ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
11 septembre 2014 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Marchés publics — Directive 89/665/CEE — Article 2 quinquies, paragraphe 4 — Interprétation et validité — Procédures de recours en matière de passation de marchés publics — Absence d’effets du contrat — Exclusion»
Dans l’affaire C‑19/13,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Italie), par décision du 14 décembre 2012, parvenue à la Cour le 15 janvier 2013, dans la procédure
Ministero dell’Interno
contre
Fastweb SpA,
en présence de:
Telecom Italia SpA,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2014,
considérant les observations présentées:
— pour Fastweb SpA, par Mes P. Stella Richter et G. L. Tosato, avvocati,
— pour Telecom Italia SpA, par Mes F. Cardarelli, F. Lattanzi et F. S. Cantella, avvocati,
— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Fiengo, avvocato dello Stato,
— pour le gouvernement autrichien, par M. M. Fruhmann, en qualité d’agent,
— pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna ainsi que par Mmes M. Szwarc et E. Gromnicka, en qualité d’agents,
— pour le Parlement européen, par MM. J. Rodrigues et L. Visaggio, en qualité d’agents,
— pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme P. Mahnič Bruni et M. A. Vitro, en qualité d’agents,
— pour la Commission européenne, par Mme L. Pignataro-Nolin et M. A. Tokár, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 avril 2014,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation et la validité de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du
11 décembre 2007 (JO L 335, p. 31, ci-après la «directive 89/665»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministero dell’Interno, Dipartimento di Pubblica Sicurezza (ministère de l’Intérieur, département de sécurité publique, ci-après le «Ministero dell’Interno») à Fastweb SpA (ci-après «Fastweb») au sujet de l’attribution à Telecom Italia SpA (ci-après «Telecom Italia») d’un marché public relatif à la fourniture de services de communications électroniques dans le cadre d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de
marché.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2007/66
3 Les considérants 3, 13, 14, 21, 26 et 36 de la directive 2007/66 énoncent:
«(3) [...] il conviendrait de renforcer les garanties de transparence et de non-discrimination que [les directives 89/665 et 92/13/CEE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 76, p. 14),] cherchent à assurer afin que la
Communauté dans son ensemble puisse bénéficier pleinement des effets positifs de la modernisation et de la simplification des règles relatives à la passation des marchés publics auxquelles ont abouti les directives 2004/18/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114),] et 2004/17/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant
coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO L 134, p. 1)]. Il convient donc d’apporter aux directives [89/665] et [92/13] les précisions indispensables pour atteindre les résultats recherchés par le législateur communautaire.
[...]
(13) Afin de lutter contre la passation illégale de marchés de gré à gré, que la Cour de justice a qualifiée de violation la plus importante du droit communautaire en matière de marchés publics de la part d’un pouvoir adjudicateur ou d’une entité adjudicatrice, il convient de prévoir une sanction effective, proportionnée et dissuasive. Par conséquent, un contrat résultant d’un marché de gré à gré illégal devrait être considéré en principe comme dépourvu d’effets. L’absence d’effets ne devrait pas
être automatique mais devrait être établie par une instance de recours indépendante ou découler d’une décision prise par une telle instance.
(14) L’absence d’effets est la manière la plus efficace de rétablir la concurrence et de créer de nouvelles perspectives commerciales pour les opérateurs économiques qui ont été privés illégalement de la possibilité de participer à la procédure de passation de marché. Les marchés de gré à gré au sens de la présente directive devraient inclure tous les marchés passés sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne au sens de la directive [2004/18]. Cela
correspond à une procédure sans mise en concurrence préalable au sens de la directive [2004/17].
[...]
