CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. ATHANASIOS RANTOS
présentées le 10 février 2021 ( 1 )
Affaire C‑718/19
Ordre des barreaux francophones et germanophone,
Association pour le droit des Étrangers ASBL,
Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Étrangers ASBL,
Ligue des Droits de l’Homme ASBL,
Vluchtelingenwerk Vlaanderen ASBL
contre
Conseil des ministres
[demande de décision préjudicielle formée par la Cour constitutionnelle (Belgique)]
« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Articles 20 et 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un État membre – Décision de fin de séjour pour des raisons d’ordre public – Mesures préventives pour éviter tout risque de fuite pendant le délai de départ ou la prolongation de ce délai – Dispositions nationales identiques ou similaires à celles applicables aux ressortissants de pays
tiers au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2008/115/CE – Refus du citoyen de l’Union de se conformer à une décision de fin de séjour pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique – Délai maximal de rétention aux fins d’éloignement »
I. Introduction
1. Par ses deux questions préjudicielles, la Cour constitutionnelle belge invite la Cour à examiner, en substance, si les articles 20 et 21 TFUE ainsi que les dispositions de la directive 2004/38/CE ( 2 ) (ci-après la « directive séjour ») s’opposent à ce qu’un État membre applique, à l’égard de citoyens de l’Union et de membres de leur famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement au titre de cette directive, des mesures identiques ou similaires à celles applicables en droit national aux
ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en vertu de la directive 2008/115/CE ( 3 ) (ci-après la « directive retour »).
2. À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a dit pour droit qu’il n’est pas interdit au législateur national de s’inspirer des dispositions d’une autre directive « lorsque cela apparaît opportun et pour autant qu’aucune autre disposition du droit [de l’Union] n’y [fasse] obstacle » ( 4 ). En effet, dans l’arrêt Petrea ( 5 ), la Cour a précisé que les « États membres peuvent s’inspirer des dispositions de la [directive retour] pour désigner les autorités compétentes et définir la procédure
applicable à l’adoption d’une décision [adoptée au titre de la directive séjour] imposant le retour d’un citoyen de l’Union [...], si aucune disposition du droit de l’Union ne s’y oppose ».
3. Si cette jurisprudence milite, en l’espèce, en faveur d’une réponse négative aux questions posées par la juridiction de renvoi, il reste toutefois à vérifier si elle peut également trouver application dans le cadre de mesures, telles que celles en cause au principal – à savoir des mesures préventives adoptées afin d’éviter tout risque de fuite à la suite de l’adoption d’une décision d’éloignement ainsi que des mesures de rétention visant à garantir l’exécution de cet éloignement – qui, ayant,
selon la juridiction de renvoi, un effet sur l’exercice même du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, pourraient être considérées comme n’étant pas de nature purement procédurale.
4. Ces questions permettront à la Cour d’examiner, pour la première fois, la conformité avec le droit de l’Union des règles nationales visant à garantir l’exécution des décisions d’éloignement adoptées au titre de la directive séjour.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive séjour
5. Le considérant 16 de la directive séjour énonce que « [l]es bénéficiaires du droit de séjour ne devraient pas faire l’objet de mesures d’éloignement aussi longtemps qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ».
6. L’article 14 de cette directive prévoit, à ses paragraphes 1 et 2, que les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour jusqu’à trois mois, tel que prévu à l’article 6 de ladite directive, tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil, et un droit de séjour de plus de trois mois et des droits de maintien de ce séjour, tels que prévus aux articles 7, 12 et 13 de la même directive, tant qu’ils
répondent aux conditions énoncées dans ces articles. À titre de dérogation à ces dispositions, le paragraphe 4 de cet article 14 dispose que les citoyens de l’Union ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement lorsqu’ils sont des travailleurs ou sont entrés sur le territoire de cet État membre pour y chercher un emploi.
7. L’article 15 de la directive séjour, intitulé « Garanties procédurales », dispose, à son paragraphe 1, que « [l]es procédures prévues aux articles 30 et 31 s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ».
8. Aux termes de l’article 27, paragraphes 1 et 2, de cette directive, « les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique » et « [l]es mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné.
[...] Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues ».
9. L’article 28 de la directive séjour, intitulé « Protection contre l’éloignement », énonce, à son paragraphe 1, que, « [a]vant de prendre une décision d’éloignement du territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, l’État membre d’accueil tient compte notamment de la durée du séjour de l’intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et de l’intensité
de ses liens avec son pays d’origine ». En outre, le paragraphe 2 de cet article prévoit que « [l]’État membre d’accueil ne peut pas prendre une décision d’éloignement du territoire à l’encontre d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille, quelle que soit leur nationalité, qui ont acquis un droit de séjour permanent sur son territoire sauf pour des raisons impérieuses d’ordre public ou de sécurité publique ».
10. L’article 30 de cette directive dispose, à son paragraphe 3, que « [l]a notification [de toute décision prise en application de l’article 27, paragraphe 1, de la directive séjour] comporte [...], le cas échéant, l’indication du délai imparti pour quitter le territoire de l’État membre. Sauf en cas d’urgence dûment justifié, ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »
11. L’article 33, paragraphe 2, de ladite directive prévoit que « [l]orsqu’une décision d’éloignement [...] est exécutée plus de deux ans après qu’elle a été prise, l’État membre vérifie l’actualité et la réalité de la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique que représente la personne concernée, et évalue si un changement matériel des circonstances est intervenu depuis le moment où la décision d’éloignement avait été prise ».
2. La directive retour
12. Le considérant 16 de la directive retour énonce que « [l]e recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas ».
13. L’article 1er de cette directive prévoit que celle-ci fixe les normes et les procédures communes à appliquer au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit de l’Union ainsi qu’au droit international.
14. L’article 2 de ladite directive dispose, à son paragraphe 3, que cette directive ne s’applique pas aux personnes jouissant du droit de l’Union à la libre circulation.
15. L’article 3, point 7, de la directive retour définit le « risque de fuite » comme « le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite ».
16. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire.
17. L’article 7 de ladite directive, intitulé « Départ volontaire », prévoit, à son paragraphe 3, que certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire.
18. Sous le chapitre IV de la directive retour, intitulé « Rétention à des fins d’éloignement », l’article 15 de celle-ci dispose, à son paragraphe 1, que, « [à] moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier
lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise ». Les paragraphes 5 et 6 de ce même article prévoient, respectivement, que « [l]a rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au
paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois », et que « [l]es États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l’opération d’éloignement dure
plus longtemps en raison : a) du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, ou b) des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires ».
B. Le droit belge
19. La loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ( 6 ) a été modifiée par la loi du 24 février 2017 afin de renforcer la protection de l’ordre public et de la sécurité nationale ( 7 ) (ci-après la « loi du 24 février 2017 »). Cette dernière loi transpose partiellement, notamment, les directives séjour et retour.
20. Les articles 27 à 32 de la loi du 24 février 2017 ont inséré dans la loi du 15 décembre 1980, respectivement, les articles 44ter à 44octies de celle-ci.
21. L’article 44ter de la loi du 15 décembre 1980, telle que modifiée par la loi du 24 février 2017 (ci-après la « loi du 15 décembre 1980 »), prévoit :
« L’ordre de quitter le territoire délivré à un citoyen de l’Union ou à un membre de sa famille indique le délai endéans lequel il doit quitter le territoire du Royaume. Sauf en cas d’urgence dûment justifié, ce délai ne peut pas être inférieur à un mois à compter de la notification de la décision.
