ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
18 juin 2020 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 33 – Détermination du lieu des opérations imposables – Livraison de biens avec transport – Livraison de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte – Règlement (UE) no 904/2010 – Articles 7, 13 et 28 à 30 – Coopération entre les États membres – Échange d’informations »
Dans l’affaire C‑276/18,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie), par décision du 1er mars 2018, parvenue à la Cour le 24 avril 2018, dans la procédure
KrakVet Marek Batko sp.k.
contre
Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,
avocat général : Mme E. Sharpston,
greffier : Mme R. Şereş, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 juin 2019,
considérant les observations présentées :
– pour KrakVet Marek Batko sp.k., par Mes P. Jalsovszky, T. Fehér et Á. Fischer, ügyvédek,
– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér ainsi que par Mmes M. M. Tátrai et Zs. Wagner, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et O. Serdula, en qualité d’agents,
– pour l’Irlande, par M. A. Joyce et Mme J. Quaney, en qualité d’agents, assistés de M. N. Travers, SC,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme G. De Socio, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon et Mme Z. Lavery, en qualité d’agents, assistés de M. R. Hill, barrister,
– pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et J. Jokubauskaitė ainsi que par M. L. Havas, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 6 février 2020,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), notamment de l’article 33 de celle-ci, ainsi que des articles 7, 13 et 28 à 30 du règlement (UE) no 904/2010 du Conseil, du 7 octobre 2010, concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée (JO 2010, L 268, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KrakVet Marek Batko sp.k. (ci-après « KrakVet »), une société de droit polonais, au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) au sujet du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la vente de produits au moyen du site Internet de cette société à des acquéreurs résidant en Hongrie.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2006/112
3 Les considérants 17, 61 et 62 de la directive 2006/112 énoncent :
« (17) La détermination du lieu des opérations imposables peut entraîner des conflits de compétence entre les États membres, notamment en ce qui concerne la livraison d’un bien avec montage et les prestations de services. Si le lieu des prestations de services doit en principe être fixé à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique, il convient toutefois de fixer ce lieu dans l’État membre du preneur, notamment pour certaines prestations de services effectuées entre
assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens.
[...]
(61) Il est essentiel d’assurer l'application uniforme du système de TVA. Pour réaliser cet objectif, il convient d'adopter des mesures d’application.
(62) Ces mesures devraient notamment concerner le problème de la double imposition des opérations transfrontalières qui peut résulter d’une application non uniforme, par les États membres, des règles régissant le lieu des opérations imposables. »
4 Le titre V de cette directive, intitulé « Lieu des opérations imposables », contient un chapitre 1, lui-même intitulé « Lieu des livraisons de biens », qui comporte une section 2, relative aux « Livraisons de biens avec transport ». Cette section contient, notamment, les articles 32 et 33 de ladite directive.
5 L’article 32 de la directive 2006/112 dispose :
« Dans le cas où le bien est expédié ou transporté soit par le fournisseur, soit par l’acquéreur, soit par une tierce personne, le lieu de la livraison est réputé se situer à l’endroit où le bien se trouve au moment du départ de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur.
[...] »
6 L’article 33, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Par dérogation à l’article 32, le lieu d’une livraison de biens expédiés ou transportés, par le fournisseur ou pour son compte, à partir d’un État membre autre que celui d’arrivée de l’expédition ou du transport est réputé se situer à l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
a) la livraison de biens est effectuée pour un assujetti ou pour une personne morale non assujettie, dont les acquisitions intracommunautaires de biens ne sont pas soumises à la TVA en vertu de l’article 3, paragraphe 1, ou pour toute autre personne non assujettie ;
b) les biens livrés sont autres que des moyens de transport neufs et autres que des biens livrés après montage ou installation, avec ou sans essai de mise en service, par le fournisseur ou pour son compte. »
Le règlement no 904/2010
7 Les considérants 5, 7 et 8 du règlement no 904/2010 énoncent :
« (5) Les mesures d’harmonisation fiscale prises pour achever le marché intérieur devraient comporter la mise en place d’un système commun de coopération entre les États membres, en particulier en ce qui concerne l’échange d’informations, dans lequel les autorités compétentes des États membres doivent se prêter mutuellement assistance et collaborer avec la Commission en vue d’assurer l’application correcte de la TVA sur les livraisons de biens et les prestations de services, l’acquisition
intracommunautaire de biens et l’importation de biens.
[...]
(7) Afin de collecter la taxe due, les États membres devraient coopérer afin de contribuer à l’assurance de l’établissement correct de la TVA. Par conséquent, ils doivent non seulement contrôler l’application correcte de la taxe due sur leur propre territoire mais devraient également aider les autres États membres à veiller à l’application correcte de la taxe relative à une activité exercée sur leur propre territoire mais due dans un autre État membre.
(8) Contrôler l’application correcte de la TVA sur les opérations transfrontalières imposables dans un État membre autre que celui où est établi le prestataire ou le fournisseur dépend, dans la plupart des cas, des informations détenues par l’État membre d’établissement ou pouvant être obtenues beaucoup plus facilement par ce dernier. Le contrôle effectif de ces opérations dépend donc du fait que l’État membre d’établissement collecte ou soit en mesure de collecter ces informations. »
8 L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :
« Le présent règlement détermine les conditions dans lesquelles les autorités compétentes chargées, dans les États membres, de l’application de la législation relative à la TVA coopèrent entre elles ainsi qu’avec la Commission en vue d’assurer le respect de cette législation.
À cette fin, il définit des règles et des procédures permettant aux autorités compétentes des États membres de coopérer et d’échanger entre elles toutes les informations susceptibles de permettre l’établissement correct de la TVA, de contrôler l’application correcte de la TVA, notamment sur les opérations intracommunautaires, et de lutter contre la fraude à la TVA. Il définit notamment des règles et procédures permettant aux États membres de collecter et d’échanger par voie électronique lesdites
informations. »
9 Figurant au chapitre II dudit règlement, intitulé « Échange d’informations sur demande », la section 1, intitulée « Demande d’informations et d’enquêtes administratives », comprend l’article 7 du même règlement, qui dispose :
« 1. Sur demande de l’autorité requérante, l’autorité requise communique les informations visées à l’article 1er, y compris celles qui concernent un ou plusieurs cas précis.
2. En vue de la communication visée au paragraphe 1, l’autorité requise fait effectuer s’il y a lieu les enquêtes administratives nécessaires pour obtenir ces informations.
3. Jusqu’au 31 décembre 2014, la demande visée au paragraphe 1 peut comprendre une demande motivée portant sur une enquête administrative. Si l’autorité requise décide que l’enquête administrative n’est pas nécessaire, elle informe immédiatement l’autorité requérante des raisons de cette décision.
