ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
16 octobre 2014 (*)
«Pourvoi – FEOGA, FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement communautaire – Dépenses effectuées par la République de Pologne»
Dans l’affaire C‑273/13 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 mai 2013,
République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par M. P. Rossi et M^me A. Szmytkowska, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Borg Barthet (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, M. E. Levits et M^me M. Berger, juges,
avocat général: M^me E. Sharpston,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, la République de Pologne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Pologne/Commission (T‑241/10, EU:T:2013:96, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2010/152/UE de la Commission, du 11 mars 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section
«Garantie», du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 63, p. 7, ci-après la «décision litigieuse»), en ce qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par la République de Pologne.
Le cadre juridique
2 Le considérant 13 du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p.
1), énonce:
«Les différents éléments du système intégré visent à améliorer l’efficacité des procédures de gestion et de contrôle. Par conséquent, en ce qui concerne les régimes communautaires ne relevant pas du présent règlement, il convient d’autoriser les États membres à y avoir recours pour autant qu’ils n’enfreignent pas, de quelque manière que ce soit, les dispositions concernées.»
3 L’article 18 du règlement n° 1782/2003, intitulé «Éléments du système intégré», dispose:
«1. Le système intégré comprend les éléments suivants:
a) une base de données informatisée;
b) un système d’identification des parcelles agricoles;
c) un système d’identification et d’enregistrement des droits au paiement tel que visé à l’article 21;
d) des demandes d’aide;
e) un système intégré de contrôle;
f) un système unique d’identification de chaque agriculteur introduisant une demande d’aide.
[...]»
4 L’article 20 de ce règlement prévoit:
«Le système d’identification des parcelles agricoles est constitué sur la base de plans et de documents cadastraux ou d’autres références cartographiques. Les techniques utilisées s’appuient sur un système d’information géographique informatisé comprenant de préférence une couverture d’ortho-imagerie aérienne ou spatiale, avec des normes homogènes garantissant une précision au moins équivalente à celle de la cartographie à une échelle de 1:10 000.»
5 L’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement n° 1782/2003 (JO L 141, p. 18), est libellé comme suit:
«L’État membre veille à ce qu’au moins 90 % de la superficie individuelle d’au moins 75 % des parcelles de référence faisant l’objet d’une demande d’aide soit éligible en vertu du régime de paiement unique. Cette appréciation est effectuée annuellement à l’aide de méthodes statistiques appropriées.»
6 Aux termes de l’article 53 du règlement n° 796/2004:
«Lorsque les différences entre la superficie déclarée et la superficie déterminée conformément à l’article 50, paragraphes 3, 4, point b), et 5, proviennent d’irrégularités commises intentionnellement, l’agriculteur se voit refuser le bénéfice des régimes d’aide auxquels il aurait pu prétendre en application de l’article 50, paragraphes 3, 4, point b), et 5, pour l’année civile considérée.
En outre, si la différence excède 20 % de la superficie déterminée, l’agriculteur est à nouveau exclu du bénéfice de l’aide à concurrence d’un montant égal au montant correspondant à la différence entre la superficie déclarée et la superficie déterminée conformément à l’article 50, paragraphes 3, 4, point b), et 5. Ce montant est retenu sur les paiements à effectuer au titre de n’importe lequel des régimes d’aide visés aux titres III et IV du règlement (CE) n° 1782/2003 auxquels l’agriculteur peut
prétendre sur la base des demandes qu’il introduit au cours des trois années civiles suivant celle de la constatation. Si cette somme ne peut être entièrement prélevée sur lesdits paiements, le solde est annulé.»
Les antécédents du litige et l’arrêt attaqué
7 Par la décision litigieuse, la Commission européenne a écarté du financement de l’Union européenne des dépenses déclarées au titre des années 2005 à 2007, en ce qui concerne la République de Pologne, pour un total de 279 794 442,15 zlotys polonais (PLN) ainsi que de 23 689 783,20 euros, et portant sur les aides à la surface.
8 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 24 mai 2010, la République de Pologne a demandé au Tribunal d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle exclut ces dépenses.
9 À l’appui de son recours, cet État membre avait soulevé deux moyens.
10 Par son premier moyen, la République de Pologne contestait les motifs de la décision litigieuse par lesquels la Commission avait conclu que certaines dépenses devaient être exclues du financement comme non conformes aux règles du droit de l’Union.
11 Le Tribunal a rappelé, à titre liminaire, aux points 20 et 21 de l’arrêt attaqué, que les fonds agricoles européens ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles et que, selon les règles relatives à ces fonds agricoles, les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et
formelles d’octroi des aides sont correctement observées.
12 S’agissant de la première branche de ce premier moyen, relative à l’absence de vectorisation du système d’identification des parcelles agricoles devant s’appuyer sur un système d’information géographique informatisé (ci-après le «SIPA-SIG»), le Tribunal a relevé, au point 32 de l’arrêt attaqué, que, en vertu de l’article 18 du règlement n° 1782/2003, le système d’identification des parcelles agricoles est un élément du système intégré de gestion et de contrôle visant à améliorer l’efficacité
des procédures de gestion et de contrôle. Il a constaté, au point 33 de cet arrêt, qu’il ne ressortait pas expressément de l’article 20 de ce règlement que le SIPA-SIG devait être vectorisé.
13 Le Tribunal a considéré, au point 35 de l’arrêt attaqué, que cet article 20 constituait la disposition au regard de laquelle devait être appréciée la conformité du SIPA-SIG au droit de l’Union, dans le respect des principes qu’il avait rappelés aux points 20 et 21 de cet arrêt. Aux points 36 et 37 dudit arrêt, il a constaté que l’absence de vectorisation complète du SIPA-SIG ne constituait pas le motif pour lequel la Commission avait écarté du financement de l’Union un certain niveau de
dépenses qui avait été pris en charge par le fonds concerné. Le Tribunal a, dès lors, écarté, au point 38 de l’arrêt attaqué, l’argument de la République de Pologne tiré de ce que le caractère incomplet de la vectorisation du SIPA-SIG ne constituait pas une violation de l’article 20 du règlement n° 1782/2003.
