ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
15 mars 2012 ( *1 )
«Droits d’auteur et droits voisins — Directive 2006/115/CE — Articles 8 et 10 — Notion d’‘utilisateur’ et de ‘communication au public’ — Diffusion de phonogrammes au moyen des appareils de télévision et/ou de radio installés dans les chambres d’hôtels»
Dans l’affaire C-162/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Commercial Division) (Irlande), par décision du 23 mars 2010, parvenue à la Cour le 7 avril 2010, dans la procédure
Phonographic Performance (Ireland) Limited
contre
Irlande,
Attorney General,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur), E. Juhász, G. Arestis et T. von Danwitz, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 avril 2011,
considérant les observations présentées:
— pour Phonographic Performance (Ireland) Limited, par Mme H. Sheehy, solicitor, assistée de M. J. Newman, BL,
— pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de MM. E. Fitzsimons et J. Jeffers, BL,
— pour le gouvernement grec, par Mmes G. Papadaki, M. Germani et G. Alexaki, en qualité d’agents,
— pour le gouvernement italien, par M. P. Gentili, en qualité d’agent,
— pour le gouvernement français, par M. J. Gstalter, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par Mmes J. Samnadda et S. La Pergola, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 juin 2011,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 8 et 10 de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 376, p. 28).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Phonographic Performance (Ireland) Limited (ci-après «PPL») à l’Irlande.
Le cadre juridique
Le droit international
3 L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a adopté à Genève, le 20 décembre 1996, le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes (ci-après le «WPPT») ainsi que le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur. Ces deux traités ont été approuvés au nom de la Communauté européenne par la décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000 (JO L 89, p. 6).
4 Aux termes de l’article 2, sous b), d) et g), du WPPT:
«Aux fins du présent traité, on entend par:
b) ‘phonogramme’ la fixation des sons provenant d’une interprétation ou exécution ou d’autres sons, ou d’une représentation de sons autre que sous la forme d’une fixation incorporée dans une œuvre cinématographique ou une autre œuvre audiovisuelle;
[…]
d) ‘producteur d’un phonogramme’: la personne physique ou morale qui prend l’initiative et assume la responsabilité de la première fixation des sons provenant d’une interprétation ou exécution ou d’autres sons, ou des représentations de sons;
[…]
g) ‘communication au public’ d’une interprétation ou exécution ou d’un phonogramme la transmission au public, par tout moyen autre que la radiodiffusion, des sons provenant d’une interprétation ou exécution ou des sons ou représentations de sons fixés sur un phonogramme. Aux fins de l’article 15, le terme ‘communication au public’ comprend aussi le fait de rendre audibles par le public les sons ou représentations de sons fixés sur un phonogramme».
5 L’article 15 du WPPT est libellé comme suit:
«1. Les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes ont droit à une rémunération équitable et unique lorsque des phonogrammes publiés à des fins de commerce sont utilisés directement ou indirectement pour la radiodiffusion ou pour une communication quelconque au public.
2. Les Parties contractantes peuvent prévoir dans leur législation nationale que la rémunération équitable unique doit être réclamée à l’utilisateur par l’artiste interprète ou exécutant ou par le producteur du phonogramme, ou par les deux. Les Parties contractantes peuvent adopter des dispositions législatives fixant les conditions de répartition de la rémunération équitable unique entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes faute d’accord entre les
intéressés.
3. Toute Partie contractante peut déclarer, dans une notification déposée auprès du directeur général de l’OMPI, qu’elle n’appliquera les dispositions de l’alinéa 1 qu’à l’égard de certaines utilisations, ou qu’elle en limitera l’application de toute autre manière, ou encore qu’elle n’appliquera aucune de ces dispositions.
4. Aux fins du présent article, les phonogrammes mis à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement sont réputés avoir été publiés à des fins de commerce.»
