ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
17 octobre 2013 ( *1 )
«Droit des brevets — Produits phytopharmaceutiques — Certificat complémentaire de protection — Règlement (CE) no 1610/96 — Directive 91/414/CEE — Autorisation de mise sur le marché d’urgence en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de cette directive»
Dans l’affaire C‑210/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundespatentgericht (Allemagne), par décision du 23 février 2012, parvenue à la Cour le 3 mai 2012, dans la procédure
Sumitomo Chemical Co. Ltd
contre
Deutsches Patent- und Markenamt,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. C. G. Fernlund (rapporteur), président de la huitième chambre, faisant fonction de président de chambre, MM. A. Ó Caoimh et E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato,
— pour la Commission européenne, par MM. F. W. Bulst et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, paragraphe 1, sous b), et 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1610/96 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques (JO L 198, p. 30).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Sumitomo Chemical Co. Ltd (ci-après «Sumitomo») au Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) au sujet de la validité de la décision du 20 janvier 2006 par laquelle cet office a refusé d’octroyer un certificat complémentaire de protection à Sumitomo.
Le cadre juridique
La directive 91/414/CEE
3 La directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), telle que modifiée par la directive 2005/58/CE de la Commission, du 21 septembre 2005 (JO L 246, p. 17, ci-après la «directive 91/414»), prévoit à ses neuvième et quatorzième considérants:
«considérant que les dispositions régissant l’autorisation doivent assurer un niveau élevé de protection, qui doit notamment éviter l’autorisation de produits phytopharmaceutiques dont les risques pour la santé, les eaux souterraines et l’environnement n’ont pas fait l’objet de recherches appropriées; que l’objectif d’améliorer la production végétale ne doit pas porter préjudice à la protection de la santé humaine et animale et de l’environnement;
[...]
considérant que la procédure communautaire ne devrait pas empêcher un État membre d’autoriser, sur son territoire, pour une durée limitée, des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active non encore inscrite sur la liste communautaire, dans la mesure où il est assuré que l’intéressé a soumis un dossier conforme aux exigences communautaires et que l’État membre en cause a évalué que l’on peut s’attendre à ce que la substance active et les produits phytopharmaceutiques satisfassent
aux conditions communautaires fixées à leur égard».
4 Selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/414, un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché et utilisé dans un État membre que lorsque les autorités compétentes de celui-ci l’ont autorisé, conformément aux dispositions de cette directive.
5 L’article 4 de ladite directive prévoit:
«1. Les États membres veillent à ce qu’un produit phytopharmaceutique soit autorisé uniquement:
a) si les substances actives sont énumérées à l’annexe I et si les conditions fixées à ladite annexe sont remplies et, en ce qui concerne les points b), c), d) et e), en application des principes uniformes énoncés à l’annexe VI;
b) s’il est établi, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques, et s’il apparaît lors de l’examen du dossier prévu à l’annexe III, que lors d’un usage conforme aux dispositions de l’article 3 paragraphe 3 et eu égard à toutes les conditions normales dans lesquelles il peut être utilisé et aux conséquences de son utilisation:
i) il est suffisamment efficace;
ii) il n’a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux;
iii) il ne provoque pas des souffrances et des douleurs inacceptables chez les vertébrés à combattre;
iv) il n’a pas d’effet nocif direct ou indirect sur la santé humaine ou animale (par exemple par l’intermédiaire de l’eau potable ou des aliments destinés à la consommation humaine ou animale) ou sur les eaux souterraines;
v) il n’a pas d’influence inacceptable sur l’environnement, compte tenu particulièrement des aspects suivants:
— son sort et sa dissémination dans l’environnement, notamment en ce qui concerne la contamination des eaux, y compris les eaux potables et les eaux souterraines,
— son effet sur les espèces qui ne sont pas visées;
c) si la nature et la quantité de ses substances actives et, le cas échéant, les impuretés et les autres composants significatifs du point de vue toxicologique et écotoxicologique peuvent être déterminés à l’aide de méthodes appropriées, harmonisées selon la procédure prévue à l’article 21 ou si ce n’est pas le cas, agréées par les autorités chargées de délivrer l’autorisation;
d) si les résidus résultant des utilisations autorisées et significatifs du point de vue toxicologique ou environnemental peuvent être déterminés à l’aide de méthodes appropriées d’usage courant;
e) si ses propriétés physico-chimiques ont été déterminées et jugées acceptables pour assurer une utilisation et un stockage adéquats du produit;
f) le cas échéant, si, pour les produits agricoles concernés par l’utilisation visée dans l’autorisation, les [limites maximales applicables aux résidus (LMR)] ont été établies ou modifiées conformément au règlement (CE) no 396/2005 [...].
