ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
28 février 2018 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2011/92/UE – Article 4, paragraphes 2 et 3, et annexes I à III – Évaluation des incidences sur l’environnement – Autorisation de procéder à des travaux dans une installation de production d’énergie électrique à partir de biogaz sans examen préliminaire de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement – Annulation – Régularisation a posteriori de l’autorisation sur la base de nouvelles dispositions de droit national sans
examen préliminaire de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement »
Dans l’affaire C‑117/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional des Marches, Italie), par décision du 13 janvier 2017, parvenue à la Cour le 6 mars 2017, dans la procédure
Comune di Castelbellino
contre
Regione Marche,
Ministero per i beni e le attività culturali,
Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare,
Regione Marche Servizio Infrastrutture Trasporti Energia – P. F. Rete Elettrica Regionale,
Provincia di Ancona,
en présence de :
Società Agricola 4 C S.S.,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et S. Rodin, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le Comune di Castelbellino, par Me A. Lucchetti, avvocato,
– pour la Regione Marche, par Me P. De Bellis, avvocato,
– pour Società Agricola 4 C S.S., par Me M. Misiti, avvocato,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,
– pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et C. Zadra, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Comune di Castelbellino (commune de Castelbellino, Italie) à la Regione Marche (région des Marches, Italie), au Ministero per i beni e le attività culturali (ministère des Biens et Activités culturels, Italie), au Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare (ministère de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la mer, Italie), à la Regione Marche Servizio Infrastrutture Trasporti Energia –
P. F. Rete Elettrica Regionale et à la Provincia di Ancona (province d’Ancône, Italie) au sujet de la décision par laquelle la région des Marches a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la nécessité de soumettre le projet de Società Agricola 4 C S.S. (ci-après « 4 C ») visant à augmenter la puissance d’une installation de production d’énergie électrique à partir de biogaz à une évaluation des incidences sur l’environnement (ci-après une « EIE »).
Le cadre juridique
3 L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92 prévoit :
« Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4. »
4 L’article 4, paragraphes 2 et 3, de cette directive précise :
« 2. Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l’annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination :
a) sur la base d’un examen [au] cas par cas ;
ou
b) sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre.
Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).
3. Pour l’examen [au] cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III. »
5 L’annexe I de ladite directive, intitulée « Projets visés à l’article 4, paragraphe 1 », prévoit, à son point 2, sous a), que font partie de ces projets les « [c]entrales thermiques et autres installations de combustion d’une puissance calorifique d’au moins 300 [mégawatts (MW)] ».
6 L’annexe II de la même directive, intitulée « Projets visés à l’article 4, paragraphe 2 », dispose, quant à elle, à son point 3, que, au titre de ces projets, figurent les « [i]nstallations industrielles destinées à la production d’énergie électrique, de vapeur et d’eau chaude (projets non visés à l’annexe I) ».
7 L’annexe III de la directive 2011/92, intitulée « Critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3 », est libellée comme suit :
« 1. Caractéristiques des projets
Les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport :
a) à la dimension du projet ;
b) au cumul avec d’autres projets ;
c) à l’utilisation des ressources naturelles ;
d) à la production de déchets ;
e) à la pollution et aux nuisances ;
f) au risque d’accidents, eu égard, notamment aux substances ou aux technologies mises en œuvre.
2. Localisation des projets
La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte :
a) l’occupation des sols existants ;
b) la richesse relative, la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone ;
c) la capacité de charge de l’environnement naturel, en accordant une attention particulière aux zones suivantes :
i) zones humides ;
ii) zones côtières ;
iii) zones de montagnes et de forêts ;
iv) réserves et parcs naturels ;
v) zones répertoriées ou protégées par la législation des États membres ; zones de protection spéciale désignées par les États membres conformément à la [directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7),] et à la [directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7)] ;
vi) zones dans lesquelles les normes de qualité environnementales fixées par la législation de l’Union sont déjà dépassées ;
vii) zones à forte densité de population ;
viii) paysages importants du point de vue historique, culturel et archéologique.
