ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
4 mars 2015 ( *1 )
«Renvoi préjudiciel — Article 191, paragraphe 2, TFUE — Directive 2004/35/CE — Responsabilité environnementale — Réglementation nationale ne prévoyant pas la possibilité pour l’administration d’imposer, aux propriétaires des terrains pollués n’ayant pas contribué à cette pollution, l’exécution de mesures de prévention et de réparation et ne prévoyant que l’obligation de remboursement des interventions effectuées par l’administration — Compatibilité avec les principes du pollueur-payeur, de
précaution, d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement»
Dans l’affaire C‑534/13,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Italie), par décision du 8 juillet 2013, parvenue à la Cour le 10 octobre 2013, dans la procédure
Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare,
Ministero della Salute,
Ispra – Istituto Superiore per la Protezione e la Ricerca Ambientale
contre
Fipa Group Srl,
en présence de:
Comune di Massa,
Regione Toscana,
Provincia di Massa Carrara,
Comune di Carrara,
Arpat – Agenzia regionale per la protezione ambientale della Toscana,
Ediltecnica Srl,
Versalis SpA,
et
Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare,
Ministero della Salute,
Ispra – Istituto Superiore per la Protezione e la Ricerca Ambientale
contre
Tws Automation Srl,
en présence de:
Comune di Massa,
Regione Toscana,
Provincia di Massa Carrara,
Comune di Carrara,
Arpat – Agenzia regionale per la protezione ambientale della Toscana,
Ediltecnica Srl,
Versalis SpA,
et
Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare,
Ministero della Salute,
contre
Ivan Srl,
en présence de:
Edison SpA,
Comune di Massa,
Regione Toscana,
Provincia di Massa Carrara,
Comune di Carrara,
Arpat – Agenzia regionale per la protezione ambientale della Toscana,
Ediltecnica Srl,
Versalis SpA,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur), MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 novembre 2014,
considérant les observations présentées:
— pour Tws Automation Srl, par Mes R. Lazzini et S. Prosperi Mangili, avvocati,
— pour Ivan Srl, par Mes G. C. Di Gioia, F. Massa, L. Acquarone et G. Acquarone, avvocati,
— pour Edison SpA, par Mes M. S. Masini, W. Troise Mangoni et G. L. Conti, avvocati,
— pour Versalis SpA, par Mes S. Grassi, G. M. Roberti et I. Perego, avvocati,
— pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mmes C. Gerardis et L. Flocco, avvocati dello Stato,
— pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
— pour la Commission européenne, par Mme L. Pignataro-Nolin et M. E. White, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 novembre 2014,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des principes du droit de l’Union en matière d’environnement, notamment ceux du pollueur-payeur, de précaution, d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, tels que prévus à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, aux considérants 13 et 24 ainsi qu’aux articles 1 et 8, paragraphe 3, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité
environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (JO L 143, p. 56).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre de trois litiges, les deux premiers litiges opposant le Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare (ministère de l’Environnement, de la Protection du territoire et de la Mer), le Ministero della Salute (ministère de la Santé) et Ispra – Istituto Superiore per la Protezione e la Ricerca Ambientale (ci-après, ensemble, le «Ministero») à, respectivement, Fipa Group Srl (ci-après «Fipa Group») et à Tws Automation Srl (ci-après «Tws
Automation»), le troisième litige opposant ces deux premiers requérants au principal à Ivan Srl (ci-après «Ivan»), au sujet de mesures spécifiques de sécurisation d’urgence relatives à des propriétés contaminées par diverses substances chimiques.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 191, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE énonce ce qui suit:
«La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.»
4 Les considérants 1, 2, 13, 18, 20, 24 et 30 de la directive 2004/35 sont libellés comme suit:
«(1) Il existe actuellement dans la Communauté de nombreux sites pollués qui présentent des risques graves pour la santé, et les pertes de biodiversité se sont accélérées de manière spectaculaire au cours des dernières décennies. L’absence d’action pourrait aboutir à une pollution accrue des sites et à des pertes encore plus graves de biodiversité à l’avenir. La prévention et la réparation, dans toute la mesure du possible, des dommages environnementaux contribuent à la réalisation des objectifs
et à l’application des principes de la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, tels qu’énoncés dans le traité. Il convient de tenir compte des conditions locales lors de la prise de décisions sur la manière de réparer les dommages.
