CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. JÁN MAZÁK
présentées le 11 septembre 2012 ( 1 )
Affaire C‑299/11
Staatssecretaris van Financiën
contre
Gemeente Vlaardingen
[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]
«TVA — Opérations imposables — Affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit ‘dans le cadre de cette entreprise’»
1. «Il n’existe pas de bonne taxe», cette citation percutante est largement attribuée à Sir W. Churchill. La présente affaire pose, elle, la question de savoir si, dans le cadre d’une livraison dite «assimilée», la taxation, par les autorités néerlandaises, du terrain en tant que tel était (du point de vue de l’assujetti), si pas une «bonne taxe», à tout le moins une «taxe légale», au sens de la sixième directive 77/388/CEE ( 2 ).
2. Une grande incertitude semble régner aux Pays-Bas quant à l’interprétation et à l’application des dispositions néerlandaises transposant (certaines parties) des dispositions relatives aux opérations susceptibles d’être assimilées à des livraisons effectuées à titre onéreux. En fait, l’issue de la présente question préjudicielle posée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) pourrait avoir pour conséquence que des entreprises ont payé trop de taxe sur la valeur ajoutée
(ci-après la «TVA») par le passé au motif que la valeur de terrains leur appartenant en propre a été incluse dans la base d’imposition de la livraison assimilée ( 3 ). Par conséquent, le Hoge Raad der Nederlanden a demandé à être éclairé sur l’interprétation de la disposition pertinente de la sixième directive, à savoir son article 5, paragraphe 7, sous a). La question s’est posée dans le cadre d’une procédure opposant le Staatssecretaris van Financiën (Secrétaire d’État aux Finances) à la
Gemeente Vlaardingen (municipalité de Vlaardingen, ci-après la «Gemeente»).
3. Plus particulièrement, la question se pose de savoir si la sixième directive autorise l’administration fiscale à qualifier certaines opérations de livraisons effectuées à titre onéreux (livraisons assimilées) en assimilant à «la livraison d’un bien» la production, par un tiers, d’un bien immeuble constitué d’un ouvrage (de construction) réalisé sur un terrain appartenant en propre à l’assujetti (la Gemeente), et à prendre en compte la valeur du terrain aux fins de la perception de la TVA, même
si cet assujetti utilisait antérieurement ce terrain pour les besoins de son entreprise, faisant l’objet d’une exonération (mise en location de terrains à des associations sportives), et n’a bénéficié d’aucune déduction de la TVA pour ce terrain ( 4 ).
I – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
4. L’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive prévoit:
«Les États membres peuvent assimiler à une livraison effectuée à titre onéreux:
a) l’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté ou importé dans le cadre de son entreprise dans le cas où l’acquisition d’un tel bien auprès d’un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la [TVA]».
5. L’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive prévoit ce qui suit en ce qui concerne la base d’imposition:
«A. À l’intérieur du pays
1. La base d’imposition est constituée:
[…]
b) pour les opérations visées à l’article 5 paragraphes 6 et 7, par le prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations».
6. Au 1er janvier 2007, la sixième directive a été remplacée par la directive 2006/112/CE ( 5 ). L’article 18 de la directive 2006/112 correspond en substance à l’article 5, paragraphe 7, de la sixième directive.
B – Le droit néerlandais
7. L’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1968 (Wet op de omzetbelasting 1968, ci-après la «loi OB»), était initialement formulé comme suit lors de l’entrée en vigueur de ladite loi le 1er janvier 1969:
«1. Sont des livraisons de biens:
[...]
h) le fait de disposer, pour les besoins de son entreprise, de biens produits dans sa propre entreprise, dans des cas où, si les biens d’un entrepreneur étaient concernés, la taxe grevant ces biens ne pourrait pas, ou pas complètement, donner lieu à déduction; sont assimilés à des biens produits dans sa propre entreprise des biens qui sont produits sur commande avec mise à disposition de matières.»
8. L’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB a ultérieurement été complété et est formulé comme suit pour la période considérée ( 6 ):
«1. Sont des livraisons de biens:
[…]
h) le fait de disposer, pour les besoins de son entreprise, de biens produits dans sa propre entreprise, dans des cas où, si les biens d’un entrepreneur étaient concernés, la taxe grevant ces biens ne pourrait pas, ou pas complètement, donner lieu à déduction; sont assimilés à des biens produits dans sa propre entreprise des biens qui sont produits sur commande avec mise à disposition de matières, y compris le sol; sont exemptés de l’application de la présente lettre h) les terrains non bâtis
autres que les terrains à bâtir, tels que visés à l’article 11, paragraphe 4.»
9. Aux Pays-Bas, cette disposition est appelée «taxe d’intégration».
10. Aux termes de l’article 8, paragraphe 3, de la loi OB:
«En ce qui concerne les livraisons telles que visées à l’article 3, paragraphe 1, sous g) et h), et à l’article 3 bis, paragraphe 1, la contrepartie est fixée au montant, taxe sur le chiffre d’affaires non comprise, qui devrait être payé pour ces biens, si, au moment de la livraison, ceux-ci étaient acquis ou produits dans l’état où ils se trouvent à ce moment.»
II – Les faits et la question préjudicielle
11. La Gemeente est un entrepreneur au sens de la loi OB et elle est propriétaire de plusieurs complexes sportifs, y compris un certain nombre de terrains de jeux. Pendant des années, elle a mis en location ces terrains en gazon à des associations sportives en exonération de la TVA.
