique à un autre, sans qu’aient préalablement été élaborés les plans de gestion des districts hydrographiques dans lesquels sont situés lesdits bassins hydrographiques, compromet-elle nécessairement l’effet utile de ladite directive? Ou bien faut-il, pour apprécier si cet effet utile est compromis, prendre en compte des critères tels que l’ampleur des interventions prévues ou
les finalités du transfert d’eau?

5) Alors même que les dispositions nationales pertinentes ne prévoient dans la procédure devant le parlement national aucune phase de consultation avec le public et alors même qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que la procédure de consultation devant l’administration prévue par la directive a été respectée, une disposition législative adoptée par un parlement national et approuvant des plans de gestion de bassins hydrographiques est-elle compatible avec les articles 13, 14 et 15 de la
directive-cadre sur l’eau, relatifs aux procédures d’information, de consultation et de participation du public?

6) Une EIE — relative à la construction de barrages et au transfert d’eau — introduite pour approbation devant le parlement national après l’annulation par jugement de l’acte qui l’avait déjà approuvée et pour lequel la formalité de publicité avait été respectée, alors que cette formalité n’a désormais plus été respectée, satisfait-elle aux exigences des articles 1, 2, 5, 6, 8 et 9 de la directive EIE en matière d’information et de participation du public?

7) Dans la mesure où:

a) il porte sur la construction de barrages et sur le transfert d’eau depuis les districts hydrographiques de Grèce continentale occidentale et d’Épire vers celui de Thessalie,

b) la directive-cadre sur l’eau lui est applicable,

c) il comporte des ouvrages relevant de la directive EIE,

d) il est susceptible d’avoir des incidences environnementales sur des zones visées par la directive habitats,

le projet de détournement d’un fleuve relève-t-il du champ d’application de la directive ESIE?

8) Dans l’affirmative:

Au regard de l’article 13, paragraphe 1, de la directive ESIE, des actes relatifs au projet litigieux et qui ont été annulés rétroactivement par des décisions de justice peuvent-ils être considérés comme des actes préparatoires formels émis avant le 21 juillet 2004, de sorte qu’il n’existe pas d’obligation de procéder à une évaluation environnementale stratégique?

9) En cas de réponse négative:

Au regard de l’article 11, paragraphe 2, de la directive ESIE, lorsqu’un projet relève à la fois du champ d’application de ladite directive et des champs d’application de la directive-cadre sur l’eau et de la directive EIE, lesquelles exigent également une prise en compte des incidences environnementales du projet, les évaluations réalisées sur la base des dispositions de la directive-cadre sur l’eau et de la directive EIE suffisent-elles à satisfaire les exigences de la directive ESIE? Ou
bien faut-il réaliser une évaluation environnementale stratégique distincte?

10) Au regard des articles 3, 4 et 6 de la directive habitats, les zones figurant aux registres nationaux des sites d’intérêt communautaire (SIC) et finalement incluses dans le registre communautaire des SIC bénéficiaient-elles de la protection de la directive habitats, avant que soit publiée la décision 2006/613/CE de la Commission, du 19 juillet 2006, ‘arrêtant la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique méditerranéenne’?

11) Au regard des articles 3, 4 et 6 de la directive habitats, les autorités nationales compétentes peuvent-elles autoriser un projet de détournement d’eau non directement lié ou nécessaire à la conservation d’une zone de protection spéciale, lorsque est constatée, dans toutes les évaluations versées au dossier du projet, l’absence totale d’éléments ou l’absence de données fiables et actualisées concernant la faune aviaire de ladite zone?

12) Au regard des articles 3, 4 et 6 de la directive habitats, des motifs — invoqués pour un projet de détournement d’eau — tenant essentiellement à l’irrigation et dans un deuxième temps à l’approvisionnement en eau potable peuvent-ils constituer des motifs impérieux d’ordre public tels que requis par la directive pour que le projet soit autorisé en dépit de ses incidences néfastes sur les zones protégées par la directive?

13) Dans l’affirmative:

En vue de déterminer quelles mesures compensatrices sont suffisantes pour garantir la protection de la cohérence d’ensemble d’une zone Natura 2000, lorsque celle-ci est affectée par un projet de détournement d’eau, faut-il, au regard des articles 3, 4 et 6 de la directive habitats, prendre en compte des critères tels que l’ampleur dudit détournement et la dimension des travaux que ce détournement implique?

14) Au regard des articles 3, 4 et 6 de la directive habitats, interprétés à la lumière du principe du développement durable, tel que consacré à l’article 6 CE (devenu l’article 11 TFUE), les autorités nationales compétentes peuvent-elles autoriser la réalisation dans une zone classée Natura 2000 d’un projet de détournement d’eau non directement lié ou nécessaire à la conservation de la cohérence de cette zone, lorsqu’il ressort de l’évaluation des incidences environnementales dudit projet que
celui-ci aura pour conséquence la transformation d’un écosystème fluvial naturel en un écosystème fluvial et lacustre où la présence humaine sera prépondérante?»

38. Des observations écrites ont été présentées par l’administration préfectorale d’Aitoloakarnania e.a. (Grèce occidentale), par les administrations préfectorales de Larisa, de Magnisia ( 13 ), de Karditsa, ainsi que de Trikala e.a. ( 14 ), par la compagnie d’électricité DEI, par la République hellénique, par le Royaume de Norvège et par la Commission. À l’exception du Royaume de Norvège, ces parties étaient également représentées à l’audience du 24 mai 2011.

IV – Appréciation juridique

39. Le Conseil d’État pose quatorze questions complexes portant sur l’interprétation de quatre directives distinctes, que nous examinerons successivement: le litige repose essentiellement sur la directive-cadre sur l’eau (traitée dans une partie A), même si, pour des raisons chronologiques, cette directive ne s’applique que par ses effets anticipés ( 15 ). Il conviendra ensuite de répondre à une question portant sur la directive EIE et, plus précisément, sur les conditions que cette directive fixe à
l’autorisation d’un projet par une loi (partie B). Il conviendra par la suite d’examiner l’applicabilité ratione materiae et ratione temporis de la directive ESIE ainsi que la possibilité d’une évaluation environnementale combinée conforme à cette directive, à la directive-cadre sur l’eau ainsi qu’à la directive EIE (partie C). Nous examinerons enfin plusieurs questions relatives à l’applicabilité de la directive habitats et aux exigences qu’elle impose au projet litigieux en l’espèce
(partie D).

40. Il convient cependant de souligner, d’emblée, que l’affirmation de DEI selon laquelle le projet de barrage de Mesohora devrait être distingué du projet global est sans importance aux fins de la procédure préjudicielle. Dans la mesure où le Conseil d’État n’a posé aucune question y relative, la Cour ne peut pas se prononcer sur ce point.

A – La directive-cadre sur l’eau

41. La première question du Conseil d’État consiste à savoir si les dispositions pertinentes de la directive-cadre sur l’eau étaient déjà applicables à la loi no 3481/2006 (voir ci-après, titre 1). Il conviendra ensuite de préciser si le principe même du détournement d’eau entre deux districts hydrographiques est admissible (titre 2), si un tel détournement suppose des plans de gestion au sens de la directive-cadre sur l’eau (titre 3), quels objectifs peuvent justifier un détournement (titre 4) et
dans quelle mesure il convient de rechercher des solutions alternatives (titre 5). Dans la mesure où nous concluons que, pour des raisons chronologiques, ces dispositions ne sont pas encore applicables, leurs effets anticipés sont d’une importance essentielle (titre 6). Enfin, le Conseil d’État pose la question de la participation nécessaire du public lors de l’adoption de plans de gestion conformément à la directive-cadre sur l’eau (titre 7).

1. Sur la première question — Quand l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau est-il applicable?

42. Par la première question, le Conseil d’État souhaite savoir si l’article 13, paragraphe 6, de la directive-cadre sur l’eau se borne à fixer un délai maximal pour l’élaboration de plans de gestion ou s’il fixe un délai spécial pour la transposition des dispositions pertinentes relatives à ces plans.

43. L’article 13, paragraphe 6, dispose que les plans de gestion sont publiés au plus tard neuf ans après la date d’entrée en vigueur de la directive, à savoir au 22 décembre 2009. Or, en vertu de l’article 24, le délai de transposition de la directive avait, lui, déjà expiré le 22 décembre 2003.

44. Aux fins du litige au principal et de la demande de décision préjudicielle, c’est surtout l’interaction entre les plans de gestion et l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau qui présente un intérêt. Cette disposition comporte les objectifs environnementaux essentiels de la directive. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), i), les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau de surface et par exemple du
fleuve Acheloos. L’article 4, paragraphe 1, sous a), ii) et iii), impose par ailleurs de protéger, d’améliorer et de restaurer toutes les masses d’eau de surface en vue d’obtenir un bon potentiel écologique et un bon état chimique des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la directive, soit au 22 décembre 2015.

45. En principe, l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau aurait également dû être mis en œuvre par la République hellénique dans le délai de trois ans prévu à l’article 24 ( 16 ). Cependant, les objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, ne s’appliquent pas à n’importe quelle action, mais seulement pour ce qui est de rendre opérationnels les programmes de mesures prévus dans les plans de gestion. Les plans de gestion sont couverts par le délai d’adaptation de neuf ans prévu à
l’article 13, paragraphe 6. En vertu de l’article 11, paragraphe 7, le même délai s’applique pour l’établissement des programmes de mesures. La mise en œuvre de ces programmes de mesures est soumise à un délai supplémentaire de trois ans, soit jusqu’au 22 décembre 2012.

46. Ce n’est donc que depuis le 22 décembre 2009 que les plans et programmes précités ne devaient exister et être lancés. Jusqu’à la fin de l’année prochaine, déjà, les programmes de mesures devront avoir été mis en œuvre. Aussi les autorités grecques sont-elles tenues, depuis la fin 2009, d’appliquer l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau: en d’autres termes, elles doivent vérifier si, au regard des objectifs environnementaux, des mesures précédemment autorisées — comme le projet de
détournement — peuvent toujours être réalisées ou bien si elles doivent être modifiées, voire même abandonnées.

47. Mais les obligations existant depuis la fin 2009 pourraient bien n’avoir aucune incidence directe sur le litige au principal, qui porte sur la validité de dispositions de la loi no 3481/2006. Il convient en effet de considérer qu’à cet égard, en vertu du droit procédural national applicable, c’est le droit en vigueur à la date d’adoption de la loi qui est déterminant. Or, en 2006, en vertu de l’article 13, paragraphe 6, ainsi que de l’article 11, paragraphe 7, de la directive-cadre, l’existence
de plans de gestion ou de programmes de mesures ne s’imposait pas encore. Sans de tels plans ou programmes, les obligations de l’article 4 ne pouvaient pas s’appliquer, nonobstant le fait que le délai de transposition avait expiré.

48. Des plans de gestion pour les fleuves Acheloos et Pineios ont toutefois été adoptés par l’article 13, paragraphe 2, de la loi no 3481/2006. Si le Conseil d’État devait constater qu’il s’agit là de plans au sens de l’article 13 de la directive-cadre sur l’eau, il pourrait aussi parvenir à la conclusion que le projet litigieux appartient à un programme de mesures au sens de l’article 11 de la directive.

49. Par conséquent, la question pourrait également être interprétée comme demandant si l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau était déjà applicable à un moment où les délais impartis pour remplir les conditions de son application n’avaient pas encore expiré, mais où ces conditions étaient néanmoins déjà réunies.

50. À cet égard, il convient tout d’abord de constater que, d’après la systématique des dispositions de la directive, une telle obligation n’existait pas encore à l’instant précité. L’obligation d’appliquer l’article 4 n’est née qu’à l’expiration du délai imparti pour l’établissement des plans de gestion et des programmes de mesures. Avant ce moment, le droit de l’Union permettait que l’article 4 ne fût pas encore appliqué.

51. Cela n’exclut pas que les dispositions de droit interne portant transposition de la directive-cadre sur l’eau — et en particulier de son article 4 — étaient applicables, indépendamment du droit de l’Union, à des plans de gestion et à des programmes de mesures établis prématurément ( 17 ). Normalement, la volonté du législateur opérant la transposition aurait été que de tels plans et programmes soient appliqués de la même façon avant et après l’expiration du délai imparti pour leur établissement.

52. Il existe cependant, en l’espèce, une particularité: le plan de gestion en cause et les mesures éventuelles — notamment l’autorisation du projet litigieux — ont été adoptés sous forme d’une loi qui a amendé les dispositions grecques transposant la directive-cadre sur l’eau ( 18 ). Il semble dès lors improbable que le droit national opérant la transposition de la directive-cadre sur l’eau puisse être contraire au projet litigieux.

53. Il convient, par conséquent, de répondre à la première question que, certes, les articles 13, paragraphe 6, et 11, paragraphe 7, de la directive-cadre sur l’eau ne posent pas de délai de mise en œuvre de l’article 4 de la directive, mais seulement un délai maximal d’établissement de plans de gestion et de programmes de mesures; mais, avant l’expiration de ce délai, la directive n’impose pas la mise en œuvre de l’article 4.

54. Compte tenu de cette réponse, force est de considérer que les deuxième et troisième questions — posées à titre strictement conditionnel et portant sur les conditions imposées par la directive-cadre sur l’eau au détournement d’eau vers d’autres districts hydrographiques — n’ont plus aucun intérêt pour le Conseil d’État. Elles pourraient toutefois se révéler utiles aux fins de déterminer les effets anticipés de la directive. Aussi les évoquerons-nous à titre subsidiaire dans les titres 2, 3, 4
et 5.

2. Sur la première partie de la troisième question — La licéité du détournement d’eau vers d’autres districts hydrographiques

55. Il convient, tout d’abord, d’examiner la première composante de la troisième question, consistant à savoir si le principe même du détournement d’eau d’un district hydrographique vers un district hydrographique voisin peut être compatible avec la directive-cadre sur l’eau.

56. À cet égard, c’est déjà le Conseil d’État qui constate que la directive-cadre sur l’eau ne contient aucune disposition relative au détournement d’eau entre districts hydrographiques. C’est donc à juste titre qu’il ne considère pas que le détournement d’eau est totalement interdit.