Le délai visé à l’alinéa 1er peut être prolongé par le ministre ou son délégué lorsque : 1° le retour volontaire ne peut se réaliser dans ledit délai ; ou 2° les circonstances propres à la situation de l’intéressé le justifient. [...] »
22. L’article 44quater de cette loi prévoit :
« Aussi longtemps que le délai visé à l’article 44ter court, le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille ne peut pas faire l’objet d’un éloignement forcé.
Pour éviter tout risque de fuite pendant le délai visé à l’article 44ter, le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille peut être contraint à remplir des mesures préventives. Le Roi est habilité à déterminer ces mesures par un arrêté délibéré en Conseil des ministres. »
23. L’article 44quinquies de ladite loi dispose :
« § 1er Le ministre ou son délégué prend toutes les mesures nécessaires pour exécuter l’ordre de quitter le territoire lorsque : 1° aucun délai n’a été octroyé au citoyen de l’Union ou au membre de sa famille pour quitter le territoire du Royaume ; 2° le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille n’a pas quitté le territoire du Royaume dans le délai qui lui était octroyé ; 3° avant l’écoulement du délai octroyé pour quitter le territoire du Royaume, le citoyen de l’Union ou le membre de sa
famille présente un risque de fuite, n’a pas respecté les mesures préventives imposées ou constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale.
§ 2. Lorsque le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille s’oppose à son éloignement ou lorsqu’il présente un risque de dangerosité lors de son éloignement, il est procédé à son retour forcé, le cas échéant avec escorte. Des mesures coercitives peuvent alors être utilisées à son égard [...]
§ 3. Le Roi désigne par un arrêté délibéré en Conseil des ministres l’instance chargée d’assurer le contrôle des retours forcés et détermine les modalités de ce contrôle. Cette instance est indépendante des autorités compétentes en matière d’éloignement. »
24. L’article 44sexies de la loi du 15 décembre 1980 est libellé comme suit :
« Lorsque les circonstances propres à chaque cas le justifient, le ministre ou son délégué peut reporter temporairement l’éloignement. Il en informe l’intéressé.
Pour éviter tout risque de fuite, le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille peut être contraint à remplir des mesures préventives. Le Roi est habilité à déterminer ces mesures par un arrêté délibéré en Conseil des ministres.
Le ministre ou son délégué, peut, dans les mêmes cas, assigner à résidence le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille pendant le temps nécessaire à l’exécution de cette mesure. »
25. Aux termes de l’article 44septies de cette loi :
« § 1er Si des raisons d’ordre public, de sécurité nationale ou de santé publique l’exigent et à moins que d’autres mesures moins coercitives puissent s’appliquer efficacement, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille peuvent, en vue de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement, être maintenus pendant le temps strictement nécessaire à l’exécution de la mesure sans que la durée du maintien ne puisse dépasser deux mois.
Toutefois, le ministre ou son délégué peut prolonger la durée de ce maintien par période de deux mois, lorsque les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables suivant le maintien du citoyen de l’Union ou du membre de sa famille, qu’elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu’il subsiste toujours une possibilité d’éloigner effectivement l’intéressé dans un délai raisonnable.
Après une première prolongation, la décision de prolonger la durée du maintien peut être prise uniquement par le ministre.
Après cinq mois, le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille doit être mis en liberté. Dans le cas où la sauvegarde de l’ordre public ou la sécurité nationale l’exige, le maintien peut être prolongé chaque fois d’un mois sans toutefois que la durée totale du maintien puisse dépasser huit mois.
§ 2. Le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille visé au paragraphe 1er peut introduire un recours à l’encontre de la décision de maintien dont il fait l’objet, conformément aux articles 71 et suivants. »
26. Selon l’article 44octies de ladite loi :
« Ne peuvent être maintenus dans les lieux au sens de l’article 74/8, § 2 : 1° les citoyens de l’Union mineurs d’âge non accompagnés ; 2° les membres de la famille d’un citoyen de l’Union mineurs d’âge non accompagnés ; 3° les familles des citoyens de l’Union lorsqu’elles se composent d’au moins un mineur d’âge. »
27. L’article 74/5, § 3, de la même loi est libellé comme suit :
« La durée du maintien dans un lieu déterminé situé aux frontières ne peut excéder deux mois. Le ministre ou son délégué peut toutefois prolonger le maintien de l’étranger visé au § 1er, par période de deux mois : 1° si l’étranger fait l’objet d’une mesure de refoulement exécutoire ; 2° et si les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables de la mesure visée au 1°, qu’elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu’il
subsiste toujours une possibilité d’éloigner effectivement l’étranger dans un délai raisonnable.
Après une prolongation, la décision visée à l’alinéa précédent ne peut plus être prise que par le ministre. La durée totale du maintien ne peut jamais excéder cinq mois.
Dans les cas où la sauvegarde de l’ordre public ou la sécurité nationale l’exige, la détention de l’étranger peut être prolongée chaque fois d’un mois, après l’expiration du délai visé à l’alinéa précédent, sans toutefois que la durée totale du maintien puisse de ce fait dépasser huit mois. [...] »
III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
28. Deux recours en annulation de la loi du 24 février 2017 ont été introduits devant la Cour constitutionnelle belge, d’une part, par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone ( 8 ) et, d’autre part, par quatre associations sans but lucratif (ASBL) (ci-après les « requérants au principal ») ( 9 ). Ces deux affaires ont été jointes par la juridiction de renvoi.
29. Dans le cadre de ces recours, la Cour constitutionnelle s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union de certaines dispositions de la loi du 24 février 2017 relatives à l’éloignement de citoyens de l’Union et de membres de leur famille. Plus précisément, la juridiction de renvoi nourrit des doutes concernant la compatibilité avec les articles 20 et 21 TFUE ainsi qu’avec la directive séjour de deux dispositions de cette loi prévoyant la possibilité d’imposer au citoyen de l’Union ou
au membre de sa famille qui s’est vu délivrer une décision d’éloignement, d’une part, des mesures préventives pendant le délai qui lui est imparti pour quitter le territoire belge, afin d’éviter tout risque de fuite, et d’autre part, une mesure de maintien, à savoir une mise en rétention (ci-après la « mesure de rétention »), après l’expiration de ce délai, en vue de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement.
30. La juridiction de renvoi justifie ses doutes comme suit.
31. D’une part, s’agissant des mesures préventives, elle fait observer que la directive séjour ne prévoit pas de disposition concernant des mesures qui pourraient être prises à l’égard des citoyens de l’Union ou des membres de leur famille en vue d’éviter un risque de fuite lorsqu’ils ont fait l’objet d’une décision d’éloignement, et que, en l’absence d’harmonisation en droit de l’Union, celles-ci peuvent être adoptées par le législateur national, qui devrait, en principe, être libre de le faire en
s’inspirant des dispositions similaires applicables en droit national aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en vertu de la directive retour. À cet égard, la juridiction de renvoi constate que la Cour a déjà jugé, dans l’arrêt Petrea ( 10 ), que les États membres peuvent s’inspirer des dispositions de la directive retour pour désigner les autorités compétentes et définir la procédure applicable à l’adoption d’une décision imposant le retour d’un citoyen de l’Union, si aucune
disposition du droit de l’Union ne s’y oppose. Or, la juridiction de renvoi se demande si cette jurisprudence s’applique au cas d’espèce, dans la mesure où elle considère, en substance, que les mesures préventives, ayant nécessairement un effet sur l’exercice même du droit à la libre circulation et de séjour, ne sauraient être qualifiées de dispositions procédurales.
