ORDONNANCE DE LA COUR (cinquième chambre)
27 juin 2012 (*)
«Pourvoi – Politique agricole commune – Achat de maïs à l’organisme d’intervention de la Hongrie – Stocks insuffisants – Prétendu manquement de la part de la Commission à ses obligations de contrôle – Responsabilité non contractuelle»
Dans l’affaire C‑491/11 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 septembre 2011,
Fuchshuber Agrarhandel GmbH, établie à Hörsching (Autriche), représentée par M^e G. Lehner, Rechtsanwalt,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par MM. G. von Rintelen et D. Triantafyllou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur) et E. Levits, juges,
avocat général: M^me E. Sharpston,
greffier: M. A. Calot Escobar,
l’avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Fuchshuber Agrarhandel GmbH (ci-après «Fuchshuber Agrarhandel») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 21 juillet 2011, Fuchshuber Agrarhandel/Commission (T‑451/10, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement non fondé son recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice subi par elle en raison de l’absence de contrôle, par la Commission européenne, des conditions de mise en
œuvre des adjudications permanentes pour la revente de céréales sur le marché communautaire, en l’occurrence du maïs détenu par l’organisme d’intervention hongrois.
Les faits à l’origine du litige
2 Sur le fondement du règlement (CE) n° 712/2007 de la Commission, du 22 juin 2007, relatif à l’ouverture d’adjudications permanentes pour la revente sur le marché communautaire de céréales détenues par les organismes d’intervention des États membres (JO L 163, p. 7), le Mezőgazdasági és Vidékfejlesztési Hivatal (organisme d’intervention hongrois, ci-après le «MVH») a mis en vente, le 3 juillet 2007, 500 000 tonnes de maïs.
3 Fuchshuber Agrarhandel s’est portée acquéreur de deux lots de maïs, à savoir le lot KUK 459, de 10 023,08 tonnes, stocké dans un entrepôt situé à Gyirmót (Hongrie), et le lot KUK 465, de 10 407,69 tonnes, stocké dans un entrepôt situé à Sobor (Hongrie).
4 Par lettres des 3 et 17 septembre 2007, le MVH a fait savoir à Fuchshuber Agrarhandel que ses offres avaient été acceptées.
5 Après que Fuchshuber Agrarhandel eut payé, les 24 septembre et 16 octobre 2007, les factures relatives aux deux ventes, émises par le MVH, ce dernier l’a autorisée à procéder au retrait des quantités achetées.
6 Lorsque, au mois de mars 2008, elle a voulu procéder au retrait du maïs entreposé à Gyirmót, objet du lot KUK 459, Fuchshuber Agrarhandel a constaté que les stocks qui lui étaient destinés étaient constitués de ballots de paille recouverts d’une fine couche de maïs, elle-même desséchée, voire en partie pourrie et moisie. 7 913,56 tonnes de maïs auraient ainsi manqué par rapport à la quantité achetée.
7 S’agissant du maïs entreposé à Sobor, objet du lot KUK 465, la requérante n’a pu retirer que 6 187,50 tonnes, au lieu des 10 407,69 achetées, les quantités stockées ne permettant pas d’en retirer davantage. 4 220,19 tonnes de maïs auraient ainsi manqué par rapport à la quantité achetée.
8 Par courriel du 23 avril 2008, Fuchshuber Agrarhandel a attiré l’attention de la Commission sur l’éventualité d’un cas de fraude concernant les stocks d’intervention pour les céréales en Hongrie. Chargé d’enquêter, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a constaté qu’une enquête de la police hongroise avait eu lieu au sujet de ces faits et que, à la date du 4 mai 2010, une enquête judiciaire était en cours.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2010, Fuchshuber Agrarhandel a introduit un recours en indemnité.