Le droit de l’Union
6 En vertu des cinquième, septième et seizième considérants de la directive 2006/115:
«(5) La continuité du travail créateur et artistique des auteurs et artistes interprètes ou exécutants exige que ceux-ci perçoivent un revenu approprié et les investissements, en particulier ceux qu’exige la production de phonogrammes et de films, sont extrêmement élevés et aléatoires. Seule une protection juridique appropriée des titulaires de droits concernés permet de garantir efficacement la possibilité de percevoir ce revenu et d’amortir ces investissements.
[…]
(7) Il convient de rapprocher les législations des États membres dans le respect des conventions internationales sur lesquelles sont fondées les législations relatives au droit d’auteur et aux droits voisins de nombreux États membres.
[…]
(16) Les États membres devraient pouvoir prévoir, pour les titulaires de droits voisins du droit d’auteur, des dispositions plus protectrices que celles qui sont prévues par la présente directive en ce qui concerne la radiodiffusion et la communication au public.»
7 L’article 7 de la directive 2006/115 énonce:
«1. Les États membres prévoient pour les artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la fixation de leurs exécutions.
2. Les États membres prévoient pour les organismes de radiodiffusion le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la fixation de leurs émissions, qu’elles soient diffusées sans fil ou avec fil, y compris par câble ou par satellite.
3. Le droit prévu au paragraphe 2 n’est pas prévu pour un distributeur par câble, lorsque celui-ci se borne à retransmettre par câble des émissions d’organismes de radiodiffusion.»
8 L’article 8, paragraphe 2, de cette directive dispose:
«Les États membres prévoient un droit pour assurer qu’une rémunération équitable et unique est versée par l’utilisateur lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute
d’accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération.»
9 L’article 10 de ladite directive est libellé comme suit:
«1. Les États membres ont la faculté de prévoir des limitations des droits visés au présent chapitre dans les cas suivants:
a) lorsqu’il s’agit d’une utilisation privée;
[…]
2. Sans préjudice du paragraphe 1, tout État membre a la faculté de prévoir, en ce qui concerne la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes, des organismes de radiodiffusion et des producteurs des premières fixations de films, des limitations de même nature que celles qui sont prévues par la législation concernant la protection du droit d’auteur sur les œuvres littéraires et artistiques.
Toutefois, des licences obligatoires ne peuvent être prévues que dans la mesure où elles sont compatibles avec la convention de Rome.
3. Les limitations visées aux paragraphes 1 et 2 ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.»
10 La directive 2006/115 a codifié et abrogé la directive 92/100/CEE, du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61).
11 Aux termes du neuvième considérant de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10):
«Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. Leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général. La propriété intellectuelle a donc été reconnue comme faisant partie intégrante de la propriété.»
12 L’article 3, de cette directive énonce:
«1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.
2. Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement:
a) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions;
b) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes;
c) pour les producteurs des premières fixations de films, de l’original et de copies de leurs films;
d) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite.
3. Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article.»
Le droit national
13 La loi de 2000 sur le droit d’auteur et les droits voisins (Copyright and Related Rights Act 2000, ci-après la «loi de 2000») dispose à son article 97:
«1. Sous réserve des dispositions du paragraphe 2, ne porte pas atteinte au droit d’auteur sur un enregistrement sonore, une émission de radiodiffusion ou un programme distribué par câble le fait de faire entendre ou voir un enregistrement sonore, une émission de radiodiffusion ou un programme distribué par câble si celui-ci est entendu ou vu
a) dans la partie des locaux où couchent des résidents ou des pensionnaires, et
b) au titre des agréments offerts exclusivement ou essentiellement aux personnes qui résident dans lesdits locaux ou y prennent pension.
2. Les dispositions du paragraphe 1 ne sont pas applicables aux parties des locaux qui relèvent des dispositions dudit paragraphe si un droit modéré est exigé pour l’admission dans la partie des locaux où l’on fait entendre ou voir l’enregistrement, l’émission ou le programme.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
14 PPL est une société de gestion collective qui représente les droits dont les producteurs de phonogrammes jouissent sur les enregistrements sonores ou les phonogrammes en Irlande.
