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12/07/2012 | CJUE | N°C-146/11

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, AS Pimix contre Maksu- ja Tolliameti Lõuna maksu- ja tollikeskus et Põllumajandusministeerium., 12/07/2012, C-146/11


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

12 juillet 2012 ( *1 )

«Adhésion de nouveaux États membres — Fixation de la taxe sur les stocks excédentaires de produits agricoles — Renvoi, dans une disposition de législation nationale, à une disposition d’un règlement de l’Union n’ayant pas été régulièrement publié au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de l’État membre en question»

Dans l’affaire C‑146/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite p

ar le Riigikohus (Estonie), par décision du 17 mars 2011, parvenue à la Cour le 25 mars 2011, dans la procédure

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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

12 juillet 2012 ( *1 )

«Adhésion de nouveaux États membres — Fixation de la taxe sur les stocks excédentaires de produits agricoles — Renvoi, dans une disposition de législation nationale, à une disposition d’un règlement de l’Union n’ayant pas été régulièrement publié au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de l’État membre en question»

Dans l’affaire C‑146/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Riigikohus (Estonie), par décision du 17 mars 2011, parvenue à la Cour le 25 mars 2011, dans la procédure

AS Pimix, en liquidation,

contre

Maksu- ja Tolliameti Lõuna maksu- ja tollikeskus,

Põllumajandusministeerium,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Rosas, A. Arabadjiev et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mai 2012,

considérant les observations présentées:

— pour AS Pimix, en liquidation, par Me M. Ots, advokaat, et Me T. Pikamäe, vandeadvokaat,

— pour le gouvernement estonien, par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,

— pour la Commission européenne, par Mmes K. Saaremäel-Stoilov, H. Tserepa-Lacombe et A. Marcoulli, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 288 TFUE et 297, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’article 58 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux
adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’«acte d’adhésion de 2003»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AS Pimix (ci-après «Pimix»), en liquidation, au Maksu- ja Tolliameti Lõuna maksu- ja tollikeskus (centre fiscal et douanier Sud de l’administration fiscale et douanière) et au Põllumajandusministeerium (ministère de l’Agriculture) au sujet de la perception d’une taxe sur les stocks excédentaires.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

L’acte d’adhésion de 2003

3 Aux termes de l’article 2 de l’acte d’adhésion de 2003:

«Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte.»

4 L’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion de 2003 permet à la Commission européenne de prendre des mesures destinées à faciliter la transition du régime en vigueur dans les nouveaux États membres vers le régime résultant de l’application de la politique agricole commune. Ces mesures transitoires «peuvent être prises durant une période de trois ans à compter de la date de l’adhésion et ne doivent pas s’appliquer au-delà de cette période».

5 L’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 dispose:

«Les textes des actes des institutions et de la Banque centrale européenne adoptés avant l’adhésion et qui ont été établis par le Conseil, la Commission ou la Banque centrale européenne en langue tchèque, estonienne, hongroise, lettone, lituanienne, maltaise, polonaise, slovaque et slovène font foi, dès l’adhésion, dans les mêmes conditions que les textes établis dans les onze langues actuelles. Ils sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne dans les cas où les textes dans les langues
actuelles ont fait l’objet d’une telle publication.»

Le règlement no 1

6 Selon l’article 1er du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié par l’acte d’adhésion de 2003, les langues officielles de l’Union sont «l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le slovaque, le slovène, le finnois et le
suédois».

7 L’article 4 de ce règlement dispose:

«Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les vingt langues officielles.»

8 L’article 5 dudit règlement énonce:

«Le Journal officiel de l’Union européenne paraît dans les vingt langues officielles.»

9 L’article 8 du même règlement prévoit:

«En ce qui concerne les États membres où existent plusieurs langues officielles, l’usage de la langue sera, à la demande de l’État intéressé, déterminé suivant les règles générales découlant de la législation de cet État.

[...]»

