CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MMEÂ ELEANOR SHARPSTON
présentées le 11 juillet 2013 ( 1 )
Affaires jointes C‑199/12, C‑200/12 et C‑201/12
X, Y et Z
contre
Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel
[demandes de décision préjudicielle formées par le Raad van State (Pays-Bas)]
«Directive 2004/83/CE — Conditions à remplir par les ressortissants de pays tiers ou les apatrides sollicitant l’octroi du statut de réfugié — Notion de ‘persécution’ — Orientation sexuelle»
1. Les demandes de décision préjudicielle présentées par le Raad van State (Pays-Bas) concernent trois requérants qui sont des ressortissants de pays tiers visant à obtenir le statut de réfugié. Chacun d’entre eux invoque qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de son orientation sexuelle.
2. La juridiction de renvoi soulève trois questions relatives à l’évaluation des demandes d’octroi du statut de réfugié relevant des dispositions du chapitre III de la directive 2004/83/CE du Conseil ( 2 ) (ci-après la «directive»). Premièrement, les ressortissants des pays tiers qui sont homosexuels constituent-ils un groupe social spécifique au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive? Deuxièmement, comment les autorités nationales doivent-elles évaluer ce qui constitue un
acte de persécution à l’encontre des activités homosexuelles aux fins de l’article 9 de la directive? Troisièmement, la pénalisation de ces activités dans le pays d’origine du demandeur assortie de l’éventualité d’une peine de prison en cas de condamnation constitue-t-elle une persécution au sens de la directive?
Le cadre juridique
La convention relative au statut des réfugiés
3. L’article 1er, section A, paragraphe 2, premier alinéa, de la convention relative au statut des réfugiés ( 3 ) (ci-après la «convention de Genève») prévoit que le terme «réfugié» s’applique à toute personne qui «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer
de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner».
Le droit de l’Union européenne
La charte des droits fondamentaux
4. L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «Charte») ( 4 ) dispose que «[t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications». L’article 21 de la Charte interdit les discriminations fondées notamment sur l’orientation sexuelle. L’article 52, paragraphe 3, de la Charte dispose que ces droits doivent être interprétés conformément aux droits correspondants garantis par la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH») ( 5 ).
La directive
5. La directive constitue l’une des mesures visant à réaliser un régime d’asile européen commun ( 6 ). Ce régime est fondé sur la mise en œuvre de la convention de Genève qui constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés ( 7 ). La directive vise à établir des normes minimales et des critères communs à tous les États membres pour la reconnaissance des réfugiés et le contenu du statut de réfugié ( 8 ), pour l’identification des personnes qui ont réellement
besoin de protection internationale ( 9 ) et pour une procédure d’asile équitable et efficace. Ce faisant, la directive respecte les droits, les libertés et les principes reconnus par la Charte ( 10 ). Le considérant 21 de la directive dispose qu’«[i]l est également nécessaire d’adopter une nouvelle définition commune du motif de persécution que constitue ‘l’appartenance à un certain groupe social’».
6. L’article 2, sous c), de la directive dispose que l’on entend par «‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons
susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12».
7. Les États membres peuvent adopter des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié à condition que ces normes soient compatibles avec la directive ( 11 ). L’article 4 de celle-ci énonce les règles régissant l’évaluation des demandes de protection internationale ( 12 ). L’article 4, paragraphe 3, de la directive prévoit qu’il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale.
Une liste exemplative d’«acteurs de persécutions», comprenant l’État et les acteurs non-étatiques, figure à l’article 6.
8. L’article 9, paragraphe 1, de la directive est libellé comme suit:
«Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, [CEDH], ou
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a)» ( 13 ).
9. L’article 9, paragraphe 2, est libellé comme suit:
«Les actes de persécution, au sens du paragraphe 1, peuvent notamment prendre les formes suivantes:
[...]
c) les poursuites ou sanctions qui sont disproportionnées ou discriminatoires;
[...]»
10. L’article 9, paragraphe 3, dispose:
«Conformément à l’article 2, point c), il doit y avoir un lien entre les motifs mentionnés à l’article 10 et les actes de persécution au sens du paragraphe 1.»
11. L’article 10 est intitulé «Motifs de la persécution». L’article 10, paragraphe 1, sous d), est libellé comme suit:
«un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier:
— ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et
— ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante.
En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. L’orientation sexuelle ne peut pas s’entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d’après la législation nationale des États membres. Les aspects liés à l’égalité entre les hommes et les femmes pourraient être pris en considération, sans pour autant constituer en soi une présomption d’applicabilité
du présent article».
La législation nationale
12. La loi de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingenwet 2000, ci-après la «Vw 2000») habilite le ministre compétent (ci-après «le ministre») ( 14 ) à accueillir, à rejeter ou à écarter sans examen la demande de délivrance d’un permis de séjour à durée déterminée (statut de réfugié). Un permis de séjour à durée déterminée peut être délivré au ressortissant étranger qui est réfugié au sens de la convention de Genève.
13. La circulaire de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingencirculaire 2000, ci‑après «la circulaire») énonce les lignes directrices adoptées par le ministre en vue de l’exécution de la Vw 2000. La circulaire dispose qu’il est de politique et de jurisprudence constantes que la notion de persécution en raison de l’appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 1er, section A, de la convention de Genève, comprend aussi la persécution en raison de l’orientation sexuelle. Il convient
d’examiner les demandes d’octroi du statut de réfugié fondées sur un tel motif en prenant particulièrement en considération la position du demandeur dans son pays d’origine. Lorsque l’homosexualité ou l’expression de l’orientation sexuelle sont sanctionnées pénalement dans le pays d’origine du demandeur, la sanction applicable doit être d’une certaine gravité. Une seule amende sera généralement insuffisante pour conclure que le statut de réfugié doit être automatiquement octroyé. Il ne résulte
pas de la pénalisation de l’homosexualité ou des actes homosexuels dans le pays d’origine du demandeur que le statut de réfugié doit automatiquement être octroyé. Le demandeur doit établir à suffisance qu’il a personnellement une crainte fondée d’être persécuté. Il n’est pas attendu des demandeurs homosexuels qu’ils dissimulent leur orientation sexuelle lors de leur retour dans leur pays d’origine.
