ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
13 décembre 2012 ( *1 )
«Politique agricole commune — Système intégré de gestion et de contrôle — Réductions et exclusions en cas de non-respect des règles de la conditionnalité — Responsabilité du fait d’autrui»
Dans l’affaire C‑11/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas), par décision du 12 octobre 2011, parvenue à la Cour le 4 janvier 2012, dans la procédure
Maatschap L.A. en D.A.B. Langestraat en P. Langestraat-Troost
contre
Staatssecretaris van Economische Zaken, Landbouw en Innovatie,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, J.-J. Kasel et M. Safjan (rapporteur), juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. S. Schillemans et C. Wissels, en qualité d’agents,
— pour la Commission européenne, par M. B. Burggraaf et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 23, paragraphe 1, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003
(JO L 30, p. 16).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Maatschap L.A. en D.A.B. Langestraat en P. Langestraat-Troost (ci-après la «Maatschap») au Staatssecretaris van Economische Zaken, Landbouw en Innovatie (ci-après le «Staatssecretaris») au sujet de la réduction de l’aide qui lui a été accordée au titre de la politique agricole commune.
Le cadre juridique
Le règlement (CE) no 1782/2003
3 L’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270,
p. 1), dans sa version initiale, disposait:
«Lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées en raison d’un acte ou d’une omission directement imputable à l’agriculteur concerné, le montant total des paiements directs à octroyer au titre de l’année civile au cours de laquelle le non-respect est constaté, est réduit ou supprimé après application des articles 10 et 11, conformément aux règles détaillées prévues à l’article 7.»
4 L’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003, tel que modifié par le règlement (CE) no 146/2008 du Conseil, du 14 février 2008 (JO L 46, p. 1), se lisait comme suit depuis le 1er avril 2008:
«Lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées à tout moment au cours d’une année civile donnée (ci-après dénommée ‘année civile concernée’) et que le non-respect en question est dû à un acte ou à une omission directement imputable à l’agriculteur qui a présenté la demande d’aide durant l’année civile concernée, le montant total des paiements directs à octroyer [...] à cet agriculteur est réduit ou supprimé
conformément aux règles détaillées prévues à l’article 7.
Le premier alinéa s’applique également lorsque le non-respect en question est dû à un acte ou à une omission directement imputable au bénéficiaire ou à l’auteur de la cession des terres agricoles.
[...]
Aux fins du présent paragraphe, on entend par ‘cession’ tout type de transaction par laquelle les terres agricoles cessent d’être à la disposition du cessionnaire.»
5 Le règlement no 1782/2003 a été abrogé à partir du 1er janvier 2009 par le règlement no 73/2009.
Le règlement no 146/2008
6 Les considérants 2 et 3 du règlement no 146/2008 sont libellés comme suit:
«(2) L’article 44, paragraphe 3, du règlement [no 1782/2003] prévoit que les parcelles correspondant à la superficie admissible doivent être à la disposition des agriculteurs pendant une période de dix mois au moins. L’expérience a montré que cette condition risquait d’entraver le fonctionnement du marché foncier et générait un travail administratif considérable pour les agriculteurs et les administrations concernés. Toutefois, afin d’éviter les doubles demandes en ce qui concerne une même terre,
il convient de fixer la date à laquelle les parcelles devraient être à la disposition des agriculteurs. Cette date devrait être fixée par les États membres et ne devrait pas être postérieure à celle prévue pour la modification de la demande d’aide. La même règle devrait également s’appliquer aux États membres ayant opté pour le régime de paiement unique à la surface.
(3) À la suite de la réduction à un seul jour de la période pendant laquelle les parcelles correspondant à la superficie admissible sont à la disposition de l’agriculteur tant dans le cadre du régime de paiement unique que du régime de paiement unique à la surface, il convient de préciser les règles de responsabilité en matière de conditionnalité, en particulier en cas de cession de terres pendant l’année civile concernée. Il y a donc lieu de prévoir clairement que l’agriculteur qui présente une
demande d’aide devrait être tenu pour responsable, vis-à-vis de l’autorité compétente, du non-respect des exigences en matière de conditionnalité pendant l’année civile concernée pour toutes les terres agricoles déclarées dans ladite demande. Cela ne devrait pas faire obstacle à l’application de dispositions de droit privé entre l’agriculteur concerné et le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles.»
Le règlement (CE) no 796/2004
7 Le règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement no 1782/2003 et portant modalités d’application de la conditionnalité prévue par le règlement (CE) no 479/2008 du Conseil (JO L 141, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 1266/2008 de la Commission, du 16 décembre 2008 (JO L 338, p. 34), porte sur les modalités d’application des
sanctions en cas de non-respect de règles liées à la conditionnalité.