2. L’autorisation doit préciser les exigences relatives à la mise sur le marché et à l’utilisation du produit et tout au moins celles visant à assurer le respect des dispositions du paragraphe 1 point b).
3. Les États membres veillent à ce que le respect des exigences énumérées au paragraphe 1 points b) à f) soit assuré par des essais et des analyses officiels ou officiellement reconnus, dans des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales appropriées à l’emploi du produit phytopharmaceutique en question et représentatives des conditions prévalant sur les lieux où le produit est destiné à être utilisé, sur le territoire de l’État membre concerné.
4. Sans préjudice des dispositions des paragraphes 5 et 6, ces autorisations ne sont accordées que pour une durée déterminée ne dépassant pas dix ans et fixée par les États membres; elles peuvent être renouvelées après qu’on aura vérifié que les conditions énumérées au paragraphe 1 sont toujours remplies. Le renouvellement peut être accordé pour la période dont les autorités compétentes des États membres ont besoin pour procéder à ces vérifications en cas de demande de renouvellement.
5. Les autorisations peuvent être réexaminées à tout moment si l’on a des raisons de croire que l’une des exigences énumérées au paragraphe 1 n’est plus respectée. Dans ce cas, les États membres peuvent demander au demandeur de l’autorisation ou à la partie à laquelle une extension du champ d’application a été accordée conformément à l’article 9 de fournir les informations supplémentaires requises pour ce réexamen. L’autorisation peut, s’il y a lieu, être maintenue pour la durée nécessaire pour
procéder à un réexamen et pour fournir ces informations supplémentaires.
6. Sans préjudice des décisions déjà prises en application de l’article 10, une autorisation est annulée s’il ressort:
a) que les conditions requises pour son obtention ne sont pas ou ne sont plus remplies;
b) que des indications fausses ou fallacieuses ont été fournies au sujet des données sur la base desquelles elle a été accordée;
ou une autorisation est modifiée s’il ressort:
c) que compte tenu de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques le mode d’utilisation et les quantités mises en œuvre peuvent être modifiés.
Elle peut également être annulée ou modifiée à la demande de son détenteur, qui doit en indiquer les raisons; les modifications ne pourront être accordées que s’il est constaté que les exigences de l’article 4 paragraphe 1 continuent d’être respectées.
Lorsqu’un État membre retire une autorisation, il en informe immédiatement le détenteur de l’autorisation; en outre il peut accorder un délai pour supprimer, écouler et utiliser les stocks existants, dont la durée est en rapport avec la cause du retrait, sans préjudice du délai éventuellement prévu par une décision prise en vertu de la directive 79/117/CEE du Conseil, du 21 décembre 1978, concernant l’interdiction de mise sur le marché et d’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant
certaines substances actives [...], modifiée en dernier lieu par la directive 90/335/CEE [...], ou de l’article 6 paragraphe 1 ou de l’article 8 paragraphe 1 ou 2 de la présente directive.»
6 L’article 5 de la directive 91/414 dispose:
«1. Compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, une substance active est inscrite à l’annexe I pour une période initiale ne pouvant excéder dix ans, s’il est permis d’escompter que les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active rempliront les conditions suivantes:
a) leurs résidus consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement et, dans la mesure où ils sont significatifs du point de vue toxicologique ou environnemental, peuvent être mesurés par des méthodes d’usage courant;
b) leur utilisation consécutive à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d’influence inacceptable sur l’environnement, conformément à l’article 4 paragraphe 1 point b) iv) et v).
