CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 3 décembre 2020 ( 1 )
Affaire C‑559/19
Commission européenne
contre
Royaume d’Espagne
(Détérioration de l’espace naturel de Doñana)
« Environnement – Directive 2000/60/CE – Cadre pour une politique de l’Union européenne dans le domaine de l’eau – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Détérioration des masses d’eau souterraines dans l’espace naturel de Doñana – Absence de caractérisation plus précise des masses d’eau souterraines ou groupes de masses d’eau souterraines dans l’espace naturel de Doñana pour lesquels un risque a été établi en ce qui concerne les
objectifs à atteindre – Mesures de base et complémentaires appropriées du plan de gestion du district hydrographique du Guadalquivir – Détérioration de divers habitats naturels »
Table des matières
I. Introduction
II. Le cadre juridique
A. La directive-cadre sur l’eau
B. La directive « habitats »
III. Les faits et la procédure précontentieuse
IV. Conclusions des parties
V. Appréciation en droit
A. Les conclusions du Royaume d’Espagne
B. L’interdiction de détérioration de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats »
1. Objet et recevabilité du moyen de recours
2. Critère de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats »
3. Application
a) Affectation des habitats protégés
b) Applicabilité dans le temps de l’interdiction de détérioration
c) Absence d’invalidation par le Royaume d’Espagne
4. Conclusion intermédiaire
C. L’obligation de caractérisation plus détaillée des masses d’eau souterraines en vertu de l’article 5, lu en combinaison avec l’annexe II, point 2.2, de la directive-cadre sur l’eau
1. Caractérisation dans les plans de gestion
2. Appréciation erronée des risques dans le premier plan de gestion des années 2009 à 2015
3. Deuxième plan de gestion
a) Admission du manquement par le Royaume d’Espagne
b) Sur le découpage géographique des masses d’eau souterraines
c) Le nombre des points de mesure
d) Lacunes dans l’estimation du captage
4. Conclusion intermédiaire
D. L’interdiction de détérioration de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), de la directive-cadre sur l’eau
1. Objet du moyen
2. Sur la détérioration
a) Transition d’un bon état à un mauvais état
b) Détérioration d’un mauvais état
i) Sur la notion de « détérioration »
ii) Argumentation au sujet du bilan de captage
c) Sur la justification de la détérioration
3. Conclusion intermédiaire
E. Le programme de mesures au titre de l’article 11 de la directive-cadre sur l’eau
1. Mesures individuelles de mise en œuvre de l’obligation d’amélioration et de l’interdiction de détérioration de la directive-cadre sur l’eau
a) Régularisation
b) Dotations
c) Apport d’eaux de surface à des fins d’irrigation
2. Prévention des atteintes à une zone protégée – Captage de l’eau à Matalascañas
3. Conclusion intermédiaire
VI. Sur les dépens
VII. Conclusion
I. Introduction
1. Le sud-ouest de l’Espagne abrite l’espace naturel de Doñana, dans lequel des zones protégées importantes au titre de la directive 92/43/CEE ( 2 ) et de la directive 2009/147/CE ( 3 ) ont été définies. C’est aussi dans cette région que se trouvent, du moins en dehors de ces zones protégées, les zones de culture de l’Union européenne les plus importantes pour les « fruits rouges », en particulier les fraises, pour l’irrigation desquels des quantités importantes d’eaux souterraines sont puisées. Ce
captage dépasse, du moins dans certaines zones, le renouvellement des eaux souterraines, ce qui entraîne depuis de nombreuses années une baisse de leur niveau.
2. La Commission européenne y voit des manquements aux interdictions de détérioration de la directive 2000/60/CE ( 4 ) et de la directive « habitats », raison pour laquelle elle mène la présente procédure contre le Royaume d’Espagne.
3. Pour ce qui est de la directive-cadre sur l’eau, il en va de la détérioration de l’état quantitatif des eaux souterraines dans l’ensemble de la région de Doñana. Mais comment la notion de « détérioration » doit-elle être comprise dans ce contexte ? Vise-t-elle la baisse des réserves d’eaux souterraines ? Ou bien l’utilisation inchangée des eaux souterraines, par exemple pour irriguer les surfaces agricoles, doit-elle être considérée comme un maintien de l’état existant sans détérioration
supplémentaire ? Là est la question centrale de la présente procédure.
4. Il convient par ailleurs de préciser comment apprécier, au titre de la directive-cadre sur l’eau, l’état initial des eaux souterraines et quelles mesures un État membre doit adopter afin d’améliorer un mauvais état quantitatif des eaux souterraines.
5. La violation invoquée de la directive « habitats » concerne, quant à elle, non les eaux souterraines, qui ne sont pas directement protégées par la directive, mais la modification d’habitats naturels protégés dans lesdites zones protégées. Le litige porte à cet égard en particulier sur le point de savoir si la baisse du niveau des eaux souterraines conduit à l’assèchement de ces habitats naturels.
II. Le cadre juridique
A. La directive-cadre sur l’eau
6. L’article 1er de la directive-cadre sur l’eau contient l’objectif suivant :
« La présente directive a pour objet d’établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines, qui :
a) prévienne toute dégradation supplémentaire, préserve et améliore l’état des écosystèmes aquatiques ainsi que, en ce qui concerne leurs besoins en eau, des écosystèmes terrestres et des zones humides qui en dépendent directement ;
[...]
et contribue ainsi :
– à assurer un approvisionnement suffisant en eau de surface et en eau souterraine de bonne qualité pour les besoins d’une utilisation durable, équilibrée et équitable de l’eau,
[...] »
7. L’article 2 de cette directive contient, notamment, les définitions suivantes :
« [...]
11) “aquifère” : une ou plusieurs couches souterraines de roche ou d’autres couches géologiques d’une porosité et perméabilité suffisantes pour permettre soit un courant significatif d’eau souterraine, soit le captage de quantités importantes d’eau souterraine ;
12) “masse d’eau souterraine” : un volume distinct d’eau souterraine à l’intérieur d’un ou de plusieurs aquifères ;
[...]
26) “état quantitatif” : l’expression du degré d’incidence des captages directs et indirects sur une masse d’eau souterraine ;
27) “ressource disponible d’eau souterraine” : le taux moyen annuel à long terme de la recharge totale de la masse d’eau souterraine moins le taux annuel à long terme de l’écoulement requis pour atteindre les objectifs de qualité écologique des eaux de surface associées fixés à l’article 4, afin d’éviter toute diminution significative de l’état écologique de ces eaux et d’éviter toute dégradation significative des écosystèmes terrestres associés ;
28) “bon état quantitatif” : l’état défini dans le tableau 2.1.2 de l’annexe V ;
[...] »
8. L’annexe V, point 2.1.2, de la directive-cadre sur l’eau décrit le bon état quantitatif de l’eau souterraine comme suit :
« Le niveau de l’eau souterraine dans la masse d’eau souterraine est tel que le taux annuel moyen de captage à long terme ne dépasse pas la ressource disponible de la masse souterraine.
En conséquence, le niveau de l’eau souterraine n’est pas soumis à des modifications anthropogéniques telles qu’elles :
– empêcheraient d’atteindre les objectifs environnementaux déterminés au titre de l’article 4 pour les eaux de surface associées,
– entraîneraient une détérioration importante de l’état de ces eaux,
– occasionneraient des dommages importants aux écosystèmes terrestres qui dépendent directement de la masse d’eau souterraine
et des modifications de la direction d’écoulement dues à des modifications du niveau peuvent se produire temporairement, ou continuellement dans une zone limitée, mais n’occasionnent pas d’invasion d’eau salée ou autre et ne montrent aucune tendance durable et clairement identifiée induite par une action anthropogénique dans la direction d’écoulement qui soit susceptible d’entraîner de telles invasions. »
9. L’interdiction de détérioration et l’obligation d’amélioration des eaux souterraines sont posées à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive-cadre sur l’eau :
« i) les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir ou limiter le rejet de polluants dans les eaux souterraines et pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau souterraines, sous réserve de l’application des paragraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 et sous réserve de l’application de l’article 11, paragraphe 3, point j) ;
ii) les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d’eau souterraines, assurent un équilibre entre les captages et le renouvellement des eaux souterraines afin d’obtenir un bon état des masses d’eau souterraines, conformément aux dispositions de l’annexe V, au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, sous réserve de l’application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l’application des paragraphes 5, 6 et 7 et
sans préjudice du paragraphe 8 et sous réserve de l’application de l’article 11, paragraphe 3, point j) ;
[...] »
10. L’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive-cadre sur l’eau intègre les zones protégées dans les objectifs de qualité de la directive :
« [L]es États membres assurent le respect de toutes les normes et de tous les objectifs au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, sauf disposition contraire dans la législation communautaire sur la base de laquelle les différentes zones protégées ont été établies. »
11. En vertu de l’article 6 et de l’annexe IV de la directive-cadre sur l’eau, cet instrument couvre, notamment, les zones protégées en vertu de la directive « habitats » et de la directive « oiseaux ».
12. L’article 4, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau autorise un report de l’échéance pour un bon état des eaux :
« Les échéances énoncées au paragraphe 1 peuvent être reportées aux fins d’une réalisation progressive des objectifs pour les masses d’eau, à condition que l’état de la masse d’eau concernée ne se détériore pas davantage, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
[...] »
13. L’article 4, paragraphe 7, de la directive-cadre sur l’eau autorise à certaines conditions des dérogations aux objectifs environnementaux indépendamment des échéances de l’obligation d’amélioration.
14. L’article 5 de la directive-cadre sur l’eau régit le relevé de l’état des eaux :
« 1. Chaque État membre veille à ce que, pour chaque district hydrographique ou pour la portion d’un district hydrographique international situé sur son territoire :
– une analyse de ses caractéristiques,
– une étude des incidences de l’activité humaine sur l’état des eaux de surface et des eaux souterraines, et
– une analyse économique de l’utilisation de l’eau
soient entreprises conformément aux spécifications techniques énoncées aux annexes II et III et qu’elles soient achevées au plus tard quatre ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive.
2. Les analyses et études visées au paragraphe 1 sont réexaminées et, si nécessaire, mises à jour au plus tard treize ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive et, par la suite, tous les six ans. »
15. L’annexe II, point 2.1, de la directive-cadre sur l’eau règle la caractérisation initiale de l’état des masses d’eaux souterraines, celle-ci englobant en particulier l’évaluation de « la mesure dans laquelle elles risquent de ne pas répondre aux objectifs de chaque masse d’eau souterraine prévus à l’article 4 ». L’annexe II, point 2.2, de cette directive prévoit dans certains cas une caractérisation plus détaillée :
« Après la caractérisation initiale, les États membres effectuent une caractérisation plus détaillée de ces masses ou groupes de masses d’eau souterraines qui ont été recensées comme courant un risque, afin d’établir une évaluation plus précise de l’importance de ce risque et de déterminer toute mesure requise en vertu de l’article 11. En conséquence, cette caractérisation doit comporter des informations pertinentes sur l’incidence de l’activité humaine et, le cas échéant, des informations
pertinentes concernant :
[...]
– un inventaire des systèmes de surface associés, y compris les écosystèmes terrestres et les masses d’eau de surface auxquels la masse d’eau souterraine est dynamiquement liée,
– des estimations des directions et taux d’échange de l’eau entre la masse souterraine et les systèmes de surface associés, et
– des données suffisantes pour calculer le taux moyen annuel à long terme de la recharge totale,
[...] »
16. L’article 11, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau règle quelles mesures les États membres doivent adopter pour atteindre les objectifs de la directive :
« 1. Chaque État membre veille à ce que soit élaboré, pour chaque district hydrographique ou pour la partie du district hydrographique international située sur son territoire, un programme de mesures qui tienne compte des résultats des analyses prévues à l’article 5, afin de réaliser les objectifs fixés à l’article 4. [...]
2. Chaque programme de mesures comprend les “mesures de base” indiquées au paragraphe 3 et, si nécessaire, des “mesures complémentaires”.