(2) Il convient de mettre en œuvre la prévention et la réparation des dommages environnementaux en appliquant le principe du ‘pollueur-payeur’ inscrit dans le traité, et conformément au principe du développement durable. Le principe fondamental de la présente directive devrait donc être que l’exploitant dont l’activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d’un tel dommage soit tenu pour financièrement responsable, afin d’inciter les exploitants à adopter des mesures et à
développer des pratiques propres à minimiser les risques de dommages environnementaux, de façon à réduire leur exposition aux risques financiers associés.
[...]
(13) Toutes les formes de dommages environnementaux ne peuvent être réparées dans le cadre d’un régime de responsabilité. Pour que ce dernier fonctionne, il faut un ou plusieurs pollueurs identifiables, le dommage devrait être concret et quantifiable, et un lien de causalité devrait être établi entre le dommage et le ou les pollueurs identifiés. La responsabilité ne constitue pas de ce fait un instrument approprié face à la pollution à caractère étendu et diffus, pour laquelle il est impossible
d’établir un lien entre les incidences environnementales négatives et l’acte ou l’omission de certains acteurs individuels.
[...]
(18) Conformément au principe du ‘pollueur-payeur’, un exploitant qui cause un dommage environnemental grave ou qui crée une menace imminente d’un tel dommage doit en principe supporter les coûts relatifs aux mesures de prévention ou de réparation nécessaires. Dans les cas où une autorité compétente agit elle-même ou par l’intermédiaire d’un tiers à la place de l’exploitant, cette autorité devrait veiller à ce que les frais qu’elle a encourus soient recouvrés auprès de l’exploitant. Il convient
également que les exploitants supportent en fin de compte le coût de l’évaluation des dommages environnementaux ou, selon le cas, de l’évaluation de la menace imminente de tels dommages.
[...]
(20) Un exploitant ne devrait pas être tenu de supporter les coûts relatifs aux actions de prévention ou de réparation entreprises en vertu de la présente directive lorsque le dommage en question ou la menace imminente de ce dommage est le résultat d’événements indépendants de sa volonté. Les États membres peuvent prévoir que l’exploitant qui n’a pas commis de faute ni de négligence ne supporte pas les coûts relatifs aux mesures de réparation lorsque le dommage en question est dû à une émission ou
à un événement expressément autorisé ou dont le caractère dommageable ne pouvait être connu lorsqu’ils ont eu lieu.
[...]
(24) Il est nécessaire de garantir l’existence de moyens efficaces de mise en œuvre et d’exécution, tout en assurant une protection adéquate des intérêts légitimes des exploitants concernés ainsi que des autres parties intéressées. Il convient que les autorités compétentes soient responsables de tâches spécifiques pour lesquelles elles disposeraient d’un pouvoir discrétionnaire approprié de l’administration, notamment pour ce qui est d’évaluer l’importance des dommages et de déterminer les mesures
de réparation à prendre.
[...]
(30) Les dispositions de la présente directive ne devraient pas s’appliquer aux dommages causés avant l’expiration du délai de transposition.»
5 Conformément à l’article 1er de la directive 2004/35, celle-ci établit un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du pollueur-payeur.
6 L’article 2, point 6, de ladite directive définit la notion d’«exploitant» comme désignant «toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d’un permis ou d’une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité».
7 Aux termes de l’article 2, point 7, de la même directive, la notion d’«activité professionnelle» est définie comme toute «activité exercée dans le cadre d’une activité économique, d’une affaire ou d’une entreprise, indépendamment de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif».
8 L’article 2, points 10 et 11, de la directive 2004/35 définit ainsi les notions suivantes:
«10. ‘mesures préventives’ ou ‘mesures de prévention’: toute mesure prise en réponse à un événement, un acte ou une omission qui a créé une menace imminente de dommage environnemental, afin de prévenir ou de limiter au maximum ce dommage;
11. ‘mesures de réparation’: toute action, ou combinaison d’actions, y compris des mesures d’atténuation ou des mesures transitoires visant à restaurer, réhabiliter ou remplacer les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés ou à fournir une alternative équivalente à ces ressources ou services, tel que prévu à l’annexe II».
9 L’article 3 de ladite directive, intitulé «Champ d’application», énonce à son paragraphe 1:
«La présente directive s’applique aux:
a) dommages causés à l’environnement par l’une des activités professionnelles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités;
b) dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés par l’une des activités professionnelles autres que celles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités, lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence.»
10 Aux termes de l’article 4, paragraphe 5, de la même directive, celle-ci «s’applique uniquement aux dommages environnementaux ou à la menace imminente de tels dommages causés par une pollution à caractère diffus, lorsqu’il est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants».
11 L’article 5 de la directive 2004/35, intitulé «Action de prévention» se lit comme suit:
«1. Lorsqu’un dommage environnemental n’est pas encore survenu, mais qu’il existe une menace imminente qu’un tel dommage survienne, l’exploitant prend sans retard les mesures préventives nécessaires.