14 Au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, au vu des anomalies affectant un certain nombre de parcelles de référence figurant dans le SIPA-SIG, la Commission avait considéré que ce dernier était insuffisant pour garantir que le paiement des aides avait été effectué dans des conditions régulières. Le Tribunal en a déduit que c’était non pas l’absence de mesures de surveillance et de modalités de contrôle particulières, mais l’insuffisance de fiabilité et d’efficacité du
SIPA-SIG qui avait conduit la Commission à appliquer une correction financière.
15 Aux points 55 à 57 de cet arrêt, le Tribunal a écarté l’argument de la République de Pologne, selon lequel le SIPA-SIG remplissant les conditions d’actualisation et de fiabilité définies à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004, la conformité des paiements était garantie. En effet, selon le Tribunal, cette disposition énonce l’une des conditions générales que doit remplir le système intégré de gestion et de contrôle des dépenses imputées sur le budget de l’Union, qui s’applique
sans préjudice des autres exigences auxquelles est soumis le système intégré de gestion et de contrôle, au nombre desquelles figure celle portant sur la précision et la fiabilité du SIPA-SIG, ce qui peut conduire la Commission, lorsqu’elle estime que le manque de précision et de fiabilité du SIPA-SIG induit un risque pour le fonds concerné, à remettre en cause la prise en charge de dépenses par ce dernier.
16 S’agissant de la deuxième branche du premier moyen invoqué par la République de Pologne, relatif à l’application de l’article 53 du règlement n° 796/2004, le Tribunal a rappelé, au point 83 de l’arrêt attaqué, en se référant à l’arrêt Bonda (C‑489/10, EU:C:2012:319, points 28 à 36), que les sanctions prévues à cet article 53 sont de nature administrative et non de nature pénale.
17 Au point 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le fait que la mise en œuvre des dispositions de l’article 53 du règlement n° 796/2004 et des sanctions qu’elles prévoient soit subordonnée au déroulement d’une procédure juridictionnelle est contraire aux objectifs de la politique agricole commune. Le Tribunal a ajouté, au point 87 de cet arrêt, que, si les sanctions prévues à cet article 53 étaient appliquées, après qu’un tribunal eut reconnu le caractère intentionnel du
manquement, de telles modalités de mise en œuvre des sanctions contreviendraient expressément aux dispositions même dudit article, selon lesquelles, ainsi que la Commission l’a fait valoir, la minoration du versement de l’aide devait être opérée pour l’année civile considérée, voire pour les trois années civiles suivantes, si les conditions visées au même article étaient remplies. Il en a conclu, au point 89 dudit arrêt, que la Commission avait correctement interprété l’article 53 du règlement
n° 796/2004, les modalités de mise en œuvre de cet article par les autorités polonaises permettant que les sanctions prévues ne soient pas appliquées dans tous les cas nécessaires.
18 Au point 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’argument de la République de Pologne selon lequel il existerait une différence de traitement entre l’application des sanctions résultant du droit de l’Union et celle des sanctions prévues par le droit national, au motif que cet argument ne comportait aucune précision ou aucun développement permettant de comprendre, notamment, la manière dont cette éventuelle différence de traitement serait susceptible d’influer sur la légalité de la
décision litigieuse, en tant qu’elle était fondée sur le grief tenant à l’application de l’article 53 du règlement n° 796/2004.
19 Au point 96 de cet arrêt, le Tribunal a écarté l’argument de la République de Pologne selon lequel, en cas de jugement défavorable rendu par un tribunal, l’agriculteur concerné devait, conformément à l’article 73 du règlement n° 796/2004, rembourser les sommes indûment perçues, notamment par imputation sur les avances ou les paiements qui lui étaient dus par ailleurs. En effet, selon le Tribunal, une telle argumentation ne permettait pas de revenir sur le constat de la Commission selon
lequel les sanctions prévues à l’article 53 du règlement n° 796/2004 ne sont appliquées ni immédiatement ni dans tous les cas nécessaires.
20 S’agissant de la troisième branche du premier moyen de la République de Pologne, relative à l’admission des parcelles au bénéfice des paiements, le Tribunal a rappelé, au point 102 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence selon laquelle les éléments de droit et de fait sur lesquels se fonde un recours doivent ressortir, de manière à tout le moins sommaire, du texte même de la requête et qu’il ne suffit pas, par conséquent, qu’il soit fait référence dans cette dernière à de tels éléments figurant
dans une annexe de celle-ci. Il a également rappelé que les annexes d’une requête ont une fonction purement probatoire et instrumentale.
21 Au point 105 de l’arrêt attaqué, l’argument de la République de Pologne tiré du faible nombre de cas dans lesquels la Commission avait considéré que des terres avaient été admises à tort comme terres agricoles a été écarté par le Tribunal dans la mesure où, d’une part, il s’agissait de cinq cas d’irrégularités sur un total de 60 parcelles contrôlées, ce qui n’a pas été contredit par la République de Pologne. D’autre part, selon le Tribunal, un tel argument n’était pas susceptible, à lui
seul, de démontrer que le système de contrôle de l’admission des terres au régime d’aide concerné était fiable et efficace, faute d’être assorti de précisions d’où il serait ressorti que les cas visés en l’espèce se rapportaient bien à des terrains éligibles à ce régime d’aide.
22 Aux points 106 à 111 de cet arrêt, le Tribunal a examiné l’argument de la République de Pologne tiré de ce que la Commission n’aurait fourni aucun motif supplémentaire pour maintenir sa position relative au caractère trop libéral de l’admission des terres au régime d’aide concerné, alors que cette conclusion aurait été contestée par une argumentation détaillée figurant dans un courrier du 12 juin 2007 (ci-après le «courrier du 12 juin 2007»). À cet égard, le Tribunal a écarté cet argument
comme étant irrecevable, aux points 107 et 108 dudit arrêt, dans la mesure où, par celui-ci, cet État membre contestait le bien-fondé du grief relatif à l’admission des terres audit régime d’aide et où la requête ne contenait aucun élément de droit et de fait sur lequel il était susceptible de reposer, et dès lors que la République de Pologne se bornait à renvoyer purement et simplement au courrier du 12 juin 2007.