32. D’autre part, s’agissant de la mesure de rétention, la juridiction de renvoi constate que la loi du 24 février 2017 établit une identité de traitement des citoyens de l’Union et des membres de leur famille avec tous les autres étrangers, en attente d’éloignement vers n’importe quel État dans le monde, notamment en ce qui concerne la durée maximale de rétention de huit mois. Or, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le caractère proportionné de cette durée maximale, notamment,
étant donné qu’il pourrait être déduit de la directive séjour que la durée de la rétention doit être limitée au temps strictement nécessaire à l’exécution de la décision d’éloignement ( 11 ).
33. C’est dans ce contexte que la Cour constitutionnelle a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit de l’Union, et plus particulièrement les articles 20 et 21 [TFUE] et la [directive séjour] doivent‑ils être interprétés comme s’opposant à une législation nationale qui applique aux citoyens de l’Union et aux membres de leurs familles des dispositions similaires à celles qui constituent la transposition, en ce qui concerne les ressortissants d’États tiers, de l’article 7, paragraphe 3, de la [directive retour], à savoir, des dispositions qui permettent de contraindre le citoyen de
l’Union ou le membre de sa famille à se conformer à des mesures préventives pour éviter tout risque de fuite pendant le délai qui lui a été octroyé pour quitter le territoire à la suite de la prise d’une décision de fin de séjour pour raison d’ordre public ou pendant la prolongation de ce délai ?
2) Le droit de l’Union, et plus particulièrement les articles 20 et 21 [TFUE] et la [directive séjour] doivent-ils être interprétés comme s’opposant à une législation nationale qui applique aux citoyens de l’Union et aux membres de leurs familles qui ne se sont pas conformés à une décision de fin de séjour pour motif d’ordre public ou de sécurité publique une disposition identique à celle qui est appliquée aux ressortissants d’États tiers dans la même situation en ce qui concerne le délai
maximal de détention aux fins d’éloignement, à savoir, huit mois ? »
34. Des observations écrites ont été déposées par les requérants au principal, les gouvernements belge, danois, espagnol et polonais ainsi que par la Commission européenne. À l’exception des gouvernements espagnol et polonais, ces parties se sont, en outre, exprimées lors de l’audience qui s’est tenue le 16 novembre 2020.
IV. Analyse
A. Observations liminaires
35. Au cœur des interrogations de la juridiction de renvoi se trouve la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre applique, à l’égard de citoyens de l’Union et de membres de leur famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement de son territoire au titre de la directive séjour, des mesures d’exécution identiques ou similaires à celles applicables à l’éloignement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en vertu de la directive retour, lorsque
celles-ci sont susceptibles d’affecter l’exercice même du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
36. Il me semble utile, avant d’entamer mon analyse, de présenter un aperçu du cadre réglementaire applicable ainsi que de la jurisprudence pertinente (point 1.) et de clarifier la portée des questions préjudicielles, telles que posées (point 2.).
1. Sur le cadre réglementaire applicable et la jurisprudence pertinente
37. À titre liminaire, il convient de rappeler que la citoyenneté de l’Union – telle qu’introduite par le traité de Maastricht ( 12 ) – confère à chaque citoyen de l’Union un droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des restrictions fixées par les traités et des mesures adoptées en vue de leur application. Ce droit est conféré actuellement aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE tel
que réaffirmé à l’article 45 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
38. La directive séjour, qui régit, notamment, les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, vise à faciliter et à renforcer l’exercice de ce droit ( 13 ). Or, cette directive comporte non seulement des règles régissant les conditions d’obtention des différents droits de séjour qu’elle prévoit, mais elle contient également un ensemble de dispositions visant à réglementer la
situation résultant de la perte du bénéfice de l’un de ces droits.
39. À cet égard, la directive séjour prévoit deux cas de figure dans lesquels les États membres peuvent adopter des décisions limitant la libre circulation et le séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille, et notamment des « décisions d’éloignement », à savoir lorsque de telles décisions sont prises « pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique » (article 27, paragraphe 1, de cette directive) ou lorsque ces décisions sont prises « pour des raisons
autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique » (article 15, paragraphe 1, de ladite directive) ( 14 ).
40. Outre les hypothèses dans lesquelles des décisions d’éloignement peuvent être prises à l’encontre des citoyens de l’Union ou des membres de leur famille, la directive séjour prévoit un certain nombre de règles et de garanties procédurales à respecter, à savoir notamment celles énoncées à ses articles 15, 30, 31 et 33. Parmi ces règles figure celle prévue à l’article 30, paragraphe 3, de cette directive, selon laquelle, le délai imparti pour quitter le territoire de l’État membre à la suite d’une
décision d’éloignement, sauf en cas d’urgence, ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de notification de cette décision.
41. Or, à l’exception de ces dispositions, la directive séjour ne prévoit pas de régime spécifique pour la mise en œuvre ou l’exécution des décisions d’éloignement ni, a fortiori, de dispositions concernant des mesures préventives prises pour éviter tout risque de fuite pendant le délai de départ volontaire ou de dispositions relatives à la rétention aux fins d’un tel éloignement. De même, cette directive ne contient aucune disposition qui s’opposerait explicitement à ce que de telles mesures soient
prises par les États membres.
42. En l’absence de règles de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités d’exécution des décisions d’éloignement, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par
l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) ( 15 ).
43. Dans le cadre de l’exercice de cette compétence nationale relative à la détermination des modalités d’exécution des décisions d’éloignement, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que le droit de l’Union ne s’oppose pas, en principe, à l’utilisation des règles concernant les ressortissants de pays tiers aux fins de l’instauration du système applicable aux citoyens de l’Union, en dépit du fait que les directives séjour et retour ne partagent pas nécessairement le même objet ( 16 ). En
effet, dans l’arrêt Petrea, la Cour a jugé que « les États membres peuvent s’inspirer des dispositions de la [directive retour, qui concerne les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier], pour désigner les autorités compétentes et définir la procédure applicable à l’adoption d’une [décision d’éloignement d’un citoyen de l’Union], si aucune disposition du droit de l’Union ne s’y oppose » ( 17 ).
44. Il s’ensuit que, dans la présente affaire, dans la mesure où la directive séjour ne contient pas de règles relatives à l’exécution des décisions d’éloignement, il doit être, en principe, loisible aux États membres de s’inspirer des dispositions de la directive retour, laquelle a été adoptée postérieurement et contient des dispositions pertinentes à cet égard.
45. En effet, s’agissant, d’une part, des mesures préventives, l’article 7, paragraphe 3, de la directive retour prévoit que « [c]ertaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire » ( 18 ). De même, s’agissant, d’autre part, de la possibilité de placer en
rétention un citoyen de l’Union ou le membre de sa famille en vue de garantir l’exécution d’une décision d’éloignement, la directive retour encadre de manière précise la rétention en vue de l’éloignement, dans son chapitre IV, intitulé « Rétention à des fins d’éloignement ».