3. Caractéristiques de l’impact potentiel
Les incidences notables qu’un projet pourrait avoir doivent être considérées en fonction des critères énumérés aux points 1 et 2, notamment par rapport :
a) à l’étendue de l’impact (zone géographique et importance de la population affectée) ;
b) à la nature transfrontalière de l’impact ;
c) à l’ampleur et la complexité de l’impact ;
d) à la probabilité de l’impact ;
e) à la durée, à la fréquence et à la réversibilité de l’impact. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
8 4 C exploite une installation de production d’énergie électrique à partir de biogaz dans la commune de Castelbellino, dans la région des Marches (ci-après l’« installation en cause »), dont la mise en service a été autorisée par cette commune au titre de la réglementation sur la protection du paysage.
9 Par décision du 20 juin 2012, la région des Marches a autorisé 4 C à procéder aux travaux nécessaires pour augmenter la puissance de l’installation en cause de 249 kilowatts (kW) à 999 kW.
10 Sur le fondement de la legge Regione Marche n. 3 (loi régionale des Marches no 3), du 26 mars 2012 (ci-après la « loi no 3/2012 »), cette autorisation a été accordée sans que le projet ait été soumis à une EIE ni même à l’examen préalable de la nécessité d’une telle évaluation, la puissance nominale de l’installation en cause étant inférieure au seuil de 1 MW prévu par cette loi.
11 La commune de Castelbellino a saisi la juridiction de renvoi, le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional des Marches, Italie), d’une demande d’annulation de cette autorisation, en invoquant la violation de la directive 2011/92.
12 Le 22 février 2013, cette juridiction a rejeté la demande en référé de la commune de Castelbellino de suspendre l’autorisation attaquée.
13 Par son arrêt no 93/2013, du 22 mai 2013, la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) a déclaré la loi no 3/2012 partiellement contraire à la constitution en raison de son incompatibilité avec le droit de l’Union, au motif que cette loi n’imposait pas la prise en compte de l’ensemble des critères fixés à l’annexe III de la directive 2011/92 aux fins de l’identification des projets assujettis à une EIE, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de cette directive.
14 Le 16 avril 2015, 4 C a saisi la région des Marches d’une demande tendant à ce que soit assurée la conformité de l’installation en cause aux exigences prévues par la directive 2011/92.
15 Il ressort de la décision de renvoi que les dispositions de la loi no 3/2012 qui permettaient précédemment aux régions d’arrêter des seuils différenciés d’exemption d’EIE, et sur la base desquelles s’étaient fondées les autorités régionales pour adopter la décision du 20 juin 2012, ont été abrogées à la suite de l’arrêt no 93/2013 de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle), du 22 mai 2013. De nouvelles dispositions ont été adoptées, qui ont défini au seul niveau national les conditions
dans lesquelles les projets d’intérêt régional sont dispensés d’EIE. Le seuil d’assujettissement pour les installations du type de celle en cause dans le litige au principal a été relevé à 50 MW au lieu de 1 MW, ce seuil pouvant, dans certaines conditions, être diminué de 50 %.
16 C’est dans ces conditions que, en application de ce nouveau régime juridique, la région des Marches a, par une décision du 3 juin 2015, d’une part, considéré que l’installation en cause était exemptée de l’examen préliminaire de la nécessité d’une EIE et, d’autre part, « validé » l’autorisation précédemment accordée, du 20 juin 2012.
17 Toutefois, par un jugement du 19 juin 2015, la juridiction de renvoi, le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional des Marches), a annulé l’autorisation accordée le 20 juin 2012 par la région des Marches, au motif qu’elle avait été adoptée sur la base de dispositions législatives déclarées par la suite inconstitutionnelles.
18 4 C a saisi le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) d’un recours dirigé contre ce jugement.
19 La commune de Castelbellino a, quant à elle, saisi la juridiction de renvoi d’une demande d’annulation de la décision de la région des Marches du 3 juin 2015.