[...] »
10 Au chapitre III du règlement no 904/2010, intitulé « Échange d’informations sans demande préalable », l’article 13 de ce règlement énonce :
« 1. L’autorité compétente de chaque État membre transmet, sans demande préalable, les informations visées à l’article 1er à l’autorité compétente de tout autre État membre concerné dans les situations suivantes :
a) lorsque la taxation est censée avoir lieu dans l’État membre de destination et que les informations fournies par l’État membre d’origine sont nécessaires à l’efficacité du système de contrôle de l’État membre de destination ;
b) lorsqu’un État membre a des raisons de penser qu’une infraction à la législation sur la TVA a été commise ou est susceptible d’avoir été commise dans l’autre État membre ;
c) lorsqu’il existe un risque de perte de recettes fiscales dans l’autre État membre.
2. L’échange d’informations sans demande préalable s’effectue de manière soit automatique, conformément à l’article 14, soit spontanée, conformément à l’article 15.
3. Les informations sont transmises au moyen de formulaires types adoptés conformément à la procédure prévue à l’article 58, paragraphe 2. »
11 Figurant au chapitre VII dudit règlement, l’article 28 de celui-ci prévoit :
« 1. Par accord entre l’autorité requérante et l’autorité requise et selon les modalités fixées par cette dernière, des fonctionnaires autorisés par l’autorité requérante peuvent être présents dans les bureaux des services administratifs de l’État membre requis, ou tout autre lieu où lesdits services exécutent leurs tâches, en vue d’échanger les informations visées à l’article 1er. Lorsque les informations demandées figurent dans des documents auxquels les fonctionnaires de l’autorité requise
ont accès, les fonctionnaires de l’autorité requérante reçoivent des copies.
2. Par accord entre l’autorité requérante et l’autorité requise et conformément aux modalités fixées par cette dernière, des fonctionnaires autorisés par l’autorité requérante peuvent être présents durant les enquêtes administratives effectuées sur le territoire de l’État membre requis, en vue d’échanger les informations visées à l’article 1er. Ces enquêtes administratives sont exclusivement effectuées par les fonctionnaires de l’autorité requise. Les fonctionnaires de l’autorité requérante
n’exercent pas les pouvoirs de contrôle reconnus aux fonctionnaires de l’autorité requise. Ils peuvent cependant accéder aux mêmes locaux et documents que ces derniers, par l’intermédiaire des fonctionnaires de l’autorité requise et pour les seuls besoins de l’enquête administrative en cours.
3. Les fonctionnaires de l’autorité requérante qui sont présents dans un autre État membre en application des paragraphes 1 et 2 doivent toujours être en mesure de présenter un mandat écrit dans lequel sont indiquées leur identité et leur qualité officielle. »
12 Le chapitre VIII du règlement no 904/2010, intitulé « Contrôles simultanés », contient les articles 29 et 30 de ce règlement.
13 L’article 29 dudit règlement est libellé comme suit :
« Les États membres peuvent convenir de procéder à des contrôles simultanés chaque fois qu’ils jugent que de tels contrôles sont plus efficaces qu’un contrôle effectué par un seul État membre. »
14 Aux termes de l’article 30 du même règlement :
« 1. Un État membre identifie de manière indépendante les assujettis qu’il a l’intention de proposer pour qu’ils fassent l’objet d’un contrôle simultané. L’autorité compétente de cet État membre informe les autorités compétentes des autres États membres concernés du choix des dossiers proposés pour faire l’objet de contrôles simultanés. Elle motive son choix, dans toute la mesure du possible, en fournissant les renseignements qui ont conduit à cette sélection. Elle indique le délai dans lequel
il y a lieu d’effectuer ces contrôles.
2. L’autorité compétente de l’État membre qui reçoit une proposition de contrôle simultané confirme à l’autorité de l’autre État membre son acceptation ou lui signifie son refus motivé, en principe dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la proposition et dans un délai maximal d’un mois.
3. Chaque autorité compétente des États membres concernés désigne un représentant chargé de superviser et de coordonner le contrôle. »
La directive (UE) 2017/2455
15 La directive (UE) 2017/2455 du Conseil, du 5 décembre 2017, modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens (JO 2017, L 348, p. 7), prévoit, à son article 2, intitulé « Modifications apportées à la directive 2006/112/CE avec effet au 1er janvier 2021 » :
« Avec effet au 1er janvier 2021, la directive 2006/112/CE est modifiée comme suit :
1) À l’article 14, le paragraphe suivant est ajouté :
“4. Aux fins de la présente directive, on entend par :
1. ‘ventes à distance intracommunautaires de biens’ : les livraisons de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans le transport ou l’expédition des biens, à partir d’un État membre autre que celui d’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
a) la livraison de biens est effectuée pour un assujetti ou pour une personne morale non assujettie, dont les acquisitions intracommunautaires de biens ne sont pas soumises à la TVA en vertu de l’article 3, paragraphe 1, ou pour toute autre personne non assujettie ;
b) les biens livrés sont autres que des moyens de transport neufs et autres que des biens livrés après montage ou installation, avec ou sans essai de mise en service, par le fournisseur ou pour son compte.
[...]”
[...]
3) L’article 33 est remplacé par le texte suivant :
“Article 33
Par dérogation à l’article 32 :
a) le lieu de livraison de ventes à distance intracommunautaires de biens est réputé se situer à l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur ;
b) le lieu de livraison de ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers est réputé se situer à l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur lorsque l’importation a lieu dans un État membre autre que celui d’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur ;
c) le lieu de livraison de ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers est réputé se situer dans l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur lorsque l’importation a lieu dans cet État membre, dès lors que la TVA sur ces biens doit être déclarée au titre du régime particulier prévu au titre XII, chapitre 6, section 4.”
[...] »
Le droit hongrois
16 L’article 2 de l’általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi no CXXVII de 2007 relative à la taxe sur la valeur ajoutée), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « loi relative à la TVA »), dispose :
« Sont soumises à la taxe prévue par cette loi :
a) les livraisons de biens ou les prestations de services exécutées par l’assujetti – en cette qualité – sur le territoire national, en échange d’une contrepartie,
[...] »
17 Aux termes de l’article 25 de la loi relative à la TVA :
« Lorsque les biens ne sont pas expédiés ou transportés, le lieu de livraison est réputé se situer à l’endroit où les biens se trouvent au moment de la livraison. »
18 L’article 29, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA est libellé comme suit :
« Par dérogation aux articles 26 et 28, lorsque les biens sont expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte et que la livraison a pour résultat que les biens arrivent dans un État membre de la Communauté autre que celui où ils se trouvaient au moment du départ de l’expédition ou du transport, le lieu de la livraison des biens est réputé se situer à l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport – à destination de l’acquéreur –, lorsque
les conditions suivantes sont réunies :
a) la livraison de biens :
aa) est effectuée pour un assujetti ou pour une personne morale non assujettie, dont les acquisitions intracommunautaires de biens ne sont pas soumises à la TVA en vertu de l’article 20, paragraphe 1, points a) et d), ou
ab) pour une personne ou un organisme non assujettis ; et
b) les biens livrés sont :
ba) autres que des moyens de transport neufs et
bb) autres que des biens livrés qui font l’objet d’un assemblage ou d’une installation, avec ou sans essai de mise en service.
