ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
12 juillet 2018 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2004/17/CE – Article 34 – Fourniture de pièces de rechange pour bus et trolleybus – Spécifications techniques – Produits équivalents – Possibilité de fournir la preuve de l’équivalence après l’adjudication du marché »
Dans l’affaire C‑14/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 17 novembre 2016, parvenue à la Cour le 11 janvier 2017, dans la procédure
VAR Srl,
Azienda Trasporti Milanesi SpA (ATM)
contre
Iveco Orecchia SpA,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász (rapporteur), Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 décembre 2017,
considérant les observations présentées :
– pour VAR Srl, par Mes M. Goria et S. E. Viscio, avvocati,
– pour Azienda Trasporti Milanesi SpA (ATM), par Mes M. Zoppolato et A. Rho, avvocati,
– pour Iveco Orecchia SpA, par Mes F. Brunetti et F. Scanzano, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mmes C. Colelli et C. Pluchino, avvocati dello Stato,
– pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et A. Tokár, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 février 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 34 de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant VAR Srl et Azienda Trasporti Milanesi SpA (ci-après « ATM ») à Iveco Orecchia SpA au sujet de l’attribution d’un marché de fourniture de pièces de rechange d’origine ou équivalentes pour autobus et trolleybus de la marque IVECO.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le considérant 42 de la directive 2004/17 énonce :
« Les spécifications techniques établies par les acheteurs devraient permettre l’ouverture des marchés publics à la concurrence. À cet effet, la présentation d’offres reflétant la diversité des solutions techniques devrait être possible. Pour ce faire, d’une part, les spécifications techniques devraient pouvoir être établies en termes de performances et d’exigences fonctionnelles et, d’autre part, en cas de référence à la norme européenne – ou, en son absence, à la norme nationale –, des offres
basées sur d’autres solutions équivalentes répondant aux besoins des entités adjudicatrices et équivalentes en termes de sécurité devraient être prises en compte par les entités adjudicatrices. Aux fins de démontrer l’équivalence, les soumissionnaires devraient pouvoir utiliser tout moyen de preuve. Les entités adjudicatrices devraient pouvoir motiver toute décision concluant à la non-équivalence. [...] »
4 L’article 10 de cette directive, intitulé « Principes de passation des marchés », dispose :
« Les entités adjudicatrices traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence. »
5 L’article 34 de ladite directive, intitulé « Spécifications techniques », prévoit :
« 1. Les spécifications techniques telles que définies au point 1 de l’annexe XXI figurent dans les documents du marché, tels que les avis de marché, le cahier des charges ou les documents complémentaires. Chaque fois que possible, ces spécifications techniques devraient être établies de manière à prendre en considération les critères d’accessibilité pour les personnes handicapées ou la conception pour tous les utilisateurs.
2. Les spécifications techniques doivent permettre l’accès égal des soumissionnaires et ne pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence.
3. Sans préjudice des règles techniques nationales juridiquement contraignantes, dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit [de l’Union], les spécifications techniques doivent être formulées :
a) soit par référence à des spécifications techniques définies à l’annexe XXI et, par ordre de préférence, aux normes nationales transposant des normes européennes, aux agréments techniques européens, aux spécifications techniques communes, aux normes internationales, aux autres référentiels techniques élaborés par les organismes européens de normalisation, ou, lorsque ceux-ci n’existent pas, aux normes nationales, aux agréments techniques nationaux ou aux spécifications techniques nationales en
matière de conception, de calcul et de réalisation des ouvrages et de mise en œuvre des produits. Chaque référence est accompagnée de la mention “ou équivalent” ;
b) soit en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles ; celles-ci peuvent inclure des caractéristiques environnementales. Ces paramètres doivent cependant être suffisamment précis pour permettre aux soumissionnaires de déterminer l’objet du marché et aux entités adjudicatrices d’attribuer le marché ;
c) soit en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles visées au point b), en se référant aux spécifications citées au point a) comme un moyen de présomption de conformité à ces performances ou exigences fonctionnelles ;
d) soit par une référence aux spécifications visées au point a) pour certaines caractéristiques et aux performances ou exigences fonctionnelles visées au point b) pour d’autres caractéristiques.
4. Lorsque les entités adjudicatrices font usage de la possibilité de se référer aux spécifications visées au paragraphe 3, point a), elles ne peuvent pas rejeter une offre au motif que les produits et services offerts sont non conformes aux spécifications auxquelles elles ont fait référence, dès lors que le soumissionnaire prouve dans son offre à la satisfaction de l’entité adjudicatrice, par tout moyen approprié, que les solutions qu’il propose satisfont de manière équivalente aux exigences
définies par les spécifications techniques.
