ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
29 juillet 2019 (*)
« Pourvoi – Règlement (CE) no 141/2000 – Médicaments orphelins – Article 5 – Demande de désignation d’un médicament comme “médicament orphelin” – Validation – Existence d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) antérieure pour le même médicament »
Dans l’affaire C‑359/18 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1^er juin 2018,
Agence européenne des médicaments (EMA), représentée initialement par MM. S. Marino, S. Drosos, T. Jabłoński et A. Spina, en qualité d’agents, puis par MM. S. Marino, S. Drosos et T. Jabłoński, en qualité d’agents,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Shire Pharmaceuticals Ireland Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par M. G. Castle, solicitor, M. D. Anderson, QC, et M. M. Birdling, barrister, ainsi que par M^me S. Cowlishaw, solicitor,
partie demanderesse en première instance,
Commission européenne, représentée par M^me K. Petersen et M. A. Sipos, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. F. Biltgen, président de chambre, MM. J. Malenovský et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,
avocat général : M^me E. Sharpston,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, l’Agence européenne des médicaments (EMA) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2018, Shire Pharmaceuticals Ireland/EMA (T‑80/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:165), par lequel celui-ci a annulé la décision de l’EMA, du 15 décembre 2015, portant refus de valider la demande soumise par Shire Pharmaceuticals Ireland Ltd (ci-après « Shire ») afin d’obtenir la désignation de l’Idursulfase-IT comme médicament orphelin
(ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
Le règlement n^o 141/2000
2 Le règlement (CE) n^o 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n^o 596/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009 (JO 2009, L 188, p. 14) (ci-après le « règlement n^o 141/2000 »), prévoit des procédures concernant la désignation de médicaments en tant que médicaments orphelins et l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces médicaments.
3 Le considérant 4 de ce règlement dispose :
« [I]l importe que les médicaments orphelins pouvant bénéficier de mesures d’incitation puissent être aisément et clairement identifiés ; il apparaît totalement justifié d’élaborer à cette fin une procédure communautaire ouverte et transparente afin de désigner certains médicaments potentiels comme médicaments orphelins ».
4 L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement est libellé comme suit :
« Un médicament obtient la désignation de médicament orphelin si son promoteur peut établir :
a) qu’il est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement d’une affection entraînant une menace pour la vie ou une invalidité chronique ne touchant pas plus de cinq personnes sur dix mille dans [l’Union européenne], au moment où la demande est introduite, ou
qu’il est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement, dans [l’Union], d’une maladie mettant la vie en danger, d’une maladie très invalidante ou d’une affection grave et chronique, et qu’il est peu probable que, en l’absence de mesures d’incitation, la commercialisation de ce médicament dans [l’Union] génère des bénéfices suffisants pour justifier l’investissement nécessaire
et
b) qu’il n’existe pas de méthode satisfaisante de diagnostic, de prévention ou de traitement de cette affection ayant été autorisée dans [l’Union], ou, s’il en existe, que le médicament en question procurera un bénéfice notable à ceux atteints de cette affection. »
5 Aux termes de l’article 5 du règlement n^o 141/2000 :
« 1. Afin d’obtenir la désignation d’un médicament comme médicament orphelin, le promoteur soumet une demande à l’[EMA], à tout stade du développement du médicament avant le dépôt de la demande d’[AMM].
2. La demande est accompagnée des renseignements et documents suivants :
a) nom ou dénomination sociale et adresse permanente du promoteur ;
b) principes actifs du médicament ;
c) indication thérapeutique proposée ;
d) justification que les critères figurant à l’article 3, paragraphe 1, sont remplis ainsi que description de l’état du développement, y compris les indications envisagées.
3. La Commission établit, en concertation avec les États membres, l’[EMA] et les milieux intéressés, des lignes directrices détaillées concernant la forme sous laquelle les demandes de désignation doivent être présentées, ainsi que le contenu de ces demandes.
4. L’[EMA] vérifie la validité de la demande et prépare un rapport succinct à l’intention du comité. Elle peut, si nécessaire, demander au promoteur de compléter les renseignements et les documents fournis à l’appui de la demande.
5. L’[EMA] veille à ce que le comité émette un avis dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception d’une demande valide.