Les faits, la procédure et les questions préjudicielles
14. L’identité des requérants dans l’instance au principal a été dissimulée et ils sont désignés par X, Y et Z. X est un ressortissant de Sierra Leone, Y est ougandais et Z est sénégalais.
15. Les actes homosexuels constituent des infractions pénales en Sierra Leone aux termes de l’article 61 de la loi de 1861 sur les infractions contre la personne (Offences against the Person Act 1861) et sont passibles d’une peine de réclusion allant d’un minimum de 10 ans jusqu’à la réclusion à perpétuité. En Ouganda, aux termes de l’article 145 du code pénal de 1950 (Penal Code Act 1950), quiconque est reconnu coupable d’une infraction décrite comme la «connaissance charnelle contre l’ordre de la
nature» est passible d’une peine de réclusion. La peine maximale est la réclusion à perpétuité. Les autorités sénégalaises pénalisent les actes homosexuels. En vertu de l’article 319.3 du code pénal sénégalais, une personne reconnue coupable de certains actes homosexuels doit être condamnée à une peine allant d’un an à cinq ans de réclusion et à une amende de 100000 XOF ( 15 ) à  1500000 XOF (soit environ 150 euros à  2000 euros).
16. Dans les trois affaires, le ministre a rejeté les demandes initiales visant à l’obtention d’un permis de séjour (statut de réfugié) en vertu de la Vw 2000. Ces décisions ont alors fait l’objet d’un recours introduit par chacun des demandeurs. X et Z ont introduit un recours auprès du Rechtbank (Pays-Bas). Y a introduit une action en référé. Les recours respectifs de X et de Y ont abouti. Le recours de Z auprès du Rechtbank a été rejeté.
17. Le ministre a ensuite interjeté appel auprès du Raad van State dans les affaires de X et Y. Z a aussi interjeté appel auprès de cette juridiction.
18. Dans les trois affaires, l’orientation homosexuelle du demandeur n’est pas contestée ( 16 ).
19. En conséquence, le Raad van State a déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les étrangers ayant une orientation homosexuelle constituent-ils un groupe social spécifique au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la [directive]?
2) S’il convient de répondre par l’affirmative à la première question: quelles activités homosexuelles relèvent-elles du champ d’application de la directive et les actes de persécution à l’encontre de ces activités peuvent-ils, si les autres conditions sont remplies, aboutir à l’octroi du statut de réfugié? Cette question comprend les deux sous-questions suivantes:
a) Peut-on s’attendre à ce que des étrangers ayant une orientation homosexuelle dissimulent leur orientation à tous les citoyens de leur pays d’origine afin d’éviter d’être persécutés?
b) S’il convient de répondre par la négative à la question précédente, peut-on s’attendre – et dans ce cas, dans quelle mesure – à une réserve de la part des ressortissants étrangers ayant une orientation homosexuelle dans l’expression de cette orientation dans le pays d’origine afin d’éviter d’être persécutés? À cet égard, peut-on s’attendre à une réserve plus importante de la part des homosexuels que de la part des hétérosexuels?
c) Si, à cet égard, une distinction peut être opérée entre les expressions qui concernent le noyau dur de l’orientation et les autres, qu’entend-on par noyau dur de l’orientation et de quelle manière peut-il être établi?
3) La seule pénalisation des activités homosexuelles assortie de la menace d’une peine de prison, telle que visée par [la loi de 1861 sur les infractions contre la personne de Sierra Leone, le code pénal ougandais et le code pénal sénégalais] constitue-t-elle un acte de persécution, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec le paragraphe 2, initio et sous c), de la directive? Dans la négative, dans quelles circonstances est-ce le cas?»
20. Des observations écrites ont été présentées par X, Y et Z, le HCR, les gouvernements néerlandais, allemand, grec, français et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission européenne, tous (à l’exception du Royaume-Uni) ayant été représentés à l’audience du 11 avril 2013.
Appréciation
Observations liminaires
21. Les questions de la juridiction de renvoi se chevauchent en partie. Dans l’interprétation des articles 9 et 10, paragraphe 1, sous d), de la directive, il convient de prendre en considération les principes suivants.
22. Premièrement, il est de jurisprudence constante que l’interprétation des dispositions de la directive doit être effectuée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de celle-ci, dans le respect de la convention de Genève et des autres traités pertinents visés dans sa base légale (article 78, paragraphe 1, TFUE) ( 17 ). Cette interprétation doit également se faire, ainsi qu’il ressort du considérant 10 de la même directive, dans le respect des droits reconnus par la Charte ( 18 ).
23. Deuxièmement, la convention de Genève fournit le contexte et indique dès lors la finalité et l’économie générale de la directive qui y fait de fréquents renvois. Par conséquent, puisque l’on demande à la Cour de donner une interprétation des articles 9 et 10, paragraphe 1, sous d), de la directive, elle doit le faire en se référant à la convention de Genève ( 19 ).
24. Troisièmement, ni la convention de Genève ni la CEDH ne mentionnent expressément un droit d’exprimer son orientation sexuelle. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’orientation sexuelle s’est développée dans le cadre de l’examen de violations de l’article 8 CEDH (droit à la vie privée et familiale) et de l’interdiction de discrimination consacrée à l’article 14 CEDH ( 20 ). Par conséquent, il convient d’examiner les questions soulevées par les juridictions de
renvoi à la lumière des principes élaborés par la Cour européenne des droits de l’homme ( 21 ).
25. Quatrièmement, à cet égard, la convention de Genève, à l’instar de la CEDH, n’est pas figée. Elle est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions actuelles et conformément aux développements du droit international ( 22 ). La jurisprudence de la Commission européenne des droits de l’homme relative aux différences de traitement entre les relations homosexuelles et les relations hétérosexuelles en ce qui concerne l’âge minimal du consentement montre cette approche évolutive dans
l’interprétation de la CEDH. Ainsi, avant l’année 1997, la Commission considérait qu’il était conforme à la CEDH de fixer un âge minimal du consentement supérieur pour les relations homosexuelles ( 23 ). Dans l’affaire Sutherland contre Royaume-Uni, la Commission a procédé à un réexamen ainsi qu’à un revirement de sa jurisprudence constante en décidant que le maintien d’un âge minimal du consentement supérieur pour les actes homosexuels était discriminatoire et constituait une violation du droit
du requérant au respect de sa vie privée à la lumière des développements modernes ( 24 ).