46. Par conséquent, rien n’empêche, en principe, les États membres de pouvoir appliquer, mutatis mutandis, les dispositions prévues pour les décisions de retour des ressortissants de pays tiers aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement.
47. Cela étant, pour que les dispositions visant les ressortissants de pays tiers soient effectivement transposables aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille, conformément à l’arrêt Petrea, aucune disposition du droit de l’Union ne doit s’y opposer. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 TFUE, le droit de séjourner sur le territoire des États membres est reconnu à tout citoyen de l’Union « sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et
par les dispositions prises pour leur application » ( 19 ). Partant, il convient également de vérifier si les mesures préventives et de rétention peuvent constituer, à elles seules, des mesures susceptibles de limiter le droit de libre circulation et de séjour de ces citoyens. Dans ce cadre, si le droit de l’Union ne s’oppose nullement à ce que les États membres établissent leur propre régime d’exécution des décisions d’éloignement, encore faut-il que de tels régimes ne portent pas atteinte à
l’effet utile du droit de l’Union ( 20 ).
48. C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, et dans quelles conditions, la jurisprudence issue de l’arrêt Petrea peut trouver application pour chacune des mesures en cause en principal.
2. Sur la portée des questions préjudicielles
49. Afin de dissiper toute ambiguïté sur le sens et la portée des deux questions préjudicielles, il me semble nécessaire d’apporter les clarifications suivantes.
50. En premier lieu, j’estime qu’il est nécessaire d’apporter une précision terminologique quant à l’utilisation des termes « décision de fin de séjour ». En effet, il convient de constater que les deux questions préjudicielles, telles que formulées par la juridiction de renvoi, envisagent l’adoption, respectivement, de « mesures préventives » ou de « détention », lorsque les citoyens de l’Union ou les membres de leur famille ont fait l’objet d’une « décision de fin de séjour ». Or, il y a lieu de
préciser que si une « décision de fin de séjour » implique en principe l’obligation de quitter le territoire, elle n’implique pas nécessairement l’adoption d’une mesure d’éloignement, à savoir un « ordre de quitter le territoire », au sens de l’article 7, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 ( 21 ). Dans la mesure où les deux questions préjudicielles envisagent des situations impliquant l’adoption d’une mesure d’éloignement, il y a lieu de les comprendre, à mon sens, comme visant les
citoyens de l’Union ou les membres de leur famille qui ont fait l’objet, non pas uniquement d’une décision de fin de séjour, mais également d’une décision d’éloignement.
51. En deuxième lieu, il convient de constater que la juridiction de renvoi limite la première question à la possibilité d’appliquer aux citoyens de l’Union des « mesures préventives » similaires à celles applicables aux ressortissants de pays tiers dans le cas où la décision d’éloignement est prise « pour raison d’ordre public ». Or, cette limitation de la portée de la question ne ressort pas expressément des termes de la législation nationale, et notamment des articles 44quater, 44quinquies
et 44sexies de la loi du 15 décembre 1980. En effet, ainsi que l’a confirmé le gouvernement belge dans ses observations, de telles « mesures préventives » peuvent intervenir chaque fois qu’une mesure d’éloignement est adoptée à l’encontre d’un citoyen de l’Union ou de membres de sa famille et qu’ils présentent un risque de fuite ( 22 ), ce qui implique des situations qui ne constituent pas une menace pour l’ordre public, à savoir pour des raisons « de sécurité publique ou de santé publique », au
sens de l’article 27, paragraphe 1, de la directive séjour, ainsi que pour des « raisons autres [que celles prévues à l’article 27, paragraphe 1, de cette directive] », au sens de l’article 15, paragraphe 1, de ladite directive.
52. Certes, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour ( 23
). En conséquence, dès lors que les questions posées sont circonscrites aux décisions d’éloignement prises pour des raisons d’ordre public, la Cour est, en principe, tenue de statuer uniquement à cet égard.
53. Cependant, en l’occurrence, d’une part, il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle pourquoi ces mesures préventives doivent être analysées uniquement au regard des décisions d’éloignement prises pour des raisons d’ordre public. D’autre part, le « risque de fuite » demeure tout aussi présent dans le cadre de décisions d’éloignement prises pour des raisons d’ordre public que pour celles adoptées pour des raisons de « sécurité publique ou de santé publique », en vertu de
l’article 27, paragraphe 1, de la directive séjour, voire pour des raisons « autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique », au sens de l’article 15, paragraphe 1, de cette directive. Partant, aux fins de donner une réponse complète à la juridiction de renvoi, je propose d’élargir la portée de la première question préjudicielle en incluant l’ensemble des décisions d’éloignement prises au titre de la directive séjour.
54. En troisième lieu, je constate que la juridiction de renvoi limite la seconde question préjudicielle à la possibilité de prévoir un délai maximal de rétention aux fins d’éloignement identique à celui applicable aux ressortissants de pays tiers dans le cas où la décision d’éloignement est prise « pour motif d’ordre public ou de sécurité publique ». Toutefois, l’article 44septies de la loi du 15 décembre 1980 prévoit une possibilité de rétention « [s]i des raisons d’ordre public, de sécurité
nationale ou de santé publique l’exigent » ( 24 ). Il pourrait dès lors être envisagé d’élargir la portée de cette question, afin d’inclure les raisons de santé publique. Toutefois, en l’occurrence, la limitation de la juridiction de renvoi me paraît justifiée dans la mesure où la seconde question préjudicielle vise, de manière ciblée, la disposition de cet article qui permet la prolongation de la rétention jusqu’à une durée de huit mois, uniquement lorsque « la sauvegarde de l’ordre public ou
la sécurité nationale l’exige ».
55. En quatrième et dernier lieu, il convient de souligner que le gouvernement belge propose de reformuler la seconde question, de manière à dissocier la mesure de rétention du fait que la personne concernée n’a pas quitté le territoire dans le délai imparti. En effet, ce gouvernement explique que, en droit belge, aucun étranger – qu’il soit citoyen de l’Union, membre de famille ou ressortissant d’un pays tiers – ne peut être placé en rétention au seul motif qu’il ne s’est pas conformé à une
décision de fin de séjour justifiée par des raisons d’ordre public ou de sécurité publique. Le recours à la rétention ne serait justifié que pour préparer le retour et procéder à l’éloignement lorsque l’exécution de la décision d’éloignement risque d’être compromise par le comportement de l’intéressé.
56. À cet égard, j’observe que, certes, l’analyse du gouvernement belge semble corroborée par le libellé de l’article 44septies de la loi du 15 décembre 1980. Toutefois, la seconde question, telle que posée par la juridiction de renvoi, me semble conciliable avec la position du gouvernement belge, dans la mesure où, en ne donnant pas suite à une décision d’éloignement dans le délai imparti, la personne concernée aura fait preuve d’un comportement compromettant l’exécution de cette décision et
justifiant ainsi sa privation de liberté, au moyen d’une rétention, afin de procéder à un éloignement forcé. Je propose, dès lors, de ne pas reformuler la seconde question dans le sens proposé par le gouvernement belge.
