CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA
présentées le 25 octobre 2017 ( 1 )
Affaires jointes C‑398/16 et C‑399/16
X BV (C‑398/16),
X NV(C‑399/16)
contre
Staatssecretaris van Financiën
[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]
« Renvoi préjudiciel – Impôt sur les sociétés – Liberté d’établissement – Déduction par une société mère résidente des intérêts d’un prêt destiné à l’acquisition de participations dans une filiale non résidente – Déduction par une société mère résidente de la perte de valeur de ses participations dans une filiale non résidente résultant d’une variation du taux de change – Groupe consolidé »
1. La Cour a eu l’occasion de se prononcer à maintes reprises sur la législation des États membres en matière d’impôt sur les bénéfices des sociétés dans le cas de groupes formés par une société mère et ses filiales ( 2 ).
2. Plus spécialement, les règles fiscales des Pays-Bas en matière de groupes consolidés de sociétés ont été analysées dans au moins deux arrêts antérieurs ( 3 ). En vertu de ces règles, un groupe ne peut bénéficier du régime d’intégration fiscale que si toutes les sociétés qui le composent sont résidentes aux Pays-Bas, ce qui implique d’exclure les filiales non résidentes.
3. Dans l’arrêt X Holding ( 4 ), la Cour a jugé que cette législation néerlandaise était, en principe, compatible avec le droit de l’Union (plus précisément avec les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement). Elle a ensuite considéré que l’exclusion des sociétés non résidentes de ce régime d’intégration était justifiée au regard de la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres.
4. Cependant, la Cour a ultérieurement nuancé la portée de l’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), dans l’arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria ( 5 ), en rappelant qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt X Holding que « toute différence de traitement entre des sociétés appartenant à un groupe fiscal [consolidé], d’une part, et des sociétés n’appartenant pas à un tel groupe, d’autre part, est compatible avec l’article 49 TFUE» ( 6 ). La Cour a ajouté que la justification
admise dans l’arrêt X Holding concernait uniquement les règles du régime néerlandais qui permettaient le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal consolidé ( 7 ).
5. Par les questions qu’elle soulève dans les deux renvois préjudiciels qui nous occupent, la juridiction de renvoi souhaite, en réalité, clarifier la jurisprudence établie dans cette matière. Cette clarification lui est nécessaire afin de déterminer si le régime d’intégration fiscale néerlandais, en vertu duquel certains postes de frais financiers peuvent être portés en déduction dans les comptes de la société mère si sa filiale est résidente, mais pas si sa filiale n’est pas résidente, est
compatible avec le droit de l’Union.
6. Le droit néerlandais prévoit que les frais (intérêts) supportés par une société lorsqu’elle obtient un financement auprès d’une autre entité du groupe ne sont pas déductibles, sauf si un mécanisme de consolidation fiscale, uniquement ouvert aux sociétés résidentes, a été mis en place entre la société mère et la filiale. L’affaire C‑398/16 porte sur cette réglementation néerlandaise.
7. Cette même règle s’applique aux plus-values et moins-values (en ce compris celles résultant des pertes causées par les variations du taux de change des monnaies étrangères), qui ne sont pas prises en compte pour déterminer le bénéfice. Une perte de change résultant de la participation d’une société mère dans sa filiale ne sera ainsi pas déductible, sauf si, à nouveau, toutes deux font partie d’un groupe consolidé, uniquement ouvert aux sociétés résidentes. C’est précisément cette règle qui est
appliquée dans l’affaire C‑399/16.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
8. L’article 49 TFUE dispose :
« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.
La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. »
9. Aux termes de l’article 54 TFUE :
« Les sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union sont assimilées, pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.
Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif. »
B. Le droit néerlandais
Wet op de vennootschapsbelasting 1969 (loi relative à l’impôt sur les sociétés de 1969, ci-après la « loi de 1969 »)
10. Aux termes de l’article 10a, paragraphe 2 :
« Dans le cadre de la détermination du bénéfice, ne viennent pas en déduction les intérêts relatifs à des dettes dues à une entité liée dans la mesure où ces dettes ont un lien avec l’acquisition d’[…] actions dans une entité liée, excepté dans la mesure où il est apporté une modification à l’actionnariat ultime ou au contrôle ultime dans cette entité. »
11. En vertu de l’article 10a, paragraphe 3, le paragraphe 2 ne s’applique pas si le contribuable rend plausible que la dette et l’opération juridique qui y est liée se fondent, dans une mesure déterminante, sur des considérations économiques.
12. Conformément à l’article 13, paragraphe 1, les avantages au titre d’une participation et les frais liés à l’acquisition ou à la cession de cette participation ne sont pas pris en considération dans le cadre de la détermination du bénéfice (« exonération de participation »).
13. L’article 15 dispose :
« 1. Dans l’hypothèse où un contribuable (la société mère) détient la propriété juridique et économique d’au moins 95 % des actions dans le capital nominal libéré d’un autre contribuable (la filiale), l’impôt est, à la demande des deux contribuables, prélevé à leur égard comme s’il existait un seul contribuable, en ce sens que les activités et le patrimoine de la filiale font partie des activités et du patrimoine de la société mère. L’impôt est prélevé auprès de la société mère. Les
contribuables sont alors considérés ensemble comme une entité fiscale unique. Une entité fiscale unique peut comprendre plus d’une filiale.
[…]
3. Le paragraphe 1 n’est d’application que si :
[…]
b. les deux contribuables sont soumis aux mêmes dispositions aux fins de la détermination du bénéfice ;
c. les deux contribuables sont établis aux Pays-Bas […] ».
II. Les faits et les questions préjudicielles
A. Affaire C‑398/16
14. La société néerlandaise ( 8 ) X BV fait partie d’un groupe suédois, qui comprend également une société italienne. Afin d’acquérir les actions de cette dernière qui étaient détenues par des tiers, X BV a créé une autre société en Italie, à laquelle elle a apporté un capital de 237312000 euros. Cet apport a été financé par un prêt (avec intérêts) que X BV a obtenu auprès d’une société suédoise faisant partie du même groupe de sociétés.
15. À la suite de ce prêt, la société X BV était redevable envers la société suédoise prêteuse, en 2004, d’un montant de 6503261 euros au titre d’intérêts. X BV a porté ce montant en déduction dans sa déclaration d’impôt sur les sociétés pour l’année 2004, en tant que frais déductibles de ses revenus. L’administration fiscale néerlandaise a cependant rejeté cette déduction en se prévalant de l’article 10a, paragraphe 2, sous b), de la loi de 1969, et lui a adressé l’avis de redressement fiscal en
cause au principal.
16. Dans le recours qu’elle a formé contre cet avis de redressement, la société X BV a soutenu que les intérêts du prêt auraient pu être déduits s’il lui avait été permis de former une entité fiscale unique avec sa filiale. Comme le droit néerlandais réserve cette possibilité aux sociétés résidentes, la société X BV estime avoir subi une restriction de sa liberté d’établissement, en violation des articles 49 et 54 TFUE.
17. Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas), saisi du litige dans le cadre d’un pourvoi en cassation, a adressé à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les articles 43 et 48 CE (actuels articles 49 et 54 TFUE) doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle une société mère établie dans un État membre n’est pas autorisée à déduire des intérêts relatifs à un emprunt relatif à un apport de capital dans une filiale établie dans un autre État membre, alors qu’elle pourrait bénéficier de cette déduction si cette filiale avait été reprise avec ladite société mère dans une entité fiscale
unique – présentant les caractéristiques qui sont celles de l’entité fiscale unique néerlandaise – étant donné que, dans ce cas, par la consolidation, aucun lien avec un tel apport de capital n’apparaît ? »
B. Affaire C‑399/16
18. La société néerlandaise X NV appartient à un groupe de sociétés qui comprend notamment, sous un régime d’entité fiscale unique, la société filiale A Holdings BV. Cette dernière détient quant à elle toutes les parts de la société britannique A Holdings UK.
19. Le 11 novembre 2008, la société A Holdings BV a apporté ses parts dans la société A Holdings UK à sa filiale britannique C ( 9 ).
20. Dans ses déclarations à l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2008 et 2009, la société X NV a déduit en tant que frais la perte enregistrée sur ses participations suite aux variations du taux de change des devises. L’administration néerlandaise n’a pas accepté cette déduction, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la loi de 1969 ( 10 ).
21. La société X NV a introduit un recours contre la décision administrative en soutenant que si elle avait été autorisée à constituer un groupe consolidé avec sa filiale britannique, elle aurait pu déduire la perte de change subie. Comme le droit néerlandais réserve cette possibilité aux seules sociétés résidentes, la société X NV estime avoir subi une restriction dans l’exercice de sa liberté d’établissement.
22. Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas), saisi du litige dans le cadre d’un pourvoi en cassation, a adressé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les articles 43 et 48 CE (actuels articles 49 et 54 TFUE) doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle une société mère établie dans un État membre ne peut prendre en considération aucune perte de change relative au montant qu’elle a investi dans une filiale établie dans un autre État membre, alors qu’elle le pourrait si cette filiale avait été reprise dans une entité fiscale unique – présentant les caractéristiques qui sont
celles de l’entité fiscale unique néerlandaise – avec cette société mère établie dans le premier État membre cité, et cela en conséquence de la consolidation au sein de l’entité fiscale unique ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question, peut-on ou doit‑on, aux fins de la détermination de la perte de change à prendre en considération, partir du principe que seraient reprises dans l’entité fiscale unique également les filiales (une ou plusieurs des filiales), directes ou indirectes, établies dans l’Union européenne et détenues indirectement, par le biais de cette filiale [visée à la première question], par la société mère en question ?
3) En cas de réponse affirmative à la première question, y a-t-il lieu de ne tenir compte que des pertes de change qui, en cas de reprise dans l’entité fiscale unique de la société mère, seraient apparues au cours des années litigieuses, ou y a-t-il lieu de prendre en considération également les résultats de change qui seraient apparus au cours des années antérieures ? »
III. Synthèse des observations des parties
A. Affaire C‑398/16
23. La société X BV défend son droit à déduire les intérêts du prêt reçu d’une filiale suédoise appartenant à son groupe de sociétés. Cette déduction lui aurait été permise si la résidence fiscale de la filiale s’était trouvée aux Pays-Bas et si elle avait formé avec cette dernière un groupe consolidé, ce qui n’est pas possible en vertu de la législation néerlandaise. La différence de traitement qu’implique cette législation rend l’investissement destiné à la création de filiales dans d’autres États
membres moins attrayant que le même investissement réalisé aux Pays-Bas.
24. La société X BV ajoute que cette différence de traitement ne saurait être justifiée que par une raison impérieuse d’intérêt général, pour autant qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est indispensable à la protection de cet intérêt.
25. La société X BV renvoie à l’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), et argumente que le refus de la déduction ne répond pas à l’objectif de préservation d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, puisque celle-ci n’aboutirait pas à un déplacement de la base d’imposition d’un État membre vers un autre.
26. D’après la société X BV, la restriction appliquée ne saurait pas non plus se prévaloir de la nécessité d’assurer la cohérence du régime fiscal des groupes consolidés. Celle-ci soutient que la Cour ( 11 ) n’admet pas cette justification, à moins qu’il existe un lien direct entre, d’une part, l’octroi de l’avantage fiscal concerné et, d’autre part, la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé. Dans le cas qui nous occupe, il n’existerait pas de lien direct (en ce sens que
l’avantage compense le prélèvement) entre la possibilité de déduire les intérêts du prêt du résultat du groupe consolidé et les désavantages signalés dans la décision de renvoi ( 12 ).
27. La société X BV conclut que la Cour devrait répondre à la question par l’affirmative.
28. Pour la Commission européenne, la relation entre une société mère néerlandaise et sa filiale également néerlandaise est traitée différemment de la relation entre cette société mère et une filiale non résidente. L’article 10a de la loi de 1969 n’autorise la déduction, par l’intégration, des intérêts d’un prêt provenant d’une société du groupe, dont le montant est affecté à un apport en capital dans une autre filiale, que dans le premier cas.
29. La Commission relève que cette différence de traitement ne résulte pas directement de l’article 10a de la loi de 1969, puisque celui‑ci vise certaines opérations entre entités liées afin de prévenir les abus et s’applique indistinctement aux situations nationales et transfrontalières. La différence entre les relations nationales et les relations intracommunautaires est la conséquence du régime fiscal des groupes consolidés : alors qu’il est impossible d’échapper à l’application de l’article 10a
de la loi de 1969 dans une situation transnationale, il est possible de le faire dans une situation purement nationale, par la création d’un groupe consolidé.
30. Sur le fondement de l’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), la Commission soutient que la différence de traitement doit être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, dès lors que la situation d’une société mère résidente qui souhaite constituer une entité fiscale unique avec une filiale également résidente et celle d’une société mère résidente souhaitant faire de même avec une filiale non résidente sont objectivement comparables.
31. La Commission estime qu’il n’y a pas de justification du point de vue de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres, puisque, dans cette affaire, le pouvoir d’imposition du Royaume des Pays-Bas est le seul en cause.
32. La Commission considère par ailleurs qu’il n’y a pas lieu d’invoquer une éventuelle atteinte à la cohérence du système fiscal néerlandais, puisqu’il n’existe pas de lien direct entre l’avantage fiscal obtenu et sa compensation par un prélèvement fiscal déterminé ( 13 ). Selon la Commission, l’incohérence réside dans le système fiscal néerlandais lui-même, puisque celui-ci, d’une part, considère nécessaire d’appliquer les dispositions anti-abus de l’article 10a de la loi de 1969 tant aux
situations nationales qu’aux situations transfrontalières, alors que, d’autre part, il permet aux groupes consolidés purement nationaux d’échapper à l’application de ces règles.
33. Le gouvernement néerlandais soutient que l’article 10a, paragraphe 2, de la loi de 1969 n’est pas, par lui-même, contraire à la liberté d’établissement. Dans cette affaire, les éventuelles entraves découlent de l’impossibilité, pour une société mère résidente, de constituer une entité fiscale unique avec une filiale non résidente. Le gouvernement néerlandais invoque cependant des raisons impérieuses d’intérêt général pour justifier cette règle.