[...] »
19 L’article 82, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA prévoit :
« Le montant de la taxe correspond à 27 % de la base d’imposition. »
20 L’article 2, paragraphe 1, de l’adózás rendjéről szóló 2003. évi XCII. törvény (loi no XCII de 2003 portant code de procédure fiscale), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code de procédure fiscale »), prévoit :
« Tous les droits exercés dans les rapports juridiques ayant pour objet la fiscalité doivent l’être conformément à leur destination. Dans l’application des lois fiscales, ne peuvent être qualifiés d’exercice des droits conformes à leur destination la conclusion de contrats ou la réalisation d’autres opérations dont la finalité est de contourner les dispositions des lois fiscales. »
21 L’article 6, paragraphe 1, du code de procédure fiscale énonce :
« On entend par “contribuable ou assujetti” toute personne sur laquelle pèse une obligation fiscale ou une obligation de paiement d’un impôt en vertu d’une loi établissant un impôt ou une aide budgétaire ou en vertu de la présente loi. »
22 Aux termes de l’article 86, paragraphe 1, de ce code :
« L’administration fiscale, aux fins de faire obstacle à l’érosion des recettes fiscales et aux demandes indues d’aides budgétaires et de remboursements d’impôts, procède à des contrôles réguliers des contribuables et des autres personnes impliquées dans le régime d’imposition. L’objectif des contrôles est d’établir si les obligations imposées par les lois fiscales et les autres règles de droit ont été mises à exécution ou enfreintes. Dans le cadre du contrôle, l’administration fiscale dévoile et
démontre les faits, circonstances ou données qui serviront de fondement à la constatation d’une infraction ou d’un abus de droit et à la procédure administrative ouverte du fait de cette infraction ou de cet abus de droit. »
23 L’article 95, paragraphe 1, dudit code dispose :
« L’administration fiscale procède au contrôle en examinant les documents, pièces justificatives, livres, et registres nécessaires à la fixation des montants qui servent d’assiette à l’impôt ou à l’aide budgétaire, y compris les données enregistrées électroniquement, les logiciels et les systèmes informatiques utilisés par le contribuable ainsi que les calculs et les autres faits, données et circonstances relatifs à la conduite de la comptabilité et de l’enregistrement et au traitement des pièces
justificatives. »
24 L’article 170, paragraphe 1, du code de procédure fiscale prévoit :
« En cas d’insuffisance de paiement de l’imposition, il y a lieu au paiement d’une amende fiscale. Le montant de l’amende s’élève, sauf disposition contraire de la présente loi, à 50 % du montant impayé. Le montant de l’amende s’élèvera à 200 % du montant impayé si la différence par rapport au montant à payer est liée à la dissimulation de revenus, ou à la falsification ou à la destruction d’éléments de preuve, de livres comptables ou d’enregistrements. [...] »
25 L’article 178, point 3, de ce code dispose :
« [...] on entend par :
[...]
“différence d’imposition” : la différence entre, d’une part, le montant de l’impôt ou de l’aide budgétaire déclaré (notifié), non déclaré (non notifié), ou établi ou appliqué sur la base d’une déclaration (notification) et, d’autre part, le montant de l’impôt ou de l’aide budgétaire établi ultérieurement par l’administration fiscale, en ce non compris la différence de solde à reporter sur les périodes suivantes. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
26 KrakVet est une société établie en Pologne. Elle ne détient, en Hongrie, ni bureau ni entrepôt, et il n’est pas contesté par les autorités fiscales hongroises qu’elle ne dispose pas d’un établissement aux fins de la TVA.
27 Son activité consiste en la vente de produits pour animaux qu’elle commercialise, notamment, au moyen de son site Internet, dont l’adresse de la page est www.zoofast.hu. Elle avait plusieurs clients en Hongrie par l’intermédiaire de ce site.
28 Au cours de l’année 2012, elle offrait, sur ledit site Internet, la possibilité pour les acquéreurs de conclure un contrat avec une société de transport établie en Pologne, aux fins de l’acheminement des produits qu’elle commercialise, sans être elle-même partie à ce contrat. Les acquéreurs pouvaient, toutefois, outre retirer les produits achetés directement à l’entrepôt de KrakVet, librement choisir un transporteur autre que celui recommandé. Par ailleurs, KrakVet confiait certains de ses
propres besoins logistiques à cette société de transport.
29 Le cas échéant, les produits en cause étaient acheminés par ladite société de transport jusqu’aux entrepôts de deux sociétés de messagerie établies en Hongrie qui, ensuite, les distribuaient aux clients hongrois. Le règlement du prix des produits achetés se faisait à la livraison, auprès du service de messagerie, ou par versement anticipé sur un compte bancaire.
30 Incertaine quant à l’État membre compétent au titre de la perception de la TVA relative à ses activités, KrakVet a saisi l’administration fiscale de son siège pour que cette dernière se prononce à cet égard. Par décision fiscale anticipée, l’administration fiscale polonaise a estimé que le lieu d’exécution des opérations de KrakVet se situait en Pologne et que cette société devait s’acquitter de la TVA dans cet État membre.
31 L’autorité fiscale hongroise de premier degré a effectué auprès de KrakVet un contrôle destiné à vérifier a posteriori les déclarations au titre de la TVA concernant l’année 2012. Dans ce cadre, cette société, en tant qu’assujettie, s’est vu attribuer un numéro d’identification fiscale technique par cette autorité fiscale.
32 Compte tenu du peu d’informations sur KrakVet et sur son mode de fonctionnement du point de vue fiscal, l’autorité fiscale hongroise de premier degré n’était pas en mesure de déterminer si cette société était établie en Hongrie du point de vue de la TVA. Cette autorité fiscale a donc effectué des vérifications en relation avec l’activité exercée par ladite société.
33 Dans le cadre de cette procédure fiscale administrative, l’autorité fiscale hongroise de premier degré a, notamment, interrogé les autorités fiscales polonaises sur la base des règles de coopération prévues par le droit de l’Union en matière fiscale.