[...]
3. L’autorité compétente peut, à tout moment:
[...]
b) obliger l’exploitant à prendre les mesures préventives nécessaires;
[...]
d) prendre elle-même les mesures préventives nécessaires.
4. L’autorité compétente oblige l’exploitant à prendre les mesures préventives. Si l’exploitant ne s’acquitte pas des obligations prévues au paragraphe 1 ou au paragraphe 3, point b) ou c), ne peut être identifié ou n’est pas tenu de supporter les coûts en vertu de la présente directive, l’autorité compétente peut prendre elle-même ces mesures.»
12 L’article 6 de ladite directive, intitulé «Action de réparation», prévoit:
«1. Lorsqu’un dommage environnemental s’est produit, l’exploitant informe sans tarder l’autorité compétente de tous les aspects pertinents de la situation et prend:
a) toutes les mesures pratiques afin de combattre, d’endiguer, d’éliminer ou de traiter immédiatement les contaminants concernés et tout autre facteur de dommage, en vue de limiter ou de prévenir de nouveaux dommages environnementaux et des incidences négatives sur la santé humaine ou la détérioration des services; et
b) les mesures de réparation nécessaires [...]
2. L’autorité compétente peut, à tout moment:
[...]
c) obliger l’exploitant à prendre les mesures de réparation nécessaires;
[...]
e) prendre elle-même les mesures de réparation nécessaires.
3. L’autorité compétente oblige l’exploitant à prendre les mesures de réparation. Si l’exploitant ne s’acquitte pas de ses obligations aux termes du paragraphe 1 ou du paragraphe 2, point b), point c) ou point d), ne peut être identifié ou n’est pas tenu de supporter les coûts en vertu de la présente directive, l’autorité compétente peut prendre elle-même ces mesures en dernier ressort.»
13 L’article 8, paragraphes 1 et 3, de la même directive dispose:
«1. L’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de réparation entreprises en application de la présente directive.
[...]
3. Un exploitant n’est pas tenu de supporter le coût des actions de prévention ou de réparation entreprises en application de la présente directive lorsqu’il est en mesure de prouver que le dommage en question ou la menace imminente de sa survenance:
a) est le fait d’un tiers, en dépit de mesures de sécurité appropriées; ou
b) résulte du respect d’un ordre ou d’une instruction émanant d’une autorité publique autre qu’un ordre ou une instruction consécutifs à une émission ou à un incident causés par les propres activités de l’exploitant.
Dans ces cas, les États membres prennent les mesures qui s’imposent pour permettre à l’exploitant de recouvrer les coûts encourus.»
14 L’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/35 est libellé comme suit:
«L’obligation d’établir quel exploitant a causé les dommages ou la menace imminente de dommages, d’évaluer l’importance des dommages et de déterminer les mesures de réparation qu’il convient de prendre en ce qui concerne l’annexe II incombe à l’autorité compétente. [...]»
15 L’article 16 de la directive 2004/35, intitulé «Relation avec le droit national», précise à son paragraphe 1 que cette directive «ne fait pas obstacle au maintien ou à l’adoption par les États membres de dispositions plus strictes concernant la prévention et la réparation des dommages environnementaux, notamment l’identification d’autres activités en vue de leur assujettissement aux exigences de [ladite] directive en matière de prévention et de réparation, ainsi que l’identification d’autres
parties responsables».
16 En vertu de l’article 17 de la directive 2004/35, lu en combinaison avec l’article 19 de celle-ci, cette directive ne s’applique qu’aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus postérieurement au 30 avril 2007 lorsque ces dommages résultent soit d’activités exercées postérieurement à cette date, soit d’activités exercées antérieurement à cette date, mais qui n’ont pas été menées à leur terme avant celle-ci.
17 L’annexe III de cette directive énumère douze activités considérées par le législateur comme dangereuses au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive.
Le droit italien
18 L’article 240, paragraphe 1, sous m) et p), du décret législatif no 152, du 3 avril 2006, portant sur les normes en matière environnementale (supplément ordinaire à la GURI no 88, du 14 avril 2006), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci-après le «code de l’environnement») , figure sous le titre V de la partie IV. Cette disposition définit les mesures de sécurisation d’urgence et de réhabilitation des sites.
19 L’article 242 du code de l’environnement, intitulé «Procédures opérationnelles et administratives», régit de manière assez détaillée les obligations pesant sur le responsable d’une pollution, que la contamination soit récente ou ancienne, en ce qui concerne notamment l’adoption des mesures nécessaires de prévention, de restauration et de sécurisation d’urgence, la communication à l’égard des autorités publiques compétentes ainsi que la mise en œuvre des activités de réhabilitation.