34. La déductibilité des intérêts au sein d’un groupe consolidé découle de la nature même de ce groupe. En raison de la consolidation, un apport en capital entre une société mère et une filiale n’est fiscalement pas visible au sein de l’entité fiscale unique, puisque les opérations intragroupe se neutralisent. Comme il n’existe, sous le régime d’intégration, qu’un seul patrimoine, attribué à la société mère, il ne sera fiscalement pas possible de procéder à un apport en capital au sein de l’entité
fiscale unique. C’est pour cette raison que l’article 10a de la loi de 1969 n’est pas applicable dans une telle hypothèse et que la déduction des intérêts présente un lien direct et indissociable avec la consolidation au sein de l’entité fiscale unique.
35. Le gouvernement néerlandais conclut que l’approche dite « par éléments » consécutive à l’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), n’est pas applicable à la disposition en cause. Cependant, dans l’hypothèse où la Cour retiendrait cette approche, la différence de traitement peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général : la limitation de la déductibilité des intérêts viserait à empêcher des montages artificiels non motivés par des raisons économiques. La
possibilité ouverte au contribuable par l’article 10a, paragraphe 3, de la loi de 1969, de démontrer qu’il ne s’est pas livré à un montage artificiel assurerait la proportionnalité de la mesure.
B. Affaire C‑399/16
1. Sur la première question préjudicielle
36. Le point de départ du raisonnement de la société X NV et de la Commission est qu’en droit néerlandais, la perte de change enregistrée sur les participations dans une filiale britannique ne peut pas être portée en déduction dans la déclaration à l’impôt sur les sociétés. Cette même perte aurait été déductible sous le régime d’intégration fiscale si la filiale avait été établie aux Pays-Bas, cette situation étant objectivement comparable à celle d’une société néerlandaise ayant une filiale
également néerlandaise opérant au Royaume-Uni. Le traitement différent de situations analogues constitue une entrave à la liberté d’établissement.
37. Les seules justifications de cette différence de traitement seraient la sauvegarde de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres ou la sauvegarde de la cohérence du système fiscal néerlandais.
38. En ce qui concerne la première justification, la société X NV et la Commission estiment que le pouvoir d’imposition du Royaume des Pays-Bas n’est pas remis en question dans cette affaire. La perte de change enregistrée par la société néerlandaise sur sa participation dans sa filiale britannique n’est pas visible dans la comptabilité de cette dernière, qui est tenue en livres sterling.
39. Quant à la seconde (éventuelle) justification, la société X NV et la Commission rappellent que pour admettre la sauvegarde de la cohérence du système fiscal en tant que justification, il faut qu’il existe un lien direct entre, d’une part, l’octroi de l’avantage fiscal et, d’autre part, la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé. En l’espèce, ce lien entre l’avantage (c’est-à-dire la déduction de la perte de change) et les désavantages mentionnés par la juridiction de
renvoi ( 14 ) fait défaut.
40. Pour le gouvernement néerlandais, la société X NV chercherait à éviter les conséquences négatives de l’article 13 de la loi de 1969 (impossibilité de déduire la perte de change) tout en bénéficiant malgré tout de l’« exonération de participation ». Cependant, en vertu du droit néerlandais, cette application limitée de l’« exonération de participation » ne pourrait pas être obtenue par une société mère ayant une filiale résidente.
41. Selon le gouvernement néerlandais, la Cour aurait jugé, dans les arrêts X Holding et Groupe Steria ( 15 ), que la compensation des bénéfices et des pertes individuels des sociétés intégrées dans une entité fiscale unique, qui sont attribués à la société mère, et la neutralisation des opérations intragroupe sont indissociablement liées à la constitution d’une entité fiscale unique, au sein de laquelle la participation dans une autre société du groupe et les résultats de cette participation
n’auraient pas de répercussion fiscale.
42. La possibilité de former un groupe consolidé n’entraînerait, a priori, pas d’avantage fiscal en ce qui concerne le risque de change, puisque, si la législation néerlandaise empêche de déduire les pertes de change, elle n’inclut pas non plus les gains de change dans la base imposable au titre de l’impôt sur les sociétés. Par conséquent, l’exclusion des pertes de change enregistrées sur les participations dans une filiale non résidente n’entrave pas la liberté d’établissement.
43. En outre, les pertes de change ne pourraient pas être prises en compte dans l’imposition d’un groupe consolidé, et ce même si l’application de l’« exemption de la participation » n’était pas retenue. Comme les résultats liés à la détention d’actions (tels que la distribution de bénéfices et les modifications de valeur de la participation) ne sont pas intégrés au résultat final de l’entité fiscale unique, ils ne pourront donner lieu à aucune déduction. En ce qui concerne les pertes de change, il
n’existerait donc pas de différence de traitement entre une société mère ayant une filiale non résidente et une société mère ayant une filiale résidente (lorsque toutes deux forment un groupe consolidé).
2. Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles
44. En ce qui concerne la deuxième question, la société X NV et la Commission font observer que le droit néerlandais laisse à la société mère la liberté de former ou non un groupe consolidé avec ses filiales résidentes et lui permet, en outre, de choisir avec quelles filiales former un tel groupe. Un groupe transfrontalier ne devrait pas être traité, sur certains points déterminés, de manière moins favorable qu’un groupe entièrement national. Autrement dit, en retenant comme base de comparaison la
déductibilité de la perte de change dans le cadre de l’imposition des entités fiscales uniques nationales, une société mère ayant une filiale étrangère ne peut pas être traitée de manière moins favorable.
45. En ce qui concerne la troisième question, la société X NV et la Commission soutiennent que la société requérante ne doit pas être imposée plus lourdement qu’un groupe national intégrant la société mère et les filiales dans une entité fiscale unique.
46. Le gouvernement néerlandais considère que les deuxième et troisième questions appellent toutes deux la même réponse. Il n’y a pas lieu d’admettre que la société mère puisse choisir les sociétés et les exercices fiscaux qu’elle inclut dans la déclaration du groupe consolidé fictif. Si elle disposait de cette liberté, le choix s’exercerait a posteriori, en fonction de chiffres déjà connus, ce qui permettrait de tenir compte de l’évolution des taux de change et de sélectionner les filiales et les
exercices fiscaux dont l’intégration serait la plus opportune (« cherry picking »), avec un risque d’érosion de la base imposable.
IV. La procédure devant la Cour
47. Les décisions de renvoi ont été enregistrées au greffe de la Cour le 18 juillet 2016.
48. La jonction des affaires C‑398/16 et C‑399/16 a été décidée le 9 août 2016.
49. La société X BV, la société X NV, le gouvernement néerlandais et la Commission ont déposé des observations écrites. Il n’a pas été jugé nécessaire de tenir une audience.
V. Analyse des questions préjudicielles
A. Considérations liminaires
50. Les questions que la Cour est appelée à trancher dans le cadre des présents renvois préjudiciels concernent l’imposition des groupes de société, le régime fiscal de ceux-ci pouvant présenter diverses variantes. En vertu d’une de ces variantes, chaque entité composant le groupe se comporte comme un contribuable indépendant, c’est‑à‑dire qu’elle est imposée sur la totalité des revenus obtenus, même lorsque certains de ceux-ci proviennent d’opérations réalisées avec des entités du même groupe.