15 La procédure au principal concerne un recours introduit par PPL contre l’Irlande, afin de faire constater que cet État, en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 97 de la loi de 2000, a violé l’article 4 TUE et de réclamer des dommages et intérêts en réparation de ce manquement.
16 PPL allègue que, en raison de l’exonération de responsabilité prévue à l’article 97, premier alinéa, de la loi de 2000, les exploitants d’hôtels et de pensions de famille (ci-après, collectivement, les «hôtels») ne lui ont pas versé de rémunération équitable pour l’utilisation, dans des chambres d’hôtels en Irlande, de phonogrammes faisant partie de ceux qui ont été concédés sous licence à PPL, au moyen d’un dispositif fourni par les responsables de l’exploitation de ces hôtels et dans le cadre
du service rendu par ces derniers.
17 Or, l’exonération de responsabilité en faveur des hôteliers diffusant des phonogrammes protégés enfreint certaines directives européennes adoptées dans le domaine des droits voisins du droit d’auteur, lesquelles prévoient le droit des producteurs de phonogrammes de recevoir le versement d’une rémunération équitable lorsque leurs phonogrammes sont exploités dans certaines circonstances.
18 La High Court (Commercial Division) précise que, dans l’affaire au principal, seuls sont concernés des enregistrements sonores ou des phonogrammes entendus par des clients dans des chambres d’hôtels en Irlande et non pas dans d’autres parties de ces établissements. Ne sont pas non plus concernées les transmissions interactives ou à la demande.
19 Par ailleurs, selon la juridiction de renvoi, si un hôtelier fournit des appareils de télévision ou de radio dans les chambres de son établissement situé en Irlande, auxquels il distribue, par câble ou par toute autre technologie, un signal reçu de façon centrale, l’hôtelier n’est pas tenu, en vertu de l’article 97, paragraphe 1, de la loi de 2000, de verser une rémunération équitable aux producteurs de phonogrammes pour les enregistrements sonores diffusés grâce à la télévision ou à la radio.
20 De même, si un hôtelier place dans les chambres de son établissement un autre dispositif et met à la disposition de sa clientèle des enregistrements sonores sous une forme physique ou numérique que les clients peuvent écouter à l’aide de ce dispositif, l’hôtelier n’est pas non plus tenu de verser une rémunération équitable aux producteurs de phonogrammes en vertu de l’article 97, paragraphe 1, de la loi de 2000.
21 En outre, bien que la demande sur le fond se rapporte à l’utilisation d’enregistrements sonores dans les chambres d’hôtels, la juridiction de renvoi relève que l’article 97, paragraphe 1, de la loi de 2000 a également pour effet de supprimer l’exigence d’une rémunération équitable pour une telle utilisation dans les hôpitaux, les cliniques, les résidences médicalisées, les établissements pénitentiaires ou dans toute autre institution similaire.
22 Elle précise, enfin, que les enregistrements sonores en cause dans la présente procédure sont des phonogrammes publiés à des fins de commerce.
23 Dans ce contexte, ladite juridiction estime que, compte tenu des différences entre les droits protégés par les articles 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, du contexte dans lequel l’expression «communication au public» est utilisée et de l’objectif des dispositions respectives, la Cour ne devrait pas donner à la notion de «communication au public» la même signification que celle qu’elle a donnée dans l’arrêt du 7 décembre 2006, SGAE (C-306/05,
Rec. p. I-11519).
24 C’est dans ces conditions que la High Court (Commercial Division) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Un exploitant d’hôtel qui fournit, dans les chambres des clients, des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé est-il un ‘utilisateur’ faisant une ‘communication au public’ d’un phonogramme pouvant être diffusé aux fins de l’article 8, paragraphe 2, de la directive codifiée 2006/115 […]?