10 Par son recours en indemnité, la requérante demandait la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison de la prétendue omission de la Commission d’organiser et de réaliser le contrôle des opérations liées aux mesures d’intervention relatives au stockage des céréales. Fuchshuber Agrarhandel estimait qu’une telle obligation d’agir pesait sur la Commission dans la mesure où l’article 37 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique
agricole commune (JO L 209, p. 1), prévoit notamment que la Commission organise des contrôles sur place pour vérifier la conformité des pratiques administratives avec les règles du droit de l’Union. La requérante soutenait également que l’obligation d’agir de la Commission est, en l’espèce, fondée sur les obligations mises à la charge de cette dernière dans l’organisation des adjudications par le règlement n° 712/2007. En outre, la Commission supporterait une «responsabilité générale», l’obligeant à
procéder à des contrôles réguliers, en application du règlement (CE) n° 884/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005, en ce qui concerne le financement par le Fonds européen de garantie agricole (FEAGA) des mesures d’intervention sous forme de stockage public et la comptabilisation des opérations de stockage public par les organismes payeurs des États membres (JO L 171, p. 35).
11 Le Tribunal a rappelé, aux points 13 à 15 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence constante selon laquelle l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonnée à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Il a également rappelé
que, dès lors que l’une des conditions de l’engagement de ladite responsabilité n’est pas remplie, le recours doit être rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions.
12 S’agissant de l’illégalité du comportement reproché à la Commission, le Tribunal a rappelé au préalable, au point 19 de l’ordonnance attaquée, en se référant par analogie, notamment, à l’arrêt du Tribunal du 13 novembre 2008, Italie/Commission (T-224/04, point 51), que, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, les États membres doivent, notamment, prendre les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds
européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), ainsi que pour prévenir et poursuivre les irrégularités. Par ailleurs, il a indiqué, en se référant par analogie à l’arrêt de la Cour du 11 janvier 2001, Grèce/Commission (C-247/98, Rec. p. I-1, point 81), qu’il découle de cette disposition, considérée à la lumière de l’obligation de coopération loyale avec la Commission, instituée par l’article 4, paragraphe 3, UE, que les États membres sont
tenus de garantir que les conditions matérielles et formelles des adjudications permanentes soient correctement observées.
13 Au point 20 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté, en premier lieu, que c’est sur la base du règlement n° 712/2007 qu’ont été organisées les adjudications litigieuses, auxquelles s’appliquent, en vertu de l’article 2 de ce règlement, les dispositions du règlement (CEE) n° 2131/93 de la Commission, du 28 juillet 1993, fixant les procédures et conditions de la mise en vente des céréales détenues par les organismes d’intervention (JO L 191, p. 76).
14 Aux points 21 à 23 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a procédé à l’examen des règlements n^os 2131/93 et 712/2007 afin de déterminer si une obligation d’organiser et de réaliser le contrôle des opérations liées aux mesures d’intervention relatives au stockage des céréales incombait à la Commission. À l’issue de cet examen, le Tribunal a jugé, au point 24 de cette ordonnance, qu’il revenait aux organismes d’intervention des États membres d’assumer une telle obligation, et donc au MVH pour
la Hongrie.
15 En deuxième lieu, le Tribunal a estimé, au point 25 de l’ordonnance attaquée, que c’est à tort que Fuchshuber Agrarhandel considérait qu’une obligation d’agir pèserait sur la Commission en application de l’article 37 du règlement n° 1290/2005. Le Tribunal a exposé à cet égard que cet article prévoit uniquement que la Commission peut organiser des contrôles sur place dans le but de vérifier, notamment, la conformité des pratiques administratives avec les règles du droit de l’Union,
l’existence de pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le FEAGA ou le Feader ainsi que les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par ces fonds.
16 S’agissant ainsi d’une disposition pour l’application de laquelle la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le Tribunal a relevé, au point 26 de l’ordonnance attaquée, que Fuchshuber Agrarhandel devait démontrer que celle-ci avait méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation. Il a ainsi jugé qu’aucun des arguments avancés par Fuchshuber Agrarhandel ne conduit à constater une telle méconnaissance.