20 C’est dans ce contexte que le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional des Marches) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le [droit de l’Union] (en particulier la directive [2011/92], dans sa version en vigueur à la date de l’adoption des mesures [en cause dans l’affaire au principal]) s’oppose-t-il, en principe, à un régime national ou à une pratique administrative nationale qui permet de soumettre à une vérification de la nécessité d’un assujettissement à l’EIE, ou d’assujettir à l’EIE, des projets relatifs à des installations qui sont déjà réalisées au moment où la vérification est effectuée, ou, au
contraire, le [droit de l’Union] permet-il de tenir compte de circonstances exceptionnelles qui justifient une dérogation au principe général selon lequel l’EIE est, par nature, une évaluation préventive ?
2) Plus particulièrement, une telle dérogation serait-elle justifiée dans le cas où un régime nouveau exonère d’EIE un projet déterminé qui aurait dû être soumis à [une vérification de la nécessité d’un assujettissement à l’EIE] en vertu d’une décision d’une juridiction nationale ayant déclaré inconstitutionnelle [ou] inapplicable une règle en vigueur antérieurement qui prévoyait l’exemption ? »
Sur les questions préjudicielles
21 À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il résulte de la décision de renvoi que l’affaire au principal concerne un projet d’augmentation de la puissance d’une installation existante de production d’énergie électrique alimentée par biogaz, pour lequel les autorités régionales ont décidé qu’il n’y avait pas lieu de procéder à un examen préliminaire de la nécessité d’une EIE, conformément à une législation d’une autorité régionale ultérieurement déclarée inconstitutionnelle en raison de ce
qu’elle n’imposait pas qu’il soit tenu compte de l’ensemble des critères pertinents, visés à l’annexe III de la directive 2011/92, aux fins d’identification des projets soumis à une EIE, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de cette directive.
22 Il ressort également de la décision de renvoi que, à la suite de la demande de 4 C, du 16 avril 2015, visée au point 14 du présent arrêt, que soit réexaminée la question de la nécessité de procéder à une EIE, les travaux en cause ayant été réalisés, les autorités régionales compétentes ont considéré, sur la base des nouvelles dispositions législatives, qu’une telle évaluation n’avait pas lieu d’être.
23 Par ses deux questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande donc, en substance, si, lorsqu’un projet d’augmentation de la puissance d’une installation de production d’énergie électrique, tel que celui en cause au principal, n’a pas été soumis à un examen préliminaire de la nécessité de procéder à une EIE en application de dispositions nationales ultérieurement déclarées incompatibles sur ce point avec la directive 2011/92, le droit de l’Union s’oppose à ce que
cette installation fasse, après la réalisation de ce projet, l’objet d’une nouvelle procédure d’examen par les autorités compétentes aux fins de vérifier sa conformité aux exigences de cette directive et, éventuellement, d’une EIE. La juridiction de renvoi demande également si ces autorités pourraient considérer, sur la base des dispositions de droit national en vigueur à la date à laquelle elles sont appelées à statuer, qu’une telle EIE ne s’impose pas.
24 Il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92 impose que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, au sens de l’article 4 de celle-ci, lu en combinaison avec les annexes I ou II de cette directive, soient soumis à cette évaluation avant l’octroi de l’autorisation (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 42, ainsi que du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16, EU:C:2017:589,
point 32).
25 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, le caractère préalable d’une telle évaluation se justifie par la nécessité que, dans le processus de décision, l’autorité compétente tienne compte le plus tôt possible des incidences sur l’environnement de tous les processus techniques de planification et de décision afin d’éviter, dès l’origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2008, Commission/Irlande, C‑215/06,
EU:C:2008:380, point 58, ainsi que du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16, EU:C:2017:589, point 33).
26 L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/92 précise que, sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, de cette directive, les projets énumérés à l’annexe I de celle-ci sont soumis à évaluation, conformément à ses articles 5 à 10.
27 Pour les projets énumérés à l’annexe II de la directive 2011/92, l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci prévoit que les États membres déterminent si le projet doit être soumis à EIE sur la base d’un examen au cas par cas ou sur la base des seuils ou des critères fixés par l’État membre concerné.