6. Pour la formulation de cet avis, le comité s’efforce de parvenir à un consensus. Si un consensus ne peut être obtenu, l’avis est adopté à la majorité des deux-tiers des membres du comité. L’avis peut être rendu au moyen d’une procédure écrite.
7. S’il ressort de l’avis du comité que la demande ne satisfait pas aux critères définis à l’article 3, paragraphe 1, l’[EMA] en informe immédiatement le promoteur. Dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de l’avis, le promoteur peut présenter une argumentation détaillée, susceptible de fonder un recours, que l’[EMA] transmet au comité. Le comité statue sur la nécessité de réviser son avis lors de la réunion suivante.
[...] »
6 L’article 8 de ce règlement prévoit les conditions dans lesquelles une AMM peut être accordée à un médicament similaire à un médicament orphelin et indique que la Commission arrête, par la voie d’un règlement d’application, la définition de l’expression « médicament similaire ».
Le règlement (CE) n^o 847/2000
7 L’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n^o 847/2000 de la Commission, du 27 avril 2000, établissant les dispositions d’application des critères de désignation d’un médicament en tant que médicament orphelin et définissant les concepts de « médicament similaire » et de « supériorité clinique » (JO 2000, L 103, p. 5), dispose :
« Aux fins de l’application de l’article 3 du règlement (CE) n^o 141/2000 concernant les médicaments orphelins, on entend par :
– “bénéfice notable”, un avantage important sur le plan clinique ou une contribution majeure aux soins prodigués au patient. »
La directive 2001/83
8 L’article 1^er, points 2 et 3 bis, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011 (JO 2011, L 174, p. 74) (ci-après la « directive 2001/83 »), définit les notions de médicament et de substance active dans les termes suivants :
« 2) médicament :
a) toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ; ou
b) toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical ;
[...]
3 bis) substance active :
toute substance ou tout mélange de substances destiné à être utilisé pour la fabrication d’un médicament et qui, lorsqu’utilisé pour sa production, devient un composant actif dudit médicament exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques, ou d’établir un diagnostic médical ».
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
9 Il ressort du point 9 de l’arrêt attaqué que l’EMA a adopté la décision litigieuse au motif principal que la demande de Shire tendant à la désignation de l’Idursulfase-IT, dont la substance active est l’idursulfase, en tant que médicament orphelin destiné au traitement de la maladie de Hunter, n’était pas conforme à l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000.
10 L’EMA a indiqué que la substance active idursulfase avait reçu la désignation de médicament orphelin pour le traitement de la maladie de Hunter au cours de l’année 2001 et une AMM en tant que médicament orphelin pour l’Elaprase, contenant cette même substance active, avait été délivrée au mois de janvier 2007 pour le traitement de patients souffrant de la maladie de Hunter.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
11 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2016, Shire a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
12 À l’appui de son recours, Shire a invoqué un moyen unique, tiré d’une violation du règlement n^o 141/2000.
13 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli ce moyen et annulé la décision litigieuse.
Les conclusions des parties devant la Cour
14 L’EMA demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de rejeter le recours en annulation comme étant non fondé, et
– de condamner Shire aux dépens de l’instance, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.
15 Shire demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner l’EMA aux dépens.
16 La Commission européenne conclut à l’annulation de l’arrêt attaqué, au rejet du recours en annulation et à la condamnation de Shire aux dépens.
Le pourvoi
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5 du règlement n^o 141/2000
Argumentation des parties
17 Par la première branche de son premier moyen, l’EMA soutient que le Tribunal, au point 51 de l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit en interprétant séparément plutôt que conjointement les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du règlement n^o 141/2000. Cette erreur de droit reviendrait à priver cette disposition de tout effet utile.
18 L’EMA estime que l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000 lui impose de contrôler si la demande de désignation comme médicament orphelin est déjà couverte par une demande antérieure d’AMM. L’article 5, paragraphe 2, de ce règlement dresserait une liste de documents à fournir à cet effet. Cette disposition viserait à permettre au secrétariat de l’EMA de vérifier que la demande de désignation contient les informations suffisantes pour son évaluation scientifique par le comité des
médicaments orphelins (ci-après le « COMP ») sur la base de critères simples à mettre en œuvre.