Le règlement (CE) no 1972/2003

10 Le règlement (CE) no 1972/2003 de la Commission, du 10 novembre 2003, relatif aux mesures transitoires à adopter en ce qui concerne les échanges de produits agricoles du fait de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie (JO L 293, p. 3), a pour base juridique, notamment, l’article 41 de l’acte d’adhésion de 2003.

11 Aux termes de son considérant 1, le règlement no 1972/2003 vise à «éviter les risques de détournement de trafic au détriment de l’organisation commune des marchés agricoles résultant de l’adhésion de dix nouveaux États à l’Union européenne, le 1er mai 2004». Compte tenu de ces risques, le considérant 3 de ce règlement souligne qu’il y a lieu de «taxer de manière dissuasive les stocks excédentaires situés dans les nouveaux États membres».

12 À cette fin, l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1972/2003 exige que les nouveaux États membres taxent les détenteurs de stocks excédentaires de produits en libre pratique au 1er mai 2004.

13 L’article 4, paragraphe 2, de ce règlement prévoit:

«Pour déterminer les stocks excédentaires de chaque détenteur, les nouveaux États membres tiennent compte notamment:

a) de la moyenne des stocks disponibles au cours des années précédant l’adhésion;

b) des flux commerciaux existant au cours des années précédant l’adhésion;

c) des circonstances qui ont présidé à la constitution des stocks.

La notion de stocks excédentaires s’applique aux produits importés dans les nouveaux États membres ou originaires de ces États. La notion de stocks excédentaires s’applique également aux produits destinés au marché des nouveaux États membres.

[...]»

14 L’article 4, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que le montant de la taxe sur les stocks excédentaires est déterminé en fonction du droit à l’importation erga omnes applicable au 1er mai 2004. Ce droit est fixé par le règlement (CE) no 1789/2003 de la Commission, du 11 septembre 2003, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 281, p. 1).

15 Pour s’assurer que la taxe sur les stocks excédentaires est correctement appliquée, l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1972/2003 exige que les nouveaux États membres procèdent sans délai à l’inventaire des stocks disponibles au 1er mai 2004 et communiquent à la Commission, le 31 octobre 2004 au plus tard, les quantités de produits se trouvant dans les stocks excédentaires.

16 L’article 4, paragraphe 5, de ce règlement prévoit, s’agissant de l’Estonie, qu’il s’applique notamment aux produits relevant du code 0405 10 de la nomenclature combinée (ci-après la «NC»), à savoir le beurre.

17 Conformément à son article 10, ledit règlement s’est appliqué du 1er mai 2004 au 30 avril 2007.

Le règlement no 1789/2003

18 L’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), constitue la NC. Cette dernière est mise à jour par la Commission une fois par an. Le règlement no 1789/2003 est entré en vigueur le 1er janvier 2004.

Le droit estonien

19 Le 7 avril 2004, le Riigikogu (Parlement) a adopté la loi relative à la taxe sur les stocks excédentaires (Üleliigse laovaru tasu seadus, RT I 2004, 30, 203, ci-après l’«ÜLTS»). Cette loi a été publiée au Riigi Teataja le 27 avril 2004 et est entrée en vigueur le 1er mai 2004.

20 En vertu de l’article 7 de l’ÜLTS, le «stock excédentaire» est égal à la différence entre le stock effectivement détenu au 1er mai 2004 et le stock de report.

21 L’article 6 de l’ÜLTS définit la notion de «stock de report» comme la moyenne annuelle des stocks détenus au cours des quatre années précédant l’adhésion de la République d’Estonie à l’Union, à savoir les années 2000 à 2003, multipliée par 1,2.

22 Selon l’article 10 de l’ÜLTS, le stock de report et le stock excédentaire sont calculés par le Põllumajandusministeerium à partir des déclarations de l’opérateur. Sur demande motivée de celui-ci, le Põllumajandusministeerium peut tenir compte de certains facteurs pouvant expliquer une augmentation des stocks, indépendante de toute spéculation.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23 Le 29 octobre 2004, le Põllumajandusministeerium a déterminé que Pimix détenait un stock excédentaire de 550 tonnes de beurre naturel relevant du code de la NC 0405 10 19.

