ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)
7 juillet 2016 (*)
« Renvoi préjudiciel – Marchés publics de travaux – Directive 2004/18/CE – Article 55 – Avis de marché – Offre non accompagnée de justificatifs de prix anormalement bas – Critères de détermination –Article 7, sous c) – Valeur du marché – Seuil non atteint – Intérêt transfrontalier certain – Absence d’informations – Irrecevabilité manifeste »
Dans l’affaire C‑214/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), par décision du 9 avril 2015, parvenue à la Cour le 11 mai 2015, dans la procédure
Município de Vila Pouca de Aguiar
contre
Sá Machado & Filhos SA,
en présence de :
Norcep Construções e Empreendimentos Lda,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et C. Vajda, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 55 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114), telle que modifiée par le règlement (UE) n° 1251/2011 de la Commission, du 30 novembre 2011 (JO 2011, L 319, p. 43) (ci-après la « directive 2004/18 »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Município de Vila Pouca de Aguiar (municipalité de Vila Pouca de Aguiar, Portugal), instance adjudicatrice de droit public, à Sá Machado & Filhos SA (ci-après « Sá Machado ») au sujet de la régularité de l’attribution d’un marché public de travaux en vue de la construction d’un centre équestre.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 7 de la directive 2004/18, intitulé « Montant des seuils des marchés publics », fixe les seuils des valeurs estimées à partir desquels l’attribution d’un marché doit être effectuée conformément aux règles de cette directive.
4 Ces seuils sont modifiés à des intervalles réguliers par des règlements de la Commission européenne et adaptés aux circonstances économiques. À la date de publication de l’appel d’offres en cause au principal, le seuil concernant les marchés publics de travaux, prévu à l’article 7, sous c), de la directive 2004/18, était fixé à 5 000 000 euros.
5 L’article 45 de la directive 2004/18, intitulé « Situation personnelle du candidat ou du soumissionnaire », prévoit, à son paragraphe 2, premier alinéa, sous g), que peut être exclu de la participation au marché tout opérateur économique « qui s’est rendu gravement coupable de fausses déclarations en fournissant les renseignements exigibles en application de la [section 2 du chapitre VII du titre II de cette directive] ou qui n’a pas fourni ces renseignements ».
6 L’article 55 de la directive 2004/18, intitulé « Offres anormalement basses », dispose :
« 1. Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, avant de pouvoir rejeter ces offres, demande, par écrit, les précisions sur la composition de l’offre qu’il juge opportunes.
Ces précisions peuvent concerner notamment :
a) l’économie du procédé de construction, du procédé de fabrication des produits ou de la prestation des services ;
b) les solutions techniques adoptées et/ou les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou les services ;
c) l’originalité des travaux, des fournitures ou des services proposés par le soumissionnaire ;
d) le respect des dispositions concernant la protection et les conditions de travail en vigueur au lieu où la prestation est à réaliser ;
e) l’obtention éventuelle d’une aide d’État par le soumissionnaire.
2. Le pouvoir adjudicateur vérifie, en consultant le soumissionnaire, cette composition en tenant compte des justifications fournies.
[...] »
Le droit portugais
7 Ainsi qu’il ressort de son article 1^er, paragraphe 2, le Decreto-Lei n. 18/2008 (décret-loi nº 18/2008), du 29 janvier 2008, a approuvé le Código dos Contratos Públicos (code des marchés publics) (ci-après le « code des marchés publics ») et a procédé à la transposition, notamment, de la directive 2004/18.
8 L’article 1^er, paragraphes 2 et 4, du code des marchés publics prévoit :
« 2. Le régime des marchés publics établi dans la partie II du présent code s’applique à la passation des marchés publics, à savoir tous ceux qui, indépendamment de leur dénomination et de leur nature, sont conclus par les entités adjudicatrices visées dans le présent code.
[...]
4. Les principes de la transparence, de l’égalité et de la concurrence s’appliquent particulièrement aux marchés publics. »
9 Selon l’article 57, paragraphe 1, du code des marchés publics :
« L’offre est constituée par les documents suivants :
[...]
d) les documents contenant les précisions justificatives de la présentation d’un prix anormalement bas, lorsque ce prix résulte directement ou indirectement, des pièces de procédure. »
10 L’article 70 du code des marchés publics, intitulé « Analyse de l’offre », prévoit, à son paragraphe 2, sous e), que sont exclues les offres dont l’analyse révèle « un prix total anormalement bas, dont les précisions justificatives n’ont pas été présentées ou n’ont pas été envisagées conformément aux dispositions de l’article suivant ».