2. Pour inclure une substance active à l’annexe I, il faut tenir compte tout particulièrement des éléments suivants:
a) le cas échéant, d’une dose journalière admissible (DJA) pour l’homme;
b) d’un niveau acceptable d’exposition de l’utilisateur, si nécessaire;
c) le cas échéant, d’une estimation de son sort et de sa dissémination dans l’environnement, ainsi que de son incidence sur les espèces non ciblées.
3. Pour la première inscription d’une substance active qui n’était pas encore sur le marché deux ans après la notification de la présente directive, les exigences visées sont considérées comme étant respectées si on a constaté qu’elles l’étaient pour au moins une préparation contenant cette substance active.
4. L’inscription d’une substance active à l’annexe I peut être subordonnée à des exigences telles que:
— le degré de pureté minimal de la substance active,
— la teneur maximale en certaines impuretés et la nature de celles-ci,
— des restrictions résultant de l’évaluation des informations visées à l’article 6, compte tenu des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, y compris climatiques, considérées,
— le type de préparation,
— le mode d’utilisation.
5. Sur demande, l’inscription d’une substance à l’annexe I peut être renouvelée une ou plusieurs fois pour des périodes n’excédant pas dix ans, cette inscription pouvant être révisée à tout moment s’il y a des raisons de penser que les critères visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont plus respectés. En cas de demande, à introduire suffisamment à l’avance et en tout cas au moins deux ans avant l’expiration de la période d’inscription, le renouvellement est accordé pour la durée nécessaire pour
procéder à un réexamen et est accordé pour la durée nécessaire pour fournir les informations requises conformément à l’article 6 paragraphe 4.»
7 L’article 8 de la directive 91/414, relatif aux mesures transitoires et dérogatoires, est libellé comme suit:
«1. Par dérogation à l’article 4, un État membre peut, afin de permettre une évaluation graduelle des propriétés des nouvelles substances actives et de faciliter la mise à la disposition de l’agriculture de nouvelles préparations, autoriser pour une période provisoire n’excédant pas trois ans, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une substance active ne figurant pas à l’annexe I et pas encore sur le marché deux ans après la notification de la présente directive, dans
la mesure où:
a) suite à la mise en œuvre des dispositions de l’article 6 paragraphes 2 et 3, il est constaté que le dossier relatif à la substance active satisfait aux exigences des annexes II et III en rapport avec les usages envisagés;
b) l’État membre établit que la substance active peut satisfaire aux exigences visées à l’article 5 paragraphe 1 et qu’il est permis d’escompter que le produit phytopharmaceutique satisfasse aux exigences visées à l’article 4 paragraphe 1 points b) à f).
Dans ce cas, l’État membre informe immédiatement les autres États membres et la Commission de son évaluation du dossier et des conditions de l’autorisation, en communiquant au moins les informations prévues à l’article 12 paragraphe 1.
À la suite de l’évaluation du dossier prévue à l’article 6 paragraphe 3, il peut être décidé, conformément à la procédure prévue à l’article 19, que la substance active ne satisfait pas aux exigences précisées à l’article 5 paragraphe 1. Dans de tels cas, les États membres assurent que les autorisations doivent être retirées.
Par dérogation à l’article 6, si à l’expiration du délai de trois ans une décision n’a pas été prise concernant l’inscription d’une substance active à l’annexe I, il peut être décidé, selon la procédure prévue à l’article 19, d’un délai supplémentaire permettant l’examen complet du dossier et, le cas échéant, des informations supplémentaires demandées conformément à l’article 6 paragraphes 3 et 4.
Les dispositions de l’article 4 paragraphes 2, 3, 5 et 6 s’appliquent aux autorisations accordées en vertu du présent paragraphe sans préjudice des alinéas précédents du présent paragraphe.
[...]
4. Également par dérogation à l’article 4 et dans des circonstances particulières, un État membre peut autoriser pour une période n’excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ne répondant pas aux exigences de l’article 4, en vue d’un usage limité et contrôlé, si cette mesure apparaît nécessaire à cause d’un danger imprévisible qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens. Dans ce cas, l’État membre concerné informe immédiatement les autres États
membres et la Commission de la mesure prise. Il est décidé sans retard, conformément à la procédure prévue à l’article 19, si et dans quelles conditions la mesure prise par l’État membre concerné peut être prolongée pour une période à déterminer, répétée ou annulée.»