12. En 2003, la Gemeente a chargé des entrepreneurs de remplacer les terrains en gazon par des terrains de «korfbal» et des terrains de football recouverts de gazon artificiel ainsi que par des terrains de handball asphaltés (ci-après les «terrains»).
13. Une fois les travaux achevés, en 2004, la Gemeente a remis en location les terrains en exonération de la TVA, à ces mêmes associations sportives qui les louaient antérieurement.
14. Le montant porté en compte à la Gemeente par les entrepreneurs pour les travaux réalisés par eux s’élevait à un total de 1547440 euros, dont un montant de TVA de 293993 euros. La Gemeente n’a pas immédiatement déduit ce montant de TVA dans sa déclaration à la taxe sur le chiffre d’affaires.
15. L’inspecteur a considéré la mise en location des terrains par la Gemeente [une prestation exonérée en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la loi OB] comme l’utilisation, pour les besoins de son entreprise, de biens produits sur commande «avec mise à disposition» de matières, en particulier du (sous-)sol, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB. Cela impliquait, selon l’inspecteur, que la Gemeente était considérée comme ayant livré les terrains, livraison pour
laquelle la TVA est due, moyennant déduction de la TVA qui lui avait été portée en compte par les entrepreneurs. L’inspecteur a ensuite imposé à la Gemeente un redressement portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004. La Gemeente a formé une réclamation contre ce redressement, mais l’inspecteur l’a maintenu.
16. Le Rechtbank te ’s-Gravenhage (tribunal d’arrondissement de La Haye, Pays-Bas) a déclaré infondé le recours introduit par la Gemeente contre cette décision. La Gemeente a alors interjeté appel de ce jugement du Rechtbank te ’s-Gravenhage devant le Gerechtshof te ’s-Gravenhage (cour d’appel de La Haye, Pays-Bas).
17. Devant le Gerechtshof te ’s-Gravenhage, l’inspecteur a considéré que le redressement en cause était trop élevé. Dans le cadre de la procédure d’appel, on peut, par conséquent, se fonder sur un redressement de TVA d’un montant de 116099 euros, calculé comme suit:
frais d’aménagement des terrains 1 547 440 EUR
valeur du terrain + 610 940 EUR
base d’imposition 2 158 380 EUR
TVA de 19 % sur 2 158 380 EUR 410 092 EUR
déduction liée à l’aménagement – 293 993 EUR
TVA due 116 099 EUR
18. Le 26 juin 2009, le Gerechtshof te ’s-Gravenhage a annulé le jugement du Rechtbank te ’s-Gravenhage, a déclaré le recours dirigé contre la décision de l’inspecteur fondé et a annulé cette décision ainsi que le redressement. Plus précisément, le Gerechtshof te ’s-Gravenhage a considéré que l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB était contraire à l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, dans la mesure où, pour la perception de la TVA, cette disposition de ladite loi
considère également comme une livraison le fait de disposer de biens que l’entrepreneur a fait produire par des tiers en mettant à leur disposition des matières, y compris le sol. Le Staatssecretaris van Financiën s’est pourvu en cassation contre cette décision devant le Hoge Raad der Nederlanden.
19. C’est dans ce contexte que le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 5, paragraphe 7, phrase introductive et sous a), de la sixième directive, lu en combinaison avec [son] article 5, paragraphe 5, et [son] article 11, A, phrase introductive, paragraphe 1, sous b), doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu’un assujetti utilise un bien immobilier aux fins d’opérations exonérées, un État membre peut percevoir la TVA dans un cas où:
— ce bien immobilier est constitué d’un ouvrage (de construction) réalisé par un tiers contre rémunération pour le compte de l’assujetti sur un terrain appartenant en propre à ce dernier, et où
— l’assujetti utilisait antérieurement ce terrain pour les (mêmes) besoins de son entreprise, faisant l’objet d’une exonération, et n’a bénéficié antérieurement d’aucune déduction de la TVA pour ce terrain,
avec pour conséquence que (la valeur de) ce terrain appartenant en propre à l’assujetti est pris(e) en compte aux fins de la perception de la TVA?»
III – Appréciation
A – Principaux arguments des parties
20. La Gemeente soutient que la question posée appelle une réponse négative. Elle fait valoir que lorsqu’un assujetti (en l’espèce, l’entrepreneur) produit un bien au moyen de matières mises à disposition par son client (la Gemeente), cette production doit être considérée comme ayant eu lieu «dans le cadre de [l’]entreprise de [l’assujetti]» et non dans le cadre de l’entreprise du client. La production de ce bien étant soumise à la TVA en vertu de l’article 5, paragraphe 5, de la sixième directive
[transposé par l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la loi OB], le même bien ne saurait simultanément être considéré ( 7 ) comme ayant été produit dans le cadre de l’entreprise du client.
21. La Gemeente souligne également que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive a pour but d’assurer un traitement fiscal égal entre les assujettis qui acquièrent des biens auprès d’un autre assujetti (ci-après les «biens acquis») et ceux qui produisent des biens dans le cadre de leur propre entreprise (ci-après les «biens produits»). Pour assurer cette égalité de traitement, il suffit que la TVA déduite soit rétablie. Il n’est, en revanche, pas nécessaire de répartir la pression
fiscale de manière égale entre biens acquis et biens produits. À l’appui de son argumentation, la Gemeente se prévaut de documents relatifs aux procédures législatives qui ont conduit à l’adoption de la deuxième directive 67/228/CEE ( 8 ) et de la sixième directive.