11 L’article 71 du code des marchés publics, intitulé « Prix anormalement bas », dispose :
« 1. Sans préjudice des dispositions des articles 115, paragraphe 3, 132, paragraphe 2, et 189, paragraphe 3, lorsque le prix de base est fixé dans le cahier des charges, on considère que le prix total résultant d’une offre est anormalement bas lorsqu’il est :
a) de 40 % ou plus inférieur au prix de base, s’il s’agit d’une procédure de formation d’un marché de travaux publics ;
b) de 50 % ou plus inférieur au prix de base, s’il s’agit d’une procédure de formation d’un quelconque autre marché.
2. Lorsque le cahier des charges ne fixe pas le prix de base, ainsi qu’en l’absence de l’une des situations prévues aux articles 115, paragraphe 3, 132, paragraphe 2, et 189, paragraphe 3, l’organe compétent pour prendre la décision de conclure le marché doit, aux fins des dispositions du paragraphe suivant, motiver sa décision de considérer que le prix total résultant d’une offre est anormalement bas.
3. Aucune offre ne peut être exclue au motif qu’elle contient un prix anormalement bas sans qu’il ait été auparavant demandé, par écrit, au soumissionnaire concerné, de fournir, dans un délai adéquat, des précisions justificatives sur la composition de l’offre qu’il juge pertinentes à cet effet.
4. Dans le cadre de l’analyse des précisions fournies par le soumissionnaire conformément aux dispositions de l’article 57, paragraphe 1, sous d), ou du paragraphe précédent, peuvent être prises en compte des justifications concernant notamment :
a) l’économie du procédé de construction, du procédé de fabrication ou de la prestation du service ;
b) les solutions techniques adoptées ou les conditions exceptionnellement favorables dont il est prouvé que le soumissionnaire dispose pour exécuter la prestation objet du marché à conclure ;
c) l’originalité des travaux, des biens ou des services proposés ;
d) les conditions de travail dont bénéficie le soumissionnaire ;
e) l’obtention éventuelle d’une aide d’État par le soumissionnaire, pourvu qu’elle ait été légalement accordée. »
12 Conformément à l’article 146, paragraphe 2, du code des marchés publics :
« Dans le rapport préliminaire [...], la commission d’appel d’offres doit également proposer, en indiquant ses motifs, l’exclusion des offres :
[...]
d) qui ne contiennent pas tous les documents requis en vertu de l’article 57, paragraphe 1 ;
[...] »
Les faits au principal et la question préjudicielle
13 Par un avis de marché publié au Diário da República du 16 juillet 2013, une procédure d’appel d’offres ouverte a été lancée ayant pour objet la passation d’un marché de travaux publics concernant le Centro Hípico das Romanas – Pedras Salgadas (centre hippique das Romanas – Pedras Salgadas). Cet avis de marché prévoyait que le prix total résultant d’une offre serait considéré comme anormalement bas s’il était inférieur de 15 % au prix de base fixé dans le cahier des charges.
14 Le prix de base du marché de travaux, qui s’élevait initialement à 1 862 546,40 euros, a été ultérieurement modifié et fixé à 1 979 663,77 euros.
15 Plusieurs sociétés, au nombre desquelles figuraient Sá Machado et Norcep Construções e Empreendimentos Lda (ci-après « Norcep »), ont présenté une offre dans le cadre de l’appel d’offres en cause au principal. Le prix offert par Norcep s’élevait à 1 524 341 euros.
16 La commission d’appel d’offres a invité certaines entreprises soumissionnaires, parmi lesquelles Norcep, à fournir des explications spécifiques et concrètes, destinées à justifier le montant des offres qu’elles proposaient.
17 Au vu des clarifications apportées à cet égard, la commission d’appel d’offres a établi son rapport préliminaire dans lequel étaient classées, en première position, l’offre de Norcep, en deuxième position, celle d’Alexandre Barbosa Borges SA et, en troisième position, celle de Sá Machado, puis les offres des autres soumissionnaires admis à participer à la procédure d’appel d’offres.
18 Nonobstant la réclamation de Sá Machado, visant à ce que le marché lui soit attribué, ledit classement des offres a été maintenu dans le rapport final.
19 Dans ces conditions, Sá Machado a introduit un recours devant le Tribunal Administrativo e Fiscal de Mirandela (tribunal administratif et fiscal de Mirandela, Portugal), visant à l’annulation des actes pris dans la procédure d’appel d’offres en cause au principal, y compris l’acte d’attribution du marché.