19 Cette interprétation serait confortée par le considérant 4 du règlement n^o 141/2000 selon lequel « il importe que les médicaments orphelins pouvant bénéficier de mesures d’incitation puissent être aisément et clairement identifiés ». L’expression « pouvant bénéficier » viserait à déterminer si un médicament peut être désigné comme étant orphelin. Or, cette désignation serait réservée aux médicaments qui n’ont pas fait l’objet d’une demande antérieure d’AMM. Il serait impératif que le
secrétariat de l’EMA dispose de critères simples, univoques et exhaustifs. Ces critères seraient ceux figurant à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n^o 141/2000.
20 L’interprétation retenue par le Tribunal serait problématique au regard de ces éléments. Pour contourner l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000, il suffirait à une entreprise d’invoquer des différences anodines entre le produit visé par sa demande de désignation et un médicament pour lequel une demande d’AMM a déjà été déposée.
21 L’EMA reproche au Tribunal de sembler accepter, aux points 62 et 64 de l’arrêt attaqué, que les excipients et la voie d’administration soient pris en considération lors de l’examen du risque de chevauchement au titre de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000. Ainsi, selon l’EMA, l’interprétation du Tribunal conduirait à ce que de telles différences permettent de valider une demande de désignation comme médicament orphelin. Le secrétariat de l’EMA ne saurait être tenu de
contrôler si les médicaments doivent être considérés comme étant identiques sur le fondement de critères qui ne figurent pas dans la législation de l’Union.
22 Par la seconde branche de son premier moyen, l’EMA soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 58 et 64 de l’arrêt attaqué, en prenant la notion de « médicament », définie à l’article 1^er, point 2, de la directive 2001/83, comme critère pertinent afin de déterminer s’il existe un chevauchement entre une demande de désignation comme médicament orphelin et une demande antérieure d’AMM. Une telle interprétation serait contraire à l’article 5, paragraphes 1 et 2, du
règlement n^o 141/2000 dont la lecture combinée démontre que les critères pertinents pour apprécier si une demande de désignation empiète sur une demande antérieure d’AMM sont le nom du promoteur, le principe actif et l’indication thérapeutique proposée.
23 En effet, la notion de « médicament », définie à l’article 1^er, point 2, de la directive 2001/83, servirait à déterminer quels produits relèvent du champ d’application de cette directive. Or, la procédure de validation visée à l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000 poursuivrait une autre finalité, consistant à déterminer s’il existe un chevauchement entre une demande de désignation d’un médicament orphelin et une demande antérieure d’AMM. Il y aurait donc lieu non pas de se
référer à la définition de la notion de « médicament », issue de la directive 2001/83, mais de rechercher la notion d’« identité » en se référant aux instruments juridiques dans lesquels cette notion est pertinente.
24 Selon l’EMA, il importe de ne pas confondre les notions de médicaments « identiques » et « similaires ». En effet, alors que la première est utilisée dans le cadre de la procédure de validation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000, et doit répondre aux critères de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, la seconde serait, elle, utilisée aux fins de l’article 8 dudit règlement et aurait été définie par le règlement n^o 847/2000.
25 Shire réfute cette argumentation.
26 La Commission soutient que le premier moyen est fondé.
Appréciation de la Cour
27 Afin de statuer sur le premier moyen, pris en ses deux branches, il convient de rappeler que, lorsqu’une demande de désignation d’un médicament comme médicament orphelin lui est soumise, l’EMA est tenue d’en vérifier la validité, en vertu de l’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 141/2000. Cette vérification porte sur le respect des conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 de l’article 5 de ce règlement.
28 Selon l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000, la demande de désignation d’un médicament comme médicament orphelin doit être soumise à l’EMA « avant le dépôt de la demande d’AMM » de ce même médicament. Il est donc exclu qu’un médicament pour lequel une demande d’AMM a déjà été déposée puisse faire l’objet d’une demande de désignation comme médicament orphelin.
29 L’article 5, paragraphe 2, du règlement n^o 141/2000 exige de fournir, à l’appui de la demande de désignation, deux catégories de renseignements. La première vise, aux points a) à c) de cette disposition, le nom du promoteur, du principe actif du médicament et de l’indication thérapeutique proposée. Elle permet ainsi d’identifier les caractéristiques essentielles du médicament en question, afin, notamment, de permettre à l’EMA de s’assurer que ce médicament n’a pas déjà fait l’objet d’une
demande d’AMM.