2) En cas de réponse positive à la première question, l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 […] oblige-t-il les États membres à prévoir le droit au versement d’une rémunération équitable par l’exploitant de l’hôtel, en plus de la rémunération équitable versée par le radiodiffuseur, pour la diffusion du phonogramme?
3) En cas de réponse positive à la première question, l’article 10 de la directive 2006/115 […] permet-il aux États membres d’exonérer les exploitants d’hôtels de l’obligation de verser ‘une rémunération équitable et unique’ au titre de l’‘utilisation privée’ au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous a), [de cette directive]?
4) L’exploitant d’un hôtel qui fournit, dans la chambre d’un client, un dispositif (autre qu’un appareil de télévision ou de radio) et des phonogrammes sous forme physique ou numérique, qui peuvent être diffusés ou entendus à l’aide de ce dispositif, est-il un ‘utilisateur’ faisant une ‘communication au public’ des phonogrammes au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 […]?
5) En cas de réponse positive à la quatrième question, l’article 10 de la directive 2006/115 […] permet-il aux États membres d’exonérer les exploitants d’hôtels de l’obligation de verser ‘une rémunération équitable et unique’ au titre de l’‘utilisation privée’ au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/115 […]?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
25 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé est un «utilisateur» réalisant un acte de «communication au public» d’un phonogramme radiodiffusé, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115.
26 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, les États membres prévoient un droit pour assurer qu’une rémunération équitable et unique est versée par l’utilisateur lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public.
27 Il découle de cette disposition que celui qui utilise un phonogramme pour une radiodiffusion ou pour une communication au public doit être considéré comme l’«utilisateur» au sens de ladite disposition.
28 Dans ces conditions, il convient d’apprécier si, dans une affaire telle que celle en cause au principal, on est en présence d’une «communication au public».
29 S’agissant de la notion de «communication au public», au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100, codifiée par la directive 2006/115, la Cour a jugé, au point 76 de l’arrêt du 15 mars 2012, SCF (C-135/10), qu’elle implique une appréciation individualisée. Il en est de même en ce qui concerne l’identité de l’utilisateur et la question de l’utilisation du phonogramme en cause (voir arrêt SCF, précité, point 78).
30 La Cour a, par ailleurs, précisé que, aux fins d’une telle appréciation, il importe de tenir compte de plusieurs critères complémentaires, de nature non autonome et interdépendants les uns par rapport aux autres. Par conséquent, il y a lieu de les appliquer individuellement ainsi que dans leur interaction les uns avec les autres, étant entendu qu’ils peuvent, dans différentes situations d’espèce, être présents avec une intensité très variable (voir arrêt SCF, précité, point 79).
31 Parmi ces critères, la Cour a, en premier lieu, souligné le rôle incontournable joué par l’utilisateur. En effet, cet utilisateur réalise un acte de communication lorsqu’il intervient, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, pour donner accès à une émission radiodiffusée contenant l’œuvre protégée à ses clients. En l’absence de cette intervention, ces clients, tout en se trouvant à l’intérieur de la zone de couverture de ladite émission, ne pourraient, en principe, jouir de
l’œuvre diffusée (voir arrêt SCF, précité, point 82).
32 La Cour a, en deuxième lieu, précisé certains éléments inhérents à la notion de public.
33 À cet égard, le «public», selon la Cour, doit être constitué d’un nombre indéterminé de destinataires potentiels et d’un nombre assez important de personnes (voir, en ce sens, arrêt SCF, précité, point 84).
34 S’agissant, tout d’abord, du caractère «indéterminé» du public, la Cour a rappelé que, conformément à la définition de la notion de «transmission publique (communication publique)» donnée par le glossaire de l’OMPI qui, sans avoir force obligatoire de droit, contribue néanmoins à l’interprétation de la notion de public, il s’agit de «rendre perceptible une œuvre […] de toute manière appropriée, à des personnes en général, par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé»
(voir arrêt SCF, précité, point 85).
