ORDONNANCE DE LA COUR (deuxième chambre)
24 septembre 2019 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Article 7, paragraphe 4 – Renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales – Droit de garder le silence et droit de ne pas s’incriminer soi-même – Accord conclu entre le procureur et l’auteur d’une infraction – Approbation d’un tel accord par le juge – Condition – Consentement des autres
personnes poursuivies – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Inapplicabilité »
Dans l’affaire C‑467/19 PPU,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), par décision du 19 juin 2019, parvenue à la Cour le 19 juin 2019, dans la procédure pénale contre
QR,
en présence de :
Spetsializirana prokuratura,
YM,
ZK,
HD,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. T. von Danwitz, C. Vajda (rapporteur), P. G. Xuereb et A. Kumin, juges,
avocat général : M. G. Hogan,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la demande de la juridiction de renvoi du 19 juin 2019, parvenue à la Cour le 19 juin 2019, de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence, conformément à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour,
vu la décision du 10 juillet 2019 de la deuxième chambre de faire droit à ladite demande,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 4, de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1), sur l’interprétation des articles 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et sur l’interprétation des
principes d’effectivité et d’égalité de traitement.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale contre quatre ressortissants bulgares, QR, YM, ZK et HD, au sujet de leur appartenance à un groupe criminel organisé.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La Charte
3 L’article 20 de la Charte, intitulé « Égalité en droit », énonce :
« Toutes les personnes sont égales en droit. »
4 Aux termes de l’article 51 de la Charte, intitulé « Champ d’application » :
« 1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités.
2. La présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités. »
La directive 2016/343
5 Aux termes du considérant 9 de la directive 2016/343 :
« La présente directive a pour objet de renforcer le droit à un procès équitable dans le cadre des procédures pénales, en définissant des règles minimales communes concernant certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès. »
6 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :
« La présente directive établit des règles minimales communes concernant :
a) certains aspects de la présomption d’innocence dans le cadre des procédures pénales ;
b) le droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. »
7 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », se lit comme suit :
« La présente directive s’applique aux personnes physiques qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Elle s’applique à tous les stades de la procédure pénale, à partir du moment où une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale ou une infraction pénale alléguée, ou est poursuivie à ce titre, jusqu’à ce que la décision finale visant à déterminer si cette personne a commis l’infraction pénale concernée soit devenue définitive. »
8 L’article 7 de la même directive, intitulé « Droit de garder le silence et droit de ne pas s’incriminer soi-même », prévoit, à son paragraphe 4 :
« Les États membres peuvent autoriser leurs autorités judiciaires à tenir compte, lorsqu’elles rendent leur jugement, de l’attitude coopérative des suspects et des personnes poursuivies. »
Le droit bulgare
9 L’article 381 du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale, ci-après le « NPK »), intitulé « Accord de négociation de peine dans le cadre de la procédure préliminaire », dispose, à ses paragraphes 1 à 6 que, une fois l’enquête terminée, si la personne poursuivie reconnaît sa culpabilité, elle peut conclure un accord sur l’application d’une peine négociée par écrit avec le procureur par l’intermédiaire de son avocat. Par un tel accord, la personne poursuivie se déclare coupable,
renonce à la procédure pénale ordinaire et consent à ce qu’une sanction déterminée lui soit infligée. La sanction ainsi infligée est toujours moins lourde que celle à laquelle la personne poursuivie aurait été condamnée à l’issue d’une procédure ordinaire.
10 Aux termes de l’article 381, paragraphe 7, du NPK :
« Lorsque la procédure concerne plusieurs personnes [...], l’accord peut être conclu par certaines de ces personnes [...] »
11 En vertu de l’article 382 du NPK, intitulé « Décision du tribunal sur l’accord » :
« 1. L’accord est porté par le procureur devant la juridiction de première instance compétente immédiatement après avoir été établi, en même temps que l’affaire.
[...]
5. Le tribunal peut proposer des modifications à l’accord, qui sont examinées avec le procureur et l’avocat. La personne poursuivie est entendue en dernier lieu.
6. Le contenu de l’accord final, qui est signé par le procureur, par l’avocat et par la personne poursuivie, est ajouté dans le dossier du tribunal.