(21) Lorsque les États membres définissent des règles prévoyant qu’un marché est considéré comme dépourvu d’effets, l’objectif à atteindre est que les droits et les obligations des parties au marché cessent d’être exercés et exécutés. Les conséquences de l’absence d’effets d’un marché devraient être déterminées par le droit national. Le droit national pourrait donc par exemple prévoir l’annulation rétroactive de toutes les obligations contractuelles (ex tunc) ou, inversement, limiter la portée de
l’annulation aux obligations qui devraient encore être exécutées (ex nunc). Cela ne devrait pas conduire à l’absence de sanctions rigoureuses si les obligations découlant d’un marché ont déjà été exécutées dans leur totalité ou dans leur quasi-totalité. Dans de tels cas, les États membres devraient prévoir également des sanctions de substitution prenant en compte la mesure dans laquelle un contrat continue à produire des effets en application du droit national. De même, les conséquences d’une
éventuelle récupération de sommes qui pourraient avoir été versées ainsi que de toutes les autres formes de restitution possibles – y compris les restitutions en valeur lorsqu’une restitution en nature n’est pas possible – doivent être déterminées par le droit national.
[...]
(26) Afin d’éviter l’incertitude juridique susceptible de découler de l’absence d’effets, les États membres devraient prévoir une dérogation à la possibilité de faire constater l’absence d’effets dans les cas où le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice considère que l’attribution d’un marché de gré à gré sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est autorisée conformément aux directives [2004/18] et [2004/17] et a appliqué un délai de
suspension minimal qui permet l’introduction d’un recours efficace. La publication volontaire qui déclenche ce délai de suspension n’entraîne aucune extension des obligations découlant des directives [2004/18] ou [2004/17].
[...]
(36) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la «Charte»]. En particulier, la présente directive vise à assurer le plein respect du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, conformément à l’article 47, premier et deuxième alinéas, de ladite charte.»
La directive 89/665
4 Le troisième considérant de la directive 89/665 est libellé comme suit:
«[...] l’ouverture des marchés publics à la concurrence communautaire nécessite un accroissement substantiel des garanties de transparence et de non-discrimination et [...] il importe, pour qu’elle soit suivie d’effets concrets, qu’il existe des moyens de recours efficaces et rapides en cas de violation du droit communautaire en matière de marché public ou des règles nationales transposant ce droit».
5 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 89/665:
«Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d’application de la directive [2004/18], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de
marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.»
6 L’article 2 de la directive 89/665, intitulé «Exigences en matière de procédures de recours», prévoit, à son paragraphe 1:
«Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant:
[...]
b) d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;
c) d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation.»
7 L’article 2, paragraphe 7, premier alinéa, de la directive 89/665 dispose:
«Sauf dans les cas prévus aux articles 2 quinquies à 2 septies, les effets de l’exercice des pouvoirs visés au paragraphe 1 du présent article sur le contrat conclu à la suite de l’attribution d’un marché sont déterminés par le droit national.»
8 L’article 2 quinquies de la directive 89/665, intitulé «Absence d’effets», énonce:
«1. Les États membres veillent à ce qu’un marché soit déclaré dépourvu d’effets par une instance de recours indépendante du pouvoir adjudicateur ou à ce que l’absence d’effets dudit marché résulte d’une décision d’une telle instance dans chacun des cas suivants:
a) si le pouvoir adjudicateur a passé un marché sans avoir préalablement publié un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive [2004/18];
[...]
2. Les conséquences du constat de l’absence d’effets d’un marché sont déterminées par le droit national.
Le droit national peut prévoir l’annulation rétroactive de toutes les obligations contractuelles ou limiter la portée de l’annulation aux obligations qui doivent encore être exécutées. Dans ce deuxième cas, les États membres prévoient l’application d’autres sanctions au sens de l’article 2 sexies, paragraphe 2.
[...]
4. Les États membres prévoient que le paragraphe 1, [sous] a), du présent article ne s’applique pas si:
— le pouvoir adjudicateur estime que la passation du marché sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est autorisée en vertu des dispositions de la directive [2004/18],
— le pouvoir adjudicateur a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention de conclure le marché, tel que décrit à l’article 3 bis de la présente directive, et
— le marché n’a pas été conclu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de publication de cet avis.
[...]»