24 Le 26 novembre 2004, le Maksu- ja Tolliameti Lõuna maksu- ja tollikeskus a, par avis d’imposition, fixé le montant de la taxe due par Pimix sur ce stock excédentaire à 16 318 500 EEK. Afin de se conformer à un arrêt du Riigikohus du 5 octobre 2006, le Maksu- ja Tolliameti Lõuna maksu- ja tollikeskus a retiré cet avis et, le 29 mars 2007, par un nouvel avis d’imposition, a fixé le montant de la taxe due par Pimix à cette même somme en application du taux résultant de l’article 14, paragraphe 2, de
l’ÜLTS et de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1972/2003.

25 Pimix a contesté la décision du 29 octobre 2004 ainsi que l’avis d’imposition du 29 mars 2007. Ses recours devant les juridictions de première instance et d’appel ont été rejetés. Dans le cadre d’un pourvoi en cassation, Pimix reproche aux juges du fond d’avoir appliqué les règlements nos 1789/2003 et 1972/2003, alors même que ceux-ci n’avaient pas fait l’objet d’une publication régulière en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne et que, par ailleurs, depuis le 1er mai 2004,
la réglementation nationale transposant la NC n’était plus en vigueur. S’appuyant sur l’arrêt du 11 décembre 2007, Skoma-Lux (C-161/06, Rec. p. I-10841), Pimix fait valoir que l’administration estonienne ne pouvait lui imposer des obligations résultant de normes qui n’ont pas été reprises en droit national et qui n’ont pas été publiées de manière régulière avant le 5 mars 2005.

26 La juridiction de renvoi estime que la solution du litige dont elle est saisie requiert de savoir si, lors de la détermination du stock excédentaire de Pimix, l’administration estonienne s’est fondée uniquement sur les dispositions de la réglementation de l’Union mises en œuvre par l’ÜLTS ou si elle a appliqué directement cette réglementation avant sa publication régulière en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne.

27 La juridiction de renvoi est d’avis que les éléments essentiels de la taxation, à savoir son débiteur, son objet et son taux, ne résultent pas clairement et directement de l’ÜLTS. Plusieurs dispositions de l’ÜLTS feraient en effet référence à la réglementation de l’Union. Ainsi, s’agissant du débiteur de la taxe, la notion d’«opérateur» serait définie à l’article 5, paragraphe 1, de l’ÜLTS par référence à la notion de «produits agricoles», elle-même introduite à l’article 2 de l’ÜLTS par un
renvoi aux dispositions de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1972/2003 relatives à l’Estonie. Cette juridiction observe que cette dernière disposition est opaque, car, pour comprendre le contenu de la NC, il convient de se reporter au règlement no 1789/2003.

28 Or, la juridiction de renvoi constate que, au moment où Pimix était tenue de présenter sa déclaration, elle n’était pas en mesure d’en comprendre la nécessité ni de savoir pour quels produits agricoles cette obligation déclarative a pris naissance. En effet, au 1er mai 2004, date à laquelle la quantité de stocks excédentaires devait être déterminée, et lors de l’adoption de la décision du 29 octobre 2004 fixant la quantité de stocks excédentaires pour Pimix, les règlements nos 1789/2003
et 1972/2003 n’avaient pas été publiés en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne.

29 S’agissant plus particulièrement de la NC prévue par le règlement no 1789/2003, la juridiction de renvoi indique que, au 1er mai 2004, celle-ci n’était reprise dans aucun instrument de droit national alors en vigueur.

30 Compte tenu de ces éléments, la juridiction nationale se demande si l’article 2 de l’ÜLTS, en renvoyant à un règlement de l’Union qui n’a pas été régulièrement publié en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne, constitue une mise en œuvre de ce règlement, au sens visé par la Cour dans les arrêts du 4 juin 2009, Balbiino (C-560/07, Rec. p. I-4447), et du 29 octobre 2009, Rakvere Lihakombinaat (C-140/08, Rec. p. I-10533).