17 En troisième lieu, le Tribunal a considéré, au point 27 de l’ordonnance attaquée, que la circonstance qu’il revient à la Commission de déterminer les modalités d’application du règlement (CE) n° 1784/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (JO L 270, p. 78), visé par le règlement n° 712/2007, n’impliquait pas, par elle-même, que celle-ci était tenue d’exercer le contrôle sur place des opérations réalisées dans le cadre
d’adjudications de céréales par les organismes d’intervention. En effet, selon le Tribunal, l’article 6, sous e), du règlement n° 1784/2003 prévoit uniquement qu’elle fixe les modalités d’application des procédures et des conditions de mise en vente par ces organismes.
18 En quatrième et dernier lieu, s’agissant de l’argument de Fuchshuber Agrarhandel tiré d’une prétendue «responsabilité générale» de la Commission qui découlerait du règlement n° 884/2006, le Tribunal a procédé, aux points 28 à 30 de l’ordonnance attaquée, à une analyse des considérants et des dispositions de ce règlement cités par Fuchshuber Agrarhandel. Après avoir rappelé la jurisprudence selon laquelle les considérants n’ont pas de valeur contraignante, il a constaté que, en tout état de
cause, aucun des considérants dudit règlement ne faisait état d’une quelconque obligation de contrôle à la charge de la Commission. S’agissant des dispositions du règlement n° 884/2006, le Tribunal a relevé que celles-ci définissaient les obligations et la responsabilité des organismes payeurs dans le cadre des mesures d’intervention sous forme de stockage public.
19 Le Tribunal a dès lors considéré, au point 31 de l’ordonnance attaquée, qu’il ne ressortait pas des différents règlements invoqués par la requérante que la Commission aurait eu l’obligation d’organiser et de réaliser le contrôle des opérations liées aux mesures d’intervention relatives au stockage des céréales mises en vente par le MVH lors des adjudications litigieuses. Partant, selon le Tribunal, la Commission ne saurait se voir reprocher un comportement illégal et le recours devait être
rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Les conclusions devant la Cour
20 Par son pourvoi, Fuchshuber Agrarhandel demande à la Cour:
– de procéder à une audience;
– de condamner la Commission à lui verser, dans un délai de quatorze jours, la somme de 2 623 282,31 euros, majorée d’intérêts au taux de 6 % par an, à compter du 24 septembre 2007 sur la somme de 1 641 372,50 euros et à compter du 16 octobre 2007 sur la somme de 981 909,81 euros;
– de constater que la Commission est tenue de l’indemniser de tout éventuel préjudice supplémentaire lié au lot KUK 459, adjugé le 3 septembre 2007, et au lot KUK 465, adjugé le 17 septembre 2007, ainsi que
– de condamner la Commission à rembourser à son mandataire les dépens qu’elle aura exposés, dans un délai de quatorze jours.
21 La Commission demande à la Cour:
– de rejeter le recours comme étant irrecevable;
– à titre subsidiaire, de rejeter le recours comme étant non fondé, et
– de condamner Fuchshuber Agrarhandel aux dépens.
Sur le pourvoi
22 Aux termes de l’article 119 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale.
Sur la recevabilité du pourvoi dans son ensemble
Argumentation des parties
23 La Commission fait valoir, à titre principal, que le pourvoi est irrecevable pour plusieurs motifs.
24 Premièrement, la Commission estime que celui-ci ne se limite pas à des questions de droit. En effet, Fuchshuber Agrarhandel, en alléguant que la constatation du Tribunal figurant au point 26 de l’ordonnance attaquée n’aurait pas tenu compte du document essentiel que constituerait l’annexe A29 de sa requête de première instance, tenterait en réalité d’obtenir une nouvelle appréciation des faits.