20 Devant cette instance, Sá Machado a notamment fait valoir, en invoquant les dispositions de l’article 57, paragraphe 1, sous d), de l’article 70, paragraphe 2, sous e), de l’article 71, paragraphes 3 et 4, ainsi que de l’article 146, paragraphe 2, sous d) et o), du code des marchés publics, que l’offre de Norcep ainsi que celles de six autres soumissionnaires ayant présenté des prix anormalement bas auraient dû être exclues immédiatement de la procédure, sans la possibilité pour le pouvoir
adjudicateur de leur demander au préalable des précisions sur la composition de leur offre. En effet, selon Sá Machado, ces soumissionnaires n’avaient pas soumis, au moment du dépôt de leur dossier, des documents justificatifs des composantes du prix offert, alors que l’avis de marché en cause au principal précisait expressément dans quelles conditions une offre serait considérée comme anormalement basse.
21 Après avoir constaté que l’évaluation des offres des soumissionnaires était erronée, cette juridiction a partiellement fait droit à ce recours, tout en rejetant les allégations de Sá Machado relatives à la violation desdites dispositions, en ce qui concerne la soumission d’offres contenant des prix anormalement bas.
22 Le Tribunal Central Administrativo Norte (tribunal administratif central du Nord, Portugal), saisi en appel par Sá Machado, a condamné la municipalité de Vila Pouca de Aguiar à exclure, notamment, l’offre de Norcep. Selon cette juridiction, étant donné qu’il était prévu, dans l’appel d’offres en cause au principal, qu’un prix inférieur de 15 % au prix de base de l’appel d’offres serait considéré comme un prix anormalement bas et que ce prix de base avait été fixé conformément aux
dispositions de l’article 146, paragraphe 2, sous d), du code des marchés publics, la commission d’appel d’offres aurait dû proposer, dans le rapport préliminaire, l’exclusion des offres ne contenant pas tous les documents requis à l’article 57, paragraphe 1, du code des marchés publics pour justifier la présentation d’un prix anormalement bas.
23 La municipalité de Vila Pouca de Aguiar a introduit un recours en révision devant le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal). Devant cette juridiction, elle fait valoir que le cadre juridique national doit être lu et interprété à la lumière du droit de l’Union, notamment de l’article 55 de la directive 2004/18 ainsi que de la jurisprudence de la Cour y afférente, de telle sorte que, en l’occurrence, dans la mesure où l’avis de marché en cause au principal
n’exigeait pas la présentation de documents justificatifs, l’offre de Norcep ne pouvait pas être exclue sans que lui soit donnée au préalable l’opportunité de joindre les éléments justificatifs du prix.
24 La juridiction de renvoi émet des doutes quant à la conformité avec le droit de l’Union, notamment avec l’article 55 de la directive 2004/18, d’une législation nationale selon laquelle les offres ne contenant pas, au moment de leur soumission, les pièces justificatives d’un prix anormalement bas peuvent être d’emblée exclues de la procédure d’adjudication, lorsque les documents de l’appel d’offres prévoient un critère objectif en ce sens et lorsqu’une telle exclusion est automatique, sans
qu’il soit possible d’y remédier en demandant au soumissionnaire concerné, de présenter une justification du prix de son offre.
25 Dans ces conditions, le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Le droit de l’Union, en particulier l’article 55 de la directive 2004/18, permet-il, dans le cadre d’une procédure de marché public de travaux, l’exclusion immédiate d’une offre qui, au moment de sa présentation, n’est pas immédiatement accompagnée d’un document contenant la justification du “prix anormalement bas”, dans une situation où les documents de l’appel d’offres déterminent la fixation du critère nécessaire au respect de ladite notion ? »
Sur la question préjudicielle
26 Conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque celle‑ci est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
27 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
28 Il est de jurisprudence constante de la Cour que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée
du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 6 novembre 2014, Cartiera dell’Adda, C‑42/13, EU:C:2014:2345, point 29 et jurisprudence citée).
29 Il convient de relever que les procédures particulières prévues par les directives de l’Union européenne portant coordination des procédures de passation des marchés publics s’appliquent uniquement aux contrats dont la valeur dépasse le seuil prévu expressément dans chacune desdites directives. Ainsi, les règles de ces directives ne s’appliquent pas aux marchés dont la valeur n’atteint pas le seuil fixé par celles‑ci (arrêt du 15 mai 2008, SECAP et Santorso, C‑147/06 et C‑148/06,
EU:C:2008:277, point 19).
30 Selon la demande de décision préjudicielle, le prix de base du marché de travaux en cause au principal, qui s’élevait initialement à 1 862 546,40 euros, a été ultérieurement modifié et fixé à 1 979 663,77 euros.
