ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
7 mai 2019 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Directive 98/5/CE – Accès à la profession d’avocat – Moine ayant acquis la qualification professionnelle d’avocat dans un État membre autre que l’État membre d’accueil – Article 3, paragraphe 2 – Condition d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil – Attestation d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine – Refus d’inscription – Règles professionnelles et déontologiques – Incompatibilité de la qualité de moine avec
l’exercice de la profession d’avocat »
Dans l’affaire C‑431/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), par décision du 29 juin 2017, parvenue à la Cour le 17 juillet 2017, dans la procédure
Monachos Eirinaios, kata kosmon Antonios Giakoumakis tou Emmanouil
contre
Dikigorikos Syllogos Athinon,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice–présidente, MM. J.–C. Bonichot, A. Arabadjiev, T. von Danwitz, Mme C. Toader, M. F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. J. Malenovský, E. Levits, L. Bay Larsen (rapporteur), M. Safjan, C. Vajda et S. Rodin, juges,
avocat général : Mme E. Sharpston,
greffier : Mme L. Hewlett, administratrice principale,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 septembre 2018,
considérant les observations présentées :
– pour le Monachos Eirinaios, kata kosmon Antonios Giakoumakis tou Emmanouil, par Me A. Charokopou, dikigoros,
– pour le Dikigorikos Syllogos Athinon, par Mes D. Vervesos et P. Nikolopoulos, dikigoroi,
– pour le gouvernement hellénique, par Mme M. Tassopoulou, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. L. Noort, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme H. Tserepa-Lacombe ainsi que par M. H. Støvlbæk, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 19 décembre 2018,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO 1998, L 77, p. 36).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Monachos Eirinaios, kata kosmon Antonios Giakoumakis tou Emmanouil (le moine Irénée, né Antonios Giakoumakis, fils d’Emmanouil, ci-après le « moine Irénée ») au Dikigorikos Syllogos Athinon (association du barreau d’Athènes, Grèce, ci-après le « DSA ») au sujet du refus de cette autorité de faire droit à sa demande d’inscription au registre spécial du barreau d’Athènes en tant qu’avocat exerçant sous son titre professionnel
d’origine.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 2, 6 et 8 de la directive 98/5 sont libellés comme suit :
« (2) considérant [...] que [la] directive [89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16)] a pour objectif l’intégration de l’avocat dans la profession de l’État membre d’accueil et ne vise ni à modifier les règles professionnelles applicables dans celui-ci ni à soustraire cet avocat à l’application de ces
règles ;
[...]
(6) considérant qu’une action se justifie également au niveau communautaire en raison du fait que seuls quelques États membres permettent déjà, sur leur territoire, l’exercice d’activités d’avocat, autrement que sous forme de prestations de services, par des avocats venant d’autres États membres et exerçant sous leur titre professionnel d’origine ; que, toutefois, dans les États membres où cette possibilité existe, elle revêt des modalités très différentes, en ce qui concerne, par exemple, le
champ d’activité et l’obligation d’inscription auprès des autorités compétentes ; qu’une telle diversité de situations se traduit par des inégalités et des distorsions de concurrence entre les avocats des États membres et constitue un obstacle à la libre circulation ; que, seule une directive fixant les conditions d’exercice de la profession, autrement que sous forme de prestations de services, par des avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine est à même de résoudre ces
problèmes et d’offrir dans tous les États membres les mêmes possibilités aux avocats et aux usagers du droit ;
[...]
(8) considérant qu’il convient de soumettre les avocats visés par la présente directive à l’obligation de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil afin que celle–ci puisse s’assurer qu’ils respectent les règles professionnelles et déontologiques de l’État membre d’accueil ; [...] »
4 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose :
« 1. La présente directive a pour objet de faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat à titre indépendant ou salarié dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle.
2. Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
b) “État membre d’origine” : l’État membre dans lequel l’avocat a acquis le droit de porter l’un des titres professionnels visés au point a), avant d’exercer la profession d’avocat dans un autre État membre.
c) “État membre d’accueil” : l’État membre dans lequel l’avocat exerce conformément aux dispositions de la présente directive.
d) “Titre professionnel d’origine” : le titre professionnel de l’État membre dans lequel l’avocat a acquis le droit de porter ce titre avant d’exercer la profession d’avocat dans l’État membre d’accueil.