Le règlement no 1610/96
8 Il ressort des considérants 5 et 6 du règlement no 1610/96 que, avant l’adoption de celui-ci, la durée de la protection effective conférée par le brevet pour amortir les investissements effectués dans la recherche phytopharmaceutique et pour générer les ressources nécessaires au maintien d’une recherche performante était considérée comme insuffisante, pénalisant ainsi la compétitivité de ce secteur. Ce règlement vise à combler cette insuffisance par la création du certificat complémentaire de
protection pour les produits phytopharmaceutiques.
9 Les considérants 11 et 16 du règlement no 1610/96 sont libellés comme suit:
«(11) considérant que la durée de la protection conférée par le certificat doit être déterminée de telle sorte qu’elle permette une protection effective suffisante; que, à cet effet, le titulaire, à la fois d’un brevet et d’un certificat, doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d’exclusivité au maximum, à partir de la première autorisation de mise sur le marché, dans la Communauté, du produit phytopharmaceutique en question;
[...]
(16) considérant que seule une intervention au niveau communautaire permet d’atteindre efficacement l’objectif poursuivi, qui consiste à assurer une protection suffisante de l’innovation phytopharmaceutique, tout en garantissant un fonctionnement adéquat du marché intérieur des produits phytopharmaceutiques».
10 L’article 1er du règlement no 1610/96 précise:
«Aux fins [de ce] règlement, on entend par:
[...]
10) ‘certificat’: le certificat complémentaire de protection.»
11 L’article 2 du règlement no 1610/96, intitulé «Champ d’application», dispose:
«Tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que produit phytopharmaceutique, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de l’article 4 de la directive [91/414] ou en vertu d’une disposition équivalente de droit national s’il s’agit d’un produit phytopharmaceutique dont la demande d’autorisation a été déposée avant la mise en œuvre de la directive [91/414] par cet État membre, peut, dans les conditions
et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l’objet d’un certificat.»
12 L’article 3 de ce règlement, intitulé «Conditions d’obtention du certificat», prévoit:
«1. Le certificat est délivré si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande:
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur;
b) le produit, en tant que produit phytopharmaceutique, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à l’article 4 de la directive [91/414] ou conformément à une disposition équivalente de droit national;
c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat;
d) l’autorisation visée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que produit phytopharmaceutique.
[...]»
13 L’article 5 dudit règlement, intitulé «Effets du certificat», dispose:
«Sous réserve de l’article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.»
14 L’article 7 du même règlement, intitulé «Demande de certificat», est rédigé comme suit:
«1. La demande de certificat doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le produit, en tant que produit phytopharmaceutique, a obtenu l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3 paragraphe 1 point b).
2. Nonobstant le paragraphe 1, lorsque l’autorisation de mise sur le marché intervient avant la délivrance du brevet de base, la demande de certificat doit être déposée dans un délai de six mois à compter de la date de délivrance du brevet.»
15 L’article 13 du règlement no 1610/96, intitulé «Durée du certificat», est rédigé comme suit:
«1. Le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’une période de cinq ans.
2. Nonobstant le paragraphe 1, la durée du certificat ne peut être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet.
3. Pour le calcul de la durée du certificat, il n’est tenu compte d’une première autorisation de mise sur le marché provisoire que si celle-ci est directement suivie d’une autorisation définitive concernant le même produit.»
16 Aux termes de l’article 15 de ce règlement:
«1. Le certificat est nul:
a) s’il a été délivré contrairement aux dispositions de l’article 3;
[...]
2. Toute personne peut présenter une demande ou intenter une action en nullité du certificat auprès de l’instance compétente, en vertu de la législation nationale, pour annuler le brevet de base correspondant.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 Sumitomo est titulaire du brevet européen EP 0 376 279, DE 689 06 668 délivré pour l’Allemagne et concernant, notamment, la substance active clothianidine, utilisée pour des produits insecticides.
18 Le 19 février 2003, les autorités du Royaume-Uni ont délivré à une société du groupe Bayer une autorisation de mise sur le marché (ci-après une «AMM»), conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/414, pour un produit contenant de la clothianidine. Cette AMM, dite «provisoire», était la première délivrée dans l’Union européenne pour un produit contenant cette substance active.