31 Ainsi qu’il ressort du point 4 de la présente ordonnance, le montant visé à l’article 7, sous c), de la directive 2004/18 en tant que seuil aux fins de l’application de celle‑ci à des marchés publics de travaux était fixé à 5 000 000 euros à la date de publication de l’appel d’offres en cause au principal.
32 Dès lors, il y a lieu de constater que, en l’occurrence, ce seuil n’était pas atteint par le prix de base du marché de travaux en cause au principal, dont le montant représentait moins de 40 % de la valeur dudit seuil.
33 Il convient, en outre, de relever qu’il ne ressort pas explicitement de la décision de renvoi que les dispositions pertinentes du droit portugais contiendraient un renvoi direct et inconditionnel aux dispositions de la directive 2004/18.
34 Par conséquent, il y a lieu de constater que les règles de cette directive ne sont pas applicables au marché de travaux en cause au principal.
35 Toutefois, il importe de faire observer que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la passation des marchés qui, eu égard à leur valeur, ne relèvent pas du champ d’application de ladite directive est néanmoins soumise aux règles fondamentales et aux principes généraux du traité FUE, en particulier aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité ainsi qu’à l’obligation de transparence qui en découle, pour autant que ces marchés
présentent un intérêt transfrontalier certain (voir, en ce sens, arrêts du 15 mai 2008, SECAP et Santorso, C‑147/06 et C‑148/06, EU:C:2008:277, points 20 et 21 ; du 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a., C‑113/13, EU:C:2014:2440, points 45 et 46 ; du 18 décembre 2014, Generali-Providencia Biztosító, C‑470/13, EU:C:2014:2469, point 32, ainsi que du 16 avril 2015, Enterprise Focused Solutions, C‑278/14, EU:C:2015:228, point 16).
36 En ce qui concerne les critères objectifs susceptibles d’indiquer l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, la Cour a déjà jugé que de tels critères pourraient être, notamment, le montant d’une certaine importance du marché en cause, en combinaison avec le lieu d’exécution des travaux ou encore les caractéristiques techniques du marché et les caractéristiques spécifiques des produits concernés. La juridiction de renvoi peut, dans son appréciation globale de l’existence d’un intérêt
transfrontalier certain, tenir compte également de l’existence de plaintes introduites par des opérateurs situés dans d’autres États membres, à condition qu’il soit vérifié que ces dernières sont réelles et non fictives (voir, en ce sens, arrêts du 15 mai 2008, SECAP et Santorso, C‑147/06 et C‑148/06, EU:C:2008:277, point 31, ainsi que du 16 avril 2015, Enterprise Focused Solutions, C‑278/14, EU:C:2015:228, point 20 et jurisprudence citée).
37 Il y a lieu de constater que, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi n’a fourni aucun élément permettant à la Cour de disposer d’informations concernant l’existence, dans l’affaire au principal, d’un intérêt transfrontalier certain. Or, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure, celle‑ci doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions
sont fondées ainsi que du lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, de même que, de façon générale, l’ensemble des constatations auxquelles il incombe aux juridictions nationales de procéder et dont dépend l’applicabilité d’un acte de droit dérivé ou du droit primaire de l’Union, devrait être réalisée préalablement à la saisine de la Cour (arrêts du 11
décembre 2014, Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a., C‑113/13, EU:C:2014:2440, point 47, ainsi que du 16 avril 2015, Enterprise Focused Solutions, C‑278/14, EU:C:2015:228, point 18).
38 Certes, il est des cas dans lesquels la Cour, sans information expresse fournie à cet égard par la juridiction de renvoi, peut déduire des éléments de la décision de renvoi, l’existence éventuelle d’un intérêt transfrontalier certain (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a., C‑113/13, EU:C:2014:2440, point 48, ainsi que du 16 avril 2015, Enterprise Focused Solutions, C‑278/14, EU:C:2015:228, point 19). Toutefois, en l’occurrence, en
l’absence de tout élément de cette nature dans la décision de renvoi, la Cour considère qu’elle ne saurait se livrer à une telle déduction.
39 Dans ces circonstances, la Cour se trouve dans l’impossibilité d’apporter une réponse utile à la question posée par la juridiction de renvoi en vue de la solution du litige dont celle‑ci est saisie, ce qui constitue l’objectif de la coopération établie à l’article 267 TFUE.
40 Il s’ensuit que, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, la demande de décision préjudicielle doit être déclarée manifestement irrecevable.
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :
La demande de décision préjudicielle introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), par décision du 9 avril 2015, est manifestement irrecevable.
Signatures
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* Langue de procédure : le portugais.