7. Le tribunal approuve l’accord pour autant qu’il ne soit pas contraire à la loi et aux bonnes mœurs.
8. Lorsque le tribunal n’approuve pas l’accord, il renvoie l’affaire devant le procureur. Dans ce cas, les aveux de la personne poursuivie [...] n’ont pas de valeur probante. [...] »
12 L’article 383 du NPK, intitulé « Conséquences d’un accord de négociation de peine » dispose que l’accord approuvé par le tribunal produit les effets d’un jugement ayant force de chose jugée.
13 Aux termes de l’article 384 du NPK, intitulé « Accord de négociation de peine dans le cadre d’une procédure juridictionnelle » :
« 1. [...] le tribunal peut approuver un accord sur l’application d’une peine négociée après l’ouverture de la procédure juridictionnelle [...]
[...]
3. Dans ces cas, l’accord sur l’application d’une peine négociée n’est approuvé qu’après obtention du consentement de toutes les parties. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
14 Il ressort de la décision de renvoi que la Spetsializirana prokuratura (parquet spécialisé, Bulgarie) a engagé des poursuites pénales à l’encontre de quatre personnes, à savoir QR, YM, ZK et HD, et qu’elle a introduit un acte d’accusation auprès du Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie).
15 QR est poursuivi pour avoir dirigé un groupe criminel organisé dans le but de commettre des infractions pénales d’usure et d’extorsion. Les trois autres personnes sont poursuivies pour avoir participé à ce groupe criminel organisé.
16 QR est également poursuivi pour avoir commis quatre extorsions. La première extorsion aurait été commise ensemble avec HD, la deuxième ensemble avec ZK et HD, la troisième seul, et la quatrième ensemble avec YM et ZK. Il a été affirmé, pour ces quatre cas, que les extorsions avaient été commises pour le compte du groupe criminel organisé en question.
17 QR a reconnu sa culpabilité pour toutes ces accusations. Son avocat et le procureur ont conclu un accord écrit en vertu duquel une peine moins lourde que celle prévue par la loi lui sera infligée. QR ayant consenti à cet accord, le procureur, QR et l’avocat de celui-ci l’ont signé.
18 YM et son avocat n’ont pas consenti à la conclusion dudit accord et s’y sont opposés. ZK et son avocat ont estimé qu’il était inutile de donner ou de refuser le consentement à la conclusion de ce même accord, étant donné que l’opposition de YM empêche la conclusion de l’accord en question. HD et son avocat n’ont pas fait de déclaration à cet égard.
19 Conformément aux règles procédurales nationales, l’accord en question a été soumis pour approbation à la juridiction de renvoi. Celle-ci explique qu’un tel accord, s’il est conclu au cours de la procédure juridictionnelle de la procédure pénale et dans une situation dans laquelle plusieurs personnes sont poursuivies, ne peut être approuvé par le tribunal compétent qu’après le consentement de toutes les parties. À cet égard, elle précise que cette exigence a été interprétée de manière littérale
dans certaines décisions du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie), en ce sens qu’il est nécessaire, pour l’approbation d’un tel accord, d’obtenir le consentement de toutes les personnes poursuivies dans le cadre d’une procédure pénale.
20 La juridiction de renvoi estime que le fait pour une personne poursuivie de donner son consentement à la conclusion, par un coaccusé, d’un accord sur l’application d’une peine négociée augmente la probabilité que la procédure à l’encontre de cette personne poursuivie se termine par un verdict de culpabilité. D’une part, la conclusion d’un tel accord par un coaccusé ferait de ce dernier un témoin dans la procédure susceptible de faire des déclarations portant préjudice aux autres personnes
poursuivies. D’autre part, il résulterait d’une partie de la jurisprudence nationale qu’un tel accord est considéré comme constituant un acte juridictionnel, à l’encontre de toutes les personnes poursuivies, qui tranche définitivement l’affaire sur le fond.
21 Toutefois, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de l’exigence d’obtenir le consentement de toutes les personnes poursuivies à l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2016/343, à l’article 47, premier et deuxième alinéas, et à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, ainsi qu’aux principes d’effectivité et d’égalité de traitement.