20 L’article 244 dudit code, intitulé «Ordonnances», régit le cas dans lequel la contamination effectivement survenue a dépassé les valeurs de concentration du seuil de contamination. Dans ce cas, la province met en demeure, par ordonnance motivée, le responsable de la contamination potentielle d’adopter les mesures visées aux articles 240 et suivants du même code. L’article 244, paragraphe 3, du code de l’environnement prévoit que, en tout état de cause, l’ordonnance est notifiée également au
propriétaire du site. Par ailleurs, l’article 244, paragraphe 4, de ce code énonce que, si le responsable n’est pas identifiable ou ne s’exécute pas et que ni le propriétaire du site ni une autre personne concernée n’y procèdent, les interventions qui seraient nécessaires sont adoptées par l’administration compétente.
21 L’article 245 dudit code, intitulé «Obligations d’intervention et de notification par les personnes non responsables de la contamination potentielle», prévoit à son paragraphe 1:
«Les procédures relatives aux interventions de sécurisation, de réhabilitation et de restauration environnementale régies par le présent titre peuvent, en tout état de cause, être mises en œuvre à l’initiative des intéressés non responsables.»
22 L’article 245, paragraphe 2, du même code dispose:
«Sans préjudice des obligations du responsable de la contamination potentielle visée à l’article 242, le propriétaire ou le gestionnaire du terrain qui constate le dépassement ou le risque concret et réel du dépassement des valeurs de concentration des seuils de contamination (CSC) est tenu d’en informer la région, la province et la commune territorialement compétentes et de mettre en œuvre les mesures de prévention selon la procédure visée à l’article 242. La province, après réception desdites
informations, et après consultation de la commune, procède à l’identification du responsable afin de mettre en œuvre les interventions de réhabilitation. Le propriétaire ou toute autre personne concernée a cependant la faculté d’intervenir volontairement à tout moment en vue de mettre en œuvre les interventions de réhabilitation nécessaires dans le cadre du site dont il est propriétaire ou dont il dispose.»
23 L’article 250 du code de l’environnement, intitulé «Réhabilitation par l’administration», dispose:
«Si les responsables de la contamination ne procèdent pas directement à l’exécution des mesures prévues par le présent titre ou s’ils ne sont pas identifiables et si ni le propriétaire du site ni une autre personne concernée n’y procèdent, les procédures et les interventions visées à l’article 242 sont mises en œuvre d’office par la commune territorialement compétente et, si celle-ci n’y procède pas, par la région, selon l’ordre de priorité fixé par le plan régional pour la réhabilitation des
terrains pollués, en faisant également appel à d’autres personnes publiques ou privées, désignées à l’issue de procédures d’appels d’offres publics spécifiques [...]»
24 L’article 253 dudit code, intitulé «Charges réelles et privilèges spéciaux», énonce à ses paragraphes 1 à 4:
«1. Les interventions visées au présent titre constituent des charges réelles (‘oneri reali’) portant sur les sites contaminés lorsqu’elles sont mises en œuvre d’office par l’autorité compétente au sens de l’article 250. [...]
2. Les frais engagés pour les interventions visées au paragraphe 1 sont assortis d’un privilège immobilier spécial sur les terrains mêmes, selon les termes et aux fins de l’article 2748, deuxième alinéa, du code civil. Ledit privilège peut être exercé également au détriment des droits acquis par des tiers sur l’immeuble.
3. Le privilège et la récupération des frais ne peuvent être exercés, vis-à-vis du propriétaire du site, étranger à la pollution ou au risque de pollution, que par une décision motivée de l’autorité compétente justifiant, notamment, l’impossibilité d’identifier le responsable ou d’engager une action récursoire contre ce dernier ou l’issue infructueuse d’une telle action.
4. En tout état de cause, le propriétaire non responsable de la pollution ne peut être tenu de rembourser [...] les frais relatifs aux interventions engagées par l’autorité compétente que dans les limites de la valeur marchande du terrain, déterminée après la mise en œuvre desdites interventions. Si le propriétaire non responsable de la pollution a spontanément procédé à la réhabilitation du site pollué, il est en droit d’engager une action récursoire contre le responsable de la pollution pour
les frais encourus et pour l’éventuel dommage supplémentaire subi.»
