CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 3 avril 2014 ( 1 )
Affaire C‑37/13 P
Nexans SA et Nexans France SAS
contre
Commission européenne
«Pourvoi — Concurrence — Règlement (CE) no 1/2003 — Procédure administrative — Inspection inopinée — Décision ordonnant une inspection — Obligation de motivation — Portée géographique — Suspicion d’une infraction aux règles de concurrence — Faculté de la Commission de contrôler des documents professionnels relatifs à des opérations ayant lieu en dehors de l’Espace économique européen (EEE)»
I – Introduction
1. La peur est habituellement grande lorsque des inspecteurs de la Commission européenne se présentent de manière inopinée, généralement au petit matin, à la porte d’une entreprise et veulent l’inspecter dans le cadre d’une «perquisition» afin de déterminer si cette entreprise est impliquée dans des pratiques anticoncurrentielles.
2. Pour protéger les entreprises se trouvant dans cette situation d’ingérences disproportionnées et arbitraires dans leurs locaux, garantir leurs droits de la défense tout en les tenant informées de la portée de leur devoir de collaboration, le droit de l’Union prévoit certaines garanties procédurales. En particulier, la décision d’inspection, en vertu de laquelle interviennent les inspecteurs de la Commission, doit être dûment motivée.
3. La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser davantage les exigences juridiques relatives à la motivation de ces décisions d’inspection. La présente espèce porte plus particulièrement sur le terrain encore peu balisé de la délimitation géographique des infractions aux règles de concurrence devant être examinées par la Commission.
4. Avec quel niveau de précision la Commission doit-elle déterminer les marchés géographiquement concernés à ce stade initial de la procédure? La décision d’inspection doit-elle préciser si, et dans quelle mesure, une entreprise est tenue d’autoriser les inspecteurs de la Commission à consulter ses documents professionnels relatifs à des opérations réalisées en dehors du marché intérieur européen? Ce sont en substance les questions de droit qu’il y a lieu de trancher dans le présent pourvoi.
5. Ces questions se posent dans le contexte d’une entente présumée relative à des câbles de haute tension et du matériel associé, concernant laquelle la Commission a entrepris des investigations il y a quelques années, et réalisé des inspections inopinées au début de l’année 2009, notamment dans les locaux de Nexans en France. Elle y a également consulté de nombreux documents professionnels qui concernaient des projets de câbles électriques sur des marchés extra-européens. À présent, les parties
s’opposent en substance sur le point de savoir si la motivation de la décision d’inspection constituait une base suffisante pour effectuer une telle opération.
6. L’arrêt que la Cour rendra dans cette affaire aura une importance non négligeable pour la future pratique administrative de la Commission.
II – Cadre juridique
7. Le cadre de droit primaire de cette affaire est défini, d’une part, par l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) et, d’autre part, par l’article 253 (devenu article 296, deuxième alinéa, TFUE) ( 2 ). Concernant le droit dérivé, l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 ( 3 ) est également pertinent.
8. L’article 20 du règlement no 1/2003 dispose notamment:
«1. Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.
[…]
4. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel
l’inspection doit être effectuée.»
9. Il convient en outre de mentionner l’article 4 du règlement no 1/2003, qui est rédigé comme suit:
«Pour l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la Commission dispose des compétences prévues par le présent règlement.»
III – Antécédents du litige
A – Les faits et la procédure administrative
10. Les requérantes du litige en première instance et actuelles requérantes au pourvoi, Nexans SA et sa filiale à 100 % Nexans France SAS (ci-après les «requérantes»), sont deux sociétés françaises exerçant leur activité dans le secteur des câbles électriques.
11. Par décision C(2009) 92/1, du 9 janvier 2009, la Commission a ordonné à Nexans SA et à toutes les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 (ci‑après la «décision d’inspection»).
12. L’article 1er de la décision d’inspection indiquait notamment ce qui suit:
«Nexans […], ainsi que toutes les entreprises, directement ou indirectement contrôlées par elle(s), à l’inclusion de Nexans France […] a par la présente l’obligation de se soumettre à une inspection relative à [son] (leur) éventuelle participation à des accords anticoncurrentiels et/ou pratiques concertées contraires à l’article 81 [CE] en relation avec la fourniture de câbles électriques et de matériel associé y compris, entre autres, les câbles électriques sous-marins de haute tension et, dans
certains cas, les câbles électriques souterrains de haute tension, comprenant la présentation de soumissions concertées lors de marchés publics, l’attribution de clients, ainsi que l’échange illicite d’informations commercialement sensibles concernant la fourniture de ces produits.»
13. La décision d’inspection était motivée comme suit:
«La Commission a reçu des informations selon lesquelles les fournisseurs de câbles électriques, y compris les entreprises auxquelles cette décision est adressée, participeraient ou auraient participé à des accords et/ou pratiques concertées en relation avec la fourniture de câbles électriques et de matériel associé y compris, entre autres, les câbles électriques sous-marins de haute tension et, dans certains cas, les câbles électriques souterrains de haute tension, comprenant la présentation de
soumissions concertées lors de marchés publics, l’attribution de clients, ainsi que l’échange illicite d’informations commercialement sensibles concernant la fourniture de ces produits.
[…]
Selon les informations reçues par la Commission, [c]es accords et/ou pratiques concertées […], qui ont été mis en place dès 2001 au plus tard, existent toujours actuellement. [Ils] ont probablement une portée mondiale.
S’il s’avère que ces allégations sont fondées, les accords et/ou les pratiques concertées décrits ci-dessus constitueraient de très graves infractions à l’article 81 [CE].
Afin de permettre à la Commission de vérifier tous les faits relatifs aux accords et aux pratiques concertées présumés et le contexte dans lequel ils se sont déroulés, il est nécessaire d’effectuer des inspections en application de l’article 20 du [règlement no 1/2003].
[…]»
14. Cette inspection a été effectuée au cours de la période comprise entre le 28 et le 30 janvier 2009 ainsi que le 3 février 2009 par des inspecteurs de la Commission, accompagnés de représentants de l’Autorité de la concurrence (France) dans les locaux de Nexans France SAS. Après notification préalable de la décision d’inspection, les inspecteurs de la Commission ont contrôlé et copié de nombreux documents et interrogé les employés de Nexans France SAS afin d’obtenir des explications plus précises
sur certains documents professionnels.
