ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)
17 mai 2018 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande d’enregistrement de la marque verbale WIDIBA – Rejet de la demande d’enregistrement »
Dans l’affaire C‑684/17 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 décembre 2017,
Banca Monte dei Paschi di Siena SpA, établie à Sienne (Italie),
Wise Dialog Bank SpA (Banca Widiba SpA), établie à Milan (Italie),
représentées par M^es L. Trevisan et D. Contini, avvocati,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
ING-DIBa AG, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. E. Levits, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur) et F. Biltgen, juges,
avocat général : M. E. Tanchev,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par leur pourvoi, Banca Monte dei Paschi di Siena SpA et Wise Dialog Bank SpA (Banca Widiba SpA) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 septembre 2017, Banca Monte dei Paschi di Siena et Banca Widiba/EUIPO – ING-DIBa (WIDIBA), (T‑83/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:662), par lequel celui-ci a rejeté leurs recours tendant à l’annulation de la décision la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété
intellectuelle (EUIPO), du 26 novembre 2015 (affaires jointes R 113/2015‑2 et R 174/2015‑2), relative à une procédure d’opposition entre ING-DIBa et Banca Monte dei Paschi di Siena.
2 Dans le cadre de leur pourvoi, les requérantes invoquent, en substance, deux moyens. Le premier est tiré de la violation des articles 60 et 80, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), et le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.
Sur le pourvoi
3 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
4 M. l’avocat général a, le 23 mars 2018, pris la position suivante :
« 1. Pour les raisons qui seront exposées ci-après, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi introduit contre l’arrêt attaqué comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé, et de condamner les requérantes aux dépens, en application des articles 137 et 184, paragraphe 1, du [règlement de procédure].
Sur le premier moyen soulevé à l’appui du pourvoi, tiré de la violation des articles 60 et 80, paragraphe 1, du règlement n^o 207/2009
2. Le premier moyen se subdivise en deux branches.
3. Par la première branche, les requérantes affirment que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 24 à 37 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a constaté que c’est à bon droit que la chambre de recours avait rejeté leur recours comme irrecevable, en application de la règle 49, paragraphe 1, du [règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), tel que
modifié], car le mémoire exposant les motifs du recours avait été déposé en dehors du délai imparti par l’article 60 du règlement n^o 207/2009. Les requérantes soutiennent que la déclaration d’irrecevabilité est trop sévère par rapport à une défaillance mineure dans l’observation d’un délai imparti par l’EUIPO et qu’il s’agit donc d’une mesure disproportionnée. Elles soutiennent ensuite que l’article 60 du règlement n^o 207/2009 ne prévoit pas que le dépôt hors délais du mémoire exposant les motifs
constitue un motif d’irrecevabilité du recours en lui-même. En effet, ce motif d’irrecevabilité serait prévu par la règle 49, paragraphe 1, du règlement n^o 2868/95, tel que modifié, qui serait un acte délégué. Par conséquent, les requérantes estiment qu’en rejetant leur recours comme irrecevable, la chambre de recours s’est basée sur une disposition d’application qui va au-delà de l’article 60 du règlement n^o 207/2009 pour les priver d’un droit.
4. Selon une jurisprudence constante de la Cour, un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à répéter ou à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir notamment arrêt du 17 juillet
2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, non publié, EU:C:2014:2089, point 54 et jurisprudence citée).
5. En l’espèce, les arguments développés par les requérantes à l’appui de la première branche du premier moyen de leur pourvoi reproduisent quasiment à l’identique ceux qu’ils avaient fait valoir devant le Tribunal. En réalité, les requérantes demandent ainsi à la Cour de réexaminer le recours formé devant le Tribunal, sans préciser spécifiquement l’erreur de droit qui entacherait la motivation de l’arrêt attaqué.
6. Il s’ensuit que la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du pourvoi doit être rejetée comme manifestement irrecevable.