57. C’est à la lumière de ces précisions que je propose de procéder à l’examen des deux questions préjudicielles.
B. Sur la première question préjudicielle
58. Par sa première question, que je propose de reformuler afin de prendre en compte les considérations énoncées au point 53 des présentes conclusions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 20 et 21 TFUE ainsi que la directive séjour doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui applique, aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement au titre de la directive séjour, des
« mesures préventives » similaires à celles transposant, aux ressortissants de pays tiers, l’article 7, paragraphe 3, de la directive retour, afin d’éviter tout risque de fuite pendant le délai octroyé pour quitter le territoire de l’État membre concerné.
59. Les requérants au principal considèrent qu’il y a lieu de répondre par l’affirmative à cette question, de sorte que de telles mesures préventives violeraient les articles 20 et 21 TFUE ainsi que la directive séjour. Au contraire, les gouvernements belge, danois, espagnol et polonais suggèrent, sur la base d’un raisonnement en substance concordant, de répondre à cette question par la négative, se fondant principalement sur une application par analogie de l’arrêt Petrea. La Commission précise,
pour sa part, que de telles mesures préventives doivent pouvoir s’appliquer, même avant l’expiration du délai de départ volontaire prévu à l’article 30, paragraphe 3, de la directive séjour, à condition que ces mesures soient fondées sur des considérations objectives et soient proportionnées.
1. Sur l’identification et la qualification juridique des mesures préventives
60. L’article 44quater de la loi du 15 décembre 1980 prévoit la possibilité d’imposer des « mesures préventives » au citoyen de l’Union ou au membre de sa famille qui s’est vu délivrer une décision d’éloignement, avant l’expiration du délai dans lequel il doit quitter le territoire, pour « éviter tout risque de fuite ». De telles mesures peuvent également être imposées dans le cas d’un report temporaire de l’éloignement, en vertu de l’article 44sexies de cette loi. En cas de non-respect des mesures
préventives, l’article 44quinquies de ladite loi prévoit que « toutes les mesures nécessaires » pour exécuter l’ordre de quitter le territoire peuvent être adoptées, même avant l’expiration du délai de départ volontaire, lorsque la personne concernée présente un risque de fuite.
61. À cet égard, il est important de noter que ces « mesures préventives » ne sont pas définies par la législation nationale, à l’exception de la possibilité d’une assignation à résidence dans l’hypothèse où l’éloignement est temporairement reporté au sens de l’article 44sexies de la loi du 15 décembre 1980. Pour le reste, cette loi prévoit que « [l]e Roi est habilité à déterminer ces mesures par un arrêté délibéré en Conseil des ministres » (articles 44quater et 44sexies) sans préciser le contenu
desdites mesures. Le gouvernement belge a précisé dans ses observations qu’aucun arrêté royal n’a à ce jour déterminé ces mesures ( 25 ).
62. Toutefois, il convient de relever que, selon l’exposé des motifs relatifs aux dispositions en cause, celles-ci « s’inspirent grandement » des dispositions de la directive retour ( 26 ). Partant, s’inspirant des dispositions « similaires » applicables aux ressortissants de pays tiers prévues à l’article 7, paragraphe 3, de cette directive, de telles mesures pourraient consister, notamment, en des « obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière
adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé ». C’est donc en partant de la prémisse selon laquelle de telles mesures peuvent effectivement constituer des « mesures préventives », au sens des dispositions nationales en cause au principal, qu’il convient de procéder à notre analyse.
63. S’agissant de la qualification juridique de ces mesures préventives, deux approches divergentes sont envisageables.
64. D’une part, le gouvernement polonais, auquel se rallient les gouvernements belge et danois, fait valoir que ces mesures préventives constituent, en substance, de simples mesures administratives accessoires à une décision d’éloignement existante, qui ont pour seul but d’assurer son exécution et qui ne sauraient intervenir en l’absence de celle-ci. Lesdites mesures ne seraient donc pas susceptibles de limiter davantage la liberté de circulation et de séjour, mais viseraient uniquement à assurer
l’exécution d’une décision d’éloignement, qui, elle, constitue incontestablement une mesure limitant la libre circulation, au sens de l’article 15, paragraphe 1, ou de l’article 27, paragraphe 1, de la directive séjour ( 27 ).
65. Si cette première approche devait être retenue, les « mesures préventives » pourraient être qualifiées de mesures procédurales relevant pleinement de l’autonomie procédurale des États membres, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité.
66. D’autre part, la juridiction de renvoi et la Commission relèvent que ces mesures préventives, malgré leur caractère accessoire, ont nécessairement un effet sur les droits et les libertés du citoyen de l’Union ou du membre de famille concerné puisque lesdites mesures ont précisément pour but d’empêcher sa fuite, ce qui pourrait l’empêcher de se rendre, le cas échéant, dans un autre État membre.
67. Si cette seconde approche devait être retenue, les « mesures préventives » seraient qualifiées non pas de simples mesures procédurales, mais de mesures imposant une nouvelle restriction à la liberté de circulation, au sens de l’article 21 TFUE. Conformément à une jurisprudence constante, il faudrait donc vérifier si ces mesures préventives sont justifiées en ce qu’elles se fondent sur des considérations objectives et sont proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (
28 ).
2. Sur l’existence d’une restriction
68. Pour les raisons suivantes, je propose de suivre la seconde approche, selon laquelle les « mesures préventives » ne devraient pas être considérées comme de simples dispositions procédurales mais comme des mesures susceptibles de constituer des restrictions à la liberté de circulation, au sens de l’article 21 TFUE.
69. En premier lieu, il me paraît important de souligner, d’emblée, que le fait qu’un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille ait fait l’objet d’une décision d’éloignement ne signifie pas que cette personne cesse de bénéficier du droit de libre circulation sur le territoire de l’Union. En effet, certes, ladite personne doit quitter le territoire de l’État membre d’accueil qui a rendu la décision d’éloignement, mais elle continue de bénéficier du droit fondamental de libre circulation et de
séjour sur le reste du territoire de l’Union. Partant, il convient de rejeter la thèse selon laquelle les « mesures préventives », étant accessoires aux décisions d’éloignement, ne sauraient être, elles-mêmes, susceptibles d’affecter le droit de libre circulation de la personne concernée par la décision d’éloignement. De surcroît, cette constatation ne saurait être infirmée par le fait que les mesures préventives visent à faciliter l’éloignement de la personne concernée de l’État membre
d’accueil et non pas à limiter son droit de circuler et de séjourner dans d’autres États membres.
70. En deuxième lieu, et eu égard à ce qui précède, malgré le fait que le contenu des « mesures préventives » n’est pas précisé dans la loi du 15 décembre 1980, il me semble que la possibilité que ces mesures puissent affecter directement la liberté de circulation et de séjour conférés par la directive séjour ne peut être exclue. Cette constatation est évidente dans le cas d’une mesure préventive prise sous la forme d’une « assignation à résidence », qui constitue par définition une restriction à la
liberté de circulation non seulement sur le territoire de l’État membre concerné, mais également sur le territoire de l’Union. De même, des mesures telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé pourraient également affecter la capacité de la personne concernée non seulement de circuler, voire de séjourner, dans un autre État membre, mais également de préparer son départ
volontaire. Plus précisément, de telles mesures préventives pourraient remettre en cause la jouissance effective du droit de bénéficier d’une période d’un mois, prévue à l’article 30, paragraphe 3, de la directive séjour, pour, notamment, préparer le départ volontaire vers un autre État membre, affectant, in fine, le droit de libre circulation ( 29 ). Tel serait notamment le cas si les mesures préventives en question étaient imposées dès les premiers jours suivant la notification de la décision
d’éloignement. En effet, je note que le libellé de l’article 44ter de la loi du 15 décembre 1980 ne semble pas exclure la prise de mesures préventives avant l’écoulement du délai d’un mois ( 30 ).