57. Cela n’est pas remis en cause par le fait — souligné par le Conseil d’État — que la directive EIE cite en son annexe I, point 12, des «ouvrages servant au transvasement de ressources hydrauliques entre bassins fluviaux». DEI expose, à juste titre, que la directive EIE n’autorise pas, pas plus qu’elle n’interdit, les ouvrages visés dans ses annexes. Un détournement d’eau entre deux districts hydrographiques est susceptible d’affecter l’environnement de manière significative. On pourrait alors
s’attendre à ce qu’il soit incompatible avec les objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau. Toutefois, l’article 4 permet, sous certaines conditions, de s’écarter de ces objectifs.

58. L’article 4 de la directive-cadre sur l’eau est donc déterminant.

a) Sur les obligations de protection et de restauration découlant de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau

59. L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive-cadre sur l’eau impose de prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau de surface et de les remettre dans un bon état au plus tard pour la fin 2015. S’agissant de masses d’eau artificielles et fortement modifiées, elles doivent du moins parvenir à un bon potentiel écologique et un bon état chimique.

60. Le classement éventuel de l’Acheloos comme une masse d’eau artificielle et fortement modifiée devrait s’apprécier au regard de l’article 4, paragraphe 3, de la directive-cadre sur l’eau. Cependant, un tel classement semble improbable tant que le projet de détournement n’a pas été réalisé. Aussi considérerons-nous par la suite que ledit fleuve n’est pas une masse d’eau artificielle et fortement modifiée.

61. En conséquence, la République hellénique est en principe tenue, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive-cadre sur l’eau, de prévenir toute nouvelle détérioration et même de prendre des mesures afin de remettre ce fleuve dans un bon état, si son état ne devait pas être bon. La République hellénique doit donc éliminer les effets néfastes de projets existants et les détériorations des eaux intervenues dans le passé.

b) Sur l’application à des projets de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau

62. L’article 4 de la directive-cadre sur l’eau ne contient pas uniquement des obligations de principe, mais il concerne également des projets concrets, du moins lorsque ceux-ci affectent de façon tangible l’état d’une masse d’eau. En effet, l’article 4, paragraphe 7, autorise sous certaines conditions la détérioration de l’état des eaux du fait de nouvelles modifications. Ces modifications peuvent notamment être des ouvrages.

63. En conséquence, le projet de détournement doit en principe être également inclus dans le programme de mesures pour le district hydrographique de l’Acheloos. En effet, aux termes de l’annexe VI, partie B, de la directive-cadre sur l’eau, de tels programmes peuvent notamment inclure des contrôles des captages [sous viii)] et des projets de construction [sous xi)].

c) Sur le bon état des eaux

64. L’article 4 de la directive-cadre sur l’eau peut donc faire obstacle au détournement d’eau vers un autre district hydrographique, lorsque ce dernier ne permet pas la conservation ou la restauration d’un bon état des eaux.

65. La directive-cadre sur l’eau définit l’état des eaux souhaité. En vertu de son article 2, point 18, l’état d’une masse d’eau de surface est bon lorsque son état écologique et son état chimique sont au moins «bons». Aux termes de l’article 2, point 24, le bon état chimique se rapporte à des concentrations de polluants. Les exigences liées à un bon état écologiques découlent de l’article 2, point 22, ainsi que de l’annexe V.

66. Le détournement partiel d’un fleuve, c’est-à-dire le prélèvement de grandes quantités d’eau d’un district hydrographique, n’est certes pas visé expressément dans les critères du bon état des masses d’eaux de surface. Mais la Commission avance de façon crédible que le fait d’accumuler une eau de surface en vue de son détournement partiel affecte son état. La réduction des quantités d’eau peut elle aussi affecter l’état écologique ou chimique de la masse d’eau. Ainsi, aux termes de l’annexe V,
point 1.1.1, de la directive-cadre sur l’eau, l’appréciation de l’état d’une rivière doit également porter sur le régime hydrologique — incluant notamment le débit d’eau — et sur les conditions morphologiques — incluant notamment la variation de la profondeur et de la largeur de la rivière, la structure et le substrat du lit, ainsi que la structure de la rive. De même, l’annexe VI, partie B, sous viii), prévoit que les programmes de mesures peuvent comporter des contrôles des captages;
l’article 8, paragraphe 1, premier tiret, sous i), prévoit la surveillance du volume et du niveau ou du débit dans la mesure pertinente pour l’état écologique et chimique et le potentiel écologique; enfin, en vertu du quarante et unième considérant, en ce qui concerne les quantités d’eau disponibles, il convient de fixer des principes généraux de contrôle des captages et de l’endiguement afin d’assurer la viabilité environnementale des systèmes hydrologiques concernés.

67. Si dès lors le Conseil d’État devait parvenir à la conclusion que le projet de détournement rend impossible la conservation ou la restauration d’un bon état des eaux, ledit projet serait incompatible avec les objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau.

d) Sur l’écart par rapport aux objectifs environnementaux

68. Une violation des objectifs environnementaux ne constitue cependant pas un obstacle insurmontable à la réalisation d’un projet. En effet, l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau contient également des dispositions dérogatoires aux objectifs environnementaux.

69. L’article 4, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau permet de prolonger les délais impartis pour l’obtention d’un bon état. C’est principalement l’obligation de restauration des eaux qui est concernée. L’interdiction de dégradation des eaux n’est quant à elle pas nuancée. Aussi cette disposition n’est-elle pas applicable à l’autorisation d’une mesure détériorant l’état des eaux.

70. L’article 4, paragraphe 5, de la directive-cadre sur l’eau permet de fixer des objectifs environnementaux moins stricts pour certaines masses d’eau spécifiques, lorsque celles-ci sont tellement touchées par l’activité humaine que la réalisation de ces objectifs serait impossible ou d’un coût disproportionné, et que certaines conditions supplémentaires sont réunies. Cette disposition pourrait être d’importance après la réalisation du projet de détournement, mais elle ne saurait être déjà
applicable pour l’autorisation dudit projet.

71. L’article 4, paragraphe 6, de la directive-cadre sur l’eau n’est pas non plus pertinent, dans la mesure où il ne concerne que la détérioration temporaire de l’état des eaux.

72. Dans le cas d’un nouveau projet, comme c’est le cas en l’espèce, c’est au contraire en vertu de l’article 4, paragraphe 7, de la directive-cadre sur l’eau que doit s’apprécier la licéité d’un écart par rapport aux objectifs environnementaux. Cette disposition prévoit en détail comment de nouveaux projets peuvent justifier, en raison d’intérêts supérieurs, un écart par rapport aux objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1. Des conditions supplémentaires pour pouvoir déroger au
paragraphe 1 découlent de l’article 4, paragraphes 8 et 9. Les conditions de l’article 4, paragraphes 7 à 9, seront en partie évoquées dans les autres composantes de la deuxième et de la troisième question préjudicielle.

73. À titre de synthèse, si la Cour doit répondre à la première partie de la troisième question du Conseil d’État, il conviendra d’y apporter la réponse suivante: l’autorisation d’un transfert d’eau d’un district hydrographique à un autre district hydrographique avoisinant est compatible avec la directive-cadre sur l’eau, si elle satisfait aux exigences de l’article 4, paragraphes 1, 7, 8 et 9, de la directive-cadre sur l’eau.

3. Sur la deuxième question — La nécessité d’établir des plans de gestion de districts hydrographiques

74. Par sa deuxième question, le Conseil d’État souhaite savoir si une disposition nationale est compatible avec la directive-cadre sur l’eau lorsqu’elle autorise le transfert d’eau d’un certain bassin hydrographique vers un autre, sans qu’aient préalablement été élaborés les plans de gestion des districts hydrographiques dans lesquels sont situés lesdits bassins hydrographiques.

75. À première vue, cette question semble être hypothétique, dans la mesure où la loi no 3481/2006 comporte des plans de gestion pour les deux bassins hydrographiques Il n’apparaît pas que chacun des districts hydrographiques contienne des bassins hydrographiques supplémentaires dont les plans de gestion feraient encore défaut. Cependant, c’est la validité des plans de gestion qui est contestée. Le Conseil d’État considère en outre que, en vertu des articles 3, paragraphe 1, 5, paragraphe 1, 11,
paragraphe 1, et 13, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, les plans de gestion et programmes de mesures ne devraient pas être arrêtés individuellement pour des bassins hydrographiques spécifiques, comme c’est le cas en l’espèce, mais que serait au contraire nécessaire une planification globale au niveau national et régional. À défaut, selon le Conseil d’État, il ne serait donc pas permis de détourner de l’eau d’un district hydrographique vers un autre. Il ne s’agit donc pas seulement
de savoir si des plans de gestion existent pour les districts hydrographiques concrètement concernés, mais si des plans doivent exister pour tout le restant du territoire grec.

76. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, tous les bassins hydrographiques sont rattachés à des districts hydrographiques. En vertu de l’article 13, paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un plan de gestion de district hydrographique soit élaboré pour chaque district hydrographique entièrement situé sur leur territoire. En vertu de l’article 11, paragraphe 1, chaque État membre veille également à ce que soit élaboré, pour chaque district hydrographique ou
pour la partie du district hydrographique international située sur son territoire, un programme de mesures qui tienne compte des résultats des analyses — devant être préalablement réalisées — prévues à l’article 5, afin de réaliser les objectifs fixés à l’article 4.

77. Si les États membres ont ainsi l’obligation d’établir avant l’échéance un plan de gestion pour chaque district hydrographique, cependant, il ne ressort pas immédiatement des dispositions précitées qu’un détournement d’eau entre districts hydrographiques serait interdit tant que des plans de gestion n’existent pas pour tous les districts hydrographiques de l’État membre.

78. Ainsi que nous l’avons déjà dit, l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau peut néanmoins faire obstacle à un tel détournement si ce dernier ne permet pas la conservation ou la restauration d’un bon état d’une masse d’eaux de surface. En l’espèce, le détournement ne serait licite que si les conditions de l’article 4, paragraphe 7, étaient remplies.

79. En vertu de l’article 4, paragraphe 7, sous b), de la directive-cadre sur l’eau, les raisons du projet contraire aux objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, doivent être indiquées dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l’article 13 et les objectifs doivent être revus tous les six ans. De plus, lors de tout écart, l’article 4, paragraphe 8, impose que ledit écart n’empêche pas ou ne compromette pas durablement la réalisation des objectifs de la
directive dans d’autres masses d’eau du même district hydrographique.

80. Il en découle que les districts hydrographiques concernés doivent faire l’objet d’une analyse détaillée et que leur gestion doit avoir été planifiée, avant que puissent être entreprises des mesures incompatibles avec les objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau.

81. Inversement, la directive-cadre sur l’eau ne contient aucune disposition qui conditionne expressément de telles mesures à une analyse d’autres districts hydrographiques ou à l’établissement de plans de gestion de bassins de ces districts. De tels plans et analyses ne peuvent s’avérer nécessaires que dans des cas isolés, lorsque le recours à d’autres districts hydrographiques constituera une alternative possible au détournement prévu.

82. Si la Cour répond à cette question, il convient dès lors qu’elle constate que les districts hydrographiques concernés doivent faire l’objet d’une analyse poussée et que leur gestion doit avoir été planifiée, avant que puissent être prises des mesures incompatibles avec les objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau. L’analyse d’autres districts hydrographiques et, partant, les plans de gestion de bassins hydrographiques de ces districts ne sont
nécessaires que dans la mesure où le recours à ces districts hydrographiques constitue une alternative possible aux mesures prévues.

4. Sur la deuxième partie de la troisième question — Les objectifs licites d’un détournement

83. Par la deuxième partie de sa troisième question, le Conseil d’État souhaite savoir si le transfert ne peut avoir pour but exclusif que la satisfaction de besoins en approvisionnement en eau potable ou s’il peut également servir à l’irrigation et à la production d’énergie.

84. À cet égard, il ressort de l’article 4, paragraphe 7, sous c), de la directive-cadre sur l’eau que les modifications doivent répondre à un intérêt général majeur et/ou que les bénéfices pour l’environnement et la société qui sont liés à la réalisation des objectifs énoncés au paragraphe 1 doivent être inférieurs aux bénéfices pour la santé humaine, le maintien de la sécurité pour les personnes ou le développement durable qui résultent des nouvelles modifications.

85. D’ordinaire, un approvisionnement suffisant de la population en eau potable répond à un intérêt général majeur et est en outre, par principe, d’une grande importance pour la santé humaine. Ainsi, le quinzième considérant de la directive-cadre sur l’eau qualifie l’approvisionnement en eau de service d’intérêt général.

86. Par ailleurs, les administrations préfectorales de Karditsa et de Trikala soulignent à juste titre que, outre l’approvisionnement en eau potable, l’article 4, paragraphe 3, sous a), iii), de la directive-cadre sur l’eau reconnaît également, en principe, la production d’électricité ou l’irrigation comme des intérêts généraux légitimes. Cependant, les deux derniers intérêts cités sont moins importants que l’approvisionnement en eau potable, dans la mesure où ils sont principalement de nature
économique.

87. Il n’en demeure pas moins que, malgré ses inconvénients pour l’environnement, l’énergie hydraulique est un exemple typique de production d’énergie durable.

88. Il ne faut en outre pas refuser d’emblée de considérer l’irrigation de surfaces agricoles comme un intérêt général majeur ou —éventuellement — comme une mesure de développement durable. Le fait de permettre l’irrigation dans certaines zones peut en effet constituer un objectif légitime de la politique agricole d’un État membre.

89. Toutefois, la reconnaissance de tels objectifs ne signifie pas nécessairement que ces derniers justifient le projet. En effet, les deux variantes de but justifiant un projet visées à l’article 4, paragraphe 7, sous c), de la directive-cadre sur l’eau impliquent une mise en balance entre, d’une part, l’utilité de la mesure et, d’autre part, les incidences néfastes qu’elle aura sur la conservation ou la restauration d’un bon état des eaux. La mise en balance est expressément prévue pour des
mesures servant la santé humaine, le maintien de la sécurité pour les personnes ou le développement durable. A fortiori, un autre intérêt général — qui sera, par nature, moins important — en faveur d’une mesure doit l’emporter sur les conséquences négatives de la mesure pour pouvoir être «majeur».

