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11/12/2019 | CJUE | N°C-483/19

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Ville de Verviers contre J., 11/12/2019, C-483/19


ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

11 décembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 2 – Champ d’application de l’accord-cadre – Possibilité pour les États membres d’exclure les relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage ainsi que des contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, d’insertion et de

reconversion professionnelles public
spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics – Conséquences »

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ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

11 décembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 2 – Champ d’application de l’accord-cadre – Possibilité pour les États membres d’exclure les relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage ainsi que des contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, d’insertion et de reconversion professionnelles public
spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics – Conséquences »

Dans l’affaire C‑483/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour du travail de Liège (Belgique), par décision du 14 juin 2019, parvenue à la Cour le 24 juin 2019, dans la procédure

Ville de Verviers

contre

J,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M^me L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 2, point 2, sous b), et de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (ci-après l’« accord-cadre »), conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la ville de Verviers (Belgique) à J au sujet de la décision de cette ville de mettre fin à la relation contractuelle de travail qui la liait au défendeur au principal, dans le cadre d’un projet social subventionné par des fonds publics européens et régionaux et ayant pour objet, notamment, de lutter contre les discriminations.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 17 de la directive 1999/70 est libellé comme suit :

« en ce qui concerne les termes employés dans l’accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, la présente directive laisse aux États membres le soin de définir ces termes en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, comme il en est pour d’autres directives adoptées en matière sociale qui emploient des termes semblables, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord-cadre ».

4        L’article 1^er de cette directive prévoit que celle-ci « vise à mettre en œuvre l’accord-cadre [...], figurant en annexe, conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ».

5        Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, intitulé « Objet » :

« Le présent accord-cadre a pour objet :

a)      d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;

b)      d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. »

6        La clause 2 de l’accord-cadre, intitulée « Champ d’application », prévoit :

« 1.      Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

2.      Les États membres, après consultation de partenaires sociaux, et/ou les partenaires sociaux peuvent prévoir que le présent accord ne s’applique pas :

a)      aux relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage ;

b)      aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, insertion et reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics. »

7        La clause 4 de l’accord-cadre, relative au principe de non-discrimination, dispose, à son point 1 :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

8        Aux termes de la clause 5 de l’accord-cadre, intitulée « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive » :

« 1.      Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de
travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b)      la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.      Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a)      sont considérés comme “successifs” ;

b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée. »

 Le droit belge

9        Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, saisi, par la ministre de l’Emploi (Belgique), d’une demande d’avis sur la transposition, dans le droit belge, de la directive 1999/70, le Conseil national du travail (Belgique) a, dans son avis n^o 1342, du 15 mars 2001, formulé la remarque suivante, eu égard au champ d’application de l’accord-cadre :

« Le Conseil est d’accord, en raison des caractéristiques spécifiques de ces contrats, d’exclure du champ d’application les diverses formules de contrat d’apprentissage (apprentissage d’une profession rémunérée, apprentissage d’une profession indépendante, …) et de formation, d’insertion et de reconversion (troisième circuit de travail, fonds budgétaire interdépartemental, activation des allocations de chômage, contrats de formation professionnelle) qui existent dans la législation belge. »

10      La directive 1999/70 a été transposée dans le droit belge par la loi du 5 juin  2002 sur le principe de non-discrimination en faveur des travailleurs avec un contrat de travail à durée déterminée (Moniteur belge du 26 juin 2002, p. 28982). L’article 3, troisième alinéa, de cette loi dispose :

« Les contrats de travail qui sont conclus dans le cadre d’un programme spécifique de formation, d’insertion et de reconversion professionnelles organisé ou soutenu par les pouvoirs publics sont exclus du champ d’application de la présente loi. »

11      La conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs est régie, dans le droit belge, par deux dispositions de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (Moniteur belge du 22 août 1978, p. 9277). Aux termes de l’article 10 de cette loi :

« Lorsque les parties ont conclu plusieurs contrats de travail successifs pour une durée déterminée sans qu’il y ait entre eux une interruption attribuable au travailleur, elles sont censées avoir conclu un contrat pour une durée indéterminée, sauf si l’employeur prouve que ces contrats étaient justifiés par la nature du travail ou par d’autres raisons légitimes. [...] »

12      L’article 10 bis de ladite loi dispose :

« § 1^er.      Par dérogation à l’article 10, des contrats successifs peuvent être conclus pour une durée déterminée, dans les conditions prévues aux § 2 et § 3 du présent article.