28 L’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92 ajoute que, pour l’examen au cas par cas ou la fixation des seuils ou des critères en application du paragraphe 2 de ce même article, il est tenu compte des critères de sélection pertinents énoncés à l’annexe III de cette directive.
29 En revanche, la directive 2011/92 ne précise pas les conséquences juridiques qu’il convient de tirer d’une violation de ces dispositions.
30 Néanmoins, il importe de rappeler que la Cour a déjà jugé, au point 43 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a. (C‑196/16, EU:C:2017:589), que, en cas d’omission d’une EIE exigée par le droit de l’Union, les États membres doivent effacer les conséquences illicites de cette omission et que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une telle évaluation soit effectuée à titre de régularisation, après la construction et la mise en service de l’installation concernée, à la double
condition, d’une part, que les règles nationales permettant cette régularisation n’offrent pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et, d’autre part, que l’évaluation effectuée à titre de régularisation ne porte pas uniquement sur les incidences futures de cette installation sur l’environnement, mais prenne en compte les incidences environnementales intervenues depuis sa réalisation.
31 Au point 42 de l’arrêt du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a. (C‑196/16, EU:C:2017:589), la Cour a également indiqué que la circonstance, premièrement, que les sociétés en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt avaient effectué les démarches nécessaires pour faire procéder, le cas échéant, à une EIE, deuxièmement, que le refus des autorités compétentes d’accéder à ces demandes avait été justifié sur la base de dispositions nationales dont la contrariété avec le droit de l’Union
n’avait été constatée qu’ultérieurement et, troisièmement, que l’activité des installations en cause dans l’affaire ayant donné lieu à ce même arrêt avait été suspendue tendait à démontrer que les régularisations effectuées dans le cadre de cette affaire n’avaient pas été permises par le droit national dans des conditions similaires à celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 juillet 2008, Commission/Irlande (C‑215/06, EU:C:2008:380, point 61), et n’avaient pas eu pour but de
contourner les règles du droit de l’Union.
32 Par conséquent, le droit de l’Union ne s’oppose pas, sous ces conditions, à ce que, lorsqu’un projet n’a pas été soumis à l’examen préliminaire de la nécessité d’une EIE en application de dispositions incompatibles avec la directive 2011/92, il fasse l’objet, même après sa réalisation, d’un examen par les autorités compétentes aux fins de déterminer s’il doit ou non faire l’objet d’une EIE, le cas échéant sur la base d’une nouvelle législation nationale, sous réserve que celle-ci soit compatible
avec cette directive.
33 Les autorités nationales appelées à se prononcer dans ce contexte doivent également prendre en compte les incidences sur l’environnement générées par l’installation depuis la réalisation des travaux et rien ne s’oppose à ce que, à la suite de cet examen, elles concluent à nouveau qu’une EIE ne s’impose pas.
34 S’il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si ces conditions sont réunies dans l’affaire au principal au regard de la teneur des dispositions nationales et des informations dont elle dispose, la Cour estime néanmoins utile de lui donner les indications suivantes.
35 Tout d’abord, il convient de constater qu’un projet d’installation de production d’énergie électrique à partir de biogaz d’une puissance nominale inférieure à 1 MW relève non pas de l’annexe I, point 2, sous a), de la directive 2011/92, qui vise les centrales thermiques et autres installations de combustion d’une puissance calorifique d’au moins 300 MW, mais de l’annexe II, point 3, sous a), de cette directive, qui se réfère aux projets d’installations industrielles destinées à la production
d’énergie électrique non visés à l’annexe I de celle-ci.
36 Des travaux destinés à augmenter la puissance d’une installation tels que ceux en cause au principal constituent, dès lors, un projet pour lequel les États membres doivent déterminer s’il doit être soumis à une EIE conformément à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 2011/92.
