CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 21 mai 2015 ( 1 )
Affaire C‑23/14
Post Danmark A/S
contre
Konkurrencerådet
[demande de décision préjudicielle formée par le Sø- og Handelsretten (Danemark)]
«Concurrence — Abus de position dominante (article 82 CE) — Services postaux — Marché danois de la distribution d’envois postaux en nombre — Publipostage — Monopole de l’ancienne entreprise postale d’État sur une partie importante du marché — Systèmes de rabais — Effet d’éviction — Absence de seuil de sensibilité ou de seuil de minimis — Critère du concurrent aussi efficace (‘As efficient competitor’ Test)»
I – Introduction
1. La présente affaire préjudicielle offre à la Cour une nouvelle opportunité de préciser sa jurisprudence concernant l’article 82 CE, devenu article 102 TFUE, relative au caractère abusif de systèmes de rabais accordés par des entreprises occupant une position dominante, dont les débuts remontent à plus de 40 ans ( 2 ).
2. Dans cette affaire, il s’agit de savoir si, en 2007 et 2008, l’entreprise danoise Post Danmark A/S (ci-après «Post Danmark») a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d’envois postaux en nombre à des destinataires danois. En substance, il convient d’examiner si Post Danmark a recouru à une pratique d’éviction en accordant des rabais allant jusqu’à 16 % dès lors que ses clients atteignaient certains seuils standardisés de quantité ou de chiffre d’affaires sur une période de
référence d’un an. Le rabais accordé avait un effet rétroactif, c’est-à-dire qu’il concernait tous les publipostages distribués pour le client concerné pendant toute la période de référence.
3. Dans cette affaire, la Cour devra notamment déterminer si, pour apprécier le caractère anticoncurrentiel de systèmes de rabais au sens de l’article 82 CE, il est juridiquement nécessaire d’effectuer une analyse des prix et des coûts en comparant les pratiques commerciales de l’entreprise occupant une position dominante avec celles d’un concurrent aussi efficace («As efficient competitor» Test). De surcroît, il convient de se demander si l’effet d’éviction produit par le système de rabais pratiqué
par une entreprise occupant une position dominante doit dépasser un quelconque seuil de sensibilité (seuil de minimis) pour être qualifié d’anticoncurrentiel.
4. Alors que les appels en faveur d’une approche plus économique en droit européen de la concurrence («more economic approach») sont de plus en plus fréquents, ces questions acquièrent une importance particulière. En donnant des réponses à ses questions, dont l’incidence devrait aller bien aller au-delà de la présente affaire ( 3 ), selon nous, la Cour devrait non pas se laisser trop influencer par l’esprit du temps ou des modes passagères, mais plutôt revenir aux bases juridiques sur lesquelles est
fondée l’interdiction de l’abus de position dominante en droit de l’Union.
II – Le cadre juridique
5. En droit de l’Union, le cadre juridique de cette affaire est déterminé par l’article 82 CE (devenu article 102 TFUE). À l’article 11 de la loi relative à la concurrence ( 4 ), le droit danois comporte une disposition qui, pour ce qui nous intéresse, correspond à l’article 82 CE et qui, d’après les travaux préparatoires de cette loi, doit être interprétée conformément à l’article 82 CE.
III – Les faits et la procédure au principal
6. L’affaire au principal a pour origine un litige entre Post Danmark et l’autorité de la concurrence danoise, le Konkurrenceråd ( 5 ). Par décision du 24 juin 2009, le Konkurrenceråd a constaté que, en 2007 et 2008, Post Danmark avait abusé de sa position dominante sur le marché des envois postaux en nombre en pratiquant un système de rabais sur le publipostage et, ce faisant, avait enfreint l’article 82 CE et l’article 11 de la loi relative à la concurrence. C’est pourquoi le Konkurrenceråd a
interdit à l’entreprise de continuer à appliquer le système de rabais.
7. Pendant la période litigieuse, le capital de Post Danmark était détenu à la fois par l’État danois et par des investisseurs privés. L’entreprise était soumise à une obligation de service universel pour certains envois postaux et était tenue d’appliquer des tarifs uniques sur tout le territoire national. En contrepartie, Post Danmark disposait d’un monopole légal sur la distribution de lettres de moins de 50 grammes. De cette façon, environ 70 % du marché des envois postaux en nombre relevaient du
droit d’exclusivité de Post Danmark.
8. La juridiction de renvoi considère que le marché des envois postaux en nombre est le marché de produit et le marché géographique pertinent. Pendant la période en cause, Post Danmark disposait d’une part de 95 % de ce marché. Le publipostage, c’est-à-dire les envois publicitaires avec adresse qui sont expédiés simultanément à un grand nombre de destinataires, constituent un segment de ce marché des envois postaux en nombre, représentant environ 12 % du marché total en 2007 et 7 % en 2008. La part
du publipostage qui ne relevait pas du monopole de Post Danmark était d’environ 15 % du marché des envois postaux en nombre en 2007 et d’environ 9 % en 2008.
9. À partir de l’année 2007, Bring Citymail Danmark A/S (ci-après «Bring Citymail Danmark»), une filiale de l’entreprise d’État norvégienne Posten Norge AS, offrait, en concurrence avec Post Danmark, la distribution de courrier d’affaire, y compris de publipostage, à Copenhague et dans les environs et était, pendant la période pertinente, le seul concurrent sérieux de Post Danmark sur le marché danois des envois en nombre. En 2010, Bring Citymail Danmark s’est retirée du marché danois en raison de
pertes élevées. Les parties s’opposent sur le point de savoir si ce retrait était dû au système de rabais sur le publipostage que Post Danmark pratiquait à ce moment‑là.
10. Ledit système de rabais de Post Danmark remontait à l’année 2003. Les rabais, qui représentaient entre 6 et 16 % des frais de port normaux ( 6 ), étaient standardisés et offerts à tous les clients aux mêmes conditions d’application générale. Ils se rapportaient à des périodes d’un an. Tous les envois d’au moins 3000 lettres à chaque fois, confiés à Post Danmark pendant une période de référence d’un an, étaient pris en compte pour l’octroi du rabais. Le système de rabais ne distinguait pas les
envois relevant du monopole de Post Danmark de ceux relevant d’un segment sur lequel il existait un concurrent.
11. Pour atteindre le premier seuil de rabais, prévoyant une remise de 6 %, il fallait que le client fasse distribuer au moins 30000 lettres pendant une année de référence ou que les frais de port bruts pour ses envois représentent au moins 300000 couronnes danoises (DKK). La gradation appliquée par Post Danmark prévoyait huit autres seuils de rabais ( 7 ). Le franchissement de chacun des sept premiers seuils donnait lieu à une augmentation du rabais d’un point de pourcentage, le franchissement des
deux derniers seuils à une augmentation de deux points de pourcentage, jusqu’à un taux de rabais maximal de 16 %. L’échelonnement des rabais accordés concernait surtout les clients moyens, en revanche, généralement, étant donné leurs volumes d’envois, les gros clients atteignaient de toute façon le seuil de rabais le plus élevé.
12. En pratique, le système de rabais était mis en œuvre en déterminant provisoirement le prix appliqué à un client, au début de chaque année de référence, sur la base du volume d’envois prévisible pendant cette année. À la fin de l’année de référence, un ajustement, rétroactif, de tous les prix était effectué en fonction des lettres effectivement envoyées pour ce client pendant la période. Cela pouvait entraîner une obligation de remboursement du client envers Post Danmark, lorsque le volume
d’envois effectif était inférieur à celui prévu et que, par conséquent, le rabais calculé et accordé en début d’année était trop élevé.