71. En troisième lieu, il résulte de cette analyse que les « mesures préventives » n’ont pas pour objet d’organiser simplement des procédures liées à l’exécution d’une décision d’éloignement. En effet, l’exécution d’une telle décision ne nécessite pas, en principe, l’imposition au préalable de mesures préventives. En ce sens, ces mesures sont, certes, des mesures administratives, mais elles vont bien au-delà de mesures d’ordre purement organisationnel ou procédural, dont il était notamment question
dans l’arrêt Petrea. Dès lors, il ne me paraît pas opportun de les traiter comme de simples règles de procédure et de les évaluer sous l’angle de leur conformité avec les principes d’équivalence et d’effectivité ( 31 ).
72. Sur la base de ces considérations, il convient de constater que, malgré le fait que la jurisprudence issue de l’arrêt Petrea reconnaît aux États membres la possibilité de s’inspirer de la directive retour aux fins d’adopter des mesures d’exécution des décisions d’éloignement prises en vertu de la directive séjour, cette jurisprudence ne saurait être pleinement appliquée au cas d’espèce, car, contrairement aux mesures d’ordre purement organisationnel et procédural, ces mesures préventives sont
susceptibles d’affecter l’exercice même des droits octroyés par la directive séjour et notamment de restreindre la liberté de circulation et de séjour. Pour juger si lesdites mesures sont conformes au droit de l’Union, il convient, dès lors, de vérifier si elles peuvent être justifiées.
3. Sur l’existence d’une justification
73. Conformément à une jurisprudence constante, une réglementation qui est de nature à restreindre la libre circulation des personnes ne peut être justifiée au regard du droit de l’Union que si elle est fondée sur des considérations objectives d’intérêt général, indépendantes de la nationalité des personnes concernées, et si elle est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national ( 32 ).
74. C’est à la lumière de ces exigences qu’il convient d’examiner si les mesures préventives, malgré leur effet restrictif en ce qui concerne la liberté de circulation et de séjour, peuvent être justifiées.
75. En premier lieu, s’agissant des considérations objectives, le gouvernement belge fait valoir que les mesures préventives en cause se justifient par la volonté du législateur belge d’éviter le « risque de fuite » d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille qui a fait l’objet d’une décision d’éloignement. En effet, cet objectif ressortirait clairement du libellé même des articles 44quater et 44quinquies de la loi du 15 décembre 1980, et serait cohérent avec l’exposé des motifs de cette
loi ( 33 ).
76. Une telle justification doit être considérée, à mes yeux, comme légitime et comme permettant de justifier une mesure restrictive d’une liberté fondamentale, telle que celle prévue à l’article 21 TFUE ( 34 ). En effet, les mesures préventives en cause visent à garantir l’exécution d’une décision d’éloignement prise au titre de la directive séjour, lorsque les autorités compétentes estiment, notamment, qu’il existe un risque que la personne concernée n’y donne pas suite de manière volontaire dans
le délai imparti. In fine, lesdites mesures visent donc à assurer l’effet utile de la directive séjour et à ne pas compromettre l’éloignement des citoyens de l’Union ou des membres de leur famille, lorsque ceci est exigé au titre de cette directive. Par ailleurs, et de manière plus générale, les États membres ont un intérêt légitime à instaurer un régime relatif à l’exécution des décisions d’éloignement, y compris des règles relatives au risque de fuite, pour des raisons de transparence, de
sécurité juridique et de prévisibilité.
77. En second lieu, s’agissant du contrôle de la proportionnalité de ces mesures, conformément à la jurisprudence pertinente, une mesure est proportionnée lorsque, tout en étant apte à la réalisation de l’objectif poursuivi, elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ( 35 ).
78. Le caractère proportionné des mesures préventives requiert une analyse et une mise en balance de divers éléments de droit et de fait propres à l’État membre concerné que la juridiction de renvoi est mieux à même que la Cour d’effectuer, notamment, étant donné que le contenu même de ces mesures n’a pas encore été déterminé (voir point 61 des présentes conclusions). Par ailleurs, il incombe à la juridiction de renvoi de prendre en compte le contexte institutionnel et la façon dont les autorités
compétentes appliqueront lesdites mesures. Dans le cadre de cette appréciation de la proportionnalité, les éléments suivants me semblent pertinents.
79. Premièrement, j’estime qu’une application systématique de ces mesures préventives sur la base d’éléments non directement liés au risque de fuite, tels que le motif justifiant l’éloignement, constituerait une restriction au droit de circuler et de séjourner allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de limiter le risque de fuite. En effet, le motif de l’éloignement, même lorsqu’il s’agit d’une atteinte à l’ordre public ou à la sécurité publique, ne saurait, à lui seul,
motiver une mesure préventive. Toutefois, il me paraît évident que le comportement des personnes concernées avant l’adoption de la décision d’éloignement sera un élément déterminant du risque de fuite, qui devra être pris en compte par les autorités compétentes. Par exemple, pour apprécier la proportionnalité de la mesure, il devra certainement être tenu compte de la nature de la menace pour l’ordre public justifiant l’éloignement ( 36 ).
80. Deuxièmement, je suis d’avis qu’une application proportionnée aux objectifs recherchés doit être caractérisée par un recours aux mesures préventives uniquement lorsqu’il existe un réel risque de fuite. Ainsi, les autorités compétentes devront appliquer ces mesures exceptionnellement et sur la base d’une appréciation individuelle du risque de fuite de la personne concernée. Ainsi, pour que les mesures préventives soient considérées comme proportionnées, le choix de chaque mesure devra être fait
en fonction du degré de risque de fuite. Par exemple, l’obligation de « demeurer en un lieu déterminé », qui constitue une restriction manifeste à la liberté de circuler et de séjourner librement, ne serait justifiée que lorsque le risque de fuite est particulièrement élevé. Partant, les autorités compétentes devront vérifier, au cas par cas, s’il existe, parmi les mesures préventives, des mesures moins attentatoires à l’exercice des droits conférés par l’article 21 TFUE qui seraient aptes à
atteindre l’objectif d’assurer l’exécution effective d’une décision d’éloignement. Par ailleurs, ainsi que le fait observer la Commission, une mesure qui empêcherait purement et simplement le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille de se conformer à la décision d’éloignement pendant le délai de départ volontaire serait à la fois disproportionnée et contre-productive.
81. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre à la première question préjudicielle que les articles 20 et 21 TFUE ainsi que la directive séjour doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à ce que les États membres appliquent une législation nationale qui prévoit, à l’égard des citoyens de l’Union et des membres de leur famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement au titre de la directive séjour, des « mesures
préventives » similaires à celles qui constituent la transposition, en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers, de l’article 7, paragraphe 3, de la directive retour, afin d’éviter tout risque de fuite pendant le délai octroyé pour quitter le territoire de l’État membre concerné, à condition qu’elles soient fondées sur des considérations objectives et qu’elles soient proportionnées.