3. Les “mesures de base” constituent les exigences minimales à respecter et comprennent :
a) les mesures requises pour l’application de la législation communautaire pour la protection de l’eau, y compris les mesures requises dans le cadre de la législation mentionnée à l’article 10 et dans la partie A de l’annexe VI ;
[...]
c) des mesures promouvant une utilisation efficace et durable de l’eau de manière à éviter de compromettre la réalisation des objectifs mentionnés à l’article 4 ;
[...]
e) des mesures de contrôle des captages d’eau douce dans les eaux de surface et les eaux souterraines et des endiguements d’eau douce de surface, notamment l’établissement d’un ou de plusieurs registres des captages d’eau et l’institution d’une autorisation préalable pour le captage et l’endiguement. Ces contrôles sont périodiquement revus et, le cas échéant, mis à jour. Les États membres peuvent exempter de ces contrôles les captages ou endiguements qui n’ont pas d’incidence significative sur
l’état des eaux ;
[...]
4. Les “mesures complémentaires” sont les mesures conçues et mises en œuvre en sus des mesures de base afin de réaliser les objectifs établis en vertu de l’article 4. La partie B de l’annexe VI contient une liste non exclusive de ces mesures.
[...] »
B. La directive « habitats »
17. L’article 1er, sous e), de la directive « habitats » définit le bon état de conservation d’un habitat naturel comme suit :
« [...]
“L’état de conservation” d’un habitat naturel sera considéré comme “favorable” lorsque :
– son aire de répartition naturelle ainsi que les superficies qu’il couvre au sein de cette aire sont stables ou en extension
et
– la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible
et
– l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable au sens du point i). »
18. L’article 6, paragraphes 2, 3 et 4, de la directive « habitats » est la disposition clé de la protection des zones :
« 2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.
3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent
leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.
4. Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.
[...] »
III. Les faits et la procédure précontentieuse
19. L’espace naturel de Doñana se situe au sud-ouest de la péninsule ibérique, dans la Communauté autonome espagnole d’Andalousie. Il comprend, entre autres, le parc national de Doñana (créé en 1969) et le parc naturel de Doñana (également appelé « parc naturel de l’environnement de Doñana » ou « préparc », créé en 1989 et élargi en 1997). La Commission a placé en 2006 trois zones protégées importantes, à savoir ZEPA/LIC ES0000024 Doñana ( 5 ), ZEPA/LIC ES6150009 Doñana Norte y Oeste ( 6 ) et ZEPA
ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer ( 7 ), sur la première liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique méditerranéenne ( 8 ). Le premier site cité est, depuis 1987, une zone spéciale de conservation au titre de la directive « oiseaux » ( 9 ).
20. D’après les formulaires standards des données, le type d’habitat prioritaire 3170*, mares temporaires méditerranéennes, ainsi que les types d’habitats 92A0, forêts-galeries à Salix alba et Populus alba, et 92D0, galeries et fourrés riverains méridionaux (Nerio-Tamaricetea et Securinegion tinctoriae), sont représentés dans ces zones. Les types d’habitats 91B0, frênaies thermophiles à Fraxinus angustifolia, et 9330, forêts à Quercus suber, ne sont en revanche représentés que dans deux zones et
manquent dans la zone ZEPA ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer.
21. Ces zones protégées ne recouvrent que des parties de l’espace naturel de Doñana, objet de la présente procédure. Aux fins de l’application de la directive-cadre sur l’eau, cet espace naturel a été presqu‘entièrement intégré dans une unique masse d’eau souterraine, le Almonte-Marismas ( 10 ), dans le premier plan de gestion au titre de l’article 13, le Plan Hidrológico del Guadalquivir 2009 – 2015 (plan hydrologique du Guadalquivir de 2009 à 2015) ( 11 ). Cette organisation administrative
correspond en grande partie à l’aquifère géologique du même nom qui, selon l’argumentation du Royaume d’Espagne, intègre encore une masse d’eau souterraine avoisinante. La masse d’eau souterraine Almonte-Marismas n’était pas citée à l’article 41 de ce plan comme l’une des masses d’eau souterraines pour lesquelles l’objectif d’un bon état quantitatif était considéré comme étant menacé. L’objectif d’un bon état était au contraire dans l’ensemble prévu pour l’année 2015 ( 12 ).
22. Dans le deuxième plan de gestion, le Plan Hidrológico del Guadalquivir 2016 – 2021 (plan hydrologique du Guadalquivir de 2016 à 2021) ( 13 ), la masse d’eau souterraine Almonte-Marismas a été fractionnée. Sur les cinq masses d’eau souterraines, trois – Almonte (ES050MSBT000055101), Marismas (ES050MSBT000055102) et La Rocina (ES050MSBT000055105) – présentent un mauvais état quantitatif ( 14 ). Toutes trois ont un niveau bas des eaux souterraines ( 15 ), et dans les deux dernières le captage de
l’eau est en outre supérieur au renouvellement en eau ( 16 ).
23. Après avoir reçu diverses plaintes et une question du Parlement européen, la Commission a lancé une enquête sur la base de laquelle elle a, en vertu de l’article 258 TFUE, invité le Royaume d’Espagne, le 17 octobre 2014, à prendre position sur les éventuels manquements à la directive-cadre sur l’eau et à la directive « habitats » en ce qui concerne les eaux souterraines dans la région de Doñana. Après que le Royaume d’Espagne a eu répondu, la Commission lui a adressé, le 29 avril 2016, un avis
motivé en raison des mêmes griefs et l’a sommé d’y remédier avant le 29 juin 2016. En dépit des réponses supplémentaires apportées par le Royaume d’Espagne, la Commission a introduit le présent recours le 22 juillet 2019.
IV. Conclusions des parties
24. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– constater que, en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état des masses d’eau souterraines de la région de Doñana, en n’effectuant pas la caractérisation plus détaillée de celles qui courent un risque, en ne déterminant pas non plus les mesures nécessaires et en n’incluant pas les mesures de base et complémentaires adéquates dans le programme de mesures du plan hydrologique du district hydrographique du Guadalquivir, le Royaume d’Espagne a manqué aux
obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), lu en combinaison avec l’article 1er, sous a), et l’annexe V, point 2.1.2, de l’article 5, lu en combinaison avec l’annexe II, point 2.2, et de l’article 11, paragraphe 1, paragraphe 3, sous a), c) et e), et paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau ;
– constater que, en n’adoptant pas les mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats des espèces ayant justifié la désignation des zones concernées (ZEPA/LIC ES0000024 Doñana, ZEPA/LIC ES6150009 Doñana Norte y Oeste et ZEPA ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 7, de la directive « habitats », et
– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
25. Le Royaume d’Espagne conclut son mémoire en défense en indiquant que le non-respect de la directive-cadre sur l’eau et de la directive « habitats », critiqué par la Commission dans cette procédure, n’a été nullement démontré. Le Royaume d’Espagne aurait au contraire démontré les efforts constants sous forme de plans et de mesures de gestion entrepris au cours des dernières années afin de renverser les effets négatifs nés dans la zone naturelle protégée de Doñana du fait d’activités qui avaient
été encouragées des décennies avant l’adoption des instruments législatifs de l’Union.
26. Ce n’est que dans le mémoire en duplique que le Royaume d’Espagne conclut expressément à ce qu’il plaise à la Cour :
– déclarer le recours irrecevable ou du moins de le rejeter partiellement, et
– condamner l’institution requérante aux dépens.
27. Les parties se sont exprimées par écrit et lors de l’audience du jeudi 17 septembre 2020.
V. Appréciation en droit
28. Selon la Commission, le Royaume d’Espagne a, en ce qui concerne les eaux souterraines dans la zone de Doñana, violé l’interdiction de détérioration établie par la directive-cadre sur l’eau et a, partant, également violé l’interdiction de détérioration établie par la directive « habitats » en ce qui concerne divers habitats dans les zones protégées de Doñana. Le Royaume d’Espagne aurait en outre manqué à ses obligations d’enquête, selon la directive-cadre sur l’eau, et il n’aurait pas précisé les
mesures nécessaires d’après cette directive afin de parvenir à un bon état des eaux souterraines.
29. Bien que la Commission se concentre avant tout sur la directive-cadre sur l’eau, j’examinerai tout d’abord la directive « habitats » (section B), étant donné qu’il existe dans ce domaine au sujet de l’interdiction de détérioration une jurisprudence bien établie. Cette jurisprudence ne peut certes pas être transposée directement à l’interprétation de l’interdiction de détérioration de la directive-cadre sur l’eau (section D), mais elle permet du moins de procéder à une comparaison. Avant
d’évoquer cette seconde interdiction de détérioration, j’examinerai cependant le moyen tenant aux obligations d’appréciation du Royaume d’Espagne imposées par la réglementation sur l’eau (section C), car cette appréciation est le fondement de la poursuite de la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau et de l’interdiction de détérioration. Je me pencherai enfin sur le moyen tiré des mesures prévues par le Royaume d’Espagne dans l’espace naturel de Doñana (section E). Il convient cependant
d’examiner auparavant si le Royaume d’Espagne a même formulé des conclusions valides (section A).
A. Les conclusions du Royaume d’Espagne
30. Le Royaume d’Espagne n’a pas formulé dans son mémoire en défense de chefs de conclusion formels, bien que ce mémoire doive, en vertu de l’article 124, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, contenir les conclusions du défendeur. Le fait que le Royaume d’Espagne présente des conclusions formelles dans le mémoire en duplique ne saurait remédier à une violation de l’article 124, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, car le mémoire en duplique ne peut, en vertu de
l’article 126, paragraphe 1, de ce règlement, que compléter le mémoire en défense. L’article 127, paragraphe 1, dudit règlement n’autorise ainsi de nouveaux moyens de recours et de défense au cours de la procédure que s’ils reposent sur des aspects juridiques ou matériels qui se sont révélés au cours de la procédure. Il doit en aller a fortiori ainsi pour les conclusions.
31. Il faut néanmoins reconnaître que le règlement de procédure ne prescrit pas de forme particulière pour les conclusions. Elles peuvent donc être formulées non seulement explicitement, mais également implicitement. La conclusion qui vient à la fin du mémoire en défense peut donc être comprise comme une conclusion implicite. Dans la mesure où le Royaume d’Espagne y constate que les manquements à la directive-cadre sur l’eau et à la directive « habitats » n’ont pas été démontrés, cet État membre
conclut implicitement au rejet du recours pour défaut de fondement.
32. Il n’y a en revanche dans le mémoire en défense aucun indice pour la demande de condamnation aux dépens. Elle est par conséquent tardive et irrecevable.
B. L’interdiction de détérioration de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats »
33. De l’avis de la Commission, le Royaume d’Espagne a manqué à ses obligations au titre de l’article 6, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 7 de la directive « habitats » en n’adoptant pas les mesures appropriées pour prévenir la détérioration des habitats naturels et les habitats des espèces pour lesquels les zones ZEPA/LIC ES0000024 Doñana, ZEPA/LIC ES6150009 Doñana Norte y Oeste et ZEPA ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer ont été désignées.
34. Il y a ainsi lieu de préciser tout d’abord l’objet du moyen de recours et ensuite les exigences quant à la preuve d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » avant que l’argumentation des parties puisse être appréciée à la lumière de ces considérations.
1. Objet et recevabilité du moyen de recours
35. La Commission fait valoir dans ce moyen de recours que certains habitats dans les trois zones de protection désignées dans la directive « habitats » se sont dégradés du fait de la baisse du niveau des eaux souterraines. Ces zones ont été reprises par la Commission le 19 juillet 2006 dans la liste des sites d’importance communautaire et l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » doit donc y être appliqué depuis cette date en vertu de l’article 4, paragraphe 5, de cette directive.
36. Certes, l’une de ces zones de protection avait déjà été désignée en 1987 en vertu de la directive « oiseaux » et était de ce fait soumise initialement à l’article 4 de ladite directive et depuis 1994, conformément à l’article 7 de la directive « habitats », à la protection de l’article 6, paragraphe 2, de la même directive. La Commission ne fait cependant valoir aucune atteinte directe ou indirecte aux espèces d’oiseaux protégées de sorte que cette protection ne joue aucun rôle dans la présente
procédure.
37. Le Royaume d’Espagne estime que ce moyen est irrecevable pour autant qu’il concerne la zone ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer, car il y aurait là une extension de l’objet de la procédure. Cette zone ne se trouve pas dans le domaine de l’ancienne masse d’eau souterraine Almonte-Marismas, mais devrait au contraire être rattachée à une masse d’eau souterraine avoisinante. Dans l’avis motivé, la Commission aurait cependant limité l’objet de la procédure à la première masse d’eau
souterraine citée.
38. Cet argument doit être rejeté. La Commission a en effet dès le départ expressément intégré cette zone dans la procédure précontentieuse ( 17 ). Il est par ailleurs sans importance pour une violation de la directive « habitats » qu’une zone protégée se voie imputer ou non une masse d’eau souterraine qui a été déterminée dans le cadre de la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau. La zone de protection était et demeure l’objet de la procédure.