[...] »
5 Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de ladite directive :
« Tout avocat a le droit d’exercer à titre permanent, dans tout autre État membre, sous son titre professionnel d’origine, les activités d’avocat telles que précisées à l’article 5. »
6 L’article 3 de la même directive, intitulé « Inscription auprès de l’autorité compétente », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. L’avocat voulant exercer dans un État membre autre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle est tenu de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de cet État membre.
2. L’autorité compétente de l’État membre d’accueil procède à l’inscription de l’avocat au vu de l’attestation de son inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine. [...] »
7 L’article 6 de la directive 98/5, intitulé « Règles professionnelles et déontologiques applicables », dispose, à son paragraphe 1 :
« Indépendamment des règles professionnelles et déontologiques auxquelles il est soumis dans son État membre d’origine, l’avocat exerçant sous son titre professionnel d’origine est soumis aux mêmes règles professionnelles et déontologiques que les avocats exerçant sous le titre professionnel approprié de l’État membre d’accueil pour toutes les activités qu’il exerce sur le territoire de celui–ci. »
Le droit grec
8 La République hellénique a transposé la directive 98/5 dans son droit interne par le Proedriko Diatagma 152/2000, Diefkolynsi tis monimis askisis tou dikigorikou epangelmatos stin Ellada apo dikigorous pou apektisan ton epangelmatiko tous titlo se allo kratos-melos tis EE (décret présidentiel 152/2000 facilitant l’exercice permanent de la profession d’avocat en Grèce par des avocats ayant acquis leur titre professionnel dans un autre État membre de l’Union européenne), du 23 mai 2000 (FEK A’ 130).
9 L’article 5 de ce décret présidentiel prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. En vue d’exercer la profession en Grèce, l’avocat doit s’inscrire au registre du barreau dans le ressort géographique duquel il entend exercer ; il doit conserver un cabinet dans ce même ressort.
2. Le conseil d’administration dudit barreau se prononce sur cette inscription, après que l’intéressé a déposé les justificatifs suivants :
[...]
c) un certificat émis par l’autorité compétente de l’État membre d’origine ayant délivré le titre professionnel ou par toute autre autorité compétente de l’État d’origine, attestant de l’inscription de l’intéressé. [...] »
10 L’article 6 du Kodikas dikigoron (code des avocats ; loi 4194/2013, FEK A’ 208), intitulé « Conditions à remplir pour devenir avocat – Empêchements », dispose, à son paragraphe 6 :
« L’avocat [...] ne peut pas avoir la qualité [...] de moine. »
11 Il ressort de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et c), du code des avocats que perd de plein droit la qualité d’avocat et est radié du registre du barreau dont il est membre celui qui est ecclésiastique ou moine ou est nommé à un poste rémunéré ou détient un tel poste en vertu d’un contrat impliquant une relation en tant que salarié ou agent public auprès de toute personne morale de droit privé ou de droit public.
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Le moine Irénée, requérant au principal, est un moine du monastère de Petra, situé à Karditsa (Grèce).
13 Par demande du 12 juin 2015, le moine Irénée a sollicité auprès du DSA son inscription au registre spécial du barreau d’Athènes (Grèce) en tant qu’avocat ayant acquis cette qualité professionnelle dans un autre État membre, à savoir à Chypre.
14 Le 18 juin 2015, le DSA a rejeté cette demande sur la base des dispositions nationales relatives à l’incompatibilité entre l’exercice de la profession d’avocat et la qualité de moine, en estimant que ces dispositions s’appliquent également aux avocats souhaitant exercer en Grèce sous leur titre professionnel d’origine.
15 Le 29 septembre 2015, le moine Irénée a contesté cette décision devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce).
16 À l’appui de son recours, il allègue notamment la non-conformité de la législation nationale aux dispositions de la directive 98/5, au motif que cette législation imposerait une condition non prévue par cette directive. Or, ladite directive opèrerait une harmonisation complète des règles relatives aux conditions d’inscription, auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, des avocats ayant acquis leur qualification professionnelle dans un autre État membre.
17 Le DSA soutient, en substance, que la législation nationale selon laquelle les moines ne peuvent pas être avocats est justifiée par des règles et des principes fondamentaux régissant l’exercice de la profession d’avocat dans l’État membre d’accueil.