26. Enfin, il me semble que, au centre des questions de la juridiction de renvoi, figure la détermination de critères communs qu’il convient d’appliquer pour l’identification des personnes ayant réellement besoin de protection internationale qui sollicitent le statut de réfugié au titre de la directive du fait de leur homosexualité. La deuxième question soulève des problèmes qui sont plutôt susceptibles d’être décrits comme relevant de la politique juridique que de l’interprétation législative. Par
conséquent, j’examinerai en premier lieu les première et troisième questions qui soulèvent des problèmes plus directs d’interprétation du libellé de la directive, avant d’aborder la deuxième question.
La première question
27. Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si les demandeurs sollicitant l’octroi du statut de réfugié qui ont une orientation homosexuelle peuvent constituer un groupe social spécifique aux fins de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive.
28. Toutes les parties qui ont présenté des observations à la Cour (à l’exception du Royaume-Uni qui n’a pas abordé ce point) s’accordent à considérer que la réponse à cette question doit être affirmative.
29. Je partage également cette opinion.
30. Dans l’instance au principal relative à Z, les éléments de preuve qui ont été soumis à la juridiction nationale de première instance (le Rechtbank) n’ont pas convaincu cette dernière que, au Sénégal, en règle générale, les personnes d’orientation homosexuelle font l’objet d’une persécution ou d’une discrimination et le Rechtbank a, partant, considéré que le requérant n’était pas membre d’un groupe social spécifique au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive ( 25 ).
31. L’article 10 comporte deux paragraphes. Le premier enjoint aux États membres de tenir compte de certains éléments lorsqu’ils évaluent les motifs de la persécution. L’article 10, paragraphe 1, sous d), définit dans ce contexte la notion de ce qui constitue un groupe social spécifique. Ensuite, le second paragraphe traite de la manière d’évaluer si un demandeur en particulier craint avec raison d’être persécuté. Il en ressort que le demandeur ne doit pas prouver qu’il subit une persécution ou une
discrimination dans son pays d’origine ( 26 ) (éléments qui font partie de l’article 10, paragraphe 2) pour montrer qu’il appartient à un certain groupe social [c’est-à -dire qu’il relève du champ d’application de l’article 10, paragraphe 1, sous d)].
32. Des hommes homosexuels peuvent-ils être des «membres d’un groupe social spécifique», au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive?
33. À la différence de la convention de Genève qui mentionne uniquement l’«appartenance à un certain groupe social», la directive utilise les termes «orientation sexuelle» sans toutefois les définir. Il se peut que le législateur de l’Union ait expressément mentionné l’appartenance à un groupe social du fait de l’orientation sexuelle à l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive, parce que, au moment où la Commission a présenté sa proposition, on commençait à admettre que des particuliers
puissent être contraints de fuir la persécution et de chercher une protection internationale sur ce fondement ( 27 ), même si un tel motif n’était pas expressément mentionné dans la convention de Genève ( 28 ).
34. L’article 10, paragraphe 1, sous d), commence par «un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier […]» et ces termes sont immédiatement suivis de deux tirets (le premier contenant trois options séparées du mot «ou»). Les tirets sont reliés par le mot «et», indiquant qu’ils contiennent des conditions devant être cumulativement remplies. Cependant, le texte poursuit en disposant (expressément) que «[e]n fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine,
un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle […]».
35. Si on considère ce texte et qu’on le confronte aux deux tirets qui le précèdent directement, il me semble que le législateur de l’Union ne pouvait pas indiquer plus clairement que des personnes partageant une caractéristique ou une orientation sexuelle peuvent effectivement être membres d’un groupe social spécifique aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 1, sous d). Ils répondent au critère du premier tiret (je dirais, en tout état de cause, parce qu’ils relèvent de la troisième
option, à savoir qu’ils «partagent une caractéristique [...] à ce point essentielle pour l’identité [...] qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce»). En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, ils peuvent également répondre au critère du second tiret (selon lequel «ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante»). La question de savoir s’ils répondent ou non au second
tiret implique une évaluation des normes juridiques et des mœurs sociales et culturelles qui prévalent dans le pays d’origine du demandeur. Elle doit être déterminée par les autorités nationales compétentes au vu des circonstances, sous le contrôle de la juridiction nationale.
36. Par conséquent, je considère qu’il convient de répondre à la première question en ce sens que les demandeurs sollicitant l’octroi du statut de réfugié qui ont une orientation homosexuelle peuvent, en fonction des conditions qui prévalent dans leur pays d’origine, constituer un groupe social spécifique au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive. Il appartiendra à la juridiction nationale d’évaluer si un tel groupe a une «identité propre», dans le pays d’origine de chaque
demandeur, «parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante» aux fins du second tiret de cette disposition.
La troisième question
37. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la pénalisation d’actes homosexuels assortie de l’éventualité d’une peine de réclusion, en cas de condamnation, constitue un acte de persécution au sens de l’article 9 de la directive.
38. Il a été procédé à certaines constatations dans les procédures nationales concernant les trois requérants. En ce qui concerne X, l’homosexualité n’est pas pénalisée en soi en Sierra Leone, mais certains actes homosexuels sont passibles de sanctions pénales. En ce qui concerne Y, l’homosexualité en soi est pénalisée en Ouganda ( 29 ). Quant à Z, l’homosexualité en soi ne semble pas être pénalisée au Sénégal, mais certains actes homosexuels sont passibles de sanctions pénales ( 30 ).
39. Dès lors qu’il n’est pas contesté que les trois requérants sont homosexuels, je n’ai pas opéré de distinction dans les présentes conclusions entre la situation en Ouganda (où il est constaté que l’homosexualité est pénalisée en soi) et celle en Sierra Leone ou au Sénégal (où certains actes homosexuels sont passibles de sanctions pénales) ( 31 ).
40. X, Y et Z font valoir que l’article 9 de la directive doit être interprété comme signifiant que la pénalisation d’activités homosexuelles en soi est un acte de persécution. Il y a une certaine convergence en faveur de la thèse contraire entre la Commission, les gouvernements des États membres qui ont présenté des observations et le HCR.