34 Par décision du 16 août 2016, l’autorité fiscale hongroise de premier degré a mis à la charge de KrakVet le paiement d’une différence d’imposition au titre de la TVA, d’une amende et d’intérêts de retard ainsi que d’une amende pour non-respect de ses obligations d’enregistrement auprès de l’administration fiscale hongroise.
35 KrakVet a formé un recours contre cette décision devant la défenderesse au principal, agissant en qualité d’autorité fiscale de second degré, laquelle a confirmé la décision de l’autorité fiscale hongroise de premier degré par décision du 23 janvier 2017. Cette dernière décision est contestée par KrakVet devant la juridiction de renvoi.
36 Cette dernière estime que la solution du litige au principal dépend, d’une part, de l’étendue de l’obligation de coopération entre les autorités des États membres en vertu du règlement no 904/2010 et, d’autre part, de l’interprétation de la notion de livraison de biens expédiés ou transportés « par le fournisseur ou pour son compte », au sens de l’article 33 de la directive 2006/112.
37 En particulier, elle s’interroge sur la possibilité pour l’administration fiscale hongroise, eu égard au principe de neutralité fiscale et à l’objectif visant à éviter la double imposition, d’adopter une position différente de celle de l’administration fiscale polonaise. Le cas échéant, elle considère qu’il est nécessaire de préciser, d’une part, les exigences découlant de l’obligation de coopération entre les autorités fiscales des États membres quant à la détermination du lieu de livraison de
biens en cause au principal et, d’autre part, les conditions relatives à l’éventuel droit au remboursement de la TVA indûment payée.
38 De plus, il conviendrait de clarifier si les opérations en cause au principal relèvent de l’article 33 de la directive 2006/112, ce qui aurait pour conséquence que le lieu de la livraison doit être réputé se situer dans l’État membre où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur. À ce titre, la juridiction de renvoi s’interroge sur les éventuelles implications pour une telle interprétation des modifications du droit de l’Union entrant
en vigueur le 1er janvier 2021, conformément à la directive 2017/2455, en vertu desquelles le transport effectué pour le compte du vendeur couvrirait également les cas dans lesquels le transport ou l’expédition des biens serait effectué indirectement pour le compte du vendeur.
39 Par ailleurs, la situation en cause au principal soulèverait la question de savoir si, au vu des circonstances qui lui sont propres, il est possible de considérer la pratique de KrakVet comme étant abusive.
40 Dans ces conditions, le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Faut-il interpréter les objectifs de la directive [2006/112], et en particulier les exigences relatives à l’évitement des conflits de compétence et de la double imposition entre les États membres qui font l’objet de ses considérants 17 et 62, ainsi que les considérants 5, 7 et 8, et les articles 7, 13 et 28 à 30 du règlement [no 904/2010] en ce sens qu’ils ne permettent pas une pratique des autorités d’un État membre en vertu de laquelle une même opération reçoit une qualification différente
de celle donnée dans un autre État membre, en dépit de l’interprétation du droit par l’autorité de cet autre État membre, fondée sur des faits identiques, relativement à cette même opération, en dépit d’une décision fiscale anticipée émise par cette autorité sur cette base et en dépit de constatations faites dans le cadre d’un contrôle fiscal qui confirment cette interprétation et cette décision anticipée, avec pour résultat une double imposition de l’assujetti ?
2) S’il convient de répondre à la première question en ce sens qu’une telle pratique n’est pas contraire au droit [de l’Union], les autorités fiscales des États membres sont-elles, compte tenu de la directive [2006/112], habilitées à imposer unilatéralement des obligations fiscales, en ne tenant pas compte de ce que l’administration fiscale d’un autre État membre a confirmé à plusieurs reprises, préalablement, à la demande de l’assujetti, et dans des décisions ultérieures prises à la suite d’un
contrôle, la régularité du comportement de l’assujetti ?
Ou bien, au contraire, pour assurer l’application du principe de neutralité fiscale et éviter la double imposition, les autorités des deux États membres sont-elles tenues de coopérer sur le dossier de l’assujetti pour parvenir à une solution grâce à laquelle l’assujetti ne devra payer la TVA que dans l’un des deux États membres ?
3) S’il convient de répondre à la deuxième question en ce sens que l’administration fiscale d’un État membre est habilitée à qualifier unilatéralement une opération, faut-il interpréter les dispositions de la directive [2006/112] en ce sens que l’administration fiscale de l’autre État membre est tenue de rembourser à l’assujetti tenu au paiement de la TVA la taxe établie dans la décision fiscale anticipée par l’administration fiscale de l’autre État membre et payée en relation avec les périodes
clôturées par le contrôle fiscal, et cela afin d’éviter la double imposition et d’assurer l’application du principe de neutralité fiscale ?
4) Comment faut-il interpréter la notion de livraison “par ou pour le compte” du vendeur, au sens de l’article 33, paragraphe 1, première phrase, de la directive [2006/112] ? La notion précitée couvre-t-elle le cas dans lequel l’assujetti, en tant que vendeur, offre, sur sa plate-forme d’achat Internet, la possibilité pour l’acquéreur de conclure un contrat avec une entreprise de logistique avec laquelle le vendeur collabore dans des opérations différentes de la vente, mais que l’acquéreur peut
aussi librement choisir un autre transporteur, différent de celui qui est recommandé, que le contrat de transport est conclu entre l’acquéreur et le transporteur et que le vendeur n’est pas partie au contrat ?
En vue d’interpréter cette notion, et tenant compte en particulier du principe de sécurité juridique, peut-on considérer comme un élément pertinent le fait que les États membres doivent modifier, d’ici à l’année 2021, la réglementation transposant les dispositions précitées de la directive [2006/112], en ce sens que l’article 33, paragraphe 1, de [cette directive] s’applique dans le cas d’une participation indirecte au choix du transporteur ?
5) Le droit de l’Union, et en particulier la directive [2006/112], doit-il être interprété en ce sens que les faits suivants sont, ensemble ou séparément, pertinents pour apprécier si des entreprises indépendantes, effectuant des opérations de vente de produits ainsi que de livraison ou de transport, ont établi une relation juridique en vue, pour l’assujetti, de contourner les dispositions de l’article 33 de la directive [2006/112], commettant ainsi un abus de droit destiné à profiter de ce que
le taux de la TVA est moins élevé dans l’autre État membre :
5.1) l’entreprise de logistique effectuant le transport est une entreprise associée à l’assujetti et ce dernier fournit à l’assujetti d’autres prestations indépendamment du transport ;
5.2) mais, en même temps, l’acquéreur peut à tout moment s’écarter de la pratique recommandée par l’assujetti qui veut qu’il ait recours au partenaire logistique qui a contracté avec lui pour le transport, l’acquéreur ayant la possibilité de confier le transport à un transporteur différent ou de prendre personnellement livraison des biens ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur les première à troisième questions
41 Par ses première à troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2006/112 ainsi que les articles 7, 13 et 28 à 30 du règlement no 904/2010 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les autorités fiscales d’un État membre puissent, unilatéralement, soumettre des opérations à un traitement fiscal en matière de TVA différent de celui en vertu duquel elles ont déjà été imposées dans un autre État membre.