§ 2.      Il peut être conclu au maximum quatre contrats pour une durée déterminée qui ne peut, chaque fois, être inférieure à trois mois sans que la durée totale de ces contrats successifs ne puisse dépasser deux ans.

§ 3.      Moyennant l’autorisation préalable du fonctionnaire désigné par le Roi, il peut être conclu des contrats pour une durée déterminée qui ne peut, chaque fois, être inférieure à six mois sans que la durée totale de ces contrats successifs ne puisse dépasser trois ans.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, du 1^er avril 2009 au 31 octobre 2014, la ville de Verviers a engagé le défendeur au principal dans le cadre d’un projet social subventionné par des fonds publics européens et régionaux et ayant pour objet, notamment, de lutter contre les discriminations. Ainsi, du 1^er avril au 30 septembre 2009, le défendeur au principal a d’abord été engagé dans le cadre d’un contrat d’adaptation professionnelle visant à promouvoir l’égalité des
chances des personnes handicapées sur le marché de l’emploi. Ensuite, du 1^er octobre 2009 au 31 mars 2012, il a été engagé dans le cadre d’un programme de transition professionnelle par trois contrats de travail à durée déterminée successifs. Enfin, après une interruption du 1^er au 30 avril 2012, le défendeur au principal a été engagé, dans le cadre d’une mesure adoptée en faveur de l’emploi visant à augmenter le taux d’embauche de certains groupes de travailleurs par le recours à des emplois
subventionnés, en bénéficiant de trois autres contrats de travail à durée déterminée successifs couvrant la période allant du 2 mai 2012 au 31 octobre 2014.

14      Au mois d’octobre 2014, le versement des subventions européennes ayant pris fin et le projet social en cause au principal ayant été financé sur les fonds propres de la ville de Verviers, cette dernière a jugé opportun de ne pas renouveler le contrat du défendeur au principal et de remplacer ce dernier en engageant un autre agent dans le cadre de la même mesure d’emploi.

15      À l’appui du recours qu’il avait introduit en première instance contre la ville de Verviers, le défendeur au principal soutenait que le recours à plusieurs contrats à durée déterminée successifs n’était justifié, en l’occurrence, ni par la nature du travail qui lui avait été confié ni par d’autres raisons légitimes, de telle sorte qu’il convenait de conclure qu’il était lié à la ville de Verviers par un contrat de travail à durée indéterminée. Partant, cette dernière devrait être condamnée
au paiement non seulement d’une indemnité compensatoire de préavis, mais aussi d’une indemnité pour licenciement abusif, dès lors qu’elle l’avait licencié, notamment, sans procéder à son audition préalable.

16      La première de ces deux demandes ayant été accueillie en première instance, au motif que la ville de Verviers n’avait pas apporté la preuve de l’existence de raisons légitimes justifiant la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, celle-ci a interjeté appel de cette décision rendue en première instance devant la juridiction de renvoi, à savoir la cour du travail de Liège (Belgique). Le défendeur au principal a, quant à lui, formé un appel incident.

17      Considérant que la solution du litige pendant devant elle requiert une interprétation du droit de l’Union, la cour du travail de Liège a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La circonstance que les partenaires sociaux aient, par le truchement de l’avis n^o 1342, précité, du Conseil national du travail, décidé de recourir à la faculté d’exclusion du champ d’application [de l’]accord-cadre, visée par sa clause 2, [point 2], [sous] a) et b), dispense-t-elle pour autant le législateur belge de prendre, à propos des contrats de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, insertion et reconversion professionnelle public spécifique ou soutenu par les
pouvoirs publics, des dispositions précises, objectives et concrètes visant à garantir aux travailleurs engagés dans ces emplois subventionnés les objectifs [de l’]accord-cadre ?