B – Procédure de première instance
15. Au moyen d’un recours en annulation, Nexans SA et Nexans France SAS cherchaient, en première instance, une protection juridique auprès du Tribunal contre la décision d’inspection ainsi que contre deux mesures des inspecteurs de la Commission dans le cadre de l’inspection.
16. À la suite de ce recours, le Tribunal a, par un arrêt du 14 novembre 2012 ( 4 ), annulé la décision d’inspection pour autant qu’elle concernait des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains de haute tension et le matériel associé à ces autres câbles. Il a rejeté le recours pour le surplus ( 5 ).
17. Concernant les dépens, Nexans SA et Nexans France SAS ont été condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la Commission. En revanche, la Commission a été condamnée à supporter la moitié de ses propres dépens ( 6 ).
IV – Procédure devant la Cour
18. Par un mémoire du 24 janvier 2013, Nexans SA et Nexans France SAS ont formé conjointement le présent pourvoi contre l’arrêt. Ce pourvoi porte, d’une part, sur la partie de l’arrêt attaqué par laquelle le Tribunal a rejeté le recours en annulation de ces deux sociétés concernant la portée géographique de la décision d’inspection et, d’autre part, sur la décision du Tribunal relative aux dépens.
19. Les requérantes concluent à ce qu’il plaise à la Cour:
— annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il rejetait la seconde branche du premier moyen des requérantes, selon lequel la portée géographique de la décision d’inspection était excessivement étendue et pas suffisamment précise;
— sur la base des informations en sa possession, annuler la décision d’inspection dans la mesure où sa portée géographique était excessivement étendue et où elle n’était ni suffisamment justifiée ni suffisamment précise, ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue à la lumière des points de droit tranchés par l’arrêt de la Cour;
— annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il condamne Nexans SA à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par la Commission dans la procédure devant le Tribunal, et condamner la Commission à supporter les dépens exposés par Nexans SA dans la procédure devant le Tribunal pour un montant que la Cour jugera opportun;
— condamner la Commission à supporter l’ensemble des dépens exposés par Nexans SA dans la présente procédure.
20. Pour sa part, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
— rejeter le pourvoi;
— condamner les requérantes aux dépens.
21. Devant la Cour, le pourvoi a fait l’objet de débats écrits et d’une audience le 26 février 2014.
V – Analyse des moyens du pourvoi
22. Par leur pourvoi, Nexans SA et Nexans France SAS ne reviennent plus sur tous les thèmes qui avaient fait l’objet de la procédure de première instance. Le débat juridique dans la procédure de pourvoi se limite plutôt à la portée géographique de la décision d’inspection, alors que l’objet matériel de la décision (à savoir la nature des produits concernés par les infractions présumées aux règles de concurrence) n’a plus aucune importance. Même les autres mesures des inspecteurs de la Commission
dans le cadre de l’inspection, que Nexans SA et Nexans France SAS avaient contestées en première instance, ne font plus l’objet de la procédure.
23. Les requérantes au pourvoi reprochent en substance au Tribunal d’avoir refusé à tort d’annuler la décision d’inspection concernant sa portée géographique (premier moyen). En outre, elles font valoir que la décision du Tribunal sur les dépens de la procédure de première instance est inappropriée (second moyen).
A – Sur le premier moyen: exigences relatives à une décision d’inspection et son contrôle juridictionnel concernant la portée géographique
24. Le premier moyen est dirigé contre les points 95 à 100 de l’arrêt attaqué et se décompose en deux branches. Premièrement, les requérantes invoquent une violation des exigences de motivation concernant la portée géographique de la décision d’inspection (voir ci-après, sous 1). Deuxièmement, elles reprochent au Tribunal de ne pas avoir suffisamment examiné si la Commission avait des indices assez sérieux permettant de suspecter une infraction «probablement de portée mondiale» aux règles de
concurrence (voir ci-après, sous 2).
1. Exigences de motivation (première branche du premier moyen)
25. Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes au pourvoi reprochent au Tribunal de ne pas avoir suffisamment motivé son propre arrêt concernant la portée géographique de la décision d’inspection [voir ci-après, sous 1, a)] et d’avoir imposé à la Commission des exigences insuffisantes concernant la motivation de la décision d’inspection [voir ci-après, sous 1, b)].
26. Si ces deux aspects présentent inévitablement des points communs, ils concernent toutefois des problèmes juridiques distincts (le grief tiré d’une erreur formelle du Tribunal dans le premier cas et le grief tiré d’une erreur matérielle du Tribunal dans le second) et devraient dès lors être examinés séparément. Une éventuelle erreur juridique relative à la motivation de la décision d’inspection ne permet en aucun cas de considérer nécessairement que l’arrêt du Tribunal est entaché d’une erreur de
motivation et inversement.
a) Sur le défaut de motivation allégué dans l’arrêt attaqué (premier grief)
27. En premier lieu, les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir expliqué suffisamment, dans la motivation de l’arrêt attaqué, comment il était parvenu à la conclusion que la Commission avait décrit de façon circonstanciée le champ d’action de l’entente suspectée en indiquant que les accords et/ou pratiques concertées soupçonnés avaient «probablement une portée mondiale».
28. L’obligation de motiver dûment les arrêts de première instance résulte des dispositions combinées de l’article 36 et de l’article 53, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et trouve son expression également à l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal.
29. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle ( 7 ). Tout dépend en substance
de savoir si le Tribunal a dûment examiné toutes les demandes et toutes les violations de droit alléguées concernant l’acte juridique litigieux de l’institution de l’Union attaquée ( 8 ).
30. Force est d’admettre que les arguments exposés dans l’arrêt attaqué concernant la portée géographique des infractions présumées aux règles de concurrence examinées par la Commission sont assez succincts, le Tribunal n’ayant pas consacré plus de trois points à l’analyse de fond de cette question ( 9 ).
31. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’en première instance, Nexans SA et Nexans France SAS n’avaient absolument pas placé la question de la portée «probablement mondiale» des accords et des pratiques à examiner au cœur de leur argumentation ( 10 ). En effet, en première instance, elles se sont concentrées non sur la portée géographique, mais sur l’objet matériel des inspections de la Commission, c’est-à-dire sur les produits visés par l’inspection. Ce point constituait l’élément principal de leur
argumentation devant le Tribunal.
32. Les requérantes pourraient difficilement reprocher au Tribunal à présent, dans la procédure devant la Cour, d’avoir ciblé de la même façon la motivation de son arrêt.