42 Il convient de rappeler que le titre V de la directive 2006/112 contient les dispositions consacrées à la détermination du lieu des opérations imposables, lesquelles dispositions ont pour but, conformément, notamment, aux considérants 17 et 62 de cette directive, d’éviter les conflits de compétence susceptibles de conduire tant à des situations de double imposition qu’à la non-imposition de recettes (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C‑111/05, EU:C:2007:195, point 43).
43 À cet égard, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il ressort de ses considérants 5 et 7, le règlement no 904/2010 a pour objectif, par la mise en place d’un système commun de coopération entre les États membres, en particulier en ce qui concerne l’échange d’informations, de contribuer à l’assurance de l’établissement correct de la TVA, notamment pour ce qui est des activités exercées sur le territoire de l’un d’entre eux, mais dont la TVA afférente est due dans un autre État membre. Or, ainsi que
le législateur de l’Union l’a reconnu, au considérant 8 de ce règlement, contrôler l’application correcte de la TVA sur les opérations transfrontalières imposables dans un État membre autre que celui où est établi le prestataire ou le fournisseur dépend, dans la plupart des cas, des informations détenues par l’État membre d’établissement ou pouvant être obtenues beaucoup plus facilement par ce dernier.
44 Ainsi, ledit règlement, conformément à son article 1er, paragraphe 1, détermine les conditions dans lesquelles les autorités compétentes chargées, dans les États membres, de l’application de la législation relative à la TVA coopèrent entre elles ainsi qu’avec la Commission en vue d’assurer le respect de cette législation et, à cette fin, définit des règles et des procédures permettant aux autorités compétentes des États membres de coopérer et d’échanger entre elles toutes les informations
susceptibles de permettre l’établissement correct de la TVA, de contrôler l’application correcte de la TVA, notamment sur les opérations intracommunautaires, et de lutter contre la fraude à la TVA.
45 À ce titre, les articles 7 et 13 du règlement no 904/2010 concernent, conformément à l’intitulé des chapitres II et III de celui-ci dans lesquels ils s’insèrent respectivement, l’échange d’informations entre les autorités compétentes des États membres soit à la suite d’une demande adressée par l’une d’entre elles, soit sans demande préalable. Quant à l’article 28 de ce règlement, il a trait, ainsi qu’il ressort de l’intitulé du chapitre VII de celui-ci dans lequel il est inclus, à la question de
la présence des fonctionnaires autorisés par l’autorité requérante dans les bureaux administratifs de l’État membre requis et de leur participation aux enquêtes administratives effectuées sur le territoire de cet État membre. Par ailleurs, les articles 29 et 30 dudit règlement, conformément à l’intitulé du chapitre VIII de celui-ci dont ils font partie, sont relatifs aux contrôles simultanés auxquels les États membres peuvent convenir de procéder.
46 Le règlement no 904/2010 permet donc la mise en place d’un système commun de coopération au moyen duquel l’administration fiscale d’un État membre peut adresser une demande à l’autorité fiscale d’un autre État membre, notamment lorsque, eu égard au devoir de coopérer afin de contribuer à l’assurance de l’établissement correct de la TVA, énoncé au considérant 7 de ce règlement, une telle demande peut s’avérer opportune, voire nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015,
WebMindLicenses, C‑419/14, EU:C:2015:832, point 57).
47 Il peut en être ainsi, notamment, lorsque l’administration fiscale d’un État membre sait ou doit raisonnablement savoir que l’administration fiscale d’un autre État membre dispose de renseignements qui sont utiles, voire indispensables, pour déterminer si la TVA est exigible dans le premier État membre (arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C‑419/14, EU:C:2015:832, point 58).
48 Toutefois, force est de constater que le règlement no 904/2010 se limite à permettre une coopération administrative aux fins de l’échange des informations qui sont susceptibles d’être nécessaires aux autorités fiscales des États membres. Ce règlement ne régit donc pas la compétence de ces autorités pour procéder, eu égard à de telles informations, à la qualification des opérations concernées au regard de la directive 2006/112 (voir, par analogie, arrêt du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07,
EU:C:2009:33, points 62 et 63 ainsi que jurisprudence citée).
49 Il s’ensuit que le règlement no 904/2010 n’établit ni une obligation imposant aux autorités fiscales de deux États membres de coopérer afin de parvenir à une solution commune quant au traitement d’une opération aux fins de la TVA ni une exigence en vertu de laquelle les autorités fiscales d’un État membre seraient liées par la qualification donnée à cette opération par les autorités fiscales d’un autre État membre.
50 Au demeurant, il convient de préciser que l’application correcte de la directive 2006/112 permet d’éviter la double imposition et d’assurer la neutralité fiscale et, ainsi, de réaliser les objectifs rappelés au point 42 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Toridas, C‑386/16, EU:C:2017:599, point 43). Dès lors, l’existence, dans un ou plusieurs autres États membres, d’approches différentes de celle qui prévaut dans l’État membre concerné ne saurait, en tout état de cause,
conduire à une application erronée des dispositions de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2018, Marcandi, C‑544/16, EU:C:2018:540, point 65).
51 Lorsqu’elles constatent qu’une même opération fait l’objet d’un traitement fiscal différent dans un autre État membre, les juridictions d’un État membre saisies d’un litige soulevant des questions comportant une interprétation des dispositions du droit de l’Union nécessitant une décision de leur part ont la faculté, voire l’obligation, selon que leurs décisions sont susceptibles ou non de faire l’objet d’un recours juridictionnel de droit interne, de saisir la Cour d’une demande de décision
préjudicielle (arrêt du 5 juillet 2018, Marcandi, C‑544/16, EU:C:2018:540, points 64 et 66).
52 Cela étant, s’il s’avère, le cas échéant à la suite d’une décision de la Cour statuant à titre préjudiciel, que la TVA a déjà été indûment versée dans un État membre, il importe de souligner que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles ont été
interprétées par la Cour. L’État membre concerné est donc tenu, en principe, de rembourser les taxes perçues en violation du droit de l’Union. La demande de remboursement de la TVA indûment versée relève du droit à la répétition de l’indu, qui, selon une jurisprudence constante, tend à remédier aux conséquences de l’incompatibilité de la taxe avec le droit de l’Union en neutralisant la charge économique qu’elle a fait indûment peser sur l’opérateur qui l’a, en définitive, effectivement supportée
(arrêt du 14 juin 2017, Compass Contract Services, C‑38/16, EU:C:2017:454, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée).