9 Selon l’article 3 bis de la directive 89/665, intitulé «Contenu d’un avis en cas de transparence ex ante volontaire», l’avis visé à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, deuxième tiret, de cette directive contient le nom et les coordonnées du pouvoir adjudicateur, la description de l’objet du marché, la justification de la décision du pouvoir adjudicateur d’attribuer le marché sans publication préalable d’avis de marché, le nom et les coordonnées de l’opérateur auquel il a été décidé d’attribuer le
marché et, le cas échéant, toute autre information jugée utile par le pouvoir adjudicateur.
La directive 2004/18
10 L’article 2 de la directive 2004/18, intitulé «Principes de passation des marchés», énonce:
«Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence.»
11 Aux termes de l’article 31 de la directive 2004/18, intitulé «Cas justifiant le recours à la procédure négociée sans publication d’un avis de marché»:
«Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché dans les cas suivants:
1) dans le cas des marchés publics de travaux, de fournitures et de services:
[...]
b) lorsque, pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé;
[...]»
La directive 2009/81/CE
12 Aux termes de l’article 28 de la directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (JO L 216, p. 76), intitulé «Cas justifiant le recours à la procédure négociée sans publication d’un avis de
marché»:
«Dans les cas suivants, les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices peuvent passer leurs marchés en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché et justifient le recours à cette procédure dans l’avis d’attribution de marché conformément à l’article 30, paragraphe 3:
1. dans le cas des marchés de travaux, de fournitures et de services:
[...]
e) lorsque, pour des raisons techniques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé;
[...]»
13 L’article 60 de cette directive, intitulé «Absence d’effets», dispose:
«1. Les États membres veillent à ce qu’un marché soit déclaré dépourvu d’effets par une instance de recours indépendante du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice ou à ce que l’absence d’effets dudit marché résulte d’une décision d’une telle instance dans chacun des cas suivants:
a) lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ont passé un marché sans avoir préalablement publié d’avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la présente directive;
[...]
4. Les États membres prévoient que le paragraphe 1, [sous] a), ne s’applique pas si:
— le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice estiment que la passation du marché sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est autorisée en vertu des dispositions de la présente directive,
— le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ont publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention de conclure le marché, tel que décrit à l’article 64, et
— le marché n’a pas été conclu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de publication de cet avis.
[...]»
Le droit italien
14 La directive 2007/66 a été transposée dans l’ordre juridique italien par le décret législatif no 53, du 20 mars 2010, dont le contenu a été intégré par la suite aux articles 120 à 125 du décret législatif no 104, portant code de procédure administrative (decreto legislativo no 104 – Codice di procedura amministrativa), du 2 juillet 2010 (supplément ordinaire à la GURI no 158, du 7 juillet 2010, ci-après le «code de procédure administrative»).
15 Il ressort de l’article 121 du code de procédure administrative que, en cas de violations graves, telles qu’une attribution non autorisée d’un marché par une procédure négociée sans publication préalable d’un avis, il est nécessaire, sauf dérogations et nonobstant le pouvoir d’appréciation réservé au juge administratif, de priver d’effets le contrat conclu à la suite d’une telle procédure.
16 Parmi les dérogations à cette règle, l’article 121, paragraphe 5, de ce code, qui transpose l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, prévoit qu’un contrat conserve néanmoins ses effets lorsque le pouvoir adjudicateur a, par un acte motivé antérieur au lancement de la procédure d’attribution, déclaré que la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché est permise par le code de procédure administrative, publié un avis en cas de transparence ex ante
volontaire, et n’a pas conclu le contrat concerné avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de la publication de ce dernier avis.
17 Selon l’article 122 du code de procédure administrative, portant sur les autres cas de violations, le juge national établit, dans les limites fixées à cet article, s’il convient de déclarer le contrat dépourvu d’effets.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 Il ressort de la décision de renvoi que le Ministero dell’Interno a conclu, en 2003, une convention avec Telecom Italia pour la gestion et le développement des services de télécommunications.