8 Aux termes des considérants 56 et 57 de ce règlement:
«(56) Le système de réductions et d’exclusions prévu par le règlement (CE) no 1782/2003 en ce qui concerne les obligations en matière de conditionnalité vise néanmoins un objectif différent, qui consiste à inciter les agriculteurs à respecter la législation déjà existante dans les différents domaines de la conditionnalité.
(57) Il importe d’instaurer les réductions et exclusions en tenant compte du principe de proportionnalité et, dans le cas des critères d’éligibilité à l’aide, des problèmes spécifiques liés aux cas de force majeure ainsi qu’aux circonstances exceptionnelles et aux circonstances naturelles. Dans le cas des obligations en matière de conditionnalité, les réductions et exclusions ne peuvent être appliquées que lorsque l’agriculteur a fait preuve de négligence ou a agi intentionnellement. Il convient
de pondérer les réductions et exclusions en fonction de la gravité de l’irrégularité commise et de prévoir jusqu’à l’exclusion totale du bénéfice d’un ou de plusieurs régimes d’aide pendant une durée déterminée. Il importe qu’elles tiennent compte, pour ce qui concerne les critères d’éligibilité à l’aide, des particularités des différents régimes d’aide.»
Le règlement no 73/2009
9 Le considérant 3 du règlement no 73/2009 énonce:
«Le règlement (CE) no 1782/2003 a établi le principe selon lequel les agriculteurs qui ne respectent pas certaines exigences en matière de santé publique, de santé des animaux et des végétaux, d’environnement et de bien-être des animaux sont sanctionnés par une réduction des paiements directs ou une exclusion du bénéfice de ces derniers. Ce système de ‘conditionnalité’ fait partie intégrante du soutien communautaire octroyé dans le cadre des paiements directs, de sorte qu’il convient de le
maintenir. Toutefois, l’expérience a montré que certaines des exigences relevant de la conditionnalité ne sont pas suffisamment liées à l’activité agricole ou aux terres agricoles ou qu’elles concernent les autorités nationales plutôt que les agriculteurs. Il convient, par conséquent, de mieux définir le champ d’application de la conditionnalité.»
10 L’article 23 du règlement no 73/2009, intitulé «Réductions et exclusions en cas de non-respect des règles de la conditionnalité», est libellé comme suit à son paragraphe 1:
«Lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées à tout moment au cours d’une année civile donnée (ci-après dénommée ‘année civile concernée’) et que la situation de non-respect en question est due à un acte ou à une omission directement imputable à l’agriculteur qui a présenté la demande d’aide durant l’année civile concernée, l’agriculteur concerné se voit appliquer une réduction du montant total des
paiements directs octroyés ou à octroyer [...], ou il est exclu du bénéfice de ceux-ci, conformément aux modalités prévues à l’article 24.
Le premier alinéa s’applique également lorsque la situation de non-respect en question est due à un acte ou à une omission directement imputable au bénéficiaire ou à l’auteur de la cession des terres agricoles.
Aux fins du présent paragraphe, on entend par ‘cession’, tout type de transaction par laquelle les terres agricoles cessent d’être à la disposition du cessionnaire.
Par dérogation au deuxième alinéa, à partir de 2010, lorsque la personne à laquelle l’acte ou l’omission est directement imputable a présenté une demande d’aide au cours de l’année civile concernée, la réduction ou l’exclusion s’applique au montant total des paiements directs octroyés ou à octroyer à cette personne.»
11 L’article 24 de ce même règlement, intitulé «Modalités applicables aux réductions et exclusions en cas de non-respect des règles de la conditionnalité», dispose:
«1. Les règles détaillées relatives aux réductions et aux exclusions visées à l’article 23 sont fixées conformément à la procédure visée à l’article 141, paragraphe 2. Ce faisant, il est tenu compte de la gravité, de l’étendue, de la persistance et de la répétition de la situation de non-respect constatée ainsi que des critères fixés aux paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.
2. En cas de négligence, le pourcentage de réduction ne peut pas dépasser 5 % ou, s’il s’agit d’un cas de non-respect répété, 15 %.
[...]
3. En cas de non-respect délibéré, le pourcentage de réduction ne peut, en principe, pas être inférieur à 20 % et peut aller jusqu’à l’exclusion totale du bénéfice d’un ou de plusieurs régimes d’aide et s’appliquer à une ou plusieurs années civiles.