39. Le Royaume d’Espagne reconnaît d’ailleurs dans le mémoire en duplique que la masse d’eau souterraine avoisinante fait également partie de la même formation géologique, à savoir l’aquifère Almonte-Marismas. Elle n’aurait été citée de manière séparée par rapport à la structure administrative de la masse d’eau souterraine Almonte-Marismas qu’aux fins de l’application de la directive-cadre sur l’eau. Si des malentendus quant à la portée de ce moyen devaient découler de cette imputation, le Royaume
d’Espagne en serait donc lui-même à l’origine. Il n’y a cependant aucun indice de malentendus du côté espagnol.
2. Critère de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats »
40. La Commission reproche au Royaume d’Espagne d’avoir violé l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » en tolérant le captage de l’eau souterraine dans l’espace naturel de Doñana. En vertu de cette disposition, les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant
que ces perturbations sont susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de cette directive.
41. La Commission n’a à cet égard pas besoin de prouver l’existence d’un lien de causalité entre l’activité et la détérioration de ces zones protégées afin d’établir un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats ».
42. Il y a au contraire lieu, lors de l’interprétation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », de tenir compte du fait que cette disposition est supposée assurer le même niveau de protection que l’article 6, paragraphe 3, de cette directive ( 18 ). Le critère d’évaluation pour les deux dispositions doit donc être le même ( 19 ).
43. Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », un plan ou projet n’est admissible que lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence d’effet sur les objectifs de conservation de la zone concernée ( 20 ). Il convient pour s’en assurer de procéder en vertu de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de cette directive, au premier niveau, à un examen ex ante de la compatibilité des plans et projets avec une zone protégée dès
qu’il existe une probabilité qu’un plan ou projet perturbe de manière significative le site concerné ( 21 ). Dans ce cas de figure, une autorisation n’est possible que si l’examen écarte tout doute scientifique raisonnable que le site ne sera pas perturbé en tant que tel ( 22 ).
44. Lorsqu’il n’y a pas d’examen de compatibilité parvenant à cette conclusion, il suffit comme preuve d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » de démontrer la probabilité qu’une activité cause de telles perturbations ( 23 ).
45. La preuve simplifiée d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » a pour conséquence que la constatation d’une violation n’a pas nécessairement pour conséquence l’incompatibilité définitive de l’activité en cause avec l’article 6 de cette directive. L’État membre peut au contraire, grâce à un examen approprié satisfaisant aux exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », écarter tout doute scientifique raisonnable que l’activité perturbe les
zones protégées. Il peut à titre alternatif justifier l’activité en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de la directive « habitats » ( 24 ).
46. Cette interprétation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » fonde certes des obligations d’examen pour des activités qui peuvent révéler en définitive qu’elles ne perturbent pas les zones protégées. C’est là cependant une conséquence nécessaire du niveau de protection que les paragraphes 2 et 3 de l’article 6 de cette directive assurent de la même manière. Même dans le cas de l’application de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive, il est possible que la mesure
examinée ne porte en définitive pas atteinte aux objectifs de conservation de la zone.
47. Ce niveau de protection est cependant justifié en tant qu’expression du principe de précaution, car ce n’est qu’ainsi que l’on peut identifier et prévenir les plans, projets et autres activités qui perturbent les zones ( 25 ).
3. Application
48. Le présent moyen est donc bien fondé si la Commission peut démontrer la probabilité que le captage de l’eau souterraine perturbe de manière significative des habitats protégés ou des espèces dans les trois zones protégées citées.
49. J’évoquerai par conséquent dans les présentes conclusions l’affectation des habitats protégés [sous a)], l’applicabilité dans le temps de l’interdiction de détérioration depuis le 19 juillet 2006 [sous b)] et la tentative du Royaume d’Espagne d’invalider l’argumentation de la Commission [sous c)].
a) Affectation des habitats protégés
50. Étant donné que la directive « habitats » ne protège pas les eaux souterraines en tant que telles, leur captage ne viole pas directement l’article 6, paragraphe 2, de cette directive.
51. La Commission reproche plutôt au Royaume d’Espagne le fait que le captage conduit à une baisse du niveau des eaux souterraines et à une détérioration en particulier du type d’habitat prioritaire 3170*, mares temporaires méditerranéennes, mais aussi d’autres types d’habitats liés aux eaux de surface. Il s’agit à cet égard des types d’habitats 92A0, forêts-galeries à Salix alba et Populus alba, 92D0, galeries et fourrés riverains méridionaux (Nerio-Tamaricetea et Securinegion tinctoriae), ainsi
que 91B0, frênaies thermophiles à Fraxinus angustifolia. La Commission fait en outre référence au type d’habitat 9330, forêts à Quercus suber. Exception faite des deux derniers types d’habitats qui font défaut dans la zone ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer, ces types d’habitats sont présents dans toutes les zones litigieuses ( 26 ).
52. Le Royaume d’Espagne y oppose que de nombreuses eaux interdunaires et péridunaires ne correspondent pas au type d’habitat des mares temporaires. Une détérioration de ce type d’habitat serait ainsi exclue de fait. Cette argumentation se limite cependant à de simples allégations qui sont incompatibles avec les ouvrages scientifiques présentés par la Commission et les indications espagnoles dans les formulaires standard des données sur les zones protégées sans pour autant reposer sur des preuves
propres. Il faut donc admettre la présence de ce type d’habitat.
53. Deux des études présentées par la Commission ( 27 ) ainsi que d’autres études qu’elle a citées ( 28 ) défendent l’hypothèse selon laquelle les mares ont de plus en plus rarement d’eau en raison de la baisse du niveau des eaux souterraines entraînée par le captage excessif et dépendent désormais avant tout des précipitations. Les périodes de sécheresse les perturbent par conséquent plus fortement. Une communication du Consejo Superior de Investigaciones Científicas (Conseil supérieur des études
scientifiques, Espagne) au médiateur de la Communauté autonome d’Andalousie le confirme ( 29 ). Une étude présentée par le Royaume d’Espagne estime également possible que les pertes dans les masses d’eau permanentes et les mares temporaires à proximité du site touristique de Matalascañas soient dues au captage des eaux souterraines qui y est pratiqué ( 30 ).
54. La Commission fait en outre valoir que le captage des eaux souterraines perturberait les autres habitats cités dans les zones protégées qui dépendent des eaux de surface. Elle invoque à cette occasion différentes études qui démontrent que ces habitats subissent, du fait de la baisse des niveaux des eaux souterraines en raison de captages excessifs, des modifications préjudiciables comme la disparition de la végétation, qui dépend de l’humidité du sol ( 31 ).
55. La Commission mentionne enfin des indications quant à une perturbation du type d’habitat 9330, forêts à Quercus suber ( 32 ).
56. La Commission a ainsi présenté des indices scientifiquement fondés en ce sens que le captage des eaux souterraines a fait baisser leur niveau et qu’il en résulte une probabilité d’une perturbation pour l’existence des types d’habitats cités dans les zones protégées.
57. Le Royaume d’Espagne y oppose que l’eau souterraine serait d’une importance minime pour la conservation notamment des mares temporaires, étant donné que ces dernières seraient alimentées par l’eau de pluie. Même si cette argumentation devait être correcte, il n’en découlerait pas pour autant que le niveau des eaux souterraines ne joue aucun rôle. Ce rôle est d’une plus grande importance dans les périodes de faibles précipitations parce que seules les eaux souterraines peuvent alors faire
remonter le niveau de ces mares.
58. Le Royaume d’Espagne n’a ainsi pas invalidé l’argumentation de la Commission quant à la probabilité que le captage des eaux souterraines pratiqué dans l’espace naturel de Doñana perturbe les habitats protégés cités dans les zones protégées.
b) Applicabilité dans le temps de l’interdiction de détérioration
59. Le Royaume d’Espagne oppose cependant aussi à la Commission que les problèmes associés aux eaux souterraines dans l’espace naturel de Doñana remontent à la période avant que l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » ne devienne applicable.
60. Cet argument exprime une objection de poids : l’interdiction de détérioration de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » ne peut couvrir que les perturbations qui sont intervenues après que cette disposition est devenue applicable et donc, dans la présente affaire, après le 19 juillet 2006. Le point de savoir si des habitats dans les zones protégées ont été auparavant détruits ou perturbés est en revanche, dans l’immédiat, sans importance pour cette réglementation. Il en va en
particulier ainsi pour la baisse des eaux souterraines par captage avant que l’interdiction de détérioration ne soit applicable, ce qui en l’espèce est indiscutablement intervenu.
61. L’interdiction de détérioration n’oblige pas non plus de réduire ou de cesser d’emblée un captage des eaux souterraines pratiqué jusque-là. Il est vrai que le niveau des eaux souterraines peut remonter du fait d’une telle mesure et que la situation peut ainsi s’améliorer. L’interdiction de détérioration n’est cependant pas une obligation d’amélioration. Elle n’impose donc pas d’améliorer l’état des habitats protégés.
62. Il y a donc lieu de rejeter l’argumentation de la Commission dans la mesure où elle exige des mesures de rétablissement ou d’amélioration des habitats qui – comme le Royaume d’Espagne l’affirme de manière répétée – ont été perturbés bien avant que l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » ne soit applicable.
63. Si une activité continue comme le captage des eaux souterraines conduit cependant à une détérioration supplémentaire de l’état de types d’habitats et d’espèces, l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » est applicable. La zone protégée est certes d’une certaine manière déjà affectée par cette activité, mais cette affectation antérieure s’épuise dans les perturbations nées avant la désignation de la zone protégée. Les nouvelles perturbations des zones protégées violent en revanche
l’interdiction de détérioration.
64. Les réflexions au sujet de la sécurité juridique et de la confiance légitime dans le maintien d’une activité déterminée n’y changent rien. Elles peuvent le cas échéant justifier une dérogation à l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de cette directive ( 33 ), mais elles ne sauraient modifier l’interprétation de la notion de « détérioration » ( 34 ).
65. La plupart des études présentées ou citées par la Commission concernent la période antérieure au 19 juillet 2006, donc antérieure à l’applicabilité de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », ou ne contiennent pas d’indications précises quant au moment où les différentes perturbations sont intervenues. Elles ne montrent donc pas que les perturbations identifiées doivent être considérées comme une violation de cette disposition.
66. Un article de 2016, selon lequel le captage des eaux souterraines pendant plus de deux décennies a conduit à une baisse croissante de leur niveau, expose effectivement des indices d’une détérioration depuis le 19 juillet 2006 ( 35 ). La communication du médiateur de la Communauté autonome d’Andalousie va dans le même sens : l’aquifère de Doñana et son environnement direct ont présenté entre l’année 1994 et l’année 2015 une tendance négative avec un recul significatif de 1,13 % par an, bien
au-dessus de ce qui pourrait être imputé aux modifications des précipitations enregistrées dans la région ( 36 ). L’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » était applicable aux trois zones protégées pendant au moins les neuf dernières années de cette évolution.
67. Le plan de gestion de la zone de protection de Doñana Norte y Oeste, que la Commission a évalué dans son mémoire en réplique, décrit en outre l’état de conservation des habitats littoraux du fait de la baisse du niveau des eaux souterraines comme étant « défavorable – mauvais » ( 37 ). Cela signifie, selon la définition d’un état de conservation favorable à l’article 1er, sous e), de la directive « habitats », que les surfaces occupées par ces habitats dans la zone reculent et que leur maintien
à long terme peut être mis en doute. Les autorités espagnoles partent ainsi elles-mêmes du principe que l’état de ces habitats continuera à se détériorer en raison de l’évolution des eaux souterraines.
68. La Commission a ainsi démontré à suffisance la probabilité que le captage des eaux souterraines pratiqué actuellement dans l’espace naturel de Doñana a provoqué depuis le 19 juillet 2006 une détérioration des habitats protégés dans les trois zones protégées.
c) Absence d’invalidation par le Royaume d’Espagne
69. Il appartient désormais en principe au Royaume d’Espagne d’invalider les indices de cette probabilité. Dans la mesure où l’article 6, paragraphe 2, et l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » assurent le même niveau de protection, c’est le critère d’un examen de comptabilité au titre de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive qui doit s’appliquer ( 38 ). En vertu de cette disposition, une activité ne peut être autorisée qu’à la condition que les autorités compétentes aient
acquis la certitude que le plan ou projet est dépourvu d’effets préjudiciables durables pour le site concerné. Il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets ( 39 ).