2)      En cas de réponse négative à la première question, c’est-à-dire en cas de maintien des obligations contractées par l’État belge en exécution de la directive [1999/70], la clause 5, point 1, [sous] a), [de l’]accord-cadre s’oppose-t-elle à une disposition nationale qui, tel l’article 10 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, autorise le recours successif à des contrats de travail à durée déterminée sans que soient respectées les conditions strictes de durée maximale et
de renouvellement fixées par l’article 10 bis de cette même loi, pour autant que soient établies par l’employeur public des “raisons légitimes” non autrement précisées par ladite loi, mais justifiant ce recours à la succession illimitée dans le temps de contrats de travail à durée déterminée ?

3)      Toujours en cas de réponse négative à la première question, la clause 5, point 1, [sous] a), de l’accord-cadre [...] implique-t-elle l’obligation, pour la juridiction nationale saisie d’un litige opposant un employeur public à un travailleur qu’il a engagé dans des contrats de travail à durée déterminée successifs conclus dans le cadre de divers programmes de formation, insertion et reconversion, d’apprécier la validité de leur succession à la lumière des “raisons objectives” définies par la
jurisprudence de la Cour [...] ?

Dans pareil cas, les “raisons légitimes” invoquées par cet employeur public peuvent-elles être considérées comme des “raisons objectives” justifiant la succession de ces contrats à durée déterminée sans que soient respectées les conditions fixées par l’article 10 bis, précité, aux fins, d’une part, de prévenir et de lutter contre les abus du recours à la succession de contrats à durée déterminée dans des situations où ils sont utilisés pour couvrir non des besoins temporaires, mais bien des besoins
permanents et durables de cohésion sociale au sein d’une population précarisée et, d’autre part, de tenir compte des objectifs spécifiques poursuivis par ces contrats d’insertion professionnelle conclus dans le cadre de cette politique sociale de mise à l’emploi développée par l’État belge et la Région wallonne et étroitement tributaire de subsides publics ? »

 Sur les questions préjudicielles 

18      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

19      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

 Sur la première question

20      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 2, point 2, sous b), de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’un législateur national, qui, conformément à la faculté qui lui est reconnue par cette disposition, a exclu du champ d’application de la législation nationale transposant la directive 1999/70 et l’accord-cadre une certaine catégorie de contrats, soit dispensé d’adopter des mesures nationales de nature à
garantir aux travailleurs relevant de cette catégorie de contrats le respect des objectifs poursuivis par l’accord-cadre.

21      À cet égard, il convient de rappeler que, si le champ d’application de l’accord-cadre est, ainsi qu’il ressort de sa clause 2, point 1, conçu de manière large, cette dernière visant de façon générale les « travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre », il n’en demeure pas moins que la définition des contrats et des relations de travail auxquels
l’accord-cadre s’applique relève non pas de celui-ci ou d’autres dispositions du droit de l’Union, mais de la législation et/ou des pratiques nationales, pour autant que la définition de ces notions n’aboutit pas à exclure arbitrairement une catégorie de personnes du bénéfice de la protection offerte par l’accord-cadre (arrêts du 15 mars 2012, Sibilio, C‑157/11, non publié, EU:C:2012:148, points 42 et 51, ainsi que du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044,
point 31).

22      En outre, la clause 2, point 2, de l’accord-cadre confère aux États membres une marge d’appréciation quant à l’application de celui-ci à certaines catégories de contrats ou de relations de travail. En effet, cette disposition ouvre aux États membres et/ou aux partenaires sociaux la faculté de soustraire du domaine d’application de l’accord-cadre les « relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage » ainsi que les « contrats ou relations de travail conclus dans le cadre
d’un programme de formation, [d’]insertion et [de] reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics » (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 57, ainsi que du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 32).

23      Selon la jurisprudence de la Cour, lorsque les partenaires sociaux et/ou les États membres, ces derniers après consultation de ces partenaires sociaux, exercent cette marge d’appréciation, l’application des critères établis sur le fondement de ladite marge d’appréciation doit être effectuée de manière transparente et doit pouvoir être contrôlée, afin d’empêcher qu’un travailleur engagé dans le cadre d’un contrat ou d’une relation de travail qui ne relève pas des catégories énumérées à la
clause 2, point 2, de l’accord-cadre soit privé de la protection que l’accord-cadre vise à lui assurer (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 77).