13. Le Konkurrenceråd a vu dans l’application du système de rabais décrit ci‑avant un abus de position dominante. La façon dont le rabais était accordé aurait fidélisé les clients de Post Danmark et aurait ainsi verrouillé le marché aux dépens de concurrents actuels et potentiels, sans procurer en contrepartie au consommateur des avantages en termes d’efficacité susceptibles de compenser les effets anticoncurrentiels.
14. Dans le cadre de son appréciation, le Konkurrenceråd a renoncé à procéder à une analyse des prix et des coûts à l’aune du critère du concurrent aussi efficace. Selon le Konkurrenceråd, ce critère n’aurait pas été approprié car, en raison des spécificités du marché danois, il ne pouvait exister aucun concurrent aussi efficace. En effet, pour justifier sa thèse d’un abus de position dominante, le Konkurrenceråd s’est fondé sur la position particulière de Post Danmark sur le marché pertinent,
faisant de l’entreprise un partenaire commercial incontournable. En outre, le Konkurrenceråd a mentionné notamment les modalités de fonctionnement du système de rabais, en particulier le caractère rétroactif de celui‑ci sur une période de référence d’un an, le montant du rabais allant jusqu’à 16 % et une analyse de la position effective des clients dans le cadre de la gradation des rabais.
15. Par décision du 10 mai 2010, le Konkurrenceankenævnet ( 8 ) a confirmé la décision du Konkurrenceråd. Le 1er juillet 2010, Post Danmark a introduit un recours contre cette décision devant le Sø- og Handelsretten (Danemark) ( 9 ), la juridiction de renvoi. Bring Citymail Danmark est intervenue au soutien du Konkurrenceråd dans la procédure au principal.
IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour
16. Par ordonnance du 8 janvier 2014, parvenue le 16 janvier 2014, le Sø- og Handelsretten a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:
«1) Quelles lignes directrices doivent être suivies pour déterminer si l’utilisation par une entreprise occupant une position dominante d’un système de rabais appliquant des seuils de volume standardisés, et présentant par ailleurs les caractéristiques décrites aux points 10 à 11 de la décision de renvoi, constitue un abus de position dominante contraire à l’article 82 CE?
Il est demandé à la Cour, dans le cadre de sa réponse, de préciser l’importance que présente, dans l’appréciation, le fait que les échelons du système de rabais soient ou non fixés de manière telle que le système est applicable à la majeure partie de la clientèle sur le marché.
Il est demandé à la Cour, dans le cadre de sa réponse, de préciser également l’importance que présentent, le cas échéant, les prix et les coûts de l’entreprise occupant une position dominante dans l’appréciation d’un tel système de rabais au regard de l’article 82 CE (soit l’importance d’un critère de type ‘concurrent aussi efficace’).
Parallèlement, il est demandé à la Cour de préciser l’importance que présentent à ce propos les caractéristiques du marché, et notamment si celles-ci peuvent justifier le recours à des examens et analyses autres qu’un critère de type ‘concurrent aussi efficace’ pour démontrer l’effet d’éviction (voir, à cet égard, point 24 de la communication de la Commission – ‘Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction
abusives des entreprises dominantes’).
2) À quel point l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais présentant les caractéristiques décrites dans la décision de renvoi doit-il être probable et grave pour justifier l’application de l’article 82 CE?
3) Compte tenu des réponses apportées aux première et deuxième questions, quelles sont les circonstances précises que la juridiction nationale doit prendre en considération pour apprécier si un système de rabais, dans un contexte tel que celui qui est décrit dans la décision de renvoi (c’est-à-dire en tenant compte des caractéristiques du marché et de celles du système de rabais), a ou est à même d’avoir concrètement un effet d’éviction sur le marché tel qu’il constitue un abus tombant sous le
coup de l’article 82 CE?
Est-il requis, à cet égard, que l’effet d’éviction sur le marché soit notable?»
17. Dans le cadre de la procédure devant la Cour, ont présenté des observations, outre Post Danmark et Bring Citymail Danmark, les gouvernements danois, allemand, la Commission européenne et l’Autorité de surveillance AELE. À l’exception du gouvernement allemand, ces mêmes parties ont participé à l’audience qui s’est tenue le 26 mars 2015.
V – Appréciation
18. En posant ses questions détaillées, le Sø- og Handelsretten cherche à savoir en substance quels critères ou «lignes directrices» il convient d’appliquer dans le cadre de l’article 82 CE aux fins de l’appréciation de systèmes de rabais accordés par des entreprises occupant une position dominante. La juridiction de renvoi voudrait notamment savoir si le recours au critère du concurrent aussi efficace pour déterminer l’abus de position dominante est juridiquement nécessaire et si, lors de
l’appréciation de l’effet d’éviction éventuel produit par un système de rabais, il convient d’appliquer un seuil de sensibilité (seuil de minimis).
19. Ces questions se posent dans le contexte d’un système de rabais de Post Danmark qui présentait notamment les caractéristiques suivantes:
— Le système de rabais était basé sur des conditions standardisées et d’application générale, comportait neuf seuils de rabais donnant lieu à des rabais allant de 6 à 16 %, se rapportait à une période de référence d’un an et avait un caractère rétroactif.
— Le système de rabais s’appliquait sur un marché dont Post Danmark détenait une part de 95 % et où plus de 70 % des lettres à distribuer relevaient du monopole légal de cette entreprise; il existait d’importantes barrières à l’entrée sur le marché, Post Danmark disposait d’avantages structurels et, avec Bring Citymail Danmark, a été confronté à un concurrent nettement plus petit, seulement dans une zone géographique limitée et pendant un certain temps.
20. Pour répondre à cette demande de décision préjudicielle, il convient de se baser sur l’interdiction de l’abus de position dominante dans la version d’avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, puisque la procédure au principal a pour objet l’application d’un système de rabais en 2007 et en 2008 et que la décision litigieuse du Konkurrenceråd a été rendue au mois de juin 2009. Bien entendu, les développements suivants relatifs à l’article 82 CE peuvent être transposés sans problème à
l’article 102 TFUE, libellé en termes identiques.
21. Comme les questions préjudicielles se recoupent parfois en grande partie, il paraît judicieux d’y répondre dans un autre ordre et, ce faisant, d’aborder l’un après l’autre les problèmes juridiques soulevés dans la décision de renvoi.
A – Les critères d’appréciation de systèmes de rabais accordés par des entreprises occupant une position dominante
1. Généralités (première branche de la première question)
22. La première branche de la première question de la juridiction de renvoi concerne les prescriptions juridiques générales qui, conformément à l’article 82 CE, sont applicables à l’appréciation de systèmes de rabais.
23. À première vue, il peut sembler surprenant que des rabais accordés par des entreprises occupant une position dominante, représentant pourtant bien un avantage en termes de prix pour les clients de ces entreprises, puissent être qualifiés d’abusifs au sens de l’article 82 CE.
24. Toutefois, il faut considérer que la concurrence sur le marché pertinent est justement affaiblie par la présence de l’entreprise occupant une position dominante ( 10 ). C’est la raison pour laquelle, quelles que soient les causes de sa position dominante sur le marché, il incombe à cette entreprise une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur ( 11 ).