37 Il résulte, ensuite, d’une jurisprudence constante de la Cour que, lorsque les États membres ont décidé de recourir à la fixation de seuils ou de critères, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92, la marge d’appréciation qui leur est ainsi conférée trouve ses limites dans l’obligation, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, de soumettre, avant l’octroi d’une autorisation, à une étude d’incidences les projets susceptibles d’avoir des incidences notables
sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leur dimension ou de leur localisation (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C‑66/06, non publié, EU:C:2008:637, point 61 et jurisprudence citée).
38 En application de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92, les États membres ont l’obligation de tenir compte, pour la fixation de ces seuils ou critères, des critères de sélection pertinents énoncés à l’annexe III de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C‑66/06, non publié, EU:C:2008:637, point 62).
39 En outre, un État membre qui fixerait ces seuils ou critères à un niveau tel que, en pratique, la totalité des projets d’un certain type serait d’avance soustraite à l’évaluation outrepasserait sa marge d’appréciation, sauf si la totalité des projets exclus pouvait être considérée, sur la base d’une appréciation globale, comme n’étant pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement (arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C‑66/06, non publié, EU:C:2008:637, point 65 et
jurisprudence citée).
40 Il en résulte que le fait que des dispositions nationales, telles que celles sur la base desquelles s’est fondée la région des Marches pour adopter sa décision du 3 juin 2015, auraient élevé le niveau du seuil d’assujettissement à une EIE ne saurait suffire, en soi, pour conclure que ces dispositions ne respectent pas la directive 2011/92.
41 Un tel constat de non-conformité au droit de l’Union ne saurait non plus découler de la circonstance, mentionnée par la juridiction de renvoi, selon laquelle si ces mêmes dispositions n’avaient pas été adoptées, le projet en cause au principal aurait dû être soumis à un examen préliminaire de la nécessité de procéder à une EIE à la suite de l’arrêt no 93/2013 de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle), du 22 mai 2013.
42 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que, lorsqu’un projet d’augmenter la puissance d’une installation de production d’énergie électrique, tel que celui en cause au principal, n’a pas été soumis à un examen préliminaire de la nécessité de procéder à une EIE en application de dispositions nationales ultérieurement déclarées incompatibles sur ce point avec la directive 2011/92, le droit de l’Union exige que les États membres effacent les conséquences illicites
de cette violation et ne s’oppose pas à ce que cette installation fasse l’objet, après la réalisation de ce projet, d’une nouvelle procédure d’examen par les autorités compétentes aux fins de vérifier sa conformité aux exigences de cette directive et, éventuellement, de la soumettre à une EIE, à condition que les règles nationales permettant cette régularisation n’offrent pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer. Il convient
également que les incidences environnementales intervenues depuis la réalisation du projet soient prises en compte. Ces autorités peuvent considérer, sur la base des dispositions nationales en vigueur à la date à laquelle elles sont appelées à statuer, qu’une telle EIE ne s’impose pas, dans la mesure où ces dispositions sont compatibles avec cette directive.
Sur les dépens
43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
Lorsqu’un projet d’augmenter la puissance d’une installation de production d’énergie électrique, tel que celui en cause au principal, n’a pas été soumis à un examen préliminaire de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement en application de dispositions nationales ultérieurement déclarées incompatibles sur ce point avec la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets
publics et privés sur l’environnement, le droit de l’Union exige que les États membres effacent les conséquences illicites de cette violation et ne s’oppose pas à ce que cette installation fasse l’objet, après la réalisation de ce projet, d’une nouvelle procédure d’examen par les autorités compétentes aux fins de vérifier sa conformité aux exigences de cette directive et, éventuellement, de la soumettre à une évaluation des incidences sur l’environnement, à condition que les règles nationales
permettant cette régularisation n’offrent pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer. Il convient également que les incidences environnementales intervenues depuis la réalisation du projet soient prises en compte. Ces autorités peuvent considérer, sur la base des dispositions nationales en vigueur à la date à laquelle elles sont appelées à statuer, qu’une telle évaluation des incidences sur l’environnement ne s’impose pas, dans la
mesure où ces dispositions sont compatibles avec cette directive.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.