33. Toutefois, ce qui importe en définitive est de savoir si, malgré la brièveté de son argumentation, le Tribunal a suffisamment analysé les griefs soulevés par Nexans SA et Nexans France SAS concernant la délimitation de la portée géographique des infractions présumées aux règles de concurrence, et si la motivation de l’arrêt permet de comprendre pourquoi le Tribunal n’a pas considéré ces griefs comme fondés.
34. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal examine expressément cette problématique. Il constate qu’en faisant référence à la portée «probablement mondiale» des accords et/ou pratiques faisant l’objet du contrôle, la Commission a «décrit de façon circonstanciée le champ d’action de l’entente suspectée». Selon le Tribunal, «la précision de la décision d’inspection concernant la portée géographique des éventuelles infractions au droit de la concurrence dont l’existence était soupçonnée par la Commission
doit donc être considérée comme étant suffisante» ( 11 ).
35. À titre complémentaire, le Tribunal revient également sur l’argument avancé par Nexans SA et Nexans France SAS, selon lequel la Commission n’aurait pas dû étendre son inspection à des documents relatifs à des marchés géographiques de nature locale situés en dehors du marché intérieur sans préciser les raisons pour lesquelles un comportement de l’entreprise en cause dans ces marchés pourrait distordre la concurrence dans le marché intérieur ( 12 ). Le Tribunal est d’avis que, si la Commission ne
saurait effectuer une inspection dans les locaux d’une entreprise si elle soupçonne l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée dont les effets ont lieu exclusivement sur un ou plusieurs marchés situés en dehors du marché intérieur, rien ne s’oppose, en revanche, selon lui, à ce qu’elle examine des documents relatifs à ces marchés pour déceler des comportements susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de
fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur ( 13 ).
36. Dès lors, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est prononcé de façon claire et non équivoque sur le grief soulevé par Nexans SA et Nexans France SAS concernant la portée géographique des infractions présumées aux règles de concurrence, et a expliqué, bien que succinctement, pourquoi il ne considérait pas ce grief comme fondé.
37. Que les requérantes ne partagent pas son jugement sur le fond ne signifie pas que l’arrêt attaqué serait insuffisamment motivé: il peut, tout au plus, être erroné sur le fond ( 14 ).
38. En somme, l’arrêt attaqué n’est donc pas entaché du défaut de motivation allégué. Le premier grief soulevé par les requérantes dans le cadre de cette première branche du premier moyen doit être rejeté.
39. La question de savoir si l’argumentation exposée par le Tribunal concernant la portée géographique des infractions présumées aux règles de concurrence et les exigences applicables relatives à la motivation de la décision d’inspection est erronée sur le fond doit être à présent tranchée dans le cadre du second grief.
b) Sur les exigences relatives à la motivation d’une décision d’inspection de la Commission (second grief)
40. En second lieu, les requérantes font valoir que le Tribunal a fixé des exigences insuffisantes concernant la motivation de la décision d’inspection de la Commission et, ce faisant, violé le droit de l’Union. Elles estiment que la déclaration formulée par la Commission en préambule de la décision d’inspection, selon laquelle les accords et/ou pratiques concertées à examiner avaient «probablement une portée mondiale», était trop imprécise et équivoque. Selon Nexans SA et Nexans France SAS, la
Commission aurait dû, dans la décision d’inspection, clairement délimiter le marché géographique en cause, d’une part, et indiquer dans quelle mesure les projets de câbles électriques extérieurs à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen (EEE) présentaient un intérêt pour ses investigations dans cette affaire d’entente.
41. L’obligation de motivation d’un acte juridique de l’Union résulte de l’article 253 CE (devenu article 296, deuxième alinéa, TFUE) et est de surcroît reconnue comme faisant partie du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne également.
42. En vertu d’une jurisprudence constante, cette motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle ( 15 ).
43. Concernant les décisions d’inspection de la Commission, le contenu et la portée de l’obligation de motivation sont précisés à l’article 20, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement no 1/2003. Selon cette disposition, ces décisions doivent indiquer l’objet et le but de l’inspection en cause. Cette exigence a pour objectif d’éviter que des vérifications ne soient effectuées par la Commission à tout hasard, en l’absence de soupçons concrets ( 16 ), pratique souvent désignée par l’expression
anglaise «fishing expeditions» (littéralement «parties de pêche») ( 17 ).
44. Comme la Cour l’a déjà jugé à plusieurs reprises, l’obligation de motivation spécifique visée à l’article 20, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 constitue une exigence fondamentale en vue «non seulement de faire apparaître le caractère justifié de l’intervention envisagée à l’intérieur des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de défense» ( 18 ).
45. Dans ces conditions, le Tribunal pouvait-il valablement considérer la référence de la Commission à une portée «probablement mondiale» des infractions présumées aux règles de concurrence comme une indication suffisante de l’objet et du but des inspections? Le Tribunal n’aurait-il pas plutôt dû exiger des indications plus précises sur le marché géographique concerné ainsi que sur la pertinence des documents professionnels relatifs aux projets de câbles électriques extérieurs à l’Union ou à l’EEE?
C’est en substance l’objet du litige qui oppose les parties dans la présente procédure de pourvoi.
i) Sur le marché géographique concerné
46. Tout d’abord, les requérantes font valoir que le Tribunal aurait dû contester le défaut d’indications précises de la part de la Commission concernant la dimension géographique de ses investigations. Elles estiment que la décision d’inspection aurait dû spécifier si le marché géographique concerné incluait l’Union ou l’EEE.
47. À cet égard, il convient de noter que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si
la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée ( 19 ).
48. En ce qui concerne les inspections inopinées particulièrement, il importe de garder à l’esprit que celles-ci ont habituellement lieu à un stade très précoce – en général, dès l’ouverture des enquêtes préalables concernant une entente. L’on ne saurait exiger, même en tenant compte des intérêts légitimes des entreprises à préserver leurs droits de défense, que la Commission porte déjà, à ce stade, des appréciations juridiques précises dans sa décision d’inspection. Il est normal qu’à cette étape
de la procédure, la Commission ne dispose pas encore des informations nécessaires pour émettre un avis juridique spécifique et qu’elle doive d’abord vérifier le bien-fondé de ses soupçons ainsi que la portée des faits ayant eu lieu ( 20 ). Cela doit être pris en compte dans l’appréciation des exigences juridiques relatives à la motivation d’une décision d’inspection ( 21 ).
49. C’est pourquoi, comme la Cour l’a déjà itérativement jugé, il n’est pas indispensable que les informations contenues dans une décision d’inspection comportent une délimitation précise du marché en cause, une qualification juridique exacte des infractions présumées ou l’indication de la période au cours de laquelle ces infractions auraient été commises ( 22 ).