70. Le Royaume d’Espagne doit donc écarter tout doute raisonnable d’un point de vue scientifique que le maintien de la pratique actuelle du captage des eaux souterraines est sans incidence néfaste pour les habitats protégés dans les zones protégées.
71. Le Royaume d’Espagne s’appuie à cette fin en particulier sur deux autres études, mais elle n’a présenté que l’une d’entre elles à la Cour. Cette étude confirmait d’ailleurs que de nombreuses mares sont liées aux eaux souterraines et sont perturbées par la baisse de leur niveau ( 40 ).
72. L’autre document ( 41 ) n’est malheureusement pas disponible, mais il ne fait que démontrer, selon les indications du Royaume d’Espagne au cours de la procédure précontentieuse, l’existence d’une évolution naturelle constante et s’étendant sur plusieurs centaines d’années à l’assèchement et à la disparition des lagunes dans la région péridunaire de Doñana. Une telle évolution n’exclut cependant pas que le maintien du captage des eaux souterraines perturbe de manière supplémentaire les habitats
cités.
73. Le Royaume d’Espagne n’a donc pas invalidé l’argumentation de la Commission. Il faudrait au contraire un examen scientifique global établissant où se situaient depuis le 19 juillet 2006 les types d’habitats évoqués par la Commission dans les trois zones protégées et excluant qu’ils aient été perturbés par les captages d’eaux souterraines contrairement aux indices présentés par la Commission ( 42 ).
74. Le Royaume d’Espagne invoque enfin les intérêts socio-économiques au maintien du captage des eaux souterraines. De tels intérêts peuvent effectivement justifier les perturbations occasionnées aux zones protégées selon les critères de l’article 6, paragraphe 4, de la directive « habitats » ( 43 ). Cette justification présuppose cependant, tout d’abord, un examen approprié des effets du captage des eaux souterraines sur les zones protégées concernées ainsi que la satisfaction des autres conditions
de cette disposition ( 44 ). Actuellement, l’examen approprié fait déjà défaut, de sorte que cette argumentation du Royaume d’Espagne ne saurait prospérer. Le Royaume d’Espagne aurait en outre dû obtenir une prise de position de la Commission en cas de perturbation du type d’habitat prioritaire 3170*, mares temporaires méditerranéennes, en vertu de l’article 6, paragraphe 4, second alinéa, de la directive « habitats ».
4. Conclusion intermédiaire
75. Il y a donc lieu de constater que le Royaume d’Espagne a violé l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats », étant donné que la Commission a démontré la probabilité d’une perturbation significative des types d’habitats protégés dans les zones protégées ZEPA/LIC ES0000024 Doñana, ZEPA/LIC ES6150009 Doñana Norte y Oeste et ZEPA ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer du fait du captage des eaux souterraines depuis le 19 juillet 2006.
C. L’obligation de caractérisation plus détaillée des masses d’eau souterraines en vertu de l’article 5, lu en combinaison avec l’annexe II, point 2.2, de la directive-cadre sur l’eau
76. Par son deuxième moyen, la Commission reproche au Royaume d’Espagne de ne pas avoir correctement appliqué l’article 5, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’annexe II, point 2.2, de la directive-cadre sur l’eau, parce qu’il n’a pas effectué de caractérisation plus détaillée des masses d’eau souterraines de la région de Doñana pour lesquelles il existe un risque de ne pas atteindre les objectifs de qualité de l’article 4 de cette directive.
77. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, chaque État membre veille à ce que pour chaque district hydrographique situé sur son territoire une analyse soit effectuée en particulier conformément aux spécifications techniques énoncées aux annexes II et III de cette directive et qu’elle soit achevée au plus tard quatre ans après la date d’entrée en vigueur de ladite directive, donc au 22 décembre 2004. L’article 5, paragraphe 2, de la même directive prévoit que les
analyses et études visées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau sont réexaminées et, si nécessaire, mises à jour au plus tard treize ans après la date d’entrée en vigueur de cette directive, c’est-à-dire au 22 décembre 2013, et, par la suite, tous les six ans.
78. L’annexe II, point 2.1, de la directive-cadre sur l’eau règle les détails de cette caractérisation initiale. L’annexe II, point 2.2, de cette directive prévoit que les États membres procèdent à la suite de cette première caractérisation à une caractérisation plus détaillée des masses d’eau souterraines pour lesquelles un risque a été identifié en ce qui concerne les objectifs. Ils sont ainsi supposés mieux apprécier l’ampleur de ce risque et déterminer les mesures qui sont nécessaires en vertu
de l’article 11 de ladite directive.
1. Caractérisation dans les plans de gestion
79. La Commission fonde tout d’abord ce moyen sur le fait que le Royaume d’Espagne aurait mal apprécié le risque de violation de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau au regard du plan de gestion des années 2009 à 2015, étant donné que l’état de la masse d’eau souterraine de Almonte-Marismas était indiqué dans ce document comme étant favorable. Ces lacunes n’auraient pas été comblées avec le plan de gestion pour les années 2016 à 2021. La Commission reconnaît que le découpage en cinq masses
d’eau souterraines, dont trois présentent un mauvais état quantitatif, permet une meilleure appréciation de la situation. Des défauts subsisteraient néanmoins.
80. Il est surprenant que la Commission s’appuie, pour la critique de la caractérisation des masses d’eau souterraines, sur le contenu des plans de gestion. La caractérisation et le plan de gestion sont en effet des documents distincts qui sont réglés dans différentes dispositions, à savoir les articles 5 et 13 de la directive-cadre sur l’eau, et qui sont soumis à différentes exigences. La caractérisation doit en particulier être établie quelques années avant le plan de gestion et sert de base à son
contenu. Le plan de gestion des années 2009 à 2015 renvoie ainsi à des documents antérieurs dans lesquels se trouverait une première analyse de l’état des eaux ( 45 ), et le Royaume d’Espagne renvoie dans son mémoire en duplique à un premier rapport au titre de l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau, publié durant les années 2004 et 2005.
81. Le Royaume d’Espagne n’affirme cependant pas que la Commission critique les mauvais documents, mais expose au contraire avoir satisfait à l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau dans les deux plans de gestion critiqués par la Commission.
82. Cette démarche ne saurait être compatible avec l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau parce que les caractérisations devraient à chaque fois être effectuées plusieurs années avant la publication des plans de gestion. La Commission ne critique toutefois pas non plus cette violation des délais.
83. Il y a donc lieu de se pencher dans le détail sur les objections de la Commission et d’examiner le cas échéant si elles sont invalidées par les plans de gestion.
2. Appréciation erronée des risques dans le premier plan de gestion des années 2009 à 2015
84. Les faits non contestés montrent que le Royaume d’Espagne, dans le cadre du plan de gestion des années 2009 à 2015, a mal apprécié le risque de ne pas atteindre les objectifs de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau.
85. Trois masses d’eau souterraines partielles présentent en effet, selon le deuxième plan de gestion, un mauvais état quantitatif alors que l’ensemble de la masse d’eau souterraine d’Almonte-Marismas était supposé présenter à l’échéance de l’année 2015 un bon état selon le premier plan de gestion.
86. Le Royaume d’Espagne avait conscience du risque de ce résultat, car dès l’année 2004 le Plan de Ordenación del Territorio del ámbito de Doñana (plan d’aménagement du territoire de la région de Doñana) avait recommandé de constater le captage excessif d’eau souterraine dans l’aquifère. Dans le mémoire en réplique, la Commission cite à cet effet deux rapports espagnols supplémentaires des années 2008 et 2009 ( 46 ). Le Royaume d’Espagne expose d’ailleurs lui-même que le risque de ne pas atteindre
les objectifs avait été évoqué dans le premier rapport des années 2004 et 2005 requis à l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau ( 47 ). Ce risque correspond en définitive aussi à l’argumentation constante du Royaume d’Espagne que cet état découle du captage, pratiqué depuis longtemps, des eaux souterraines dans la zone de Doñana.
87. Le Royaume d’Espagne expose que, lors de la réalisation du premier plan de gestion, il serait parvenu, sur la base de critères généraux et d’une comparaison avec la situation dans d’autres régions d’Espagne, à la conclusion qu’il n’y aurait pas de risque. Compte tenu des déclarations antérieures incontestées, cette argumentation ne suffit cependant pas pour démontrer que le Royaume d’Espagne pouvait dans son premier plan de gestion exclure à juste titre le risque de ne pas atteindre les
objectifs. En particulier, la constatation que la masse d’eau souterraine d’Almonte-Marismas présenterait dans l’ensemble un bon état quantitatif ne suffit pas. Ainsi que la Commission le souligne à juste titre dans son mémoire en réplique, la caractérisation plus détaillée est au contraire déjà nécessaire lorsqu’il existe un risque d’un mauvais état. Un tel risque se présentait pourtant déjà compte tenu des informations sur les parties de la masse d’eau souterraine dont le mauvais état a été
plus tard attesté.
88. Il convient donc de retenir que le Royaume d’Espagne a violé l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau dans le premier plan de gestion parce que cet État membre n’a pas constaté le risque de ne pas atteindre les objectifs conformément à l’annexe II, point 2.1, de cette directive et n’a pas présenté de caractérisation plus détaillée au titre de l’annexe II, point 2.2, de ladite directive.
3. Deuxième plan de gestion
89. Le plan de gestion des années 2016 à 2021 du 8 janvier 2016 s’appliquait cependant déjà le 29 juin 2016 à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.
90. Aux termes de l’article 258, second alinéa, TFUE, un recours en manquement ne peut être introduit que si l’État membre en cause ne s’est pas conformé à l’avis motivé de la Commission dans le délai que celle-ci lui a imparti à cette fin ( 48 ). Par ailleurs, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé ( 49 ).
91. À titre exceptionnel, il serait possible de poursuivre des manquements qui se sont achevés dans le passé et ont des effets très profonds ( 50 ). Dans la présente affaire, la violation de l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau ne continue cependant en tant que telle à produire ses effets que jusqu’à ce que le Royaume d’Espagne adopte les mesures nécessaires.
92. La Cour ne peut donc constater une violation de l’article 5 de la directive-cadre sur l’eau que si le deuxième plan de gestion est lui aussi incompatible avec cette disposition.
93. La Commission fait ainsi valoir que le Royaume d’Espagne aurait reconnu des défauts dans le deuxième plan de gestion, que le découpage géographique des masses d’eau souterraines serait erroné, qu’il y aurait trop peu de points de mesure et que l’estimation du captage des eaux souterraines serait incomplète. Seul le dernier de ces moyens est toutefois fondé.
a) Admission du manquement par le Royaume d’Espagne
94. Dans le mémoire en réplique, la Commission défend le point de vue que le Royaume d’Espagne aurait admis le manquement. Elle renvoie à cette occasion au fait que la Confederación Hidrográfica del Guadalquivir (confédération hydrographique du Guadalquivir, Espagne) a engagé une procédure pour déclarer pour les trois masses d’eau souterraines en cause qui se trouvent dans un mauvais état quantitatif « le risque de ne pas atteindre le bon état quantitatif ». Il n’est toutefois pas apparent que cette
déclaration prévue en droit national corresponde à la caractérisation plus détaillée au titre de l’annexe II, point 2.2, de la directive‑cadre sur l’eau ou que sans ladite déclaration une telle caractérisation ferait défaut.
b) Sur le découpage géographique des masses d’eau souterraines
95. Sur le fond, la Commission critique tout d’abord le découpage géographique des masses d’eau souterraines. Elle n’expose cependant pas dans quelle mesure ce découpage représenterait un manquement à la directive-cadre sur l’eau et pourquoi il aurait empêché de procéder à une appréciation appropriée de l’état des eaux souterraines. Cette argumentation ne saurait donc convaincre.
c) Le nombre des points de mesure
96. La Commission est par ailleurs d’avis que la caractérisation des masses d’eau souterraines reposerait sur des informations scientifiques insuffisantes et plus précisément sur un nombre trop réduit de points de mesure.
97. Elle omet cependant d’exposer quelles prescriptions de l’article 5 et de l’annexe II de la directive-cadre sur l’eau ne sont pas satisfaites par les mesures de surveillance du Royaume d’Espagne. Les dispositions spéciales relatives à la surveillance de l’état des eaux, l’article 8 et l’annexe V, point 2.2, de cette directive ne sont absolument pas mentionnés.