Peut constituer un moyen approprié, un dossier technique du fabricant ou un rapport d’essais d’un organisme reconnu.
5. Lorsque les entités adjudicatrices font usage de la possibilité, prévue au paragraphe 3, de prescrire en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles, elles ne peuvent rejeter une offre de produits, de services, ou de travaux conformes à une norme nationale transposant une norme européenne, à un agrément technique européen, à une spécification technique commune, à une norme internationale ou à un référentiel technique élaboré par un organisme européen de normalisation, si ces
spécifications visent les performances ou les exigences fonctionnelles qu’elles ont requises.
Dans son offre, le soumissionnaire prouve, à la satisfaction de l’entité adjudicatrice et par tout moyen approprié, que les produits, services ou travaux, conformes à la norme, répondent aux performances ou exigences fonctionnelles de l’entité adjudicatrice.
Peut constituer un moyen approprié, un dossier technique du fabricant ou un rapport d’essais d’un organisme reconnu.
[...]
7. Par “organismes reconnus” au sens du présent article, on entend les laboratoires d’essais, de calibrage, les organismes d’inspection et de certification, conformes aux normes européennes applicables.
Les entités adjudicatrices acceptent les certificats émanant d’organismes reconnus dans d’autres États membres.
8. À moins qu’elles ne soient justifiées par l’objet du marché, les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’une fabrication ou d’une provenance déterminée ou d’un procédé particulier, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, à une origine ou à une production déterminée qui auraient pour effet de favoriser ou d’éliminer certaines entreprises ou certains produits. Cette mention ou référence est autorisée, à titre exceptionnel, dans le cas où une description
suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible par application des paragraphes 3 et 4 ; une telle mention ou référence doit être accompagnée des termes “ou équivalent”. »
6 L’article 49 de la directive 2004/17, intitulé « Information des demandeurs de qualification, des candidats et des soumissionnaires », énonce, à son paragraphe 2, deuxième tiret :
« Sur demande de la partie concernée, les entités adjudicatrices communiquent, dans les meilleurs délais :
[...]
— à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre, y compris, dans les cas visés à l’article 34, paragraphes 4 et 5, les motifs de leur décision de non-équivalence ou de leur décision selon laquelle les travaux, fournitures, ou services ne répondent pas aux performances ou exigences fonctionnelles ».
7 L’article 51 de cette directive, intitulé « Dispositions générales », dispose, à son paragraphe 3 :
« Les entités adjudicatrices vérifient la conformité des offres présentées par les soumissionnaires ainsi sélectionnés aux règles et exigences applicables aux offres et attribuent le marché en se basant sur les critères prévus aux articles 55 et 57. »
Le droit italien
8 Aux termes de l’article 68 du decreto legislativo n. 163 – Codice dei contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture in attuazione delle direttive 2004/17/CE e 2004/18/CE (décret législatif no 163, portant création du code des marchés publics de travaux, de services et de fournitures et transposant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE), du 12 avril 2006 (GURI no 100, du 2 mai 2006), dans sa version en vigueur à l’époque des faits de l’affaire au principal (ci-après le « décret
législatif no 163/2006 ») :
« 1. Les spécifications techniques telles que définies au point 1 de l’annexe VIII figurent dans les documents du marché, tels que les avis de marché, le cahier des charges ou les documents complémentaires. Chaque fois que possible, ces spécifications techniques doivent être établies de manière à prendre en considération les critères d’accessibilité pour les personnes handicapées, la conception pour tous les utilisateurs ainsi que la protection de l’environnement.
2. Les spécifications techniques doivent permettre l’accès égal des soumissionnaires et ne pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence.
3. Sans préjudice des règles techniques nationales juridiquement contraignantes, dans la limite où elles sont compatibles avec le droit communautaire, les spécifications techniques doivent être formulées :
a) soit par référence à des spécifications techniques définies à l’annexe VIII et, par ordre de préférence, aux normes nationales transposant des normes européennes, aux agréments techniques européens, aux spécifications techniques communes, aux normes internationales, aux autres référentiels techniques élaborés par les organismes européens de normalisation ou, lorsque ceux-ci n’existent pas, aux normes nationales, aux agréments techniques nationaux ou aux spécifications techniques nationales en
matière de conception, de calcul et de réalisation des ouvrages et de mise en œuvre des produits. Chaque référence est accompagnée de la mention “ou équivalent” ;
[...]