50. L’arrêt France Télécom/Commission du Tribunal (T‑340/04, EU:T:2007:81), que les requérantes invoquent largement, ne s’oppose pas à cette conclusion. Si celui-ci mentionne de manière quelque peu équivoque que la Commission doit indiquer «le marché présumé en cause» ( 23 ), une lecture attentive de cet arrêt fait toutefois ressortir que le Tribunal ne fixe nullement, en cela, d’exigences plus strictes quant à la motivation d’une décision d’inspection que la Cour dans une jurisprudence constante.
En effet, comme le Tribunal le précise lui-même au point précédent de l’arrêt précité, la Commission «n’est pas tenue […] de délimiter précisément le marché en cause» ( 24 ).
51. Dans ce contexte, le grief des requérantes, selon lequel la décision d’inspection aurait dû préciser en l’espèce si, au plan géographique, les enquêtes de la Commission incluaient l’Union et l’EEE, est infondé. Le Tribunal ne pouvait et ne devait absolument pas exiger une description aussi détaillée du marché géographiquement concerné eu égard à la précocité de l’adoption de la décision d’inspection de la Commission.
52. Toutefois, il incombe toujours à la Commission d’indiquer dans sa décision d’inspection, avec autant de précision que possible, ce qui est recherché et les éléments sur lesquels doit porter la vérification ( 25 ). En d’autres termes, la motivation de la décision d’inspection doit faire apparaître les présomptions que la Commission entend vérifier ( 26 ). À cet égard, il s’agit moins d’une indication aussi précise que possible des marchés concernés que d’une description compréhensible pour les
entreprises en cause des infractions aux règles de concurrence présumées par la Commission.
53. En l’espèce, la décision d’inspection litigieuse répondait à ces exigences: dans le préambule de cette décision, la Commission a indiqué que son inspection concernait des «accords et/ou pratiques concertées» qui ont «probablement une portée mondiale» et qui sont «en relation avec la fourniture de câbles électriques et de matériel associé». Ainsi les soupçons nourris par la Commission étaient suffisamment clairs et décrits de manière compréhensible.
54. En particulier, la dimension géographique des infractions présumées aux règles de concurrence, soumises à l’examen de la Commission, était, par la référence à sa portée «mondiale», sans équivoque. Cette référence à une portée «mondiale» écarte toute contestation sérieuse sur l’inclusion du marché intérieur européen.
55. Le seul fait que la Commission ait atténué ses propos à cet égard par le terme «probablement» n’enlève rien à la clarté de son allégation, cet ajout reflétant plutôt le caractère par nature provisoire de l’appréciation de la Commission, qui devait nécessairement reposer, à ce stade, sur des soupçons et non sur une situation analysée dans son ensemble ainsi que sur les arguments de toutes les parties à la procédure.
56. Nexans SA et Nexans France SAS ont donc pu identifier aisément la nature des soupçons en cause dans l’inspection inopinée ordonnée par la Commission, de sorte qu’elles ont pu déterminer leur stratégie de défense et saisir la portée de leur devoir de collaboration.
57. Par conséquent, l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal a méconnu les exigences de motivation applicables à une décision d’inspection concernant le marché géographiquement concerné doit être rejeté.
ii) Sur la pertinence des documents professionnels relatifs aux projets de câbles électriques en dehors du marché intérieur européen
58. Il reste à examiner le second grief soulevé par les requérantes, selon lequel le Tribunal aurait dû exiger des indications plus précises sur les documents professionnels examinés par les inspecteurs dans la motivation de la décision d’inspection. En particulier, Nexans SA et Nexans France SAS sont d’avis que la Commission aurait dû expliquer pourquoi des documents professionnels portant sur des projets de câbles électriques extérieurs à l’Union ou à l’EEE étaient pertinents au regard de son
enquête et devaient être présentés aux inspecteurs.
59. Il ne fait aucun doute que l’exigence de protection des entreprises concernées contre les interventions arbitraires et disproportionnées ( 27 ) dans leurs locaux ainsi que le souci de garantir leurs droits de la défense obligent la Commission non seulement à indiquer dans la motivation d’une décision d’inspection, avec autant de précision que possible, ce qui est recherché et les éléments sur lesquels doit porter la vérification, mais également à préciser les pouvoirs qui sont conférés aux
enquêteurs de l’Union dans chaque cas ( 28 ).
60. Or, à notre avis, cela ne signifie pas pour autant que la Commission devrait spécifier, à toutes fins utiles, dans sa décision d’inspection, quel type de documents professionnels ses inspecteurs peuvent consulter ou pas. Deux séries de raisons s’opposent à la reconnaissance d’une obligation juridique de fournir ces précisions dans la motivation de la décision d’inspection.
61. Tout d’abord, en vertu d’une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de se limiter, dans le cadre d’une inspection inopinée, à la consultation de documents qu’elle serait à même d’identifier au préalable de manière précise. En effet, une telle limitation reviendrait à priver d’utilité son droit d’accès à de tels documents ou dossiers. Au contraire, le droit de la Commission d’effectuer des inspections inopinées implique également et précisément la faculté de rechercher des
éléments d’information divers qui ne sont pas encore connus ou pleinement identifiés ( 29 ). Contrairement à ce que pensent les requérantes, la recherche de ces documents professionnels ne peut pas être reportée à une date ultérieure ni corrigée a posteriori par des demandes de renseignements au titre de l’article 18 du règlement no 1/2003, car l’on doit toujours s’attendre, dans les affaires d’ententes, à ce que les entreprises concernées fassent disparaître des éléments à charge dès que
l’effet de surprise lié à la première inspection inopinée est passé.
62. Par ailleurs, il va de soi que, dans le cadre d’une inspection inopinée, la Commission ne peut rechercher ni consulter de documents professionnels que s’ils sont susceptibles d’avoir un intérêt quelconque pour la procédure concernée au titre des articles 81 CE ou 82 CE (devenus articles 101 TFUE ou 102 TFUE). En effet, les compétences en matière d’inspection visées à l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 ont pour but de permettre à la Commission d’accomplir la mission de protéger le
marché commun des distorsions de concurrence et de sanctionner d’éventuelles infractions aux règles de concurrence dans le marché commun ( 30 ). La limitation corrélative des pouvoirs conférés aux inspecteurs de la Commission à l’objet des investigations en cause résulte donc du seul contexte juridique dans lequel se déroule chaque inspection dans les affaires d’entente, et ne requiert donc aucune spécification dans la motivation de la décision d’inspection. D’éventuelles précisions à ce sujet
dans la décision d’inspection n’auraient de toute façon qu’une valeur déclarative.