22. En tout état de cause, une imposition de TVA telle que celle opérée en l’espèce, qui frappe la valeur foncière des terrains appartenant à l’assujetti et affectés par celui-ci à une activité d’entreprise exonérée, augmenterait considérablement la pression fiscale sur cet assujetti et porterait atteinte au principe de neutralité fiscale, principe inhérent au système de la TVA.
23. Le gouvernement néerlandais fait valoir que, en employant, à l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, des termes tels que «produit, construit, extrait, transformé, acheté ou importé», le législateur de l’Union a opté pour une formulation très large. En outre, l’expression «dans le cadre de son entreprise» indique qu’il est permis d’assimiler i) «la livraison d’un bien» et ii) «la production d’un bien» par un tiers avec mise à disposition de matières propres dès qu’il s’avère
que ce bien a été commandé par l’assujetti dans le cadre de son entreprise.
24. Le gouvernement néerlandais fait valoir que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive a succédé à l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la deuxième directive, qui disposait que «sont assimilés à une livraison effectuée à titre onéreux […] l’utilisation, par un assujetti pour les besoins de son entreprise d’un bien produit ou extrait par lui ou par un tiers pour son compte». Les termes «produit ou extrait par lui ou par un tiers pour son compte» ayant été remplacés, dans la
sixième directive, par des termes plus larges, il ne fait aucun doute que la sixième directive permet l’assimilation, comme en l’espèce, de certaines opérations à des livraisons à titre onéreux.
25. Au demeurant, en dépit du fait que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive ne contient pas, contrairement à l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la deuxième directive, les termes «par lui ou par un tiers pour son compte», il est évident que ledit article 5, paragraphe 7, sous a), englobe toutes les situations dans lesquelles un assujetti acquiert des biens, y compris donc une situation dans laquelle des travaux ont lieu, pour le compte de l’assujetti, sur des terrains de ce
dernier. Est, en revanche, exclue du champ d’application de cette disposition la situation dans laquelle ledit assujetti a fait produire un bien par un tiers au moyen de matières dont disposait déjà ce tiers.
26. Ensuite, le gouvernement néerlandais souligne que dans un cas tel que le cas d’espèce, assimiler l’opération en cause à une livraison à titre onéreux est conforme au principe de neutralité de la TVA: Lorsqu’un tiers produit des biens pour le compte d’un assujetti au moyen de matières appartenant à ce dernier, cette «assimilation» garantit que la valeur de ces biens ( 9 ) sera prise en compte dans le calcul de la TVA. Au regard du principe de neutralité fiscale, cette prise en compte est
nécessaire pour que la charge fiscale soit la même aussi bien lorsque l’assujetti produit des biens au moyen de matières propres que lorsqu’un tiers produit des biens au moyen de matières propres et les vend à l’assujetti.
27. Enfin, le gouvernement néerlandais soutient que l’assimilation de l’opération en cause à une livraison à titre onéreux est valable même si le terrain de l’assujetti mis à disposition du tiers aux fins des travaux réalisés pour le compte de l’assujetti a antérieurement été utilisé pour les activités exonérées de l’assujetti.
28. Par conséquent, le gouvernement néerlandais conclut qu’il conviendrait de répondre à la question déférée que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre de qualifier d’«opération assimilée à une livraison de bien» la réalisation et la livraison par un tiers, pour le compte d’un assujetti et sur un terrain appartenant en propre à ce dernier, d’un bien immobilier constitué d’un ouvrage (de construction), et de la prendre
ainsi en compte aux fins de la TVA. Il est sans incidence à cet égard que l’assujetti utilisait antérieurement ce terrain pour des besoins de son entreprise, faisant l’objet d’une exonération, et qu’il n’a bénéficié antérieurement d’aucune déduction de la TVA pour ce terrain.
29. La Commission européenne invite, en substance, la Cour à répondre que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive n’autorise pas les États membres à assimiler à une livraison effectuée à titre onéreux l’affectation par un assujetti, aux fins d’opérations exonérées, d’un bien qui a été produit dans le cadre de son entreprise par un tiers avec mise à disposition de matières si lesdites matières ont déjà été affectées antérieurement à ces besoins non imposables de l’assujetti.
B – Analyse
30. Par sa question, le Hoge Raad der Nederlanden demande si l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, lu en combinaison avec son article 5, paragraphe 5, et son article 11, A, paragraphe 1, sous b), doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un assujetti (la Gemeente) utilise un bien immobilier (des terrains de sport) aux fins d’opérations exonérées (à savoir donner en location lesdits terrains à des associations sportives), l’administration fiscale néerlandaise peut percevoir
la TVA si ces terrains de sport sont constitués d’un ouvrage réalisé par un tiers contre rémunération pour le compte de la Gemeente sur un terrain appartenant en propre à cette dernière, même si la Gemeente utilisait antérieurement ce terrain pour les mêmes besoins de son entreprise, faisant l’objet d’une exonération, et n’a bénéficié antérieurement d’aucune déduction de la TVA pour ce terrain, avec pour conséquence que la valeur de ce terrain est prise en compte aux fins de la perception de la
TVA ( 10 ).
31. Avant tout, nous souhaiterions rappeler à titre liminaire que, selon la logique du système mis en place par la sixième directive, les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par un assujetti aux fins de ses opérations taxées peuvent être déduites. La déduction des taxes en amont est liée à la perception des taxes en aval ( 11 ). Lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ
d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de taxe en amont ( 12 ).