53 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première à troisième questions que la directive 2006/112 ainsi que les articles 7, 13 et 28 à 30 du règlement no 904/2010 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que les autorités fiscales d’un État membre puissent, unilatéralement, soumettre des opérations à un traitement fiscal en matière de TVA différent de celui en vertu duquel elles ont déjà été imposées dans un autre État membre.
Sur la quatrième question
54 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 33 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, lorsque les biens vendus par un fournisseur établi dans un État membre à des acquéreurs résidant dans un autre État membre sont acheminés à ces derniers par une société recommandée par ce fournisseur, mais avec laquelle les acquéreurs sont libres de contracter aux fins de cet acheminement, ces biens doivent être considérés comme expédiés ou
transportés « par le fournisseur ou pour son compte ».
55 À titre liminaire, il y a lieu d’observer que l’article 2 de la directive 2017/2455 dispose que les biens sont expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans le transport ou l’expédition des biens.
56 Toutefois, ainsi qu’il ressort tant de l’intitulé que du libellé de cette disposition, la modification de la directive 2006/112 qu’elle prévoit ne prendra effet qu’au 1er janvier 2021.
57 Dès lors, étant donné que cette modification n’est pas applicable ratione temporis au litige au principal, il n’y a pas lieu de tenir compte du critère relatif à l’intervention indirecte du fournisseur aux fins de la détermination des conditions dans lesquelles il y a lieu de considérer des biens comme expédiés ou transportés « par le fournisseur ou pour son compte », au sens de l’article 33 de cette directive.
58 Cette précision étant faite, il convient d’observer que, conformément à l’article 32 de ladite directive, dans le cas où le bien est expédié ou transporté soit par le fournisseur, soit par l’acquéreur, soit par une tierce personne, le lieu de la livraison est réputé se situer à l’endroit où le bien se trouve au moment du départ de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur.
59 Toutefois, de manière dérogatoire, l’article 33 de la même directive prévoit que le lieu d’une livraison de biens expédiés ou transportés, par le fournisseur ou pour son compte, à partir d’un État membre autre que celui d’arrivée de l’expédition ou du transport est réputé se situer, sous réserve du respect de certaines conditions que cette disposition énumère, à l’endroit où les biens se trouvent au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur.
60 À cet égard, s’il constitue une dérogation à l’article 32 de la directive 2006/112, l’article 33 de celle-ci vise à garantir que, conformément à la logique qui sous-tend les dispositions de cette directive concernant le lieu des livraisons de biens, l’imposition s’effectue dans la mesure du possible à l’endroit où les biens sont consommés (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2019, Srf konsulterna, C‑647/17, EU:C:2019:195, point 29 et jurisprudence citée).
61 Afin de déterminer ce qu’il convient d’entendre par une expédition ou une livraison « par le fournisseur ou pour son compte », au sens de l’article 33 de cette directive, il y a lieu de rappeler que la prise en compte de la réalité économique et commerciale constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Budimex, C‑224/18, EU:C:2019:347, point 27 et jurisprudence citée).
62 Eu égard à cette réalité économique et commerciale, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 102 de ses conclusions, les biens sont expédiés ou transportés pour le compte du fournisseur si c’est ce dernier, plutôt que l’acquéreur, qui prend effectivement les décisions régissant la façon dont ces biens doivent être expédiés ou transportés.
63 Dès lors, il y a lieu de considérer qu’une livraison de biens relève de l’article 33 de la directive 2006/112 lorsque le rôle du fournisseur est prépondérant en ce qui concerne l’initiative ainsi que l’organisation des étapes essentielles de l’expédition ou du transport des biens.
64 S’il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est le cas dans le cadre du litige pendant devant elle, en tenant compte de l’ensemble des éléments en cause au principal, la Cour estime utile de lui fournir, aux fins d’une telle appréciation, les indications suivantes.
65 Ainsi qu’il ressort des informations transmises par la juridiction de renvoi, la requérante au principal fait valoir, en particulier, qu’il ne saurait être considéré que les biens en cause ont été expédiés ou transportés pour son compte étant donné que, même si elle recommandait une société de transport aux acquéreurs qui achetaient des biens auprès d’elle, ce sont ces acquéreurs qui mandataient cette société de transport au moyen d’un contrat auquel elle n’était pas partie.
66 S’agissant de la valeur des stipulations contractuelles dans le cadre de la qualification d’une opération taxable, il convient de rappeler que, dans la mesure où la situation contractuelle reflète normalement la réalité économique et commerciale des opérations, les stipulations contractuelles pertinentes constituent un élément à prendre en considération (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2013, Newey, C‑653/11, EU:C:2013:409, point 43).
67 Il peut cependant s’avérer que, parfois, certaines stipulations contractuelles ne reflètent pas totalement la réalité économique et commerciale des opérations (arrêt du 20 juin 2013, Newey, C‑653/11, EU:C:2013:409, point 44).
68 En l’occurrence, il ne saurait être considéré que des stipulations contractuelles, telles que celles en cause au principal, reflètent la réalité économique et commerciale des opérations en cause si, au moyen de celles-ci, les acquéreurs ne font qu’entériner les choix effectués par le fournisseur, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier par une analyse d’ensemble des circonstances du litige au principal.
69 À cet égard, afin de déterminer si les biens concernés ont été expédiés ou transportés pour le compte du fournisseur, il y a lieu de tenir compte, premièrement, de l’importance que revêt la question de l’acheminement de ces biens vers les acquéreurs au regard des pratiques commerciales qui caractérisent l’activité exercée par le fournisseur concerné. Il est, notamment, possible de considérer que, si cette activité consiste à proposer activement des biens, à titre onéreux, à des acquéreurs
résidant dans un État membre autre que celui dans lequel ce fournisseur est établi et sur le territoire duquel il ne dispose pas d’un établissement ou d’un entrepôt, l’organisation, par ledit fournisseur, des moyens permettant de procéder à l’acheminement des biens concernés vers leurs acquéreurs constitue, en principe, une partie essentielle de ladite activité.
70 Afin d’apprécier si le fournisseur propose activement des biens à des acquéreurs résidant dans un État membre, la juridiction de renvoi pourra, notamment, tenir compte de l’extension de l’adresse du site Internet sur lequel les biens concernés sont proposés ainsi que de la langue dans laquelle ce site est accessible.