25. Par conséquent, l’entreprise occupant une position dominante est soumise, dans le champ d’application de l’article 82 CE, à certaines limitations qui ne s’appliquent pas sous cette forme aux autres entreprises. Une pratique autorisée dans des conditions de concurrence normale peut constituer un abus lorsqu’elle est appliquée par une entreprise occupant une position dominante ( 12 ). En particulier, toute concurrence par les prix, à laquelle recourt l’entreprise occupant une position dominante,
ne peut être considérée comme légitime ( 13 ).
26. Comme la Commission l’observe à juste titre, les rabais accordés par des entreprises occupant une position dominante peuvent parfois cacher des pratiques anticoncurrentielles qui ne sont qu’à première vue l’expression d’une offre particulièrement favorable mais qui, à y regarder de plus près, n’ont pas grand-chose à voir avec des prix vraiment bas et pourraient nuire sérieusement à la concurrence.
27. Certes, il n’existe aucune présomption générale, que ces entreprises devraient renverser, selon laquelle les systèmes de rabais d’entreprises occupant une position dominante seraient abusifs. Cependant, en présence de tels rabais, la distinction entre concurrence par les mérites, d’une part, et pratiques anticoncurrentielles, d’autre part, est généralement une question délicate requérant un examen rigoureux.
28. Il est reconnu par la jurisprudence ( 14 ) que, normalement, des rabais de quantité, liés exclusivement au volume des achats effectués, ne produisent pas d’effets anticoncurrentiels et ne sont donc pas abusifs, même lorsqu’ils sont accordés par des entreprises occupant une position dominante. En effet, si l’augmentation de la quantité fournie se traduit par un coût inférieur pour le fournisseur, celui-ci est en droit de faire bénéficier son client de cette réduction par le biais d’un tarif plus
favorable. En revanche, sont généralement abusifs au sens de l’article 82 CE les rabais de fidélisation ou les ristournes d’objectifs avec lesquels les entreprises occupant une position dominante tentent de fidéliser leurs propres clients et d’attirer les clients de leurs concurrents.
29. Toutefois, en définitive, pour apprécier un système de rabais d’une entreprise occupant une position dominante aux fins de l’article 82 CE, il n’est pas déterminant de pouvoir classer ce système dans une catégorie courante, notamment celle des rabais de fidélisation ou celle des ristournes d’objectifs. Ce qui est décisif, c’est plutôt de savoir si ces rabais tendent, par un avantage qui ne repose sur aucune prestation économique qui le justifie, à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son
chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée ( 15 ). Ainsi, pour résumer, ce qui importe, c’est de savoir si l’entreprise occupant une position dominante accorde des rabais, susceptibles de produire un effet d’éviction sur le marché pertinent, pour lesquels il n’existe pas de justification économique, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de répercuter une
économie de coûts sur les clients ( 16 ). Par ailleurs, l’article 82, second alinéa, sous c), CE interdit aussi expressément à l’entreprise occupant une position dominante l’octroi de rabais discriminatoires en appliquant à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ( 17 ).
30. En l’espèce, rien n’indique que le système de rabais pratiqué par Post Danmark ait été discriminatoire étant donné qu’il était soumis à des conditions standardisées et d’application générale. C’est pourquoi les instances nationales qui ont connu du litige au principal se sont tout de suite demandés, à juste titre, si le système de rabais de Post Danmark était susceptible de produire un effet d’éviction dépourvu de justification économique.
31. La question de savoir si les rabais accordés par une entreprise occupant une position dominante sont susceptibles de produire un tel effet d’éviction doit s’apprécier sur la base de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce ( 18 ) (voir à cet égard ci-après nos explications sous 2 et 3).
32. À cet égard, il va de soi que ni le désir de l’entreprise occupant une position dominante de vendre plus ni son désir de mieux planifier la production ne peuvent être considérés comme justifiant l’octroi de rabais lorsque ces derniers sont de nature à produire un effet d’éviction ( 19 ).
2. Les circonstances à prendre en considération lors de l’appréciation de systèmes de rabais (première branche de la troisième question et dernière branche de la première question)
33. Les circonstances qu’il y a lieu concrètement de prendre en considération lors de l’appréciation de l’effet d’éviction éventuel de systèmes de rabais pratiqués par des entreprises occupant une position dominante aux fins de l’article 82 CE font l’objet de la première branche de la troisième question préjudicielle et de la dernière branche de la première.
34. Il est évidemment impossible d’établir une liste d’application générale et exhaustive de toutes les circonstances à prendre en considération dans le cadre de l’article 82 CE, puisque chaque marché et chaque système de rabais peut présenter des particularités qui lui sont propres. Toutefois, compte tenu des faits décrits dans la décision de renvoi, il est possible de donner à la juridiction de renvoi quelques indications utiles qui devraient lui permettre de rendre plus facilement sa décision.
35. Selon une jurisprudence constante, pour apprécier un système de rabais aux fins de l’article 82 CE, il y a lieu d’apprécier notamment les critères et les modalités de l’octroi du rabais ( 20 ) [voir à cet égard ci-après sous a)]. Toutefois, comme l’indique la formulation employée par la Cour, «notamment», d’autres facteurs peuvent avoir de l’importance, à savoir les conditions de concurrence régnant sur le marché pertinent et la position, étroitement liée à ces conditions, de l’entreprise
occupant une position dominante sur ce marché [voir ci-après sous b)].
a) Les critères et les modalités de l’octroi du rabais
36. En ce qui concerne tout d’abord les critères et les modalités de l’octroi du rabais, plaide en faveur d’un caractère abusif du système de rabais le fait que celui-ci, comme le système de rabais litigieux de Post Danmark, n’a pas un effet purement progressif, si bien que chaque franchissement d’un nouveau seuil n’entraîne pas seulement un rabais pour toutes les commandes supplémentaires, mais produit également un effet rétroactif et, ainsi, réduit a posteriori le prix de toutes les commandes déjà
passées pendant une période de référence ( 21 ).
37. En effet, de cette manière, des variations proportionnellement modestes – que ce soit à la hausse ou à la baisse – des chiffres d’affaires relatifs aux produits de l’entreprise en position dominante produisent des effets disproportionnés sur les cocontractants ( 22 ). Par conséquent, un tel système de rabais produit généralement un effet de fidélisation que l’on peut également qualifier d’«effet d’aspiration». Il permet à l’entreprise occupant une position dominante de fidéliser plus facilement
ses clients et d’attirer les clients de ses concurrents et ainsi, en fin de compte, d’aspirer à son profit la partie disputable de la demande sur le marché pertinent ( 23 ).
38. Évidemment, cet effet d’aspiration est d’autant plus important que les rabais accordés sont élevés et que la période de référence, à laquelle ils s’appliquent a posteriori lors du franchissement de chaque nouveau seuil, est longue. Si, comme en l’espèce, les rabais accordés, allant de 6 à 16 %, sont relativement élevés, et ce rétroactivement sur une période de référence d’un an, relativement longue ( 24 ), cela incite à penser que l’effet d’aspiration est important. En l’espèce, cet effet
d’aspiration est encore renforcé par le fait que les rabais s’appliquaient indistinctement à la partie disputable et à la partie non disputable de la demande, c’est‑à‑dire notamment aux lettres d’un poids inférieur à 50 grammes relevant du monopole légal de Post Danmark.