19 Cette convention venant à expiration le 31 décembre 2011, le Ministero dell’Interno a désigné, par une décision du 15 décembre 2011, Telecom Italia comme son fournisseur et son partenaire technologique pour la gestion et le développement de ces services.
20 En vue de l’attribution du marché des communications électroniques, le Ministero dell’Interno a estimé pouvoir recourir à la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, prévue à l’article 28, paragraphe 1, sous e), de la directive 2009/81 et à l’article 57, paragraphe 2, sous b), du décret législatif no 163, du 12 avril 2006, portant le code des marchés publics de travaux, de services et de fournitures en application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (decreto
legislativo n. 163 – Codice dei contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture in attuazione delle direttive 2004/17/CE e 2004/18/CE), du 12 avril 2006 (supplément ordinaire à la GURI no 100, du 2 mai 2006), tel que modifié par le décret législatif no 152, du 11 septembre 2008 (supplément ordinaire à la GURI no 231, du 2 octobre 2008, ci-après le «décret législatif no 163/2006»).
21 Conformément à cette dernière disposition, le pouvoir adjudicateur peut passer un marché en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché «lorsque, pour des raisons techniques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé».
22 Le Ministero dell’Interno a, en l’occurrence, considéré que, pour des raisons techniques et de protection de certains droits exclusifs, Telecom Italia était le seul opérateur économique en mesure d’exécuter le marché en cause.
23 Ayant recueilli, le 20 décembre 2011, l’avis favorable de l’Avvocatura Generale sur la procédure envisagée, le Ministero dell’Interno a publié le même jour au Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention d’attribuer à Telecom Italia ce marché.
24 Le 22 décembre 2011, le Ministero dell’Interno a invité Telecom Italia à participer à la négociation.
25 À l’issue de cette négociation, les parties ont signé, le 31 décembre 2011, une convention-cadre ayant pour objet «la fourniture au Département de sécurité publique et au Corps des carabinieri, de services de communications électroniques, en particulier de phonie vocale, de phonie mobile et de transmission de données».
26 L’avis d’attribution du marché a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 16 février 2012.
27 Fastweb a introduit un recours devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Lazio) tendant à l’annulation de l’attribution du marché et à la déclaration de l’absence d’effets du contrat conclu, au motif que les conditions visées à l’article 28 de la directive 2009/81 et à l’article 57 du décret législatif no 163/2006, permettant de recourir à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, n’étaient pas réunies.
28 Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a accueilli le recours de Fastweb. Il a considéré que les raisons justifiant le recours à cette procédure, invoquées par le Ministero dell’Interno, constituaient non pas des raisons techniques, au sens de l’article 57, paragraphe 2, sous b), du décret législatif no 163/2006, pour lesquelles le marché ne pouvait être confié qu’à un opérateur économique déterminé, mais plutôt des raisons d’opportunité. Tout en annulant la décision d’attribution, le
Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a estimé qu’il ne pouvait, en application de l’article 121, paragraphe 5, du code de procédure administrative, prononcer l’absence d’effets du contrat conclu le 31 décembre 2011, puisque les conditions prévues à cette disposition excluant l’application de ce principe étaient remplies. Toutefois, en application de l’article 122 de ce code, il a déclaré le contrat dépourvu d’effets, à compter du 31 décembre 2013.
29 Le Ministero dell’Interno et Telecom Italia ont interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato.
30 Par une ordonnance du 8 janvier 2013, le Consiglio di Stato a confirmé l’annulation de l’attribution du marché, au motif que le Ministero dell’Interno n’avait pas démontré que les conditions permettant de recourir à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis étaient réunies. Il a en effet considéré que les éléments du dossier faisaient apparaître non pas une impossibilité objective de confier le marché à des opérateurs économiques différents, mais le caractère inopportun d’un tel
choix, essentiellement parce que, selon le Ministero dell’Interno, cette solution entraînait des changements et des coûts et nécessitait une période d’adaptation.
31 À cet égard, si le Consiglio di Stato fait remarquer que la directive 2009/81 contient en matière de recours un régime presque équivalent à celui de la directive 89/665, il se concentre toutefois dans ses observations sur la directive 89/665.