23 Aux points 112 à 118 de cet arrêt, le Tribunal a examiné et a rejeté comme étant non fondé l’argument de la République de Pologne tiré de ce que les terres étaient maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales à la date du contrôle.
24 Aux points 119 à 121 dudit arrêt, le Tribunal a analysé et a écarté l’argument de la République de Pologne selon lequel le contrôle effectué par les auditeurs a eu lieu plus de six mois après les contrôles de base, période pendant laquelle des mesures agrotechniques auraient pu cesser ou pendant laquelle l’utilisation du sol aurait pu être modifiée, au motif que la République de Pologne, supportant la charge de la preuve, n’avait apporté aucun élément de nature à établir les circonstances
dont elle faisait état.
25 Aux points 122 à 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et a écarté l’argument de la République de Pologne selon lequel le grief tiré du caractère trop libéral de l’admission des terres au régime d’aide concerné n’est ni justifié ni fondé au regard du nombre d’irrégularités constatées, au motif notamment que la République de Pologne, qui supportait la charge de la preuve, n’avait pas démontré l’absence de risque pour le fonds en cause.
26 S’agissant de la quatrième branche du premier moyen invoqué par la République de Pologne, relative à l’insuffisance du nombre de contrôles sur place dans la voïvodie d’Opole (Pologne), le Tribunal a, aux points 134 et 135 dudit arrêt, écarté les données présentées par cet État membre, selon lesquelles le taux d’irrégularités aurait été de 12,3 % au titre de l’année 2004 dans cette voïvodie.
27 Par son second moyen, la République de Pologne contestait, dans deux branches distinctes, le niveau des corrections financières appliquées par la Commission dans la décision litigieuse, en ce qui concerne l’absence de vectorisation du SIPA-SIG et le nombre de contrôles sur place dans la voïvodie d’Opole. Seule l’appréciation du Tribunal relative à la première branche de ce moyen est contestée dans le cadre du présent pourvoi.
28 Le Tribunal a rappelé, à titre liminaire, en se référant à une jurisprudence constante, qu’il appartient à l’État membre de démontrer que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer des irrégularités constatées.
29 En ce qui concerne les corrections financières relatives aux sommes destinées au régime de paiement unique à la surface (ci-après le «RPUS») et au régime des paiements directs nationaux complémentaires (ci-après les «PDNC»), le Tribunal a apprécié en détail, aux points 154 et 155 de l’arrêt attaqué, les données fournies par la République de Pologne dans sa requête ainsi que dans sa réponse du 5 juillet 2012 aux questions posées par le Tribunal (ci-après le «courrier du 5 juillet 2012»), au
vu desquelles elle a déterminé le risque pour le fonds concerné qu’elle pouvait admettre et qui résultait du manque de fiabilité du SIPA-SIG. À cet égard, le Tribunal a relevé, aux points 156 et 157 de cet arrêt, que, même en prenant en considération les données figurant dans le courrier du 5 juillet 2012, plusieurs éléments demeuraient inexpliqués et incohérents.
30 Au point 158 dudit arrêt, le Tribunal a relevé que les surfaces déclarées en trop, que la République de Pologne utilisait comme base de calcul des paiements excédentaires et qui ressortaient de tableaux récapitulatifs inclus dans un courrier du 6 avril 2009 (ci-après le «courrier du 6 avril 2009») et dans celui du 5 juillet 2012, ne correspondaient pas aux données figurant dans chacun des tableaux se rapportant au RPUS et aux PDNC relatifs à l’année 2005 ainsi qu’au RPUS et aux PDNC relatifs
à l’année 2006 contenus dans lesdits courriers.
31 Au point 159 du même arrêt, le Tribunal a considéré que les explications fournies au sujet des discordances présentes dans le courrier du 6 avril 2009 ne permettaient pas de démontrer l’existence d’une erreur commise par la Commission, dès lors que la République de Pologne se bornait à affirmer que ces discordances étaient dues à deux phénomènes et que ce courrier ne contenait aucun élément de preuve venant au soutien de ces explications, qui n’étaient pas développées par ailleurs.
32 Au point 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la République de Pologne, par les allégations et les incohérences dans les calculs qu’elle avait soumis à la Commission et devant le Tribunal, n’avait pas prouvé que la Commission avait commis une erreur quant aux conséquences financières devant être tirées des irrégularités constatées.
33 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme étant non fondé.
Les conclusions des parties
34 Par son pourvoi, la République de Pologne demande à la Cour:
– d’annuler l’arrêt attaqué;
– de déclarer la décision litigieuse illégale, et
– de condamner la Commission aux dépens exposés tant en première instance que dans le cadre du pourvoi.
35 La Commission demande à la Cour:
– de rejeter le pourvoi comme étant dénué de tout fondement, et
– de condamner la République de Pologne aux dépens.
Sur le pourvoi
36 À l’appui de son pourvoi, la République de Pologne soulève quatre moyens.
37 Il convient d’examiner, en premier lieu, la seconde branche du premier moyen ainsi que le troisième moyen, tirés d’une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué.
Sur la seconde branche du premier moyen et le troisième moyen du pourvoi, tirés d’une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué
Argumentation des parties
38 Par la seconde branche de son premier moyen, la République de Pologne reproche au Tribunal d’avoir tenu compte, aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, des arguments de la Commission relatifs à l’absence de fonctionnalité et de précisions du SIPA-SIG, sans prendre en considération les explications fournies par cet État membre à cet égard. Il n’aurait pas non plus précisé quelles étaient les exigences prévues à l’article 20 du règlement n° 1782/2003 qui n’auraient pas été remplies par le
SIPA-SIG applicable en Pologne pendant les années 2005 et 2006.