51. À l’inverse, d’autres législations accordent aux groupes la faculté d’être imposés conformément au régime spécial d’intégration fiscale, de sorte qu’un seul avis d’imposition est adressé à l’attention du groupe en tant qu’unité économique (concrètement, il est adressé à la société mère). Ce modèle implique que les opérations entre entités du groupe sont fiscalement neutres, c’est‑à‑dire qu’elles ne sont pas prises en compte pour établir la base imposable.
52. Les deux affaires qui nous occupent ont pour caractéristique commune qu’une société mère, résidente aux Pays-Bas, soutient avoir subi des pertes économiques résultant de ses relations avec ses filiales, pertes qu’elle ne peut pas porter en déduction dans sa déclaration à l’impôt sur les sociétés, car la législation de cet État membre s’y oppose. La société mère ajoute que cette déduction lui serait permise si elle pouvait former une entité fiscale unique (groupe consolidé) avec ses filiales non
résidentes.
53. La législation néerlandaise prévoit que les groupes de sociétés ne peuvent bénéficier du régime d’intégration fiscale que s’ils sont composés de sociétés résidentes aux Pays-Bas. Les sociétés non résidentes ne peuvent pas accéder à ce régime. Comme je l’ai déjà indiqué ( 16 ), la Cour a admis, dans son arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), que les pertes d’une filiale non résidente aux Pays-Bas pouvaient ne pas être prises en compte pour réduire la base imposable de la
société mère, car le droit néerlandais réserve la consolidation aux filiales résidentes. Pour la Cour, cette différence de traitement était justifiée par la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres.
54. Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a interprété l’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), en ce sens que les articles 43 et 48 CE, non seulement, « ne s’opposent pas à (ce que soit réservée aux sociétés résidentes) la conséquence résultant de l’existence de l’entité fiscale unique que les pertes peuvent être compensées au sein de l’entité fiscale unique, mais qu’ils ne s’opposent pas non plus à d’autres différences de traitement qui, lors de
l’établissement de l’avis d’imposition, découlent de la consolidation ». Dans ses arrêts, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) « n’a pas autorisé les contribuables à participer, en se prévalant de la liberté d’établissement, à leur discrétion aux avantages d’éléments distincts qui sont directement liés à l’existence de l’entité fiscale unique (la consolidation)» ( 17 ).
55. Pour la juridiction de renvoi, il serait donc possible de déduire de l’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), une règle du « tout ou rien », en vertu de laquelle il n’est pas admissible de choisir seulement certains effets du régime de l’entité fiscale unique. Tout avantage résultant de la formation d’une telle entité fiscale unique avec des filiales résidentes serait justifié, puisqu’il n’est pas possible d’adopter l’« approche par éléments » à l’égard de cette dernière.
L’extension des conséquences de la consolidation fiscale à des entités non résidentes était ainsi exclue.
56. Les décisions postérieures de la Cour dans les arrêts Groupe Steria et Finanzamt Linz ( 18 ) ont fait douter la juridiction de renvoi. Dans ces deux affaires, les différences de traitement invalidées par la Cour portaient précisément sur des « éléments concrets » (dans le premier cas, les frais et charges se rapportant à la participation de la société mère, et, dans le second, l’amortissement de la valeur commerciale de l’entreprise) des liens entre les sociétés mères et les filiales, résidentes
ou non, dans le cadre de l’imposition des groupes de sociétés.
57. Concrètement, dans l’arrêt Groupe Steria, la Cour a estimé qu’il convenait d’examiner séparément « les avantages fiscaux autres que le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal intégré ». Ce n’est qu’à l’issue de cet examen qu’il serait possible de déterminer « si un État membre peut réserver ces avantages aux sociétés faisant partie d’un groupe fiscal intégré et, partant, les exclure dans des situations transfrontalières» ( 19 ).
58. Je m’attellerai à l’analyse des questions préjudicielles conformément à ce principe, analyse à l’issue de laquelle il conviendra de déterminer si la législation néerlandaise appliquée dans ces deux affaires est susceptible d’entrer en conflit avec l’article 49 TFUE, qui impose de supprimer les restrictions à la liberté d’établissement.
59. J’adopterai la méthode appliquée à plusieurs reprises par la Cour pour analyser des questions préjudicielles posées dans des affaires analogues au cas d’espèce, relatives au domaine de la fiscalité directe. Sa manière de procéder, par phases ou par étapes, vise à identifier, dans un premier temps, la liberté applicable et l’éventuelle restriction dont elle a fait l’objet. Dans un deuxième temps, elle compare les situations en cause afin de déterminer si celles-ci ont fait l’objet d’un traitement
différent, ce qui requiert un examen approfondi de la réglementation interne qui l’a instauré. Enfin, elle apprécie les éventuelles justifications, fondées sur des raisons impérieuses d’intérêt général, ainsi que la proportionnalité de la mesure nationale restrictive de la liberté en cause.
60. Je relève d’emblée qu’une différence de traitement fiscal entre filiales résidentes et non résidentes dans l’État de la société mère est de nature à entraver l’exercice par celle-ci de sa liberté d’établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d’autres États membres ( 20 ). La disposition du traité FUE en cause est, par conséquent, l’article 49 et cette différence de traitement entre filiales, résidentes ou non, entraîne une restriction de la liberté qui s’y trouve consacrée.
61. Pour que ce traitement différencié soit compatible avec les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement, il faut qu’il concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’il soit justifié par une raison impérieuse d’intérêt général ( 21 ). Et même s’il devait être justifié, encore faudrait-il qu’il soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’il n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ( 22 ).
B. Sur l’affaire C‑398/16
62. De manière synthétique, le contexte de départ est une relation impliquant trois sociétés, faisant partie d’un même groupe et ayant leur siège dans différents États membres. D’une part, une société suédoise a accordé un prêt avec intérêts à une société néerlandaise. D’autre part, cette société néerlandaise a investi le capital prêté dans l’acquisition d’actions d’une filiale italienne.
63. Le différend naît de ce que la société néerlandaise souhaite porter en déduction, dans sa déclaration d’impôt sur les sociétés, le montant des intérêts dus à la société du même groupe.
64. L’article 10a, paragraphe 2, de la loi de 1969, empêche de manière générale la déduction lorsqu’un prêt est intervenu entre entreprises du même groupe (entreprises associées). Il est cependant possible d’éviter cette limitation si ces entreprises associées choisissent d’être imposées en tant que groupe consolidé ou entité fiscale unique.
65. En droit néerlandais, la constitution de groupes consolidés est régie par les principes suivants :
– les sociétés appelées à former le groupe consolidé peuvent être choisies librement ( 23 ) ;
– la faculté de constituer un groupe consolidé est réservée aux sociétés résidentes aux Pays-Bas ( 24 ).
66. Comme indiqué au point 2.8.3. de la décision de renvoi, la différence de traitement consiste en ce que la société filiale aurait pu s’intégrer dans l’entité fiscale unique, avec la société néerlandaise, si elle avait été établie aux Pays-Bas. Dans ce cas, l’article 10a de la loi de 1969 ne s’appliquerait pas et les intérêts du prêt seraient déductibles.