41. Au sein de l’Union européenne, il y a eu un changement de conception dans la mesure où une législation qui pénalise et sanctionne les actes homosexuels dans la sphère privée entre adultes consentants est à présent considérée comme contraire à la CEDH ( 32 ). Il va dès lors de soi que, dans les États membres, de telles mesures constitueraient aujourd’hui une violation des droits fondamentaux de l’individu, qu’elles soient activement appliquées ou non. Cependant, le but poursuivi par la directive
n’est pas d’octroyer une protection chaque fois qu’un individu ne peut pas pleinement et effectivement exercer, dans son pays d’origine, les libertés qui lui sont garanties par la Charte ou par la CEDH. Pour présenter la même problématique autrement, le but n’est pas d’exporter ces normes ( 33 ). La reconnaissance du statut de réfugié est plutôt restreinte aux individus qui risquent d’être exposés à une privation grave ou à une violation systémique de leurs droits les plus essentiels et dont la
vie est devenue intolérable dans leur pays d’origine.
42. Ce qui serait considéré comme une violation d’un droit fondamental au sein de l’Union constitue-t-il nécessairement un acte de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive?
43. L’article 9, paragraphe 1, dispose que «[l]es actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la convention de Genève doivent a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme [...] ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au
point a)». La mention des termes «suffisamment graves», «violation grave» et «accumulation [...] qui soit suffisamment grave» fait apparaître que n’importe quelle violation des droits de l’homme (aussi ignoble qu’elle puisse être) ne sera pas considérée comme un «acte de persécution» aux fins de l’article 9. En effet, la liste exemplative des actes de persécution figurant à l’article 9, paragraphe 2, renvoie expressément à la norme énoncée par l’article 9, paragraphe 1, dans la mesure où il est
prévu que «les actes de persécution, au sens du paragraphe 1» ( 34 ) peuvent notamment comprendre ceux qui figurent aux points a) à  f). L’article 9, paragraphe 3, explique ensuite qu’il doit y avoir un lien entre les motifs de persécution (article 10) et les actes de persécution tels que définis à l’article 9, paragraphe 1.
44. Une difficulté d’ordre conceptuel surgit dans la mesure où, lorsque la Charte protège une liberté fondamentale, toute poursuite ou sanction d’une personne en raison de l’exercice de cette dernière serait, au sein de l’Union,«disproportionnée» par définition. Par conséquent, je considère que la référence faite aux «poursuites ou sanctions qui sont disproportionnées ou discriminatoires», par l’article 9, paragraphe 2, sous c) – mention de la liste non limitative d’actes de persécution qui semble
la plus pertinente dans la présente procédure – doit être entendue comme visant les «poursuites ou sanctions qui sont graves ou discriminatoires».
45. Il me semble que en déterminant si – sur cette base – des actes interdisant l’expression d’une orientation sexuelle sont tels qu’ils constituent des «actes de persécution» au sens de l’article 9, paragraphe 1, les autorités nationales doivent prendre en considération, en particulier, i) les éléments de preuve concernant l’application de dispositions pénales dans le pays d’origine du demandeur, tels que ceux permettant de déterminer si les autorités inculpent et poursuivent effectivement les
individus; ii) le caractère effectif ou non de la mise en œuvre des sanctions pénales et dans l’affirmative, le degré de sévérité en pratique de ces dernières ainsi que iii) les informations relatives aux pratiques et aux normes de la société en général dans le pays d’origine ( 35 ).
46. Le critère qu’il convient d’appliquer pour évaluer une demande d’octroi du statut de réfugié est le suivant: ressort-il de quelque événement ou d’une accumulation d’événements que ce demandeur craint avec raison de risquer d’être privé de ses droits fondamentaux s’il retourne dans son pays d’origine ( 36 )?
47. Des sanctions pénales se traduisant par une réclusion prolongée pour avoir exprimé une orientation homosexuelle pourraient être considérées comme une violation de l’article 3 CEDH (interdiction de traitement ou de peines inhumains et dégradants), et seraient dès lors suffisamment graves pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme aux fins de l’article 9, paragraphe 1, de la directive.
48. À la lumière de ces considérations, il me semble évident (même en l’absence d’informations détaillées relatives aux caractéristiques des infractions concernant les requérants au principal et les sanctions spécifiques généralement infligées pour ces infractions) que, de manière générale, les sanctions infligées en Sierra Leone, en Ouganda et au Sénégal pourraient être considérées comme une peine qui est «disproportionnée», au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la directive. Il est
vrai que les sanctions prévues par la loi pour certains actes homosexuels au Sénégal ne sont pas aussi draconiennes que celles prévues en Sierra Leone ou en Ouganda. Avant de conclure que, pour ce motif, le seuil de l’acte de persécution au titre de l’article 9, paragraphe 1, de la directive n’est pas atteint, la juridiction de renvoi doit prendre en considération le risque que des poursuites soient engagées à une ou plusieurs reprises, et, si celles-ci aboutissent, elle doit également tenir
compte de la peine infligée.
49. D’une manière générale, il en résulte que, après avoir vérifié s’il convient de considérer un demandeur en particulier du fait de son orientation homosexuelle comme un membre d’un certain groupe social au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), les autorités nationales doivent examiner si les conditions qui prévalent dans son pays d’origine sont telles qu’elles donnent lieu à des actes de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1. Pour ce faire, elles doivent évaluer si des mesures
répressives sont applicables à ceux qui sont, ou qui sont supposés être, des membres de ce groupe social ( 37 ), si ces mesures sont appliquées et quelle est la sévérité des sanctions infligées et si – par conséquent – le demandeur a une crainte fondée de persécution. La détermination de ces questions par les autorités nationales doit, bien entendu, être soumise au contrôle des juridictions nationales afin de garantir l’application correcte des critères énoncés par la directive.