39 Par la première branche de son troisième moyen, la République de Pologne fait grief au Tribunal de ne pas avoir indiqué, lorsqu’il a considéré au point 37 de l’arrêt attaqué que le SIPA-SIG n’était ni opérationnel ni précis, les conditions matérielles et formelles résultant de l’article 20 du règlement n° 1782/2003 qui avaient été violées. Le Tribunal n’aurait pas non plus précisé, au point 44 de cet arrêt, dans quelle mesure le grief tiré d’une insuffisance de fiabilité et d’efficacité du
SIPA-SIG se traduisait par une incompatibilité de celui-ci avec l’article 20 du règlement n° 1782/2003. La motivation dudit arrêt serait également dénuée de cohérence, dans la mesure où le Tribunal aurait constaté, au point 57 du même arrêt, que le SIPA-SIG était conforme aux conditions prévues à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004.
40 Par la deuxième branche de son troisième moyen, la République de Pologne soutient que le Tribunal n’a pas suffisamment expliqué, au point 86 de l’arrêt attaqué, en quoi le déroulement d’une procédure juridictionnelle précédant l’application des sanctions prévues à l’article 53 du règlement n° 796/2004 serait contraire aux objectifs de la politique agricole commune. De même, le point 87 de cet arrêt ne comporterait aucune motivation en ce qui concerne le point de savoir si le Tribunal
estimait que la mise en œuvre des sanctions devait intervenir au cours de l’année civile au titre de laquelle l’agriculteur avait introduit une demande de paiement. Le Tribunal n’aurait pas non plus démontré qu’une telle exigence résultait de l’article 53 du règlement n° 796/2004. Au point 96 dudit arrêt, le Tribunal se serait limité à affirmer que les modalités de mise en œuvre de cet article 53 par les autorités polonaises présentaient un risque pour le fonds concerné, dès lors que les sanctions
ne sont pas appliquées immédiatement, sans motiver une telle affirmation ni les modalités de la détermination de la période au cours de laquelle l’application de la sanction serait constitutive d’un éventuel retard.
41 S’agissant de la troisième branche du troisième moyen du pourvoi, la République de Pologne reproche au Tribunal d’avoir, aux points 98 à 125 de l’arrêt attaqué, limité la motivation aux cas d’irrégularités identifiées par la Commission et aux arguments présentés par la République de Pologne à cet égard, lesquels ne seraient, selon le Tribunal, assortis d’aucune précision. Le Tribunal ne se serait dès lors pas prononcé sur la fiabilité, l’efficacité et la conformité au droit de l’Union du
système d’admission des parcelles au bénéfice des paiements mis en œuvre par les autorités polonaises.
42 Par la quatrième branche de ce troisième moyen, la République de Pologne fait grief au Tribunal de ne pas avoir précisé les raisons pour lesquelles il avait estimé, au point 159 de l’arrêt attaqué, que les explications fournies par les autorités polonaises au sujet des insuffisances relevées dans le SIPA-SIG ne permettaient pas de démontrer l’existence d’une erreur commise par la Commission. De même, le Tribunal n’aurait pas indiqué en quoi les calculs effectués par les autorités polonaises
présentaient un manque de cohérence. Cet État membre reproche aussi au Tribunal de ne pas avoir tenu compte, dans les motifs de cet arrêt, des données qu’il aurait exposées au cours de l’enquête réalisée en vue d’établir le risque réel pour le fonds concerné. Le Tribunal n’aurait pas non plus motivé l’affirmation figurant au point 158 dudit arrêt, selon laquelle les données fournies par les autorités polonaises ne correspondaient pas aux chiffres spécifiques produits à l’annexe du courrier du 6
avril 2009. Dans ces conditions, le Tribunal n’aurait pas effectué une analyse objective de la perte réelle supportée par le budget de l’Union.
43 La Commission considère que la seconde branche du premier moyen du pourvoi ainsi que le troisième moyen de ce dernier doivent être écartés dans la mesure où les arguments présentés par la République de Pologne sont dénués de fondement.
44 S’agissant plus particulièrement de ce troisième moyen, la Commission ajoute que le Tribunal devait examiner le point de savoir si elle avait présenté des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouvait et si, et dans quelle mesure, les arguments invoqués par la République de Pologne permettaient d’infirmer ce doute.
Appréciation de la Cour
45 Il convient de rappeler que l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et que la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt FIAMM e.a./Conseil et
Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, EU:C:2008:476, point 96 et jurisprudence citée).
46 Par la seconde branche de son premier moyen et la première branche de son troisième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, la République de Pologne reproche, en substance, au Tribunal de ne pas avoir précisé les critères et les exigences prévus à l’article 20 du règlement n° 1782/2003 que le SIPA-SIG applicable en Pologne n’aurait pas respectés.
47 Le Tribunal a tout d’abord constaté, au point 32 de l’arrêt attaqué, que l’article 18 du règlement n° 1782/2003 prévoit que le système d’identification des parcelles agricoles est un élément du système intégré de gestion et de contrôle, dont les différents éléments visent, conformément au considérant 13 de ce règlement, à améliorer l’efficacité des procédures de gestion et de contrôle. Au point 35 de cet arrêt, il a relevé que la conformité du SIPA-SIG à l’article 20 du règlement
n° 1782/2003 devait être appréciée dans le respect des principes qu’il avait rappelés aux points 20 et 21 dudit arrêt, selon lesquels, en substance, les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides sont correctement observées.
48 Il a ensuite relevé, aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, que le motif justifiant les corrections financières appliquées par la Commission reposait sur le manque de fonctionnalité et de précision du SIPA-SIG. Aux points 40 à 44 de cet arrêt, le Tribunal a écarté l’argument de la République de Pologne selon lequel, les dispositions relatives aux mesures nationales de surveillance et de contrôle supplémentaires résultant de l’article 20 du règlement n° 1782/2003, il n’existerait pas de vide
juridique dans le droit de l’Union et il a jugé que c’était l’insuffisance de fiabilité et d’efficacité du SIPA-SIG, et non l’absence de mesures de surveillance et de modalités de contrôle particulières, qui avait conduit la Commission à appliquer une correction financière.