30 La seconde catégorie de renseignements visée à l’article 5, paragraphe 2, sous d), du règlement n^o 141/2000 a pour objet d’établir que les critères de désignation figurant à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement sont remplis. À ce titre, cette disposition requiert que le médicament pour lequel la désignation est demandée soit destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement d’une affection considérée comme étant orpheline et pour laquelle il n’existe pas de méthode satisfaisante
déjà autorisée dans l’Union ou, s’il en existe, que le médicament en question procurera un bénéfice notable à ceux atteints par cette affection.
31 Il ressort ainsi d’une lecture combinée de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n^o 141/2000 que, si, pour une indication thérapeutique donnée, il existe déjà un premier médicament disposant d’une AMM, le promoteur cherchant à obtenir la désignation comme orphelin d’un second médicament pour cette même indication thérapeutique doit établir que ce dernier procurera un bénéfice notable aux patients par rapport au premier médicament. En outre, compte tenu de
l’article 5, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000, il incombe également au promoteur placé dans une telle situation de démontrer que le second médicament n’est pas identique au premier. En effet, s’il s’agit du même médicament, la règle issue de l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement aurait alors pour conséquence d’invalider la demande de désignation de ce médicament comme orphelin en raison du fait que celui-ci dispose déjà d’une AMM.
32 Par son premier moyen, l’EMA fait valoir qu’il découle d’une lecture combinée des paragraphes 1, 2 et 4 de l’article 5 du règlement n^o 141/2000 que, au stade de l’examen de la validité d’une demande de désignation, ces dispositions lui imposent de vérifier si le médicament en question est identique à un médicament déjà autorisé en prenant en considération les principes actifs et les indications thérapeutiques de ces médicaments, à l’exclusion de tout autre élément. L’EMA soutient, en effet,
que ces critères sont les seuls énoncés à l’article 5, paragraphe 2, sous b) et c), dudit règlement et que, en raison de leur simplicité, ils sont les seuls à pouvoir être pris en considération à ce stade de la procédure de désignation.
33 Toutefois, il importe de relever que la vérification des critères de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n^o 141/2000 ne relève pas du contrôle par l’EMA de la validité de la demande de désignation. Cette vérification incombe au COMP, conformément à l’article 4 et aux paragraphes 5 à 7 de l’article 5 de ce règlement.
34 La raison d’être de cette répartition des compétences tient au caractère technique et scientifique des critères énoncés à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement. Ces critères impliquent, en effet, des analyses complexes et délicates, notamment lorsqu’il s’agit d’apprécier si le médicament en question procure un bénéfice notable aux patients par rapport à un médicament déjà autorisé.
35 Pour les mêmes raisons, compte tenu du lien établi entre l’article 3, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 2, du règlement n^o 141/2000, cette compétence exclusive du COMP s’étend à la vérification de l’identité du médicament qui fait l’objet de la demande de désignation avec un médicament déjà autorisé, dans une situation telle que celle en l’espèce.
36 Certes, l’article 5, paragraphe 2, du règlement n^o 141/2000 ne mentionne que les principes actifs et les indications thérapeutiques parmi les éléments à fournir à l’appui d’une demande de désignation. Toutefois, cela ne saurait conduire à considérer que, dans les situations décrites au point 31 du présent arrêt, le fait que les médicaments en question aient la même substance active suffit à considérer que ces médicaments sont identiques et, par voie de conséquence, à rejeter la demande de
désignation.
37 En effet, ainsi que l’a jugé le Tribunal, au point 58 de l’arrêt attaqué, les termes « médicament » et « substance active » couvrent deux notions distinctes, définies à l’article 1^er de la directive 2001/83. La substance active étant un composant d’un médicament, elle ne saurait être confondue avec le médicament lui-même. Il est donc nécessaire d’examiner, outre la substance active, tous les autres facteurs pertinents afin de déterminer si, le cas échéant, ces médicaments sont identiques.
38 Cette répartition des compétences entre l’EMA et le COMP ne préjuge en rien de l’issue de la procédure de désignation. Elle n’est donc pas susceptible de porter atteinte à l’effet utile de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement.