[...]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 La société civile L. Oosthoek en J. P. Groen (ci-après «Oosthoek/Groen») a loué une parcelle de terres agricoles à la Maatschap pour que cette dernière puisse y cultiver des oignons. Le bail était assorti d’une condition permettant à Oosthoek/Groen de continuer à labourer cette parcelle et d’y épandre quelques chargements d’engrais. Les parties sont convenues que le bail commencerait le 1er janvier 2009, mais que le locataire, la Maatschap, n’aurait la jouissance effective de ladite parcelle
qu’après les labours.
13 Oosthoek/Groen a effectivement épandu l’engrais sur la parcelle en cause, mais les labours n’ont pas été effectués de manière conforme à la législation nationale prévoyant une utilisation d’engrais qui produit peu d’émissions. Oosthoek/Groen s’est vu infliger une amende à ce titre.
14 La Maatschap, qui a pris possession de ladite parcelle au début du mois de mars 2009, a déposé une demande de paiements directs pour l’année 2009, notamment pour la parcelle en cause. Selon la décision de renvoi, elle n’a eu connaissance de l’infraction commise par Oosthoek/Groen que par une lettre du Staatssecretaris du 23 novembre 2009, annonçant une réduction éventuelle des paiements directs en raison de la violation de la législation nationale du fait de la non-utilisation d’engrais d’une
manière qui produit peu d’émissions.
15 Par décision du 3 mars 2010, le Staatssecretaris a appliqué à la Maatschap une réduction de 20 % des paiements directs pour violation des exigences réglementaires en matière d’agriculture en raison de ladite infraction. Par lettre du 8 mars 2010, la Maatschap a introduit une réclamation contre cette décision. Par décision du 1er avril 2010, le Staatssecretaris a déclaré cette réclamation infondée. La Maatschap a donc formé un recours contre ladite décision devant la juridiction de renvoi.
16 La juridiction de renvoi considère que Oosthoek/Groen doit être qualifiée d’auteur de la cession des terres agricoles, au sens de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 73/2009. Par conséquent, les paiements directs à verser à la Maatschap devraient être réduits ou exclus en raison du non-respect des exigences réglementaires en matière d’agriculture dont Oosthoek/Groen est à l’origine. Cette juridiction estime que les déclarations faites par les responsables de ladite
société au service d’inspection générale justifient de conclure à un non-respect intentionnel de ces exigences de la part de celle-ci.
17 N’ayant relevé aucun dol de la part de la Maatschap dans l’infraction commise par Oosthoek/Groen, la juridiction de renvoi éprouve cependant certains doutes quant à la possibilité d’appliquer la réduction des paiements directs pour non-respect intentionnel des exigences réglementaires en matière d’agriculture à la Maatschap, qui n’est pas à l’origine de l’infraction.
18 Elle relève notamment que, d’après les considérants 56 et 57 du règlement no 796/2004, le régime de réductions et d’exclusions a pour but d’inciter les agriculteurs à respecter la législation en vigueur dans les différents domaines de la conditionnalité et que ce régime est instauré en tenant compte du principe de proportionnalité. Ainsi, d’une part, les réductions et les exclusions ne peuvent être appliquées que lorsque l’agriculteur a fait preuve de négligence ou a agi intentionnellement et,
d’autre part, elles doivent être pondérées en fonction de la gravité de l’irrégularité commise.
19 Selon la juridiction de renvoi, il y a deux interprétations possibles de l’article 23 du règlement no 73/2009, à savoir soit le dol commis par Oosthoek/Groen doit être directement imputé à la Maatschap, soit seul le non-respect en lui-même des exigences réglementaires en matière d’agriculture doit être imputé à cette dernière.
20 C’est dans ces circonstances que le College van Beroep voor het bedrijfsleven a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Faut-il interpréter l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 [...] en ce sens que l’agriculteur qui a présenté une demande d’aide se voit infliger une réduction ou une exclusion, à l’instar de celle qui serait infligée, pour la non-conformité constatée, au véritable contrevenant, auquel ou par lequel le terrain a été cédé, si ce contrevenant avait présenté lui-même la demande? Ou la disposition signifie-t-elle uniquement que la non-conformité constatée est imputée à celui qui a
présenté la demande d’aide mais que le degré de négligence, de faute ou de dol de l’agriculteur lui‑même doive encore être déterminé pour statuer sur (le taux de) la réduction ou l’exclusion?»