C. Sur la seconde question préjudicielle
82. Par sa seconde question, que je propose de reformuler afin de prendre en compte les considérations exposées au point 50 des présentes conclusions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 20 et 21 TFUE ainsi que la directive séjour doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui applique, aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement pour des raisons d’ordre public ou de sécurité
publique et n’ayant pas quitté le territoire de l’État membre concerné dans le délai imparti par cette décision, une mesure de rétention d’une durée maximale de huit mois, identique à celle prévue pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
83. Les requérants au principal proposent de répondre par l’affirmative à cette question, faisant valoir, en substance, qu’une telle mesure risquerait de mener à des rétentions disproportionnées, dépassant la durée strictement nécessaire à l’éloignement, sans contrôle effectif possible de la durée de la rétention. Le gouvernement belge, dont la position est partagée pour l’essentiel par les gouvernements danois et espagnol, soutient qu’il y a lieu de répondre à cette question par la négative, tout
en la reformulant (voir point 55 des présentes conclusions). Quant à la Commission, elle propose de répondre aussi par la négative, en soutenant que les États membres doivent pouvoir prévoir une durée maximale de rétention identique à celle qui est prévue pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à condition que cette durée reste, dans les cas individuels, aussi brève que possible et n’excède pas le temps strictement nécessaire à l’exécution de la mesure d’éloignement.
1. Sur l’identification et la qualification juridique de la mesure de rétention
84. L’article 44septies de la loi du 15 décembre 1980 prévoit la possibilité de « maintenir », c’est-à-dire de placer en rétention, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille, en vue de garantir l’exécution d’une mesure d’éloignement, à moins que d’autres mesures moins coercitives ne puissent s’appliquer efficacement. Cette rétention peut durer pendant le temps strictement nécessaire à l’exécution de la mesure d’éloignement et ne doit pas, en principe, dépasser les deux mois. Cette
disposition prévoit également des possibilités de prolongation de la durée de rétention, celles-ci étant identiques à celles prévues pour les ressortissants de pays tiers à l’article 74/5, § 3, de la loi du 15 décembre 1980, à savoir cinq mois maximum, allant jusqu’à huit mois en cas de motifs d’ordre public ou de sécurité nationale. C’est cette dernière prolongation maximale de huit mois qui préoccupe la juridiction de renvoi et qui fera l’objet de la présente analyse.
85. À titre liminaire, je rappelle que, ainsi qu’il a été relevé aux points 41 à 46 des présentes conclusions, la directive séjour ne prévoit pas de régime spécifique pour la mise en œuvre ou l’exécution des décisions d’éloignement ni, a fortiori, de dispositions relatives à la rétention aux fins d’un tel éloignement. De même, cette directive ne contient aucune disposition qui s’opposerait explicitement à ce que de telles mesures soient prises par les États membres. En l’absence de règles de l’Union
en la matière, il appartient donc à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités d’exécution des décisions d’éloignement, le cas échéant, en s’inspirant des dispositions de la directive retour, qui concerne les ressortissants de pays tiers.
86. En effet, la possibilité de rétention à des fins d’éloignement est prévue à l’article 15 de la directive retour, « afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ». S’agissant de la durée de cette rétention, le paragraphe 1 de cet article dispose qu’elle doit être « aussi brève que possible et n’[être]
maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours », et le paragraphe 5 dudit article, ajoute que « [c]haque État membre fixe une durée déterminée de rétention qui ne peut pas dépasser six mois ». En outre, ce même article, au paragraphe 6, prévoit une possible prolongation pour une période n’excédant pas douze mois supplémentaires, lorsque l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers ou des
retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.
87. Or, pour que ces dispositions de la directive retour puissent être transposables aux citoyens de l’Union, il faut qu’elles ne constituent pas pour ceux-ci, en elles-mêmes, des restrictions à la liberté de circulation et de séjour des personnes concernées, à moins qu’elles soient justifiées et ne portent pas atteinte à l’effet utile du droit de l’Union.
2. Sur l’existence d’une restriction
88. À cet égard, j’estime que, en suivant le même raisonnement appliqué aux « mesures préventives » (voir points 68 à 72 des présentes conclusions), une mesure de rétention ne saurait constituer une simple mesure procédurale, en ce qu’elle est susceptible de représenter un obstacle à la liberté de circulation et de séjour du citoyen de l’Union. En effet, une telle « rétention » constitue ipso facto une restriction à la libre circulation du fait qu’elle ne permet pas à la personne concernée de
circuler librement, y compris dans l’État membre ayant rendu la décision d’éloignement ( 37 ).
3. Sur l’existence d’une justification
89. Une telle restriction pourrait, toutefois, être justifiée, si elle est fondée sur des considérations objectives et proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (voir point 73 des présentes conclusions).
90. À cet égard, s’agissant, en premier lieu, des considérations objectives, il convient de remarquer que, contrairement aux dispositions de l’article 15 de la directive retour, le libellé de l’article 44septies de la loi du 15 décembre 1980 ne contient aucune indication quant aux motifs qui pourraient justifier le recours à une mesure de rétention, autre que celle que cette rétention doit être « exigée » pour des raisons d’ordre public, de sécurité nationale ou de santé publique et qu’elle vise à
« garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ». À cet égard, le gouvernement belge a expliqué, dans ses observations, que le recours à la rétention ne serait justifié que pour préparer le retour et procéder à l’éloignement, et qu’il intervient uniquement lorsque l’exécution de la décision d’éloignement risque d’être compromise par le comportement de la personne concernée. Sous réserve que cette interprétation soit confirmée par la juridiction de renvoi, il convient de conclure qu’une telle
mesure qui vise principalement à garantir l’exécution d’une décision d’éloignement, et, in fine, l’effet utile de certaines dispositions de la directive séjour me paraît légitime et pouvant justifier une restriction à la libre circulation.
91. En second lieu, j’estime que, s’il est également justifié pour les États membres de vouloir prévoir une durée maximale de rétention, il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier le caractère proportionné de celle-ci, en tenant compte, le cas échéant, de l’expérience administrative relative à la mise en œuvre de l’article 74/5, § 3, de la loi du 15 décembre 1980, ainsi que de la pratique décisionnelle relative au temps normalement requis pour exécuter une mesure d’éloignement d’un citoyen de
l’Union envers un autre État membre. Ceci permettra de juger si les huit mois excèdent de manière disproportionnée le temps strictement nécessaire à l’exécution de la mesure d’éloignement. Les éléments suivants pourraient être pertinents à cet égard.
92. Premièrement, le recours à la durée maximale de rétention devrait être apprécié non pas isolément, mais dans le contexte plus général de l’application de l’article 44septies de la loi du 15 décembre 1980. En effet, sur la base d’une telle analyse contextuelle, il me semble que ce n’est qu’à titre exceptionnel que le recours à une prolongation d’une durée maximale de huit mois serait justifié. Tout d’abord, il est clairement indiqué dans cet article 44septies qu’une mesure de rétention sera
adoptée « à moins que d’autres mesures moins coercitives puissent s’appliquer efficacement ». Ensuite, la prolongation d’une telle rétention par période de deux mois n’est prévue que lorsque les démarches nécessaires en vue de l’éloignement ont été entreprises dans les sept jours ouvrables suivant la rétention, ce qui devrait normalement les accélérer. En outre, à la suite de cette première prolongation, une prolongation ultérieure ne peut être prise que par le ministre, pour une durée maximale
de rétention de cinq mois, au terme desquels la personne concernée devra être remise en liberté. Enfin, ce n’est que lorsque la sauvegarde de l’ordre public ou de la sécurité nationale l’exige que la rétention sera prolongée chaque fois d’un mois, pour une durée totale de huit mois.