90. Pour cette mise en balance, les États membres disposent d’une marge d’appréciation étendue, dans la mesure où il s’agit d’une décision complexe impliquant des pronostics ( 19 ). Cependant, en ce qui concerne l’intérêt de l’irrigation, il convient en particulier de prendre en compte l’argument avancé par l’administration préfectorale d’Aitoloakarnania e.a., selon lequel la culture du coton peut être particulièrement défavorable pour l’environnement ( 20 ). L’intérêt en faveur d’une forme
d’agriculture particulièrement nuisible n’a qu’une importance limitée. Mais, contrairement à ce qu’affirment l’administration préfectorale de Aitoloakarnania e.a., il ne peut pas être affirmé de manière absolue que la politique agricole européenne ait une position hostile vis-à-vis de la culture du coton. Bien au contraire, le soutien de cette culture est toujours inscrit dans le droit primaire — à savoir le protocole no 4 concernant le coton, annexé à l’acte relatif aux conditions d’adhésion de
la République hellénique et aux adaptations des traités ( 21 ) — et il est donc également mis en œuvre dans le droit dérivé ( 22 ).

91. Il convient donc, le cas échéant, de répondre à la deuxième partie de la troisième question que, en vertu de l’article 4, paragraphe 7, sous c), de la directive-cadre sur l’eau, les buts de l’approvisionnement en eau, de l’irrigation et de l’alimentation en énergie peuvent justifier des mesures incompatibles avec les objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, lorsque la contribution de ces mesures à l’obtention des buts précités l’emporte sur l’atteinte causée aux objectifs
environnementaux.

5. Sur la troisième partie de la troisième question — La recherche d’alternatives

92. Parmi d’autres éléments, la troisième sous-question de la troisième question est importante aux fins de l’appréciation du poids qu’ont les buts précités. En tout état de cause, est-il nécessaire, au regard des dispositions précitées de la directive, que l’administration ait considéré de façon motivée que le district hydrographique de réception est dans l’impossibilité de satisfaire par ses propres ressources aquatiques à ses besoins en eau potable, pour l’irrigation, etc.?

93. Ainsi que l’écrit la Commission, la nécessité d’apprécier les besoins du district hydrographique de réception découle de la recherche de solutions alternatives prévue à l’article 4, paragraphe 7, sous d), de la directive-cadre sur l’eau. Ainsi, pour que soit justifié un écart par rapport aux objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, il faut également que les objectifs bénéfiques poursuivis par les modifications de la masse d’eau ne puissent, pour des raisons de faisabilité
technique ou de coûts disproportionnés, être atteints par d’autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure.

94. Il en résulte que, avant un détournement, il convient d’examiner si le district hydrographique récepteur peut satisfaire ses besoins à partir de ressources propres à des coûts proportionnés et si cela constituerait une option environnementale sensiblement meilleure. Dans ce contexte, il conviendrait également d’envisager un passage à d’autres cultures agricoles nécessitant une irrigation plus réduite ( 23 ).

95. Le résultat de cette appréciation constitue l’un des motifs justifiant un éventuel détournement au regard de la directive-cadre sur l’eau. En vertu de l’article 4, paragraphe 7, sous b), de la directive-cadre sur l’eau, il devrait donc figurer de façon détaillée dans le plan de gestion.

96. En conséquence, il conviendrait de répondre à la troisième partie de la troisième question que, en vertu de l’article 4, paragraphe 7, sous b) et d), de la directive-cadre sur l’eau, il doit être démontré dans le plan de gestion que le district hydrographique récepteur ne peut pas satisfaire ses besoins en eau à partir de ses propres ressources à un coût raisonnable ou qu’un tel choix ne constituerait pas une option environnementale sensiblement meilleure.

6. Sur la quatrième question — Les effets anticipés de la directive-cadre sur l’eau

97. La quatrième question est posée par le Conseil d’État dans l’hypothèse où l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, en particulier, ne serait pas applicable ratione temporis au litige en l’espèce. Compte tenu de la position que nous avons prise ici sur la première question ( 24 ), il convient donc d’y répondre.

98. Le Conseil d’État souhaite savoir si, à lui seul, le détournement d’eau d’un bassin hydrographique à un autre, sans qu’aient préalablement été élaborés les plans de gestion des districts hydrographiques dans lesquels sont situés lesdits bassins hydrographiques, suffit à compromettre l’effet utile de la directive, ou bien si des critères tels que l’ampleur des interventions prévues ou les finalités du transfert d’eau doivent également être pris en compte.

a) Sur la jurisprudence concernant l’effet anticipé de directives

99. Cette question se fonde sur la jurisprudence constante, en vertu de laquelle, avant l’expiration du délai de transposition d’une directive, les États membres qui en sont destinataires doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive. Une telle obligation d’abstention s’imposant à toutes les autorités doit être entendue comme se référant à l’adoption de toute mesure, générale et spécifique, susceptible de produire un tel
effet de compromission ( 25 ). Cette obligation d’abstention s’impose aux États membres, en vertu de l’application combinée des articles 4, paragraphe 3, TUE et 288, troisième alinéa, TFUE, également pendant une période transitoire au cours de laquelle ils sont autorisés à continuer d’appliquer leurs systèmes nationaux, bien qu’ils ne soient pas conformes à la directive en cause ( 26 ).

100. Il en résulte que, même pendant la période transitoire destinée à l’établissement de plans de gestion et de programmes de mesures, les États doivent s’abstenir de prendre des mesures de nature à compromettre sérieusement les objectifs prescrits par la directive-cadre sur l’eau.

101. Au vu de l’interdiction de détérioration inscrite à l’article 4, paragraphe 1, sous a), i), de la directive-cadre sur l’eau, l’obligation précitée est encore plus justifiée que pour d’autres directives. En effet, les objectifs environnementaux de ce texte législatif ne se limitent pas à cette interdiction de détérioration, c’est-à-dire à une obligation de prévenir des détériorations; en vertu du point ii) s’ajoute au contraire, au plus tard à l’expiration de la période de transition impartie
pour l’établissement des plans de gestion, une obligation de restauration, c’est-à-dire l’obligation de générer un bon état des eaux. Il serait contradictoire de détériorer dans un premier temps l’état des eaux pour devoir ensuite le restaurer.

b) Sur la confiance légitime et la sécurité juridique

102. Les principes de la confiance légitime et de la sécurité juridique ne s’opposent pas non plus à un effet anticipé de l’interdiction de détérioration.

103. Il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de protection de la confiance légitime fait partie de l’ordre juridique du droit de l’Union et doit être respecté par les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre des réglementations du droit de l’Union ( 27 ). Ce principe s’oppose à ce qu’une modification de la disposition applicable prive rétroactivement l’intéressé d’un droit qu’il a acquis en vertu de la disposition antérieure ( 28 ). Aussi les règles de droit matériel de l’Union
doivent-elles être interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leurs finalités ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué ( 29 ).

104. Mais, en l’espèce, il n’existe aucun droit acquis à l’autorisation du projet de détournement, puisque le Conseil d’État a de nouveau annulé toutes les autorisations accordées précédemment. La situation n’est justement pas concrétisée ( 30 ). Le seul fait de poursuivre une procédure d’autorisation ne suffit pas pour fonder un droit à un octroi de cette autorisation.

105. Le principe de la confiance légitime n’est pas non plus violé par le fait que, lors d’une procédure d’autorisation, des conditions plus strictes viennent à s’appliquer pour l’octroi de l’autorisation. Il est au contraire licite, en principe, d’appliquer une réglementation nouvelle aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la réglementation antérieure ( 31 ). En effet, ce principe ne saurait être étendu au point d’empêcher, de façon générale, une règle nouvelle de s’appliquer aux
effets futurs de situations nées sous l’empire de la règle ancienne ( 32 ).

106. La procédure d’autorisation en cours doit être considérée comme une situation née sous l’empire de la règle ancienne; la décision finale, effet futur de cette situation, sera déterminée par la nouvelle réglementation ( 33 ). Il en résulte que la confiance légitime ne peut pas être invoquée.

107. Cependant, l’effet anticipé de l’interdiction de détérioration est limité par une jurisprudence de la Cour concernant l’application de modifications fondamentales du droit procédural à des procédures déjà initiées lorsque les dispositions pertinentes de la directive sont entrées en vigueur. Certes, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur ( 34 ). Mais, comme le soulignent les administrations de Thessalie
ainsi que DEI, tant en matière de droit de l’environnement ( 35 ) que de marchés publics ( 36 ), la Cour a refusé, même après expiration du délai de transposition, d’appliquer des modifications importantes du droit procédural à des procédures en cours. Dans ces arrêts, il était question de procéder, dans des procédures d’autorisation en cours, à des évaluations supplémentaires d’après la directive EIE, ce qui aurait nécessité des études coûteuses et une participation du public; dans les
affaires de marchés publics, il s’agissait de savoir si les exigences de la directive 93/38/CEE ( 37 ) concernant les formalités de l’appel d’offres devaient être respectées dans des procédures d’attribution en cours. La Cour souhaitait éviter que des procédures, déjà complexes au niveau national et formellement entamées avant la date d’expiration du délai de transposition d’une directive, soient alourdies et retardées du fait des exigences spécifiques imposées par celle-ci, et que des
situations déjà formées en soient affectées ( 38 ). Aussi l’effet anticipé de la directive-cadre sur l’eau ne doit-il pas résulter en la création de telles étapes procédurales supplémentaires. Il convient cependant d’en distinguer l’application d’exigences issues du droit matériel — par exemple de l’interdiction de détérioration ( 39 ).

108. Aux fins de la détermination de l’étendue précise des effets anticipés de l’interdiction de détérioration, les remarques sur l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau faites à l’occasion de la deuxième et de la troisième question peuvent être d’une certaine utilité. Cependant, toute menace de violation de l’article 4 n’est pas automatiquement une mise en péril sérieuse des objectifs de la directive. Cette mise en péril doit au contraire perdurer même après l’expiration des délais
d’application de l’article 4, et ce non seulement à titre provisoire. La mise en péril doit en outre être sérieuse, à savoir qu’elle ne doit pas être d’une faible ampleur. Enfin, les effets anticipés de la directive-cadre sur l’eau de doivent pas aller jusqu’à obliger les États membres à adopter prématurément, avant les échéances expressément inscrites, les mesures nécessaires pour préparer l’application de la directive ou l’obligation de restauration.

c) Le cas en l’espèce

109. En l’espèce, il convient donc de remarquer ce qui suit.

110. Le caractère continu du projet de détournement est évident. Il appartient aux autorités nationales compétentes et éventuellement au Conseil d’État d’apprécier s’il met sérieusement en péril les objectifs de la directive.

111. Cependant, une mise en péril sérieuse ne peut être affirmée au seul motif que le détournement est réalisé avant que n’existent les plans de gestion des districts impliqués. Si, compte tenu des remarques faites sur la deuxième question ( 40 ), de tels plans seraient certes nécessaires après l’expiration de la période transitoire, cependant, il pourrait s’avérer, indépendamment de ces plans, que le détournement ne va pas ou seulement très légèrement à l’encontre des objectifs environnementaux de
l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau.

112. La première étape pour vérifier si le détournement met sérieusement en péril les objectifs de la directive-cadre sur l’eau consiste donc à examiner, à la lumière des critères de la directive, les conséquences du projet sur les objectifs de l’article 4, paragraphe 1.

113. Si l’on conclut alors que les objectifs sont sérieusement compromis, il conviendra en outre de vérifier si la mesure est justifiée. En effet, avant l’expiration de la période transitoire, la liberté d’agir ne peut pas être plus restreinte qu’elle ne le serait pour une application complète de la directive. Du reste, ainsi que nous l’avons déjà souligné, une violation des objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau peut être justifiée.

114. Deux fondements juridiques peuvent être envisagés pour cette justification: d’une part, le traitement du projet comme une nouvelle modification des propriétés physiques de la masse d’eau de surface, voire une nouvelle activité de développement durable au sens de l’article 4, paragraphe 7, de la directive-cadre sur l’eau ( 41 ); et, d’autre part, le traitement de la masse d’eau comme étant déjà touchée par l’activité humaine, au sens de l’article 4, paragraphe 5. Cette dernière qualification
rendrait une justification plus aisée. Les deux fondements précités doivent s’appliquer à la lumière de l’article 4, paragraphes 8 et 9.

115. L’article 4, paragraphe 5, n’a pas encore été évoqué, dans la mesure où il était jusqu’ici question de modifications nouvellement apportées à une masse d’eau, lesquelles sont régies par l’article 4, paragraphe 7. Mais, dans le cadre des effets anticipés de la directive-cadre sur l’eau, il s’agit de prévenir des mesures qui généreront à une date ultérieure — à savoir, à l’expiration à la fin 2009 du délai transitoire pour l’application de l’article 4 — une situation incompatible avec la
disposition précitée. Si, dès lors, la loi no 3481/2006 a eu pour résultat que l’Acheloos était déjà significativement affecté par l’activité humaine à la fin 2009, cet impact et, partant, la loi, doivent être contrôlés au regard de l’article 4, paragraphe 5.

116. Certes, il ressort des affirmations des parties qu’un barrage pourrait notamment déjà être terminé, mais que le détournement à proprement parler n’a pas encore été réalisé. Il apparaît donc improbable que l’Acheloos soit déjà atteint par le détournement, au sens de l’article 4, paragraphe 5, de la directive-cadre sur l’eau.

117. Il en résulte que, même pour examiner si le projet de détournement compromettrait sérieusement les objectifs de la directive-cadre sur l’eau, la disposition pertinente sera probablement l’article 4, paragraphe 7, de la directive. Nous renvoyons à cet égard aux remarques formulées sur la deuxième et la troisième question.

118. Mais, contrairement à ce qui sera requis lors de la pleine application de la directive-cadre sur l’eau, il n’est pas non plus requis, dans le cadre de la justification d’atteintes aux objectifs environnementaux de l’article 4, paragraphe 1, que les plans de gestion existent déjà. En effet, d’après la formulation expresse de l’article 13, paragraphe 6, le délai d’élaboration de ces plans n’avait toujours pas expiré. Du reste, leur adoption nécessite beaucoup de temps en raison de la
participation impérative du public ( 42 ). Toutefois, une justification de l’impact requiert un fondement scientifique comparable à celui des plans de gestion. En effet, sans les connaissances correspondantes, la mise en balance et la recherche d’alternatives requises ne seraient pas possibles. Les autorités compétentes ne pourraient alors apprécier correctement ni les avantages du projet ni ses conséquences défavorables.