22 C’est dans ces conditions que le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Une jurisprudence comme celle en cause, portant sur la loi nationale concernant l’approbation par le tribunal d’un accord sur l’application d’une peine négociée conclu entre l’accusation et la défense, qui prévoit le consentement des autres inculpés comme condition de l’approbation d’un tel accord, et que ledit consentement n’est nécessaire que durant la phase juridictionnelle de la procédure, est-elle conforme à l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2016/343, à l’article 47 et à
l’article 52 de la Charte, ainsi qu’aux principes d’effectivité et d’égalité ? »
Sur la procédure préjudicielle d’urgence
23 La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.
24 À l’appui de sa demande, elle a, notamment, indiqué que QR a été placé en détention provisoire et que le maintien de celui-ci en détention dépend de la réponse à la question posée, dans la mesure où elle ne peut, en l’absence d’une réponse de la Cour, se prononcer sur l’accord en cause au principal qui prévoit une peine de prison réduite.
25 À cet égard, il convient de souligner, en premier lieu, que le présent renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de la directive 2016/343 qui relève du titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Il est donc susceptible d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 107 de son règlement de procédure.
26 En second lieu, s’agissant du critère relatif à l’urgence, il importe, selon une jurisprudence constante de la Cour, de prendre en considération la circonstance que la personne concernée par l’affaire au principal est actuellement privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal [arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456, point 38 ainsi que jurisprudence citée]. En l’occurrence, il
ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que QR est privé de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal.
27 Dans ces conditions, la deuxième chambre de la Cour a décidé, le 10 juillet 2019, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi tendant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence.
Sur la question préjudicielle
28 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.
29 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.
30 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2016/343, l’article 47, premier et deuxième alinéas, et l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, le principe d’effectivité ainsi que le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que l’approbation, par un juge, d’un accord sur l’application d’une peine négociée, tel que celui en cause au principal,
conclu entre une personne poursuivie en raison de son appartenance à un groupe criminel et le procureur, soit subordonnée à la condition que les autres personnes poursuivies en raison de leur appartenance à ce groupe criminel donnent leur consentement à la conclusion de cet accord.
31 À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 2 de la directive 2016/343, celle-ci s’applique aux personnes physiques qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales. Elle s’applique à tous les stades de la procédure pénale, à partir du moment où une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale ou une infraction pénale alléguée, ou est poursuivie à ce titre, jusqu’à ce que la décision finale visant à déterminer si cette
personne a commis l’infraction pénale concernée soit devenue définitive. Or, il ressort de la décision de renvoi que les quatre personnes poursuivies dans l’affaire au principal le sont dans le cadre d’une procédure pénale et qu’une décision finale visant à déterminer leur culpabilité pour l’infraction pénale concernée n’a pas encore été adoptée.
32 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que l’objet de la directive 2016/343 est, ainsi que cela ressort du considérant 9 et de l’article 1er de celle-ci, d’établir des règles minimales communes applicables aux procédures pénales concernant certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès [arrêt du 5 septembre 2019, AH e.a. (Présomption d’innocence), C‑377/18, EU:C:2019:670, point 38 ainsi que jurisprudence citée].
33 Ainsi, l’article 7 de la directive 2016/343 établit certaines règles communes régissant le droit de garder le silence et le droit de ne pas s’incriminer soi-même. C’est dans ce contexte que le paragraphe 4 dudit article 7 indique que les États membres peuvent autoriser leurs autorités judiciaires à tenir compte, lorsqu’elles rendent leur jugement, de l’attitude coopérative des suspects et des personnes poursuivies.
34 Cette dernière disposition se limite, dès lors, à réserver aux États membres, dans le contexte du droit de garder le silence et du droit de ne pas s’incriminer soi-même, la faculté d’autoriser leurs autorités judiciaires, lorsqu’elles rendent un jugement imposant une sanction, de tenir compte de la coopération des personnes poursuivies. Dès lors, ladite disposition n’imposant aux États membres aucune obligation de garantir la prise en compte de cette coopération par ces autorités, elle ne confère
aucun droit à une personne poursuivie d’obtenir une sanction réduite en cas de coopération avec les autorités judiciaires, par exemple au moyen de la conclusion d’un accord avec le procureur dans lequel cette personne reconnaît sa culpabilité.