50. Par conséquent, je considère qu’il convient de répondre à la troisième question préjudicielle en ce sens que la pénalisation d’une activité ne constitue pas en soi un acte de persécution aux fins de l’article 9, paragraphe 1, de la directive. Il appartient en revanche aux autorités nationales compétentes d’évaluer si le demandeur risque de subir soit des actes qui sont suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits de
l’homme, soit une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter le demandeur d’une manière comparable. Cette évaluation doit se faire à la lumière des conditions qui prévalent dans le pays d’origine du demandeur, et qui sont en particulier relatives i) au risque et à la fréquence de poursuite, ii) si cette dernière aboutit, à la sévérité de la sanction normalement infligée, ainsi iii) qu’à toutes autres mesures et
pratiques sociales que le demandeur peut raisonnablement craindre de subir.
La deuxième question
51. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans l’hypothèse où un demandeur homosexuel doit être considéré comme appartenant à un certain groupe social aux fins de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive, il y a certaines activités homosexuelles qui relèvent du champ d’application de la directive et qui impliquent que le statut de réfugié doit être octroyé.
52. La juridiction de renvoi pose ensuite une série de sous-questions ( 38 ) portant sur les critères communs qui peuvent être appliqués pour déterminer qui peut être considéré comme un réfugié. Elle demande, premièrement, dans quelle mesure l’expression publique ou privée de l’orientation homosexuelle est protégée par l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive. Deuxièmement, si on doit s’attendre à ce qu’un demandeur dissimule son orientation sexuelle afin d’éviter d’être persécuté dans
son pays d’origine. Troisièmement, si on peut s’attendre à une réserve dans l’expression de son orientation homosexuelle et, dans l’affirmative, dans quelle mesure. Quatrièmement, ce que l’on entend ensuite par noyau dur de l’orientation sexuelle. Enfin, si le droit de l’Union en général et la directive en particulier interdisent d’établir une distinction quant à la protection à laquelle les ressortissants étrangers ont droit en fonction de leur orientation sexuelle homosexuelle ou
hétérosexuelle.
53. Avant d’aborder ces sous-questions, une série d’observations préliminaires s’imposent.
54. Premièrement, la juridiction de renvoi demande en substance des précisions sur la manière dont il convient de mener l’évaluation détaillée imposée par les articles 9 et 10 de la directive. L’article 10, paragraphe 1, sous d), pose une limite expresse à ce qui peut constituer un groupe social dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle, dans la mesure où il énonce clairement que «l’orientation sexuelle ne peut pas s’entendre comme comprenant des actes réputés
délictueux d’après la législation nationale des États membres». Par conséquent, par exemple, une orientation sexuelle qui amènerait le demandeur à exécuter une mutilation génitale forcée sur sa partenaire de sexe féminin afin de la rendre «digne» d’avoir des relations sexuelles avec lui ne remplirait pas les conditions pour bénéficier de la protection au titre de l’article 10, paragraphe 1, sous d). L’article 9 contient une définition [l’article 9, paragraphe 1, sous a) et b)], suivie d’une
liste non limitative (article 9, paragraphe 2) et de la condition selon laquelle il doit y avoir un lien entre les motifs et les actes de persécution (article 9, paragraphe 3), mais il ne détermine pas ce qui peut constituer un acte de persécution.
55. Deuxièmement, on ne voit pas clairement le lien que les sous-questions posées entretiennent précisément avec les problèmes soulevés dans l’instance au principal. En réalité, la juridiction de renvoi semble demander un avis sur la manière dont la directive peut s’appliquer en général, ce qui excède la compétence dont dispose la Cour dans la procédure préjudicielle ( 39 ).
56. Troisièmement, à un niveau plus pratique, la juridiction de renvoi explique que les autorités néerlandaises considèrent que les activités homosexuelles méritent la même protection que les activités hétérosexuelles. Cependant, je ne pense pas que les activités du demandeur doivent se trouver au centre de l’évaluation. Les articles 9 et 10 ne portent pas, par essence, sur le comportement de la personne qui vise à obtenir le statut de réfugié. En revanche, ils portent sur les actes potentiels de
persécution et les motifs de ceux-ci, et donc sur le comportement actif des acteurs potentiels de la persécution, plutôt que sur le comportement quotidien de la victime potentielle.
57. Quatrièmement, lorsque l’on procède à une telle évaluation, il convient bien entendu de prendre en considération l’ensemble des restrictions qui s’appliquaient au demandeur avant qu’il ne quitte son pays d’origine. Cependant, il est tout aussi pertinent d’examiner les éléments de preuve disponibles pour évaluer si le demandeur risque d’être confronté à des actes de persécution en cas de retour. Par conséquent, la question est de savoir si le demandeur craint avec raison de subir une violation
grave de ses droits fondamentaux. On ne peut répondre à une telle question en considérant exclusivement les faits qui se sont produits avant que le demandeur quitte son pays d’origine.
58. Cinquièmement, la prémisse sous-tendant les questions de la juridiction de renvoi semble être que les demandeurs homosexuels sollicitant l’octroi du statut de réfugié qui invoquent l’article 10, paragraphe 1, sous d), ont le choix (et peut-être même la responsabilité) de se comporter dans leurs pays respectifs d’origine d’une manière qui réduise le risque d’actes de persécution du fait de leur orientation sexuelle. Je considère qu’il convient de rejeter une telle prémisse, au motif qu’elle va Ã
l’encontre de leur droit au respect de leur identité sexuelle.
59. C’est dans ce cadre que j’examinerai les différentes sous-questions soulevées par la juridiction de renvoi.
60. En ce qui concerne la première sous-question: y a-t-il une distinction aux fins de la directive entre l’expression de l’orientation homosexuelle d’un demandeur dans la sphère publique et dans la sphère privée?
61. Le texte de la directive n’opère pas pareille distinction. Par conséquent, il me semble qu’une distinction de ce type est dénuée de la moindre pertinence pour déterminer s’il y a un acte de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive. Au contraire, les questions pertinentes sont de savoir si le demandeur, du fait de son orientation sexuelle, est un membre d’un groupe social aux fins de l’article 10, paragraphe 1, sous d), et s’il y a un lien tel qu’exigé par l’article 9,
paragraphe 3, entre ce «motif de persécution» et un ou des actes de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1.