71 Deuxièmement, il convient d’apprécier à qui, du fournisseur ou de l’acquéreur, peuvent être effectivement imputés les choix relatifs aux modalités de l’expédition ou du transport des biens concernés.
72 À ce titre, une expédition ou un transport des biens concernés pour le compte du fournisseur de ceux-ci ne saurait être déduit en raison du simple fait que le contrat conclu par les acquéreurs aux fins de l’acheminement de ces biens le soit avec une société qui collabore avec ce fournisseur pour des activités autres que la vente des produits de celui-ci.
73 Il en irait, en revanche, différemment si, par ce contrat, les acquéreurs ne font qu’acquiescer aux choix effectués par le fournisseur, qu’ils concernent la désignation de la société chargée de l’acheminement des biens concernés ou les modalités selon lesquelles ces biens sont expédiés ou transportés.
74 Une appréciation en ce sens pourrait notamment être déduite d’éléments tels que le choix réduit de sociétés recommandées par le fournisseur, voire limité à une seule société, aux fins de l’acheminement des biens concernés ou le fait que les contrats relatifs à l’expédition ou au transport de ces biens peuvent être conclus directement à partir du site Internet de ce fournisseur sans que les acquéreurs aient à entreprendre des démarches autonomes afin de contacter les sociétés en charge de cet
acheminement.
75 Troisièmement, il y a lieu d’examiner la question de savoir sur quel agent économique pèse la charge du risque lié à l’expédition et à la livraison de biens en cause.
76 À cet égard, la requérante au principal fait valoir que les stipulations contractuelles liant l’acquéreur et la société de transport indiquent qu’une telle charge incombe à cette dernière et déduit de cet élément que les biens en cause au principal n’étaient pas expédiés ou transportés pour son compte. Or, il convient d’observer que le fait que la charge du risque lié à l’acheminement des biens concernés soit supportée par la société de transport n’emporte pas, en soi, de conséquences quant à la
question de savoir si le transport de ces biens est effectué pour le compte du fournisseur ou pour celui de l’acquéreur.
77 Cela étant, il pourrait être considéré que, nonobstant les stipulations contractuelles faisant reposer la charge du risque sur la société en charge de l’acheminement desdits biens, l’expédition ou le transport de ceux-ci est effectué pour le compte du fournisseur si celui-ci supporte effectivement, in fine, les coûts liés à l’indemnisation des dommages survenus lors de cette expédition ou de ce transport.
78 Quatrièmement, il convient d’apprécier les modalités de paiement relatives tant à la livraison des biens concernés qu’à leur expédition ou à leur transport. Si, alors que les acquéreurs sont formellement liés au fournisseur et à la société de transport par des contrats distincts, l’acquisition de ces biens ainsi que l’expédition ou le transport de ceux‑ci font l’objet d’une transaction financière unique, il y a lieu de tenir une telle circonstance comme un indice de l’importante implication du
fournisseur dans l’acheminement desdits biens.
79 À cet égard, ainsi que la requérante au principal l’a reconnu au cours de l’audience devant la Cour, le fait que les acquéreurs acquittent à la réception des biens concernés et auprès du transporteur de ceux-ci tant le montant de ces biens que celui de leur transport constitue une pratique courante.
80 Une telle implication du fournisseur se constaterait, également, eu égard à la réalité économique et commerciale des opérations en cause, s’il devait être établi que, par principe ou sous réserve que certaines conditions soient remplies, telles que le fait d’atteindre un montant minimal d’achat, le montant des frais d’expédition ou de transport ne revêt qu’un caractère symbolique ou que le fournisseur octroie une remise sur le prix des produits qui aboutit au même effet.
81 Dès lors, selon les informations dont dispose la Cour et sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, il serait possible de considérer que la requérante au principal a joué un rôle prépondérant eu égard tant à l’initiative qu’à l’organisation des étapes essentielles de l’expédition ou du transport des biens en cause au principal, de sorte qu’il y a lieu de considérer que ces biens ont été acheminés pour le compte du fournisseur, au sens de l’article 33 de la directive 2006/112.
82 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 33 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, lorsque les biens vendus par un fournisseur établi dans un État membre à des acquéreurs résidant dans un autre État membre sont acheminés à ces derniers par une société recommandée par ce fournisseur, mais avec laquelle les acquéreurs sont libres de contracter aux fins de cet acheminement, ces biens doivent être considérés comme
expédiés ou transportés « par le fournisseur ou pour son compte » lorsque le rôle dudit fournisseur est prépondérant en ce qui concerne l’initiative ainsi que l’organisation des étapes essentielles de l’expédition ou du transport desdits biens, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier en tenant compte de l’ensemble des éléments du litige au principal.
Sur la cinquième question
83 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi vise, en substance, à savoir si le droit de l’Union et, en particulier, la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’il y a lieu de constater que sont constitutives d’un abus de droit des opérations par lesquelles les biens vendus par un fournisseur sont acheminés vers les acquéreurs par une société que ce fournisseur recommande, alors que, d’une part, ledit fournisseur et cette société sont liés, en ce sens que, indépendamment
de cet acheminement, ladite société prend en charge certains des besoins logistiques de ce même fournisseur, et que, d’autre part, ces acquéreurs demeurent, toutefois, libres d’avoir recours à une autre société ou de prendre personnellement livraison des biens.
84 À cet égard, il convient de rappeler que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par cette directive et que le principe d’interdiction des pratiques abusives, qui s’applique au domaine de la TVA, conduit à prohiber les montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, effectués à la seule fin d’obtenir un avantage fiscal (arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C‑419/14, EU:C:2015:832, point 35 et jurisprudence
citée).
85 Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans le domaine de la TVA, la constatation de l’existence d’une pratique abusive exige la réunion de deux conditions, à savoir, d’une part, que les opérations en cause, malgré l’application formelle des conditions prévues par les dispositions pertinentes de ladite directive et de la législation nationale la transposant, aient pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par ces
dispositions et, d’autre part, qu’il résulte d’un ensemble d’éléments objectifs que le but essentiel des opérations en cause se limite à l’obtention de cet avantage fiscal (arrêt du 10 juillet 2019, Kuršu zeme, C‑273/18, EU:C:2019:588, point 35 et jurisprudence citée).
86 À titre liminaire, il convient, dès lors, de préciser que, l’existence d’une pratique abusive supposant l’application formelle des conditions prévues par les dispositions pertinentes de la directive 2006/112, la juridiction de renvoi ne saurait s’interroger sur le caractère éventuellement abusif des agissements de la requérante au principal si elle conclut, eu égard aux indications fournies dans le cadre de la réponse à la quatrième question, que cette requérante a méconnu l’article 33 de cette
directive, étant donné qu’il y a lieu de considérer que les biens en cause au principal ont été acheminés pour le compte du fournisseur, au sens de cette disposition.