32 Éprouvant toutefois des doutes quant aux conséquences qu’il convient de tirer d’une telle annulation s’agissant des effets du contrat en cause, compte tenu des termes de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, le Consiglio di Stato a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive [89/665] doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu’un pouvoir adjudicateur – avant d’attribuer le marché directement à un opérateur économique déterminé, choisi sans publication d’un avis de marché – a publié l’avis en cas de transparence ex ante volontaire au Journal officiel de l’Union européenne et a attendu au moins dix jours pour la conclusion du contrat, il est automatiquement interdit – toujours et en toute hypothèse – au juge
national de prononcer l’absence d’effets du contrat, même s’il constate la violation des normes qui permettent, à certaines conditions, d’attribuer le marché sans passer par une procédure d’appel d’offres?
2) Si l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive [89/665] est interprété comme excluant toute possibilité de prononcer l’absence d’effets du contrat en application du droit national (article 122 du code [de procédure administrative]), nonobstant le fait que le juge a constaté la violation des normes qui permettent, à certaines conditions, d’attribuer le marché sans passer par une procédure d’appel d’offres, cette disposition de la directive [89/665] est-elle conforme aux principes
d’égalité entre les parties, de non-discrimination et de protection de la concurrence et assure-t-elle le droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte [...]?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
33 Par sa première question la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un marché public est passé sans publication préalable d’un avis de marché sans que les conditions requises par la directive 2004/18 pour recourir à cette procédure soient réunies, cette disposition exclut que ce marché soit déclaré dépourvu d’effets lorsque le pouvoir adjudicateur a publié au Journal officiel de l’Union
européenne un avis en vue d’assurer une transparence ex ante et a respecté, avant la conclusion du marché, le délai de suspension minimal de dix jours à compter du lendemain du jour de la publication de cet avis.
34 À titre liminaire, il convient de rappeler que les dispositions de la directive 89/665, destinées à protéger les soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur, visent à renforcer les mécanismes existants pour assurer l’application effective des règles de l’Union en matière de passation de marchés publics, en particulier à un stade où les violations peuvent encore être corrigées (arrêt Commission/Autriche, C‑212/02, EU:C:2004:386, point 20 et jurisprudence citée).
35 En outre, ainsi qu’il ressort des considérants 3 et 4 de la directive 2007/66, celle-ci vise à améliorer les garanties de transparence et de non-discrimination que la directive 89/665 cherche à assurer afin de renforcer l’efficacité des procédures de recours introduites dans les États membres par les personnes ayant un intérêt à obtenir un marché.
36 L’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 89/665 impose aux États membres de prendre des mesures pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs puissent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de ladite directive.
37 À cette fin, l’article 2 de la directive 89/665, intitulé «Exigences en matière de procédures de recours», dispose, à son paragraphe 1, sous b), que les États membres sont tenus de prévoir dans le chef de l’instance responsable des procédures de recours le pouvoir d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales.
38 L’article 2 quinquies, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665 exige à cet égard que l’instance responsable de la procédure de recours déclare le marché dépourvu d’effets lorsque le pouvoir adjudicateur a attribué un marché sans avoir préalablement publié un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne, et sans que cela soit autorisé en vertu des dispositions de la directive 2004/18.
39 Cependant, le législateur de l’Union a prévu à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 une exception à cette règle d’absence d’effets du marché. Selon cette disposition, cette règle ne s’applique pas si, premièrement, le pouvoir adjudicateur estime que la passation du marché sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est autorisée en vertu des dispositions de la directive 2004/18, deuxièmement, le pouvoir adjudicateur a publié au
Journal officiel de l’Union européenne un avis exprimant son intention de conclure le marché, tel que décrit à l’article 3 bis de la directive 89/665, et, troisièmement, le marché n’a pas été conclu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de publication de cet avis.