63. En définitive, les requérantes semblent partir du principe que, d’une manière générale, la consultation de documents professionnels afférents à des projets à l’extérieur de l’Union ou de l’EEE ne relève pas des compétences de la Commission en matière d’inspection, et qu’une motivation distincte s’imposerait donc si la Commission devait envisager (exceptionnellement?) d’ordonner l’examen de ces documents professionnels.
64. Toutefois, cette argumentation ne résiste pas à un examen plus poussé. En effet, soit la Commission n’a aucune compétence pour examiner ces documents professionnels au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, auquel cas elle ne saurait pallier le défaut de compétences par une argumentation quelconque dans la motivation de sa décision d’inspection, soit les compétences de la Commission en matière d’inspection s’étendent à ce type de documents, auquel cas elle n’a pas non plus
à produire de motivation séparée dans la décision d’inspection expliquant pourquoi les inspecteurs de la Commission peuvent les consulter. Dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit donc pas réellement d’un problème de motivation.
65. C’est précisément dans ce genre de situation, où la Commission était sur la piste d’une entente de portée mondiale, que cette dernière n’était aucunement tenue de se limiter à l’examen de documents professionnels concernant des projets de câbles électriques internes à l’Union ou à l’EEE. Compte tenu de ses soupçons concernant une telle entente, la Commission pouvait naturellement s’intéresser, en l’espèce, à des projets de câbles électriques situés dans des pays tiers. En effet, il est évident
que des documents relatifs à ces projets peuvent aussi apporter des informations sur le fonctionnement d’une telle entente, quand bien même les projets en question n’auraient pas, en tant que tels, d’incidence sur le marché intérieur. Si les documents professionnels relatifs à un projet devant être mis en œuvre en dehors de l’Union ou de l’EEE révèlent, par exemple, que les membres de l’entente se répartissent les parts de marché au plan mondial et ne se font aucune concurrence sur leurs marchés
nationaux respectifs («stay-at-home agreement»: accord selon la règle du «chacun chez soi»), cela peut vouloir dire que l’entente était de nature à entraver la concurrence effective dans le marché intérieur.
66. Il est possible que, dans les ententes de portée mondiale, «l’arme encore fumante» maintes fois évoquée, c’est-à-dire un document par lequel ces entreprises ont fixé le contenu de leurs accords anticoncurrentiels pour tous leurs projets dans le monde, y compris le comportement qu’elles ont prévu d’adopter sur le marché intérieur européen, figure uniquement dans les documents professionnels relatifs à certaines opérations extra-européennes réalisées par les entreprises parties à l’entente. L’on
ne peut pas sérieusement soutenir que la Commission ne devrait pas verser ce genre d’éléments de preuve au dossier. Par conséquent, l’on ne saurait lui interdire de rechercher une telle preuve dans le cadre d’une inspection inopinée, serait-ce dans les documents professionnels relatifs à des projets extérieurs à l’Europe concernant les produits qui relèveraient de l’entente. Interrogé sur ce point par nous, le mandataire ad litem des requérantes l’a admis lors de l’audience.
67. Le fait que la Commission ait, en l’espèce, notamment recherché les preuves susmentionnées d’une répartition globale du marché dans le cadre de l’entente présumée était d’ailleurs bien indiqué dans la motivation de la décision d’inspection, qui évoquait des soupçons d’«attribution de clients» entre les parties aux accords ou pratiques anticoncurrentiels présumés ayant «probablement une portée mondiale» sur le marché des câbles électriques. En outre, le préambule de la décision d’inspection
indiquait que la Commission envisageait de vérifier «tous les faits relatifs aux accords et aux pratiques concertées présumés et le contexte dans lequel ils se sont déroulés».
68. Dans ces conditions, le grief soulevé par Nexans SA et Nexans France SAS, selon lequel le Tribunal aurait dû exiger une motivation plus détaillée sur ce point dans la décision d’inspection, nous semble particulièrement aberrant au vu de l’ensemble des circonstances de la présente espèce.
69. Contrairement à ce que pensent les requérantes, le droit international ne s’oppose pas non plus à ce type d’enquêtes ( 31 ). En particulier, il ne saurait être question d’une violation du principe de territorialité. En effet, les locaux inspectés par la Commission et les documents professionnels qu’elle a examinés se trouvaient sur le territoire de l’Union.
70. Certes, le principe de territorialité oblige en outre la Commission à enquêter exclusivement sur des agissements qui, compte tenu de leurs répercussions possibles, sont susceptibles d’affecter la concurrence sur le marché intérieur ( 32 ), mais cela ne signifie pas qu’elle devrait se limiter, dans ses inspections, aux seuls documents professionnels relatifs à des projets mis en œuvre par les parties à l’entente à l’intérieur de l’Union ou de l’EEE.
71. En effet, comme cela a déjà été indiqué, des documents professionnels relatifs à des projets locaux mis en œuvre dans des pays tiers peuvent aussi permettre de tirer des conclusions sur l’existence de pratiques anticoncurrentielles ayant d’éventuelles répercussions négatives sur la concurrence dans le marché intérieur, notamment lorsque ces documents apportent des informations sur le fonctionnement d’une entente de portée mondiale ou lorsque les projets en cause peuvent à leur tour avoir des
répercussions sur le marché intérieur en raison de leurs points communs avec des opérations internes à l’Union. Du point de vue du droit international, ce lien avec le marché intérieur est suffisant pour justifier des investigations de la Commission dans le cadre d’une enquête préalable concernant les documents professionnels en question.