25 Deuxièmement, la Commission soutient que le pourvoi ne remplit pas les conditions prévues à l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour. En l’occurrence, le pourvoi n’indiquerait pas de façon précise les moyens sur lesquels il est fondé et ne citerait pas non plus les éléments critiqués de l’ordonnance attaquée dont l’annulation est demandée. Fuchshuber Agrarhandel répéterait les arguments qu’elle a avancés devant le Tribunal sans exposer les éléments de droit
à l’appui de son pourvoi, tout en reprochant de façon générale au Tribunal de violer le droit de l’Union et d’avoir une conception juridique erronée. La Commission relève certes que le pourvoi contient trois références, formulées à titre d’exemples, à des points de l’ordonnance attaquée, mais considère toutefois que ces trois renvois ne répondent pas non plus aux conditions de recevabilité d’un pourvoi.
26 Troisièmement, la Commission considère que les conclusions de Fuchshuber Agrarhandel selon lesquelles la Cour devrait statuer définitivement sur la présente affaire sont irrecevables dans la mesure où le litige n’est pas en état d’être jugé.
Appréciation de la Cour
27 Il convient de rappeler, d’une part, que, conformément aux articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de la procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par le Tribunal (voir, notamment, arrêt du 16 mars
2000, Parlement/Bieber, C-284/98 P, Rec. p. I-1527, point 30, ainsi que ordonnances du 9 novembre 2007, Lavagnoli/Commission, C‑74/07 P, point 20, et du 3 février 2009, Giannini/Commission, C‑231/08 P, point 43).
28 D’autre part, il résulte des mêmes dispositions ainsi que de l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, notamment, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P,
C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 426, ainsi que du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, non encore publié au Recueil, point 24).
29 Si, en l’espèce, il est vrai que le pourvoi n’a pas été rédigé avec toute la clarté souhaitable et qu’il est à maints égards confus, toutefois, celui-ci identifie, en substance, trois moyens, indique les éléments de l’ordonnance attaquée qui font l’objet d’une critique en ce qui concerne ces trois moyens et expose des arguments juridiques au soutien de ceux-ci.
30 Par conséquent, la recevabilité des différents moyens sera vérifiée dans le cadre de l’examen de chacun de ceux-ci. L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre du pourvoi dans son ensemble doit dès lors être rejetée.
Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit de l’Union
Argumentation des parties
31 Par son premier moyen, Fuchshuber Agrarhandel soutient, en substance, que la position juridique du Tribunal viole le droit de l’Union.
32 Par la première branche du premier moyen, elle soutient que la jurisprudence citée par le Tribunal, au point 19 de l’ordonnance attaquée, concerne une situation juridique et factuelle totalement différente, de sorte que cette jurisprudence ne pourrait pas être transposée au cas d’espèce. En effet, les arrêts précités Grèce/Commission et Italie/Commission concerneraient un recours visant à l’annulation d’une décision de la Commission relative à l’apurement des comptes de ces deux États
membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et non un recours en responsabilité non contractuelle. Fuchshuber Agrarhandel ajoute cependant que les faits à l’origine de ces deux arrêts sont pertinents pour déterminer le pouvoir de contrôle de la Commission dans le cas d’espèce.
33 Par la seconde branche du premier moyen, Fuchshuber Agrarhandel considère qu’il résulte du considérant 4 du règlement n° 712/2007 ainsi que des articles 3, paragraphe 2, 4, premier alinéa, et 5, de ce même règlement qu’il revient à la Commission de décider de donner suite aux offres déposées auprès des organismes d’intervention, de fixer le prix de vente minimal et de répartir les quantités existantes parmi les soumissionnaires en déterminant un coefficient. Les organismes nationaux
d’intervention ne disposeraient d’aucune marge de manœuvre à cet égard.
34 Fuchshuber Agrarhandel avance également qu’il incombait à la Commission d’effectuer des contrôles sur place des stocks de céréales destinées à la vente par des organismes d’intervention en vertu des articles 9, paragraphe 2, et 37 du règlement n° 1290/2005 ainsi que du considérant 30 de ce règlement. De même, l’article 2, paragraphes 1, 3 et 4, du règlement n° 884/2006 imposerait à la Commission une telle obligation de contrôle.