40 Dès lors que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 constitue une exception à la règle d’absence d’effets du marché au sens de l’article 2 quinquies, paragraphe 1, de ladite directive, il doit faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, par analogie, arrêt Commission/Allemagne, C‑275/08, EU:C:2009:632, point 55 et jurisprudence citée). Toutefois, l’interprétation de cette exception doit être conforme aux objectifs qu’elle poursuit. Ainsi, ce principe d’interprétation
stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir l’exception visée audit article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celle-ci de ses effets (voir, par analogie, arrêt Future Health Technologies, C‑86/09, EU:C:2010:334, point 30 et jurisprudence citée).
41 Fastweb fait valoir que, conformément aux objectifs de la directive 89/665 ainsi qu’aux règles relatives à la liberté d’établissement et à la concurrence que le droit de l’Union en matière de passation des marchés publics vise à réaliser, cette exception n’est que facultative. À cet égard, elle soutient qu’il ressort des considérants 20 à 22 de la directive 2007/66 que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 n’exclut pas l’application de sanctions plus sévères en vertu du
droit national et, donc, la possibilité pour la juridiction nationale de décider, à l’issue d’une mise en balance des intérêts généraux et individuels en présence, s’il convient de déclarer l’absence d’effets du marché.
42 À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, de la directive 89/665, sauf dans les cas prévus aux articles 2 quinquies à 2 septies de cette directive, les effets de l’exercice des pouvoirs visés au paragraphe 1 dudit article 2 sur le contrat conclu à la suite de l’attribution d’un marché sont déterminés par le droit national. Il en résulte que, pour les situations visées, notamment, à l’article 2 quinquies de ladite directive, les mesures qui peuvent être prises
aux fins des recours dirigés contre les pouvoirs adjudicateurs ne sont déterminées que selon les règles prévues par cette directive. À cet égard, il y a lieu de relever que, selon l’article 2, paragraphe 7, de la directive 89/665, les cas prévus aux articles 2 quinquies à 2 septies de cette directive ne relèvent pas de la règle générale en vertu de laquelle les effets d’une violation du droit de l’Union en matière de marchés publics sont déterminés par le droit national. Par conséquent, les États
membres ne sont pas autorisés à prévoir dans leur droit national des dispositions portant sur les effets des violations du droit de l’Union en matière de marchés publics dans des circonstances telles que celles prévues à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de cette même directive.
43 Même s’il ressort des considérants 13 et 14 de la directive 2007/66 que la passation illégale de marchés de gré à gré constitue la violation la plus importante du droit de l’Union en matière de marchés publics, à l’égard de laquelle il convient de prévoir, en principe, comme sanction l’absence d’effets du contrat, le considérant 26 de cette directive met l’accent sur la nécessité d’éviter l’incertitude juridique qui pourrait résulter d’une telle absence dans le cas particulier de l’article 2
quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665.
44 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 57 de ses conclusions, en introduisant, par l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, cette exception à la règle de l’absence d’effets du contrat, le législateur de l’Union tend à concilier les différents intérêts en cause, à savoir ceux de l’entreprise lésée à qui il importe de réserver la faculté d’introduire un référé précontractuel et l’annulation du contrat illégalement conclu ainsi que ceux du pouvoir adjudicateur et de
l’entreprise sélectionnée qui impliquent d’éviter l’incertitude juridique susceptible de découler de l’absence d’effets du contrat.
45 Eu égard à ce qui précède, il convient de constater qu’il serait contraire tant au libellé qu’à l’objectif de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 de permettre aux juridictions nationales de déclarer que le marché est dépourvu d’effets lorsque les trois conditions visées à cette disposition sont remplies.
46 Cependant, afin d’atteindre les objectifs visés à l’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 89/665, notamment l’établissement de voies de recours efficaces contre les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs en violation du droit des marchés publics, il importe que l’instance responsable de la procédure de recours exerce un contrôle effectif lorsqu’elle vérifie si les conditions visées à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 sont remplies.