39. Si, de surcroît, il est possible de démontrer que l’entreprise occupant une position dominante a eu l’intention d’évincer la concurrence ( 25 ), cela constitue un indice supplémentaire sérieux du caractère abusif du système de rabais pratiqué par celle-ci. Néanmoins, une telle intention ou stratégie d’éviction n’est pas une condition nécessaire pour constater une violation de l’article 82 CE, puisque, en effet, l’exploitation abusive d’une position dominante sur un marché constitue un concept
objectif ( 26 ). Par conséquent, la seule circonstance que, en l’espèce, Post Danmark assure ne pas avoir agi avec l’intention d’évincer la concurrence ne protège en rien l’entreprise du constat d’un abus au sens de l’article 82 CE.
40. En cas de discrimination entre partenaires commerciaux au sens de l’article 82, second alinéa, sous c), CE, le caractère abusif des rabais accordés par l’entreprise occupant une position dominante est particulièrement manifeste. Toutefois, un système de rabais peut également être abusif au sens de l’article 82 CE lorsque, sans comporter d’éléments discriminatoires, il produit des effets d’éviction anticoncurrentiels sur le marché ( 27 ). À cet égard, l’Autorité de surveillance AELE a souligné à
juste titre qu’il importe moins de distinguer rabais individualisés et rabais standardisés que d’examiner si le système de rabais en cause est effectivement susceptible de produire des effets d’éviction sur le marché.
41. Enfin, la facturation aux clients de «prix négatifs», c’est-à-dire de prix au-dessous du prix de revient, ne constitue pas une condition préalable au constat du caractère abusif d’un système de rabais rétroactifs par une entreprise en position dominante ( 28 ). En effet, en raison du chiffre d’affaires nettement plus élevé qu’elle réalise, généralement, la société occupant une position dominante peut encore rentrer dans ses frais, même en accordant des rabais importants. Par conséquent, elle
peut produire un effet d’éviction avec ses rabais sans elle-même subir de pertes.
b) Les conditions de concurrence régnant sur le marché pertinent et la position de l’entreprise dominante sur ce marché
42. Ensuite, en ce qui concerne les conditions de concurrence régnant sur le marché pertinent et la position de l’entreprise dominante sur ce marché, un effet d’éviction anticoncurrentiel est d’autant plus probable et important que l’entreprise occupant une position dominante sur le marché pertinent est forte et que la position de ses concurrents actuels et potentiels est faible. À cet égard, il faut prendre en considération non seulement les parts de marché de l’entreprise occupant une position
dominante et de ses concurrents, mais aussi l’origine de la position dominante de cette entreprise et la détention éventuelle par cette dernière d’un monopole légal pour la totalité ou une partie du marché ( 29 ).
43. En l’espèce, en tant qu’opérateur postal d’État historique, Post Danmark disposait, d’après les constats de la décision de renvoi, d’une part de marché écrasante de 95 % sur le marché danois des envois en masse, alors que, en revanche, Bring Citymail Danmark détenait seulement 5 % de ce marché.
44. Un écart aussi important entre la part de marché de l’entreprise occupant une position dominante et celle de la concurrence est de nature à renforcer l’apparition d’effets d’éviction, puisque, dans ces conditions, il est particulièrement difficile pour les concurrents de l’entreprise occupant une position dominante de surenchérir face à des rabais ou à des primes fondés sur le volume global des ventes ( 30 ).
45. En outre, 70 % de ce marché faisaient l’objet du monopole légal revenant à Post Danmark, c’est-à-dire du monopole sur la distribution des lettres de moins de 50 grammes, et n’étaient donc, d’emblée, pas ouverts à la concurrence. De surcroît, Bring Citymail Danmark était le seul concurrent sérieux de Post Danmark, n’intervenant que dans une zone géographique limitée, l’agglomération de Copenhague, alors que, en revanche, Post Danmark disposait d’un réseau de distribution efficace sur tout le
territoire.
46. Tout cela indique que, compte tenu de sa position prépondérante sur le marché, Post Danmark était un partenaire commercial incontournable et que les rabais qu’elle pratiquait étaient susceptibles de produire un effet d’éviction considérable ( 31 ). Cette impression est renforcée lorsque l’on examine certains éléments structurels caractérisant le marché pertinent.
47. Comme nous l’avons déjà mentionné, un marché comme le marché danois des envois en masse est caractérisé par des prestations de services liées à l’existence d’un réseau. Sur un tel marché, un opérateur a besoin d’un réseau de distribution le plus performant possible pour opérer efficacement et pouvoir fournir les services qu’attendent les clients. Comme cela est également constaté dans la décision de renvoi, le revers de la médaille est que, d’un point de vue économique, un tel marché est
caractérisé par d’importantes économies d’échelle et des barrières élevées à l’entrée, si bien qu’il est plus difficile aux concurrents de l’entreprise occupant une position dominante de s’établir sur ce marché et de concurrencer celle-ci sur la partie disputable de la demande.
48. En outre, pour apprécier les éventuels effets d’éviction de systèmes de rabais pratiqués par des entreprises occupant une position dominante, il peut aussi être important de connaître la versatilité des clients sur le marché pertinent et la part de leurs besoins que ceux-ci sont en mesure de satisfaire auprès des concurrents de l’entreprise occupant une position dominante sans subir de perte de rabais.
49. À cet égard, il a été constaté dans l’affaire au principal que les clients concernés n’auraient pu envisager de quitter Post Danmark pour un autre opérateur postal qu’en subissant une perte de rabais sur deux tiers des envois de lettres accessibles à la concurrence. Cela indique que le système de rabais de Post Danmark était susceptible de produire des effets d’éviction importants.
50. Par conséquent, tout bien considéré, en l’espèce, compte tenu des conditions de concurrence sur le marché pertinent et de la position de l’entreprise dominante sur ce marché, il existe des indices sérieux montrant qu’un système de rabais tel que celui pratiqué par Post Danmark était susceptible de produire des effets d’éviction importants.
3. La portée du système de rabais (deuxième branche de la première question)
51. La deuxième branche de la première question est consacrée à la portée d’un système de rabais tel que celui pratiqué par Post Danmark. La juridiction de renvoi voudrait savoir quelle importance a, aux fins de l’appréciation à l’aune de l’article 82 CE, le fait que, compte tenu de la standardisation de ses différents seuils de rabais (qualifiés de «seuils de volume» dans la décision de renvoi), le système de rabais n’est pas conçu pour répondre aux besoins de clients individuels mais s’applique à
la majorité des clients sur le marché.
52. Ainsi que l’a jugé très tôt la Cour, le nombre des contrats auxquels trouvent à s’appliquer les rabais accordés par une entreprise occupant une position dominante, et donc, en fin de compte, le nombre des clients concernés, importe peu aux fins de l’appréciation juridique de ces rabais à l’aune de l’article 82 CE ( 32 ).
53. Par conséquent, la seule circonstance que, sur le marché, de nombreux clients ou même la plupart des clients sont concernés par un système de rabais et que, donc, ce système a une portée étendue, ne donne aucune indication quant à son caractère abusif au sens de l’article 82 CE.
54. Toutefois, si un tel système devait être de nature à produire un effet d’aspiration au profit de l’entreprise occupant une position dominante, le fait de capter un nombre important de clients et une grande partie de la demande disputable sur le marché peut aggraver les effets d’éviction potentiels ou réels par rapport à des systèmes de rabais dont la portée est moins étendue. C’est ce que plusieurs parties à la procédure ont fait observer à juste titre.