62. Ensuite, la juridiction de renvoi demande si on doit attendre des demandeurs sollicitant l’octroi du statut de réfugié qu’ils dissimulent ou qu’ils expriment avec réserve leur orientation sexuelle dans leur pays d’origine. La décision de renvoi ne fait pas apparaître clairement si cette question a un rapport avec la façon dont les autorités nationales compétentes ont traité ces demandes particulières d’asile. Il se peut que la juridiction de renvoi souhaite savoir si, dans la mesure où elles
prévoient que cette dissimulation n’est pas un critère à prendre en considération, les lignes directrices traduisent seulement les normes de la directive ou si elles représentent l’application par un État membre de normes plus favorables, comme l’autorise l’article 3 ( 40 ). Dans la mesure où ces questions sont soulevées de manière abstraite, il n’incombe pas à la Cour d’y répondre. Je vais néanmoins les aborder brièvement dans un souci d’exhaustivité.
63. Je ne pense pas que l’on doive attendre d’un demandeur sollicitant l’octroi du statut de réfugié qu’il dissimule son orientation sexuelle afin d’éviter la persécution dans son pays d’origine.
64. Ni le libellé ni l’économie de la directive ne viennent au soutien d’une telle conception. En effet, il serait pervers d’interpréter la directive de cette façon. Cela signifierait que si le demandeur (la victime) ne parvenait pas à dissimuler son orientation sexuelle, il serait en quelque sorte considéré comme étant responsable de son sort en tant qu’acteur de persécution, ce qui est inconciliable avec la façon dont l’article 6 de la directive est conçu. En effet, exiger des demandeurs qu’ils
dissimulent leur orientation sexuelle pourrait être considéré comme constituant en soi un acte de persécution.
65. Doit-on attendre des demandeurs homosexuels sollicitant l’octroi du statut de réfugié qu’ils retournent chez eux et qu’ils fassent preuve de retenue dans leur pays d’origine?
66. Je ne le pense pas.
67. Premièrement, je ne vois pas bien comment, d’un point de vue conceptuel, une telle condition pourrait s’inscrire dans l’économie de la directive (voire de la convention de Genève). La directive établit des normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour prétendre au statut de réfugié (article 1). Afin d’évaluer si un demandeur en particulier remplit ces normes minimales, l’État membre examine les faits et les circonstances
(article 4) en vue d’établir si le demandeur a subi ou est susceptible de subir des actes de persécution ou des atteintes graves (tels que définis à l’article 9) pour certains motifs spécifiques de persécution (tels que définis à l’article 10). Si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté de la sorte, il a le droit de se voir octroyer le statut de réfugié. Nulle part dans cette logique on ne trouve d’élément au soutien de la proposition selon laquelle la nécessité d’octroyer le statut
de réfugié pourrait être évitée si seulement le demandeur «cessait de provoquer» les acteurs de la persécution en étant lui-même.
68. Deuxièmement, il est vrai qu’une personne qui demande l’asile sur le fondement de son orientation homosexuelle ne peut pas s’attendre à avoir le droit de vivre dans son pays d’origine de la même manière qu’elle peut le faire aux Pays-Bas ( 41 ). Ceci dit, déterminer quel degré de «réserve» serait a) exigé pour préserver la sécurité du demandeur lors de son retour au pays tout en b) restant compatible avec la sauvegarde du droit fondamental dont la privation justifie l’octroi du statut de réfugié
me semble être une opération subjective par nature et plus susceptible de verser dans l’arbitraire que d’amener la sécurité juridique. La juridiction de renvoi elle-même considère que le ministre n’est pas capable de déterminer à l’avance le degré de réserve auquel on peut s’attendre. En soi, cette considération me fait penser qu’une telle approche serait concrètement impraticable.
69. Troisièmement, dire que tout se passera bien si le demandeur se comporte discrètement à son retour au pays revient à ignorer la réalité. La discrétion ne protège pas de façon sûre contre le risque d’être percé à jour et donc d’être soumis au chantage ou à la persécution.
70. Sur cette base, il n’est pas nécessaire de répondre à la sous-question (quant à savoir ce qui constitue le «noyau dur» de l’orientation sexuelle). Cependant, j’ajouterai les observations suivantes dans un souci d’exhaustivité.
71. Je comprends que les termes «noyau dur» proviennent de l’arrêt Y et Z, précité, dans lequel la Cour a examiné si les droits fondamentaux des requérants ont été violés par les restrictions imposées à l’exercice de leur droit à la liberté de religion. Je ne suis pas convaincue que ces termes soient transposables dans le cadre de l’expression de l’orientation sexuelle. Il me semble que soit on a, soit on n’a pas une certaine orientation sexuelle ( 42 ). Il n’y a aucun «noyau» ou «centre» devant
être considéré comme tel. Par conséquent, j’aurais du mal à admettre qu’il soit possible d’identifier un noyau dur de l’expression de l’orientation sexuelle. Je ne pense pas non plus que la Cour doive s’engager dans une telle voie.
72. Cependant, de façon plus générale, j’estime que le raisonnement de la Cour dans l’arrêt Y et Z, précité, s’applique ici par analogie ( 43 ). Rien dans le libellé des articles 9 et 10 de la directive ne justifie une approche fondée sur le «noyau dur». L’article 9 mentionne les droits indérogeables de la CEDH et c’est ce qui doit constituer la référence pour évaluer les actes de persécution. Rien ne suggère qu’il convienne d’opérer une distinction entre différents types d’expression, voire de
distinguer des modes d’expression qui ne sont pas des actes sexuels ou des actes d’affection. Par définition, une approche basée sur une telle prémisse risque de verser dans l’arbitraire.
73. La dernière sous-question est de savoir si le droit de l’Union en général ou la directive en particulier interdit d’opérer une distinction quant à la protection à laquelle ont droit des ressortissants étrangers selon que leur orientation sexuelle est homosexuelle ou hétérosexuelle.
74. Comment les demandes d’octroi du statut de réfugié doivent-elles être évaluées lorsque les actes de persécution invoqués s’appliquent à la fois aux homosexuels et aux hétérosexuels?