32. Dans une telle situation, il est évident que l’assujetti ne saurait récupérer la TVA acquittée dans le cadre de l’acquisition de biens qu’elle utilise.
33. Par ailleurs, certains assujettis n’acquièrent pas les biens qu’ils utilisent dans le cadre de leur entreprise auprès d’autres assujettis (option 1). Ils préfèrent les produire eux-mêmes (option 2) ou ils choisissent de recourir à un tiers pour les produire sur place (option 3, option retenue en l’espèce).
34. Il arrive, comme en l’espèce, que des biens acquis conformément à l’option 3 soient utilisés dans le cadre d’une entreprise. C’est précisément la situation qui se présente en l’espèce.
35. Si nous prenons en considération le droit national pertinent, nous pouvons inférer de la genèse de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB que, en adoptant cette disposition en 1969, le législateur néerlandais entendait transposer dans ladite loi l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la deuxième directive.
36. Cette disposition prévoyait que «sont assimilés à une livraison effectuée à titre onéreux […] l’utilisation, par un assujetti pour les besoins de son entreprise d’un bien produit ou extrait par lui ou par un tiers pour son compte».
37. L’article 5, paragraphe 3, sous b), de la deuxième directive a été repris dans la sixième directive. Il convient toutefois de relever que les termes dans lesquelles les deux dispositions sont formulées ne coïncident pas parfaitement.
38. L’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive ( 13 ) prévoit que «[l]es États membres peuvent assimiler à une livraison effectuée à titre onéreux […] l’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté ou importé dans le cadre de son entreprise dans le cas où l’acquisition d’un tel bien auprès d’un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la taxe sur la valeur ajoutée». En d’autres
termes, ledit article 5, paragraphe 7, sous a), vise uniquement les opérations effectuées «pour les besoins de l’entreprise de l’assujetti» et le segment de phrase figurant à l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la deuxième directive aux termes duquel les biens peuvent être produits ou extraits «par un tiers pour son compte» a été omis. Ajoutons que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive vise également les biens «produits, construits, extraits, transformés, achetés ou
importés» dans le cadre de l’entreprise de l’assujetti.
39. Nous nous limiterons à observer que, malgré cette différence textuelle minime, nous n’apercevons pas pourquoi ni comment l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive aurait un objet ou un effet différent par rapport à l’article 5, paragraphe 3, sous b), de la deuxième directive. En effet, rien, dans la sixième directive, ne le laisse entendre.
40. Il ressort du dossier soumis à la Cour que, en l’espèce, l’inspecteur des impôts a considéré que l’utilisation des terrains (c’est-à-dire le fait de les donner en location) par la Gemeente constituait la livraison d’un bien, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB, étant donné qu’il s’agit, pour l’intéressée, de disposer, pour les besoins de son entreprise, des terrains qui ont été aménagés par des tiers pour son compte et grâce à la mise à disposition de ses propres terrains
en gazon naturel. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB, on entend également par «biens produits», les travaux de construction (liés au sol).
41. En outre, pour l’application de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB, un travail immobilier est considéré comme constituant, avec le sol, un unique bien (immobilier). Sur la base des considérations qui précèdent, l’inspecteur a inclus la valeur du sol dans la base d’imposition des terrains, de telle sorte que la TVA est, en définitive, également perçue sur la valeur des anciens terrains en gazon naturel de la Gemeente.
42. La question se pose par conséquent de savoir si l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB, appliqué à la situation de l’espèce, est conforme aux pouvoirs que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive confère aux États membres.
43. Plus particulièrement, comme le met en évidence la juridiction de renvoi, certaines questions se posent quant à la signification et la portée précises de la disposition de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive.
44. À première vue, il semblerait que la Cour n’ait jusqu’à présent était invitée qu’une seule fois à se prononcer sur la règle régissant l’assimilation, en application de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, de certaines opérations à des livraisons effectuées à titre onéreux, à savoir dans son arrêt Gemeente Leusden et Holin Groep ( 14 ). Dans cet arrêt, la Cour a cependant manifestement mis l’accent sur d’autres règles prévues par la sixième directive. S’agissant de la
disposition en cause en l’espèce, elle s’est limitée à relever que, à l’instar de l’article 20, paragraphe 2, de la sixième directive, son article 5, paragraphe 7, sous a), a l’«effet économique» de contraindre un assujetti à payer des montants correspondant à des déductions auxquelles il n’avait pas droit (point 90).
45. S’agissant de la finalité de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, qui porte sur la livraison de «biens», nous dirions que, à l’instar de l’objectif poursuivi par la disposition analogue relative aux prestations de «services» à soi-même, à savoir l’article 6, paragraphe 3, de la sixième directive ( 15 ), il s’agit de prévenir des distorsions de concurrence ( 16 ). L’assujetti qui exerce des activités exonérées peut acquérir les biens utilisés pour les besoins de ces
activités auprès de tiers et acquitter sur cette acquisition une TVA non déductible ou bien il peut produire ces biens lui-même, auquel cas l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive l’oblige à payer la TVA, également non déductible, sur la valeur de ces biens. Comme le relèvent à juste titre le gouvernement néerlandais et la Commission, un assujetti qui exerce une activité exonérée de la TVA, et qui ne pourra dès lors pas déduire la taxe payée au stade précédent sur les biens
qu’il a acquis pour les besoins de cette activité, disposerait, en produisant ces biens dans le cadre de son entreprise, d’un avantage économique par rapport à un entrepreneur exerçant la même activité exonérée mais qui ne peut (ou ne veut) pas produire lui-même les biens nécessaires à cette fin. Pour cette raison, la possibilité a été prévue de soumettre également à la TVA l’assujetti produisant des biens dans le cadre de son entreprise.