19 Le 2 décembre 2003, les autorités allemandes ont, au titre des dispositions nationales transposant l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/414, délivré à une société du groupe Bayer une AMM d’urgence pour un produit phytopharmaceutique contenant la substance active clothianidine. Cette AMM d’urgence était valable pendant 120 jours, du 15 janvier au 13 mai 2004.
20 Le 14 mai 2004, Sumitomo a demandé au Deutsches Patent- und Markenamt la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour des produits phytopharmaceutiques. Dans sa demande, Sumitomo s’est référée, d’une part, à l’AMM provisoire accordée au Royaume-Uni le 19 février 2003, comme première AMM octroyée dans l’Union et, d’autre part, à l’AMM d’urgence délivrée en Allemagne, le 2 décembre 2003.
21 Le 8 septembre 2004, les autorités allemandes ont, au titre des dispositions nationales transposant l’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/414, octroyé une AMM provisoire à une société du groupe Bayer pour un produit à base de clothianidine. La période de validité de cette AMM provisoire s’étendait du 8 septembre 2004 au 7 septembre 2007.
22 Par lettre du 25 novembre 2004, Sumitomo a porté à la connaissance du Deutsches Patent- und Markenamt l’existence de l’AMM provisoire du 8 septembre 2004.
23 Par une décision du 20 janvier 2006, le Deutsches Patent- und Markenamt a rejeté la demande de certificat complémentaire de protection présentée par Sumitomo le 14 mai 2004. Bien que cette demande ait été présentée dans le délai prévu à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1610/96, cet office a estimé ne pouvoir y faire droit dans la mesure où, à la date de son dépôt, aucune AMM n’était en cours de validité au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1610/96, l’AMM
d’urgence ayant déjà expiré. C’est cette décision qui est attaquée dans la procédure au principal.
24 En premier lieu, la juridiction de renvoi demande si cette décision du 20 janvier 2006 n’était pas, en tout état de cause, justifiée par le fait que l’AMM sur la base de laquelle s’appuyait Sumitomo était une AMM d’urgence. Elle relève à cet égard que l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1610/96 exige, comme condition d’octroi d’un certificat complémentaire de protection, qu’une AMM en cours de validité ait été délivrée «conformément à l’article 4 de la directive 91/414». Elle
observe que, en vertu de l’arrêt du 11 novembre 2010, Hogan Lovells International (C-229/09, Rec. p. I-11335), l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à la délivrance d’un certificat de protection complémentaire pour les produits phytopharmaceutiques lorsqu’une AMM provisoire, au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/414, a été délivrée. Cette interprétation reposerait sur le lien d’équivalence fonctionnelle
qui existe entre les AMM définitives, prévues à l’article 4 de la directive 91/414, et les AMM provisoires, prévues à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive.
25 Sur la base de ce raisonnement, la juridiction de renvoi doute qu’il puisse être considéré qu’une AMM d’urgence remplisse ce critère d’équivalence fonctionnelle. Elle souligne ainsi que les AMM d’urgence ne sont pas tenues de remplir les critères prévus à l’article 4 de la directive 91/414. Dans le cadre d’une procédure d’urgence, ni le produit phytopharmaceutique ni la substance active ne seraient soumis à des contrôles équivalents à ceux nécessaires à la délivrance d’une AMM définitive.
26 En outre, la juridiction de renvoi relève que la finalité des AMM d’urgence est de répondre à un danger imprévisible qui ne peut pas être maîtrisé par d’autres moyens.
27 En second lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences qu’il convient de tirer de la réponse à cette question, s’agissant du délai de dépôt de la demande de certificat complémentaire de protection.
28 Dans l’hypothèse où la Cour estimerait qu’un certificat complémentaire de protection peut reposer sur une AMM d’urgence, la juridiction de renvoi se demande si, en l’espèce, Sumitomo n’était pas, en tout état de cause, forclose. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1610/96 exigerait que l’AMM soit en cours de validité à la date de la demande de certificat. Or, en l’occurrence, l’AMM d’urgence, limitée à 120 jours, aurait expiré le 13 mai 2004. La demande de Sumitomo,
déposée le lendemain, serait donc hors délai.