72. Par conséquent, le Tribunal a relevé, à très juste titre, que «rien ne s’oppose [à ce que la Commission examine des documents relatifs à des marchés extra-européens] pour déceler des comportements susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché [intérieur]» ( 33 ).
c) Conclusion intermédiaire
73. Tout bien considéré, la première branche du premier moyen est donc dénuée de fondement.
2. Concernant le contrôle juridictionnel des soupçons qui sous‑tendent une décision d’inspection (seconde branche du premier moyen)
74. Par la seconde branche de leur premier moyen, Nexans SA et Nexans France SAS reprochent au Tribunal d’avoir violé le droit de l’Union en omettant d’examiner si la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction de portée mondiale aux règles de concurrence.
a) Recevabilité
75. Tout d’abord se pose la question de savoir si le grief soulevé dans le cadre de la seconde branche du premier moyen est recevable d’une manière générale. Il convient de déterminer si, par leur critique formulée devant la Cour relative à l’intensité du contrôle juridictionnel de la décision d’inspection, les requérantes ont choisi de soulever un tout nouveau point, qui n’avait pas été invoqué en première instance, pour conclure à une violation du droit. Si tel était le cas, cette branche du
premier moyen devrait être rejetée d’office comme étant irrecevable, même si aucune des parties n’a invoqué cet aspect dans la procédure devant la Cour ( 34 ).
76. En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Or, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui ( 35 ).
77. Les dispositions combinées de l’article 127, paragraphe 1, et de l’article 190, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour prévoient également logiquement que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
78. En première instance, Nexans SA et Nexans France SAS ont évoqué la problématique de la portée géographique de l’objet de l’enquête uniquement sous l’angle de la motivation de la décision d’inspection, c’est-à-dire au regard d’une erreur formelle de la Commission ( 36 ). Elles ont fait valoir en substance que l’allusion de la Commission à la portée «probablement mondiale» de l’infraction présumée aux règles de concurrence était trop vague et qu’elle ne leur permettait pas de saisir la portée
précise de l’enquête ni de leur devoir de collaboration ( 37 ). En outre, les requérantes estiment que la décision d’inspection ne comporte aucune indication concrète précisant à partir de quels marchés et de quelle manière d’éventuels accords ou pratiques anticoncurrentiels extérieurs à l’Union ont pu avoir une incidence sur le marché intérieur ( 38 ).
79. En revanche, dans leur argumentation devant le Tribunal, Nexans SA et Nexans France SAS n’ont à aucun moment émis de doute, d’un point de vue matériel, sur l’existence d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction de portée mondiale aux règles de concurrence. Elles n’ont d’ailleurs pas pu apporter la preuve qu’elles avaient soulevé un tel grief en première instance, en réponse à une question spécifique écrite de la Cour. Au contraire, leur mandataire ad litem a dû
admettre, lors de l’audience, que Nexans SA et Nexans France SAS n’avaient pas expressément soulevé ce grief pendant la procédure de première instance.
80. En outre, l’allégation formulée oralement par les requérantes indiquant que leur argumentation devant le Tribunal contenait un grief, implicite à tout le moins, selon lequel la Commission ne disposait pas d’indices suffisamment sérieux pour soupçonner une infraction de portée mondiale aux règles de concurrence, n’est pas très convaincante. Il est très peu probable que les avocats hautement spécialisés, qui représentent Nexans SA et Nexans France SAS dans la présente procédure, aient caché un
grief de fond concernant l’exactitude du contenu de la décision d’inspection parmi des arguments relatifs à sa légalité formelle au lieu de le soulever explicitement ( 39 ). Ce constat s’impose d’autant plus que, dans un autre contexte (il s’agissait de la portée matérielle de la décision d’inspection), Nexans SA et Nexans France SAS avaient précisément invoqué un tel grief de fond expressément ( 40 ).
81. Compte tenu de ces éléments, l’on doit considérer que le premier moyen comporte, dans sa seconde branche, un nouveau moyen. Ce moyen ne se fonde pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure et ne peut pas non plus être considéré comme un simple développement des arguments échangés en première instance. Il constitue plutôt une extension de l’objet du litige par rapport à celui de première instance et est donc irrecevable.
b) Bien-fondé
82. Ce n’est qu’à titre subsidiaire que nous examinons succinctement le bien‑fondé de cette seconde branche du premier moyen ci-après.
83. Par leur grief, Nexans SA et Nexans France SAS reprochent au Tribunal de ne pas avoir examiné si, lors de l’adoption de la décision d’inspection, la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction de portée mondiale aux règles de concurrence.
84. Ce grief doit être écarté.
85. Il ne fait aucun doute que toute décision d’inspection est soumise a posteriori à un contrôle juridictionnel tendant à vérifier si la Commission disposait d’indices suffisants pour corroborer les soupçons relatifs à une infraction grave aux règles de concurrence et justifier ainsi les mesures d’investigation ordonnées dans sa décision d’inspection ( 41 ). Un tel contrôle a posteriori suffit, en principe, à garantir de manière appropriée la protection des droits fondamentaux des entreprises
concernées ( 42 ).
86. Par sa nature même, ce contrôle a posteriori oblige la Commission à ne révéler qu’au stade de la procédure devant les juridictions compétentes, et non préalablement, dans la motivation de sa décision d’inspection ( 43 ), les informations qui justifiaient, selon elle, d’inspecter les locaux de l’entreprise concernée ( 44 ).
87. En outre, dans les affaires de concurrence, la procédure de recours devant les juridictions de l’Union repose sur le principe de l’administration de la preuve par les parties ( 45 ). Étant donné qu’en première instance, Nexans SA et Nexans France SAS n’ont émis aucun doute sur le fait que la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux pour suspecter une infraction de portée mondiale aux règles de concurrence ( 46 ), le Tribunal n’avait aucune raison de se pencher sur cette problématique.
En tout état de cause, le Tribunal n’avait pas à exploiter l’allusion extrêmement vague formulée par Nexans SA et Nexans France SAS au sujet du caractère purement local de certains projets extra-européens de câbles électriques pour remettre en cause globalement l’existence d’indices suffisants et effectuer d’office des vérifications sur la nature de l’entente présumée en tant qu’infraction de portée mondiale.
88. Contrairement à ce que pensent les requérantes, même le fait que les inspections inopinées constituent des ingérences graves dans les locaux des entreprises et donc, dans leur sphère protégée par les droits fondamentaux, ne change rien à cela. En effet, Nexans SA et Nexans France SAS étaient représentées par des avocats hautement spécialisés dont l’on pouvait s’attendre à ce qu’ils soulèvent tous les griefs nécessaires devant le Tribunal. Dans ces conditions, le juge pourrait, tout au plus,
avoir l’obligation d’examiner d’office l’ensemble des indices s’il décidait, sans entendre les parties ( 47 ), qu’une inspection inopinée est ou a été effectuée illégalement, ou encore si des motifs graves le laissaient penser. Or, aucun de ces cas de figure n’était caractérisé en l’espèce.