7. Par la deuxième branche, les requérantes affirment que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 38 à 42 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur de droit en considérant qu’il n’était pas approprié d’octroyer une restitutio in integrum. Selon les requérantes, l’appréciation ayant conduit à refuser une restitutio in integrum est excessivement sévère concernant l’exigence de vigilance et ne tient pas dûment compte de la finalité de l’article 81,
paragraphe 1, du règlement n^o 207/2009, à savoir la protection des droits de propriété intellectuelle et des moyens de recours.
8. Le Tribunal a rappelé, aux points 27 à 31 de l’arrêt attaqué, que suivant une jurisprudence constante, il ressort de l’article 81, paragraphe 1, du règlement n^o 207/2009 que la restitutio in integrum est subordonnée à deux conditions et que la chambre de recours a constaté que les circonstances invoquées par les requérantes ne pouvaient être considérées comme anormales et inévitables au regard de la condition relative à la vigilance posée par cette disposition, de sorte que la demande en
restitutio in integrum devait être rejetée.
9. Au point 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il n’avait été versé aux débats aucun élément permettant de constater que la chambre de recours aurait à tort refusé de considérer que les circonstances alléguées présentaient un caractère exceptionnel et imprévisible pour les besoins de l’article 81, paragraphe 1, du règlement n^o 207/2009.
10. Au point 40 de l’arrêt attaqué, le Tribunal souligne qu’avant l’expiration du délai en cause, le greffe des chambres de recours a rappelé à deux reprises au représentant de Banca Monte dei Paschi di Siena qu’il lui appartenait de déposer un mémoire exposant les motifs du recours, mais que cela n’a pas été suivi d’effets.
11. En outre, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 41 de l’arrêt attaqué, qu’au regard de la jurisprudence rappelée au son point 28 de cet arrêt, l’argumentation des requérantes tenant au fait qu’elles ne sont pas directement à l’origine du non-respect du délai en cause, puisque celui-ci trouverait son origine dans une défaillance de leur représentant, ne peut également qu’être rejetée.
12. Dans ces circonstances, la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du pourvoi doit être rejetée comme manifestement non fondée.
Sur le second moyen soulevé à l’appui du pourvoi, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009
13. Le second moyen se subdivise en deux branches.
14. Par la première branche, les requérantes affirment que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit, car en ses points 49 à 53, le Tribunal a considéré que son contrôle doit se limiter à l’examen du risque de confusion entre les marques en conflit, seulement à l’égard des “cartes de crédit” visées par la marque demandée, et en ce qu’il indique qu’il n’était pas saisi de l’appréciation du risque de confusion pour les produits et services faisant l’objet de l’opposition. Sur ce point,
les requérantes soutiennent que l’argumentation selon laquelle l’examen du Tribunal devait également porter sur les produits et services autres couverts par la marque demandée avait été présentée devant la division d’opposition, de sorte que c’est à tort que le Tribunal a considéré, au point 51 de l’arrêt attaqué, qu’elle avait été invoquée devant lui pour la première fois. Les requérantes affirment en outre que le Tribunal a violé leur droit fondamental à un recours effectif et à accéder à un
tribunal impartial, consacré à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à l’article 65 du règlement n^o 207/2009, en entérinant la décision de la division d’opposition aux points 73 à 75 de l’arrêt attaqué.
15. Il ressort d’une jurisprudence de la Cour bien établie qu’il découle de l’article 65 du règlement n^o 207/2009 qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO et que, partant, des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal. Ce dernier ne saurait non plus réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées
pour la première fois devant lui, dès lors que la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir notamment arrêt du 22 septembre 2016, Pensa Pharma/EUIPO, C‑442/15 P, non publié, EU:C:2016:720, point 47 et jurisprudence citée).