35 Concernant, ensuite, le critère relatif à un «nombre de personnes assez important», la Cour a précisé, d’une part, que celui-ci vise à signaler que la notion de public comporte un certain seuil de minimis, ce qui exclut de cette notion une pluralité de personnes concernées trop petite, voire insignifiante (voir, arrêt SCF, précité, point 86). D’autre part, afin de déterminer ce nombre, il convient de tenir compte des effets cumulatifs qui résultent de la mise à disposition des œuvres auprès des
destinataires potentiels. À cet égard, il n’est pas seulement pertinent de savoir combien de personnes ont accès à la même œuvre parallèlement, mais il convient également de savoir combien d’entre elles ont successivement accès à celle-ci (voir arrêt SCF, précité, points 86 et 87).
36 En troisième lieu, la Cour a jugé que, si le caractère lucratif d’une «communication au public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, n’est pas dénué de pertinence, il doit en aller à plus forte raison en présence du droit à une rémunération équitable, essentiellement économique, dont disposent les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 (voir, en ce sens, arrêt SCF, précité,
points 88 et 89).
37 Il est ainsi sous-entendu, selon la Cour, que le public qui fait l’objet de la communication est, d’une part, ciblé par l’utilisateur et, d’autre part, réceptif, d’une manière ou d’une autre, à sa communication, et non pas «capté» par hasard (voir arrêt SCF, précité, point 91).
38 C’est au regard, notamment, de ces critères, et conformément à l’appréciation individualisée, telle que constatée au point 29 du présent arrêt, qu’il convient d’apprécier si, dans une affaire telle que celle en cause au principal, l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé réalise un acte de communication au public, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive
2006/115.
39 S’il appartient, en principe, aux juridictions nationales, de déterminer si tel est le cas dans une espèce particulière et de porter toutes appréciations de fait définitives à cet égard, il y a lieu, toutefois, de constater que, s’agissant de l’affaire au principal, la Cour dispose de tous les éléments nécessaires pour apprécier s’il existe un tel acte de communication au public.
40 Il convient de relever, tout d’abord, que, dans la situation envisagée par la juridiction de renvoi dans laquelle l’exploitant d’un établissement hôtelier fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé, de même que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SGAE, précité (point 42), bien que se trouvant à l’intérieur de la zone de couverture du signal porteur des phonogrammes, les clients d’un tel établissement hôtelier
ne peuvent jouir des phonogrammes que grâce à l’intervention délibérée de cet exploitant. Son rôle est donc incontournable au sens du point 31 du présent arrêt.
41 S’agissant, ensuite, des clients d’un établissement hôtelier, tel que ceux en cause au principal, il convient de relever que les clients d’un tel établissement hôtelier constituent un nombre indéterminé de destinataires potentiels, dans la mesure où l’accès de ces clients aux services dudit établissement résulte, en principe, du choix propre à chacun d’entre eux et n’est limité que par la capacité d’accueil de l’établissement en question. Il s’agit donc bien, dans un tel cas de figure, de
«personnes en général», au sens du point 34 du présent arrêt.
42 Concernant, par ailleurs, conformément au point 33 du présent arrêt, l’importance du nombre de destinataires potentiels, il convient de relever que la Cour a déjà jugé que les clients d’un établissement hôtelier constituent un nombre assez important de personnes, de sorte que celles-ci doivent être considérées comme un public (voir arrêt SGAE, précité, point 38).
43 S’agissant, enfin, du caractère lucratif, tel que visé aux points 36 et 37du présent arrêt, il y a lieu de constater que, en l’espèce, les clients d’un établissement hôtelier sont qualifiables de «ciblés» et de «réceptifs».
44 En effet, l’acte accompli par l’exploitant d’un établissement hôtelier, visant à donner accès à l’œuvre radiodiffusée à ses clients, constitue une prestation de service supplémentaire ayant une influence sur le standing de cet établissement et, partant, sur le prix des chambres (voir, en ce sens, arrêt SGAE, précité, point 44). En outre, il est susceptible d’attirer des clients additionnels intéressés par ce service supplémentaire (voir, par analogie, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association
Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, Rec. p. I-9083, point 205).