98. Les preuves avancées du manquement allégué ne sont en outre pas convaincantes.
99. La Commission s’appuie sur de prétendues déclarations dans le deuxième plan de gestion et une étude pour les années 2012 et 2013. Il en ressortirait en particulier qu’il n’y aurait pas le moindre point de mesure du niveau des eaux souterraines pour les masses d’eau souterraines de La Rocina et de Marismas de Doñana et qu’il n’y aurait qu’un total de 20 points de mesure pour l’ensemble des cinq masses d’eau souterraines. Quatre seulement de ces points de mesure remonteraient à la période
antérieure à l’année 2015.
100. Contrairement à ce qu’exige l’article 57, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission ne présente pourtant pas ces documents et elle ne précise pas non plus où ces déclarations y seraient faites. Elle renvoie par ailleurs de manière abstraite à un portail Internet du gouvernement espagnol qui permet d’avoir accès à des informations géographiques sans exposer comment parvenir aux informations en question sur ce portail.
101. La Commission ne satisfait donc pas à la charge de la preuve à laquelle elle est soumise dans le cadre d’un recours au titre de l’article 258 TFUE ( 51 ).
102. L’argumentation vient en outre contredire l’étude citée par la Commission et que le Royaume d’Espagne avait présentée dans son mémoire en défense. Il y est constaté que la masse totale d’eau souterraine d’Almonte-Marismas existant à l’époque est surveillée sur 174 points de mesure. Il s’agirait là de nettement plus de points de mesure que dans d’autres régions d’Espagne ( 52 ).
103. Le Royaume d’Espagne conteste de plus ce moyen et expose que dans l’ensemble de la zone de Doñana, 290 points de mesure seraient même utilisés pour le niveau des eaux souterraines, soit bien plus que dans tout le reste du district hydrographique du Guadalquivir. Cent soixante-dix de ces points de mesure présenteraient des données chronologiques remontant jusqu’à l’année 1994.
104. La Commission ne répond pas à cet argument.
105. Les moyens invoqués par la Commission quant aux points de mesure doivent donc être rejetés dans leur ensemble.
d) Lacunes dans l’estimation du captage
106. La Commission critique enfin le fait que les indications quant au captage des eaux souterraines reposeraient sur des estimations d’une étude de l’année 2008 qui ignorerait le captage illégal ainsi que le captage pour la production d’eau potable, en particulier à des fins touristiques en zone côtière.
107. Le Royaume d’Espagne souligne au contraire la qualité de cette étude et il expose dans son mémoire en duplique que le volume du captage pour la production d’eau potable, avec ses 5 hm3/an, est limité par rapport au captage destiné à l’agriculture, de 107 hm3/an. Il ne se penche toutefois pas sur les moyens concrets invoqués par la Commission en ce qui concerne l’estimation du captage illégal et se contente, en lien avec le troisième moyen, de fournir à la Cour une estimation de l’étendue des
surfaces illégalement irriguées (1100 hectares) et sur ce fondement du nombre de puits illégaux (500).
108. Cet argument du Royaume d’Espagne ne suffit pas à invalider le moyen de la Commission. La caractérisation d’une masse d’eau souterraine, l’appréciation du risque que son état quantitatif sera mauvais et le développement des mesures nationales pour atteindre un bon état supposent une estimation complète et correcte du captage des eaux souterraines. Le captage pour la production d’eau potable doit donc être également pris en compte, celui-ci représentant après tout entre 4 et 5 % du captage légal
effectué à des fins agricoles. Le captage illégal doit surtout être au moins estimé et adéquatement pris en compte. En l’absence de ces facteurs, l’état de la masse d’eau souterraine ne peut pas être correctement apprécié et on ne saurait prévoir si les mesures visant à atteindre un bon état quantitatif des eaux souterraines et en particulier à lutter contre le captage illégal seront suffisantes.
4. Conclusion intermédiaire
109. Le Royaume d’Espagne a ainsi violé l’article 5, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’annexe II, point 2.2, de la directive-cadre sur l’eau parce qu’il n’a pas tenu compte du captage pour la production d’eau potable et du captage illégal lors de l’estimation du captage des eaux souterraines.
D. L’interdiction de détérioration de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), de la directive-cadre sur l’eau
110. Par son premier moyen, la Commission critique le fait que le Royaume d’Espagne n’a pas adopté les mesures nécessaires pour prévenir une détérioration de l’état des masses d’eau souterraines dans l’espace naturel de Doñana.
1. Objet du moyen
111. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), de la directive-cadre sur l’eau, les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau souterraines (interdiction de détérioration). En outre, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), ii), de cette directive, les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d’eau souterraines afin de parvenir à un « bon état » au plus tard à la fin
de l’année 2015 (obligation d’amélioration).
112. Le présent moyen concerne uniquement l’interdiction de détérioration. Celle-ci s’impose lors de chaque étape du processus prescrit par la directive-cadre sur l’eau ( 53 ), mais – contrairement à ce qu’estime la Commission – elle ne s’appliquait pas dès l’expiration du délai de transposition de la directive, le 22 décembre 2003. Elle ne lie au contraire les États membres qu’à compter du 22 décembre 2009, date à laquelle les États membres devaient élaborer et appliquer les plans de gestion selon
la directive ( 54 ).
113. Il convient en outre de préciser que le moyen de la Commission concerne uniquement la détérioration de l’état quantitatif de la masse d’eau souterraine en cause que la Commission impute au captage des eaux souterraines. D’après les documents disponibles, des problèmes existent certes aussi en ce qui concerne l’état chimique de l’eau souterraine, en particulier du fait de la pollution par les nitrates, mais la Commission ne fait valoir aucune critique à ce sujet.
114. Il y a enfin lieu de noter que les lacunes constatées dans la caractérisation de l’état des eaux souterraines dans l’espace naturel de Doñana font naître des doutes quant au fait que le Royaume d’Espagne ait adopté les mesures nécessaires à la prévention d’une détérioration. Tant l’appréciation erronée dans l’ensemble dans le premier plan de gestion que l’absence de prise en compte des captages illégaux d’eaux souterraines semblent à cet égard importantes. Cette dernière lacune rend en
particulier difficile d’apprécier complètement le développement de l’état des eaux souterraines. La Commission omet cependant d’établir ce lien en ce qui concerne le moyen tiré de la détérioration, de sorte qu’il ne fait pas l’objet de la présente procédure.
2. Sur la détérioration
115. Pour démontrer une détérioration, la Commission avance, d’une part, les modifications de l’appréciation de l’état quantitatif des eaux souterraines dans les deux premiers plans de gestion et, d’autre part, des arguments sur le captage des eaux souterraines.
a) Transition d’un bon état à un mauvais état
116. La première ligne d’argumentation de la Commission est en substance que le Royaume d’Espagne aurait admis avec le plan de gestion pour les années 2016 à 2021 une détérioration quantitative de trois masses d’eau souterraines par rapport au plan pour les années antérieures, les années 2009 à 2015. Le plan pour la première période attestait d’un bon état quantitatif des eaux souterraines dans la zone de Doñana, tandis que le plan pour la seconde période attestait d’un mauvais état de trois masses
d’eau souterraines concernées.
117. Il convient d’admettre que la transition d’un bon état à un mauvais état constitue une détérioration.
118. L’évolution dans la présente affaire ne démontre cependant pas encore une détérioration des eaux souterraines. L’appréciation divergente de l’état quantitatif repose en effet sur le fait que, pour la première période, l’ensemble de la masse d’eau souterraine d’Almonte-Marismas avait été évalué, mais que cette dernière avait été découpée en cinq masses d’eau souterraines pour la seconde période, trois présentant un mauvais état.
119. Il n’y a pas d’indications que l’état de cette masse d’eau souterraine était meilleur avant le découpage. L’argumentation concrète des deux parties suggère au contraire que ce mauvais état existait déjà pendant et avant la première période, mais a été masqué et donc « dilué » par le regroupement avec deux autres masses d’eau souterraines dans une unique et grande masse d’eau souterraine ( 55 ).
120. La Commission affirme ainsi dans son mémoire en réplique que, dès avant l’adoption du premier plan de gestion, il avait été envisagé de qualifier l’état de la masse d’eau souterraine d’Almonte-Marismas de « mauvais ». Cela correspond à l’argumentation du Royaume d’Espagne selon laquelle l’état de cette masse d’eau découle d’une utilisation des terres déjà pratiquée avant que la directive-cadre sur l’eau ne soit applicable.
121. Cette argumentation de la Commission ne peut donc pas démontrer une détérioration de la masse d’eau souterraine.
b) Détérioration d’un mauvais état
122. Il convient donc d’examiner si la Commission a démontré que le mauvais état des trois masses d’eau souterraines s’est encore détérioré.
i) Sur la notion de « détérioration »
123. Il faut, à cette fin, préciser tout d’abord dans quelles conditions il y a détérioration du mauvais état quantitatif d’une masse d’eau souterraine au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), de la directive-cadre sur l’eau.
124. La Cour a jusqu’à présent uniquement décidé que même des masses d’eau souterraines en mauvais état pouvaient se détériorer davantage ( 56 ) et que le seuil au-delà duquel il y a manquement à l’obligation de prévenir la détérioration de l’état d’une masse d’eau souterraine doit être le plus bas possible ( 57 ).
125. Il faut de plus rappeler que cette interdiction de détérioration a un autre objet de protection que l’interdiction de détérioration au titre de la directive « habitats ». L’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » protège certains habitats et certaines espèces, tandis que l’interdiction de détérioration litigieuse de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), de la directive-cadre sur l’eau protège l’état quantitatif d’une masse d’eau souterraine. La violation déjà constatée de
l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » n’entraîne donc pas encore une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), de la directive-cadre sur l’eau.
126. On pourrait comme la Commission, de manière intuitive, faire dépendre une détérioration de l’état quantitatif d’une masse d’eau souterraine de l’évolution du volume des eaux souterraines et donc du niveau des eaux souterraines dans le sol. D’après cette approche, une baisse, et donc une réduction de la quantité d’eau souterraine, serait une détérioration de l’état quantitatif. Ainsi interprétée, l’interdiction de détérioration interdirait de capter plus d’eau souterraine que celle‑ci ne se
renouvelle. C’est ce qui se produit selon le plan de gestion des années 2016 à 2021 dans au moins deux des masses d’eau souterraines concernées ( 58 ).
127. La cessation du captage excessif des eaux souterraines est cependant déjà l’objet de l’obligation d’amélioration au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous b), ii), de la directive-cadre sur l’eau, dont la violation n’est pas invoquée par la Commission. En vertu de cette disposition, un équilibre doit être établi entre le captage et le renouvellement des eaux souterraines. Cet équilibre correspond d’ailleurs à la définition d’un bon état quantitatif à l’annexe V, point 2.1.2, première phrase,
de cette directive, qui doit être réalisé d’après l’obligation d’amélioration.
128. Il serait toutefois contradictoire qu’avec l’interdiction de détérioration et l’obligation d’amélioration, le législateur ait créé deux obligations qui interdisent toutes deux un captage des eaux souterraines excédant le renouvellement de ces mêmes eaux souterraines.
129. Les délais de mise en œuvre de ces deux prescriptions mettent en évidence cette contradiction. À la différence de l’interdiction de détérioration, qui doit déjà être respectée depuis 2009, l’obligation d’amélioration ne devait être satisfaite qu’en 2015. En outre, l’article 4, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau autorise sous certaines conditions la prolongation de ce délai jusqu’en 2027 et le Royaume d’Espagne fait d’ailleurs usage de cette prolongation.
130. L’interdiction de détérioration, en cas de mauvais état quantitatif des eaux souterraines, ne peut, par conséquent, pas exiger de réduire le captage au point d’atteindre l’équilibre entre le captage des eaux souterraines et leur renouvellement, c’est-à-dire de capter moins d’eau que le volume de renouvellement de l’eau. Elle peut uniquement exiger que l’on ne capte pas davantage d’eau que ce n’est le cas jusqu’à présent afin de ne pas aggraver encore les causes du mauvais état.
131. À l’inverse, la simple baisse du niveau des eaux souterraines, c’est-à-dire la réduction du volume des réserves en eaux souterraines, ne peut pas encore être considérée comme une détérioration. Une telle baisse ou réduction est en effet la conséquence logique du fait que le captage dépasse le renouvellement.