16. De plus, la Cour a jugé que, dans le cadre de recours contre des décisions de la chambre de recours de l’EUIPO contre des décisions de la division d’opposition, la partie ayant demandé l’enregistrement de la marque en question n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et allégations avancées par elle-même et par la partie qui avait formé opposition (voir, en ce sens, notamment arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI,
C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 43 et jurisprudence citée).
17. En l’espèce, il est constant, ainsi qu’il ressort des points 10 et 11 de l’arrêt attaqué, que les requérantes n’ont pas déposé dans les délais requis un mémoire exposant les motifs de leur recours contre la décision de la division d’opposition et que la chambre de recours a rejeté leur recours pour irrecevabilité.
18. Suivant le point 13 de l’arrêt attaqué, la décision de la division d’opposition est devenue définitive à l’égard des produits et des services couverts par la marque demandée et relevant des classes 9, 36 et 38 pour lesquels l’opposition avait été accueillie.
19. De plus, suivant le point 12 de l’arrêt attaqué, la chambre de recours a estimé qu’en ce qui concernait la comparaison des produits et des services couverts par les marques en conflit, les “cartes de crédit” et les “affaires financières” présentaient un lien de complémentarité et devaient dès lors être considérées comme similaires. La chambre de recours a ensuite confirmé l’existence de cette similitude, après avoir relevé que les parties n’avaient pas contesté les conclusions de la
division d’opposition relatives à la similitude des signes en conflit. En conséquence, dans le cadre de l’appréciation globale d’un risque de confusion, elle a conclu à l’existence de celui-ci entre lesdits signes.
20. C’est donc à bon droit qu’au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, d’une part, que l’argumentation des requérantes tenant à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit en ce qui concerne les produits et les services couverts par la marque demandée, autres que les “cartes de crédit”, avait été invoquée pour la première fois devant le Tribunal et, d’autre part, que ni la division d’opposition ni la chambre de recours n’avaient apprécié le risque de confusion
sur le fondement de cette argumentation. De même, c’est à bon droit qu’il a décidé, au point 53 de l’arrêt attaqué, que le contrôle auquel il allait procéder se limiterait à l’examen du risque de confusion entre les marques en conflit relativement aux “cartes de crédit”.
21. Dans ces conditions, le second moyen, en sa première branche, doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
22. Par la deuxième branche, les requérantes affirment que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n^o 207/2009, en ce qu’il a constaté, aux points 57 à 69 et 73 à 83 de l’arrêt attaqué, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit relativement aux “cartes de crédit” couvertes par la marque demandée et aux “affaires financières” couvertes par la marque antérieure. Elles soutiennent que le Tribunal a commis une erreur dans son appréciation de la
similitude entre les “cartes de crédit” et les “affaires financières”, car le public pertinent est conscient de leurs différences. De plus, selon les requérantes, le Tribunal a commis une erreur en considérant que les signes en conflit étaient similaires, car il n’a pas pris en compte tous les éléments pertinents et il n’a pas tiré les conséquences adéquates de la constatation selon laquelle le public pertinent faisait preuve d’un degré d’attention élevé.
23. Aux termes de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la
Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir notamment arrêt du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 65 et jurisprudence citée).
24. En l’espèce, l’argumentation développée par les requérantes à l’appui de la deuxième branche du second moyen vise, en réalité, à remettre en cause l’appréciation des faits par le Tribunal, telle que rapportée dans l’arrêt attaquée, et à demander un réexamen du litige sans faire valoir de dénaturation des faits ou des éléments de preuve.
25. Dans ces conditions, la deuxième branche du second moyen soulevé à l’appui du pourvoi doit être rejetée comme manifestement irrecevable.
26. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi, conformément à l’article 181 du [règlement de procédure], comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé, et de condamner les requérantes à supporter leurs propres dépens. »
5 Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur les dépens
6 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que les requérantes supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
2) Banca Monte dei Paschi di Siena SpA et Wise Dialog Bank SpA (Banca Widiba SpA) supportent leurs propres dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Langue de procédure : l’anglais.