31 C’est dans ces conditions que le Riigikohus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Compte tenu de la jurisprudence de la Cour [arrêts précités Skoma-Lux, Balbiino, et Rakvere Lihakombinaat], convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 288 TFUE et de l’article 58 de l’acte d’adhésion [de 2003] en ce sens qu’il peut être exigé d’un particulier qu’il remplisse l’obligation résultant du règlement [no 1972/2003]

a) nonobstant le fait que, à la date du 1er mai 2004, ce règlement n’était pas publié en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne,

b) et que le législateur de l’État membre n’a pas repris, dans un acte de droit interne, la définition des produits agricoles prévue par ledit règlement, mais qu’il s’est borné à renvoyer à l’article 4, paragraphe 5, du [même] règlement [...], qui n’était pas régulièrement publié,

c) alors que le particulier a rempli une des obligations résultant du règlement [no 1972/2003] (il a déclaré le stock conformément au code applicable à la marchandise) et qu’il ne l’a pas contestée,

d) et qu’il a fait l’objet d’une taxation par l’autorité compétente de l’État membre à une date où le règlement no 1972/2003 était déjà publié en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne?

2) Peut-on déduire des dispositions combinées de l’article 58 de l’acte d’adhésion [de 2003], de l’article 297, paragraphe 1, TFUE, ainsi que du considérant 3 et de l’article 4 du règlement [no 1972/2003] que l’État membre peut imposer au particulier le paiement d’une taxe sur les stocks excédentaires si, à la date du 1er mai 2004, le règlement no 1972/2003 n’était pas publié en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne, mais que, lors de la taxation ultérieure par l’autorité
compétente de l’État membre, ce règlement était déjà publié en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne?»

Sur les questions préjudicielles

32 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, en Estonie, à l’application à l’encontre de particuliers de dispositions du règlement no 1972/2003 qui, au 1er mai 2004, n’étaient ni publiées en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne ni reprises dans le droit national de cet État membre, et ce quand bien même ces particuliers
ont pu en prendre connaissance par d’autres moyens.

33 Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler qu’un principe fondamental dans l’ordre juridique de l’Union exige qu’un acte émanant des pouvoirs publics ne soit pas opposable aux justiciables avant que n’existe pour eux la possibilité d’en prendre connaissance par une publication régulière au Journal officiel de l’Union européenne (arrêts du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 15, et Skoma-Lux, précité, point 37).

34 En outre, il ressort de l’article 2 de l’acte d’adhésion de 2003 que les actes pris avant l’adhésion par les institutions lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dès l’adhésion. Toutefois, leur opposabilité aux personnes physiques et morales dans lesdits États est subordonnée aux conditions générales de mise en œuvre du droit de l’Union dans les États membres telles qu’elles sont prévues par les traités originaires et, pour les nouveaux États membres, par l’acte
d’adhésion de 2003 lui-même (arrêt Skoma-Lux, précité, point 32).

35 S’agissant de règlements du Conseil et de la Commission ainsi que des directives de ces institutions qui sont adressées à tous les États membres, il résulte des dispositions de l’article 297, paragraphe 2, TFUE que ces actes ne peuvent produire des effets de droit que s’ils ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt Skoma-Lux, précité, point 33).

36 Le respect de ces principes s’impose avec les mêmes conséquences lorsqu’une réglementation de l’Union oblige les États membres à prendre, pour sa mise en œuvre, des mesures imposant des obligations aux particuliers. Dès lors, de telles mesures doivent être publiées afin que ces derniers puissent en prendre connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2002, Mulligan e.a., C-313/99, Rec. p. I-5719, points 51 et 52). Les intéressés doivent également avoir la possibilité de s’informer sur la
source des mesures nationales leur imposant des obligations. Doivent alors être publiés non seulement la réglementation nationale, mais aussi l’acte du droit de l’Union qui, le cas échéant, oblige les États membres à prendre des mesures imposant des obligations aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2009, Heinrich, C-345/06, Rec. p. I-1659, points 45 à 47).