49 Enfin, le Tribunal a examiné, aux points 46 à 59 de l’arrêt attaqué, les arguments avancés par la République de Pologne tirés, d’une part, du caractère fonctionnel, précis, fiable et actualisé du SIPA-SIG et tenant à la tenue du cadastre et à l’existence d’un système géodésique sur la base desquels est fondé le SIPA-SIG ainsi que, d’autre part, du respect des conditions fixées à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004. Le Tribunal a jugé que le système polonais en cause manquait
de précision et de fiabilité et il a rejeté ces arguments aux points 51, 54 et 58 de cet arrêt.
50 Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir omis, d’une part, d’examiner les arguments invoqués par la République de Pologne en ce qui concerne la fonctionnalité et la précision du SIPA-SIG et, d’autre part, d’indiquer les exigences visées à l’article 20 du règlement n° 1782/2003, auxquelles le SIPA-SIG applicable en Pologne ne satisfaisait pas.
51 En ce qui concerne l’argument de la République de Pologne selon lequel la motivation de l’arrêt attaqué est entachée de contradictions, dès lors que le Tribunal a constaté la conformité du SIPA-SIG à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004, il convient de relever que celui-ci repose sur une lecture erronée des points 55 à 58 de l’arrêt attaqué.
52 En effet, le Tribunal, qui n’a aucunement jugé que le SIPA-SIG était conforme à l’article 6 de ce règlement, a seulement écarté l’argument de la République de Pologne selon lequel le SIPA-SIG remplissait les conditions d’actualisation et de fiabilité visées à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004, au motif qu’il s’agit de l’une des conditions générales qui s’applique, sans préjudice des autres exigences s’imposant au système intégré de gestion et de contrôle, au nombre
desquelles figure celle relative à la précision et à la fiabilité du SIPA-SIG.
53 Par conséquent, la seconde branche du premier moyen ainsi que la première branche du troisième moyen du pourvoi doivent être rejetées.
54 S’agissant de la deuxième branche de ce troisième moyen, il y a lieu de constater que le Tribunal a dûment motivé son appréciation selon laquelle le déroulement d’une procédure juridictionnelle précédant l’application des sanctions administratives serait contraire aux objectifs de la politique agricole commune.
55 En effet, le Tribunal s’est référé au point 35 de l’arrêt Bonda (EU:C:2012:319), qui renvoie au neuvième considérant du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), et à l’article 6, paragraphe 5, de ce règlement, dont il ressort que les sanctions administratives prises dans le cadre de la réalisation des objectifs de la politique agricole commune font partie intégrante des
régimes d’aide, qu’elles ont une finalité propre et qu’elles peuvent être appliquées indépendamment d’éventuelles sanctions pénales.
56 Dès lors que les sanctions prévues à l’article 53 du règlement n° 796/2004 visent à garantir la réalisation des objectifs de ladite politique, l’absence d’efficacité dans l’application d’une disposition établissant de telles sanctions présente un risque financier pour le fonds concerné et, partant, a une incidence négative sur ces objectifs. Le premier argument invoqué au soutien de la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi doit, par conséquent, être écarté.
57 De même, les deux autres arguments soulevés par la République de Pologne au soutien de cette deuxième branche, relatifs au moment où les sanctions doivent être appliquées et au caractère immédiat de celles-ci, doivent être rejetés. En effet, aux fins de la solution du litige, il était pertinent d’examiner les arguments avancés par la République de Pologne et visant à démontrer la conformité à l’article 53 du règlement n° 796/2004 des modalités de mise en œuvre des sanctions prévues à cet
article, mais dès lors que le Tribunal avait écarté ces arguments, il n’était pas tenu de développer des considérations à cet égard.
58 Ainsi, au point 87 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où le Tribunal avait jugé que l’argument par lequel la République de Pologne soutenait qu’un État membre disposait de la possibilité de suspendre l’application du droit de l’Union ne pouvait, en tout état de cause, être admis, il n’était pas nécessaire d’indiquer le moment précis où devaient intervenir les sanctions. De même, dans la mesure où, au point 96 de cet arrêt, le Tribunal avait écarté l’argument par lequel la République de
Pologne soutenait que, en cas de jugement défavorable, l’agriculteur concerné devait rembourser les sommes indûment perçues, notamment par imputation sur les avances ou les paiements qui lui seraient dus par ailleurs, au motif que ce type de situation présentait un risque pour le fonds concerné, le Tribunal n’était pas tenu d’indiquer la durée précise à partir de laquelle le délai constaté constitue un retard.
59 Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi doit être rejetée.
60 S’agissant de la troisième branche de ce troisième moyen, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et
raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allègement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas
échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts Allemagne/Commission, C-344/01, EU:C:2004:121, point 58, ainsi que Portugal/Commission, C-335/03, EU:C:2005:231, point 68 et jurisprudence citée).
61 Il en résulte que l’appréciation du Tribunal devait porter non pas sur la fiabilité du système polonais d’admission des terres au bénéfice des paiements, mais sur le point de savoir si la Commission avait émis des doutes sérieux et raisonnables et, dans l’affirmative, si, et dans quelle mesure, la République de Pologne avait infirmé ces doutes.
62 En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 105 de l’arrêt attaqué, que la Commission s’était fondée sur cinq cas d’irrégularités sur un total de 60 parcelles contrôlées, ce qui n’avait pas été contredit par la République de Pologne. Ces cinq cas d’irrégularités constituant des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable que la Commission éprouvait, il incombait, par conséquent, au Tribunal d’examiner les éléments de preuve et les arguments avancés par la République de Pologne
et susceptibles d’infirmer ce doute.