75. Supposons que dans un certain pays tiers, toute manifestation publique d’affection entre deux personnes (comme se tenir par la main ou s’embrasser) soit interdite et que, conformément à la loi, la sanction en cas de condamnation pour un tel délit peut aller (selon les circonstances) d’une sanction pécuniaire à la flagellation. La mesure législative pénalisant et sanctionnant un tel comportement a vocation à s’appliquer aussi bien aux hétérosexuels qu’aux homosexuels. Supposons qu’une personne
d’orientation homosexuelle fuie ce pays et vienne chercher l’asile dans un État membre de l’Union. Il ne serait pas immédiatement évident qu’un tel demandeur subirait une persécution du seul fait de son orientation sexuelle. Cependant, s’il pouvait démontrer que, en pratique, la mesure n’est régulièrement appliquée ou n’est assortie des sanctions les plus sévères que lorsque des homosexuels sont impliqués (et que, en pratique, les hétérosexuels peuvent en général se tenir par la main dans la rue
ou s’embrasser en public impunément, ou qu’ils ne reçoivent systématiquement que des amendes très réduites), il aurait plus de chances d’être en mesure d’établir qu’il appartient à un certain groupe social aux fins de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive. Il conviendrait alors d’examiner si les poursuites et les sanctions habituellement infligées à un homosexuel en cas de condamnation devraient être considérées comme un acte de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1, de
la directive (dans mon exemple, et selon mon appréciation, la réponse serait positive).
76. Si je fais la synthèse de mes réponses aux différentes sous-questions posées par la juridiction de renvoi, j’estime qu’il convient de répondre à la deuxième question en ce sens que, lorsqu’elles examinent si la pénalisation de l’expression de l’homosexualité en tant qu’expression de l’orientation sexuelle est un acte de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive, les autorités compétentes de l’État membre doivent vérifier si le demandeur risque de subir des actes ou une
accumulation de différentes mesures qui soient suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme.
Conclusion
77. J’estime en conséquence que la Cour devrait répondre aux questions préjudicielles posées par le Raad van State de la manière suivante:
1) Les demandeurs sollicitant l’octroi du statut de réfugié qui ont une orientation homosexuelle peuvent, en fonction des conditions qui prévalent dans leur pays d’origine, constituer un groupe social spécifique au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les
personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts. Il appartiendra à la juridiction nationale d’évaluer si un tel groupe a une «identité propre» dans le pays d’origine de chaque demandeur, «parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante», aux fins du second tiret de cette disposition.
2) La pénalisation d’actes homosexuels ne constitue pas en soi un acte de persécution aux fins de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2004/83. Il appartient aux autorités nationales compétentes d’évaluer si un demandeur en particulier risque de subir, soit des actes qui sont suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits de l’homme, soit une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de
l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter le demandeur d’une manière comparable. Cette évaluation doit être effectuée à la lumière des conditions qui prévalent dans le pays d’origine d’un demandeur, et qui sont en particulier relatives:
— au risque et à la fréquence de poursuite;
— si cette dernière aboutit, à la sévérité de la sanction normalement infligée, et
— à toutes autres mesures et pratiques sociales que le demandeur peut raisonnablement craindre de subir.
3) Lorsqu’elles examinent si la pénalisation de l’expression de l’homosexualité en tant qu’expression de l’orientation sexuelle est un acte de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2004/83, les autorités compétentes de l’État membre doivent vérifier si le demandeur risque de subir des actes ou une accumulation de diverses mesures, qui soient suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits
fondamentaux de l’homme.
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( 1 ) Langue originale: l’anglais.
( 2 ) Directive du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12).
( 3 ) Signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée et modifiée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lequel est entré en vigueur le 4 octobre 1967. Je fais référence aux deux instruments conjointement en tant que «convention de Genève».
( 4 ) JO 2010, C 83, p. 389.
( 5 ) Les droits correspondants figurent respectivement aux articles 8 et 14 CEDH. L’article 8 protège le droit au respect de la vie privée et familiale de la personne. L’article 14 garantit que les droits et les libertés repris dans la CEDH soient assurés, sans distinction fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou
toute autre situation.
( 6 ) Voir considérants 1 et 2 de la directive ainsi que son article 1er.
( 7 ) Voir considérant 3 de la directive. Voir, également, son considérant 15 qui prévoit que des consultations avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) peuvent contenir des indications utiles pour les États membres lorsqu’ils sont appelés à se prononcer sur l’octroi éventuel du statut de réfugié en vertu de l’article 1er de la convention de Genève.
( 8 ) Voir considérant 4 de la directive.
( 9 ) Voir considérants 6, 16 et 17 de la directive.
( 10 ) Voir considérant 10 de la directive.
( 11 ) Voir article 3 de la directive.
( 12 ) Trois affaires sont actuellement pendantes devant la Cour, les affaires C‑148/13 à  C‑150/13, A, B et C, relatives à l’interprétation de l’article 4 de la directive et aux critères communs d’évaluation de la crédibilité des déclarations du requérant quant à son orientation sexuelle.
( 13 ) Les droits indérogeables en vertu de l’article 15, paragraphe 2, CEDH sont le droit à la vie (article 2), les interdictions de la torture, ainsi que de l’esclavage et du travail forcé (respectivement les articles 3 et 4) et le droit de l’individu à ne pas être condamné à une peine sans procédure juridictionnelle préalable (article 7).
( 14 ) Au moment de l’introduction des demandes, le ministre compétent était le «Minister voor Immigratie en Asiel» (ministre de l’Immigration et de la Politique d’asile). Depuis lors, son titre a été modifié en «Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel» (ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Asile).
( 15 ) Francs CFA ouest africains (BCEAO).
( 16 ) Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (ci-après le «HCR») englobe dans le champ d’application de ses observations les personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transsexuelles ou intersexuelles et il utilise l’acronyme «LGBTI» pour traduire un sens large de l’expression «orientation sexuelle». Cependant, dès lors que l’instance au principal concerne trois hommes homosexuels demandant l’octroi du statut de réfugiés, j’ai retenu cette dénomination dans les présentes
conclusions.
( 17 ) Voir arrêt du 5 septembre 2012, Y et Z (C‑71/11 et C‑99/11, point 48 et jurisprudence citée).
( 18 ) Arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a. (C‑364/11, points 42 et 43 et jurisprudence citée).
( 19 ) Voir point 32 de mes conclusions dans l’affaire Abed El Karem El Kott e.a. (précité à la note 18).