37 Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées de l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 ainsi que des articles 4, 5 et 8 du règlement no 1 qu’une publication régulière d’un règlement de l’Union, pour un État membre dont la langue est une langue officielle de l’Union, doit s’entendre de la publication de cet acte, dans cette langue, au Journal officiel de l’Union européenne (arrêt Skoma-Lux, précité, point 34).

38 La Cour a ainsi jugé que l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 s’oppose à ce que les obligations contenues dans une réglementation de l’Union qui n’a pas été publiée au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue d’un nouvel État membre, alors que celle-ci est une langue officielle de l’Union, puissent être imposées à des particuliers dans cet État, alors même que ces personnes auraient pu prendre connaissance de cette réglementation par d’autres moyens (arrêts précités Skoma-Lux,
point 51, et Balbiino, point 30).

39 En adoptant, le 7 avril 2004, l’ÜLTS, la République d’Estonie a mis en œuvre les obligations découlant du règlement no 1972/2003 en instaurant une taxe sur les stocks excédentaires de produits agricoles et en définissant les modalités de calcul de celle-ci. L’ÜLTS crée ainsi, en Estonie, des obligations à la charge des particuliers, nonobstant le fait que ce règlement ne peut leur être opposé avant qu’ils aient eu la possibilité d’en prendre connaissance par une publication régulière au Journal
officiel de l’Union européenne dans la langue de cet État membre. Parmi ces obligations, figure celle de déclarer au Põllumajandusministeerium, au plus tard le 15 mai 2004, les stocks de certains produits agricoles en leur possession au 1er mai 2004. Il est constant que l’obligation d’acquitter la taxe sur les stocks excédentaires est ainsi déterminée en fonction des stocks de produits détenus à cette date. La date d’émission de l’avis d’imposition est donc sans incidence sur le fait générateur
de ladite taxe. Dès lors, dans l’affaire au principal, le fait que l’avis d’imposition du 29 mars 2007 a été émis après la publication régulière en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne des règlements nos 1789/2003 et 1972/2003 ne permet pas de considérer que, à la date d’entrée en vigueur de l’ÜLTS, lesdits règlements étaient opposables à Pimix.

40 La Cour a déjà jugé que la règle issue de l’arrêt Skoma-Lux, précité, ne fait pas obstacle à l’opposabilité aux particuliers de celles des dispositions du règlement no 1972/2003 qui ont été reprises dans le cadre de l’ÜLTS. Néanmoins, cette règle peut conserver un domaine d’application résiduel dans l’hypothèse où certaines dispositions de ce règlement qui n’auraient pas été mises en œuvre par l’ÜLTS seraient invoquées par les autorités estoniennes à l’encontre de particuliers avant la
publication officielle dudit règlement en langue estonienne (arrêts précités Balbiino, point 32, et Rakvere Lihakombinaat, point 34).

41 Le règlement no 1972/2003 impose aux États membres de taxer les stocks excédentaires existants le 1er mai 2004 pour certains produits agricoles identifiés par leurs codes de la NC. Or, le 1er mai 2004, ce règlement n’avait pas été publié en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne, cette publication n’étant intervenue que le 3 mars 2005. Quant au règlement no 1789/2003 qui contenait la NC alors en vigueur, il n’a été publié en langue estonienne au Journal officiel de l’Union
européenne que le 6 août 2004. Lorsque l’ÜLTS est entrée en vigueur le 1er mai 2004, les particuliers n’ont pas été en mesure de prendre connaissance des produits soumis à la taxe sur les stocks excédentaires au moyen d’une réglementation de l’Union ayant fait l’objet d’une publication régulière en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne. L’ ÜLTS n’a pas donné de définition de ces produits, mais s’est bornée à renvoyer à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1972/2003.
Les particuliers n’étaient par ailleurs pas en mesure d’identifier ces produits grâce à la réglementation nationale, la nomenclature douanière estonienne ayant été abrogée à compter du 1er mai 2004.