35 Par ailleurs, il ressortirait de l’article 6, sous e), du règlement n° 1784/2003 que la Commission est tenue d’adopter les modalités d’application relatives aux procédures et aux conditions de mise en vente par les organismes d’intervention.
36 La Commission, après avoir réitéré que les arguments invoqués par la requérante sont irrecevables, conteste, à titre subsidiaire, le bien-fondé du premier moyen.
37 S’agissant de la première branche du premier moyen, la Commission estime qu’il est normal que le Tribunal se réfère à des considérations juridiques générales développées dans un arrêt antérieur.
38 S’agissant de la seconde branche du premier moyen, la Commission rappelle que l’argumentation présentée à l’appui de cette branche méconnaît la répartition fondamentale des compétences entre, d’une part, les organes de l’Union et, d’autre part, les États membres. Le droit dérivé applicable prévoirait expressément que les organismes payeurs des États membres sont compétents pour la gestion et le contrôle des mesures d’intervention.
39 Selon la Commission, c’est à bon droit que le Tribunal a constaté qu’aucune disposition des règlements n^os 2131/93, 1784/2003, 1290/2005, 884/2006 et 712/2007 n’imposait à la Commission d’organiser et de réaliser le contrôle des opérations liées aux mesures d’intervention relatives au stockage des céréales mises en vente par le MVH lors des adjudications litigieuses.
Appréciation de la Cour
40 S’agissant de la première branche du premier moyen, il y a lieu de relever que Fuchshuber Agrarhandel fait valoir, d’une part, que la jurisprudence résultant des arrêts précités Grèce/Commission et Italie/Commission ne pouvait pas être transposée à la présente affaire dès lors que ces deux arrêts concernent des situations juridiques et factuelles différentes de celles de la présente espèce. Par cet argument, la requérante soulève une question de droit qui peut être examinée par la Cour dans
le cadre d’un pourvoi et qui est, par conséquent, recevable.
41 En ce qui concerne le bien-fondé de ce premier argument, il y a lieu de constater que le Tribunal a rappelé, au préalable, au point 19 de l’ordonnance attaquée, les obligations qui incombent aux États membres, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA et le Feader. À cet égard, le Tribunal s’est référé, par analogie, à l’arrêt Grèce/Commission, précité, qui portait sur l’article 8,
paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), et à l’arrêt Italie/Commission, précité, qui concernait l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103). S’il est vrai que les affaires ayant donné lieu à ces deux arrêts concernaient une situation factuelle différente de celle en cause dans la
présente affaire, il y a lieu, toutefois, de relever que l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 est rédigé dans des termes en substance identiques à ceux de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 et du règlement n° 1258/1999.
42 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de s’être référé à la jurisprudence découlant desdits arrêts, qui concerne les obligations incombant aux États membres en vue de s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA et le Feader, dès lors que la présente affaire soulève la question de la répartition des compétences entre la Commission et lesdits États en matière de contrôle des opérations liées aux mesures d’intervention relatives au
stockage des céréales.
43 D’autre part, Fuchshuber Agrarhandel allègue que les faits à l’origine des arrêts précités Grèce/Commission et Italie/Commission sont pertinents pour déterminer le pouvoir de contrôle de la Commission dans la présente affaire.
44 Il suffit de rappeler à cet égard, d’une part, que les situations factuelles à l’origine de ces deux arrêts étaient différentes de celle en cause dans la présente affaire, dès lors qu’il s’agissait de procédures d’apurement des comptes du FEOGA. D’autre part, la jurisprudence qui découle desdits arrêts, et à laquelle le Tribunal s’est référé au point 19 de l’ordonnance attaquée, établit des obligations à la charge des États membres en vue de s’assurer de la réalité et de la régularité des
opérations financées par le FEAGA et le Feader et n’impose aucune obligation de contrôle à la charge de la Commission dans le cadre des opérations liées aux mesures d’intervention relatives au stockage des céréales.