46. Le point 7 de l’annexe A de la deuxième directive indique clairement que l’article 5, paragraphe 3, sous b), de cette directive [et donc également l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive] vise à assurer une égalité de taxation entre les biens achetés et destinés aux besoins de l’entreprise et n’ouvrant pas droit à une déduction immédiate ou complète, d’une part, et les biens produits ou extraits par l’assujetti ou pour son compte par un tiers et également utilisés pour les
mêmes besoins, d’autre part (situation qui se présente dans la procédure au principal).
47. En effet, ce qui précède constitue manifestement une application du principe de neutralité fiscale, principe inhérent au système de la TVA ( 17 ), et qui n’est rien de moins qu’un principe fondamental de ce système ( 18 ). Ce principe a principalement pour objet d’assurer l’égalité de traitement entre assujettis ( 19 ).
48. Nous souhaitons également relever que la présente affaire pose la question de savoir si les terrains de sport concernés, après remplacement de leur surface par du gazon artificiel ou de l’asphalte, peuvent être considérés comme des biens nouvellement «produits», au sens de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive (ce qui semble être le point de vue de l’administration fiscale néerlandaise, du gouvernement néerlandais et de la juridiction de renvoi), ou bien s’il convient de
les considérer comme les mêmes biens ayant simplement été améliorés et aménagés.
49. Nous pensons qu’il est loin d’être évident que les terrains de sport constituent des biens nouvellement «produits». En fait, nous ne sommes pas du tout convaincu qu’ils le soient.
50. À ce propos, l’ordonnance rendue dans l’affaire V.O.F. Dressuurstal Jespers ( 20 ) rappelle que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Van Dijk’s Boekhuis ( 21 ), la Cour, après avoir relevé que, «selon [le langage courant], la fabrication implique l’idée de la création d’un bien qui n’existait pas encore», a jugé qu’il n’y a travail à façon que si un entrepreneur obtient un bien nouveau à partir de matériaux que le client lui a confiés.
51. Ajoutons que la Cour a également clairement indiqué dans son arrêt Van Dijk’s Boekhuis ( 22 ) que cette nouveauté sera présente lorsque, du travail de l’entrepreneur, résultera un bien «dont la fonction, aux yeux du public qui l’utilise, est différente de celle qu’avaient les matériaux confiés. Il appartient au juge national d’apprécier cette nouveauté en se référant à l’utilisation qui peut être faite du bien».
52. À première vue, tel n’est pas le cas en l’espèce dans la mesure où il est difficile de concevoir en quoi le fait de recouvrir les terrains de sport de gazon ou d’asphalte en a fait des biens qui n’existaient pas encore.
53. En fait, il convient d’ajouter que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Van Dijk’s Boekhuis ( 23 ), la Cour a expliqué que les remises en état et les réparations (dont il était question dans cette affaire) qui, quelle que soit leur importance, rendent simplement au bien confié à l’entrepreneur la fonction qu’il avait antérieurement sans aboutir à la création d’un bien nouveau ne constituent pas un travail à façon.
54. En dépit du fait que les travaux réalisés sur les terrains de sport en cause ont eu plus d’impact que de simples travaux de réparation ou d’amélioration, il demeure selon nous qu’il s’agit toujours de terrains de sport donnés en location aux mêmes associations sportives, et qu’ils conservent, par conséquent, la même fonction au sens de la jurisprudence précitée ( 24 ).
55. Quoi qu’il en soit, c’est non pas à la Cour, mais à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’apprécier dans le détail cette question particulière, en se référant notamment à l’utilisation faite des nouveaux terrains, et de se prononcer sur les faits. Par conséquent, les présentes conclusions doivent se fonder sur les faits tels qu’établis par la juridiction de renvoi et exposés dans la décision de renvoi et s’y limiter.
56. Il ressort de cette décision que le Hoge Raad der Nederlanden a considéré qu’il s’agissait de biens nouvellement produits.
57. Nous pensons que la juridiction de renvoi pourrait être parvenue à cette conclusion en raison de l’ampleur des travaux dont les terrains de sport ont fait l’objet. À cet égard, il convient de relever que les coûts afférents à la pose du gazon artificiel et à l’asphaltage atteignent près de deux fois et demie la valeur du terrain.
58. C’est à juste titre que la Commission observe sur ce point que la juridiction de renvoi devrait peut-être réexaminer cette question particulière, notamment parce que si ladite juridiction devait malgré tout considérer que, en définitive, les terrains de sport en cause dans la procédure au principal ne constituent pas des biens nouveaux, il ne serait alors en aucun cas possible d’invoquer l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive.
59. Par conséquent, les considérations qui suivent n’ont de pertinence que si la juridiction nationale confirme que les terrains de sport améliorés doivent effectivement être considérés comme des biens nouvellement produits au sens de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive.
60. Comme la Commission l’a suggéré à juste titre, la question suivante est de savoir si l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive s’applique également aux biens visés dans la seconde partie de l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB, à savoir les «biens fabriqués sur commande avec mise à disposition de matières, y compris le sol» ( 25 ).