29 Tout en soulignant que la doctrine majoritaire prône cette interprétation, la juridiction de renvoi fait observer qu’une telle interprétation peut conduire à réduire le délai de six mois prévu pour le dépôt des demandes de certificats au titre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1610/96. En l’espèce, Sumitomo n’aurait disposé que de quatre mois, au lieu de six, pour présenter sa demande.
30 Si la Cour devait considérer, au contraire, qu’une AMM d’urgence ne peut servir de base à une demande de certificat complémentaire de protection, la juridiction de renvoi se demande s’il est néanmoins possible d’octroyer un certificat en s’appuyant non pas sur l’AMM d’urgence devenue caduque, mais sur une AMM provisoire délivrée ultérieurement.
31 Lorsque le Deutsches Patent- und Markenamt a rejeté la demande de Sumitomo, il aurait eu connaissance du fait que, depuis le 8 septembre 2004, les autorités allemandes avaient accordé à une société du groupe Bayer une AMM provisoire pour un produit contenant la substance active en cause au principal. À cette époque, la pratique de cet office consistait à délivrer des certificats complémentaires de protection y compris sur la base d’AMM provisoires. Compte tenu de ces éléments, la juridiction de
renvoi se demande s’il convient, en se fondant sur la demande initiale de Sumitomo, de considérer qu’il est possible de délivrer un certificat complémentaire de protection en s’appuyant sur l’AMM provisoire émise le 8 septembre 2004. Ceci reviendrait à admettre qu’une demande de certificat complémentaire de protection puisse être déposée avant même que le délai de dépôt d’une telle demande n’ait commencé à courir. À supposer qu’une telle solution soit envisageable en droit, la juridiction de
renvoi s’interroge encore sur le point de savoir si la lettre de Sumitomo du 25 novembre 2004 portant à la connaissance du Deutsches Patent- und Markenamt l’existence de l’AMM provisoire peut être interprétée comme une demande de certificat. Celle-ci aurait alors été déposée dans le délai de six mois prévu à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1610/96. Cette juridiction estime qu’il serait inéquitable de rejeter une demande de certificat déposée après l’octroi d’une AMM provisoire, au
motif que celle-ci n’est pas la première AMM, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1610/96.
32 Dans ces circonstances, le Bundespatentgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement [no 1610/96] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à la délivrance d’un certificat de protection complémentaire pour un produit phytopharmaceutique si une autorisation valable a été délivrée en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de la directive [91/414]?
2) En cas de réponse positive à la première question:
Est-il nécessaire, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement [no 1610/96], que l’autorisation soit encore en cours de validité au moment du dépôt de la demande de certificat?
3) En cas de réponse négative à la première question:
L’article 7, paragraphe 1, du règlement [no 1610/96] doit-il être interprété en ce sens qu’une demande de certificat peut être déposée avant que le délai qui y est cité ne commence à courir?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
33 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1610/96 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour un produit phytopharmaceutique disposant d’une AMM d’urgence octroyée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/414.
34 L’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1610/96 se réfère à une AMM obtenue «conformément à l’article 4 de la directive 91/414». Certes, il a été jugé qu’il n’y a pas lieu d’interpréter cette disposition dudit règlement d’une manière qui reviendrait à exclure son application à des produits bénéficiant d’une AMM provisoire au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/414 (arrêt Hogan Lovells International, précité, point 46).
35 Cependant, cette interprétation repose sur le lien d’équivalence fonctionnelle qui existe entre les critères énoncés à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/414 à titre de mesures transitoires et ceux prévus à l’article 4 de cette directive (arrêt Hogan Lovells International, précité, points 33 à 46). Or, aucun lien d’équivalence de cette nature n’existe entre les critères prévus à l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive et ceux figurant à l’article 4 de celle-ci.