42 Dans de telles circonstances, il y a lieu de considérer que les dispositions pertinentes des règlements nos 1789/2003 et 1972/2003 n’étaient pas opposables aux particuliers en Estonie à compter du 1er mai 2004, faute d’avoir fait l’objet d’une publication régulière en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne ou d’avoir été reprises dans le droit national de cet État membre.

43 Le gouvernement estonien souligne toutefois que, dans l’affaire au principal, Pimix n’ignorait pas l’étendue de ses obligations à compter du 1er mai 2004 puisque l’acte d’adhésion de 2003 envisageait déjà la taxation des stocks excédentaires de produits agricoles. Ce gouvernement considère que l’inopposabilité aux particuliers du règlement no 1972/2003 serait contraire à l’objectif de ce règlement et de l’acte d’adhésion de 2003 consistant à lutter contre la spéculation sur les produits
agricoles.

44 Toutefois, la Cour a déjà jugé que le respect de la jurisprudence rappelée aux points 33 à 38 du présent arrêt, inspirée par les principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement, n’est pas contraire à celui d’effectivité du droit de l’Union, dès lors que ce dernier principe ne peut pas concerner des règles qui ne sont pas encore opposables aux particuliers. Admettre, au nom du principe d’effectivité, l’opposabilité d’un acte qui n’a pas été régulièrement publié reviendrait à faire
supporter aux particuliers dans l’État membre concerné les conséquences négatives du non-respect de l’obligation qui pesait sur l’administration de l’Union de mettre à leur disposition, à la date de l’adhésion, l’ensemble de l’acquis communautaire dans toutes les langues officielles de l’Union (arrêt Skoma-Lux, précité, point 42).

45 Le gouvernement estonien fait également valoir que Pimix se serait acquittée sans difficulté de ses obligations déclaratives au regard de l’ÜLTS, démontrant par là qu’elle connaissait l’étendue de ses obligations avant même la publication régulière en langue estonienne au Journal officiel de l’Union européenne des règlements nos 1789/2003 et 1972/2003.

46 Toutefois, le fait que la société requérante au principal a déclaré avec exactitude les quantités de produits taxables en sa possession au 1er mai 2004 et était donc informée des règles de l’Union applicables ne suffit pas à lui rendre opposable une réglementation de l’Union qui n’a pas fait l’objet d’une publication régulière au Journal officiel de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt Skoma-Lux, précité, point 46).

47 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que l’article 58 de l’acte d’adhésion de 2003 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, en Estonie, à l’application à l’encontre de particuliers de dispositions du règlement no 1972/2003 qui, au 1er mai 2004, n’étaient ni publiées au Journal officiel de l’Union européenne en langue estonienne ni reprises dans le droit national de cet État membre, et ce quand bien même ces particuliers ont pu en prendre connaissance par
d’autres moyens.

Sur les dépens

48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 58 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, en Estonie, à
  l’application à l’encontre de particuliers de dispositions du règlement (CE) no 1972/2003 de la Commission, du 10 novembre 2003, relatif aux mesures transitoires à adopter en ce qui concerne les échanges de produits agricoles du fait de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, qui, au 1er mai 2004, n’étaient ni publiées au Journal officiel de l’Union européenne en langue
estonienne ni reprises dans le droit national de cet État membre, et ce quand bien même ces particuliers ont pu en prendre connaissance par d’autres moyens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’estonien.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-146/11
Date de la décision : 12/07/2012
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Riigikohus - Estonie.

Adhésion de nouveaux États membres - Fixation de la taxe sur les stocks excédentaires de produits agricoles - Renvoi, dans une disposition de législation nationale, à une disposition d’un règlement de l’Union n’ayant pas été régulièrement publié au Journal officiel de l’Union européenne dans la langue de l’État membre en question.

Adhésion

Agriculture et Pêche

Produits laitiers


Parties
Demandeurs : AS Pimix
Défendeurs : Maksu- ja Tolliameti Lõuna maksu- ja tollikeskus et Põllumajandusministeerium.

Composition du Tribunal
Avocat général : Trstenjak
Rapporteur ?: Fernlund

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2012:450

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