24      Il s’ensuit que, si les partenaires sociaux et/ou un État membre, ce dernier après consultation desdits partenaires sociaux, ont décidé d’exercer cette marge d’appréciation et ont légitimement exclu du champ d’application de l’accord-cadre les catégories de contrats ainsi que de relations de travail, de formation professionnelle ou d’apprentissage visées à la clause 2, point 2, de l’accord-cadre, les travailleurs engagés dans le cadre d’un contrat ou d’une relation de travail relevant de ces
catégories ne bénéficient plus de la protection offerte par l’accord-cadre.

25      Au demeurant, la Cour a dit pour droit que la clause 2 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit que la relation établie entre les travailleurs socialement utiles et les administrations publiques pour lesquelles ils exercent leurs activités ne relève pas du champ d’application de l’accord-cadre, notamment lorsque les États membres et/ou les partenaires sociaux ont exercé la faculté qui leur est reconnue au point 2 de
cette clause (arrêt du 15 mars 2012, Sibilio, C‑157/11, non publié, EU:C:2012:148, point 58).

26      Si l’accord-cadre devait être interprété en ce sens qu’il oblige les États membres à garantir que les travailleurs engagés dans le contexte de contrats ou de relations de travail ainsi exclus de son champ d’application puissent néanmoins bénéficier de la protection qu’il offre, cela reviendrait non seulement à méconnaître la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le champ d’application de l’accord-cadre n’est pas sans limites, mais également à remettre en cause l’utilisation par les
partenaires sociaux et/ou les États membres de la marge d’appréciation qui leur est expressément reconnue par le droit de l’Union, tel que réaffirmé par la Cour (voir, notamment, arrêts du 15 mars 2012, Sibilio, C‑157/11, non publié, EU:C:2012:148, point 53, et du 11 avril 2013, Della Rocca, C‑290/12, EU:C:2013:235, point 35).

27      Or, en l’absence de toute indication, dans l’accord-cadre ou dans la directive 1999/70, qui vise à en assurer la mise en œuvre, permettant de conclure que le législateur de l’Union a entendu étendre le champ d’application de la protection conférée par l’accord-cadre aux travailleurs engagés dans le contexte de contrats ou de relations de travail exclus du champ d’application de l’accord-cadre, ladite interprétation ne saurait être retenue.

28      En l’occurrence, il ressort des éléments dont dispose la Cour que, après consultation des partenaires sociaux, la catégorie de contrats dont le défendeur au principal a bénéficié avait été exclue du champ d’application de l’accord-cadre par la législation belge. En outre, il ne ressort pas de ces éléments que cette catégorie de contrats ne relèverait pas des catégories énumérées à la clause 2, point 2, de l’accord-cadre, ni que le législateur national aurait utilisé la marge d’appréciation,
qui lui est reconnue par cette clause, de manière arbitraire ou d’une manière telle qu’un travailleur ayant bénéficié de cette catégorie de contrats ou de relations de travail aurait été privé de la protection que l’accord-cadre visait à lui assurer.

29      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la clause 2, point 2, sous b), de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’un législateur national, qui, conformément à la faculté qui lui est reconnue par cette disposition, a exclu du champ d’application de la législation nationale transposant la directive 1999/70 et l’accord-cadre une certaine catégorie de contrats, soit dispensé d’adopter des
mesures nationales de nature à garantir aux travailleurs relevant de cette catégorie de contrats le respect des objectifs poursuivis par l’accord-cadre.

 Sur les deuxième et troisième questions

30      Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

 Sur les dépens

31      La procédure revêtant à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

La clause 2, point 2, sous b), de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’un législateur national, qui, conformément à la faculté qui lui est reconnue par cette disposition, a exclu du champ d’application de la législation nationale transposant la
directive 1999/70 et l’accord-cadre une certaine catégorie de contrats, soit dispensé d’adopter des mesures nationales de nature à garantir aux travailleurs relevant de cette catégorie de contrats le respect des objectifs poursuivis par l’accord-cadre.

Signatures

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*      Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-483/19
Date de la décision : 11/12/2019
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la cour du travail de Liège.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 2 – Champ d’application de l’accord-cadre – Possibilité pour les États membres d’exclure les relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage ainsi que des contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, d’insertion et de reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics – Conséquences.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Ville de Verviers
Défendeurs : J.

Composition du Tribunal
Avocat général : Szpunar
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2019:1081

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