119. Lors de l’adoption de la loi no 3481/2006, une partie des résultats de la transposition de la directive-cadre sur l’eau auraient déjà dû exister et ils peuvent s’avérer utiles dans le cadre de cet examen. Ainsi, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, pour chaque district hydrographique, une analyse de ses caractéristiques, une étude des incidences de l’activité humaine sur l’état des eaux de surface et des eaux souterraines et une analyse économique de
l’utilisation de l’eau devaient avoir été entreprises avant le 22 décembre 2004. Et les programmes de surveillance de l’état des eaux visés à l’article 8, ainsi que les calendriers et programmes de travail — pour l’élaboration des plans de gestion — requis par l’article 14, paragraphe 1, sous a), devaient également être quasiment prêts, puisqu’ils étaient exigés pour le 22 décembre 2006. C’est uniquement si des connaissances plus poussées étaient nécessaires pour une justification qu’ils
auraient dû être élaborés de façon anticipée par rapport au reliquat de la transposition de la directive-cadre sur l’eau.

120. Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit au sujet de la troisième partie de la troisième question, cette justification ( 43 ) dépend des buts poursuivis par les mesures.

121. À titre de synthèse, il convient de répondre à la quatrième question qu’une disposition nationale, adoptée dans le délai spécial imparti pour l’élaboration de plans de gestion et de programmes de mesures, laquelle autorise le transfert d’eau d’un bassin hydrographique à un autre, compromet sérieusement les objectifs de la directive-cadre sur l’eau lorsque ce détournement génère un état des eaux incompatible, durablement et de façon non négligeable, avec l’article 4 de la directive. À cet égard,
une justification par des intérêts généraux majeurs est même possible dans le contexte des effets anticipés de l’article 4; si les plans de gestion ne sont pas requis, la disposition nationale doit cependant avoir été adoptée sur le fondement de données suffisantes.

7. Sur la cinquième question — La participation du public

122. Par la cinquième question, le Conseil d’État souhaite savoir si, alors même que les dispositions nationales pertinentes ne prévoient dans la procédure devant le parlement national aucune phase de consultation avec le public et alors même qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que la procédure de consultation devant l’administration prévue par la directive a été respectée, une disposition législative adoptée par un parlement national et approuvant des plans de gestion de bassins
hydrographiques est compatible avec la directive-cadre sur l’eau.

123. L’administration préfectorale de Magnisia et DEI considèrent certes que cette question est hypothétique dans la mesure où, lors de l’adoption de la loi litigieuse, il n’existait aucune obligation d’élaborer des plans de gestion. Néanmoins, le litige au principal porte notamment sur deux plans de gestion qui ont été adoptés par la loi no 3481/2006 et qui, selon toute vraisemblance, demeurent encore en vigueur — à savoir même après l’expiration du délai de transition. En outre, le Conseil d’État
considère peut-être que ces plans de gestion étaient nécessaires d’après le droit grec qu’il souhaite appliquer, de façon prévoyante, d’une façon conforme aux exigences procédurales de la directive. Il n’est donc pas exclu qu’une réponse à cette question soit nécessaire pour pouvoir trancher le litige au principal.

124. L’absence de toute audition pourrait être contraire à l’article 14 de la directive-cadre sur l’eau. Cette disposition vise à conférer aux particuliers et aux parties intéressées le droit de participer activement à la mise en œuvre de la directive et, notamment, à la production, à la révision et à la mise à jour des plans de gestion de district hydrographique ( 44 ).

125. À cette fin, l’article 14 de la directive-cadre sur l’eau impose la publication de divers documents à des intervalles précis et avant que ne commence à courir la période visée par le plan de gestion. Doivent ainsi être publiés: trois ans au moins avant son entrée en vigueur, un calendrier pour l’élaboration du plan; deux ans avant l’entrée en vigueur, une synthèse provisoire des questions importantes qui se posent dans le bassin hydrographique en matière de gestion de l’eau; et, au moins un an
avant l’entrée en vigueur, ce sont les projets des plans de gestion qui doivent être disponibles. D’autres documents de référence doivent être mis à disposition sur demande. En vertu de l’article 14, paragraphe 2, afin de permettre une consultation et une participation actives, les États membres prévoient au moins six mois pour la formulation par écrit des observations sur ces documents.

126. Il n’est prévu aucune dérogation à ces exigences applicables à l’élaboration des plans de gestion. Plus particulièrement, les mesures législatives ne bénéficient d’aucune exception telle celle de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive EIE.

127. Contrairement à ce qu’affirme l’administration préfectorale de Larissa, il ne s’agit là aucunement d’un vide législatif que l’on devrait combler en appliquant par analogie la directive EIE ( 45 ). Il convient au contraire de considérer que le législateur de l’Union s’est sciemment abstenu d’aménager une telle exception profitant aux procédures législatives. Ce point de vue est notamment confirmé, d’une part, par l’arrêt WWF e.a. ( 46 ) — qui existait déjà lors de l’adoption de la
directive-cadre sur l’eau — ainsi que par l’affaire Linster ( 47 ), qui était alors en cours de traitement: ces deux affaires portaient sur l’exception aménagée par la directive EIE pour les procédures législatives; et, d’autre part, par la directive ESIE adoptée un peu plus tard, laquelle prévoit expressément une participation du public lors de l’évaluation environnementale de mesures législatives.

128. L’administration préfectorale de Larissa erre également en affirmant que, en l’absence d’une exception pour les procédures législatives, les États membres se verraient empêchés d’adopter des plans de gestion sous la forme législative. Ils peuvent au contraire tout à fait choisir cette voie, dès lors qu’ils intègrent dans leur procédure législative ou dans sa préparation les étapes prescrites à l’article 14 de la directive-cadre sur l’eau.

129. Il convient, dès lors, de répondre à la cinquième question que le fait d’adopter des plans de gestion sans procéder à la consultation requise du public est incompatible avec l’article 14 de la directive-cadre sur l’eau.

B – La directive EIE

130. La sixième question porte sur la directive EIE. Apparemment, aucune nouvelle évaluation des incidences environnementales, concernant la construction de barrages et le détournement d’eau, n’a été réalisée avant l’adoption de la loi no 3481/2006. En lieu et place, il a été fait référence à l’évaluation des incidences environnementales précédemment réalisée, sur laquelle était fondée l’autorisation de 2003 du projet qui avait été annulée en 2005. Le Conseil d’État demande si cette façon de
procéder satisfait aux exigences de la directive EIE.

131. Le Conseil d’État considère ici que l’évaluation environnementale de l’autorisation annulée contenait toutes les informations requises par la directive EIE, mais que la participation du public s’était limitée à la publication de l’autorisation de 2003 qui avait été annulée par la suite.

132. Les exigences de la directive EIE ne sont pertinentes que si cette directive est bien applicable. Or, en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, elle ne s’applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique. Cette disposition dispose expressément que les objectifs poursuivis par la directive, y compris l’objectif de la mise à disposition d’informations, sont atteints à travers la procédure législative.

133. Il résulte de cette disposition qu’elle dispense de la procédure d’évaluation les projets visés par la directive sous deux conditions. La première exige que le projet soit adopté en détail par un acte législatif spécifique; selon la seconde, les objectifs de la directive, y compris celui de la mise à disposition d’informations, doivent être atteints à travers la procédure législative ( 48 ).

134. Ce n’est que lorsqu’un législateur dispose d’informations équivalentes à celles qui seraient soumises à l’autorité compétente dans le cadre d’une procédure ordinaire d’autorisation de projet que les objectifs de la directive peuvent être considérés comme atteints à travers une procédure législative ( 49 ).

135. C’est ainsi que la Cour a jugé qu’une loi ne peut être considérée comme adoptant un projet en détail, au sens de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive EIE, lorsque, d’une part, elle ne comporte pas les éléments nécessaires à l’évaluation des incidences sur l’environnement de ce projet, mais impose, au contraire, la réalisation d’une étude à cet effet, laquelle doit être élaborée ultérieurement, et que, d’autre part, elle nécessite l’adoption d’autres actes pour ouvrir au maître d’ouvrage
le droit de réaliser le projet ( 50 ).

136. À cet égard, l’avocat général Sharpston a tout récemment précisé que la directive EIE ne se préoccupe pas de formalisme, mais qu’elle a au contraire pour objet d’assurer que tous les projets majeurs sont soumis à une évaluation environnementale efficace et de garantir une participation suffisante du public au processus décisionnel ( 51 ). Dès lors que le législateur dispose des informations requises et qu’il remplit correctement et efficacement son rôle démocratique — à savoir que les
représentants élus du peuple ont réellement pu examiner le projet proposé et en débattre —, la procédure législative atteindra les objectifs poursuivis par la directive EIE ( 52 ). À l’inverse, une procédure législative qui se bornerait à avaliser formellement une procédure administrative antérieure au terme de laquelle les décisions pertinentes ont d’ores et déjà été adoptées effectivement n’apportera pas les mêmes garanties que celles fournies par la directive EIE ( 53 ).

137. Il convient donc en l’espèce de vérifier si, d’une part, le législateur disposait des informations nécessaires à la procédure de la directive EIE et, d’autre part, s’il a pu correctement contrôler les incidences environnementales du projet et en débattre.

138. Pour ce qui est du caractère actuel que doivent avoir les informations, la directive EIE ne formule pas d’exigences spécifiques. Néanmoins, les incidences environnementales d’un projet ne peuvent être appréciées correctement que sur la base des meilleures connaissances disponibles au moment de l’autorisation. Aussi l’article 5, paragraphe 1, de la directive EIE, notamment, comporte-t-il des éléments laissant penser que des informations récentes doivent être produites lorsque les circonstances
du dossier le réclament.

139. Ainsi, l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive EIE exige que le volume des données devant être fournies par le maître d’ouvrage soit déterminé sur la base des connaissances existantes. Il s’agira en général de l’état des connaissances au début de la procédure d’autorisation, puisque c’est à ce moment qu’il convient de déterminer les informations devant être fournies par le maître d’ouvrage. Toutefois, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive EIE, l’ampleur de
ces informations dépend aussi de l’importance de ces informations à un stade donné de la procédure d’autorisation et des caractéristiques spécifiques d’un projet spécifique ou d’un type de projet et des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés.

140. Ainsi, s’il apparaît à un stade ultérieur de la procédure d’autorisation que des informations plus récentes sont nécessaires pour l’évaluation correcte des incidences environnementales d’un projet, ces informations doivent être réclamées ( 54 ).

141. Il appartiendra donc au Conseil d’État de contrôler si les informations qui étaient suffisantes en 2003 suffisaient toujours en 2006 aux fins d’une évaluation des incidences environnementales du projet. Si tel était le cas, il était légitime de réutiliser ces documents dans le cadre de la procédure législative.

142. Il conviendra tout particulièrement d’examiner si les informations étaient encore suffisamment à jour et — ainsi que l’administration préfectorale d’Aitoloakarnania e.a. le soulignent à juste titre — si, dans ce contexte, le projet a été modifié depuis la précédente évaluation environnementale de sorte qu’il en résulterait des incidences encore plus graves sur l’environnement ( 55 ). L’administration préfectorale d’Aitoloakarnania e.a. soulèvent également la question éminemment pertinente de
savoir s’il suffit en 2006 de fonder l’évaluation des incidences environnementales sur des informations dont l’essentiel a été réuni avant 1995 et qui n’ont été que complétées avant 2003. Dans son ordonnance de renvoi, le Conseil d’État souligne lui-même qu’il n’existe pas d’informations fiables et mises à jour sur les populations aviaires des zones protégées concernées ( 56 ).

143. Par ailleurs, à la suite des affirmations de l’administration préfectorale d’Aitoloakarnania e.a. concernant la procédure parlementaire par laquelle ont été adoptés les articles 9 et 13 de la loi no 3481/2006, cette procédure mérite également un examen plus attentif. Si les députés n’étaient réellement pas informés de la teneur de ces dispositions, ni de la nature du projet adopté ( 57 ), il est extrêmement douteux qu’ils aient pu apprécier correctement ses incidences environnementales et en
débattre.

144. Il convient dès lors de répondre à la sixième question qu’une étude d’incidences environnementales introduite pour approbation devant le parlement national après l’annulation par jugement de l’acte administratif qui l’avait déjà approuvée satisfait aux exigences de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive EIE lorsque, premièrement, elle mettait à la disposition du législateur les informations nécessaires — à savoir suffisamment récentes et complètes — requises pour la procédure de la
directive et, deuxièmement, le législateur était en mesure, sur cette base, d’apprécier correctement les incidences environnementales du projet et d’en débattre.

C – La directive ESIE

145. Par ses septième, huitième et neuvième questions, le Conseil d’État souhaite en outre voir précisé si la loi no 3481/2006 satisfait aux exigences de la directive ESIE. À cette fin, il demande si les projets entrent dans le champ d’application matériel et, le cas échéant, temporel de la directive ESIE (questions traitées dans les titres 1 et 2, ci-après). Dans l’affirmative, il souhaite savoir si une évaluation environnementale conforme à la directive ESIE est également nécessaire en plus des
évaluations réalisées conformément à la directive-cadre sur l’eau et à la directive EIE (titre 3, ci-après).

1. Sur la septième question — Le champ d’application matériel de la directive ESIE

146. Par la septième question, le Conseil d’État souhaite savoir si la directive ESIE est applicable au projet de détournement d’un fleuve, lorsque ce projet porte sur la construction de barrages et sur le transfert d’eau d’un district hydrographique vers un autre, que la directive-cadre sur l’eau lui est applicable, qu’il comporte des ouvrages relevant de la directive EIE et qu’il est susceptible d’avoir des incidences environnementales sur des zones visées par la directive habitats.

147. Afin de déterminer si un tel projet relève du champ d’application matériel de la directive ESIE, il convient de vérifier, en premier lieu, s’il constitue un plan ou programme au sens de l’article 2, sous a), de ladite directive et, en second lieu, s’il relève de l’article 3, paragraphes 2 à 4.

a) La notion de «plans et programmes»

148. Aux termes de l’article 2, sous a), de la directive ESIE, les termes «plans et programmes» au sens de la directive désignent les plans et les programmes élaborés et/ou adoptés par une autorité ou élaborés en vue de leur adoption par le biais d’une procédure législative et qui sont exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives.