132. Ce résultat est confirmé en prolongeant la réflexion sur le point de savoir comment se présenterait une amélioration d’un état qui continuerait à être mauvais : une telle amélioration ne peut pas être limitée au cas où le captage serait limité au volume à proportion duquel les eaux souterraines se renouvellent, car, dans cette hypothèse, le bon état quantitatif serait déjà atteint. Toute réduction du captage doit au contraire être reconnue comme une amélioration, même si le captage de l’eau
continue à excéder le renouvellement. Dans le même temps et même dans cette hypothèse, le niveau des eaux souterraines continuerait très vraisemblablement à baisser. Le Royaume d’Espagne expose par ailleurs que de telles améliorations seraient intervenues du fait de la cessation d’activité d’une grande exploitation agricole.
133. Tant la définition d’un « bon état quantitatif » que le rapport entre l’interdiction de détérioration et l’obligation d’amélioration conduisent ainsi à la conclusion peu intuitive que ni la baisse du niveau des eaux souterraines ni le captage excessif à partir d’une masse d’eau souterraine qui ne se trouve pas dans un bon état quantitatif ne fondent en eux-mêmes une détérioration de la masse d’eau souterraine.
134. Une détérioration supplémentaire dans le contexte d’un mauvais état supposerait au contraire un accroissement du déficit existant et donc une surexploitation accrue.
135. La présente affaire montre que cette interprétation restrictive de l’interdiction de détérioration découle très probablement de réflexions économiques du législateur. Comme le Royaume d’Espagne le craint, une cessation immédiate du captage excessif durant l’année 2009 aurait en effet conduit à un préjudice important, en particulier pour l’agriculture. Les délais transitoires permettent au contraire de chercher des solutions qui tiennent compte des intérêts de l’agriculture, comme l’apport
d’eaux de surface en provenance d’autres zones ou des mesures techniques d’économies d’eau. L’interdiction de détérioration a à cet égard pour fonction de prévenir l’extension de pratiques nocives, comme le captage accru d’eaux souterraines pour l’irrigation de surfaces supplémentaires.
136. Le complément à la définition d’un « bon état quantitatif » à l’annexe V, point 2.1.2, seconde phrase, de la directive-cadre sur l’eau ne change rien à cette interprétation restrictive de l’interdiction de détérioration. D’après cette disposition, une masse d’eau souterraine dans un bon état n’est pas soumise à des modifications anthropogéniques, c’est-à-dire provoquées par l’homme qui (en particulier) :
– empêcheraient d’atteindre les objectifs environnementaux déterminés au titre de l’article 4 pour les eaux de surface associées,
– entraîneraient une détérioration importante de l’état de ces eaux,
– occasionneraient des dommages importants aux écosystèmes terrestres qui dépendent directement de la masse d’eau souterraine.
137. Il est en outre question dans cette partie de la définition de « modifications de la direction d’écoulement des eaux souterraines », mais de telles modifications ne sont pas évoquées dans la présente affaire.
138. Les caractéristiques citées sont de nature qualitative et complètent ainsi l’approche quantitative au titre de l’annexe V, point 2.1.2, première phrase, de la directive-cadre sur l’eau. Une masse d’eau souterraine dont l’état entraîne une violation de l’un de ces critères se trouve, indépendamment d’une appréciation quantitative, dans un mauvais état.
139. Les détériorations des eaux de surface et des écosystèmes terrestres telles qu’évoquées à l’annexe V, point 2.1.2, seconde phrase, deuxième et troisième tirets, de la directive-cadre sur l’eau ne sauraient cependant être mises sur le même plan qu’une détérioration de l’état quantitatif de la masse d’eau souterraine en cause. Elles pourraient elles-mêmes violer d’autres interdictions de détérioration du droit de l’Union, comme l’interdiction de détérioration des eaux de surface au titre de
l’article 4, paragraphe 1, sous a), i), de la directive-cadre sur l’eau ou l’interdiction de détérioration des zones protégées au titre de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats ». En lien avec l’état de masses d’eau souterraines, de telles détériorations ne sont cependant que des indices que cette masse d’eau souterraine se trouve dans un mauvais état.
140. De tels indices peuvent en outre, dans certains cas, démontrer que l’état quantitatif d’une masse d’eau souterraine se détériore en passant d’un bon état à un mauvais état. On ne peut pas non plus exclure que, dans certains cas, ils puissent exposer une détérioration supplémentaire de la masse d’eau souterraine qui se trouve déjà dans un mauvais état. De simples détériorations des eaux de surface et des écosystèmes terrestres ne suffisent cependant pas à cet effet, car il faut s’y attendre en
cas de baisse continue du niveau des eaux souterraines. Il en va ainsi aussi bien en cas de captage inchangé, mais également en cas de baisse plus lente du niveau des eaux souterraines parce que le captage a déjà été réduit. Les détériorations des eaux de surface et des écosystèmes terrestres n’exposent au contraire une détérioration de l’état quantitatif des eaux souterraines que lorsqu’elles progressent si rapidement qu’il convient d’admettre un accroissement du captage excessif des eaux
souterraines.
ii) Argumentation au sujet du bilan de captage
141. En ce qui concerne le captage excessif des eaux souterraines, il y a des indices d’une surexploitation continue, mais il n’a pas été démontré que la surexploitation s’accroît. Seul un tel accroissement fonderait une violation de l’interdiction de détérioration ( 59 ).
142. La Commission invoque divers documents d’autorités espagnoles, comme un rapport de la confédération hydrographique du Guadalquivir sur l’état de l’aquifère de la région de Doñana pour l’année hydrologique 2015/2016. La confédération, dans ses conclusions, a averti que « le maintien du niveau actuel et du type d’utilisation des ressources en eaux souterraines [...] menacerai[t] le bon état de cet aquifère et des écosystèmes terrestres qui en dépendent comme le démontre le fait que trois des cinq
masses d’eau souterraines composant le système n’atteignent pas un bon état quantitatif » ( 60 ). Le Defensor del Pueblo de España (médiateur d’Espagne) a lui aussi, dans une décision du 10 août 2018, suggéré à la confédération de déclarer les masses d’eau souterraines d’Almonte, Marismas et Rocina comme un aquifère surexploité et de coordonner les bassins hydrographiques, les différents instruments de planification des ressources en eau, l’activité agricole ainsi que la protection des espaces
naturels dans un programme d’action afin d’assurer une utilisation durable de cette ressource ( 61 ). En réaction à cette proposition, la confédération a, d’après les indications des deux parties, engagé le processus pour déclarer pour les trois masses d’eau souterraines citées « le risque de ne pas atteindre un bon niveau quantitatif ».
143. Dans le mémoire en défense, le Royaume d’Espagne ne conteste pas cet argument spécifique de la Commission, mais souligne longuement que les problèmes existants remontent à une époque antérieure à l’applicabilité de la directive-cadre sur l’eau et que les autorités compétentes auraient déjà entrepris des efforts considérables pour remédier à la situation.
144. Le Royaume d’Espagne indique cependant, du moins pour les masses d’eau souterraines de Rocina et de Marismas, que le captage dépasse les ressources disponibles, respectivement de 34 % et de 7 %. La Commission souligne dans son mémoire en réplique que les rapports présentés par le Royaume d’Espagne dans le mémoire en défense et portant sur l’état de l’aquifère au cours des années 2013 à 2017 exposeraient leur surexploitation. Le Royaume d’Espagne reconnaît dans le mémoire en duplique que le
niveau des eaux souterraines dans les trois masses d’eau souterraines en mauvais état baisserait plus fortement que ce l’on aurait pu attendre, du fait de la faiblesse des précipitations.
145. Cet argument – comme de nombreuses indications en ce qui concerne l’interdiction de détérioration selon la directive « habitats » ( 62 ) – revient à admettre que l’état d’au moins trois masses d’eau souterraines est mauvais. Tout comme pour l’interdiction de détérioration selon la directive « habitats », ce mauvais état ne signifie pas encore que cet état s’est détérioré durant la période pertinente ( 63 ). Le Royaume d’Espagne défend au contraire le point de vue que, sur de nombreux points, il
y aurait déjà eu des améliorations.
146. En définitive, la Commission n’a ainsi pas démontré que l’ampleur du captage excessif des eaux souterraines se serait accrue.
iii) Argumentation sur les eaux de surface et les écosystèmes terrestres
147. La Commission est par ailleurs d’avis qu’il y aurait des détériorations des eaux de surface et des écosystèmes qui démontrent une détérioration de l’état quantitatif de la masse d’eau souterraine.
148. À cette occasion, elle renvoie en particulier aux détériorations des types d’habitats fondant une violation de l’interdiction de détérioration au titre de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » ( 64 ).
149. La Commission ne fait cependant ainsi qu’exposer qu’il existe des indices d’un mauvais état de la masse d’eau souterraine en cause, mais pas que cet état subit des détériorations supplémentaires.
150. Cette ligne d’argumentation de la Commission, tout comme par conséquent le moyen tiré de la détérioration dans son ensemble, doit donc être elle aussi rejetée.
c) Sur la justification de la détérioration
151. Pour le cas où la Cour constaterait néanmoins une détérioration de l’état quantitatif des masses d’eau souterraines litigieuses, il convient de se pencher sur la justification.
152. Le Royaume d’Espagne soutient avoir recouru dans le plan de gestion des années 2016 à 2021 à une exception au titre de l’article 4, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau et avoir sur ce fondement repoussé à l’année 2022 voire à l’année 2027 la réalisation des objectifs de qualité de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de cette directive. Cela serait nécessaire parce que la directive sur les nitrates ne serait pas suffisamment respectée et parce que les surfaces utilisées à des fins
agricoles ne pourraient pas être réduites ( 65 ).
153. Comme la Commission l’a correctement expliqué au cours de l’audience, cette argumentation est sans pertinence pour le présent moyen, car l’article 4, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau ne peut pas justifier une détérioration des eaux souterraines. Cela découle déjà de l’interdiction de détérioration contenue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), de cette directive. Il y est prévu que cette interdiction s’applique sous réserve de l’application de l’article 4, paragraphes 6 et 7,
sans préjudice de l’article 4, paragraphe 8 et sous réserve de l’application de l’article 11, paragraphe 3, sous j), de ladite directive. À la différence de l’obligation d’amélioration à l’article 4, paragraphe 1, sous b), ii), l’article 4, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau n’y est cependant pas mentionné. L’article 4, paragraphe 4, de cette directive retient en outre qu’une prolongation de la période transitoire ne peut être admise que si l’état de la masse d’eau souterraine
affectée ne se détériore pas davantage.
154. Une détérioration ne peut donc être justifiée que selon l’article 4, paragraphe 7, de la directive-cadre sur l’eau ( 66 ). Le Royaume d’Espagne a cependant expressément renoncé à invoquer cette justification dans ses développements lors de l’audience. Un examen plus poussé de ses conditions est donc inutile.
155. Si la Cour devait constater une détérioration des eaux souterraines, celle-ci ne serait donc pas justifiée.
3. Conclusion intermédiaire
156. Eu égard aux réflexions sur l’application de l’interdiction de détérioration, le moyen tiré de sa violation doit cependant être rejeté.
E. Le programme de mesures au titre de l’article 11 de la directive-cadre sur l’eau
157. Par son troisième moyen, la Commission défend enfin le point de vue que le Royaume d’Espagne n’a pas intégré les mesures de base et les mesures complémentaires adéquates dans le plan de gestion du district hydrographique du Guadalquivir et a ce faisant manqué à ses obligations au titre de l’article 11, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, sous a), c) et e), et de l’article 11, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau.
158. En vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la directive-cadre sur l’eau, chaque État membre veille également à ce que soit élaboré, pour chaque district hydrographique ou pour la partie du district hydrographique international située sur son territoire, un programme de mesures qui tienne compte des résultats des analyses prévues à l’article 5 de cette directive, afin de réaliser les objectifs fixés à l’article 4 de ladite directive.
159. Certaines des mesures de base qui doivent être contenues dans ce programme de mesures sont citées à l’article 11, paragraphe 3, sous a), c) et e), de la directive-cadre sur l’eau. L’article 11, paragraphe 4, de cette directive concerne les mesures complémentaires qui doivent être prévues et adoptées en plus des mesures de base.
160. Tout comme les critiques concernant les objectifs de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau, les points de critique résumés dans ce moyen concernent différentes thématiques.
161. La Commission concentre sa critique sur certaines mesures individuelles visant à obtenir un bon état quantitatif des masses d’eau souterraines concernées, c’est-à-dire la mise en œuvre de l’obligation d’amélioration au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous b), ii), de la directive-cadre sur l’eau. Ces objections ne sauraient néanmoins convaincre (1).