36 Il ressort en effet de la définition même de l’AMM d’urgence prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/414 que celle-ci concerne des «produits phytopharmaceutiques ne répondant pas aux exigences de l’article 4». Ce type d’AMM ne vise donc pas à assurer que les produits phytopharmaceutiques ainsi autorisés répondent aux mêmes exigences scientifiques de fiabilité que celles d’une AMM octroyée sur la base de l’article 4 de la directive 91/414. Ainsi, l’article 8, paragraphe 4, de cette
directive n’exige pas des États membres qu’ils procèdent à un examen scientifique des risques préalablement à l’octroi d’une telle AMM. Cette disposition dérogatoire encadre toutefois strictement l’usage de ce type d’AMM en précisant qu’il ne concerne que des«circonstances particulières», l’octroi d’AMM d’urgence pour une période n’excédant pas 120 jours devant apparaître «nécessaire à cause d’un danger imprévisible qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens».
37 Dans ces conditions, il est exclu que l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1610/96 puisse être appliqué à une AMM d’urgence, celle-ci étant réservée aux produits ne répondant pas aux exigences fixées à l’article 4 de la directive 91/414 et pour lesquels cette directive n’impose pas un examen scientifique préalable des risques.
38 Dès lors, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1610/96 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour un produit phytopharmaceutique disposant d’une AMM d’urgence octroyée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/414.
Sur la deuxième question
39 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question préjudicielle.
Sur la troisième question
40 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, paragraphe 1, sous b), et 7, paragraphe 1, du règlement no 1610/96 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une demande de certificat complémentaire de protection soit présentée avant la date à laquelle le produit phytopharmaceutique a obtenu l’AMM visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.
41 Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler que le certificat complémentaire de protection vise à rétablir une durée de protection effective suffisante du brevet en permettant à son titulaire de bénéficier d’une période d’exclusivité supplémentaire à l’expiration du brevet de base destinée à compenser, au moins partiellement, le retard pris dans l’exploitation commerciale de son invention en raison du laps de temps qui s’est écoulé entre la date du dépôt de la demande de brevet et
celle de l’obtention de la première AMM dans l’Union (arrêt Hogan Lovells International, précité, point 50).
42 Conformément à cette finalité, le certificat complémentaire de protection établit un lien entre le brevet de base et la première AMM d’un produit phytopharmaceutique, celle-ci marquant le moment à partir duquel l’exploitation commerciale de ce produit peut débuter. C’est ainsi que l’obtention de ce certificat requiert la réunion des quatre conditions cumulatives énumérées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1610/96. Cette disposition prévoit, en substance, qu’un certificat complémentaire
de protection ne peut être délivré que si, à la date de la demande, le produit phytopharmaceutique est protégé par un brevet de base en vigueur et n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat. Il faut, en outre, que ce produit ait obtenu une AMM en cours de validité «conformément à l’article 4 de la directive 91/414 ou conformément à une disposition équivalente de droit national», cette AMM étant, enfin, la première du produit en tant que produit phytopharmaceutique (arrêt Hogan Lovells
International, précité, point 51).
43 L’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1610/96 exigeant expressément que chacune de ces conditions soit remplie à la date à laquelle est présentée la demande de certificat complémentaire de protection, une demande d’un tel certificat ne peut valablement être présentée qu’à compter du moment où existe une AMM en cours de validité.
44 Cette interprétation est corroborée par les termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1610/96, dont il ressort que le délai de dépôt d’une demande de certificat complémentaire de protection commence à courir à compter de la date à laquelle le produit, en tant que produit phytopharmaceutique, a obtenu l’AMM visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.
45 Dès lors, il convient de répondre à la troisième question que les articles 3, paragraphe 1, sous b), et 7, paragraphe 1, du règlement no 1610/96 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une demande de certificat complémentaire de protection soit présentée avant la date à laquelle le produit phytopharmaceutique a obtenu l’AMM visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.
Sur les dépens
46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:
1) L’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 1610/96 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour un produit phytopharmaceutique disposant d’une autorisation de mise sur le marché d’urgence octroyée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, de la
directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, telle que modifiée par la directive 2005/58/CE de la Commission, du 21 septembre 2005.
2) Les articles 3, paragraphe 1, sous b), et 7, paragraphe 1, du règlement no 1610/96 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une demande de certificat complémentaire de protection soit présentée avant la date à laquelle le produit phytopharmaceutique a obtenu l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.