4. Lorsque les pouvoirs adjudicateurs font usage de la possibilité de se référer aux spécifications visées au paragraphe 3, sous a), ils ne peuvent pas rejeter une offre au motif que les produits et services offerts sont non conformes aux spécifications auxquelles ils ont fait référence, dès lors que le soumissionnaire prouve dans son offre à la satisfaction du pouvoir adjudicateur, par tout moyen approprié, que les solutions qu’il propose satisfont de manière équivalente aux exigences définies
par les spécifications techniques.
5. Un dossier technique du fabricant ou un rapport d’essai d’un organisme reconnu peut constituer un moyen approprié.
6. L’opérateur économique qui propose des solutions équivalentes aux exigences définies par les spécifications techniques le signale par une déclaration séparée, qu’il joint à son offre.
[...]
13. À moins qu’elles ne soient justifiées par l’objet du marché, les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’une fabrication ou d’une provenance déterminée ou d’un procédé particulier, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, à une origine ou à une production déterminée qui auraient pour effet de favoriser ou d’éliminer certaines entreprises ou certains produits. Cette mention ou référence est autorisée, à titre exceptionnel, dans le cas où une description
suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible par application des paragraphes 3 et 4, et à condition qu’elle soit accompagnée des termes “ou équivalent”. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
9 Par un avis de marché publié au Journal officiel de l’Union européenne le 25 février 2015, ATM a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché portant sur la « fourniture de pièces de rechange d’origine et/ou de première monte et/ou équivalentes pour autobus et trolleybus IVECO ».
10 La valeur du marché était estimée à 3350000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les offres devaient être appréciées au regard du critère du prix le plus bas, avec possibilité de remise en concurrence après les premières offres, la base de la remise en concurrence étant la meilleure offre présentée.
11 Les pièces de rechange à fournir étaient indiquées sur une liste établie par ATM. Cette liste faisait expressément référence à des pièces de marque spécifique (FIAT/IVECO). Le nombre de différentes pièces de rechange à proposer dans l’offre était d’environ 2200.
12 Selon les indications figurant dans les documents du marché, étaient considérées comme des « pièces de rechange d’origine » les pièces produites par le constructeur du véhicule, mais également par des fournisseurs du constructeur qui pouvaient certifier qu’elles avaient été produites conformément aux spécifications et aux normes de production définies par le constructeur du véhicule. Les « pièces de rechange équivalentes » étaient définies comme étant les pièces fabriquées par toute entreprise
qui certifiait que la qualité des pièces de rechange correspondait à celle des composants utilisés pour l’assemblage du véhicule et à celle des pièces de rechange fournies par le constructeur du véhicule.
13 Pour ce qui concerne les modalités de l’offre, les documents du marché prévoyaient que le soumissionnaire désignait par le sigle « EQ » chaque produit offert comme « équivalent » à la pièce de rechange d’IVECO.
14 Il était également précisé dans le cahier des charges que, en cas d’adjudication, la fourniture de pièces équivalentes ne serait acceptée par ATM que si ces pièces faisaient l’objet des homologations ou des certificats d’équivalence aux originaux des produits offerts.
15 Deux entreprises ont participé à la procédure, Iveco Orecchia, qui en sa qualité de concessionnaire exclusif du groupe producteur des pièces de rechange concernées pour le nord-ouest de l’Italie est en mesure d’offrir des pièces d’origine, et VAR. Au terme de la procédure d’appel d’offres, VAR a été classée première.
16 Iveco Orecchia a formé un recours tendant à l’annulation de la décision d’attribution du marché à VAR devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie, Italie), qui y a fait droit. Ce tribunal a ainsi annulé cette décision au motif, notamment, que VAR n’avait rapporté la preuve de l’équivalence des produits qu’elle proposait par rapport aux pièces d’origine ni lors de la soumission de l’offre ni au cours de la procédure de passation de
marché. VAR, soutenue par ATM, a interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie). ATM, soutenue par VAR, a également relevé appel dudit jugement devant cette juridiction, qui a procédé à une jonction de ceux-ci.