35 En outre, l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2016/343 ne précise pas les modalités et les conditions qui régissent, le cas échéant, la possibilité pour les autorités judiciaires, de tenir compte, lorsqu’elles rendent leur jugement, de l’attitude coopérative des personnes poursuivies, ces modalités et ces conditions relevant du seul droit national.
36 Il s’ensuit que l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2016/343 ne régit pas la question de savoir si l’approbation d’un accord sur l’application d’une peine négociée peut ou non être soumise à une exigence de consentement, telle que celle en cause au principal.
37 En ce qui concerne les dispositions de la Charte auxquelles se réfère la juridiction de renvoi, il convient de relever que la Charte n’est pas applicable dans l’affaire au principal.
38 En effet, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Aux termes du paragraphe 2 de ce même article, la Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union ni « ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle [...] pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités ». Ainsi, la Cour est
appelée à interpréter, à la lumière de la Charte, le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à celle-ci (arrêt du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
39 Ainsi qu’il résulte des explications afférentes à l’article 51 de la Charte, lesquelles doivent être dûment prises en considération en vertu de l’article 52, paragraphe 7, de celle-ci, la notion de « mise en œuvre » prévue à cet article 51 confirme la jurisprudence de la Cour relative à l’applicabilité des droits fondamentaux de l’Union en tant que principes généraux du droit de l’Union élaborée antérieurement à l’entrée en vigueur de la Charte, selon laquelle l’obligation de respecter les droits
fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ne s’impose aux États membres que lorsqu’ils agissent dans le champ d’application du droit de l’Union (arrêt du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 33 ainsi que jurisprudence citée).
40 À cet égard, il importe de rappeler que la notion de « mise en œuvre du droit de l’Union », au sens de l’article 51 de la Charte présuppose l’existence d’un lien de rattachement entre un acte du droit de l’Union et la mesure nationale en cause, qui dépasse le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre (arrêt du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 34 ainsi que jurisprudence citée).
41 La Cour a notamment conclu à l’inapplicabilité des droits fondamentaux de l’Union par rapport à une réglementation nationale en raison du fait que les dispositions de l’Union du domaine concerné n’imposaient aucune obligation spécifique aux États membres à l’égard de la situation en cause au principal (arrêt du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 35 ainsi que jurisprudence citée).
42 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 34 de la présente ordonnance, le droit de l’Union n’impose aux États membres aucune obligation d’autoriser leurs autorités judiciaires à tenir compte, lorsqu’elles rendent leur jugement, de l’attitude coopérative des suspects et des personnes poursuivies, notamment au moyen de la conclusion d’un accord avec le procureur dans lequel une personne reconnaît sa culpabilité en échange d’une peine réduite.
43 Partant, une exigence de consentement, telle que celle en cause au principal, à laquelle est soumise l’approbation d’un accord sur l’application d’une peine négociée, ne saurait être considérée comme mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
44 S’agissant du principe d’effectivité, il suffit de constater, ainsi qu’il ressort du point 34 de la présente ordonnance, que le droit de l’Union ne confère pas à une personne poursuivie le droit de conclure un accord avec le procureur en échange d’une peine réduite, tel que celui en cause au principal. Partant, le principe d’effectivité ne s’applique pas à une exigence de consentement telle que celle en cause au principal, qui conditionne l’approbation d’un tel accord.
45 Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2016/343 doit être interprété en ce sens qu’il ne régit pas la question de savoir si l’approbation, par un juge, d’un accord sur l’application d’une peine négociée, tel que celui en cause au principal, conclu entre une personne poursuivie, en raison de son appartenance présumée à un groupe criminel, et le procureur, peut ou non être subordonnée à la condition que les autres personnes
poursuivies, en raison de leur appartenance à ce groupe criminel, donnent leur consentement à la conclusion de cet accord.
Sur les dépens
46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
L’article 7, paragraphe 4, de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, doit être interprété en ce sens qu’il ne régit pas la question de savoir si l’approbation, par un juge, d’un accord sur l’application d’une peine négociée, tel que celui en cause au principal, conclu entre une personne poursuivie, en raison de son
appartenance présumée à un groupe criminel, et le procureur, peut ou non être subordonnée à la condition que les autres personnes poursuivies, en raison de leur appartenance à ce groupe criminel, donnent leur consentement à la conclusion de cet accord.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.