Le litige au principal et la question préjudicielle
25 Il ressort des éléments du dossier dont la Cour dispose que, à partir des années 60 et jusqu’aux années 80, Farmoplant SpA et Cersam Srl, deux sociétés appartenant au groupe industriel Montedison SpA, devenu Edison SpA, ont exploité un site industriel de production d’insecticides et de désherbants situé dans une commune de la province de Massa Carrara, en Toscane (Italie). Les terrains de ce site étant gravement contaminés par diverses substances chimiques dont du dichloroéthane et de
l’ammoniaque, une partie d’entre eux ont été bonifiés au cours de l’année 1995. Cette «bonification» s’étant avérée insuffisante, ces terrains ont été qualifiés, en 1998, de «site d’intérêt national de Massa Carrara» aux fins de leur réhabilitation.
26 Au cours des années 2006 et 2008, Tws Automation et Ivan, deux sociétés de droit privé, sont devenues propriétaires de divers terrains appartenant audit site. Tws Automation a pour objet social la vente d’appareils électroniques. Ivan est une agence immobilière.
27 Au cours de l’année 2011, Nasco Srl, société de droit privé, dénommée par la suite Fipa Group a fusionné avec LCA Lavorazione Compositi Apuana Srl et est, de ce fait, devenue propriétaire d’un autre terrain du même site. Fipa Group exerce ses activités dans le domaine de la construction et de la réparation d’embarcations.
28 Par actes administratifs du 18 mai 2007 ainsi que des 16 septembre et 7 novembre 2011, les directions compétentes du Ministero ont ordonné respectivement à Tws Automation, à Ivan et à Fipa Group l’exécution de mesures spécifiques de «sécurisation d’urgence», au sens du code de l’environnement, à savoir la réalisation d’une barrière hydraulique de captage en vue de la protection de la nappe phréatique et la présentation d’une modification d’un projet de réhabilitation du terrain existant depuis
l’année 1995. Ces décisions ont été adressées aux trois entreprises, en qualité de «gardienne[s] du terrain».
29 Arguant du fait qu’elles n’étaient pas les auteurs de la pollution constatée, ces sociétés ont saisi le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana (tribunal administratif régional de Toscane), lequel, par trois jugements distincts, a annulé lesdits actes au motif que, en vertu du principe du pollueur-payeur, propre au droit de l’Union et de la réglementation nationale en matière environnementale, l’administration ne pouvait pas imposer, sur le fondement des dispositions du titre V de la
partie IV du code de l’environnement, l’exécution des mesures en cause à des entreprises qui n’ont aucune responsabilité directe dans la réalisation du phénomène de contamination constaté sur le site.
30 Le Ministero a interjeté appel contre lesdits jugements devant le Consiglio di Stato.
31 Selon le Ministero, une interprétation des dispositions figurant dans le titre V de la partie IV du code de l’environnement à la lumière du principe du pollueur-payeur et du principe de précaution permettrait de rendre le propriétaire d’un site pollué débiteur de l’exécution de mesures de sécurisation d’urgence.
32 La chambre saisie du Consiglio di Stato a renvoyé à l’assemblée plénière de cette même juridiction la question de savoir si, sur la base du principe du pollueur-payeur, l’administration nationale peut imposer au propriétaire d’un terrain pollué, qui n’est pas l’auteur de la pollution, l’obligation de mettre en œuvre les mesures de sécurisation d’urgence visées à l’article 240, paragraphe 1, sous m), dudit code, ou bien si, dans de telles hypothèses, ce propriétaire n’est tenu qu’aux seules
charges réelles, expressément prévues à l’article 253 du même code.
33 Par acte du 21 novembre 2013, Versalis SpA, qui possède également des terrains appartenant au site en cause qu’elle a acquis auprès d’Edison SpA, est intervenue pour conclure au rejet de l’appel du Ministero.
34 Dans sa décision de renvoi, l’assemblée plénière du Consiglio di Stato relève que les juridictions administratives italiennes sont divisées sur l’interprétation des dispositions figurant dans la partie IV du code de l’environnement et, plus généralement, de celles portant sur les obligations du propriétaire d’un site contaminé.
35 Ainsi, lorsqu’une partie de la jurisprudence, en se fondant, entre autres, sur les principes de précaution, d’action préventive et du pollueur-payeur, propres au droit de l’Union, considère que le propriétaire est obligé d’adopter des mesures de sécurisation d’urgence et de réhabilitation même lorsque celui-ci n’est pas l’auteur de la pollution, une autre partie des juridictions italiennes exclut, au contraire, toute responsabilité du propriétaire non-pollueur et, par conséquent, réfute que
l’administration puisse exiger de ce propriétaire de telles mesures. L’assemblée plénière du Consiglio di Stato partage cette dernière opinion, dominante dans la jurisprudence administrative italienne.