( 20 ) Cour eur. D. H., arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni du 22 octobre 1981, série A no 45, § 60 à  62, relatif au droit à la vie privée. Voir Cour eur. D. H., arrêt X et autres c. Autriche [GC] du 19 février 2013, Recueil des arrêts et décisions 2013, requête no 19010/07, § 95, relatif au droit à la vie familiale.
( 21 ) Le droit à la non-discrimination est garanti par certains instruments régionaux comme la charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Cependant, à l’instar de la convention de Genève et de la CEDH, il n’y a pas de garantie expresse du droit d’exprimer son orientation sexuelle. Voir «Quand aimer devient un crime – La criminalisation des relations entre personnes de même sexe en Afrique subsaharienne», rapport publié par Amnesty International le 25 juin 2013:
www.amnesty.org/fr/library/into/AFRO1/001/2013/fr.
( 22 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie [GC] du 4 février 2005, Recueil des arrêts et décisions 2005-1, requêtes no 46827/99 et no 46951/99, § 121, concernant la CEDH en général. Voir paragraphes 5 à  7 des principes directeurs sur la protection internationale no 9 du 23 octobre 2012, disponibles sur: http://www.unhcr.org/509136ca9.html (ci-après les «principes directeurs HCR») en ce qui concerne la convention de Genève.
( 23 ) Comm. eur. D. H., décisions X c. la République fédérale d’Allemagne du 30 septembre 1975, requête no 5935/72, § 2, et Johnson c. Royaume-Uni du 17 juillet 1986, requête no 10389/83.
( 24 ) Comm. eur. D. H., rapport du 1er juillet 1997, requête no 25186/94, § 58 à  66.
( 25 ) Cette appréciation du Rechtbank est mentionnée dans la demande de décision préjudicielle du Raad van State. Cependant, la juridiction de renvoi n’a pas indiqué si elle partage l’opinion du Rechtbank. Je comprends que le Raad van State a mentionné l’appréciation du Rechtbank pour expliquer pourquoi il cherchait lui-même des éléments d’interprétation de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu compte de l’appréciation du Rechtbank dans mon
analyse.
( 26 ) Le Rechtbank peut avoir été induit en erreur par le fait que le second tiret de l’article 10, paragraphe 1, sous d), se réfère à un groupe ayant une identité propre parce qu’il est «perçu comme étant différent par la société environnante». Cependant, être «perçu comme différent» est, en soi, une situation de fait neutre. Être persécuté ou faire l’objet de discrimination n’en n’est manifestement pas une.
( 27 ) Voir proposition de directive du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d’autres raisons, a besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts [COM(2001) 510 final, en particulier, partie 3].
( 28 ) Les principes directeurs HCR se réfèrent à présent aux principes de Jogjakarta sur l’application de la législation internationale en matière des droits de l’homme concernant l’orientation sexuelle et l’identité de genre, adoptés en 2007. Au paragraphe 4 du préambule des principes de Jogjakarta, l’«orientation sexuelle» fait référence «à la capacité de chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus du sexe opposé, de même sexe ou de plus
d’un sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus».
( 29 ) Dans les cas de X et de Y, ces constatations formulées en première instance (respectivement par le Rechtbank et par le juge des référés) sont évoquées dans les demandes de décision préjudicielle du Raad van State. Cependant, la juridiction de renvoi n’a pas indiqué si elle partage l’opinion des juridictions de première instance. Je comprends que le Raad van State s’est référé à ces constatations pour expliquer pourquoi il cherchait lui-même à obtenir des éléments d’interprétation de
l’article 9, paragraphe 1, de la directive. C’est la raison pour laquelle j’en ai tenu compte dans mon appréciation.
( 30 ) Voir point 15 des présentes conclusions.
( 31 ) Je comprends que les autorités néerlandaises adoptent une position similaire dans les lignes directrices: voir point 13 des présentes conclusions.
( 32 ) Outre l’arrêt Cour eur. D. H., arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni (précité à la note 20), les arrêts de référence sont Cour eur. D. H., arrêts Norris c. Irlande du 26 octobre 1988, série A no 142, et Modinos c. Chypre du 22 avril 1993, série A no 259. La législation nationale en cause dans Cour eur. D. H. arrêt Modinos c. Chypre, précité, a été abrogée relativement récemment (en 1997). Voir aussi la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l’homme relative à la discrimination et Ã
l’âge du consentement pour les actes homosexuels et hétérosexuels mentionnée au point 25 et aux notes 23 et 24 des présentes conclusions.
( 33 ) Cour eur. D. H., décisions F. c. Royaume-Uni du 22 juin 2004, requête no 17341/03, § 3, et I.I.N. c. Pays-Bas du 9 décembre 2004, requête no 2035/04. Pareille exportation peut en effet être considérée comme une forme d’impérialisme humanitaire ou culturel.
( 34 ) C’est moi qui souligne.
( 35 ) Par conséquent, par exemple, si l’expression de l’intimité sexuelle en public entre des adultes hétérosexuels est découragée et sanctionnée pénalement, la simple application des mêmes règles aux adultes homosexuels n’équivaudrait pas à un acte de persécution. La position serait différente, cependant, si la loi n’était jamais appliquée à l’encontre des hétérosexuels mais l’était assidument à l’encontre des homosexuels. Voir également point 75 des présentes conclusions.
( 36 ) Voir arrêt Y et Z (précité à la note 17, points 53 et 54).
( 37 ) Voir articles 9, paragraphe 3, et 10, paragraphe 2.
( 38 ) J’ai modifié l’agencement de ces sous-questions afin de séparer les différents problèmes soulevés par la juridiction de renvoi.
( 39 ) Arrêt du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, points 18 à  20).
( 40 ) Voir point 13 des présentes conclusions.
( 41 ) Voir, par exemple, Cour eur. D. H., décision F. c. Royaume-Uni (précitée à la note 33).
( 42 ) Le célibat, en tant que non-expression (physique) mûrement réfléchie de l’orientation sexuelle, peut être volontairement choisi pour une série de raisons, mais il ne peut être imposé sans nier l’existence même de la personnalité sexuelle.
( 43 ) Voir points 38 à  52 et 62 à  68 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Y et Z (précité à la note 17).