87 Cette précision étant faite, il y a lieu de relever que cette juridiction considère que le fournisseur en cause au principal, ne s’étant pas vu appliquer les dispositions prévues à l’article 33 de ladite directive consacrées aux livraisons de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, a bénéficié du taux moins élevé de TVA de l’État membre où il est établi.
88 S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si les opérations dans le cadre desquelles un fournisseur établi dans un État membre livre des biens à titre onéreux à des acquéreurs résidant sur le territoire d’un autre État membre tout en leur recommandant une société de transport aux fins de l’acheminement de ces biens ont pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal contraire aux objectifs de la directive 2006/112, il y a lieu d’observer, d’une part, que, dans le cas où la dérogation
prévue à l’article 33 de cette directive ne s’applique pas à ces opérations, ces dernières relèvent de l’article 32 de ladite directive qui prévoit que le lieu de la livraison est réputé se situer à l’endroit où le bien se trouve au moment du départ de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur.
89 D’autre part, les différences entre les taux normaux de TVA appliqués par les États membres résultent d’une absence d’harmonisation complète opérée par la directive 2006/112, qui ne fixe que le taux minimal. Dans ces conditions, le fait de bénéficier dans un État membre d’un taux normal de TVA moins élevé que celui en vigueur dans un autre État membre ne saurait être considéré en lui‑même comme un avantage fiscal dont l’octroi est contraire aux objectifs de cette directive (arrêt du 17 décembre
2015, WebMindLicenses, C‑419/14, EU:C:2015:832, points 39 et 40).
90 Quant à la question de savoir, en second lieu, si le but essentiel d’une opération se limite à l’obtention de cet avantage fiscal, il convient de rappeler que, en matière de TVA, la Cour a déjà jugé que, lorsque l’assujetti a le choix entre deux opérations, il n’est pas obligé de choisir celle qui implique le paiement du montant de TVA le plus élevé, mais a le droit, au contraire, de choisir la structure de son activité de manière à limiter sa dette fiscale. Les assujettis sont ainsi généralement
libres de choisir les structures organisationnelles et les modalités transactionnelles qu’ils estiment les plus appropriées pour leurs activités économiques et pour limiter leurs charges fiscales (arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C‑419/14, EU:C:2015:832, point 42).
91 Dès lors, afin de constater que les circonstances en cause au principal sont constitutives d’une pratique abusive, il faut établir que la distinction entre le fournisseur des biens concernés et le transporteur qu’il recommande relève d’un montage purement artificiel dissimulant le fait que ces deux sociétés constituent, en réalité, une seule entité économique.
92 Aux fins d’une telle appréciation, il y a lieu d’observer, d’une part, qu’il est indifférent que les acquéreurs de biens aient la possibilité de confier le transport de ceux-ci à un transporteur différent de celui recommandé par le fournisseur.
93 D’autre part, le fait que le fournisseur et la société de transport soient liés, en ce sens que cette société effectue au profit de ce fournisseur d’autres prestations logistiques indépendamment du transport des biens de celui-ci, n’apparaît pas décisif en lui-même.
94 Toutefois, il serait possible de conclure à un montage purement artificiel si les services d’expédition ou de transport des biens concernés par la société recommandée par le fournisseur ne sont pas fournis dans le cadre d’une activité économique réelle.
95 Or, force est de constater qu’aucun élément soumis à la Cour n’est de nature à démontrer que la société de transport recommandée par le fournisseur en cause au principal n’exerçait pas une activité économique réelle, laquelle ne se limitait pas à la prise en charge de certains besoins logistiques de ce fournisseur et à la livraison des biens de ce dernier. Il apparaît, donc, que cette société de transport exerçait une activité en son propre nom et pour son propre compte, sous sa propre
responsabilité et à ses propres risques (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C‑419/14, EU:C:2015:832, point 45).
96 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la cinquième question que le droit de l’Union et, en particulier, la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’il n’y a pas lieu de constater que sont constitutives d’un abus de droit des opérations par lesquelles les biens vendus par un fournisseur sont acheminés vers les acquéreurs par une société que ce fournisseur recommande, alors que, d’une part, ledit fournisseur et cette société sont liés, en ce sens que,
indépendamment de cet acheminement, ladite société prend en charge certains des besoins logistiques de ce même fournisseur, et que, d’autre part, ces acquéreurs demeurent, toutefois, libres d’avoir recours à une autre société ou de prendre personnellement livraison des biens, dès lors que ces circonstances ne sont pas susceptibles d’affecter le constat selon lequel le fournisseur et la société de transport qu’il recommande sont des sociétés indépendantes qui mènent, pour leur propre compte, des
activités économiques réelles et que, de ce fait, ces opérations ne sauraient être qualifiées d’abusives.
Sur les dépens
97 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les articles 7, 13 et 28 à 30 du règlement (UE) no 904/2010 du Conseil, du 7 octobre 2010, concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que les autorités fiscales d’un État membre puissent, unilatéralement, soumettre des opérations
à un traitement fiscal en matière de taxe sur la valeur ajoutée différent de celui en vertu duquel elles ont déjà été imposées dans un autre État membre.
2) L’article 33 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, lorsque les biens vendus par un fournisseur établi dans un État membre à des acquéreurs résidant dans un autre État membre sont acheminés à ces derniers par une société recommandée par ce fournisseur, mais avec laquelle les acquéreurs sont libres de contracter aux fins de cet acheminement, ces biens doivent être considérés comme expédiés ou transportés « par le fournisseur ou pour son compte » lorsque le rôle dudit
fournisseur est prépondérant en ce qui concerne l’initiative ainsi que l’organisation des étapes essentielles de l’expédition ou du transport desdits biens, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier en tenant compte de l’ensemble des éléments du litige au principal.
3) Le droit de l’Union et, en particulier, la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’il n’y a pas lieu de constater que sont constitutives d’un abus de droit des opérations par lesquelles les biens vendus par un fournisseur sont acheminés vers les acquéreurs par une société que ce fournisseur recommande, alors que, d’une part, ledit fournisseur et cette société sont liés, en ce sens que, indépendamment de cet acheminement, ladite société prend en charge certains des besoins
logistiques de ce même fournisseur, et que, d’autre part, ces acquéreurs demeurent, toutefois, libres d’avoir recours à une autre société ou de prendre personnellement livraison des biens, dès lors que ces circonstances ne sont pas susceptibles d’affecter le constat selon lequel le fournisseur et la société de transport qu’il recommande sont des sociétés indépendantes qui mènent, pour leur propre compte, des activités économiques réelles et que, de ce fait, ces opérations ne sauraient être
qualifiées d’abusives.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le hongrois.