67. L’investissement visant à acquérir la totalité du capital d’une filiale résidente devient ainsi plus attractif que celui visant à acquérir la totalité du capital d’une filiale non résidente : les coûts financiers (intérêts) du prêt contracté pour acheter les actions ou les parts sociales sont déductibles dans le premier cas, mais pas dans le second.
68. Ces situations sont-elles comparables ? La Cour a répondu par l’affirmative, précisément en ce qui concerne la législation néerlandaise (article 15 de la loi de 1969) appliquée dans les deux renvois préjudiciels qui nous occupent.
69. Dans l’arrêt X Holding, la Cour a jugé que « la situation d’une société mère résidente qui souhaite constituer une entité fiscale unique avec une filiale résidente et celle d’une société mère résidente souhaitant constituer une entité fiscale unique avec une filiale non résidente sont, au regard de l’objectif d’un régime fiscal tel que celui en cause au principal, objectivement comparables pour autant que l’une et l’autre cherchent à bénéficier des avantages de ce régime, qui permet, notamment,
de consolider au niveau de la société mère les bénéfices et les pertes des sociétés intégrées dans l’entité fiscale unique et de conserver aux transactions effectuées au sein du groupe un caractère fiscalement neutre» ( 25 ).
70. L’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), portait sur la déductibilité des pertes de la société filiale par la société mère, ce qui imposait de tenir compte du résultat de la filiale sur l’ensemble de l’exercice. Même si la déduction réclamée dans l’affaire qui nous occupe n’est pas identique ( 26 ), je crois que nous sommes également en présence de deux situations objectivement comparables, puisqu’il est question d’une charge financière supportée par la société mère en
raison de sa participation dans la société filiale, qu’il y ait ou non consolidation.
71. De plus, il existe un certain parallélisme avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Groupe Steria. Celle-ci visait à déterminer si la « quote-part de frais et charges » (qui représentait les frais auxquels la société mère devait faire face en raison de sa participation dans la filiale) était déductible dans le cadre du régime d’intégration dont étaient exclues les sociétés filiales non résidentes. En l’espèce, le débat porte sur une autre charge (les intérêts du prêt) supportée par la société
mère et vise à déterminer si le fait de considérer que cette charge n’est pas déductible rend moins attractif, dans cette même mesure, l’exercice de la liberté d’établissement.
72. Je ne crois donc pas que, du point de vue de l’« approche par éléments » évoquée par la juridiction de renvoi, il soit possible de nier le caractère comparable des situations ni, par conséquent, l’application de traitements différents à des comportements fiscaux analogues.
73. La différence de traitement dans des situations objectivement comparables étant établie, l’attention doit se concentrer sur le point de savoir si celle-ci est justifiée par une quelconque raison impérieuse d’intérêt général. La juridiction de renvoi évoque à cet égard la cohérence du régime néerlandais d’intégration fiscale.
74. Dans l’arrêt Groupe Steria, la Cour a jugé que « pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (arrêt [du 13 mars 2014] Bouanich, C‑375/12, EU:C:2014:138, point 69 et jurisprudence citée)» ( 27 ).
75. Je ne trouve pas de motifs suffisants pour accepter cette justification ni dans la décision de renvoi ni dans les observations du gouvernement néerlandais. En réalité, les arguments de ce dernier ( 28 ) se limitent plutôt à défendre l’application « sans restrictions » de l’arrêt du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), en rejetant l’« approche par éléments ». Par ailleurs, le gouvernement néerlandais ne cite l’arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C‑386/14, EU:C:2015:524), que
pour invoquer la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, sans développer cette question (il n’explique pas pourquoi il y aurait un déséquilibre dans le cas d’espèce).
76. Le fait que le régime d’intégration fiscale réunisse un ensemble cohérent d’avantages et de désavantages, invoqué par le gouvernement néerlandais, est un argument trop général pour l’affaire C‑398/16. Comme je viens de l’indiquer, le gouvernement néerlandais n’apporte aucun élément permettant de conclure que la cohérence de ce régime serait rompue en ce qui concerne spécifiquement la déduction des intérêts d’un prêt à une filiale.
77. Les observations du gouvernement néerlandais centrées sur la lutte contre l’évasion fiscale, envisagée en tant que raison impérieuse d’intérêt général (à laquelle la juridiction de renvoi ne fait cependant pas allusion au point 2.8.6 de sa décision de renvoi), sont plus explicites. Ce dernier explique que l’article 10a de la loi de 1969 vise à empêcher la mise en place de montages artificiels, qui ne sont pas dictés par de réelles raisons économiques, mais visent seulement à échapper au paiement
des impôts exigibles sur les bénéfices obtenus sur le territoire néerlandais ( 29 ).
78. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement néerlandais soutient qu’admettre que le contribuable puisse choisir a posteriori reviendrait à faire primer l’option fiscale la plus favorable. Cet argument n’est cependant exposé que de manière très succincte, dans le cadre des problèmes relatifs à la déductibilité des intérêts du prêt (il est un peu plus développé en ce qui concerne les pertes visées dans l’affaire C‑399/16).
79. Une norme telle que l’article 10a, paragraphe 2, de la loi de 1969, conçue pour lutter contre la fraude fiscale, pourrait effectivement justifier certaines restrictions à la liberté d’établissement ( 30 ). Comme l’explique le gouvernement néerlandais, les dividendes tirés d’une société du groupe augmentent la base d’imposition, alors que les intérêts d’un prêt entre les mêmes sociétés la diminuent. L’intégrité de la base imposable est donc exposée à un certain risque et l’objectif est d’éviter
que des revenus soient « neutralisés » au moyen de prêts générant des intérêts qui ne sont pas inclus dans la base imposable de la société perceptrice et permettent en outre de réduire ladite base imposable à concurrence du montant de ces intérêts.
80. De plus, l’article 10a de la loi de 1969 s’applique aux relations entre les sociétés d’un groupe, que celles-ci soient ou non résidentes aux Pays-Bas. Les difficultés ne naissent donc pas en conséquence de cette norme, puisque dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, celle‑ci traite de la même manière les sociétés résidentes et les sociétés non résidentes.
81. Cette explication est cependant infirmée par le fait que cette finalité anti‑évasion ne concerne pas les sociétés résidentes ayant choisi d’être imposées sous le régime d’intégration fiscale. La lutte contre la fraude fiscale peut en effet expliquer l’existence de la norme, mais il est difficile de comprendre la raison d’un traitement aussi déséquilibré des liens entre les sociétés du groupe selon qu’elles aient ou non eu recours au régime d’intégration fiscale. Alors que, de manière générale,
les intérêts des prêts intragroupe ne pourront pas être déduits, et ce indépendamment de la résidence des sociétés, ils seront pourtant déductibles pour les groupes consolidés.