45 Par conséquent, l’argument de la requérante tiré de ce que les faits à l’origine des deux arrêts précités Grèce/Commission et Italie/Commission sont pertinents pour le traitement de la présente affaire doit également être écarté.
46 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.
47 S’agissant de la seconde branche du premier moyen, il convient de constater que Fuchshuber Agrarhandel se borne à répéter les arguments qu’elle avait déjà présentés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et qui concernent le prétendu devoir de contrôle qui incomberait à la Commission, sans avancer le moindre élément de nature à établir en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit en constatant qu’aucune des dispositions des règlements n^os 1784/2003, 1290/2005, 884/2006 et
712/2007 n’imposait à la Commission d’organiser et de réaliser des contrôles dans le cadre des mesures d’intervention relatives au stockage des céréales.
48 Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen doit être écartée comme étant manifestement irrecevable.
49 Partant, le premier moyen doit être rejeté, en partie, comme étant manifestement non fondé et, en partie, comme étant manifestement irrecevable.
Sur le deuxième moyen, tiré d’un exposé incorrect des faits
Argumentation des parties
50 Fuchshuber Agrarhandel fait valoir que l’affirmation du Tribunal figurant au point 26 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle elle n’aurait pas démontré que la Commission aurait été informée, avant la fin du délai de présentation des offres dans le cadre des adjudications permanentes litigieuses, que des problèmes importants se seraient posés en Hongrie au cours des périodes d’intervention 2004/2005 et 2005/2006, est inexacte. Elle mentionne à cet égard l’annexe A29 qui était jointe à la
requête de première instance et qui décrirait que les mouvements très fébriles sur le marché hongrois des céréales ont entraîné des tensions économiques et politiques entre la Hongrie et la Commission. Le Tribunal ne faisant aucune référence à ce document essentiel, la constatation de celui-ci figurant audit point 26 serait incompréhensible.
51 La Commission, après avoir réitéré que ce deuxième moyen est irrecevable, conteste, à titre subsidiaire, le bien-fondé de celui-ci.
Appréciation de la Cour
52 Il convient de relever que, en alléguant que l’affirmation du Tribunal figurant au point 26 de l’ordonnance attaquée est erronée au motif qu’il n’a pas mentionné ladite annexe A29, Fuchshuber Agrarhandel vise en réalité à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve par la Cour.
53 Or, selon une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement et que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux
éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour, sous réserve du cas de dénaturation de ces éléments (arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C-304/06 P, Rec. p. I-3297, point 33 et jurisprudence citée).
54 Aucune dénaturation des faits ou de l’annexe A29 jointe à la requête de première instance n’étant expressément alléguée ni démontrée, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de procédure
Argumentation des parties
55 Fuchshuber Agrarhandel reproche au Tribunal d’avoir entaché l’ordonnance attaquée d’un vice de procédure au motif qu’il n’aurait pas procédé à une audience.
56 La Commission soutient que, en vertu de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Appréciation de la Cour
57 Il suffit de constater, ainsi que le Tribunal l’a au demeurant indiqué au point 12 de l’ordonnance attaquée, que, en vertu de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
58 Il s’ensuit qu’aucune obligation de tenir une audience ne pèse sur le Tribunal. Celui-ci apprécie souverainement, à la lumière des pièces du dossier présentées devant lui, s’il y a lieu de statuer par voie d’ordonnance sans ouvrir la procédure orale (voir, en ce sens, ordonnance du 8 décembre 2006, Polyelectrolyte Producers Group/ Commission et Conseil, C-368/05 P, point 46).
59 Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
60 Aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de son pourvoi n’étant accueilli, celui-ci doit, dès lors, être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
61 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Fuchshuber Agrarhandel et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Fuchshuber Agrarhandel GmbH est condamnée aux dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Langue de procédure: l’allemand.