17 Le Consiglio di Stato (Conseil d’État) souligne que ni le libellé de la réglementation spécifique de l’appel d’offres ni celui de l’article 68, paragraphe 13, du décret législatif no 163/2006 ne prévoient que la preuve de l’équivalence du produit à l’original doit être fournie par le soumissionnaire lors de l’appel d’offres. À cet égard, l’article 68, paragraphe 13, du décret législatif no 163/2006, qui constituerait la transposition en droit interne de l’article 34, paragraphe 8, de la directive
2004/17, se distinguerait du cas où le pouvoir adjudicateur définit les produits faisant l’objet du marché conformément à l’article 68, paragraphe 3, du même décret législatif, c’est-à-dire du cas dans lequel le soumissionnaire est tenu de démontrer au stade de l’appel d’offres que les solutions qu’il propose satisfont de manière équivalente aux exigences définies par les spécifications techniques. En outre, cette juridiction précise qu’il convient également de prendre en compte les
spécifications techniques figurant dans les documents du marché selon lesquels, dans le cas de produits équivalents, l’équivalence devait être attestée par un certificat approprié du fabricant, à présenter au pouvoir adjudicateur « à la première livraison d’une pièce de rechange équivalente ». Toutefois, une interprétation systématique de l’article 34, paragraphe 8, de la directive 2004/17 pourrait exiger que la preuve de l’équivalence soit apportée dès la soumission d’une offre.
18 Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) À titre principal, l’article 34, paragraphe 8, de la directive 2004/17 doit-il être interprété en ce sens qu’il exige que la preuve de l’équivalence entre les produits à fournir et le produit d’origine soit apportée déjà dans le cadre de l’offre ?
2) À titre subsidiaire, dans la négative, de quelle manière le respect des principes d’égalité de traitement et d’impartialité, de pleine concurrence et de bonne administration ainsi que des droits de la défense et du contradictoire des autres soumissionnaires doit-il être assuré ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
19 Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 34, paragraphe 8, de la directive 2004/17 doit être interprété en ce sens que, lorsque les spécifications techniques qui figurent dans les documents du marché font référence à une marque, à une origine ou à une production déterminée, l’entité adjudicatrice doit exiger que le soumissionnaire apporte, déjà dans son offre, la preuve de l’équivalence des produits qu’il propose par rapport à ceux définis dans lesdites
spécifications techniques.
20 Conformément à l’article 34, paragraphe 2, de la directive 2004/17, les spécifications techniques doivent permettre l’accès égal des soumissionnaires et ne pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics.
21 C’est au regard de cet objectif que l’article 34, paragraphe 8, de la directive 2004/17 dispose que les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’une fabrication ou d’une provenance déterminée ou d’un procédé particulier, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, à une origine ou à une production déterminée qui auraient pour effet de favoriser ou d’éliminer certaines entreprises ou certains produits, à moins qu’elles ne soient justifiées par l’objet du marché. Une
telle mention ou référence n’est autorisée qu’à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible par application des paragraphes 3 et 4 de cet article. Une telle référence est accompagnée de la mention « ou équivalent ».
22 Cette disposition n’indique ni à quel moment ni par quels moyens le caractère « équivalent » d’un produit proposé par un soumissionnaire doit être prouvé.
23 À cet égard, il ressort expressément de l’article 34, paragraphes 3 à 5, de la directive 2004/17 que le soumissionnaire, lorsque les spécifications techniques sont déterminées par référence à certaines normes ou en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles ou par leur combinaison, doit prouver dans son offre que celle-ci satisfait aux exigences des documents du marché. Il en résulte également que la preuve peut être apportée par « tout moyen approprié » et, à cet égard, « [p]eut
constituer un moyen approprié, un dossier technique du fabricant ou un rapport d’essai d’un organisme reconnu ».
24 Il ressort ainsi des paragraphes 3 à 5 de l’article 34 de la directive 2004/17 que ceux-ci définissent des règles générales concernant la formulation des spécifications techniques, les moyens par lesquels le soumissionnaire peut prouver que son offre satisfait aux exigences figurant dans ces spécifications et le moment auquel ces preuves doivent être rapportées.
25 Par rapport à ces règles générales, le paragraphe 8 dudit article 34 prévoit des règles spécifiques régissant les conditions dans lesquelles un mode particulier de définition du contenu des spécifications techniques, notamment la mention d’une fabrication ou d’une provenance déterminée ou d’un procédé particulier, ou une référence à une marque, à un brevet ou un type, à une origine ou à une production déterminée, est autorisé.
26 L’exception qu’il instaure, qui par sa nature doit être interprétée strictement, ne vise ni le moment auquel le soumissionnaire doit prouver que son offre satisfait aux exigences figurant dans les spécifications techniques, ni les moyens de preuve à la disposition de ce dernier. Ces éléments restent donc soumis aux règles générales contenues aux paragraphes 3 à 5 de l’article 34 de la directive 2004/17.