4. Conclusion intermédiaire
55. Le système de rabais pratiqué par une entreprise occupant une position dominante sur le marché est abusif au sens de l’article 82 CE s’il ressort d’une appréciation d’ensemble de toutes les circonstances de l’espèce que les rabais sont susceptibles de produire un effet d’éviction dépourvu de justification économique en prenant en considération, notamment, les critères et les modalités de l’octroi du rabais, les conditions de concurrence régnant sur le marché et la position de l’entreprise
dominante sur ce marché.
B – L’importance du critère du concurrent aussi efficace («As efficient competitor» Test) (troisième branche de la première question)
56. La troisième et dernière branche de la première question préjudicielle est consacrée au critère du concurrent aussi efficace. Le recours à un tel critère consiste à déduire d’une analyse des prix et des coûts ( 33 ) si un concurrent aussi efficace peut concurrencer efficacement les pratiques de prix de l’entreprise occupant une position dominante ou bien si, au contraire, la politique de rabais de l’entreprise occupant une position dominante sur le marché pertinent produit des effets d’éviction
anticoncurrentiels.
57. La juridiction de renvoi demande si, pour constater l’abus de position dominante lié à un système de rabais, il est juridiquement nécessaire d’appliquer le critère du concurrent aussi efficace, et, en cas de réponse négative, de quelles autres circonstances il est possible, le cas échéant, de conclure que ce système de rabais est abusif.
58. Il convient de situer ces branches de questions dans le contexte de la communication de la Commission de 2009 ( 34 ), dans laquelle, en tant qu’autorité de la concurrence, celle-ci a fait connaître ses priorités retenues pour l’application de l’article 82 CE. En l’espèce, la juridiction de renvoi fait expressément référence à cette communication sur les priorités.
59. Dans sa communication sur les priorités, la Commission a annoncé qu’elle voulait normalement intervenir contre des pratiques d’éviction abusives liées aux prix seulement lorsque les pratiques considérées ont déjà entravé ou sont de nature à entraver la concurrence d’entreprises considérées comme aussi efficaces que l’entreprise occupant une position dominante (en anglais: «as efficient competitors») ( 35 ). Afin d’établir un tel constat, la Commission s’est imposée d’appliquer en général le
critère du concurrent aussi efficace en matière de pratiques d’éviction abusives liées aux prix.
60. Toutefois, naturellement, une telle pratique administrative de la Commission ne s’impose pas aux autorités de la concurrence et aux juridictions nationales. Cela découle, d’une part, du libellé même de la communication sur les priorités qui «ne vise pas à établir le droit applicable» ( 36 ) et, d’autre part, de la jurisprudence constante relative à des telles publications de la Commission ( 37 ). Même si rien n’empêche les instances nationales de recourir au critère du concurrent aussi efficace
en suivant l’exemple de la Commission, juridiquement, celles-ci sont liées uniquement par les prescriptions découlant de l’article 82 CE. Il incombe à notre Cour d’identifier ces prescriptions.
61. Selon nous, il n’est possible de déduire de l’article 82 CE aucune obligation juridique de s’appuyer systématiquement sur une analyse des prix et des coûts comme le critère du concurrent aussi efficace pour constater le caractère abusif de systèmes de rabais pratiqués par des entreprises dominantes.
62. Certes, il est exact que, parfois, la Cour a requis l’application du critère du concurrent aussi efficace concernant des pratiques liées aux prix autres que des rabais, en soulignant que l’article 82 CE interdit, notamment, à une entreprise occupant une position dominante de mettre en œuvre des pratiques produisant des effets d’éviction pour ses concurrents considérés comme étant aussi efficaces qu’elle-même ( 38 ).
63. Toutefois, il est impossible de déduire de cette jurisprudence une exigence absolue de recourir systématiquement au critère du concurrent aussi efficace lors de l’appréciation, du point de vue du droit de la concurrence, de pratiques d’éviction abusives liées aux prix. D’une part, ladite jurisprudence concerne spécifiquement des pratiques de prix d’entreprises occupant une position dominante comme une politique de prix bas (par exemple, en proposant des prix inférieurs à perte) ou une
compression des marges sous forme d’effet de ciseaux, qui, par leur nature, sont étroitement liées à la structure de coûts des entreprises concernées. D’autre part, la formulation choisie par la Cour, «notamment» ( 39 ), montre clairement qu’il ne faut pas considérer qu’il y a abus de position dominante uniquement lorsqu’un effet d’éviction ne concerne que des entreprises aussi efficaces que l’entreprise occupant une position dominante.
64. La Cour n’a jamais subordonné le constat du caractère abusif des systèmes de rabais d’entreprises occupant une position dominante, au sens de l’article 82 CE, à une analyse des prix et des coûts. Au contraire, concernant de tels systèmes de rabais, elle a toujours jugé que l’absence de comparaison des prix pratiqués et des coûts ne constituait pas une erreur de droit ( 40 ). En l’espèce, la Cour devrait également s’en tenir à cette jurisprudence.
65. Bien sûr, il serait théoriquement concevable de subordonner de manière générale le constat de pratiques d’éviction abusives liées aux prix à une analyse à l’aune du critère du concurrent aussi efficace et donc de prescrire également cette analyse pour les systèmes de rabais d’entreprises occupant une position dominante. Toutefois, pour plusieurs raisons, il convient de se montrer sceptique à l’égard d’une telle évolution de la jurisprudence relative à l’article 82 CE.
66. D’une part, la valeur ajoutée d’analyses économiques complexes n’est pas toujours évidente et peut entraîner une mobilisation excessive de ressources des autorités de la concurrence et des juridictions qui manqueront par ailleurs pour veiller efficacement au respect des règles de concurrence. Comme le montrent de manière exemplaire les observations présentées à la Cour par Post Danmark, Bring Citymail Danmark et le gouvernement danois, la méthodologie appliquée peut donner lieu à des désaccords
importants ( 41 ). Par ailleurs, les données disponibles sur lesquelles se base l’analyse ne sont pas toujours fiables ( 42 ) et supposent que l’entreprise occupant une position dominante soit prête à coopérer avec les autorités de la concurrence et les juridictions, ce qui, comme l’a souligné le gouvernement allemand, n’est pas toujours garanti.
67. D’autre part, il convient de mettre en garde contre l’idée erronée selon laquelle l’on pourrait remédier de manière simple et juridiquement sûre au problème des pratiques d’évictions abusives liées aux prix grâce à une espèce de formule mathématique, uniquement sur la base d’éléments de prix et de coûts des entreprises concernées. Comme nous l’avons déjà dit: il n’est pas rare que les données des entreprises se prêtent à des interprétations multiples.
68. Surtout, le constat d’un abus dans le cadre de l’article 82 CE, tout comme dans d’autres cadres, requiert de porter une appréciation, prenant en considération toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce, qui ne saurait se contenter d’un examen d’éléments de prix et de coûts. En effet, de nombreux autres facteurs, comme les modalités concrètes d’un système de rabais, ainsi que certaines spécificités du marché sur lequel opère l’entreprise occupant une position dominante, peuvent
également importer pour constater un abus; ils peuvent même être beaucoup plus significatifs qu’une analyse des prix et des coûts.
69. L’appréciation en fonction de toutes les circonstances du cas d’espèce et la possibilité d’une justification économique objective de la pratique de l’entreprise occupant une position dominante garantissent suffisamment que les exigences juridiques auxquelles est soumis le constat d’un abus au sens de l’article 82 CE ne méconnaissent pas les réalités économiques ( 43 ).