47 En particulier, la condition prévue audit article 2 quinquies, paragraphe 4, premier tiret, porte sur le fait que le pouvoir adjudicateur estime que la passation du marché sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne est autorisée en vertu des dispositions de la directive 2004/18. En outre, la condition figurant au deuxième tiret de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 prévoit que le pouvoir adjudicateur publie au Journal officiel
de l’Union européenne un avis exprimant son intention de conclure le marché, tel que décrit à l’article 3 bis de ladite directive. Conformément à cet article 3 bis, sous c), l’avis doit contenir la justification de la décision du pouvoir adjudicateur d’attribuer le marché sans publication préalable d’avis de marché.
48 À ce dernier égard, ladite justification doit faire apparaître de façon claire et non équivoque les raisons ayant conduit le pouvoir adjudicateur à estimer qu’il pouvait passer le marché sans publication préalable d’un avis de marché, afin de permettre aux intéressés de décider en pleine connaissance de cause s’ils estiment utile de saisir l’instance responsable de la procédure de recours et à cette dernière d’exercer un contrôle effectif.
49 Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, dans l’affaire au principal, le pouvoir adjudicateur a eu recours à la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché en se fondant sur l’article 31, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/18. À cet égard, il convient de rappeler qu’il ne peut être recouru à la procédure négociée que dans les circonstances limitativement mentionnées par les articles 30 et 31 de la directive 2004/18 et que cette procédure revêt, par rapport aux
procédures ouverte et restreinte, un caractère exceptionnel (arrêt Commission/Belgique, C‑292/07, EU:C:2009:246, point 106 et jurisprudence citée).
50 Dans le cadre de son contrôle, l’instance responsable de la procédure de recours est tenue d’apprécier si, lorsqu’il a pris la décision de passer un marché en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, le pouvoir adjudicateur a agi de manière diligente et s’il pouvait estimer que les conditions posées à l’article 31, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/18 étaient effectivement réunies.
51 Parmi les éléments que cette instance doit prendre en considération à cet égard figurent les circonstances et les raisons, mentionnées dans l’avis prévu à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, deuxième tiret, de la directive 89/665, ayant conduit le pouvoir adjudicateur à recourir à la procédure négociée prévue à l’article 31 de la directive 2004/18.
52 Si, à l’issue de son contrôle, l’instance responsable de la procédure de recours constate que les conditions visées à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 ne sont pas réunies, celle-ci doit alors déclarer que le marché est dépourvu d’effets conformément à la règle visée au paragraphe 1, sous a), de cet article. Elle détermine les conséquences de la déclaration d’absence d’effets du marché en vertu de l’article 2 quinquies, paragraphe 2, de la directive 89/665, conformément
au droit national.
53 En revanche, si ladite instance constate que ces conditions sont réunies, celle-ci est tenue de maintenir les effets du marché en application de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665.
54 Il convient, dès lors, de répondre à la première question que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un marché public est passé sans publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne alors que cela n’était pas autorisé en vertu de la directive 2004/18, cette disposition exclut que ce marché soit déclaré dépourvu d’effets lorsque les conditions énoncées à ladite disposition sont remplies, ce qu’il
appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Sur la seconde question
55 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, dans l’hypothèse où il serait répondu par l’affirmative à la première question, si l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 est valide au regard du principe de non-discrimination et du droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte.
56 À cet égard, Fastweb soutient que la publication d’un avis en cas de transparence ex ante volontaire au Journal officiel de l’Union européenne et le respect du délai de suspension minimal de dix jours entre cette publication et la conclusion du marché n’assurent pas le respect du principe de protection juridictionnelle effective. En effet, une telle publication ne garantit pas que les concurrents potentiels soient informés de l’attribution d’un marché à un opérateur économique déterminé, en
particulier si la publication intervient pendant une période où les activités sont réduites ou interrompues.
57 S’agissant du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, l’article 47, premier alinéa, de la Charte énonce que toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article.