18 À cet égard, cette autorité considère que la qualité de moine ne permet pas à celui-ci de présenter, conformément à ces règles et à ces principes, des garanties telles que, notamment, l’indépendance par rapport aux autorités ecclésiastiques dont il relève, la possibilité de se consacrer entièrement à l’exercice de la profession d’avocat, l’aptitude à gérer des affaires dans un contexte conflictuel, la fixation de son établissement réel dans le ressort du tribunal de grande instance concerné et le
respect de l’interdiction de fournir des services à titre gratuit.
19 Le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) s’interroge sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 98/5. Au regard des exigences découlant des règles professionnelles et déontologiques nationales auxquelles sont soumis les avocats dans l’État membre d’accueil, lesquelles ne permettent pas à un moine d’exercer la profession d’avocat, la juridiction de renvoi se demande si l’autorité nationale compétente de cet État membre est, malgré tout, tenue d’inscrire un moine en vue de l’exercice
par celui-ci de la profession d’avocat sous le titre professionnel obtenu dans l’État membre d’origine.
20 Selon ladite juridiction, cette question se pose à plus forte raison, dès lors que l’autorité compétente de l’État membre d’accueil devrait automatiquement constater la violation par l’intéressé desdites règles professionnelles et déontologiques, en vertu de la disposition nationale qui établit que la qualité de moine ne permet pas de répondre aux exigences et aux garanties requises pour l’exercice en Grèce de la profession d’avocat.
21 Dans ces conditions, le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Convient-il d’interpréter l’article 3 de la directive [98/5] en ce sens que l’inscription d’un moine de l’Église de Grèce en tant qu’avocat dans les registres de l’autorité compétente d’un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, afin qu’il y exerce la profession d’avocat sous son titre professionnel d’origine, peut être interdite par le législateur national, au motif que, en vertu du droit national, les moines de l’Église de Grèce ne peuvent pas être inscrits dans les
registres des barreaux car, du fait de leur statut, ils ne présentent pas certaines garanties nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat ? »
Sur la question préjudicielle
22 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/5 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale interdisant à un avocat ayant la qualité de moine, inscrit en tant qu’avocat auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine, de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil afin d’y exercer sa profession sous son titre professionnel d’origine, en raison de
l’incompatibilité entre la qualité de moine et l’exercice de la profession d’avocat que cette législation prévoit.
23 Il convient de rappeler d’emblée que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 98/5, celle-ci vise à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle.
24 À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que ladite directive institue un mécanisme de reconnaissance mutuelle des titres professionnels des avocats migrants souhaitant exercer sous le titre obtenu dans l’État membre d’origine (arrêt du 17 juillet 2014, Torresi, C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 36 ainsi que jurisprudence citée).
25 En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 6 de la directive 98/5, par cette dernière, le législateur de l’Union a entendu notamment mettre fin à la disparité des règles nationales concernant les conditions d’inscription auprès des autorités compétentes, qui étaient à l’origine d’inégalités et d’obstacles à la libre circulation (arrêt du 17 juillet 2014, Torresi, C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 37 ainsi que jurisprudence citée).
26 Dans ce contexte, l’article 3 de la directive 98/5 procède à une harmonisation complète des conditions préalables requises pour l’usage du droit d’établissement conféré par cette directive, en prévoyant que l’avocat désireux d’exercer dans un État membre autre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle est tenu de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de cet État membre, laquelle doit procéder à cette inscription « au vu de l’attestation de son inscription auprès de l’autorité
compétente de l’État membre d’origine » (arrêt du 17 juillet 2014, Torresi, C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 38 ainsi que jurisprudence citée).
27 À cet égard, la Cour a déjà jugé que la présentation à l’autorité compétente de l’État membre d’accueil d’une attestation d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine apparaît comme l’unique condition à laquelle doit être subordonnée l’inscription de l’intéressé dans l’État membre d’accueil lui permettant d’exercer dans ce dernier État membre sous son titre professionnel d’origine (arrêt du 17 juillet 2014, Torresi, C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:2088, point 39 ainsi
que jurisprudence citée).