162. L’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive-cadre sur l’eau fonde par ailleurs des obligations en ce qui concerne les zones protégées concernées selon la directive « habitats », qui, dans le cadre de l’article 11 de la directive-cadre sur l’eau, doivent également être prises en compte. L’une des critiques de la Commission relève de cette catégorie (2).
1. Mesures individuelles de mise en œuvre de l’obligation d’amélioration et de l’interdiction de détérioration de la directive-cadre sur l’eau
163. Les parties s’opposent sur diverses mesures prévues, destinées à améliorer l’état quantitatif des eaux souterraines, mais cette discussion n’est pas pertinente.
164. Le programme de mesures doit être approprié pour conduire à un bon état dans les délais prévus. Il appartient à l’État membre de décider comment atteindre ce résultat pour autant qu’il ne viole aucune obligation spécifique du droit de l’Union. Lorsque la Commission juge un programme insuffisant en soi, elle doit donc démontrer que les mesures dans leur ensemble ne suffisent pas. Un indice d’une telle critique résiderait, par exemple, dans la violation déjà constatée de l’article 5 de la
directive-cadre sur l’eau, car, sur la base d’informations incomplètes quant à la masse d’eau souterraine, il n’est pas réellement possible de développer des mesures appropriées. Les critiques de la Commission ne visent cependant pas ce point.
165. La Commission s’oppose au contraire à certaines mesures sans exposer que ces défauts rendent dans l’ensemble impossible d’atteindre les objectifs de l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau. La Commission ne peut cependant en principe critiquer de manière isolée des mesures individuelles que pour violation d’autres règles. Les critiques de la Commission ne vont pourtant pas dans ce sens et elles ne reposent pas non plus sur des exigences spécifiques qui pourraient découler de l’article 11,
paragraphe 3, sous a), c) et e), ainsi que de l’article 11, paragraphe 4, de la directive-cadre sur l’eau.
166. Ce moyen est, déjà pour cette raison, dénué de fondement.
167. Ce n’est qu’au cas où la Cour ne partagerait pas ce point de vue et se pencherait tout de même sur les objections quant aux mesures individuelles indépendantes des zones protégées que je les évoquerai ci-après. L’argumentation qui concerne la période postérieure à l’expiration du délai de l’avis motivé, le 29 juin 2016, est néanmoins sans importance ( 67 ).
a) Régularisation
168. La Commission s’oppose à ce que le Royaume d’Espagne autorise pour la première fois l’irrigation de surfaces alors que celles-ci étaient déjà irriguées durant l’année 2004. Le captage aurait déjà été excessif à l’époque et ne saurait être désormais consacré.
169. Ce faisant, la Commission mélange cependant la question de savoir dans quelle mesure le droit national reconnaît un intérêt légitime à la poursuite de principe de l’irrigation avec la question de savoir si et comment l’irrigation doit dans son ensemble être réduite. Si le Royaume d’Espagne régularise avec l’autorisation citée, accordée pour la première fois, des pratiques existantes, cela ne signifie pas pour autant que la réduction nécessaire n’a pas lieu. Le Royaume d’Espagne peut ainsi tout
de même réduire le captage en procédant, par exemple – dans un cas au moins –, à l’acquisition et à la mise en jachère de surfaces agricoles. Il ne semble en revanche pas nécessaire de mettre en œuvre la réduction nécessaire au détriment des agriculteurs qui n’ont pas encore d’autorisation officielle, mais qui en vertu du droit national peuvent faire valoir une confiance légitime dans la poursuite de l’irrigation.
b) Dotations
170. La Commission critique également les dotations accordées : 50 % du budget disponible seraient consacrés à l’amélioration et à la consolidation des plans d’irrigation, mais seulement 0,34 % à la fermeture des puits illégaux et 1,12 % à la surveillance. Elle n’expose cependant pas à l’aide de quels critères une répartition appropriée des ressources devrait être contrôlée, sans même parler de la preuve d’une violation de tels critères.
171. L’argumentation du Royaume d’Espagne sur les mesures de contrôle et de sanction après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé montre en outre que de nombreux contrôles sont effectués et que les infractions sont sanctionnées.
c) Apport d’eaux de surface à des fins d’irrigation
172. La Commission critique par ailleurs le fait que le Royaume d’Espagne prévoit, pour réduire le captage des eaux souterraines, l’apport d’eaux de surface à partir de zones avoisinantes. Les différentes objections de la Commission à cette mesure sont toutefois en définitive sans fondement.
173. Pour autant que la Commission défende le point de vue qu’une telle mesure ne fait que déplacer la pression exercée, on ne peut certes pas exclure que cette critique soit faite à propos. La Commission omet cependant de critiquer et de démontrer une détérioration des eaux de surface concernées.
174. La Commission affirme aussi que cette mesure n’améliore pas l’état chimique des eaux souterraines. Rien n’indique cependant que la présente procédure ait pour objet un manquement en lien avec l’état chimique des eaux. Cette argumentation n’exclurait par ailleurs pas que le Royaume d’Espagne prenne d’autres mesures appropriées afin d’améliorer l’état chimique des eaux souterraines.
175. L’argument de la Commission selon lequel l’état des écosystèmes qui dépendent de l’état des eaux souterraines ne serait pas amélioré par les transferts d’eaux est peu convaincant. Si le transfert des eaux de surface réduit la consommation des eaux souterraines et contribue même peut-être par ruissellement à la formation d’eaux souterraines, cela profite en effet aux écosystèmes.
176. La Commission soutient par ailleurs que, dans l’attente de tels apports, encore plus d’eaux souterraines auraient été captées et cite à cet effet l’autorisation temporaire pour l’irrigation de 504 hectares de surfaces agricoles. D’après les indications non contestées du Royaume d’Espagne, il s’agit cependant de surfaces qui étaient déjà irriguées auparavant et qui ont simplement été régularisées.
177. La Commission critique enfin le fait que les infrastructures nécessaires à un transfert des eaux ne seraient pas encore disponibles. Il est cependant dans la nature même d’un programme de mesures que celui-ci doive être mis en œuvre progressivement afin d’atteindre à une date déterminée l’objectif poursuivi.
2. Prévention des atteintes à une zone protégée – Captage de l’eau à Matalascañas
178. La Commission critique par ailleurs l’absence de mesures pour résoudre les problèmes découlant du captage de l’eau pour les besoins de Matalascañas.
179. Cette localité se situe à proximité directe de la zone protégée ZEPA/LIC ES0000024 Doñana, qui se trouve sur la côte et qui a un caractère particulièrement touristique. Le captage de l’eau qui y est pratiqué de 2,5 hm3/an n’est certes pas particulièrement important si on le compare au captage total, mais il est cité dans divers articles scientifiques comme une cause possible de la détérioration dans la région du nombre de types d’habitats prioritaires 3170*, mares temporaires méditerranéennes (
68 ).
180. Une telle perturbation des types d’habitats protégés de la directive « habitats » est d’une certaine importance pour le programme de mesures au titre de l’article 11 de la directive-cadre sur l’eau parce qu’en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de l’article 6 et de l’annexe IV de la directive-cadre sur l’eau, les États membres doivent, en plus d’atteindre les objectifs généraux de qualité de l’eau, respecter toutes les normes et tous les objectifs des zones protégées en cause avant
l’année 2015. Le programme de mesures doit donc aussi avoir pour objet de mettre un terme à la détérioration déjà constatée des types d’habitats protégés, comme les mares temporaires ( 69 ).
181. Cette obligation spécifique se distingue de l’obligation d’adopter des mesures visant à atteindre de manière générale un bon état des eaux, car elle exige la protection de certains habitats déterminés au sein des zones protégées définies. L’omission par la Commission d’exposer pourquoi les mesures dans leur ensemble ne suffisent pas à atteindre le bon état quantitatif des eaux souterraines dans l’espace naturel de Doñana n’affecte donc pas cette obligation spécifique.
182. Il suffit au contraire que la Commission ait déjà démontré la probabilité de perturbations significatives des habitats protégés dans les zones protégées selon la directive « habitats ». La présence des types d’habitats prioritaires 3170*, mares temporaires méditerranéennes, à proximité de Matalascañas est concernée par cette probabilité.
183. Le Royaume d’Espagne oppose à cet argument une étude qui aurait démontré que le captage de l’eau à Matalascañas ne porterait pas atteinte à une mare déterminée, la lagune de Santa Olalla. Cette constatation n’exclut cependant pas que d’autres mares temporaires plus proches de cette localité ou qui dépendent d’autres rivières souterraines soient perturbées.
184. Le Royaume d’Espagne aurait donc dû prévoir dans le programme des mesures appropriées pour prévenir la détérioration par le captage des eaux souterraines des types d’habitats protégés.
185. Des doutes quant à une détérioration ne justifient cependant pas la renonciation complète aux mesures. Au contraire, le contrôle de l’éventuelle perturbation des types d’habitats protégés, déjà évoqué en liaison avec la violation de l’interdiction de détérioration de la directive « habitats » ( 70 ), aurait été une première mesure appropriée. Elle pourrait montrer si des mesures supplémentaires sont nécessaires.
3. Conclusion intermédiaire
186. Le Royaume d’Espagne a ainsi violé l’article 11 lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive-cadre sur l’eau, parce que le programme de mesures du plan de gestion des années 2016 à 2021 ne prévoit aucune mesure pour prévenir une perturbation, par le captage des eaux souterraines pour les besoins de Matalascañas, des types d’habitats protégés dans la zone protégée ZEPA/LIC ES0000024 Doñana.
VI. Sur les dépens
187. La conclusion de la Commission quant aux dépens et l’absence de conclusion du Royaume d’Espagne quant aux dépens n’ont pas d’incidences pratiques. En effet, conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens lorsque – comme en l’espèce – chacune obtient en partie gain de cause et succombe en partie.
VII. Conclusion
188. Je propose par conséquent à la Cour de statuer comme suit :
1) Le Royaume d’Espagne a violé l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, étant donné que la Commission européenne a démontré une probabilité de perturbation significative des types d’habitats protégés dans les zones protégées ZEPA/LIC ES0000024 Doñana, ZEPA/LIC ES6150009 Doñana Norte y Oeste et ZEPA ES6150012 Dehesa del Estero y Montes de Moguer du fait du
captage d’eaux souterraines depuis le 19 juillet 2006.
2) Le Royaume d’Espagne a violé l’article 5, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’annexe II, point 2.2, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, parce qu’il n’a pas tenu compte du captage de l’eau potable et du captage illégal dans l’estimation du captage des eaux souterraines.
3) Le Royaume d’Espagne a violé l’article 11 lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/60 parce que le programme de mesures du Plan Hidrológico del Guadalquivir 2016 – 2021 (plan hydrologique du Guadalquivir de 2016 à 2021) ne prévoit pas de mesures de prévention des perturbations des types d’habitats protégés dans la zone protégée ZEPA/LIC ES0000024 Doñana par le captage des eaux souterraines pour les besoins de la localité de Matalascañas.
4) Le recours est rejeté pour le surplus.
5) La Commission et le Royaume d’Espagne supportent leurs propres dépens.
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( 1 ) Langue originale : l’allemand.
( 2 ) Directive du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193), ci-après la « directive “habitats” ».
( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193), ci-après la « directive “oiseaux” ».
( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1), telle que modifiée par la directive 2014/101/UE de la Commission, du 30 octobre 2014 (JO 2014, L 311, p. 32), ci‑après la « directive-cadre sur l’eau ».
( 5 ) https://natura2000.eea.europa.eu/Natura2000/SDF.aspx?site=ES0000024&release=10
( 6 ) https://natura2000.eea.europa.eu/Natura2000/SDF.aspx?site=ES6150009&release=10
( 7 ) https://natura2000.eea.europa.eu/Natura2000/SDF.aspx?site=ES6150012&release=10
( 8 ) Décision 2006/613/CE de la Commission, du 19 juillet 2006, arrêtant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique méditerranéenne [notifiée sous le numéro C(2006) 3261] (JO 2006, L 259, p. 1).
( 9 ) https://natura2000.eea.europa.eu/Natura2000/SDF.aspx?site=ES6150012&release=10, no 1.7.
( 10 ) Tableau T.II.1. – Point 0551.