63 Ainsi, au point 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, comme étant en partie irrecevable, l’argument par lequel la République de Pologne contestait le bien-fondé du grief tenant à l’admission des terres au régime d’aide en cause. Au point 111 de cet arrêt, le Tribunal a écarté l’argument tiré de l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse. Aux points 116 à 118 dudit arrêt, il a rejeté l’argument tiré de ce que la Commission avait établi une confusion entre l’éligibilité des
terres agricoles au régime d’aide et la question du maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales à la date du contrôle. Le Tribunal a également écarté, au point 120 du même arrêt, l’argument relatif à la période écoulée entre le contrôle effectué par les auditeurs et les contrôles de base ainsi que, aux points 124 et 125 de l’arrêt attaqué, l’argument tiré du nombre d’irrégularités constatées, au motif que la République de Pologne n’avait pas démontré l’absence de
risque pour le fonds concerné.
64 Il s’ensuit que le Tribunal a apprécié, en détail, les arguments et les éléments de preuve avancés par la République de Pologne et susceptibles d’infirmer le doute sérieux et raisonnable éprouvé par la Commission en ce qui concerne l’admission des terres au bénéfice des paiements et il a considéré, de façon motivée, que ces arguments et ces éléments de preuve ne démontraient pas l’absence de risque pour ledit fonds, en permettant ainsi à la Cour d’exercer son contrôle.
65 Partant la troisième branche du troisième moyen du pourvoi doit également être rejetée.
66 S’agissant de la quatrième branche de ce troisième moyen, il y a lieu de relever qu’il incombe au Tribunal non pas de procéder à une analyse objective de la perte réelle supportée par le budget de l’Union, mais d’examiner la légalité de la décision litigieuse et de vérifier si celle-ci n’est pas entachée d’une erreur qu’aurait commise la Commission en ce qui concerne les corrections financières relatives aux sommes destinées au RPUS et aux PDNC. À cet égard, ainsi que le Tribunal l’a rappelé
à bon droit au point 138 de l’arrêt attaqué, il appartient à l’État membre de démontrer que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à tirer des irrégularités constatées.
67 Le Tribunal a, dès lors, examiné de manière détaillée les arguments invoqués par la République de Pologne à cet égard, aux points 154 à 160 de l’arrêt attaqué. Force est de relever que le Tribunal s’est référé aux données figurant dans la requête et dans les courriers des 5 juillet 2012 et 6 avril 2009.
68 Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir tenu compte des données fournies par la République de Pologne en vue d’établir le risque réel encouru par le fonds concerné.
69 S’agissant des arguments tirés de l’absence de motivation des points 158 et 159 de l’arrêt attaqué, ils doivent également être rejetés, dans la mesure où le Tribunal a motivé son appréciation figurant auxdits points. Il a ainsi indiqué expressément, à la deuxième phrase de ce point 158, la différence existant entre les données relatives aux surfaces déclarées en trop et celles figurant dans le tableau se rapportant au RPUS relatif à l’année 2005. S’agissant de ce point 159, le Tribunal a non
seulement jugé que le renvoi opéré, dans la requête, aux explications relatives aux discordances figurant dans le courrier du 6 avril 2009 était irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 150 de cet arrêt, mais il a également considéré, à titre surabondant, que ces explications ne permettaient pas de démontrer l’existence d’une erreur qu’aurait commise la Commission. En effet, selon le Tribunal, la République de Pologne s’est bornée à affirmer que ces discordances étaient dues à
deux phénomènes et que le courrier du 6 avril 2009 ne contenait aucun élément de preuve venant au soutien de ces deux explications, qui n’étaient pas développées par ailleurs.
70 Il résulte des considérations qui précèdent que la quatrième branche du troisième moyen du pourvoi doit être écartée et que, partant, ce troisième moyen doit également être écarté dans son ensemble.
Sur la première branche du premier moyen du pourvoi, tiré d’une interprétation erronée de l’article 20 du règlement n° 1782/2003
Argumentation des parties
71 Par la première branche de son premier moyen, la République de Pologne fait grief au Tribunal d’avoir interprété de façon erronée l’article 20 du règlement n° 1782/2003, dans la mesure où il aurait estimé que cette disposition impose l’institution d’un SIPA-SIG entièrement vectorisé ou d’un système équivalent, alors qu’une vectorisation complète ne serait pas requise pour satisfaire aux critères prévus par cette disposition, ainsi que le Tribunal l’aurait constaté à bon droit au point 33 de
l’arrêt attaqué. Ce faisant, le Tribunal aurait retenu des exigences plus strictes que celles résultant de cet article 20, ce qui l’aurait conduit à écarter, à tort, l’argument selon lequel le SIPA-SIG applicable en Pologne pendant les années 2005 et 2006 remplissait la condition de précision et de fiabilité fixée à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004.
72 La Commission estime que les arguments de la République de Pologne, tirés de ce que le Tribunal aurait considéré que la vectorisation était obligatoire, doivent être écartés.
Appréciation de la Cour
73 Force est de constater que la première branche du premier moyen du pourvoi repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
74 En effet, d’une part, au point 33 de cet arrêt, et ainsi que le souligne au demeurant la République de Pologne, le Tribunal a constaté qu’il ne ressortait pas expressément des dispositions de l’article 20 du règlement n° 1782/2003 que le SIPA-SIG devait être vectorisé.
75 D’autre part, aux points 36 à 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’absence de vectorisation complète du SIPA-SIG ne constituait pas le motif pour lequel la Commission avait écarté du financement de l’Union un certain niveau de dépenses qui avait été pris en charge par le fonds concerné, dans la mesure, premièrement, où elle avait constaté que le SIPA-SIG n’était pas actualisé, qu’il contenait des erreurs, des omissions et des discordances portant sur des éléments inéligibles au
régime d’aide à la surface, sur la description non graphique de l’utilisation des sols à l’intérieur des parcelles ainsi que sur le pourcentage de chaque utilisation des sols et, deuxièmement, où elle en avait conclu que le SIPA-SIG n’était ni opérationnel ni précis.