28 Dès lors, il y a lieu de considérer que les avocats qui ont acquis le droit de porter ce titre professionnel dans un État membre, tels que le requérant au principal, et qui présentent à l’autorité compétente de l’État membre d’accueil l’attestation de leur inscription auprès de l’autorité compétente de ce premier État membre, doivent être considérés comme remplissant toutes les conditions nécessaires à leur inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, sous leur titre
professionnel obtenu dans l’État membre d’origine.
29 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 98/5 soumet l’avocat exerçant dans l’État membre d’accueil sous son titre professionnel d’origine, indépendamment des règles professionnelles et déontologiques auxquelles il est soumis dans son État membre d’origine, aux mêmes règles professionnelles et déontologiques que celles auxquelles sont soumis les avocats exerçant sous le titre professionnel approprié de l’État membre d’accueil pour
toutes les activités exercées sur le territoire de celui-ci.
30 En effet, il convient de distinguer, d’une part, l’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil d’un avocat souhaitant exercer dans cet État membre, sous son titre professionnel d’origine, laquelle n’est soumise, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, qu’à la seule condition visée aux points 26 à 28 du présent arrêt, et, d’autre part, l’exercice lui-même de la profession d’avocat dans ledit État membre, lors duquel cet avocat est soumis, en vertu
de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, aux règles professionnelles et déontologiques applicables dans le même État membre.
31 À cet égard, il convient de rappeler que ces règles, contrairement à celles portant sur les conditions préalables requises pour cette inscription, n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation et peuvent donc considérablement diverger de celles en vigueur dans l’État membre d’origine. Au demeurant, ainsi que le confirme l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, le non-respect desdites règles est susceptible de conduire à l’application des sanctions prévues dans le droit de l’État membre
d’accueil. Ces sanctions peuvent, le cas échéant, inclure la radiation du barreau concerné de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2010, Jakubowska, C‑225/09, EU:C:2010:729, point 57).
32 En l’occurrence, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que, selon l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, l’exercice de la profession d’avocat par un moine ne répondrait pas aux garanties, telles que celles visées au point 18 du présent arrêt, qui, en vertu du droit de cet État membre, sont requises pour cet exercice.
33 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il est loisible au législateur national de prévoir de telles garanties dès lors que les règles fixées à cette fin ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs recherchés. En particulier, l’absence de conflit d’intérêts est indispensable à l’exercice de la profession d’avocat et implique, notamment, que les avocats se trouvent dans une situation d’indépendance vis-à-vis des autorités dont il convient qu’ils ne subissent aucune
influence.
34 Cette faculté offerte au législateur national ne saurait pour autant lui permettre d’ajouter aux conditions préalables requises pour l’inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, lesquelles, ainsi qu’il a été rappelé au point 26 du présent arrêt, ont fait l’objet d’une harmonisation complète, des conditions supplémentaires relatives au respect d’exigences professionnelles et déontologiques. Or, refuser à un avocat souhaitant exercer dans l’État membre d’accueil sous
son titre professionnel d’origine son inscription auprès des autorités compétentes de cet État membre, au seul motif qu’il a la qualité de moine, reviendrait à ajouter une condition d’inscription à celles figurant à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/5, alors qu’un tel ajout n’est pas autorisé par cette disposition.
35 Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 33 du présent arrêt, les règles professionnelles et déontologiques applicables dans l’État membre d’accueil doivent, pour être conformes au droit de l’Union, notamment respecter le principe de proportionnalité, ce qui implique qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires en ce qui concerne la règle d’incompatibilité
en cause au principal.
36 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/5 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale interdisant à un avocat ayant la qualité de moine, inscrit en tant qu’avocat auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine, de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil afin d’y exercer sa profession sous son titre professionnel
d’origine, en raison de l’incompatibilité entre la qualité de moine et l’exercice de la profession d’avocat que cette législation prévoit.
Sur les dépens
37 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
L’article 3, paragraphe 2, de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale interdisant à un avocat ayant la qualité de moine, inscrit en tant qu’avocat auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine, de s’inscrire auprès de l’autorité compétente
de l’État membre d’accueil afin d’y exercer sa profession sous son titre professionnel d’origine, en raison de l’incompatibilité entre la qualité de moine et l’exercice de la profession d’avocat que cette législation prévoit.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le grec.