36 À cet égard, la juridiction de renvoi, en se référant aux arrêts de la Cour ERG e.a. (C‑378/08, EU:C:2010:126) ainsi que ERG e.a. (C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127), se fonde sur une interprétation littérale du code de l’environnement et sur les principes de la responsabilité civile, lesquels requièrent un lien de causalité entre l’action et le dommage. L’existence de ce lien serait nécessaire pour établir soit une responsabilité subjective, soit une responsabilité objective au titre du
dommage considéré. Ledit lien manquerait dans le cas où le propriétaire n’est pas l’auteur de la pollution. Par conséquent, la responsabilité de celui-ci ne se fonderait que sur sa qualité de propriétaire, la pollution ne pouvant lui être attribuée ni subjectivement ni objectivement.
37 Dans ces conditions, le Consiglio di Stato a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les principes de l’Union européenne en matière d’environnement, consacrés par l’article 191, paragraphe 2, TFUE et par les articles 1er et 8, paragraphe 3, ainsi que par les considérants 13 et 24 de la directive 2004/35, en particulier le principe du pollueur-payeur, le principe de précaution, le principe de l’action préventive, le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, s’opposent-ils à une réglementation nationale telle que celle énoncée par les
articles 244, 245 et 253 du [code de l’environnement] qui, en cas de contamination constatée d’un site et d’impossibilité d’identifier le responsable de la contamination ou encore d’impossibilité d’obtenir de ce dernier les mesures de réparation, ne permet pas à l’autorité administrative d’imposer la mise en œuvre des mesures de sécurisation d’urgence et de réhabilitation au propriétaire non responsable de la pollution, et ne prévoit à la charge de ce dernier qu’une responsabilité patrimoniale
limitée à la valeur du site après la mise en œuvre des mesures de réhabilitation?»
Sur la question préjudicielle
38 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes du droit de l’Union en matière d’environnement, tels que prévus à l’article 191, paragraphe 2, TFUE et dans la directive 2004/35, en particulier celui du pollueur-payeur, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui, lorsqu’il est impossible d’identifier le responsable de la pollution d’un terrain ou d’obtenir de ce dernier les
mesures de réparation, ne permet pas à l’autorité compétente d’imposer l’exécution des mesures de prévention et de réparation au propriétaire de ce terrain, non responsable de la pollution, celui-ci étant seulement tenu au remboursement des frais relatifs aux interventions effectuées par l’autorité compétente dans la limite de la valeur de marché du site, déterminée après l’exécution de ces interventions.
Sur l’applicabilité de l’article 191, paragraphe 2, TFUE
39 Il y a lieu de rappeler que l’article 191, paragraphe 2, TFUE dispose que la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé et est fondée, notamment, sur le principe du pollueur-payeur. Cette disposition se borne ainsi à définir les objectifs généraux de l’Union en matière d’environnement dans la mesure où l’article 192 TFUE confie au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, le
soin de décider de l’action à entreprendre en vue de réaliser ces objectifs (voir arrêts ERG e.a., EU:C:2010:126, point 45; ERG e.a., EU:C:2010:127, point 38, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., C‑478/08 et C‑479/08, EU:C:2010:129, point 35).
40 Par conséquent, dès lors que l’article 191, paragraphe 2, TFUE, lequel contient le principe du pollueur-payeur, s’adresse à l’action de l’Union, cette disposition ne saurait être invoquée en tant que telle par des particuliers aux fins d’exclure l’application d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, intervenant dans un domaine relevant de la politique de l’environnement lorsque n’est applicable aucune réglementation de l’Union adoptée sur le fondement de
l’article 192 TFUE couvrant spécifiquement la situation concernée (voir arrêts ERG e.a., EU:C:2010:126, point 46; ERG e.a., EU:C:2010:127, point 39, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., EU:C:2010:129, point 36).
41 De même, l’article 191, paragraphe 2, TFUE ne saurait être invoqué par les autorités compétentes en matière d’environnement pour imposer, en l’absence de fondement juridique national, des mesures de prévention et de réparation.
42 Il convient toutefois de relever que le principe du pollueur-payeur est susceptible de s’appliquer dans les affaires au principal dans la mesure où celui-ci est mis en œuvre par la directive 2004/35. Cette directive, adoptée sur la base de l’article 175 CE, devenu l’actuel article 192 TFUE, vise, selon la troisième phrase de son considérant 1, à assurer «la réalisation des objectifs et [...] l’application des principes de la politique de [l’Union] dans le domaine de l’environnement, tels
qu’énoncés dans le traité» et applique, ainsi que l’énonce son considérant 2, le principe du pollueur-payeur.