39 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 51 de l’arrêt attaqué, ce qui suit :
« L’EMA est appelée à vérifier, à ce stade de la procédure, la validité de cette demande, conformément à l’article 5, paragraphe 4, du règlement n^o 141/2000. Ainsi, elle doit contrôler, d’une part, si la demande a été présentée à tout stade du développement du médicament avant le dépôt de la demande d’AMM, comme l’exige l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement et, d’autre part, si la demande est accompagnée des renseignements et des documents énumérés à l’article 5, paragraphe 2, du même
règlement. À l’issue de cette vérification, l’EMA peut, si nécessaire, demander au promoteur de compléter les renseignements et les documents fournis à l’appui de la demande. Si celle-ci est conforme aux exigences prévues à l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement n^o 141/2000, l’EMA est tenue de la valider et de la transmettre, ensuite, au comité des médicaments orphelins. »
40 S’agissant des critiques formulées dans le cadre du premier moyen contre les points 62 et 64 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater que, au point 62 de cet arrêt, le Tribunal a relevé, à partir du dossier dont il disposait, que « l’Idursulfase-IT se distinguerait de l’Elaprase par sa composition, sa voie d’administration et ses effets thérapeutiques ». Le Tribunal, après avoir examiné tour à tour chacun de ces éléments aux points 62 à 63 de l’arrêt attaqué, a réitéré, au point 64 de
cet arrêt, qu’« il n’apparaît pas, au stade de la validation de la demande [...], que l’Idursulfase-IT soit le même médicament que l’Elaprase ». Ces appréciations d’ordre factuel ne relèvent pas du contrôle de la Cour dans le cadre de la procédure de pourvoi. L’argumentation de l’EMA dirigée contre les points 62 et 64 de l’arrêt attaqué est donc irrecevable.
41 Il découle de l’ensemble de ces éléments que le premier moyen doit être rejeté comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive 2001/83
Argumentation des parties
42 Par son second moyen, invoqué à titre subsidiaire, l’EMA conteste les points 60 et 62 de l’arrêt attaqué. Elle soutient que le Tribunal s’est appuyé sur une interprétation erronée de la notion de « médicament », définie à l’article 1^er, point 2, de la directive 2001/83. Le Tribunal aurait en effet considéré que l’Elaprase et l’Idursulfase-IT sont des médicaments différents dans la mesure où ils n’ont pas les mêmes excipients ni les mêmes voies d’administration. Or, la définition de la
notion de médicament donnée par cette disposition ne viserait ni les excipients ni les voies d’administration, mais serait axée sur la notion de substance active. Dès lors, le Tribunal ne pouvait se référer à ces éléments pour conclure à l’existence de différences entre deux produits.
43 Shire réfute ce second moyen.
44 La Commission soutient que ce second moyen est fondé.
Appréciation de la Cour
45 Au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’« un médicament contient également, outre une ou plusieurs substances actives, des excipients, ceux-ci étant définis à l’article 1^er, point 3 ter, de la directive 2001/83, comme « tout composant d’un médicament, autre qu’une substance active et les matériaux d’emballage. »
46 Par son second moyen, l’EMA n’avance aucun argument visant spécifiquement à démontrer que le point 60 de l’arrêt attaqué est affecté d’une erreur de droit. Les énonciations du pourvoi se confondent avec celles du premier moyen, lequel a été rejeté comme étant non fondé. Elles doivent donc, pour les mêmes motifs, être rejetées comme étant non fondées.
47 Compte tenu de la nature factuelle des appréciations portées par le Tribunal, au point 62 de l’arrêt attaqué, l’argumentation dirigée contre ce point est irrecevable, ainsi qu’il a été précédemment jugé au point 40 du présent arrêt.
48 Il s’ensuit que le second moyen est, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé et qu’il doit, par voie de conséquence, être rejeté.
49 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
50 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
51 L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
52 Shire ayant conclu à la condamnation de l’EMA aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.
53 La Commission, partie intervenante en première instance, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) L’Agence européenne des médicaments (EMA) est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Shire Pharmaceuticals Ireland Ltd.
3) La Commission européenne supporte ses propres dépens.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Langue de procédure : l’anglais.