61. Nous pensons que cette question appelle en principe une réponse affirmative. Les termes «dans le cadre de son entreprise» qui figurent à l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive ne visent pas nécessairement seulement les biens produits par l’entreprise elle-même. Il ne fait aucun doute que cette expression peut également viser les biens produits par un tiers au moyen de matières mises à disposition par l’assujetti.
62. Toutefois, pour éviter une double imposition, il est nécessaire de prendre en considération, au stade du calcul du montant dû, le fait que cet assujetti aura déjà payé la TVA sur la facture établie par le tiers à raison de la production de ses biens. C’est, semble-t-il, ce que l’administration fiscale néerlandaise a fait dans l’affaire dont la juridiction de renvoi est saisie: elle a pris en considération le fait qu’une facture incluant la TVA avait déjà été payée.
63. Du reste, concernant l’assimilation, conformément à l’article 5, paragraphes 6 et 7, de la sixième directive, de certaines opérations à des livraisons effectuées à titre onéreux, elle intervient au moment où le bien (ou le service) produit dans le cadre d’une entreprise est affecté par l’assujetti aux besoins de ses activités exonérées.
64. Dans un cas comme celui-ci, dans lequel les matières ont déjà, avant leur transformation ou leur intégration dans un bien nouveau, été affectées par l’assujetti (la Gemeente) aux besoins de ses activités exonérées, nous pensons que, contrairement à la position défendue par le gouvernement néerlandais, l’administration fiscale doit prendre cet élément en considération dans le cadre de l’application de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive. En d’autres termes, la valeur de
ces matières (le terrain en tant que tel) ne saurait plus être incluse dans l’assiette de calcul de la TVA.
65. À l’audience, la Commission a cité un bon exemple à cet égard. Supposons que la Gemeente ne soit pas propriétaire de terrains de sport mais souhaite le devenir pour pouvoir les donner en location. Dans de telles circonstances, deux situations sont envisageables: a) elle acquiert des terrains de sport prêts à être utilisés et paie donc la TVA sur le prix d’acquisition qui inclurait la valeur du terrain et le coût des travaux d’aménagement ou b) la Gemeente est propriétaire d’un terrain
disponible. Supposons que, dans la situation b), la Gemeente soit propriétaire d’un terrain forestier. Elle pourrait préparer et aménager ce terrain afin de le transformer en terrains de sport. Une fois ces terrains de sport donnés en location, c’est-à-dire affectés par l’assujetti aux besoins de son entreprise, la TVA serait également due, en application de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, sur l’ensemble, y compris sur la valeur du terrain.
66. Selon nous, cela correspond à un traitement fiscal identique de deux situations: d’une part, l’acquisition de terrains de sport prêts à être utilisés et, d’autre part, l’aménagement de terrains propres.
67. Or, dans l’affaire dont la juridiction de renvoi est saisie, ce n’est pas seulement à présent que le terrain concerné est utilisé en tant que terrains de sport, mais il l’était déjà par le passé. Il ressort à l’évidence du dossier soumis à la Cour que les terrains de sport en cause ont été donnés en location pendant des années à des associations sportives (identiques).
68. Il s’ensuit que ces terrains ont déjà été affectés par la Gemeente aux besoins de ses activités. L’important est que l’affectation du terrain par l’assujetti aux besoins de ses activités ne saurait être considérée plus d’une fois comme une livraison effectuée à titre onéreux.
69. À défaut, il existerait un risque de double imposition et de mise en péril du principe de neutralité fiscale. Comme la Commission l’a correctement relevé à l’audience, si la Gemeente avait déboisé sa forêt pour recouvrir le terrain correspondant d’un simple gazon naturel afin de le transformer en terrains de sport avant de décider, quelques années plus tard, de le recouvrir de gazon artificiel, alors, selon le gouvernement néerlandais, ces deux opérations donneraient lieu à la perception de la
TVA. Il s’ensuit que, selon ce gouvernement, il y aurait lieu à percevoir deux fois la TVA sur la valeur du terrain.
70. Par conséquent, selon nous, les États membres ne devraient pas, dans le cadre de l’application de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, être autorisés à prendre en considération la valeur des matières si elles ont déjà été affectées antérieurement par l’assujetti aux besoins de son entreprise.
71. À l’audience, le gouvernement néerlandais a soutenu que le système de la TVA n’était en tout état de cause pas idéal ( 26 ). Nous considérons toutefois, à l’instar de la Commission, que, en cas de doute, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de défendre celle qui permet le mieux d’éviter la double imposition.
72. Le gouvernement néerlandais a également soutenu à l’audience que, en tout état de cause, l’approche que nous défendons dans les présentes conclusions est dénuée de pertinence en l’espèce dans la mesure où il n’y a pas de double imposition dans l’affaire dont est saisie la juridiction de renvoi parce que la TVA n’a jamais été acquittée sur les terrains de sport en cause.
73. La Gemeente a cherché à réfuter les affirmations du gouvernement néerlandais aux termes desquelles la TVA n’avait pas été acquittée sur le terrain. Elle a soutenu que, même s’il y a déjà longtemps que les terrains de sport ont été aménagés, il demeure que, en vertu du régime applicable à cette époque, la Gemeente avait déjà également payé la taxe d’intégration. Bien que, dans sa version actuellement en vigueur, l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB prévoit une exemption pour les
terrains autres que les terrains à bâtir, cette exemption n’était pas possible à l’époque considérée. La Gemeente a donc maintenu catégoriquement s’être acquittée de la TVA sur le terrain ainsi que sur les frais relatifs à l’aménagement de celui-ci et à sa transformation d’origine en terrains de sport.