45 Il s’ensuit que, dans une affaire telle que celle au principal, la radiodiffusion de phonogrammes par l’exploitant d’un établissement hôtelier revêt un caractère lucratif.
46 Il découle des considérations qui précèdent que, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, l’exploitant d’un établissement hôtelier réalise un acte de «communication au public» au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115.
47 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé est un «utilisateur» réalisant un acte de «communication au public» d’un phonogramme radiodiffusé au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115.
Sur la deuxième question
48 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé est tenu de verser une rémunération équitable, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, pour la diffusion d’un phonogramme radiodiffusé, en plus de celle versée par le radiodiffuseur.
49 Il importe, d’emblée, de rappeler que la Cour a déjà précisé, s’agissant de la notion de «communication au public» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, que l’exploitant d’un établissement hôtelier qui réalise un acte de communication au public transmet une œuvre protégée à un public nouveau, c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs de l’œuvre protégée lorsqu’ils ont autorisé son utilisation par la communication au public d’origine (voir, en
ce sens, arrêt SGAE, précité, points 40 et 42).
50 Il convient de souligner que l’élément de «public nouveau», tiré de la jurisprudence citée au point précédent, doit également être pris en compte dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115.
51 Or, lorsque l’exploitant d’un établissement hôtelier communique un phonogramme radiodiffusé dans les chambres de ses clients, il utilise ce phonogramme de manière autonome et le transmet à un public distinct et supplémentaire par rapport à celui visé par l’acte de communication d’origine. En outre, pour cette transmission, ledit exploitant tire, comme il a été constaté au point 45du présent arrêt, des bénéfices économiques qui sont indépendants de ceux obtenus par le radiodiffuseur ou par le
producteur des phonogrammes.
52 Par conséquent, dans une telle situation, l’exploitant d’un établissement hôtelier est tenu, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, de verser une rémunération équitable pour la communication de ce phonogramme, en plus de celle versée par le radiodiffuseur.
53 À cet égard, ne saurait prospérer l’argument de l’Irlande selon lequel il résulte des termes «ou» et «unique», employés à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, qu’un hôtelier ne devrait pas verser de rémunération pour la communication au public de phonogrammes lorsqu’un radiodiffuseur a déjà versé une rémunération équitable pour l’utilisation de ces phonogrammes dans ses émissions.
54 En effet, en utilisant le terme «unique» à cette disposition, le législateur de l’Union a voulu souligner que les États membres ne sont pas tenus de prévoir que l’utilisateur versera plusieurs rémunérations distinctes au titre d’un même acte de communication au public, si bien que cette rémunération unique sera, ainsi qu’il découle clairement de la seconde phrase de cette disposition, partagée entre les différents bénéficiaires de la rémunération équitable que sont les artistes interprètes ou
exécutants et les producteurs de phonogrammes. Quant à la conjonction de coordination «ou», figurant dans l’expression «par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public», elle doit être interprétée en ce sens qu’une rémunération est due tant dans le cas d’une radiodiffusion que dans celui d’une communication au public.
55 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé est tenu de verser une rémunération équitable, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, pour la diffusion d’un phonogramme radiodiffusé, en plus de celle versée par le radiodiffuseur.
Sur la quatrième question
56 Par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner en troisième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit, dans les chambres de ses clients, non pas des postes de télévision et/ou de radio, mais un autre dispositif ainsi que des phonogrammes sous une forme physique ou numérique pouvant être diffusés ou entendus grâce à ce dispositif, est un «utilisateur» réalisant un acte de «communication au public» d’un phonogramme, au sens
de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115.