76 Il s’ensuit que, selon le Tribunal, les corrections financières appliquées par la Commission reposaient non pas sur l’absence de vectorisation complète du SIPA-SIG, mais sur les problèmes de fonctionnalité et d’exactitude portant atteinte à ce système. Le Tribunal n’a pu, dès lors, interpréter l’article 20 du règlement n° 1782/2003 comme imposant l’établissement d’un système pleinement vectorisé et n’a, par conséquent, pas commis d’erreur de droit à cet égard.
77 De même, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rejeté l’argument soulevé par la République de Pologne, tiré de ce que le SIPA-SIG remplissait les conditions d’actualisation et de fiabilité fixées à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004. En effet, il a indiqué que cette disposition énonce l’une des conditions générales que doit remplir le système intégré de gestion et de contrôle des dépenses imputées sur le budget de l’Union et que cette condition s’applique
sans préjudice des autres exigences s’imposant à ce système intégré, au nombre desquelles figure celle portant sur la précision et la fiabilité du SIPA-SIG. Le Tribunal en a conclu, à bon droit, que la Commission peut, lorsqu’elle estime que le manque de précision et de fiabilité du SIPA-SIG induit un risque pour le fonds concerné, remettre en cause la prise en charge de dépenses par celui-ci, même si la condition posée à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 796/2004 est remplie.
78 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen du pourvoi doit être rejetée.
Sur le deuxième moyen du pourvoi, tiré d’une interprétation erronée de l’article 53 du règlement n° 796/2004
Argumentation des parties
79 Par son deuxième moyen, la République de Pologne reproche au Tribunal d’avoir interprété de façon erronée l’article 53 du règlement n° 796/2004. Le Tribunal aurait constaté à cet égard, aux points 79 et 94 de l’arrêt attaqué, que le grief de la Commission était fondé sur la circonstance que la mise en œuvre de cet article par les autorités polonaises présentait un faible risque pour le fonds concerné, au motif qu’elle exigeait, en principe, une décision juridictionnelle préalable. La
République de Pologne en déduit que, selon le Tribunal, toutes les irrégularités consistant dans une surdéclaration donnent lieu à l’application d’une sanction au titre de cet article 53, sans que soit pris en considération le point de savoir si l’intention du bénéficiaire avait été définitivement établie. Or, la nécessité de sanctionner également les irrégularités pour lesquelles le caractère intentionnel de la surdéclaration n’avait pas été constaté dans la cadre d’une procédure administrative ne
résulterait pas dudit article 53.
80 Dans ces conditions, la République de Pologne conteste l’interprétation de l’article 53 du règlement n° 796/2004 à laquelle le Tribunal s’est livré aux points 86, 87, 89, 92 et 96 de l’arrêt attaqué.
81 La Commission considère que le deuxième moyen du pourvoi doit être écarté dans la mesure où le raisonnement de la République de Pologne est erroné.
Appréciation de la Cour
82 Il convient de relever que le deuxième moyen du pourvoi part de la prémisse correcte selon laquelle le Tribunal a constaté, aux points 79 et 94 de l’arrêt attaqué, que le grief de la Commission tiré d’une application erronée de l’article 53 du règlement n° 796/2004 était fondé uniquement sur la circonstance que la mise en œuvre de cet article par les autorités polonaises présentait un risque pour le fonds concerné, au motif qu’elle exige, en principe, une décision préalable d’une juridiction
pour que les sanctions découlant d’un non-respect intentionnel de la réglementation concernée soient appliquées.
83 La République de Pologne déduit de cette constatation que, selon le Tribunal, toutes les irrégularités résultant de surdéclarations donnent lieu à l’application d’une sanction au titre de l’article 53 du règlement n° 796/2004, sans que soit pris en considération le caractère intentionnel du comportement du bénéficiaire de l’aide.
84 Or, une telle déduction repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
85 En effet, le Tribunal a rappelé, au point 80 de cet arrêt, que l’article 53, premier alinéa, du règlement n° 796/2004 prévoit que, lorsque les différences entre la superficie déclarée et la superficie déterminée conformément à l’article 50, paragraphes 3, 4, sous b), et 5, de ce règlement proviennent d’irrégularités commises intentionnellement, l’agriculteur se voit refuser le bénéfice des régimes d’aide auxquels il aurait pu prétendre en application des dispositions susmentionnées pour
l’année civile considérée.
86 Aux points 83 et 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est référé à l’arrêt Bonda (EU:C:2012:319), duquel il ressort que les sanctions prévues à l’article 53 du règlement n° 796/2004 sont de nature administrative et non de nature pénale. Au point 86 de cet arrêt, il en a déduit que le fait que la mise en œuvre des dispositions de l’article 53 du règlement n° 796/2004 et des sanctions qu’elles comportent soit subordonnée au déroulement d’une procédure juridictionnelle, à l’issue de laquelle le
tribunal compétent constate la réalité du comportement intentionnel de l’agriculteur mis en cause, serait contraire aux objectifs de la politique agricole commune. Au point 87 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que le fait que les sanctions soient appliquées après qu’un Tribunal a reconnu le caractère intentionnel du manquement contreviendrait expressément aux dispositions mêmes de l’article 53 du règlement n° 796/2004. Il en a conclu, au point 89 de l’arrêt attaqué, que la Commission a correctement
interprété cet article, ses modalités de mise en œuvre par les autorités polonaises permettant que les sanctions prévues ne soient pas appliquées dans tous les cas nécessaires.
87 Aux points 92 et 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les arguments invoqués par la République de Pologne, au motif qu’ils n’étaient pas susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de la décision litigieuse en ce qui concerne le grief tenant à l’application de l’article 53 du règlement n° 796/2004.
88 Ce faisant, le Tribunal a jugé que la détermination du caractère intentionnel de l’irrégularité commise par le bénéficiaire de l’aide en cause, aux fins d’appliquer les sanctions prévues à l’article 53 du règlement n° 796/2004, doit s’effectuer dans le cadre d’une procédure administrative menée par les autorités nationales de contrôle et non dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. Contrairement à ce qu’allègue la République de Pologne, il ne ressort pas des motifs de l’arrêt attaqué
que le Tribunal a considéré que toute irrégularité conduisait à l’application d’une sanction au titre de l’article 53 du règlement n° 796/2004, indépendamment du comportement intentionnel de l’agriculteur concerné.