74. Nous nous limiterons à relever que, selon nous, le critère pertinent est différent. La question centrale n’est pas de savoir si la TVA a déjà été acquittée ou non sur ces terrains, mais si les terrains (les matières) avaient déjà été affectés par l’assujetti aux besoins de son entreprise.
75. Les terrains de sport en cause ayant déjà été donnés en location «pendant des années» avant leur amélioration, la situation soumise à la juridiction de renvoi est, d’un point de vue économique, totalement différente de la situation qui existerait si, aujourd’hui, la Gemeente acquérait de nouveaux terrains auprès d’un tiers. Par conséquent, nous pensons que la situation qui se présente dans la procédure au principal ne devrait pas être considérée comme une livraison effectuée à titre onéreux.
Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, cette conclusion s’accorde parfaitement avec le système de la TVA.
76. En effet, la seule activité économique ayant été effectuée est la pose du gazon artificiel et l’asphaltage pour le compte de la Gemeente. Cette activité a donné lieu à la perception de la TVA, que la Gemeente n’a pas pu déduire dans la mesure où sa propre activité (la mise en location des terrains à des associations sportives) en est exonérée. Par conséquent aucun autre bien ni service soumis à la TVA n’a été produit ou fourni.
77. Premièrement, avant de conclure, nous souhaitons observer que la conclusion qui précède n’est pas remise en cause par l’article 5, paragraphe 5, de la sixième directive auquel se réfère également la question préjudicielle. Aux termes de cette disposition, «[l]es États membres peuvent considérer la délivrance de certains travaux immobiliers comme une livraison au sens du paragraphe 1».
78. Selon nous, c’est toutefois à juste titre que la Commission relève que cette disposition est sans incidence sur les questions soulevées dans le cadre de la présente affaire. Ajoutons que, en tout état de cause, la juridiction de renvoi n’a pas expliqué sa décision d’y faire référence.
79. Deuxièmement, notre appréciation n’est pas remise en cause par l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, auquel la question préjudicielle fait également référence. Cette disposition se limite à définir ce qu’il convient d’entendre par «base d’imposition», au sens de la sixième directive. En effet, elle prévoit que, pour les opérations visées à l’article 5, paragraphes 6 et 7, de ladite directive, la base d’imposition est constituée par le prix d’achat des biens ou de biens
similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations.
80. Nous nous limiterons à observer que, pour que l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive trouve à s’appliquer, encore faudrait-il que la situation visée à l’article 5, paragraphe 7, sous a), de ladite directive existe.
81. Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un assujetti utilise un bien immobilier aux fins d’opérations exonérées, un État membre peut percevoir la TVA dans un cas où ce bien immobilier est constitué d’un ouvrage (de construction) réalisé par un tiers contre rémunération pour le compte de l’assujetti sur un terrain appartenant en propre à ce dernier, avec pour conséquence
que (la valeur de) ce terrain est pris(e) en compte aux fins de la perception de la TVA, sauf si le terrain en question a déjà été affecté antérieurement par l’assujetti aux mêmes besoins exonérés de son entreprise.
IV – Conclusion
82. Pour les motifs exposés ci-dessus, nous estimons qu’il convient de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Hoge Raad der Nederlanden:
L’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un assujetti utilise un bien immobilier aux fins d’opérations exonérées, un État membre peut percevoir la taxe sur la valeur ajoutée dans un cas où ce bien
immobilier est constitué d’un ouvrage de construction réalisé par un tiers contre rémunération pour le compte de l’assujetti sur un terrain appartenant en propre à ce dernier, avec pour conséquence que la valeur de ce terrain est prise en compte aux fins de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée, sauf si le terrain en question a déjà été affecté antérieurement par l’assujetti aux mêmes besoins exonérés de son entreprise.
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( 1 ) Langue originale: l’anglais.
( 2 ) Directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée (ci-après la «sixième directive»).
( 3 ) Voir PricewaterhouseCoopers, Should own land be included in the taxable amount? [Faut-il inclure les terrains propres dans la base imposable?], 20 octobre 2011.
( 4 ) Pour plus de précisions, voir exposé des faits et l’intégralité de la question aux points 12 et suiv. des présentes conclusions.
( 5 ) Directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1). Cette directive a remplacé, au 1er janvier 2007, le droit de l’Union relatif à la TVA, y compris la sixième directive.
( 6 ) Les modifications ont été mises en italiques.
( 7 ) En vertu de l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, transposé par l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la loi OB.
( 8 ) Directive du Conseil du 11 avril 1967 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 71, p. 1303, ci-après la «deuxième directive»).
( 9 ) En l’espèce, la valeur foncière du terrain/des terrains de sport.