149. Rien dans l’ordonnance de renvoi n’indique si des dispositions législatives, réglementaires ou administratives exigent l’élaboration d’un «plan de détournement d’un fleuve». Dans la mesure où un projet est élaboré sans que rien n’y oblige, il n’a pas à faire l’objet de l’évaluation environnementale prévue par la directive ESIE ( 58 ).

150. Il apparaît certes possible, d’après les observations de DEI, qu’un projet de détournement puisse être inclus dans un plan d’occupation des sols, qui est requis par le droit grec. Mais la présente demande préjudicielle ne porte pas sur un tel plan; d’après DEI, du reste, le Conseil d’État a jugé qu’il n’était pas nécessaire.

151. Lorsque des projets concrets sont soumis à autorisation, une évaluation environnementale d’après la directive ESIE ne devrait en principe pas non plus être nécessaire. En effet, l’autorisation du projet, en tant que telle, ne constitue pas un plan ou programme.

152. Toutefois, la question vise également les plans de gestion des districts hydrographiques Acheloos et Pineios, qui font partie intégrante de la loi no 3481/2006. Il ne fait aucun doute qu’ils constituent des plans au sens de la directive ESIE. Ils sont exigés par l’article 13 de la directive-cadre sur l’eau; d’autre part, ils ont été élaborés par une administration en vue de leur adoption par le parlement par le biais d’une procédure législative.

b) L’obligation de contrôler les plans de gestion

153. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive ESIE, les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, font l’objet d’une évaluation environnementale conformément aux articles 4 à 9.

154. En vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive ESIE, une évaluation environnementale est effectuée pour les plans qui sont élaborés pour le secteur de la gestion de l’eau et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive EIE pourra être autorisée à l’avenir.

155. Les plans de gestion définissent le cadre pour l’autorisation de tels projets, comme pour le transvasement de ressources hydrauliques — prévu au point 12 de l’annexe I de la directive EIE — et pour des barrages — point 15 de l’annexe I. Ici, il n’est pas principalement question de l’autorisation de certaines parties du projet de détournement, dans la mesure où — du moins en droit de l’Union — les plans de gestion n’avaient pas encore un caractère contraignant. Néanmoins, depuis l’expiration du
délai d’établissement des plans de gestion, toute nouvelle autorisation de tels projets devra respecter le cadre légal défini par eux.

156. Par ailleurs, il y a grand lieu de penser que — du moins en l’espèce — l’évaluation s’impose conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la directive ESIE. Cette disposition vise les plans pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive habitats. Or, le champ d’application des plans de gestion comprend des sites protégés au regard de cette directive. Ces sites pourraient
être affectés lors de la mise en œuvre des plans, notamment si ces plans prévoient un transfert d’eau de très grande ampleur ( 59 ).

157. Il convient dès lors de retenir que des plans de gestion au sens de l’article 13 de la directive-cadre sur l’eau doivent en principe faire l’objet d’une évaluation environnementale conformément à la directive ESIE.

2. Sur la huitième question — L’application de la directive ESIE ratione temporis

158. En conséquence, il convient de répondre également à la huitième question, consistant à savoir si des actes relatifs au projet litigieux et qui ont été annulés rétroactivement par des décisions de justice peuvent être considérés comme des actes préparatoires formels émis avant le 21 juillet 2004, de sorte qu’il n’existe pas d’obligation de procéder à une évaluation environnementale stratégique.

159. Cette question concerne l’article 13, paragraphe 3, première phrase, de la directive ESIE, qui définit, par référence au délai de transposition de l’article 13, paragraphe 1, le principe de l’application de la directive: ainsi, les plans et programmes dont le premier acte préparatoire formel est postérieur au 21 juillet 2004 sont soumis à l’évaluation environnementale.

160. Les autorisations annulées en justice échappent d’emblée à ce champ d’application, puisqu’elles constituaient le résultat (intermédiaire) d’une procédure d’autorisation. Seules des mesures initiant la procédure d’autorisation peuvent être considérées comme des actes préparatoires. A fortiori, le fait que l’autorisation ait été annulée rétroactivement est donc sans incidence.

161. En l’espèce, il est au contraire déterminant de savoir si l’initiation de la procédure d’autorisation peut être considérée comme un acte préparatoire des plans de gestion ou bien si elle constitue l’acte préparatoire d’un plan de détournement de l’Acheloos.

a) Sur l’élaboration des plans de gestion

162. L’«acte préparatoire formel» n’est certes pas défini par la directive ESIE. Mais cette notion vise manifestement à retenir un critère certain en vue de la détermination de la date d’engagement de la procédure. Ce critère est conforme au principe de sécurité juridique et de nature à préserver l’effet utile de la directive ( 60 ). Un acte préparatoire formel d’une procédure, au sens de la directive ESIE, doit donc clairement viser à l’élaboration du plan ou du programme relevant de la directive.

163. Ainsi, pour la directive EIE, la Cour a considéré que des contacts et des entretiens informels entre l’autorité compétente et le maître d’ouvrage étaient insuffisants pour caractériser la date d’engagement de la procédure ( 61 ).

164. Il serait tout aussi insuffisant, dans le cadre de la directive ESIE, d’initier certaines procédures pour des projets visés par un plan de gestion, comme une procédure d’autorisation du détournement des eaux. En effet, ces procédures ne laisseraient pas entrevoir qu’elles visent (également) un plan de gestion.

165. Du reste, si des procédures d’autorisation de projets en cause, initiées avant le 21 juillet 2004, devaient être considérées comme des actes préparatoires formels de plans de gestion ultérieurs, quasiment aucun plan de gestion ne pourrait être soumis ratione temporis à une évaluation environnementale. En effet, le champ d’application de chaque plan de gestion comporte une multitude de tels projets existants, qui sont potentiellement concernés par ledit plan de gestion en raison de
l’interdiction de détérioration et de l’obligation de restauration, inscrites à l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau.

166. Enfin, dans le cas d’espèce, l’évolution chronologique contredit elle aussi l’affirmation selon laquelle le premier acte préparatoire formel pour les plans de gestion aurait été effectué avant le 21 juillet 2004. L’absence des plans de gestion pour les districts hydrographiques de l’Acheloos et du Pineios a été critiquée pour la première fois dans l’arrêt 1688/2005 du Conseil d’État, soit postérieurement au 21 juillet 2004. Cela indique que les préparatifs pour leur adoption ont également
débuté après cette date.

b) Sur l’établissement d’un plan de détournement de l’Acheloos

167. Il en irait autrement si — contrairement à la réponse donnée à la septième question — il existait un plan de détournement partiel de l’Acheloos qui serait en principe soumis à l’évaluation.

168. La disposition relative aux actes préparatoires vise à permettre que des procédures en cours soient clôturées sans être affectées par des exigences procédurales radicalement novatrices. Elle ne vise, au contraire, pas à empêcher l’évaluation environnementale de certains plans au seul motif que, dans le passé, la même question avait fait l’objet de mesures administratives quelconques.

169. Il conviendrait donc d’examiner si la procédure d’autorisation du projet s’est poursuivie de façon ininterrompue. À cet égard, les décisions de justice ne seraient pas considérées comme des interruptions, si les services compétents avaient immédiatement pris les mesures nécessaires pour pallier les lacunes constatées par les juges. Le passage d’une procédure administrative à une procédure législative ne devrait pas non plus être considéré comme une interruption.

170. Aussi l’initiation de la procédure d’autorisation du projet de détournement pourrait-elle constituer un acte préparatoire formel en vue de l’élaboration d’un plan — soumis à évaluation — concernant ce projet.

171. À titre complémentaire, il y a lieu de noter que, dans le cas d’espèce, l’obligation d’évaluation prévue à l’article 13, paragraphe 3, deuxième phrase, de la directive ESIE est exclue. Cette obligation s’applique lorsque des plans et des programmes, dont le premier acte préparatoire est antérieur au 21 juillet 2004, sont adoptés ou présentés dans la procédure législative plus de 24 mois après cette date. Or, il ressort de l’ordonnance de renvoi que les dispositions litigieuses de la loi
no 3481/2006 avaient été présentées au parlement grec dès le 6 juillet 2006 ( 62 ).

c) Réponse à la huitième question

172. Il convient dès lors de répondre à la huitième question que ni les autorisations annulées concernant un projet de détournement d’un fleuve ni l’initiation des procédures d’autorisation correspondantes conformément à l’article 13, paragraphe 1, de la directive ESIE ne peuvent être considérées comme des actes préparatoires formels de plans de gestion de districts hydrographiques, au sens de la directive-cadre sur l’eau. Toutefois, l’initiation d’une procédure d’autorisation peut être considérée
comme un acte préparatoire d’un plan — soumis à évaluation — de détournement d’un fleuve, dès lors que la procédure d’autorisation s’est poursuivie sans interruption.

3. Sur la neuvième question — La portée de l’évaluation environnementale

173. Compte tenu de la réponse donnée à la huitième question, il convient de répondre également à la neuvième. Le Conseil d’État souhaite essentiellement savoir si une évaluation environnementale stratégique distincte doit être réalisée, lorsque des évaluations ont déjà eu lieu en vertu de la directive-cadre sur l’eau et de la directive EIE.

174. La réponse découle des dispositions de l’article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive ESIE, que le Conseil d’État a déjà citées. Aux termes du paragraphe 1, les évaluations environnementales effectuées au titre de la directive ESIE sont sans préjudice des exigences de la directive 85/337 ni d’aucune autre disposition législative communautaire. Néanmoins, pour des plans et des programmes pour lesquels l’obligation d’effectuer une évaluation des incidences sur l’environnement découle
simultanément de la directive ESIE et d’autres dispositions du droit de l’Union, le paragraphe 2 autorise les États membres à prévoir des procédures coordonnées ou communes qui satisfont aux exigences des dispositions législatives communautaires pertinentes, afin notamment d’éviter de faire plusieurs évaluations.

175. Ces dispositions démontrent qu’aucun formalisme n’est imposé pour la réalisation des diverses évaluations environnementales prévues par le droit de l’Union. L’élément déterminant est au contraire la mise en œuvre des exigences des dispositions diverses. Lorsque tel est le cas, la dénomination que portera l’évaluation ainsi réalisée est sans importance ( 63 ).

176. La question de savoir si certaines évaluations, faites sur le fondement d’autres dispositions, satisfont aux exigences de la directive ESIE doit être examinée, de façon concrète et au cas par cas, par le juge national. Ces évaluations doivent remplir les conditions de la directive ESIE tenant tant au contenu qu’à la procédure. Compte tenu du quasi-parallélisme des directives EIE et ESIE, cela est en principe possible lorsque les deux évaluations ont le même champ d’application, c’est-à-dire
lorsque le projet et le plan sont quasiment identiques. Il n’est pas non plus exclu que la satisfaction des exigences applicables à un plan de gestion, en vertu de l’article 13, paragraphe 4, et de l’annexe VII de la directive-cadre sur l’eau, revienne à remplir les exigences applicables à l’évaluation environnementale d’un plan en vertu de la directive ESIE.

177. Cependant, compte tenu des remarques formulées au sujet de la directive EIE ( 64 ), il y a lieu de souligner que d’éventuelles lacunes dans l’évaluation réalisée conformément à cette directive devraient très probablement être considérées comme des lacunes de l’évaluation environnementale de la directive ESIE. L’article 5, paragraphe 2, de la directive ESIE exige, de façon bien plus claire que la directive EIE, que l’évaluation tienne compte des connaissances et des méthodes d’évaluation
existantes. De plus, les articles 8 des deux directives imposent chacun la prise en compte, lors de la décision, des informations acquises concernant les incidences environnementales.

178. Il convient dès lors de répondre à la neuvième question que, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la directive ESIE, lorsqu’un projet entre simultanément dans le champ d’application de ladite directive et dans celui de la directive-cadre sur l’eau, ainsi que dans celui de la directive EIE, lesquelles imposent également une évaluation des incidences environnementales du projet, il n’est pas nécessaire de procéder à une évaluation environnementale stratégique distincte, lorsque les
évaluations réalisées en vertu de la directive-cadre sur l’eau et de la directive EIE satisfont aux exigences de la directive ESIE touchant à leur teneur et à la procédure suivie.

D – La protection de la nature

179. Il convient enfin d’étudier certaines questions relatives au droit de l’Union en matière de protection de la nature. Le Conseil d’État pose des questions sur la protection provisoire des sites d’importance communautaire (SIC) proposés, avant que ceux-ci n’aient été portés sur la liste communautaire (question traitée dans le titre 1, ci-après), sur la licéité d’une autorisation accordée sans que soit connue la faune aviaire affectée (titre 2), sur la justification d’atteintes aux sites par des
motifs tenant à l’irrigation et à l’approvisionnement en eau potable (titre 3), le cas échéant sur d’éventuelles mesures pour protéger la cohérence (titre 4) ainsi que sur la compatibilité avec la directive habitats de la transformation d’un écosystème fluvial naturel en un écosystème fluvial et lacustre où la présence humaine sera prépondérante (titre 5).

180. Le traitement de ces questions est fortement marqué par le fait que la procédure d’autorisation du détournement partiel de l’Acheloos se poursuit déjà depuis très longtemps. Elle a commencé avant l’adoption de la directive habitats. Aussi n’est-il pas possible de recourir à l’évaluation ex ante des projets, prévue à l’article 6, paragraphe 3, mais uniquement à l’interdiction de détérioration conformément à l’article 6, paragraphe 2.

1. Sur la dixième question — La protection des sites proposés lors de l’adoption de la loi no 3481/2006

181. Par la dixième question, le Conseil d’État souhaite savoir si les sites qui figuraient aux registres nationaux des SIC et finalement inclus dans le registre communautaire des SIC bénéficiaient de la protection de la directive habitats avant que soit publiée la décision 2006/613 arrêtant la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique méditerranéenne.

182. Le Conseil d’État se réfère ici à cinq SIC ( 65 ) qui furent inscrits au registre par ladite décision et qui sont concernés par le projet.

183. Lorsqu’il pose cette question, le Conseil d’État considère que les dispositions pertinentes de la loi no 3481/2006, ses articles 9 et 13, ont été publiées avec la loi et sont entrées en vigueur le 2 août 2006, alors que la décision 2006/613 n’a été publiée que le 21 septembre 2006. Si la date de cette publication était déterminante pour l’inscription des sites concernés au registre communautaire, l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4, de la directive habitats n’aurait été applicable, en vertu de
l’article 4, paragraphe 5, de cette même directive, qu’à partir du 21 septembre 2006 ( 66 ), soit après l’entrée en vigueur de la loi.