89. Enfin, il est à noter que la procédure devant la Cour a finalement confirmé l’existence d’indices qui permettaient en l’espèce à la Commission de suspecter raisonnablement une infraction de portée mondiale aux règles de concurrence. En effet, comme la Commission l’a indiqué dans son mémoire en réponse sans être contredite, et qu’elle a prouvé par des citations, elle disposait, au moment de l’adoption de la décision d’inspection, de déclarations orales d’un demandeur de mesures de clémence
comportant des indices concrets d’une entente mondiale, dont les membres se répartissaient notamment les parts de marché et limitaient leurs activités à leurs marchés nationaux respectifs ( 48 ). En outre, la Commission pouvait se fonder sur ses récentes expériences concrètes avec les agissements d’autres ententes auxquelles certaines de ces entreprises étaient parties.
90. Dans ces conditions, la Commission était fondée, dans le cadre de ses inspections inopinées, à rechercher des éléments de preuve relatifs à l’existence et au fonctionnement d’une telle entente de portée mondiale ( 49 ).
c) Conclusion intermédiaire
91. Tout bien considéré, la seconde branche du premier moyen doit donc être rejetée comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondée. Par conséquent, le premier moyen dans son ensemble ne saurait prospérer.
B – Sur le second moyen: décision du Tribunal sur les dépens
92. Par le second moyen, qui est dirigé contre les points 138 et 139 de l’arrêt attaqué, les requérantes font enfin valoir que la décision sur les dépens de la procédure de première instance est «manifestement déraisonnable».
93. Conformément à l’article 58, second alinéa, du statut de la Cour, un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens. La jurisprudence constante fait une interprétation extensive de cette disposition. En vertu de ladite jurisprudence, cette disposition s’étend aux cas dans lesquels un requérant ne se pourvoit pas seulement contre la décision sur les dépens, mais également contre d’autres points de la décision de première instance, sans toutefois obtenir gain de cause en
l’un quelconque de ses moyens ( 50 ).
94. Tel est le cas ici. Aucun des arguments des requérantes ne pouvant être retenu, conformément à ce qui a été indiqué précédemment ( 51 ), le moyen invoqué à l’encontre de la décision du Tribunal sur les dépens n’a pas lieu d’être examiné plus avant.
95. Par simple souci de concision, nous ajoutons que le Tribunal dispose, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure, d’une grande marge d’appréciation au regard de sa décision sur les dépens dont il n’a pas dépassé les limites en l’espèce. En première instance, Nexans SA et Nexans France SAS ont contesté, en de nombreux points juridiques, trois actes différents adoptés par la Commission. Elles n’ont obtenu gain de cause, pour partie, que concernant l’un de
ces actes (la décision d’inspection). Dans ces conditions, la condamnation de Nexans SA et Nexans France SAS par le Tribunal à supporter leurs propres dépens et la moitié de ceux exposés par la Commission nous semble tout à fait appropriée.
96. Le second moyen doit donc être rejeté comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.
VI – Dépens
97. Conformément à l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour statue sur les dépens lorsqu’elle rejette le pourvoi.
98. Il résulte des dispositions combinées de l’article 138, paragraphes 1 et 2, et de l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens; si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens. La Commission ayant conclu en ce sens et les requérantes ayant succombé en leurs moyens, elles doivent être condamnées aux dépens. Ayant introduit le pourvoi ensemble, elles devront supporter ces dépens
solidairement ( 52 ).
VII – Conclusion
99. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer de la manière suivante:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Les requérantes sont condamnées solidairement aux dépens.
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( 1 ) Langue originale: l’allemand.
( 2 ) La situation juridique antérieure à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne est celle qui est déterminante, car la décision d’inspection litigieuse a été adoptée et mise en œuvre avant le 1er décembre 2009.
( 3 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).
( 4 ) Arrêt Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596, ci-après l’«arrêt attaqué»).
( 5 ) Voir points 1 et 2 de l’arrêt attaqué.
( 6 ) Voir points 3 et 4 de l’arrêt attaqué.
( 7 ) Arrêts FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 96); Edwin/OHMI (C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 64) et Inuit Tapiriit Kanatami e.a/Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 82).
( 8 ) Voir, en ce sens, arrêts Moritz/Commission (C‑68/91 P, EU:C:1992:531, points 26 et 37 à 39); Acerinox/Commission (C‑57/02 P, EU:C:2005:453, points 36 et 37); Commission/Greencore (C‑123/03 P, EU:C:2004:783, points 40 et 41); France Télécom/Commission (C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 41); Komninou e.a./Commission (C‑167/06 P, EU:C:2007:633, point 22) et Mindo/Commission (C‑652/11 P, EU:C:2013:229, point 41).
( 9 ) Points 97 à 99 de l’arrêt attaqué.
( 10 ) En première instance, seuls quatre des 73 points de la requête de Nexans SA et Nexans France SAS (points 37 à 40) ainsi que deux des 41 points de leur mémoire en réplique (points 19 et 20) étaient consacrés à cette question.
( 11 ) Point 97 de l’arrêt attaqué.
( 12 ) Points 98 et 99 de l’arrêt attaqué.
( 13 ) Point 99 de l’arrêt attaqué.
( 14 ) Arrêts Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 80) et Gogos/Commission (C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 35).
( 15 ) Arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63); Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 166) et Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 115).
( 16 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:73, point 206) ainsi que nos conclusions dans l’affaire Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:256, point 138).
( 17 ) Le reproche des requérantes, selon lequel la Commission adopte en l’espèce une approche globale tous azimuts (dans la langue de procédure: «global dragnet approach»), va dans le même sens.
( 18 ) Arrêts Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 29); Dow Benelux/Commission (85/87, EU:C:1989:379, points 8 et 40); Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (97/87 à 99/87, EU:C:1989:380, points 26 et 45) et Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 47); voir, dans le même sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 299). Cette jurisprudence concerne
certes la réglementation antérieure à l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, mais elle est aisément transposable à cette dernière disposition.
( 19 ) Arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France (EU:C:1998:154, point 63), Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (EU:C:2008:392, point 166) et Ziegler/Commission (EU:C:2013:513, point 116).
( 20 ) Voir, en ce sens, arrêt National Panasonic/Commission (136/79, EU:C:1980:169, point 21), conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire Hoechst/Commission (EU:C:1989:73, point 174) ainsi que nos conclusions dans l’affaire Solvay/Commission (EU:C:2011:256, point 143).