70. Si le caractère abusif du système de rabais d’une entreprise occupant une position dominante résulte déjà d’une appréciation d’ensemble des autres circonstances du cas d’espèce, comme nous l’avons déjà exposé ci‑avant ( 44 ), alors, d’un point de vue juridique, il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse des prix et des coûts du type du critère du concurrent aussi efficace.
71. Il ne peut, à plus forte raison, exister aucune obligation juridique d’effectuer une analyse à l’aune du critère du concurrent aussi efficace lorsque, étant donné la structure du marché, il est exclu qu’une autre entreprise puisse être aussi efficace que l’entreprise occupant une position dominante. Cela peut être dû aux conditions de concurrence spécifiques du marché pertinent (par exemple, parce que ce marché est caractérisé, comme en l’espèce, par des barrières élevées à l’entrée, des
économies d’échelle importantes ou des prestations de services liées à l’existence d’un réseau) ou au fait que le niveau des coûts de l’entreprise occupant une position dominante est tributaire précisément de la situation d’avantage compétitif qui place cette entreprise dans une position dominante ( 45 ).
72. Dans de tels cas, il serait d’emblée absurde d’examiner, en effectuant n’importe quelle analyse des prix et des coûts, si le système de rabais de l’entreprise occupant une position dominante produit un effet d’éviction à l’égard d’un concurrent aussi efficace purement hypothétique. En effet, s’il ne peut exister aucun concurrent aussi efficace que l’entreprise occupant une position dominante, alors le critère du concurrent aussi efficace ne permettra pas de déterminer de manière fiable si des
effets d’éviction sont ou non susceptibles de se produire sur le marché.
73. Bien au contraire, sur un marché où, en raison de la présence d’une entreprise occupant une position dominante, la concurrence est tellement affaiblie que des concurrents aussi efficaces ne peuvent même pas s’y établir, il ne faut pas négliger la pression concurrentielle exercée par des entreprises moins efficaces ( 46 ). Le maintien de cette pression concurrentielle fait partie des objectifs fondamentaux de l’article 82 CE. En effet, il faut empêcher que la structure du marché et les
possibilités de choix des clients se dégradent encore davantage en raison des pratiques de l’entreprise occupant une position dominante ( 47 ).
74. Par conséquent, l’article 82 CE interdit d’effectuer une analyse à l’aune du critère du concurrent aussi efficace sur un marché où, étant donné la structure de marché, il est exclu qu’une autre entreprise puisse être aussi efficace que l’entreprise occupant une position dominante.
75. C’est pourquoi, il convient de retenir pour résumer:
L’article 82 CE ne requiert pas que le caractère abusif du système de rabais pratiqué par une entreprise occupant une position dominante sur le marché soit démontré en effectuant une analyse des prix et des coûts du type du critère du concurrent aussi efficace («As efficient competitor» Test), dès lors que le caractère abusif de ce système de rabais ressort d’une appréciation d’ensemble des autres circonstances du cas d’espèce.
Toutefois, il est loisible aux autorités et aux juridictions qui connaissent d’affaires de concurrence de recourir à une telle analyse des prix et des coûts dans le cadre de leur appréciation d’ensemble de toutes les circonstances du cas d’espèce, à moins que, étant donné la structure du marché, il soit exclu qu’une autre entreprise puisse être aussi efficace que l’entreprise occupant une position dominante.
C – La question de savoir si les éventuels effets anticoncurrentiels du système de rabais doivent être notables (deuxième question et seconde branche de la troisième question)
76. Enfin, par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir à quel point l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais d’une entreprise occupant une position dominante comme Post Danmark doit être «probable et grave» pour «justifier l’application» de l’article 82 CE. La seconde branche de la troisième question, demandant si «l’effet d’éviction» sur le marché doit être «notable», va dans le même sens.
77. Selon nous, il serait insuffisant de répondre à la juridiction de renvoi en invoquant simplement l’autonomie procédurale dont disposent les États membres en matière de preuve ( 48 ). En effet, il s’agit en l’espèce des exigences de fond que doit respecter le constat d’un abus de position dominante au sens de l’article 82 CE. Ces exigences font partie du droit de l’Union et doivent donc être appliquées de manière uniforme dans toute l’Union afin de créer le contexte le plus uniforme possible en
matière de règles de concurrence pour toutes les entreprises opérant sur le marché intérieur («level playing field») ( 49 ).
78. Il parait opportun d’examiner séparément les deux aspects évoqués par la juridiction de renvoi, c’est-à-dire la probabilité d’un effet anticoncurrentiel, d’une part, et le caractère notable de cet effet, d’autre part.
1. La probabilité de la survenance d’un effet anticoncurrentiel
79. La juridiction de renvoi demande tout d’abord quelle doit être la probabilité que le système de rabais appliqué par une entreprise occupant une position dominante produise un effet anticoncurrentiel pour constituer un abus au sens de l’article 82 CE.
80. À cet égard il convient d’observer que l’effet d’éviction produit par un tel rabais ne doit pas avoir un caractère purement hypothétique ( 50 ). En d’autres termes, les rabais en cause doivent être non seulement de manière abstraite, mais également concrètement de nature à rendre plus difficile, voire impossible, aux concurrents de l’entreprise en position dominante l’accès au marché et à ses cocontractants le choix entre plusieurs sources d’approvisionnement ou partenaires commerciaux ( 51 ).
81. Toutefois, pour cela, il n’y a pas besoin d’effectuer une analyse complexe des effets concrets des rabais sur la concurrence, c’est-à-dire qu’il n’y a pas besoin d’examiner si un effet anticoncurrentiel s’est effectivement produit ( 52 ). En effet, l’interdiction prévue à l’article 82 CE vise également les pratiques d’entreprises occupant une position dominante qui ont un effet anticoncurrentiel potentiel ( 53 ). Par conséquent, même s’il était exact que, comme l’affirme Post Danmark, le système
de rabais litigieux n’a pas causé le retrait de Bring Citymail Danmark du marché danois, cela n’exclut pas le constat d’une pratique abusive au sens de l’article 82 CE.
82. Selon une jurisprudence constante, il est nécessaire, mais aussi suffisant, que les rabais en cause puissent produire un effet d’éviction ( 54 ). Il en va ainsi lorsque, en raison d’une appréciation de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce, la survenance de cet effet d’éviction apparaît plus probable que sa non-survenance ( 55 ).
83. Il nous semblerait peu indiqué de placer la barre plus haut et d’exiger, pour considérer qu’il y a abus de position dominante, que la survenance d’un effet d’éviction est «très vraisemblable» ou «particulièrement vraisemblable» ou, même, se produira «sans doute raisonnable».
84. En effet, quelles que soient les causes de sa position dominante sur le marché, il incombe à l’entreprise occupant cette position une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur ( 56 ). De cette responsabilité découle une certaine obligation de réserve sur le marché. C’est pourquoi l’entreprise occupant une position dominante doit renoncer à toutes les pratiques commerciales dont l’effet d’éviction
est probable et non pas seulement à celles avec lesquelles la survenance d’un effet d’éviction est «très vraisemblable» ou «particulièrement vraisemblable» ou, même, se produira «sans doute raisonnable».