82. Dans le cas d’un prêt accordé par une société (mère) néerlandaise à une filiale néerlandaise dans un contexte de consolidation fiscale, les intérêts seraient déductibles par la première citée. En revanche, si la société mère accorde ce même prêt à une filiale italienne, la consolidation n’est pas possible et les intérêts ne sont pas déductibles. Sous l’angle de l’évasion fiscale, si l’objectif poursuivi est d’éviter une diminution artificielle de la base imposable de la société mère résidant aux
Pays-Bas, on ne perçoit pas la raison pour laquelle la déduction est tolérée lorsqu’il s’agit de sociétés uniquement néerlandaises tout en étant interdite si une société d’un État membre tiers entre en jeu : la même évasion peut avoir lieu dans un cas comme dans l’autre.
83. En résumé, je ne crois pas que la lutte contre l’évasion fiscale constitue une raison impérieuse d’intérêt général de nature à valider l’inégalité de traitement, puisque c’est précisément la structure de la consolidation fiscale aux Pays-Bas qui ouvre une opportunité d’avantage licite pour les groupes de sociétés résidentes alors qu’elle l’exclut pour les groupes comportant des sociétés non résidentes ( 31 ).
84. En outre, de même qu’il serait possible de détecter si la concession d’un prêt entre la société mère et la filiale résidente dissimule un montage artificiel, sans réelle justification économique, destiné à diminuer de manière injustifiée la charge fiscale de la société mère ( 32 ), je ne vois pas pourquoi cette même vérification ne pourrait pas s’appliquer aux rapports avec la filiale non résidente. Cette possibilité de démontrer dans chaque cas la réalité économique sous-jacente est rejetée
a priori, sans détour, par une législation qui ne l’admet simplement pas pour les sociétés non résidentes, auxquelles elle interdit de participer au régime néerlandais d’intégration des groupes.
85. Enfin, la Cour a déjà jugé, notamment dans l’arrêt Euro Park Service ( 33 ), que « l’institution d’une règle revêtant une portée générale excluant automatiquement certaines catégories d’opérations de l’avantage fiscal, sans qu’il soit tenu compte de la question de savoir s’il y a ou non effectivement fraude ou évasion fiscales, irait au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter une telle fraude ou une telle évasion fiscale[s] […] ».
C. Sur l’affaire C‑399/16
86. Avant de débuter l’examen des questions préjudicielles posées dans cette affaire, il me semble opportun de formuler deux observations. La première concerne la portée précise des différences de change négatives affectant les participations de la société mère dans ses filiales non résidentes lorsque l’une et les autres utilisent des devises différentes pour leurs opérations.
87. J’estime, à cet égard, que la nuance exprimée par le gouvernement néerlandais, qui distingue les « pertes de change de la filiale » et les « pertes de change sur la filiale », est judicieuse. Les premières désignent les pertes résultant des investissements en devises étrangères réalisés par la filiale, qui se reflètent dans les comptes de cette filiale. En revanche, les « pertes de change sur la filiale » diminuent, à tout le moins d’un point de vue comptable, la valeur de l’investissement
réalisé par la société mère dans les actions (en devise étrangère) de la filiale et se répercutent dans les comptes de la société mère.
88. Dans cette affaire, les pertes de change sont en lien direct avec la valeur des participations et non avec le résultat des investissements réalisés par la filiale. Il s’agit donc de la seconde des deux hypothèses indiquées.
89. La seconde observation concerne l’augmentation ou la diminution de la valeur des participations détenues par la société mère dans le capital de la société filiale susceptibles d’être affectées par les variations du taux de change. Cet élément peut être abordé selon deux approches : a) l’évolution de cette valeur pendant que les participations font partie du patrimoine de la société mère ; et b) la différence de valeur constatée au moment de la cession des participations, c’est‑à‑dire la
différence entre la valeur d’acquisition et la valeur de cession.
90. La décision de renvoi ne me paraît pas très claire à cet égard : la première question préjudicielle semble envisager l’hypothèse de la cession des participations, alors que la troisième question préjudicielle concerne la période pendant laquelle ces dernières sont restées en possession de la société mère, sans être cédées.
91. Par conséquent, afin de délimiter adéquatement le débat, la réponse à la première question devra tenir compte de la perte de valeur résultant du taux de change au moment de la cession des participations ; à l’inverse, la réponse à la troisième question devra tenir compte de la dévalorisation des actions alors qu’elles font toujours partie du patrimoine de la société mère, autrement dit, elle devra prendre en considération la constatation purement comptable de leur dépréciation.
1. Sur la première question préjudicielle
92. Il ressort des observations des parties, et spécialement de celles de la partie requérante au principal, que l’origine du différend tient à ce que cette dernière estime que la perte de change mise en évidence lors de l’apport des participations de A Holdings UK à sa filiale C aurait été déductible si la société X NV avait pu reprendre la filiale britannique dans son groupe consolidé ( 34 ).
93. La raison réside dans l’« exonération de participation » instaurée par l’article 13 de la loi de 1969 : les avantages au titre d’une participation ainsi que les frais liés à l’acquisition ou à la cession de cette participation ne sont pas pris en considération dans le cadre de la détermination du bénéfice de la société. Cette règle n’est cependant pas applicable en cas de consolidation fiscale.
94. La juridiction de renvoi constate la différence de traitement en indiquant qu’une société mère établie aux Pays-Bas « ne peut prendre en considération aucune perte de change relative au montant qu’elle a investi dans une filiale établie dans un autre État membre, alors qu’elle le pourrait si cette filiale avait été reprise dans une entité fiscale unique – présentant les caractéristiques qui sont celles de l’entité fiscale unique néerlandaise – avec cette société mère établie [aux Pays-Bas], et
cela en conséquence de la consolidation au sein de l’entité fiscale unique ».
95. Il existerait donc, à première vue, une différence de traitement de nature à limiter l’exercice de la liberté d’établissement. Cette différence de traitement ne pourrait être compatible avec les dispositions du traité FUE qui règlementent cette liberté que si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.
96. Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) envisage trois voies pour résoudre la problématique soulevée : a) l’application du régime fiscal correspondant aux établissements stables à l’étranger ; b) l’utilisation par les sociétés filiales résidentes d’une devise fonctionnelle autre que l’euro ; et c) pour la détermination de la base imposable, la non-prise en considération des pertes de change, mais également des éventuels gains de change.
97. Je me concentrerai sur la dernière de ces trois voies, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux premières. À cet égard, la juridiction de renvoi invoque à juste titre la jurisprudence établie par la Cour dans les arrêts Deutsche Shell ( 35 )et X ( 36 ). Sur le fondement de cette jurisprudence, celle-ci suggère que le fait de ne pas pouvoir déduire une perte de change pourrait être justifié par la circonstance qu’il n’est pas non plus tenu compte d’éventuels gains de change. Ce point de
vue ( 37 ) serait conforté par les points 38, 40 et 41 de l’arrêt X ainsi que par les conclusions présentées dans cette affaire par l’avocat général Kokott ( 38 ).
98. Le litige tranché par l’arrêt du 10 juin 2015, X (C‑686/13, EU:C:2015:375), portait également sur la déduction des moins-values sur la valeur des participations consécutives à une perte découlant de la variation du taux de change. Si la législation suédoise empêchait effectivement de déduire les pertes de change lorsqu’une société mère vendait ses participations dans une filiale non résidente avec une moins-value, elle n’imposait pas non plus les plus‑values retirées, à ce même titre, de ces
participations.