Sur l’applicabilité ratione temporis de la directive 2004/35
43 Compte tenu du fait que, selon les éléments factuels du dossier dont la Cour dispose, les dommages environnementaux anciens en cause au principal résultent d’activités économiques exercées par des propriétaires passés des terrains actuellement détenus respectivement par Fipa Group, Tws Automation et Ivan, il est douteux que la directive 2004/35 soit applicable ratione temporis dans les affaires au principal.
44 En effet, il résulte de l’article 17, premier et deuxième tirets, de ladite directive, lu en combinaison avec son considérant 30, que la même directive s’applique uniquement aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus le 30 avril 2007 ou postérieurement à cette date lorsque ces dommages résultent soit d’activités exercées à cette date ou postérieurement à celle-ci, soit d’activités exercées antérieurement à cette date, mais qui n’ont pas été menées à leur terme
avant celle-ci (voir, en ce sens, arrêts ERG e.a., EU:C:2010:126, points 40 et 41; ERG e.a., EU:C:2010:127, point 34, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., EU:C:2010:129, point 32).
45 Il importe que la juridiction de renvoi vérifie, sur la base des faits qu’elle est seule à même d’apprécier si, dans les affaires au principal, les dommages faisant l’objet des mesures de prévention et de réparation imposées par les autorités nationales compétentes relèvent ou non du champ d’application de la directive 2004/35 tel que délimité par l’article 17 de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt ERG e.a., EU:C:2010:126, point 43).
46 Si cette juridiction devait aboutir à la conclusion selon laquelle ladite directive n’est pas applicable dans les affaires dont elle est saisie, une telle situation relèverait alors du droit national, dans le respect des règles du traité et sans préjudice d’autres actes de droit dérivé (voir arrêts ERG e.a., EU:C:2010:126, point 44; ERG e.a., EU:C:2010:127, point 37, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., EU:C:2010:129, point 34).
47 Pour le cas où la juridiction de renvoi devait aboutir à la conclusion selon laquelle la même directive est applicable ratione temporis dans les affaires au principal, il convient d’examiner la question préjudicielle ainsi qu’il suit.
Sur la notion d’«exploitant»
48 Il ressort d’une lecture combinée de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/35 avec les considérants 2 et 18 ainsi qu’avec les articles 2, points 6 et 7, 5, 6, 8 et 11, paragraphe 2, de cette directive que l’une des conditions essentielles de l’application du régime de responsabilité instauré par ces dispositions est l’identification d’un exploitant qui peut être qualifié de responsable.
49 En effet, la seconde phrase du considérant 2 de la directive 2004/35 énonce que le principe fondamental de cette dernière devrait être que l’exploitant dont l’activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d’un tel dommage soit tenu pour financièrement responsable.
50 Ainsi que la Cour l’a déjà constaté, dans le système des articles 6 et 7 de la directive 2004/35, il revient en principe à l’exploitant à l’origine du dommage environnemental de prendre l’initiative de proposer des mesures de réparation qu’il estime adéquates à la situation (voir arrêt ERG e.a., EU:C:2010:127, point 46). De même, c’est à cet exploitant que l’autorité compétente peut imposer de prendre les mesures nécessaires.
51 Pareillement, l’article 8 de cette directive, intitulé «Coûts liés à la prévention et à la réparation», dispose à son paragraphe 1 que c’est cet exploitant qui supporte les coûts des actions de prévention et de réparation entreprises en application de ladite directive. Les autorités compétentes ont, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la même directive, l’obligation de déterminer quel exploitant a causé les dommages.
52 En revanche, les personnes autres que celles définies à l’article 2, point 6, de la directive 2004/35, à savoir celles qui n’exercent pas une activité professionnelle, au sens de l’article 2, point 7, de cette directive, ne relèvent pas du champ d’application de ladite directive, circonscrit à l’article 3, paragraphe 1, sous a) et b), de celle-ci.
53 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il découle des éléments de fait exposés par la juridiction de renvoi et confirmés par toutes les parties au principal lors de l’audience, aucune des parties défenderesses au principal n’exerce présentement l’une des activités énumérées à l’annexe III de la directive 2004/35. Dans ces conditions, il convient d’examiner dans quelle mesure ces parties défenderesses seraient susceptibles de relever de cette directive au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de
celle-ci, lequel vise les dommages causés par des activités autres que celles énumérées à cette annexe lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence.