Sur la question préjudicielle
21 Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens que le non-respect des règles de la conditionnalité par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles impliquant la réduction du montant total des paiements directs ou l’exclusion du bénéfice de ceux-ci doit être intégralement imputé à l’agriculteur qui a présenté la demande d’aide.
22 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 73/2009 prévoit une réduction du montant total des paiements directs octroyés ou à octroyer à un agriculteur qui a présenté une demande d’aide lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées à tout moment au cours de l’année civile au titre de laquelle la demande d’aide a été présentée.
23 Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement, la réduction du montant total des paiements directs est prévue également lorsque la situation de non-respect en question est due à un acte ou à une omission directement imputable au bénéficiaire ou à l’auteur de la cession des terres agricoles.
24 Le libellé de cette disposition est clair en ce qui concerne l’imputation à un agriculteur qui a présenté une demande d’aide dans un cas de non-respect des règles de la conditionnalité par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles. Cependant, le règlement no 73/2009 ne précise pas si les conséquences de la constatation de l’existence d’un élément intentionnel imputable au bénéficiaire ou à l’auteur de la cession doivent aussi être imputées à cet agriculteur.
25 À cet égard, le règlement no 796/2004 précise que le taux de réduction applicable en cas de négligence de l’agriculteur s’élève de 1 % à 15 %. En revanche, dans l’hypothèse où la réduction est infligée à la suite d’un acte intentionnel de l’agriculteur, ce taux s’élève, en principe, de 20 % à 100 %.
26 Dans ce contexte, il convient de relever que le libellé de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 ne permet pas, à lui seul, d’apporter une réponse à la question posée par la juridiction de renvoi.
27 Conformément à la jurisprudence de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 21 juillet 2011, Beneo-Orafti, C-150/10, Rec. p. I-6843, point 41 et jurisprudence citée).
28 Or, en premier lieu, il convient de rappeler que la «règle des dix mois», contenue à l’article 44, paragraphe 3, du règlement no 1782/2003, selon laquelle, pour pouvoir déposer une demande d’aide, les agriculteurs étaient tenus de garder à leur disposition les parcelles de terrain correspondant à leur superficie admissible pendant une période de dix mois au moins, a été réduite à un seul jour par le règlement no 146/2008. Partant, il suffit que l’agriculteur dispose d’une parcelle à la date de
référence pour obtenir le paiement direct pour l’année durant laquelle la demande d’aide a été présentée.
29 Ainsi qu’il ressort du considérant 2 du règlement no 146/2008, cette simplification des règles d’admissibilité avait pour but d’alléger la charge administrative tant pour les agriculteurs que pour les administrations concernés.
30 Il en résulte aussi qu’une parcelle déterminée peut plus facilement faire l’objet de plusieurs cessions pendant une année civile, ce qui peut avoir comme conséquence d’augmenter la probabilité que l’agriculteur qui a présenté une demande d’aide n’a pas lui-même labouré le terrain.
31 En second lieu, l’abandon de la «règle des dix mois» a entraîné une modification de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1782/2003 par le règlement no 146/2008, cette disposition ayant été reprise à l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 73/2009, qui consacre la responsabilité de l’agriculteur en cas de non-respect des règles de la conditionnalité, en ajoutant qu’un agriculteur qui dépose une demande d’aide au titre d’une parcelle reste responsable de celle-ci, en cas de transfert de
cette parcelle, pendant toute l’année pour laquelle la demande d’aide a été déposée.
32 Il y a donc lieu de constater que l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 ne fait pas de distinction entre les cas de non-respect des règles de la conditionnalité dus, d’une part, à la négligence et, d’autre part, à l’acte intentionnel du bénéficiaire ou de l’auteur de la cession des terres agricoles. L’imputation à un agriculteur qui a présenté une demande d’aide des conséquences d’un acte commis par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles ne saurait donc être
exclue.
33 Eu égard à ce qui précède, l’interprétation de l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 doit être effectuée en prenant en considération l’évolution de la législation invoquée ci-dessus.
34 Il ressort du considérant 2 du règlement no 146/2008 que la simplification de l’accès aux paiements directs permet aux agriculteurs un recours plus facile aux aides en matière agricole. En outre, le considérant 3 du règlement no 73/2009 rappelle que l’octroi de l’aide est subordonné à l’exigence que son bénéficiaire respecte les règles de la conditionnalité.
35 Par conséquent, la sanction applicable en cas de non-respect desdites règles constitue un instrument administratif spécifique faisant partie intégrante du régime d’aides en matière agricole et destiné à promouvoir le respect de ces mêmes règles.