99. La Cour a considéré que, dans ces conditions, « il ne saurait être inféré des dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement que cet État membre serait tenu d’exercer – d’ailleurs de façon asymétrique – sa compétence fiscale afin de permettre la déductibilité des pertes occasionnées par des opérations dont les résultats, s’ils étaient positifs, ne seraient en tout état de cause pas imposés ». La Cour en a déduit que « l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne
s’oppose pas à une législation fiscale d’un État membre qui, en principe, exonère d’impôt sur les sociétés les plus-values réalisées sur des titres de participation et exclut corrélativement la déduction des moins-values réalisées sur de tels titres, même lorsque ces moins-values résultent d’une perte de change» ( 39 ).
100. Si j’interprète correctement la législation néerlandaise exposée dans la décision de renvoi en ce qui concerne l’« exonération de participation », ainsi que les autres normes applicables à l’imposition des plus-values et moins-values enregistrées sur les participations dans des filiales non résidentes en raison de la variation du taux de change, j’estime que la solution retenue dans l’arrêt du 10 juin 2015, X (C‑686/13, EU:C:2015:375), est applicable à la présente affaire.
101. Même si, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt X (C‑686/13, EU:C:2015:375), le différend s’inscrivait dans le cadre de la relation entre la société mère et sa filiale en dehors d’un groupe consolidé, je ne vois pas d’inconvénient à transposer l’arrêt rendu dans cette affaire au cas qui nous occupe. L’élément déterminant est, à mon sens, que, dans des circonstances telles que celles qui nous occupent, les gains de change ne soient pas non plus inclus dans l’assiette de l’impôt sur les
sociétés. Autrement dit, pour employer les termes de la juridiction de renvoi, l’élément déterminant est que nous soyons dans un contexte « où il n’est tenu compte ni des gains de change ni des pertes de change» ( 40 ).
102. Si c’est le cas – comme semble le soutenir la juridiction de renvoi lorsqu’elle expose le droit néerlandais et comme le confirme le gouvernement néerlandais – le traitement différent réservé à la perte de change sur la valeur des participations de la société mère dans la filiale non résidente lorsque cette dernière ne peut pas faire partie du groupe consolidé ne limite pas la liberté d’établissement, pour des motifs identiques à ceux déjà exposés par la Cour dans l’arrêt du 10 juin 2015, X
(C‑686/13, EU:C:2015:375).
103. La réponse à cette question préjudicielle empêche la prise en considération des deux autres questions posées par la juridiction de renvoi. Je les examinerai cependant de manière conjointe et sommaire (à l’instar du gouvernement néerlandais), dans l’hypothèse où la Cour choisirait de répondre à la première question par l’affirmative.
2. Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles
104. Dans l’hypothèse où la société mère pourrait comptabiliser en perte les moins-values enregistrées sur ses participations dans des filiales non résidentes découlant des variations du taux de change, la juridiction de renvoi souhaite savoir : a) si cette faculté s’étend « aux filiales (une ou plusieurs des filiales), directes ou indirectes, établies dans l’Union européenne et détenues indirectement, par le biais de cette filiale (visée à la première question), par la société mère en question » ;
et b) s’il y a lieu de ne tenir compte que des pertes de change « apparues au cours des années litigieuses », ou également de celles apparues au cours des années antérieures.
105. Il semble ressortir des informations juridiques reprises au dossier que le régime d’intégration institué par le droit néerlandais offre la possibilité de choisir les sociétés qui rejoignent ou non le groupe (envisagé en tant qu’entité fiscale unique) ( 41 ). Il ne devrait donc en principe pas y avoir de raison de refuser aux filiales non résidentes ce qui est autorisé aux filiales résidentes.
106. Or, le litige au principal ne porte que sur la consolidation des pertes de change relatives aux participations dans une filiale non résidente déterminée. Le contenu de la deuxième question s’avère dès lors quelque peu hypothétique : le débat porte sur la possibilité d’inclure dans le groupe consolidé la filiale britannique, et non n’importe quelle autre filiale directe ou indirecte. Posée en ces termes, la question devient irrecevable.
107. Je ne crois pas non plus que la Cour puisse utilement répondre à la troisième question préjudicielle. En réalité, aucune des parties à la procédure ne suggère à la Cour de répondre directement, sur le fondement du droit de l’Union. La société requérante au principal (X NV) soutient d’ailleurs que la réponse réside plutôt dans le droit néerlandais, et non dans le droit de l’Union, dans la mesure où la notion de « bénéfice annuel imposable » est régie par les normes nationales.
108. Je rappelle qu’il serait théoriquement possible de distinguer la perte de valeur des participations lorsque celles-ci sont détenues par A Holdings BV et la perte de valeur révélée lors de leur cession. La question semble porter sur la dépréciation des participations, considérées en tant qu’éléments du patrimoine social, provoquée par les variations du taux de change.
109. Si la comptabilité doit renseigner la situation financière de l’entreprise à une date précise, la dépréciation des participations peut être arrêtée, d’un point de vue comptable, selon différents critères. Dans la mesure où ces participations constituent des éléments de l’actif de la société qui a investi, leur dépréciation pourra, par exemple, être reflétée dans les comptes en procédant aux ajustements nécessaires pour la comptabiliser sous le poste « perte de valeur ».
110. Lorsque les participations sont libellées dans une devise qui n’est pas celle utilisée par la société mère, l’évolution du taux de change pourra générer des fluctuations économiques plus ou moins permanentes. Or, pour que ces variations se répercutent sur la base imposable aux fins de l’impôt sur les sociétés, il faudra, normalement, qu’elles constituent une véritable perte économique.
111. La Cour ne peut pas analyser si, en vertu du droit national, l’inscription de la dévaluation des participations dans la comptabilité a une influence sur la détermination de la base imposable. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, conformément à sa législation fiscale, si une véritable perte économique, affectant les résultats de la société mère, s’est produite soit uniquement pendant l’exercice lors duquel les participations ont été cédées, soit lors de chacune des années
précédentes ( 42 ).
VI. Conclusion
112. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre au Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) de la manière suivante :
L’article 49 TFUE :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale : l’espagnol.
( 2 ) Voir, entre autres, arrêts du 16 juillet 1998, ICI (C‑264/96, EU:C:1998:370) ; du 18 novembre 1999, X et Y (C‑200/98, EU:C:1999:566) ; du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, EU:C:2001:134) ; du 18 septembre 2003, Bosal (C‑168/01, EU:C:2003:479) ; du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763) ; du 17 janvier 2008, Lammers & Van Cleeff (C‑105/07, EU:C:2008:24) ; du 27 novembre 2008, Papillon (C‑418/07, EU:C:2008:659) ; du 6 septembre 2012, Philips
Electronics UK (C‑18/11, EU:C:2012:532) ; du 1er avril 2014, Felixstowe Dock and Railway Company e.a. (C‑80/12, EU:C:2014:200) ; du 3 février 2015, Commission/Royaume‑Uni (C‑172/13, EU:C:2015:50) ; du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz (C‑66/14, EU:C:2015:661), et du 17 mai 2017, X (C‑68/15, EU:C:2017:379).