85. Le niveau de probabilité de la survenance d’effets d’éviction peut tout au plus avoir des effets sur la lourdeur de sanctions éventuelles, par exemple, sur les amendes infligées par une autorité de la concurrence. Le montant de celles-ci doit toujours respecter le principe de proportionnalité (article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003): plus la probabilité de la survenance d’un effet d’éviction est
élevée et plus cet effet est important, plus la sanction est lourde. Toutefois, la présente affaire préjudicielle n’a pas pour objet cette question de la sanction.
2. La gravité de l’effet anticoncurrentiel anticipé
86. Ensuite, la juridiction de renvoi demande à quel point l’effet anticoncurrentiel d’un système de rabais doit être «grave» ou «notable» pour tomber sous le coup de l’interdiction des abus de position dominante prévue à l’article 82 CE.
87. En fin de compte, cela fait allusion à la question de la sensibilité d’effets anticoncurrentiels éventuels de systèmes de rabais pratiqués par des entreprises occupant une position dominante. Il s’agit de déterminer si le constat d’un abus au sens de l’article 82 CE suppose que l’effet anticoncurrentiel produit par un système de rabais dépasse un quelconque seuil de minimis.
88. Comme l’ont souligné plusieurs parties à la procédure, les doutes de la juridiction de renvoi à cet égard proviennent probablement d’un problème terminologique dans l’arrêt Post Danmark rendu en 2012. En effet, bizarrement, dans la version en langue danoise de cet arrêt, qui fait foi, l’expression «mærkbare virkninger» ( 57 ), qui veut dire quelque chose comme «effets notables», est employée pour l’expression «effet d’éviction». De même, ailleurs dans cet arrêt, il est question de «eliminerende
virkning», c’est-à-dire d’un «effet d’élimination», expression assez forte également ( 58 ).
89. Il suffit de consulter la version en langue française, langue de délibéré et de rédaction de cet arrêt, pour se rendre compte que les termes choisis en danois doivent résulter d’une erreur de traduction. En effet, dans la version en langue française, il est seulement question d’«effet[s] d’éviction», ce qui est conforme au reste de la jurisprudence relative à l’article 82 CE ( 59 ).
90. Par conséquent, il ne faut pas se méprendre en déduisant des expressions «mærkbare virkninger» et «eliminerende virkning», employées dans l’arrêt Post Danmark de 2012, qu’un quelconque seuil de sensibilité ou seuil de minimis s’appliquerait aux systèmes de rabais d’entreprises occupant une position dominante. Au contraire, il convient de considérer comme abusifs au sens de l’article 82 CE tous les systèmes de rabais pratiqués par des entreprises occupant une position dominante qui peuvent
produire un effet d’éviction ( 60 ), et non pas seulement ceux dont les effets sur la concurrence sont «graves» ou «notables», ou susceptibles de l’être.
91. En effet, comme la structure concurrentielle du marché pertinent est déjà affaiblie par la présence de l’entreprise occupant une position dominante, dans le champ d’application de l’article 82 CE, toute restriction supplémentaire de cette structure concurrentielle est susceptible de constituer une exploitation abusive de position dominante ( 61 ).
92. En ce sens, la Cour a jugé, à peu près au moment de l’arrêt Post Danmark de l’année 2012, que la détermination d’un seuil précis, au-delà duquel les rabais accordés par une entreprise occupant une position dominante doivent être considérés comme abusifs, n’est pas nécessaire aux fins de l’application de l’article 82 CE ( 62 ). En effet, les clients qui se trouvent dans la partie verrouillée du marché devraient avoir la possibilité de profiter de tout degré de concurrence qui est possible sur le
marché et les concurrents devraient pouvoir se livrer concurrence par les mérites pour l’ensemble du marché et pas seulement pour une partie de celui-ci. En outre, il n’appartient pas à l’entreprise dominante de déterminer combien de concurrents viables sont autorisés à la concurrencer pour la portion de la demande encore susceptible d’être conquise ( 63 ).
93. D’ailleurs, un seuil de minimis ne paraît pas nécessaire pour apprécier les effets d’éviction de la pratique commerciale d’une entreprise occupant une position dominante également pour deux autres raisons: d’une part, comme nous l’avons déjà mentionné ci-avant ( 64 ), lesdits effets d’éviction doivent reposer sur une appréciation concrète de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce et leur survenance doit être plus probable que leur non-survenance. D’autre part, l’interdiction des
abus de position dominante prévue à l’article 82 CE ne vise de toute façon que les pratiques susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.
94. En soi, ces deux aspects suffisent déjà à exclure du champ d’application de l’article 82 CE les pratiques dont les effets anticoncurrentiels seraient purement hypothétiques ou totalement négligeables.
3. Conclusion intermédiaire
95. Par conséquent, il convient de retenir pour résumer:
Il n’est pas nécessaire que, en plus de devoir affecter effectivement ou potentiellement le commerce entre États membres, l’effet d’éviction que peut produire le système de rabais pratiqué par une entreprise occupant une position dominante dépasse un quelconque seuil de sensibilité (seuil de minimis) pour qualifier celui-ci d’abusif au sens de l’article 82 CE. Il suffit que la survenance d’un tel effet d’éviction soit plus probable que sa non‑survenance.
VI – Conclusion
96. Au vu des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre globalement de la manière suivante aux questions du Sø- og Handelsretten:
1) Le système de rabais pratiqué par une entreprise occupant une position dominante sur le marché est abusif au sens de l’article 82 CE s’il ressort d’une appréciation d’ensemble de toutes les circonstances de l’espèce que les rabais sont susceptibles de produire un effet d’éviction dépourvu de justification économique en prenant en considération, notamment, les critères et les modalités de l’octroi du rabais, les conditions de concurrence régnant sur le marché et la position dominante de
l’entreprise sur ce marché.
2) L’article 82 CE ne requiert pas que le caractère abusif d’un tel système de rabais soit démontré en effectuant une analyse des prix et des coûts du type du critère du concurrent aussi efficace («As efficient competitor» Test), dès lors que le caractère abusif de ce système de rabais ressort d’une appréciation d’ensemble des autres circonstances du cas d’espèce.
Toutefois, il est loisible aux autorités et aux juridictions qui connaissent d’affaires de concurrence de recourir à une telle analyse de prix et des coûts dans le cadre de l’appréciation d’ensemble de toutes les circonstances du cas d’espèce, à moins que, étant donné la structure du marché, il soit exclu qu’une autre entreprise puisse être aussi efficace que l’entreprise occupant une position dominante.
3) Il n’est pas nécessaire que, en plus de devoir affecter effectivement ou potentiellement le commerce entre États membres, l’effet d’éviction que peut produire le système de rabais pratiqué par une entreprise occupant une position dominante dépasse un quelconque seuil de sensibilité (seuil de minimis) pour qualifier celui-ci d’abusif au sens de l’article 82 CE. Il suffit que la survenance d’un tel effet d’éviction soit plus probable que sa non-survenance.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale: l’allemand.
( 2 ) Voir notamment arrêts Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174); Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36); Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313); British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166); Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221) ainsi qu’arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250).
( 3 ) Dans le pourvoi pendant Intel/Commission (C‑413/14 P), il ne faut pas sous‑estimer l’importance que revêt notamment la question de la nécessité juridique d’appliquer le critère du concurrent aussi efficace à des systèmes de rabais.
( 4 ) Konkurrencelov.
( 5 ) Conseil de la concurrence.
( 6 ) D’après les indications de Post Danmark, le rabais accordé représentait en moyenne 10,6 %.