58 Il résulte d’une jurisprudence constante que la fixation de délais raisonnables de recours, sous peine de forclusion, dans l’intérêt de la sécurité juridique, protégeant à la fois le particulier et l’administration concernés, est compatible avec le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective. De tels délais ne doivent pas être de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens,
arrêt Pelati, C‑603/10, EU:C:2012:639, point 30 et jurisprudence citée).
59 En outre, les dispositions de la directive 89/665, destinées à protéger les soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur, visent à renforcer les mécanismes existants pour assurer l’application effective des règles de l’Union en matière de passation de marchés publics, en particulier à un stade où les violations peuvent encore être corrigées. Une telle protection ne peut être effective si l’intéressé n’est pas en mesure de se prévaloir de ces règles vis-à-vis du pouvoir
adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt Commission/Autriche, EU:C:2004:386, point 20).
60 Ainsi, une protection juridictionnelle effective exige que les intéressés soient informés d’une décision d’attribution un certain temps avant la conclusion du marché, afin que ceux-ci disposent d’une réelle possibilité d’intenter un recours, dont notamment une demande de mesures provisoires jusqu’à ladite conclusion (voir, en ce sens, arrêts Commission/Espagne, C‑444/06, EU:C:2008:190, points 38 et 39, ainsi que Commission/Irlande, C‑456/08, EU:C:2010:46, point 33).
61 L’article 2 quinquies, paragraphe 4, deuxième tiret, de la directive 89/665 garantit, en prévoyant la publication au Journal officiel de l’Union européenne d’un avis exprimant une intention de conclure un marché, au sens de l’article 3 bis de la directive 89/665, la transparence de l’attribution d’un marché. Cette disposition vise ainsi à assurer que tous les candidats potentiellement concernés soient en mesure de prendre connaissance de la décision du pouvoir adjudicateur d’attribuer le marché
sans publication préalable d’avis de marché. En outre, conformément au troisième tiret de cette disposition, le pouvoir adjudicateur est tenu de respecter un délai de suspension de dix jours. Ainsi, les intéressés sont mis en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu.
62 En outre, il convient également de souligner que, même lorsque le délai de suspension d’au moins dix jours calendaires, prévu à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, est écoulé, les opérateurs lésés peuvent introduire une action en dommages et intérêts en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/665.
63 À cet égard, ainsi que cela ressort du point 44 du présent arrêt, il convient de tenir compte du fait que, par l’exception prévue à l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, le législateur de l’Union vise à concilier différents intérêts, à savoir ceux de l’entreprise lésée, en lui ouvrant le droit d’introduire un référé précontractuel et d’obtenir l’annulation du marché illégalement conclu, ainsi que ceux du pouvoir adjudicateur et de l’entreprise sélectionnée, en limitant
l’incertitude juridique qui pourrait résulter de l’absence d’effets du marché.
64 Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, en ce qu’il prévoit le maintien des effets d’un marché, n’est pas contraire aux exigences découlant de l’article 47 de la Charte.
65 Il en va de même du principe de non-discrimination qui poursuit, dans le domaine du marché public, les mêmes objectifs d’assurer, notamment, la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres (voir, notamment, arrêts Wall, C‑91/08, EU:C:2010:182, point 48, et Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, point 28). En effet, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 61 du présent arrêt, l’article 2 quinquies, paragraphe 4, deuxième tiret, de la directive
89/665 vise à assurer que tous les candidats potentiellement concernés soient en mesure de prendre connaissance de la décision du pouvoir adjudicateur d’attribuer le marché sans publication préalable d’avis de marché et, ainsi, d’introduire un recours contre une telle décision visant à contrôler la légalité de celle-ci.
66 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’examen de celle-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665.
Sur les dépens
67 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:
1) L’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un marché public est passé sans
publication préalable d’un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne alors que cela n’était pas autorisé en vertu de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, cette disposition exclut que ce marché soit déclaré dépourvu d’effets lorsque les conditions énoncées à ladite disposition sont remplies, ce qu’il appartient à la
juridiction de renvoi de vérifier.
2) L’examen de la seconde question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665, telle que modifiée par la directive 2007/66.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’italien.