89 Il s’ensuit que le deuxième moyen du pourvoi doit également être écarté.
Sur le quatrième moyen du pourvoi, tiré de la violation du principe du contradictoire et de ce que le Tribunal a statué ultra petita
Argumentation des parties
90 Par la première branche de son quatrième moyen, la République de Pologne reproche au Tribunal d’avoir, aux points 105 à 107 de l’arrêt attaqué, écarté comme étant irrecevable son argumentation relative aux réserves émises par la Commission quant au caractère trop libéral de l’admission des terres au régime d’aide concerné, au motif que la requête se bornait à renvoyer au courrier du 12 juin 2007. Le Tribunal aurait ainsi méconnu une preuve essentielle en écartant les éléments figurant dans
ce courrier.
91 Par la deuxième branche de ce quatrième moyen, la République de Pologne considère que, au point 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a mis en doute, à tort, la réalité du taux d’irrégularités de 12,3 % dans la voïvodie d’Opole, en s’appuyant exclusivement sur l’irrecevabilité du renvoi, dans la requête, à une lettre du 10 mars 2008 adressée à la Commission. En ne prenant pas en compte ce document, qui aurait été régulièrement joint à la requête, le Tribunal aurait méconnu les principes
régissant l’administration de la preuve devant lui.
92 Par la troisième branche dudit quatrième moyen, la République de Pologne considère que l’arrêt attaqué ne respecte pas le principe du contradictoire. En effet, au point 33 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que l’obligation de vectorisation invoquée ne résultait pas de l’article 20 du règlement n° 1782/2003, de sorte que le Tribunal aurait élargi le champ de son appréciation au-delà de ce qui faisait l’objet du grief essentiel de la Commission, qui était tiré de l’absence de vectorisation des
parcelles.
93 La Commission considère que les trois branches du quatrième moyen du pourvoi doivent être rejetées.
Appréciation de la Cour
94 S’agissant de la première branche du quatrième moyen du pourvoi, il convient de constater que l’arrêt du Tribunal n’est entaché d’aucune erreur de droit en ce qui concerne l’examen du grief relatif à l’admission des terres au régime d’aide concerné.
95 En effet, d’une part, le Tribunal a constaté que, dans la mesure où, par cette argumentation, la République de Pologne contestait le bien-fondé du grief de la Commission tenant à l’admission des terres audit régime d’aide, la requête ne contenait aucun élément de droit et de fait sur lequel cet argument était susceptible de reposer et qu’elle se bornait à renvoyer purement et simplement aux arguments figurant dans le courrier du 12 juin 2007. Le Tribunal a, dès lors, appliqué la
jurisprudence qu’il a rappelée au point 102 de l’arrêt attaqué et selon laquelle il découle de l’article 44, paragraphe 1, sous c), de son règlement de procédure que les éléments de droit et de fait sur lesquels se fonde un recours doivent ressortir, de manière à tout le moins sommaire, du texte même de la requête et qu’il ne suffit pas qu’il soit fait référence dans la requête à de tels éléments figurant dans une annexe de celle-ci. Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a écarté ladite
argumentation comme étant irrecevable.
96 D’autre part, aux points 109 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné la même argumentation en tant que, par celle-ci, la République de Pologne faisait valoir que la décision litigieuse était insuffisamment motivée.
97 Il ne saurait dès lors être reproché au Tribunal d’avoir méconnu une preuve essentielle. Partant, la première branche du quatrième moyen du pourvoi doit être rejetée.
98 En ce qui concerne la deuxième branche de ce quatrième moyen, force est de relever qu’elle repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, dans la mesure où le Tribunal a tenu compte du courrier du 10 mars 2008 adressé à la Commission.
99 En effet, d’une part, le Tribunal a relevé, au point 134 de l’arrêt attaqué, que, pour contester le grief tiré de l’insuffisance du nombre des contrôles sur place dans la voïvodie d’Opole pendant l’année 2005, la République de Pologne s’était fondée sur des données, figurant dans sa requête, selon lesquelles le taux d’irrégularités aurait été de 12,3 % pendant l’année 2004 dans cette voïvodie. Il a constaté, à cet égard, que la République de Pologne ne renvoyait, dans cette requête, à aucun
élément permettant d’établir la réalité de ce taux d’irrégularités, puisqu’elle se limitait à mentionner le courrier du 10 mars 2008 adressé à la Commission, dans lequel elle exposait les motifs pour lesquels elle avait décidé de ne pas augmenter le taux de contrôles sur place. Le Tribunal en a déduit que le simple renvoi à une annexe de la requête ne saurait constituer la preuve de la réalité dudit taux, sans toutefois déclarer cet argument irrecevable, contrairement à ce que soutient la République
de Pologne.
100 D’autre part, au point 135 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné ledit courrier du 10 mars 2008. Il a jugé, à cet égard, que les éléments figurant dans celui-ci ne permettaient aucunement de déterminer la réalité du taux de 12,3 % d’irrégularités invoqué, faute pour la République de Pologne d’avoir expliqué précisément la manière dont ce taux avait été déterminé et d’avoir présenté les données à partir desquelles il avait été calculé.
101 Il s’ensuit que la deuxième branche du quatrième moyen du pourvoi doit être rejetée.
102 S’agissant de la troisième branche du quatrième moyen du pourvoi, il suffit de relever, ainsi que cela ressort de l’examen de la première branche du premier moyen de celui-ci, que le grief de la Commission était fondé non pas sur l’absence de vectorisation complète du SIPA-SIG, mais sur le manque de fonctionnalité et d’exactitude de ce système. Par conséquent, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir statué au-delà de ce qui faisait l’objet de ce grief.
103 Il résulte des considérations qui précèdent que la troisième branche du quatrième moyen du pourvoi doit être écartée de même que le quatrième moyen de ce dernier dans son ensemble. Par conséquent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
104 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La République de Pologne est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: le polonais.