( 7 ) Les autres seuils de rabais étaient fixés à 75000, 150000, 300000, 500000, 750000, 1000000, 1500000 et 2000000 envois ou à une valeur brute d’au moins 750000, 1500000, 3000000, 5000000, 7500000, 10000000, 15000000 et 20000000 DKK.
( 8 ) Commission de recours de la concurrence.
( 9 ) Tribunal des affaires maritimes et commerciales.
( 10 ) Arrêts Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 91); Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 70) ainsi que Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 17).
( 11 ) Arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 57); voir dans le même sens arrêts France Télécom/Commission (C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 105); Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 176) et TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 24).
( 12 ) Arrêt Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, point 131).
( 13 ) Arrêts AKZO/Commission (C‑62/86, EU:C:1991:286, point 70); France Télécom/Commission (C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 106); Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 177) et Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 25).
( 14 ) Arrêts Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 518); Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, points 89 et 90); Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 71); Portugal/Commission (C‑163/99, EU:C:2001:189, point 50); Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 70) ainsi qu’arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, points 56 à 59).
( 15 ) Arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 73); British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 67); Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 71) ainsi qu’arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, point 60).
( 16 ) Arrêt British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, points 68 et 69).
( 17 ) Arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 73); British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 67); Portugal/Commission (C‑163/99, EU:C:2001:189, point 50) ainsi qu’arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, point 60).
( 18 ) Arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 73); British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 67); Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 18 et 71) ainsi qu’arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, point 60).
( 19 ) Arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 85).
( 20 ) Arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 73); British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 67); Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 71) ainsi qu’arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, point 60).
( 21 ) Voir en ce sens arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 81); British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 73) ainsi que Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, notamment point 75).
( 22 ) Arrêt British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 73).
( 23 ) Arrêt Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 79).
( 24 ) Voir, concernant la longueur de la période de référence, notamment arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 81).
( 25 ) Voir en ce sens arrêt Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 20 et 21).
( 26 ) Arrêts Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 91); AKZO/Commission (C‑62/86, EU:C:1991:286, point 69); TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 27) ainsi que Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 17 et 23).
( 27 ) Arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, point 65).
( 28 ) Arrêt Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 73).
( 29 ) Voir en ce sens déjà arrêt Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23, à la fin).
( 30 ) Arrêts Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 82) et British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 75) ainsi que point 52 de nos conclusions présentées dans cette dernière affaire (EU:C:2006:133).
( 31 ) Voir, concernant tout particulièrement la nécessité de prendre en considération la position dominante de l’entreprise en tant que partenaire commercial incontournable, arrêts Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 41) ainsi que Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, point 132).
( 32 ) Arrêt Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 511).
( 33 ) Il s’agit d’examiner les coûts évitables moyens de l’entreprise occupant une position dominante, ses coûts marginaux moyens à long terme, ainsi que le prix que le concurrent devrait offrir aux clients d’une entreprise occupant une position dominante pour les indemniser de la perte du rabais accordé par l’entreprise occupant une position dominante.
( 34 ) Communication de la Commission intitulée «Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes», présentée le 24 février 2009 (JO C 45, p. 7, ci-après la «communication sur les priorités»).
( 35 ) Point 23 de la communication sur les priorités. À cet égard, nous nous permettons d’observer que le libellé en allemand de ce passage de la communication sur les priorités, qui est ainsi formulé: «daran hindert bzw. Gehindert hat, am Wettbewerb teilzunehmen», ne rend que de manière très incomplète les prescriptions juridiques selon lesquelles il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’effets anticoncurrentiels réels (arrêts British Airways/Commission, C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 68,
ainsi que Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 68 et 79). Les versions en langues anglaise («has already been or is capable of hampering competition») et française («ont déjà entravé ou sont de nature à entraver la concurrence») nous paraissent plus compatibles avec le cadre juridique tracé par l’article 82 CE (article 102 TFUE).
( 36 ) Point 3 de la communication sur les priorités.
( 37 ) Arrêts Pfleiderer (C‑360/09, EU:C:2011:389, point 21) et Expedia (C‑226/11, EU:C:2012:795, points 29 et 31).
( 38 ) Arrêt Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 25); voir en outre arrêts Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, notamment points 177, 183, 196, 203 et 254) ainsi que TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, notamment points 67, 73 et 94); également dans l’arrêt AKZO/Commission (C‑62/86, EU:C:1991:286, notamment points 71 et 72), la Cour se base, entre autres, sur une analyse des prix et des coûts.
( 39 ) Arrêts Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 25) et Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 177).
( 40 ) Arrêt Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 80, voir également point 73).
( 41 ) Au point 25 de sa communication sur les priorités, la Commission part également du principe selon lequel le résultat d’une analyse à l’aune du critère du concurrent aussi efficace n’est pas toujours clair.
( 42 ) La Commission souligne également, au point 25 de sa communication sur les priorités, qu’il faut disposer de données fiables pour effectuer une analyse selon le critère du concurrent aussi efficace.
( 43 ) Voir à cet égard point 80 de nos conclusions présentées dans l’affaire Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:256).
( 44 ) Voir à cet égard points 33 à 54 des présentes conclusions.
( 45 ) Voir en ce sens arrêt TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 45, à la fin).
( 46 ) Voir en ce sens également point 24 de la communication sur les priorités; voir en outre arrêt Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 123, à la fin).
( 47 ) Arrêts France Télécom/Commission (C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 105); Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, points 83 et 176); TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 24) ainsi que Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, points 20 et 23); voir de même arrêt British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 66).
( 48 ) Voir à cet égard considérant 5 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 1, p. 1).
( 49 ) Voir, concernant la notion de «level playing field», notamment nos conclusions présentées dans les affaires Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, EU:C:2010:229, point 169); Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2011:552, point 118) ainsi que Kone e.a. (C‑557/12, EU:C:2014:45, point 29).
( 50 ) Voir en ce sens arrêts Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 254) ainsi que TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, points 66 et 67).
( 51 ) Voir à cet égard point 73 de nos conclusions présentées dans l’affaire British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2006:133).
( 52 ) Arrêt Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 68 et 79); voir en ce sens également arrêt Tetra Pak/Commission (C‑333/94 P, EU:C:1996:436, point 44) et arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, point 239).
( 53 ) Arrêt TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 64); voir de même arrêt Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 44), où il est question d’effet d’«éviction effective ou probable».
( 54 ) Arrêt British Airways/Commission (C‑95/04 P, EU:C:2007:166, point 68) et arrêt du Tribunal Michelin/Commission (T‑203/01, EU:T:2003:250, point 239).
( 55 ) Voir en ce sens arrêt Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172), où il est question d’«effets préjudiciables probables sur le jeu de la concurrence» (point 42) et d’effet d’«éviction effective ou probable» (point 44).
( 56 ) Arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 57); voir en ce sens également arrêts France Télécom/Commission (C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 105); Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 176) et TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 24).
( 57 ) Arrêt Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 25).
( 58 ) Arrêt Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 41, de même points 17, 22, 27, 29 et 44).
( 59 ) Voir à cet égard point 29 des présentes conclusions.
( 60 ) Voir à cet égard, encore une fois, point 82 des présentes conclusions.
( 61 ) Arrêt Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 123, à la fin).
( 62 ) Arrêt Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 46 et 48); voir de même, déjà, arrêt Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 89), dans lequel il est souligné que les rabais de fidélisation ont un caractère abusif «quel que soit par ailleurs le montant, considérable ou minime» des achats concernés.
( 63 ) Arrêt Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 42).
( 64 ) Voir encore une fois points 31, 68 et 82 à 85 des présentes conclusions.