57 Dans ces circonstances, la Cour est amenée à vérifier si les considérations fondant sa réponse apportée à la première question restent pertinentes même dans l’hypothèse où l’exploitant d’un établissement hôtelier fournit à ses clients un dispositif autre qu’un poste de télévision et/ou de radio, et des phonogrammes sous une forme physique ou numérique pouvant être diffusés ou entendus grâce à ce dispositif.
58 À cet égard, il y a lieu de relever que la notion de «communication au public», que contient l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, doit être interprétée dans le respect des notions équivalentes visées notamment par le WPPT, et de façon compatible avec celles-ci, en tenant également compte du contexte dans lequel elles sont utilisées et de la finalité poursuivie par les dispositions conventionnelles pertinentes (voir arrêt SCF, précité, point 55).
59 Or, l’article 2, sous g), du WPPT, visant la communication au public et se référant à l’article 15 de ce traité, précise que cette dernière notion comprend aussi le fait de rendre audibles par le public les sons ou représentations de sons fixés sur un phonogramme.
60 Dans ces circonstances, la notion de «communication au public», énoncée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend également le fait de rendre audibles par le public les sons ou les représentations de sons fixés sur un phonogramme.
61 Cette conclusion est d’ailleurs corroborée par le libellé même de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 qui précise qu’il porte sur une communication «quelconque» au public, donc toute forme de communication envisageable et réalisable.
62 Or, l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients un dispositif, autre qu’un poste de télévision ou de radio, ainsi que des phonogrammes sous une forme physique ou numérique pouvant être diffusés ou entendus grâce à ce dispositif fournit les deux éléments permettant de rendre audibles les sons ou les représentations de sons fixés sur ces phonogrammes et le support matériel de ces sons ou des représentations de sons, à savoir les phonogrammes.
63 Par conséquent, cette forme de communication entre dans le champ d’application de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, interprété à la lumière des articles 2, sous g), et 15 du WPPT lus conjointement.
64 Dans la mesure où, ainsi qu’il découle du point 57 du présent arrêt, la quatrième question diffère de la première s’agissant uniquement de la forme de la transmission des phonogrammes, il peut en être déduit que, s’agissant de l’exploitant ainsi que de sa clientèle, ils s’avèrent être les mêmes dans le cadre de ces deux questions.
65 Il peut, par conséquent, être présumé, d’une part, que l’exploitant de cet établissement hôtelier doit être considéré comme l’«utilisateur» au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 et, d’autre part, que la clientèle de cet établissement doit être considérée comme un «public», au sens de cette disposition, à moins qu’un élément particulier soit de nature à conduire la Cour à une conclusion différente.
66 À cet égard, il y a lieu d’apprécier si la forme particulière de transmission, au moyen d’un dispositif ainsi que des phonogrammes sous une forme physique ou numérique pouvant être diffusés ou entendus grâce à ce dispositif, est susceptible de conduire à une conclusion différente de celle rendue au point 40 du présent arrêt.
67 Or, tel n’est pas le cas. En effet, dans la mesure où l’exploitant d’un établissement hôtelier qui installe dans les chambres de son hôtel un tel dispositif et de tels phonogrammes fournit, de cette manière, aux clients les deux éléments nécessaires leur permettant de jouir des œuvres en cause, il en résulte que, sans son intervention, les clients n’y auraient pas accès. Par conséquent, son rôle est incontournable.
68 En l’absence de tout autre élément spécifique nécessitant un examen, il y a, dès lors, lieu de conclure que, dans une situation telle que celle en cause au principal, un acte de «communication au public» d’un phonogramme, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, est réalisé.
69 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question que l’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit, dans les chambres de ses clients, non pas des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé, mais un autre dispositif, ainsi que des phonogrammes sous une forme physique ou numérique pouvant être diffusés ou entendus grâce à ce dispositif, est un «utilisateur» réalisant un acte de «communication au public» d’un phonogramme, au sens
de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115. Il est dès lors tenu de verser une «rémunération équitable» au sens de cette disposition pour la transmission desdits phonogrammes.