27 Il s’ensuit que, lorsque l’entité adjudicatrice fait usage de la possibilité que lui confère l’article 34, paragraphe 8, seconde phrase, de ladite directive, elle doit exiger du soumissionnaire qui souhaite se prévaloir de la faculté de proposer des produits équivalents à ceux définis par référence à une marque, à une origine ou à une production déterminée qu’il apporte, déjà dans son offre, la preuve de l’équivalence des produits concernés.
28 Cette interprétation est corroborée par plusieurs dispositions de la directive 2004/17 et les principes la régissant.
29 Tout d’abord, le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence qui sont consacrés à l’article 10 de cette directive exigent, notamment, que les soumissionnaires se trouvent sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur et constituent la base des règles de l’Union relatives aux procédures de passation des marchés publics (arrêt du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin, C‑396/14,
EU:C:2016:347, point 37).
30 Or, si un soumissionnaire, dans une procédure dans laquelle les spécifications techniques ont été définies selon le mode particulier et exceptionnel prévu au paragraphe 8 de l’article 34 de la directive 2004/17, était autorisé à prouver l’équivalence de ses produits après le dépôt de son offre, les offres présentées par tous les soumissionnaires ne seraient pas soumises aux mêmes conditions au moment de leur évaluation.
31 L’article 51, paragraphe 3, de la directive 2004/17 prévoit que les entités adjudicatrices vérifient la conformité des offres présentées par les soumissionnaires sélectionnés aux règles et aux exigences applicables aux offres. De même, il ressort de l’article 49, paragraphe 2, deuxième tiret, et du considérant 42 de cette directive que les entités adjudicatrices devraient pouvoir motiver toute décision concluant à la non-équivalence.
32 Or, une telle vérification ainsi que l’adoption éventuelle d’une décision concluant à la non-équivalence ne peuvent avoir lieu qu’après l’ouverture des offres, au stade de l’évaluation de celles-ci par l’entité adjudicatrice, et nécessitent que cette entité dispose des éléments de preuve lui permettant d’apprécier si et dans quelle mesure les offres soumises satisfont aux exigences figurant dans les spécifications techniques, sous peine d’un risque de violation du principe de l’égalité de
traitement et d’une irrégularité dans le déroulement de la procédure d’adjudication.
33 En ce qui concerne les moyens par lesquels les soumissionnaires peuvent prouver l’équivalence des solutions qu’ils proposent, les dispositions des paragraphes 4 et 5 de l’article 34 de la directive 2004/17 sont également applicables dans les procédures où le mode particulier de formulation des spécifications techniques, prévu au paragraphe 8 dudit article, a été adopté, ce qui signifie que l’utilisation de tout moyen approprié est autorisée.
34 Il en ressort que, si l’entité adjudicatrice ne saurait autoriser les soumissionnaires à prouver l’équivalence des solutions qu’ils proposent après le dépôt de leurs offres, cette entité dispose d’un pouvoir d’appréciation dans la détermination des moyens pouvant être utilisés par les soumissionnaires pour prouver cette équivalence dans leurs offres. Ce pouvoir doit, toutefois, être exercé de telle sorte que les moyens de preuve admis par l’entité adjudicatrice permettent effectivement à ladite
entité de procéder à une évaluation utile des offres qui lui ont été soumises et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour ce faire, en évitant que ces moyens de preuve ne créent des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence, en violation de l’article 34, paragraphe 2, de la directive 2004/17.
35 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 34, paragraphe 8, de la directive 2004/17 doit être interprété en ce sens que, lorsque les spécifications techniques qui figurent dans les documents du marché font référence à une marque, à une origine ou à une production déterminée, l’entité adjudicatrice doit exiger que le soumissionnaire apporte, déjà dans son offre, la preuve de l’équivalence des produits qu’il propose par rapport à ceux
définis dans lesdites spécifications techniques.
Sur la seconde question
36 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.
Sur les dépens
37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 34, paragraphe 8, de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, doit être interprété en ce sens que, lorsque les spécifications techniques qui figurent dans les documents du marché font référence à une marque, à une origine ou à une production déterminée, l’entité adjudicatrice doit exiger que le soumissionnaire
apporte, déjà dans son offre, la preuve de l’équivalence des produits qu’il propose par rapport à ceux définis dans lesdites spécifications techniques.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.