184. Or, en vertu de l’article 254, paragraphe 3, CE, qui était alors applicable (et dont la version modifiée est désormais l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE), la décision 2006/613 est entrée en vigueur dès sa notification aux destinataires — à savoir aux États membres —, en vertu de l’article 2 de la décision ( 67 ). Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de déterminer si la protection des sites était opposable aux particuliers avant la publication de la décision. Il appartiendra au
Conseil d’État de constater la date de la notification — que la banque de données du droit de l’Union (EUR-Lex) dit être la date de l’adoption de la décision, à savoir le 19 juillet 2006 ( 68 ).

a) Sur la protection provisoire des sites proposés

185. S’il s’avère que la décision 2006/613 n’a été notifiée à la République hellénique qu’après l’adoption de la loi no 3481/2006, la République hellénique était tenue de garantir la protection provisoire des sites proposés: En vertu de la directive habitats, les États membres sont tenus de prendre, en ce qui concerne les sites identifiés en vue de leur inscription au registre communautaire, des mesures de protection appropriées afin de maintenir les caractéristiques écologiques desdits sites. Les
États membres ne sauraient dès lors autoriser des interventions qui risquent de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques des sites concernés. Tel est notamment le cas lorsqu’une intervention risque soit de réduire de manière significative la superficie du site, soit d’aboutir à la disparition d’espèces prioritaires présentes sur le site, soit enfin d’avoir pour résultat la destruction du site ou l’anéantissement de ses caractéristiques représentatives ( 69 ).

b) Sur la protection des sites après leur inscription au registre communautaire

186. Si, au contraire, la Commission avait déjà notifié sa décision à la République hellénique lors de l’adoption de la loi no 3481/2006, les dispositions de l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4, de la directive habitats étaient en principe applicables, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, aux sites inscrits au registre. Cependant, nous démontrerons par la suite que le fait que la procédure d’autorisation du détournement partiel de l’Acheloos était déjà en cours depuis longtemps fait obstacle à
l’application d’une évaluation ex ante d’après l’article 6, paragraphe 3. Est au contraire applicable l’article 6, paragraphe 2, le cas échéant en combinaison avec les exigences imposées par l’article 6, paragraphe 4, à la justification d’éventuelles atteintes aux sites.

Sur l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats

187. Il semblerait logique d’exiger que la compatibilité du détournement de l’Acheloos avec les objectifs de conservation fixés pour ces sites soit contrôlée conformément à l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats. En vertu de cette disposition, tout plan ou projet susceptible d’affecter de manière significative un site protégé doit faire l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site.

188. Cependant, la Cour a déjà retenu que, lorsqu’un projet a été autorisé antérieurement à la date d’expiration du délai de transposition de la directive habitats ou que la procédure d’autorisation a été engagée avant l’adhésion à l’Union européenne de l’État membre concerné, ledit projet n’est pas soumis aux prescriptions portant sur la procédure d’évaluation préalable des incidences du projet sur le site concerné, édictées par l’article 6, paragraphe 3, de cette directive ( 70 ). Il ne serait en
effet pas opportun que des procédures, déjà complexes au niveau national et formellement entamées avant la date d’expiration du délai de transposition de ladite directive, soient alourdies et retardées du fait des exigences spécifiques imposées par celle-ci et que des situations déjà formées en soient affectées ( 71 ).

189. Si le cas d’espèce ne concerne certes ni une autorisation entrée en vigueur avant l’expiration du délai de transposition ni une procédure d’autorisation engagée avant l’adhésion de la République hellénique à l’Union européenne, cependant, il devrait être traité de la même façon — nonobstant le fait que les sites concernés avaient déjà été inscrits sur le registre communautaire lors de l’adoption de la loi no 3481/2006.

190. En effet, les procédures d’autorisation du détournement partiel de l’Acheloos ont débuté au début des années 1990 — c’est-à-dire, potentiellement, avant l’adoption de la directive habitats — et, jusqu’à la notification de la décision d’inscription des SIC concernés sur le registre communautaire, elles n’étaient justement pas soumises à l’évaluation préalable ( 72 ). Le fait d’appliquer finalement cette évaluation préalable juste avant l’adoption de la loi no 3481/2006 pourrait effectivement
alourdir et retarder la procédure de façon considérable.

191. En outre, d’un point de vue pratique, il était difficile de prévoir à quel moment la Commission allait adopter le registre communautaire. En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive habitats, le registre aurait dû être établi dès 1998 et d’autres listes partielles avaient déjà été publiées bien avant le registre pour la région biogéographique méditerranéenne qui comprenait la Grèce ( 73 ). La République hellénique ne devait donc pas s’attendre impérativement à ce que le régime
protecteur de la directive habitats devienne applicable avant que le projet ne soit autorisé.

192. Il en résulte qu’aucune évaluation des incidences conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats n’était nécessaire pour les SIC.

Sur l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats

193. La jurisprudence précitée ne concerne cependant que les aspects procéduraux du régime protecteur de la directive habitats. La Cour a, en revanche, souligné à plusieurs reprises que le fait qu’une autorisation ait déjà été octroyée n’avait pas pour effet de soustraire la zone concernée aux exigences de fond de la protection des zones résultant de l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats. Cette disposition interdit la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces dans
les zones spéciales de conservation ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de ladite directive.

194. La Cour a retenu que, lorsqu’un plan ou projet autorisé en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats se révèle — même en l’absence de toute erreur imputable aux autorités nationales compétentes — de nature à entraîner des détériorations ou des perturbations significatives, l’article 6, paragraphe 2, permet de répondre à l’objectif essentiel de la préservation et de la protection de la qualité de l’environnement, y compris de la conservation des habitats naturels ainsi que de
la faune et de la flore sauvages, tel qu’énoncé au premier considérant de cette même directive ( 74 ). Par ailleurs, l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats peut imposer le contrôle a posteriori d’une autorisation existante ( 75 ); de même, la mise en œuvre d’un projet autorisé avant l’expiration du délai de transposition de la directive tombe dans le champ d’application de la disposition précitée ( 76 ).

195. L’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats oblige donc les États membres à prendre les mesures nécessaires pour éviter des détériorations ou des perturbations touchant les zones de protection également lorsqu’il s’agit de projets anciens. Les intérêts légitimes des titulaires des autorisations doivent, le cas échéant, être satisfaits par le biais d’un dédommagement ( 77 ).

196. Cette jurisprudence n’est pas en contradiction avec le principe de non-rétroactivité des normes juridiques. Au contraire, en principe, une règle juridique nouvelle s’applique à partir de son entrée en vigueur. Si elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire de la loi ancienne, elle s’applique aux effets futurs de celles-ci ( 78 ). Il en résulte que des projets susceptibles de détériorer ou de perturber significativement des zones de protection
ne peuvent être autorisés que dans la mesure où ils sont compatibles avec la conservation des sites, même si leurs procédures d’autorisation n’étaient pas encore soumises aux exigences procédurales de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats ( 79 ).

197. Dès lors, si la Commission a inscrit les SIC au registre communautaire avant l’adoption de la loi no 3481/2006, il appartient au Conseil d’État de contrôler si cette loi est compatible avec l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats.

Sur la justification d’éventuelles atteintes à des SIC

198. Si le Conseil d’État parvient à la conclusion que, du fait de la loi no 3481/2006, des habitats naturels ou des habitats d’espèces sont détériorés ou encore que des espèces sont perturbées de façon significative, la question est de savoir si ces atteintes sont justifiées.

199. Tout comme le régime de protection des zones de protection de fait des oiseaux en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive oiseaux, l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats ne prévoit pas la possibilité d’une justification par des intérêts majeurs. La protection des zones mise en place par la directive habitats repose en effet sur l’idée que des détériorations ou des perturbations significatives doivent dans tous les cas être autorisées (et le cas échéant justifiées)
conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de ladite directive. Dès lors que cette autorisation repose sur une évaluation appropriée des incidences, l’application de l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats est par principe logiquement exclue ( 80 ).

200. En revanche, l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive habitats n’était pas encore applicable dans le cas d’espèce. Il serait cependant injuste de refuser à des projets qui, pour des raisons de date, n’ont pas été soumis à l’évaluation préalable en application de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive habitats la possibilité de bénéficier d’une autorisation dérogatoire telle que prévue à l’article 6, paragraphe 4, de ladite directive. Ces projets se heurteraient à des
restrictions plus fortes que des projets plus récents, auxquels l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats est applicable dans son intégralité ( 81 ).

201. Par conséquent, s’agissant de projets anciens, des détériorations ou des perturbations significatives touchant des zones de protection sont à autoriser également en application de l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats, dès lors que les conditions de fond de l’article 6, paragraphe 4, de ladite directive sont réunies, à savoir des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’absence de solutions alternatives et des mesures compensatoires
pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée ( 82 ).

202. En ce qui concerne les exigences applicables à une justification, nous les évoquerons en détail lors de la réponse aux questions suivantes.

c) La réponse à la dixième question

203. À la dixième question, il convient donc de répondre ce qui suit: avant la publication du registre communautaire des SIC, les États membres étaient tenus de prendre, en ce qui concerne les sites identifiés dans les registres nationaux de SIC et finalement inscrits au registre communautaire, des mesures de protection appropriées afin de maintenir les caractéristiques écologiques desdits sites ( 83 ). Depuis la publication, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la
directive habitats, de prévenir, dans les SIC, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces, ainsi que les perturbations significatives touchant les espèces, par des projets dont la procédure d’autorisation avait été engagée avant la publication, dès lors que les atteintes éventuelles à ces sites ne sont pas justifiées.

2. Sur la onzième question

204. Par la onzième question, le Conseil d’État souhaite savoir si, au regard de la directive habitats, les autorités nationales compétentes peuvent autoriser un projet de détournement d’eau, en l’absence de données fiables et actualisées concernant la faune aviaire de la zone concernée.

205. L’administration préfectorale de Magnisia argue certes que, le droit procédural du Conseil d’État ne lui permettant pas même de constater l’absence de données sur la faune aviaire, la question serait irrecevable. Mais cette objection ne peut aboutir. En effet, la Cour doit s’en tenir aux faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale et il ne lui appartient pas de vérifier si la juridiction nationale a outrepassé ses compétences au regard du droit interne ( 84 ).

206. Il convient donc de répondre à la onzième question. L’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats devrait normalement s’appliquer ici. Mais, attendu que la procédure d’autorisation se poursuit depuis assez longtemps, cette disposition n’est pas applicable; l’article 6, paragraphe 2, sera appliqué à sa place.

a) Sur l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats

207. En ce qui concerne l’autorisation de projets et les informations devant être prises en compte à cet effet, il convient en principe d’appliquer la procédure d’évaluation préalable de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats. Une telle évaluation doit s’appuyer sur les meilleures connaissances concernant la faune aviaire dans la zone concernée ( 85 ).

208. Ainsi que nous l’avons dit ( 86 ), l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats ne s’applique certes pas à l’égard des SIC concernés; mais cette disposition pourrait être applicable à des ZPS au sens de la directive oiseaux qui sont concernées et qui ont déjà été désignées antérieurement. En vertu de l’article 7 de la directive habitats, les dispositions de l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4, sont applicables à ces zones à partir de la date de mise en application de la
directive habitats ou de la date de la classification ou de la reconnaissance en tant que ZPS par un État membre.

209. La directive habitat était applicable dès l’expiration de son délai de transposition en 1994. Son article 6, paragraphe 3, première phrase, était donc applicable, au plus tôt à cette date et au plus tard à compter d’une désignation ultérieure de la ZPS concernée.

210. Or, la procédure d’autorisation du détournement partiel de l’Acheloos avait déjà débuté avant 1994, puisque les premières autorisations avaient été accordées en 1992. Si le Conseil d’État a certes annulé ces dernières, tout comme des autorisations ultérieures, cependant, il est fort probable que l’autorisation du projet a fait l’objet d’une procédure ininterrompue jusqu’aux dispositions aujourd’hui litigieuses de la loi no 3481/2006 ( 87 ).

211. Il y a donc lieu de considérer que la procédure d’autorisation a commencé avant la période d’application de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats. La jurisprudence précitée relative à des procédures d’autorisation engagées avant l’apport de modifications substantielles au droit procédural ( 88 ) exclut donc une obligation d’évaluation environnementale en vertu de cette disposition.

b) Sur l’article 6, paragraphes 2 et 4, de la directive habitats

212. C’est au contraire l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats qui est applicable ( 89 ).

213. S’agissant des zones de conservation des oiseaux, la nécessité d’appliquer cette disposition est encore plus évidente que pour les zones protégées en vertu de la directive habitats, à savoir pour les SIC. En effet, les zones de conservation des oiseaux auraient dû être désignées en Grèce dès l’expiration du délai de transposition de la directive oiseaux, le 6 avril 1981 ( 90 ). À compter de cette date, même si elles n’avaient pas été dûment désignées comme telles, les zones concernées
bénéficiaient déjà de la protection de l’article 4, paragraphe 4, première phrase ( 91 ).

214. En l’espèce, il convient donc de vérifier si le projet autorisé détériore les habitats d’oiseaux pour lesquels la ZPS a été désignée ou s’il perturbe ces espèces d’une façon susceptible d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la directive ( 92 ).

215. Si de telles détériorations ou perturbations sont constatées, il conviendra en outre de vérifier si elles sont justifiées au vu des critères matériels de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, une justification suppose notamment une mise en balance, une recherche d’alternatives et des mesures de compensation ( 93 ).

216. Si aucune évaluation formelle des incidences suivant l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats n’est requise, la marge de manœuvre ainsi ouverte aux États membres pour faire jouer une justification comporte cependant des limites ( 94 ).