Sur les troisième et cinquième questions
70 Par ses troisième et cinquième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/115, qui prévoit une limitation au droit à une rémunération équitable prévu à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, lorsqu’il s’agit d’une «utilisation privée», permet aux États membres d’exonérer l’exploitant d’un établissement hôtelier qui réalise un acte de «communication au public» d’un
phonogramme, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive, de l’obligation de verser une telle rémunération.
71 À titre liminaire, il convient de préciser que, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 153 de ses conclusions, c’est non pas le caractère privé ou non de l’utilisation de l’œuvre par les clients d’un établissement hôtelier qui est pertinent afin de déterminer si l’exploitant d’un tel établissement peut se prévaloir de la limitation tirée d’une «utilisation privée», au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/115, mais le caractère privé ou non de l’utilisation
que fait de l’œuvre cet exploitant lui-même.
72 Or, l’«utilisation privée» d’une œuvre protégée communiquée au public par son utilisateur constitue une contradiction dans les termes, dans la mesure où un «public» s’avère par définition «non privé».
73 Dès lors, dans l’hypothèse d’une communication au public, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, la limitation tirée d’une «utilisation privée», au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous a), de ladite directive, ne saurait s’appliquer.
74 Une telle interprétation n’est toutefois pas de nature à priver cette dernière disposition de son effet utile. En effet, celle-ci conserve un champ d’application plus large en portant sur des utilisations autres qu’une communication au public, comme la «fixation» au sens de l’article 7 de cette directive.
75 Par ailleurs, faire bénéficier l’utilisateur de la limitation visée à l’article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/115, lorsqu’il réalise un acte de communication tel que celui en cause dans l’affaire au principal, irait à l’encontre des dispositions de l’article 10, paragraphe 3, de cette directive selon lequel cette limitation n’est applicable que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou de l’autre objet protégé ni ne causent un
préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.
76 En effet, une telle interprétation ferait échapper l’utilisateur à l’obligation de verser une rémunération équitable pour les formes d’utilisation de l’œuvre qui correspondent à une exploitation commerciale de celle-ci, ce qui causerait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des artistes interprètes ou exécutants protégés précisément au moyen du droit à une rémunération équitable.
77 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre aux troisième et cinquième questions que l’article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/115, qui prévoit une limitation au droit à une rémunération équitable prévu à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, lorsqu’il s’agit d’une «utilisation privée», ne permet pas aux États membres d’exonérer l’exploitant d’un établissement hôtelier qui réalise un acte de «communication au public» d’un phonogramme, au sens de l’article 8,
paragraphe 2, de ladite directive, de l’obligation de verser une telle rémunération.
Sur les dépens
78 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
1) L’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé est un «utilisateur» réalisant un acte de «communication au public» d’un phonogramme radiodiffusé, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine
de la propriété intellectuelle.
2) L’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit dans les chambres de ses clients des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé est tenu de verser une rémunération équitable, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115, pour la diffusion d’un phonogramme radiodiffusé, en plus de celle versée par le radiodiffuseur.
3) L’exploitant d’un établissement hôtelier qui fournit, dans les chambres de ses clients, non pas des postes de télévision et/ou de radio auxquels il distribue un signal radiodiffusé, mais un autre dispositif, ainsi que des phonogrammes sous une forme physique ou numérique pouvant être diffusés ou entendus grâce à ce dispositif, est un «utilisateur» réalisant un acte de «communication au public» d’un phonogramme, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115. Il est dès lors tenu
de verser une «rémunération équitable» au sens de cette disposition pour la transmission desdits phonogrammes.
4) L’article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/115, qui prévoit une limitation au droit à une rémunération équitable prévu à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, lorsqu’il s’agit d’une «utilisation privée», ne permet pas aux États membres d’exonérer l’exploitant d’un établissement hôtelier qui réalise un acte de «communication au public» d’un phonogramme, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive, de l’obligation de verser une telle rémunération.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.