( 11 ) Real Decreto 355/2013, de 17 de mayo, por el que se aprueba el Plan Hidrológico de la Demarcación Hidrográfica del Guadalquivir (BOE no 121, du 21 mai 2013, Sec. I, p. 38229).
( 12 ) Tableau T.VI.5.
( 13 ) Real Decreto 1/2016, de 8 de enero, por el que se aprueba la revisión de los Planes Hidrológicos de las demarcaciones hidrográficas del Cantábrico Occidental, Guadalquivir, Ceuta, Melilla, Segura y Júcar, y de la parte española de las demarcaciones hidrográficas del Cantábrico Oriental, Miño-Sil, Duero, Tajo, Guadiana y Ebro (BOE, no 16, du 19 janvier 2016, Sec. I, p. 2972).
( 14 ) Annexe VII du deuxième plan de gestion, p. 68 et annexe 3.
( 15 ) Annexe VII du deuxième plan de gestion, p. 60 (La Rocina manque dans ce tableau, mais cela apparaît également dans le tableau à la page 68 et dans l’annexe 3).
( 16 ) Annexe VII du deuxième plan de gestion, p. 56.
( 17 ) Voir, par exemple, points 79 et 83 de l’invitation à présenter des observations (annexe A.1 [p. 72 et 73] de la requête) ainsi que points 58 et 62 de l’avis motivé (annexe A.3 [p. 187 et 188] de la requête).
( 18 ) Arrêts du 4 mars 2010, Commission/France (C‑241/08, EU:C:2010:114, point 30), et du 24 novembre 2011, Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 142).
( 19 ) Voir mes conclusions dans les affaires Commission/Bulgarie (C‑141/14, EU:C:2015:528, point 86) et Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:105, point 40).
( 20 ) Arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 59) ; du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:838, point 42), et du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2019:622, point 120).
( 21 ) Arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 43) ; du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża) (C‑441/17, EU:C:2018:255, point 111), et du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2019:622, point 134).
( 22 ) Arrêts du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża) (C‑441/17, EU:C:2018:255, point 114), et du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2019:622, point 120).
( 23 ) Arrêts du 24 novembre 2011, Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 142) ; du 14 janvier 2016, Commission/Bulgarie (C‑141/14, EU:C:2016:8, point 58), et du 10 novembre 2016, Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:847, point 29). Voir, également, arrêts du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a. (C‑399/14, EU:C:2016:10, point 42), et du 7 novembre 2018, Coöperatie Mobilisation for the Environment e.a. (C‑293/17 et C‑294/17, EU:C:2018:882, point 85).
( 24 ) Voir mes conclusions dans les affaires Commission/Bulgarie (C‑141/14, EU:C:2015:528, point 86) et Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:105, point 40), ainsi que, sur l’article 6, paragraphe 4, de la directive « habitats », arrêts du 24 novembre 2011, Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, points 156 et 192), ainsi que du 10 novembre 2016, Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:847, point 30).
( 25 ) Arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 58), et du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża) (C‑441/17, EU:C:2018:255, point 118).
( 26 ) Voir point 20 des présentes conclusions.
( 27 ) Díaz-Paniagua, C., «Funcionalidad de los sistemas acuáticos temporales de Doñana en la conservación de flora y fauna», dans Oficina de Coordinación de la Investigación, Estación Biológica de Doñana, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Resultados de la Investigación en el Espacio Natural De Doñana, 2009, p. 42 à 48 (annexe A.14 [p. 528] de la requête), ainsi que Manzano, M., et Custodio, E., «El acuífero de Doñana y su relación con el medio natural», dans García-Novo, F., et
Marín, C. (édit.), Doñana, Agua y Biosfera, Confederación hidrográfica del Guadalquivir, Ministerio de Medio Ambiente, Madrid, 2016, p. 133 à 142 (annexe A.21 [p. 932] de la requête).
( 28 ) Díaz-Paniagua, C., et Aragonés, D., «Permanent and temporary ponds in Doñana National Park (SW Spain) are threatened by desiccation», Limnetica, 2015, 34(2), p. 407 à 424, Bustamante, J., Aragonés, D., et Afán, I., «Effect of Protection Level in the Hydroperiod of Water Bodies on Doñana’s Aeolian Sands», Remote Sensing, 2016, 8, p. 867.
( 29 ) Annexe A.26 (p. 1259) de la requête.
( 30 ) Tragsatec, Seguimiento por teledetección de la superficie inundada de las lagunas de los mantos eólicos de Doñana y de la masa vegetal de su entorno (mai 2016), p. 53, (annexe B.9 [p. 1195 (1247)] du mémoire en défense).
( 31 ) Trick, T., et Custodio, E., «Hydrodynamic characteristics of the western Doñana Region (area of El Abalario), Huelva, Spain», Hydrogeology Journal, 2004, 12, p. 321 à 335, Custodio E., Manzano, M., et Montes, C., «Perspectiva general del papel y gestión de las aguas subterráneas en el Área de Doñana, Sudoeste de España», Boletín Geológico y Minero, 2008, 119(1), p. 81 à 92 (annexe A.22 [p. 943] de la requête), ainsi que Custodio, E., Manzano, M., et Montes, C., Las aguas subterráneas en
Doñana : Aspectos ecológicos y sociales, Agencia Andaluza del Agua, Consejería de Medio Ambiente, 2009 (annexe A.23 [p. 956] de la requête).
( 32 ) Custodio e.a. (2009) (cité à la note 31, p. 192 [p. 1147]).
( 33 ) Voir point 45 des présentes conclusions ainsi que mes conclusions dans l’affaire Commission/Bulgarie (C‑141/14, EU:C:2015:528, point 134).
( 34 ) Arrêt du 9 juillet 2020, Naturschutzbund Deutschland – Landesverband Schleswig-Holstein (C‑297/19, EU:C:2020:533, point 48), et conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Stadt Papenburg (C‑226/08, EU:C:2009:440, points 59 et suivants, en particulier 65).
( 35 ) Cité à la note 27, p. 142 (p. 943 des annexes de la requête).
( 36 ) Cité à la note 29, p. 1261 des annexes de la requête.
( 37 ) Plan de Gestión de la Zona Especial de Conservación Doñana Norte y Oeste (ES6150009) (Boletín Oficial de la Junta de Andalucía, no 103, du 31 mai 2019, p. 85 [p. 219]).
( 38 ) Voir points 42 et 44 des présentes conclusions.
( 39 ) Arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 59) ; du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C‑243/15, EU:C:2016:838, point 42), et du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża) (C‑441/17, EU:C:2018:255, point 117).
( 40 ) Citée à la note 30, p. 7 et 13.
( 41 ) Sousa Martín, A., et García Murillo, P., Historia ecológica y evolución de las lagunas peridunales del Parque Nacional de Doñana. Serie Técnica “Naturaleza y Parques Nacionales”, Organismo Autónomo Parques Nacionales, Ministerio de Medio Ambiente.
( 42 ) Voir, sur les exigences d’un tel examen, arrêt du 7 novembre 2018, Holohan e.a. (C‑461/17, EU:C:2018:883, points 37 à 40).
( 43 ) Arrêts du 24 novembre 2011, Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, points 156 et 192), et du 10 novembre 2016, Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:847, point 30), ainsi que mes conclusions dans les affaires Commission/Bulgarie (C‑141/14, EU:C:2015:528, point 134) et Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:105, point 58).
( 44 ) Arrêts du 20 septembre 2007, Commission/Italie (C‑304/05, EU:C:2007:532, point 83) ; du 17 avril 2018, Commission/Pologne (Forêt de Białowieża) (C‑441/17, EU:C:2018:255, point 191), et du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2019:622, point 150).
( 45 ) Mémoire de mai 2013, section 1.2.4.1. I (p. 3).
( 46 ) Instituto Geológico y Minero de España, Evaluación de impactos de las extracciones en el acuífero de Almonte Marismas en la zona del Plan Especial de ordenación de los regadíos de la Corona Forestal de Doñana, 2009 (annexe A.5 de la requête), et communication du Consejo Superior de Investigaciones Científicas (Conseil supérieur des études scientifiques) au médiateur de la Communauté autonome d’Andalousie (annexe A.26).
( 47 ) Point 70 du mémoire en duplique.
( 48 ) Arrêts du 31 mars 1992, Commission/Italie (C‑362/90, EU:C:1992:158, point 9) ; du 27 octobre 2005, Commission/Italie (C‑525/03, EU:C:2005:648, point 13), et du 18 mai 2006, Commission/Espagne (C‑221/04, EU:C:2006:329, points 22 et 23).
( 49 ) Arrêts du 16 décembre 1997, Commission/Italie (C‑316/96, EU:C:1997:614, point 14) ; du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne (C‑456/05, EU:C:2007:755), et du 29 juillet 2019, Commission/Autriche (Ingénieurs civils, agents de brevets et vétérinaires) (C‑209/18, EU:C:2019:632, point 48).
( 50 ) Arrêt du 27 mars 2019, Commission/Allemagne (C‑620/16, EU:C:2019:256, points 43 à 52).
( 51 ) Arrêt du 10 novembre 2016, Commission/Grèce (C‑504/14, EU:C:2016:847, point 112).
( 52 ) Confederación Hidrográfica del Guadalquivir, Informe del estado de la Masa de agua subterránea Almonte-Marismas – Año hidrológico 2012 – 2013, mars 2014, p. 5 [annexe B.2 du mémoire en défense (p. 89)].
( 53 ) Arrêt du 28 mai 2020, Land Nordrhein-Westfalen (C‑535/18, EU:C:2020:391, points 72 et 73).
( 54 ) Arrêts du 11 septembre 2012, Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. (C‑43/10, EU:C:2012:560, points 53 et 56), ainsi que du 4 mai 2016, Commission/Autriche (C‑346/14, EU:C:2016:322, point 49).
( 55 ) Voir, à ce sujet, points 21 et 22 des présentes conclusions.
( 56 ) Arrêts du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 69), et du 28 mai 2020, Land Nordrhein-Westfalen (C‑535/18, EU:C:2020:391, points 97, 98 et 110).
( 57 ) Arrêts du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 67), et du 28 mai 2020, Land Nordrhein-Westfalen (C‑535/18, EU:C:2020:391, point 101).
( 58 ) Voir point 22 des présentes conclusions.
( 59 ) Voir point 134 des présentes conclusions.
( 60 ) Confederación Hidrográfica del Guadalquivir, Informe de estado de los acuíferos del entorno de Doñana ‑ Año hidrológico 2015 – 2016, avril 2017 [annexe A.15 de la requête (p. 674 des annexes)].
( 61 ) Sugerencia del Defensor del Pueblo de España : Protección del agua subterránea de Almonte, Marismas y Rocina, en Doñana. Declaración de acuífero sobre explotado y aprobar un programa de actuación que garantice su uso sostenible, queja número 17012981, 10 août 2018 [annexe A.16 de la requête (p. 870 des annexes)].
( 62 ) Voir points 50 à 57 des présentes conclusions.
( 63 ) Voir points 59 à 62 des présentes conclusions.
( 64 ) Voir points 50 à 57 des présentes conclusions.
( 65 ) Annexe VIII du deuxième plan de gestion, p. 19.
( 66 ) Arrêts du 1er juillet 2015, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (C‑461/13, EU:C:2015:433, point 50) ; du 4 mai 2016, Commission/Autriche (C‑346/14, EU:C:2016:322, point 64), et du 28 mai 2020, Land Nordrhein-Westfalen (C‑535/18, EU:C:2020:391, point 75).
( 67 ) Voir, à ce sujet, point 90 des présentes conclusions.
( 68 ) Manzano, M., et Custodio, E., El acuífero de Doñana y su relación con el medio natural, dans : García-Novo, F., et Marín, C., (édit.) Doñana, Agua y Biosfera, Confederación hidrográfica del Guadalquivir, Ministerio de Medio Ambiente, Madrid, 2016, p. 133 (137) (annexe A.21 [p. 932] de la requête), communication du Consejo Superior de Investigaciones Científicas (Conseil supérieur des études scientifiques) au médiateur de la Communauté autonome d’Andalousie (annexe A.26 [p. 1259 (1262)] de la
requête), Tragsatec, Seguimiento por teledetección de la superficie inundada de las lagunas de los mantos eólicos de Doñana y de la masa vegetal de su entorno (mai 2016), p. 53 (annexe B.9 [p. 1195 (1247)] du mémoire en défense).
( 69 ) Voir points 48 et suivants des présentes conclusions.
( 70 ) Voir points 73 et suivants des présentes conclusions.