36 À cet égard, la Cour a souligné à plusieurs reprises que les normes transgressées s’adressent uniquement aux opérateurs économiques qui ont fait le choix, en toute liberté, de recourir à un régime d’aides en matière agricole (voir arrêts du 18 novembre 1987, Maizena e.a., 137/85, Rec. p. 4587, point 13; du 27 octobre 1992, Allemagne/Commission, C-240/90, Rec. p. I-5383, point 26; du 11 juillet 2002, Käserei Champignon Hofmeister, C-210/00, Rec. p. I-6453, point 41, ainsi que du 5 juin 2012,
Bonda, C‑489/10, point 30).
37 Il s’ensuit que l’agriculteur qui perçoit l’aide, même s’il n’a pas la jouissance effective de la parcelle pour laquelle il a demandé le paiement direct pendant toute l’année civile, doit supporter le risque de l’imputation d’un cas de non-respect des règles de la conditionnalité sur cette parcelle dû tant à la négligence qu’à l’acte intentionnel du bénéficiaire ou de l’auteur de la cession de ladite parcelle, qui peut entraîner une réduction du montant total des paiements directs ou une
exclusion du bénéfice de ceux-ci. Cet agriculteur peut donc être tenu comme étant responsable de l’infraction commise par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles en cause, y compris pour les conséquences des actes intentionnels.
38 Toutefois, le considérant 57 du règlement no 796/2004 énonce que les réductions du montant total des paiements directs et les exclusions du bénéfice de ceux-ci doivent être instaurées en tenant compte du principe de proportionnalité. Il y a donc lieu de vérifier si la solution retenue au point précédent respecte ce principe.
39 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser l’objectif visé et n’aillent pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 12 juillet 2012, Association Kokopelli, C‑59/11, point 38 et jurisprudence citée).
40 Il découle des points 34 à 37 du présent arrêt que la responsabilité de l’agriculteur qui dépose une demande d’aide en raison d’un cas de non-respect des règles de la conditionnalité dû tant à la négligence qu’à l’acte intentionnel du bénéficiaire ou de l’auteur de la cession des terres agricoles permet de réaliser l’objectif qui sous-tend le régime de réductions du montant total des paiements directs et d’exclusions du bénéfice de ceux-ci, tel que rappelé au considérant 3 du règlement
no 73/2009, à savoir l’intégration des normes de base en matière d’environnement, de sécurité des aliments, de santé et de bien-être des animaux ainsi que de bonnes conditions agricoles et environnementales dans les organisations communes des marchés.
41 S’agissant de la question de savoir si une telle responsabilité de l’agriculteur qui a déposé une demande d’aide va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif, il convient de relever que l’agriculteur qui perçoit l’aide demeure le seul responsable vis-à-vis de l’administration. Cependant, comme le font valoir à juste titre le gouvernement néerlandais et la Commission européenne, rien n’empêche les parties à un contrat de cession des terres agricoles de convenir entre elles de
dispositions plus précises quant aux risques financiers d’un tel contrat, y compris le risque d’une éventuelle réduction ou exclusion des subventions agricoles. En outre, même en l’absence d’une telle stipulation, le recours aux mécanismes du droit civil permettant de protéger les intérêts de l’agriculteur qui a présenté une demande d’aide ne saurait être d’emblée exclu.
42 Dès lors, l’imputation intégrale d’une infraction commise par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles à l’agriculteur qui a présenté une demande d’aide pour la parcelle sur laquelle le non-respect des règles de la conditionnalité a été constaté ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé.
43 Par ailleurs, il y a lieu d’observer que si l’agriculteur qui a commis l’infraction ou l’agriculteur qui était en possession de la parcelle en cause à la date de référence ne déposent pas une demande d’aide, aucune sanction ne sera infligée. En effet, le régime des réductions du montant total des paiements directs et des exclusions du bénéfice de ceux-ci constitue une mesure administrative liée aux incitations sous forme de paiements directs.
44 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens que le non-respect des règles de la conditionnalité par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles impliquant la réduction du montant total des paiements directs ou l’exclusion du bénéfice de ceux-ci doit être intégralement imputé à l’agriculteur qui a présenté la demande d’aide.
Sur les dépens
45 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
L’article 23, paragraphe 1, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003, doit être interprété en ce sens que le non-respect des règles de la
conditionnalité par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles impliquant la réduction du montant total des paiements directs ou l’exclusion du bénéfice de ceux-ci doit être intégralement imputé à l’agriculteur qui a présenté la demande d’aide.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: le néerlandais.