( 3 ) Arrêts du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), et du 12 juin 2014, SCA Group Holding e.a. (C‑39/13 à C‑41/13, EU:C:2014:1758).
( 4 ) Arrêt du 25 février 2010 (C‑337/08, EU:C:2010:89, points 18 et 43).
( 5 ) C‑386/14, EU:C:2015:524.
( 6 ) Arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C‑386/14, EU:C:2015:524, point 27).
( 7 ) Arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C‑386/14, EU:C:2015:524, point 27 in fine).
( 8 ) J’emploie l’adjectif « néerlandaise » (ou italienne, suédoise, etc.) même si, en réalité, il serait plus approprié de parler de « société non résidente » aux Pays‑Bas ou dans chacun des États concernés.
( 9 ) Le trajet parcouru par les actions a été plus complexe et, sans qu’il soit nécessaire de décrire d’autres opérations complémentaires, peut être résumé à ce qu’en date du 12 février 2009, la société A Holdings BV a transmis ses actions de C à l’entité D, qui est une filiale de X NV faisant partie de l’entité fiscale unique. À la même date, D a transmis les actions de C à sa filiale luxembourgeoise, la société A Holdings Luxembourg.
( 10 ) Je rappelle qu’en vertu de cette disposition, la détermination du bénéfice ne tient compte ni des gains obtenus ni des pertes enregistrées en raison de la détention de participations.
( 11 ) Citant l’arrêt du 12 juin 2014, SCA Group Holding e.a. (C‑39/13 à C‑41/13, EU:C:2014:1758, point 33).
( 12 ) Le point 2.8.2.7 de la décision de renvoi mentionne, à titre d’exemple, certains désavantages fiscaux : i) le taux d’imposition réduit ne sera appliqué qu’une seule fois à l’entité fiscale unique ; ii) une filiale faisant partie de l’entité fiscale unique peut cesser d’exister si la faillite est clôturée pour insuffisance d’actifs ; iii) chacune des filiales faisant partie de l’entité fiscale unique est solidairement responsable de l’impôt sur les sociétés prélevé sur l’entité fiscale
unique ; et iv) les investissements des sociétés appartenant à l’entité fiscale unique sont additionnés, de sorte que le pourcentage applicable à l’entité fiscale unique pour ce qui a trait à la déduction pour investissements peut être inférieur à celui qui s’appliquerait si les sociétés étaient prises en compte séparément aux fins du prélèvement de l’impôt sur les sociétés.
( 13 ) La Commission cite, dans cet ordre d’idées, les arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann (C‑204/90, EU:C:1992:35, points 31 et suivants), et du 28 février 2008, Deutsche Shell (C‑293/06, EU:C:2008:129, point 39).
( 14 ) À savoir ceux déjà énoncés en note en bas de page 12.
( 15 ) Arrêts du 25 février 2010 (C‑337/08, EU:C:2010:89, point 43) et du 2 septembre 2015 (C‑386/14, EU:C:2015:524, point 25).
( 16 ) Points 3 et 4 des présentes conclusions.
( 17 ) Points 2.8.4. et 2.10.1., respectivement, des décisions de renvoi dans les affaires C‑398/16 et C‑399/16. Les arrêts du Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) qui ont retenu cette interprétation sont ceux du 24 juin 2011 (NL:HR:2011:BN3537), et du 21 septembre 2012 (NL:HR:2012:BT5858).
( 18 ) Arrêts du 2 septembre 2015 (C‑386/14, EU:C:2015:524), et du 6 octobre 2015, (C‑66/14, EU:C:2015:66).
( 19 ) Arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C‑386/14, EU:C:2015:524, points 27 et 28).
( 20 ) Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, points 32 et 33).
( 21 ) Arrêts du 25 février 2010, X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89, point 20), et du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C‑386/14, EU:C:2015:524, point 21).
( 22 ) Arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 35).
( 23 ) Comme l’indique le gouvernement néerlandais au point 21 de ses observations.
( 24 ) Il est également exigé que les mêmes règles en matière de détermination de la base imposable soient applicables, mais cet aspect n’est pas pertinent dans l’affaire C‑398/16, bien qu’il le soit dans l’affaire C‑399/16.
( 25 ) Arrêt du 25 février 2010, X Holding, (C‑337/08, EU:C:2010:89, point 24).
( 26 ) En l’espèce, il s’agit exclusivement d’un coût (les intérêts du prêt) lié à l’investissement consenti pour l’acquisition de participations dans la filiale, qui n’affecte pas le résultat de la filiale, mais celui de la société mère.
( 27 ) Arrêt du 2 septembre 2015, Groupe Steria (C‑386/14, EU:C:2015:524, point 31).
( 28 ) Observations du gouvernement néerlandais, points 52 à 55, auxquels renvoie (pour l’affaire C‑398/16) le point 95 du même texte.
( 29 ) L’article 10a, paragraphe 3, de la loi de 1969, n’exclut pas la déductibilité de manière absolue : il autorise la déduction si la société concernée démontre qu’il ne s’agit pas d’un montage artificiel sans lien avec la réalité économique.
( 30 ) Arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C‑196/04, EU:C:2006:544, point 51).
( 31 ) Comme je l’ai déjà évoqué (point 32 des présentes conclusions), la Commission relève, dans cette optique, l’absence de cohérence du système fiscal néerlandais qui, même s’il applique en principe l’article 10a de la loi de 1969 tant aux situations nationales qu’aux situations transfrontalières, permet que les groupes consolidés strictement nationaux échappent à l’application de cette règle anti-évasion.
( 32 ) Voir note en bas de page 33.
( 33 ) Arrêt du 8 mars 2017 (C‑14/16, EU:C:2017:177, point 55).
( 34 ) Bien que le point 2.5. de la décision de renvoi évoque l’éventuelle inclusion de C dans le groupe intégré (« ou »), l’intéressée limite elle-même l’hypothétique inclusion à A Holdings UK.
( 35 ) Arrêt du 28 février 2008 (C‑293/06, EU:C:2008:129).
( 36 ) Arrêt du 10 juin 2015 (C‑686/13, EU:C:2015:375).
( 37 ) Décision de renvoi, point 2.9.5 : « Les considérations figurant aux points 2.9.1., 2.9.2 et 2.9.4 […] plaide[nt] en faveur de la conclusion selon laquelle il n’existe pas de différence de traitement entre des situations objectivement comparables, ni d’entrave à la liberté d’établissement, ainsi qu’en faveur du rejet de la thèse de l’intéressée. »
( 38 ) Conclusions dans l’affaire X (C‑686/13, EU:C:2015:31).
( 39 ) Arrêt du 10 juin 2015, X (C‑686/13, EU:C:2015:375, points 40 et 41). La Cour avait préalablement expliqué, aux points 36 à 39, les raisons pour lesquelles la réponse formulée dans l’arrêt du 28 février 2008, Deutsche Shell (C‑293/06, EU:C:2008:129), n’était pas applicable à l’affaire X.
( 40 ) Décision de renvoi, point 2.9.4.
( 41 ) Voir note en bas de page no 23.
( 42 ) Dans cette perspective, voir, par analogie, arrêt du 28 février 2008, Deutsche Shell (C‑293/06, EU:C:2008:129, points 24 et 25).