Sur les conditions de la responsabilité environnementale
54 Ainsi qu’il ressort des articles 4, paragraphe 5, et 11, paragraphe 2, de la directive 2004/35, lus en combinaison avec le considérant 13 de celle-ci, le régime de responsabilité environnementale requiert, pour qu’il fonctionne, qu’un lien de causalité soit établi par l’autorité compétente entre l’activité d’un ou de plusieurs exploitants identifiables et les dommages environnementaux concrets et quantifiables aux fins de l’imposition de mesures de réparation à ce ou à ces exploitants, quel que
soit le type de pollution en cause (voir, en ce sens, arrêt ERG e.a., EU:C:2010:126, points 52 et 53, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., EU:C:2010:129, point 39).
55 En interprétant l’article 3, paragraphe 1, sous a), de ladite directive, la Cour a retenu que l’obligation, pour l’autorité compétente, d’établir un lien de causalité s’applique dans le cadre du régime de responsabilité environnementale objective des exploitants (voir arrêt ERG e.a., EU:C:2010:126, points 63 à 65, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., EU:C:2010:129, point 45).
56 Ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2004/35, ladite obligation vaut également dans le cadre du régime de responsabilité subjective résultant de la faute ou de la négligence de l’exploitant, prévu à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de cette directive pour les autres activités professionnelles que celles visées à l’annexe III de ladite directive.
57 L’importance particulière de la condition de causalité entre l’activité de l’exploitant et le dommage environnemental pour l’application du principe du pollueur-payeur et, de ce fait, pour le régime de responsabilité instauré par la directive 2004/35 ressort également des dispositions de cette dernière relatives aux conséquences à tirer de l’absence de contribution de l’exploitant à la pollution ou au risque de pollution.
58 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 8, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/35, lu en combinaison avec le considérant 20 de celle-ci, l’exploitant n’est pas tenu de supporter les coûts des actions de réparation entreprises en application de ladite directive lorsqu’il est en mesure de prouver que les dommages causés à l’environnement sont le résultat du fait d’un tiers, en dépit de mesures de sécurité appropriées, ou d’un ordre ou d’une instruction émanant
d’une autorité publique (voir, en ce sens, arrêt ERG e.a., EU:C:2010:126, point 67 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., EU:C:2010:129, point 46).
59 Lorsque aucun lien de causalité ne peut être établi entre le dommage environnemental et l’activité de l’exploitant, cette situation relève du droit national dans les conditions rappelées au point 46 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt, ERG e.a., EU:C:2010:126, point 59, ainsi que ordonnance Buzzi Unicem e.a., EU:C:2010:129, points 43 et 48).
60 Or, en l’occurrence, il ressort des éléments fournis à la Cour et du libellé même de la question préjudicielle, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de confirmer, que les parties défenderesses au principal n’ont pas contribué à la survenance des dommages environnementaux en cause.
61 Certes, l’article 16 de la directive 2004/35 prévoit, conformément à l’article 193 TFUE, la faculté, pour les États membres, de maintenir et d’adopter des mesures plus strictes concernant la prévention et la réparation des dommages environnementaux, notamment l’identification d’autres parties responsables, à la condition que ces mesures soient compatibles avec les traités.
62 Toutefois, en l’occurrence, il est constant que, selon la juridiction de renvoi, la réglementation en cause au principal ne permet pas d’imposer au propriétaire non responsable de la pollution des mesures de réparation, cette réglementation se bornant à cet égard à prévoir qu’un tel propriétaire peut être tenu de rembourser les frais relatifs aux interventions engagées par l’autorité compétente dans les limites de la valeur du terrain, déterminée après la mise en œuvre de ces interventions.
63 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question préjudicielle que la directive 2004/35 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui, lorsqu’il est impossible d’identifier le responsable de la pollution d’un terrain ou d’obtenir de ce dernier les mesures de réparation, ne permet pas à l’autorité compétente d’imposer l’exécution des mesures de prévention et de
réparation au propriétaire de ce terrain, non responsable de la pollution, celui-ci étant seulement tenu au remboursement des frais relatifs aux interventions effectuées par l’autorité compétente dans la limite de la valeur de marché du site, déterminée après l’exécution de ces interventions.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
La directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui, lorsqu’il est impossible d’identifier le responsable de la pollution d’un terrain ou d’obtenir de ce dernier les mesures de réparation, ne permet pas à l’autorité
compétente d’imposer l’exécution des mesures de prévention et de réparation au propriétaire de ce terrain, non responsable de la pollution, celui-ci étant seulement tenu au remboursement des frais relatifs aux interventions effectuées par l’autorité compétente dans la limite de la valeur de marché du site, déterminée après l’exécution de ces interventions.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’italien.