217. En effet, la Cour a retenu que l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats ne saurait s’appliquer qu’après que les incidences d’un plan ou d’un projet ont été analysées conformément à l’article 6, paragraphe 3, de cette directive. En effet, la connaissance de ces incidences au regard des objectifs de conservation relatifs au site en question constitue un préalable indispensable à l’application dudit article 6, paragraphe 4, car, en l’absence de ces éléments, aucune condition
d’application de cette disposition dérogatoire ne saurait être appréciée. L’examen d’éventuelles raisons impératives d’intérêt public majeur et celui de l’existence d’alternatives moins préjudiciables requièrent en effet une mise en balance par rapport aux atteintes portées au site par le plan ou projet considéré. En outre, afin de déterminer la nature d’éventuelles mesures compensatoires, les atteintes audit site doivent être identifiées avec précision ( 95 ).

218. En conséquence, même pour justifier des atteintes visées à l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats, il convient d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce pour s’assurer qu’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées ( 96 ). Ici également, la mise en balance, l’examen des alternatives et les mesures compensatoires supposent que les incidences qu’il s’agit de justifier aient, auparavant, fait l’objet d’une appréciation
appropriée ( 97 ).

219. Les incidences ne peuvent être appréciées que sur le fondement de données fiables et mises à jour concernant la faune aviaire dans les zones concernées. À défaut, seules des atteintes hypothétiques entreraient dans la mise en balance, dans la recherche de solutions alternatives et dans la détermination de mesures de compensation. Dans un tel cas, il ne serait pas garanti que les atteintes réelles soient prises en compte.

c) Réponse à la onzième question

220. Il convient dès lors de répondre à la onzième question que, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats, les autorités nationales compétentes ne peuvent autoriser un projet de détournement d’eau qui détériore les habitats d’oiseaux pour lesquels la ZPS a été désignée ou qui perturbe ces espèces de façon significative eu égard aux objectifs de la directive que si ce projet est justifié sur le fondement de données fiables et mises à jour concernant la faune aviaire.

3. Sur la douzième question — Les raisons impératives d’intérêt public majeur

221. Par la douzième question, le Conseil d’État souhaite savoir si des motifs invoqués pour un projet de détournement d’eau, lesquels tiennent essentiellement à l’irrigation et dans un deuxième temps à l’approvisionnement en eau potable, peuvent justifier des atteintes à une zone protégée.

222. La douzième question porte sur la première condition de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats, à savoir les raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique. Ainsi que nous l’avons déjà constaté en examinant la directive-cadre sur l’eau, l’irrigation et l’approvisionnement en eau potable peuvent en principe constituer de tels motifs ( 98 ).

223. Mais, en vertu de l’article 6, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive habitats, lorsque le site concerné abrite un type d’habitat naturel prioritaire et/ou une espèce prioritaire, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.

224. Trois des SIC cités dans l’ordonnance de renvoi abritent des espèces ou habitats prioritaires: «Delta Acheloou, Limnothalassa Mesologgiou-Aitolikou, Ekvoles Evinou, Nisoi Echinades, Nisos Petalas» (GR2310001), «Limnes Trichonida kai Lysimachia» (GR2310009) et «Aspropotamos» (GR1440001) ( 99 ).

225. Dans la mesure où, en l’espèce, la Commission n’a donné aucun avis, il apparaît que le texte de l’article 6, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive habitats limite fortement le nombre de raisons pouvant être invoquées. L’irrigation ne pourrait ainsi pas être invoquée comme justification, dans la mesure où elle ne serait pas nécessaire pour la santé de l’homme ni pour la sécurité publique, ni n’aurait de conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement. En revanche,
l’approvisionnement en eau potable serait une considération liée à la santé humaine.

226. Il serait cependant inopportun d’imposer ces exigences accrues en matière de justification des atteintes, alors même que les éléments prioritaires des sites concernés ne sont pas affectés. Dans la mesure où la Commission a publiquement exprimé ce point de vue ( 100 ), il n’y a plus lieu pour elle de rendre un avis avant que ne soient revendiqués d’autre intérêts. Il appartiendra au Conseil d’État d’apprécier si des éléments prioritaires des sites concernés sont atteints et si, partant, la
justification éventuelle est soumise à des conditions plus strictes.

227. Par ailleurs, les motifs justifiant un projet ne sont impérieux et supérieurs que s’ils ont plus de poids que les conséquences néfastes du projet sur les sites protégés par la directive habitats ( 101 ).

228. Il convient dès lors de répondre à la douzième question que tant l’irrigation que l’approvisionnement en eau potable constituent, au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats, des raisons impératives d’intérêt public majeur justifiant un projet de détournement des eaux, lorsqu’ils priment sur les conséquences néfastes du projet sur les sites protégés par la directive. Si toutefois des habitats prioritaires ou des espèces prioritaires sont affectés, en l’absence d’un avis de la
Commission, seul l’approvisionnement en eau potable peut être envisagé à titre de justification.

4. Sur la treizième question — Les mesures garantissant la cohérence globale de Natura 2000

229. Par la treizième question, le Conseil d’État souhaite savoir si, en vue de déterminer les mesures compensatrices adéquates, il faut prendre en compte l’ampleur du détournement et la dimension des travaux que ce détournement implique.

230. Cette question porte sur la troisième condition applicable en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats à la justification d’atteintes à des sites protégés, à savoir sur les mesures compensatoires nécessaires pour assurer que, malgré l’impact, la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. À cet égard, contrairement à la formule utilisée dans la treizième et la quatorzième question, il ne s’agit pas de la cohérence de zones isolées, mais de la cohérence du réseau de zones
protégées.

231. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive habitats, Natura 2000 est un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation. Ce réseau est formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, ainsi que par les ZPS en faveur des oiseaux énumérés à l’annexe I de la directive oiseaux et des oiseaux migrateurs dont la venue est régulière. Natura 2000 doit assurer le maintien ou, le cas
échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ( 102 ).

232. Les mesures nécessaires ne peuvent être identifiées qu’en liaison avec l’atteinte portée au site concerné. Les autorités compétentes doivent déterminer quelle contribution du site détérioré à Natura 2000 est perdue du fait du projet, et comment cette perte doit être compensée de manière à maintenir, en dernière analyse, la cohérence du réseau ( 103 ).

233. Aussi la Cour a-t-elle déjà souligné que les atteintes au site doivent être identifiées avec précision afin de déterminer la nature d’éventuelles mesures compensatoires ( 104 ). En conséquence, il conviendra, pour déterminer les mesures compensatoires, de prendre en compte l’ampleur du détournement de l’Acheloos et la dimension des travaux que ce détournement implique, dans la mesure où ils affectent des zones protégées.

234. Il convient dès lors de répondre à la treizième question comme suit: en vue de déterminer les mesures compensatrices nécessaires, au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats, pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée, il convient de prendre en compte l’ampleur du détournement d’un fleuve et la dimension des travaux que ce détournement implique, dans la mesure où ils affectent des zones protégées.

5. Sur la quatorzième question — La transformation d’un écosystème fluvial naturel

235. Par la quatorzième question, le Conseil d’État souhaite savoir si la directive habitats, interprétée à la lumière du principe du développement durable, tel que consacré à l’article 6 CE (devenu l’article 11 TFUE), autorise la transformation d’un écosystème fluvial naturel en un écosystème fluvial et lacustre créé par l’homme.

236. Il est très probable que la transformation d’un écosystème fluvial naturel en un écosystème fluvial et lacustre créé par l’homme, c’est-à-dire en une succession de lacs artificiels, détériorerait au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats des habitats protégés existants. Il convient de vérifier cela en détail au regard de chaque objectif de conservation.

237. Toutefois, une éventuelle détérioration ne signifie pas que le projet de détournement litigieux serait en tout état de cause illicite. Il pourrait en effet être justifié en vertu des critères de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats.

238. Lors de cette justification — c’est-à-dire de l’appréciation des motifs d’intérêt général, des atteintes et des solutions alternatives —, il convient de respecter le principe du développement durable. Si le projet ne peut pas ou pas totalement réaliser ses objectifs de manière durable, l’importance de ces objectifs en est réduite dans le cadre de la mise en balance. De même, des atteintes qui ne sont que provisoires auront un poids plus faible que des atteintes durables.

239. Il convient dès lors de répondre à la quatorzième question qu’un projet de détournement des eaux au sein d’un site Natura 2000 qui transformerait un écosystème fluvial naturel en un écosystème fluvial et lacustre créé par l’homme peut être autorisé, si les conditions de l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats sont réunies.

V – Conclusion

240. Nous proposerons à la Cour de répondre à la demande de décision préjudicielle comme suit:

«1) Certes, les articles 13, paragraphe 6, et 11, paragraphe 7, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dans sa version modifiée par la décision no 2455/2001/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2001, ne posent pas de délai de mise en œuvre de l’article 4 de la directive, mais seulement un délai maximal d’établissement de plans de gestion et de programmes
de mesures; mais, avant l’expiration de ce délai, la directive n’impose pas la mise en œuvre de l’article 4.

2) Une disposition nationale, adoptée dans le délai spécial imparti pour l’élaboration de plans de gestion et de programmes de mesures, laquelle autorise le transfert d’eau d’un bassin hydrographique à un autre, compromet sérieusement les objectifs de la directive 2000/60 lorsque ce détournement génère un état des eaux incompatible, durablement et de façon non négligeable, avec l’article 4 de la directive. À cet égard, une justification par des intérêts généraux majeurs est même possible dans
le contexte des effets anticipés de l’article 4; si les plans de gestion ne sont pas requis, la disposition nationale doit cependant avoir été adoptée sur le fondement de données suffisantes.

3) Le fait d’adopter des plans de gestion sans procéder à la consultation requise du public est incompatible avec l’article 14 de la directive 2000/60.

4) Une étude d’incidences environnementales introduite pour approbation devant le parlement national après l’annulation par jugement de l’acte administratif qui l’avait déjà approuvée satisfait aux exigences de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (dans sa version modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003,
prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement), lorsque, premièrement, elle mettait à la disposition du législateur les informations nécessaires — à savoir suffisamment récentes et complètes — requises pour la procédure de la directive et, deuxièmement, le législateur était en mesure, sur cette base, d’apprécier correctement les incidences environnementales du projet et d’en débattre.

5) Des plans de gestion au sens de l’article 13 de la directive 2000/60 doivent en principe faire l’objet d’une évaluation environnementale conformément à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.

6) En vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2001/42, ni les actes autorisant un projet isolé de détournement d’un fleuve qui ont été annulés rétroactivement par des décisions de justice ni l’initiation des procédures d’autorisation correspondantes ne peuvent être considérés comme des actes préparatoires formels de plans de gestion de districts hydrographiques, au sens de la directive-cadre sur l’eau. Ils peuvent toutefois être considérés comme des actes préparatoires d’un plan —
soumis à évaluation — de détournement d’un fleuve, dès lors que la procédure d’autorisation s’est poursuivie sans interruption.

7) En vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2001/42, lorsqu’un projet entre simultanément dans le champ d’application de ladite directive et dans celui de la directive 2000/60, ainsi que dans celui de la directive 85/337, lesquelles imposent également une évaluation des incidences environnementales du projet, il n’est pas nécessaire de procéder à une évaluation environnementale stratégique distincte, lorsque les évaluations réalisées en vertu de la directive 2000/60 et de la
directive 85/337 satisfont aux exigences de la directive 2001/42 touchant à leur teneur et à la procédure suivie.

8) Avant la publication du registre communautaire des sites d’importance communautaire (SIC), les États membres étaient tenus de prendre, en ce qui concerne les sites identifiés dans les registres nationaux de SIC et finalement inscrits au registre communautaire, des mesures de protection appropriées afin de maintenir les caractéristiques écologiques desdits sites. Depuis la publication, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil,
du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dans sa version modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003, de prévenir, dans les SIC, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces, ainsi que les perturbations significatives touchant les espèces, par des projets dont la procédure d’autorisation avait été engagée avant la publication, dès lors que les
atteintes éventuelles à ces sites ne sont pas justifiées.

9) En vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43, les autorités nationales compétentes ne peuvent autoriser un projet de détournement d’eau qui détériore les habitats d’oiseaux pour lesquels la zone de protection spéciale a été désignée ou qui perturbe ces espèces de façon significative eu égard aux objectifs de la directive que si ce projet est justifié sur le fondement de données fiables et mises à jour concernant la faune aviaire dans la zone affectée.

10) Tant l’irrigation que l’approvisionnement en eau potable constituent, au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43, des raisons impératives d’intérêt public majeur justifiant un projet de détournement des eaux, lorsqu’ils priment sur les conséquences néfastes du projet sur les sites protégés par la directive. Si toutefois des habitats prioritaires ou des espèces prioritaires sont affectés, en l’absence d’un avis de la Commission, seul l’approvisionnement en eau potable peut
être envisagé à titre de justification.

11) En vue de déterminer les mesures compensatrices nécessaires, au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43, pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée, il convient de prendre en compte l’ampleur du détournement d’un fleuve et la dimension des travaux que ce détournement implique, dans la mesure où ils affectent des zones Natura 2000 protégées.

12) Un projet de détournement des eaux au sein d’un site Natura 2000 qui transformerait un écosystème fluvial naturel en un écosystème fluvial et lacustre créé par l’homme peut être autorisé, si les conditions de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43 sont réunies.»

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( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1), dans sa version modifiée par la décision no 2455/2001/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2001, établissant la liste des substances prioritaires dans le domaine de l’eau et modifiant la directive 2000/60 (JO L 331, p. 1).

( 3 ) Directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ( JO L 175, p. 40), dans sa version modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement (JO L 156, p. 17).

( 4 ) Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001 (JO L 197, p. 30).

( 5 ) Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), dans sa version modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE du Conseil des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes soumis à la procédure visée à
l’article 251 du traité CE (JO L 284, p. 1).

( 6 ) JO L 103, p. 1; modifiée par le règlement (CE) no 807/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (unanimité) (JO L 122, p. 36); ultérieurement consolidée par la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009 (JO 2010, L 20, p. 7).

( 7 ) JO L 295, p. 1.

( 8 ) L’ordonnance de renvoi indique ici — probablement par erreur — le code GR2310001.

( 9 ) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32006D0613(01):FR:NOT, sous «Dates».

( 10 ) FEK A’ 280/9.12.2003.

( 11 ) FEK A’ 54/8.3.2007.

( 12 ) FEK A’ 162/2.8.2006.

( 13 ) Le mémoire de l’administration préfectorale de Magnisia est en partie identique à celui de DEI.

( 14 ) Le mémoire de l’administration préfectorale de Karditsa est quasiment identique à celui de l’administration préfectorale de Trikala.