( 21 ) Voir, en ce sens, concernant la question de la poursuite d’une infraction à l’article 81 CE ou 82 CE, les conclusions de l’avocat général Mischo dans l’affaire Hoechst/Commission (EU:C:1989:73, point 176) ainsi que nos conclusions dans l’affaire Solvay/Commission (EU:C:2011:256, point 144).
( 22 ) Arrêts Hoechst/Commission (EU:C:1989:337, point 41); Dow Benelux/Commission (EU:C:1989:379, point 10), Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, point 45) et Roquette Frères (EU:C:2002:603, point 82).
( 23 ) Point 52.
( 24 ) Ibidem (point 51).
( 25 ) Arrêt Roquette Frères (EU:C:2002:603, point 83).
( 26 ) Arrêts Hoechst/Commission (EU:C:1989:337, point 41); Dow Benelux/Commission (EU:C:1989:379, point 9) et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, point 45); voir également nos conclusions dans l’affaire Solvay/Commission (EU:C:2011:256, point 138).
( 27 ) Arrêts Hoechst/Commission (EU:C:1989:337, point 19); Dow Benelux/Commission (EU:C:1989:379, point 30) et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, point 16).
( 28 ) Arrêt Roquette Frères (EU:C:2002:603, point 83).
( 29 ) Arrêt Roquette Frères (EU:C:2002:603, point 84); voir également arrêts Hoechst/Commission (EU:C:1989:337, point 27); Dow Benelux/Commission (EU:C:1989:379, point 38) et Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, point 24).
( 30 ) Voir, à cet égard, considérant 24 du règlement no 1/2003 ainsi que son article 4, puis les arrêts National Panasonic/Commission (EU:C:1980:169, point 20), AM & S Europe/Commission (155/79, EU:C:1982:157, point 15); Hoechst/Commission (EU:C:1989:337, point 25); Dow Benelux/Commission (EU:C:1989:379, point 36); Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, point 22) et Roquette Frères (EU:C:2002:603, point 42).
( 31 ) Les requérantes n’évoquent certes des aspects du droit international que dans la seconde branche du premier moyen, mais il nous paraît plus opportun de débattre de leur argument sur ce point déjà dans le cadre de cette première branche du premier moyen.
( 32 ) Voir, à cet égard, arrêt de principe «pâtes de bois», Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, points 15 à 17).
( 33 ) Point 99, dernière phrase, de l’arrêt attaqué.
( 34 ) En l’espèce, ce n’est que lors de l’audience devant la Cour que la Commission a conclu au rejet de cette seconde branche du premier moyen comme étant irrecevable.
( 35 ) Arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 165); Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 111) ainsi que Groupe Gascogne/Commission (C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 35).
( 36 ) Voir le paragraphe 3.2.3 (points 37 à 40) de la requête en première instance qui est intitulé «Portée géographique trop étendue».
( 37 ) Points 39 et 40 de la requête en première instance.
( 38 ) Points 37 et 38 de la requête en première instance.
( 39 ) Concernant la jurisprudence constante, selon laquelle, lors du contrôle juridictionnel des actes du droit de l’Union, la légalité formelle doit être distinguée de la légalité au fond, voir arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France (EU:C:1998:154, point 67); Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (EU:C:2008:392, point 181) et Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, point 46).
( 40 ) Voir points 60 à 94 de l’arrêt attaqué.
( 41 ) Arrêts Roquette Frères (EU:C:2002:603, points 49 et 50) ainsi que (implicitement) Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, point 52).
( 42 ) Cour eur. D. H., arrêts Smirnov c. Russie du 7 juin 2007 (requête no 71362/01, Recueil des arrêts et décisions 2007‑VII, point 45), Harju c. Finlande du 15 février 2011 (requête no 56716/09, points 40 et 44) et Heino c. Finlande du 15 mai 2011 (requête no 56720/09, point 45).
( 43 ) Voir également, à cet égard, arrêt Dalmine/Commission (C‑407/04 P, EU:C:2007:53, point 60), dans lequel la Cour admet le risque que les entreprises concernées pourraient cacher des éléments de preuve si elles étaient, déjà lors de la première phase de l’enquête, en mesure d’identifier les informations dont la Commission dispose à ce stade.
( 44 ) Voir, en ce sens, arrêts Hoechst/Commission (EU:C:1989:337, point 41); Dow Benelux/Commission (EU:C:1989:379, points 9 et 15); Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, points 45 à 51) et Roquette Frères (EU:C:2002:603, points 60 à 62).
( 45 ) Concernant, en particulier, le principe de l’administration de la preuve par les parties relatif aux décisions d’inspection, voir arrêts Dow Chemical Ibérica e.a./Commission (EU:C:1989:380, point 52); concernant, en général, ce principe en droit de la concurrence, voir arrêts Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, points 64 et 65) et Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 61, première phrase) ainsi que nos conclusions dans l’affaire Alliance One International et Standard Commercial
Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a. (C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:11, point 99), et nos conclusions dans l’affaire Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:248, point 47).
( 46 ) Voir également points 78 et 79 des présentes conclusions.
( 47 ) C’est habituellement le cas lorsqu’une juridiction nationale est appelée à autoriser, à titre préventif, l’application de mesures coercitives préalablement à une inspection inopinée (article 20, paragraphes 7 et 8, du règlement no 1/2003).
( 48 ) Ces déclarations du demandeur de mesures de clémence avaient déjà fait, pour partie, l’objet d’un débat contradictoire dans la procédure de première instance devant le Tribunal.
( 49 ) Nous avons déjà analysé, aux points 69 à 72 des présentes conclusions, les arguments de droit international invoqués par les requérantes dans le cadre de la seconde branche du premier moyen.
( 50 ) Voir ordonnance de la Cour Roujansky/Conseil (C‑253/94 P, EU:C:1995:4, points 12 à 14) ainsi que les arrêts Henrichs/Commission (C‑396/93 P, EU:C:1995:280, points 65 et 66); Commission et France/TF1 (C‑302/99 P et C‑308/99 P, EU:C:2001:408, point 31) ainsi que Tralli/BCE (C‑301/02 P, EU:C:2005:306, point 88) et Gualtieri/Commission (C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 111).
( 51 ) Voir, à cet égard, nos remarques sur le premier moyen aux points 24 à 86 des présentes conclusions.
( 52 ) Arrêt Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 123); dans le même sens, arrêt D et Suède/Conseil (C‑122/99 P et C‑125/99 P, EU:C:2001:304, point 65); dans ce dernier cas, D et le Royaume de Suède avaient même introduit deux pourvois séparés et ont pourtant été condamnés solidairement aux dépens.