( 10 ) Parmi les décisions nationales relatives à l’article 5, paragraphe 7, sous a), de la sixième directive, la plus proche que nos recherches nous ont permis de trouver est celle rendue par la House of Lords dans l’affaire Robert Gordon’s College/Customs and Excise Commissioners (1996) 1 W.L.R. 201 (HL) [TVA – Livraisons de biens ou prestations de services – Assujetti prestataire de services éducatifs exonérés – Aménagement d’un terrain destiné à devenir des terrains de jeux scolaires – Taxe
afférente à l’aménagement portée en compte par les entrepreneurs – Mise en location par l’assujetti à une filiale à 100 % – Octroi à l’assujetti d’une licence d’utilisation non exclusive des terrains de jeux – Livraison à soi-même par l’assujetti – Déductibilité des taxes afférentes à l’aménagement au titre de la taxe acquittée en amont – Articles 5, paragraphe 7, sous a), et 6, paragraphe 3, de la sixième directive]. Voir également, à ce propos, McKay, H., Back to College, British Tax Review
B.T.R. 321, 1996, disponible par l’intermédiaire de Westlaw UK: comme l’a déclaré Lord Hoffmann, lesdits articles 5, paragraphe 7, sous a), et 6, paragraphe 3, autorisent l’assimilation à une opération taxable de la livraison de biens ou de la prestation de services à soi-même dans le cas où, si les biens ou les services avaient été acquis auprès d’un tiers, la TVA y afférente n’aurait pas été complètement déductible. L’hypothèse mise en italiques pourrait uniquement s’appliquer si les biens
n’avaient effectivement pas été obtenus auprès d’un tiers mais avaient réellement été créés par l’assujetti lui-même (bâtiment construit sur son propre terrain). En cas d’acquisition des biens ou des services auprès d’un tiers, la question de la déductibilité de la taxe acquittée en amont doit être résolue de la manière habituelle, à savoir en déterminant si elle peut être imputable à une opération taxable. Il n’y a pas lieu de déterminer hypothétiquement quelle aurait été la situation si les biens
ou les services avaient été acquis auprès d’un tiers. Les articles 5, paragraphe 7, sous a), et 6, paragraphe 3, de la sixième directive ont pour objet de permettre à la législation des États membres d’empêcher les distorsions de marché qui se produiraient si un assujetti pouvait réaliser un avantage fiscal en acquérant des biens et des services d’une certaine manière plutôt que d’une autre, à savoir en se les fournissant à lui-même plutôt qu’en les acquérant auprès d’un tiers. Dans le cas du Robert
Gordon’s college, l’utilisation faite par l’école des nouveaux terrains de sport avait lieu en vertu de services (la licence) fournis par un tiers (Countesswells). Selon Lord Hoffmann, il n’était par conséquent pas question de taxation d’une livraison à soi-même au sens de la sixième directive. Par conséquent, l’hypothèse mise en italiques ne pouvait s’appliquer.
( 11 ) En résumé, la taxe en aval est due sur les biens ou les services fournis par un entrepreneur et la taxe en amont est due sur les biens ou les services fournis à cet entrepreneur pour les besoins de son entreprise.
( 12 ) Voir arrêts du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki (C-184/04, Rec. p. I-3039, point 24); du 14 septembre 2006, Wollny (C-72/05, Rec. p. I-8297, point 20), et du 8 février 2007, Investrand (C-435/05, Rec. p. I-1315).
( 13 ) Devenu article 18, sous a), de la directive 2006/112.
( 14 ) Arrêt du 29 avril 2004 (C-487/01 et C-7/02, Rec. p. I-5337). Voir, également, arrêt du 17 mai 2001, Fischer et Brandenstein (C-322/99 et C-323/99, Rec. p. I-4049, point 56 et jurisprudence citée), concernant l’article 5, paragraphe 6, de la sixième directive, ainsi que arrêt Uudenkaupungin kaupunki (précité à la note 12, point 30), concernant les articles 5, 6 et 20 de la sixième directive.
( 15 ) Aux termes de cette disposition, «[a]fin de prévenir des distorsions de concurrence et sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, les États membres peuvent assimiler à une prestation de services effectuée à titre onéreux l’exécution, par un assujetti, d’un service pour les besoins de son entreprise, dans le cas où l’exécution d’un tel service par un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la TVA».
( 16 ) Concernant la prévention des distorsions de concurrence, voir notamment arrêt du 16 septembre 2008, Isle of Wight Council e.a. (C-288/07, Rec. p. I-7203).
( 17 ) Voir, notamment, arrêts du 11 juin 1998, Fischer (C-283/95, Rec. p. I-3369, point 27), et du 7 septembre 1999, Gregg (C-216/97, Rec. p. I-4947, point 19).
( 18 ) Arrêt du 29 octobre 2009, SKF (C-29/08, Rec. p. I-10413, point 67 et jurisprudence citée).
( 19 ) Voir, notamment, arrêts du 7 décembre 2006, Eurodental (C-240/05, Rec. p. I-11479, point 55); du 29 octobre 2009, NCC Construction Danmark (C-174/08, Rec. p. I-10567, point 41); du 10 juin 2010, CopyGene (C-262/08, Rec. p. I-5053, point 64), ainsi que du 10 novembre 2011, Rank Group (C-259/10 et C-260/10, Rec. p. I-10947, point 61).
( 20 ) Ordonnance du 1er juin 2006 (C‑233/05, point 27).
( 21 ) Arrêt du 14 mai 1985 (139/84, Rec. p. 1405, points 20 et 21).
( 22 ) Précité à la note 21, point 22.
( 23 ) Précité à la note 21, point 23.
( 24 ) Voir notes en bas de page 20 et 21.
( 25 ) Italiques ajoutés.
( 26 ) Le gouvernement néerlandais a ajouté que c’est principalement en raison des exonérations que le système n’est pas idéal et engendre parfois la double imposition de certains éléments du prix de revient.