( 15 ) Voir ci-après, partie A, titre 6, points 97 et suiv.

( 16 ) Voir arrêt du 30 novembre 2006, Commission/Luxembourg (C-32/05, Rec. p. I-11323, notamment au point 63), où la validité de ce délai de mise en œuvre des dispositions de la directive-cadre sur l’eau n’est pas remise en question.

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2006, Cordero Alonso (C-81/05, Rec. p. I-7569, point 29), et du 21 juillet 2011, Azienda Agro-Zootecnica Franchini et Eolica di Altamura (C-2/10, Rec. p. I-6561, point 70).

( 18 ) Voir, dans le cadre juridique, point 27.

( 19 ) Voir notamment, en ce sens, en matière de politique sociale et d’emploi arrêts du 21 septembre 1999, Albany (C-67/96, Rec. p. I-5751, point 119); du 11 septembre 2003, Steinicke (C-77/02, Rec. p. I-9027, point 61); du 22 novembre 2005, Mangold (C-144/04, Rec. p. I-9981, point 63), et du 12 octobre 2010, Rosenbladt (C-45/09, Rec. p. I-9391, points 41 et 68); en droit de l’environnement, voir mes conclusions du 13 mars 2008 dans l’affaire Commune de Mesquer (arrêt du 24 juin 2008, C-188/07,
Rec. p. I-4501, point 125), et du 23 avril 2009 dans l’affaire Futura Immobiliare e.a. (arrêt du 16 juillet 2009, C-254/08, Rec. p. I-6995, point 58).

( 20 ) Voir treizième considérant du règlement (CE) no 1051/2001 du Conseil, du 22 mai 2001, relatif à l’aide à la production de coton (JO L 148, p. 3), désormais abrogé: «La culture du coton dans les régions peu adaptées pour celle-ci risque d’avoir un impact négatif pour l’environnement et pour l’économie agricole des régions pour lesquelles cette culture est importante. […]». Voir, également, l’étude de l’Alliance environnement commandée par la Commission, Évaluation des impacts sur
l’environnement des mesures de la PAC relatives au coton (2007), vue le 11 juillet 2011 à l’adresse http://ec.europa.eu/agriculture/eval/reports/coton/index_fr.htm.

( 21 ) JO 1979, L 291, p. 174.

( 22 ) Voir règlement (CE) no 637/2008 du Conseil, du 23 juin 2008, modifiant le règlement (CE) no 1782/2003 et instaurant des programmes nationaux de restructuration du secteur du coton (JO L 178, p. 1), dans la version modifiée par le règlement (CE) no 472/2009 du Conseil, du 25 mai 2009 (JO L 144, p. 1).

( 23 ) Voir étude citée en note 20, p. 12.

( 24 ) Voir ci-dessus, point 53.

( 25 ) Arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C-129/96, Rec. p. I-7411, point 45), et du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C-165/09 à C-167/09, Rec. p. I-4599, point 78 et jurisprudence citée).

( 26 ) Arrêts du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie (C-316/04, Rec. p. I-9759, point 42); du 14 septembre 2006, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie (C-138/05, Rec. p. I-8339, point 42), ainsi que Stichting Natuur en Milieu e.a. (précité note 25, point 79).

( 27 ) Arrêts du 26 avril 1988, Krücken (316/86, Rec. p. 2213, point 22), et du 11 juillet 2002, Marks & Spencer (C-62/00, Rec. p. I-6325, point 44 et jurisprudence citée).

( 28 ) Voir, concernant le droit au remboursement d’un impôt trop payé, arrêt du 12 mai 2011, Enel Maritsa Iztok 3 (C-107/10, Rec. p. I-3873, point 39 et jurisprudence citée).

( 29 ) Arrêts du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer (C-162/00, Rec. p. I-1049, point 49), et du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C-334/07 P, Rec. p. I-9465, point 44).

( 30 ) Arrêt du 21 janvier 2003, Allemagne/Commission (C-512/99, Rec. p. I-845, point 45).

( 31 ) Arrêts du 29 juin 1999, Butterfly Music (C-60/98, Rec. p. I-3939, point 25 et jurisprudence citée); Commission/Freistaat Sachsen (précité note 29, point 43), et du 14 janvier 2010, Stadt Papenburg (C-226/08, Rec. p. I-131, point 46).

( 32 ) Arrêt Commission/Freistaat Sachsen (précité note 29, point 43 et jurisprudence citée).

( 33 ) Arrêt Allemagne/Commission (précité note 30, points 46 et suiv.).

( 34 ) Arrêts du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a. (212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9); du 1er juillet 2004, Tsapalos et Diamantakis (C-361/02 et C-362/02, Rec. p. I-6405, point 19), et du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C-201/09 P et C-216/09 P, Rec. p. I-2239, point 75).

( 35 ) Arrêts du 18 juin 1998, Gedeputeerde Staten van Noord-Holland (C-81/96, Rec. p. I-3923, point 23), et du 23 mars 2006, Commission/Autriche, dit «Lauteracher Ried» (C-209/04, Rec. p. I-2755, points 56 et suiv.).

( 36 ) Arrêt du 5 octobre 2000, Commission/France (C-337/98, Rec. p. I-8377, points 35 et suiv.).

( 37 ) Directive du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84).

( 38 ) Arrêts Gedeputeerde Staten van Noord-Holland et Lauteracher Ried, précités note 35.

( 39 ) Voir, concernant la directive habitats, points 69 et suiv. de nos conclusions du 28 juin 2011 dans l’affaire en cours Commission/Espagne (C‑404/09, ci-après l’«affaire Alto Sil»).

( 40 ) Voir supra, points 75 et suiv.

( 41 ) Voir supra, points 72 et suiv.

( 42 ) Voir infra, point 125.

( 43 ) Voir supra, points 84 et suiv.

( 44 ) Arrêt Commission/Luxembourg (précité note 16, point 80).

( 45 ) Voir à cet égard, infra, points 131 et suiv.

( 46 ) Arrêt du 16 septembre 1999 (C-435/97, Rec. p. I-5613).

( 47 ) Arrêt du 19 septembre 2000 (C-287/98, Rec. p. I-6917).

( 48 ) Arrêt WWF e.a. (précité note 46, point 57).

( 49 ) Arrêt Linster (précité note 47, point 54).

( 50 ) Arrêts précités WWF e.a. (point 62) et Linster (point 57).

( 51 ) Conclusions du 19 mai 2011 dans les affaires en cours Boxus e.a. (C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, point 79).

( 52 ) Ibidem, points 84 et 87.

( 53 ) Ibidem, point 88.

( 54 ) Voir arrêt du 3 mars 2011, Commission/Irlande (C-50/09, Rec. p. I-873, point 40).

( 55 ) Voir arrêt du 6 novembre 2008, Commission/Allemagne (C‑247/06, points 49 et suiv.).

( 56 ) Voir infra, point 204.

( 57 ) Point 44 du mémoire d’observations de l’administration préfectorale d’Aitoloakarnania e.a.

( 58 ) La question de savoir si des plans et des programmes, qui ne sont que programmés dans des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relèvent de la directive ESIE fait l’objet de l’affaire Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C‑567/10), qui est encore pendante. On pourrait éventuellement considérer comme des plans «programmés» les plans de gestion prévus par la directive-cadre sur l’eau et non encore exigibles, que nous évoquerons ci-après, sous b).

( 59 ) Concernant la nécessaire évaluation, voir notamment points 87 et suiv. de nos conclusions du 4 mars 2010 dans l’affaire Terre wallonne et Inter-Environnement Wallonie (arrêt du 17 juin 2010, C-105/09 et C-110/09, Rec. p. I-5611).

( 60 ) Voir, au sujet de la directive EIE, arrêt du 11 août 1995, Commission/Allemagne, dit «Großkrotzenburg» (C-431/92, Rec. p. I-2189, point 32).

( 61 ) Arrêt Großkrotzenburg (précité note 60).

( 62 ) Point 29 de l’ordonnance de renvoi.

( 63 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Valčiukienė e.a. (C-295/10, Rec. p. I-8819, point 62). En ce qui concerne la directive EIE, voir arrêts Großkrotzenburg (précité note 60, points 41 et suiv.) et du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (C-227/01, Rec. p. I-8253, point 56), ainsi que nos conclusions du 29 novembre 2007 dans l’affaire Abraham e.a. (arrêt du 28 février 2008, C-2/07, Rec. p. I-1197, point 84).

( 64 ) Voir supra, points 141 et suiv.

( 65 ) Ceux-ci sont énumérés précédemment, au point 22.

( 66 ) Arrêt du 13 janvier 2005, Dragaggi e.a. (C-117/03, Rec. p. I-167, point 25).

( 67 ) Sur la prise d’effets des décisions, voir arrêt du 20 novembre 2008, Foselev Sud-Ouest (C-18/08, Rec. p. I-8745, point 18).

( 68 ) Voir supra, note 9.

( 69 ) Arrêts du 14 septembre 2006, Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C-244/05, Rec. p. I-8445, points 44 et 46); Stadt Papenburg (précité note 31, point 49), et du 20 mai 2010, Commission/Espagne (C-308/08, Rec. p. I-4281, point 21).

( 70 ) Arrêts Lauteracher Ried (précité note 35, points 53 à 62) et Stadt Papenburg (précité note 31, point 48). J’ai déjà évoqué cette considération lors de la discussion sur l’effet anticipé de la directive-cadre sur l’eau lors de la période transitoire d’élaboration des plans de gestion et des programmes de mesures (voir supra, points 107 et suiv.)

( 71 ) Arrêt Lauteracher Ried (précité note 35, point 57, citant la jurisprudence sur la directive EIE).

( 72 ) Arrêt Dragaggi e.a. (précité note 66).

( 73 ) Ainsi, la Commission a adopté dès le 28 décembre 2001 sa décision 2002/11/CE, arrêtant la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique macaronésienne, en application de la directive 92/43 (JO L 5, p. 16). Des décisions concernant quatre autres régions biogéographiques sont intervenues avant la décision 2006/613.

( 74 ) Arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C-127/02, Rec. p. I-7405, point 37).

( 75 ) Arrêt du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni (C-6/04, Rec. p. I-9017, point 58).

( 76 ) Arrêt Stadt Papenburg (précité note 31, point 49).

( 77 ) Voir points 70 et suiv. de nos conclusions dans l’affaire Alto Sil (précitée note 39).

( 78 ) Arrêts du 6 juillet 2010, Monsanto Technology (C-428/08, Rec. p. I-6765, point 66), et du 16 décembre 2010, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C-266/09, Rec. p. I-13119, point 32). En ce qui concerne les effets anticipés de la directive-cadre sur l’eau, voir également supra [IV, A, 6., sous b)]. Ainsi, de nouvelles dispositions juridiques sur la protection de brevets peuvent restreindre la portée de la protection de brevets existants (voir arrêt Monsanto Technology, précité, point 69)

( 79 ) En ce qui concerne l’utilisation d’autorisations existantes, voir point 72 de nos conclusions dans l’affaire Alto Sil (précitée note 39).

( 80 ) Voir arrêt Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (précité note 74, point 35) et nos conclusions dans l’affaire Alto Sil (précitée note 39, point 108).

( 81 ) Voir nos conclusions dans l’affaire Alto Sil (précitée note 39, point 110).

( 82 ) Voir point 111 de nos conclusions dans l’affaire Alto Sil (précitée note 39).

( 83 ) Voir supra, point 185.

( 84 ) Arrêt WWF e.a. (précité note 46, points 31 à 33, et jurisprudence citée).

( 85 ) Arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Italie, dit «Santa Caterina» (C-304/05, Rec. p. I-7495, point 59).

( 86 ) Voir supra, points 188 et suiv.

( 87 ) Voir supra, point 169.

( 88 ) Voir supra, points 188 et suiv.

( 89 ) Voir supra, points 193 et suiv.

( 90 ) Arrêt du 25 octobre 2007, Commission/Grèce (C-334/04, Rec. p. I-9215, point 32).

( 91 ) Arrêts du 7 décembre 2000, Commission/France, dit «Basses Corbières» (C-374/98, Rec. p. I-10799, points 47 et 57); du 20 septembre 2007, Commission/Italie (C-388/05, Rec. p. I-7555, point 18), et du 18 décembre 2007, Commission/Espagne (C-186/06, Rec. p. I-12093, point 26).

( 92 ) En ce qui concerne un tel examen, voir arrêt Santa Caterina (précité note 85, points 91 et suiv.), ainsi que nos conclusions du 19 avril 2007 dans cette même affaire, points 61 et suiv.

( 93 ) Voir supra, points 199 et suiv.

( 94 ) Voir point 112 de nos conclusions dans l’affaire Alto Sil (précitée note 39).

( 95 ) Arrêt Santa Caterina (précité note 85, point 83).

( 96 ) Sur le contrôle de la marge d’appréciation de la Commission, voir arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C-326/05 P, Rec. p. I-6557, point 77), et du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission (C-405/07 P, Rec. p. I-8301, point 55), ainsi que la jurisprudence qui y est citée.

( 97 ) Voir point 112 de nos conclusions dans l’affaire Alto Sil (précitée note 39).

( 98 ) Voir supra, points 83 et suiv.

( 99 ) Dans la décision 2006/613, de tels sites sont signalés par un astérisque dans la colonne C.

( 100 ) Voir guide de la Commission, Gérer les sites Natura 2000 — Les dispositions de l’article 6 de la directive habitats (92/43/CEE), Luxembourg, 2000, p. 50.

( 101 ) Arrêt Santa Caterina (précité note 85).

( 102 ) Voir point 83 de nos conclusions du 27 octobre 2005 dans l’affaire Lauteracher Ried (précitée note 35).

( 103 ) Ibidem, point 84.

( 104 ) Arrêt Santa Caterina (précité note 85).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-43/10
Date de la décision : 13/10/2011
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias.

Renvoi préjudiciel — Directives 85/337/CEE, 92/43/CEE, 2000/60/CE et 2001/42/CE — Politique communautaire dans le domaine de l’eau — Déviation du cours d’un fleuve — Notion de ‘délai’ pour l’établissement des plans de gestion de district hydrographique.

Rapprochement des législations

Environnement

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a.
Défendeurs : Ypourgos Perivallontos, Chorotaxias kai Dimosion ergon e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2011:651

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