93. Deuxièmement, je relève que lors de l’audience, le gouvernement belge a expliqué que cette durée maximale de huit mois a été choisie dans la mesure où la directive séjour n’exclut pas la prise d’une décision d’éloignement à l’égard de ressortissants de pays tiers, lorsque ceux-ci sont membres de la famille d’un citoyen de l’Union. C’est dans cette perspective que la durée maximale a été calquée sur la durée maximale applicable aux ressortissants de pays tiers en vertu de l’article 74/5, § 3, de
la loi du 15 décembre 1980.
94. Or, à l’exception de ces cas de figure très particuliers, et étant donné que l’article 44septies de la loi du 15 décembre 1980 vise à préparer le retour et procéder à l’éloignement, le temps nécessaire pour l’éloignement pourrait être généralement bien plus court dans le cas des citoyens de l’Union et des membres de leur famille ayant la nationalité d’un État membre, dans la mesure où le retour vers l’État d’origine requiert non pas la coopération d’un pays tiers mais celle d’un État membre. En
effet, j’estime qu’une durée maximale identique à celle prévue pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier omet de prendre en compte certains éléments qui distinguent la situation des citoyens de l’Union de celle des ressortissants de pays tiers, à savoir, d’une part, le système de coopération existant entre les États membres de l’Union, qui n’existe pas nécessairement dans le cas des pays tiers, et, d’autre part, la particularité que dans le cas de citoyens de l’Union, leur
identité est normalement connue et qu’il n’y a aucun doute quant à leur nationalité (ce dernier critère pouvant souvent justifier un délai plus long, dans le cas des ressortissants de pays tiers, afin de vérifier leur nationalité).
95. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question préjudicielle que les articles 20 et 21 TFUE ainsi que la directive séjour doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à ce que les États membres prévoient une durée maximale de rétention identique à celle prévue pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à condition que la durée de rétention reste, dans les cas individuels, aussi brève que
possible et n’excède pas le temps strictement nécessaire à l’exécution de la mesure d’éloignement, qui sera normalement inférieur à celui nécessaire pour l’exécution d’une mesure d’éloignement visant des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
V. Conclusion
96. Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par la Cour constitutionnelle (Belgique) :
1) Les articles 20 et 21 TFUE ainsi que la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, telle que modifiée par le règlement (UE) no 492/2011 du
Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à ce que les États membres appliquent, à l’égard d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement au titre de directive 2004/38, avant l’expiration du délai de départ volontaire prévu à l’article 30, paragraphe 3, de cette directive, des mesures préventives visant à éviter un risque de fuite, telles que celles visées
à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à condition qu’elles soient fondées sur des considérations objectives et qu’elles soient proportionnées.
2) Les articles 20 et 21 TFUE ainsi que la directive 2004/38, telle que modifiée par le règlement no 492/2011, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à ce que les États membres prévoient, à l’égard d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement au titre de cette directive, après l’expiration du délai de départ volontaire prévu à l’article 30, paragraphe 3, de ladite directive, une mesure de rétention visant
à exécuter cette décision d’éloignement d’une durée maximale identique à celle prévue pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à condition que cette durée reste, dans les cas individuels, aussi brève que possible et n’excède pas le temps strictement nécessaire à l’exécution de la mesure d’éloignement, qui sera normalement inférieur à celui nécessaire pour l’exécution d’une mesure d’éloignement visant des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 ) Langue originale : le français.
( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77), telle que modifiée par le règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du
Conseil, du 5 avril 2011 (JO 2011, L 141, p. 1, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).
( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).
( 4 ) Ordonnance du 10 février 2004, Mavrona (C‑85/03, EU:C:2004:83, point 20).
( 5 ) Arrêt du 14 septembre 2017, Petrea (C‑184/16, ci-après l’« arrêt Petrea », EU:C:2017:684, point 52).
( 6 ) Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584.
( 7 ) Moniteur belge du 19 avril 2017, p. 51890.
( 8 ) L’Ordre des barreaux francophones et germanophone a introduit un recours en annulation totale ou partielle des articles 5 à 52 de la loi du 24 février 2017.
( 9 ) L’Association pour le droit des Étrangers, la Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Étrangers, la Ligue des Droits de l’Homme et la Vluchtelingenwerk Vlaanderen ont introduit un recours en annulation totale ou partielle des articles 5, 6, 12 à 14, 17 à 19, 21, 22, 24 à 26, 28 à 31, 33, 34, 37, 41 et 45 de la loi du 24 février 2017.
( 10 ) La juridiction de renvoi cite également l’ordonnance du 10 février 2004, Mavrona (C‑85/03, EU:C:2004:83), à laquelle se réfèrent les travaux préparatoires de la loi du 24 février 2017.
( 11 ) La juridiction de renvoi ne cite pas les dispositions de la directive séjour pertinentes à cet égard.
( 12 ) Voir article 8 CE (JO 1992, C 191, p. 1).
( 13 ) Arrêt du 7 octobre 2010, Lassal (C‑162/09, EU:C:2010:592, point 30 et jurisprudence citée).
( 14 ) Force est de constater que ni l’article 27, paragraphe 1, ni l’article 15, paragraphe 1, de la directive séjour n’utilisent les termes « décisions d’éloignement ». Ces dispositions se réfèrent, respectivement, de manière plus générale, à une « [restriction] de la liberté de circulation et de séjour » ou à une « décision limitant la libre circulation ». Toutefois, il ressort des autres dispositions de cette directive que les « décisions d’éloignement » font clairement partie de ces mesures
(voir article 28, paragraphe 1, et article 15, paragraphes 2 et 3, de ladite directive).
( 15 ) Voir, en ce sens, arrêts du 17 mars 2016, Bensada Benallal (C‑161/15, EU:C:2016:175, points 23 à 25), Petrea (point 53) et du 27 juin 2018, Diallo (C‑246/17, EU:C:2018:499, points 45 et 59).
( 16 ) Voir arrêt Petrea (points 50 à 56) et conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Petrea (C‑184/16, EU:C:2017:324, points 75 à 87).
( 17 ) Voir arrêt Petrea (points 52 à 56). En l’occurrence, la Cour a conclu que la directive séjour ne s’opposait pas à ce qu’une décision de retour, prise au titre de la directive séjour, soit adoptée par les mêmes autorités et selon la même procédure qu’une décision de retour d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier prise au titre de la directive retour. D’une part, s’agissant de la détermination des autorités compétentes pour adopter les différentes mesures prévues par la directive
séjour, la Cour a jugé que cette détermination relève de l’autonomie procédurale des États membres, cette directive ne comportant aucune disposition à cet égard. D’autre part, s’agissant de la procédure à suivre, la Cour a considéré que non seulement la directive retour, à laquelle renvoyait le droit national en cause au principal, prévoyait l’application de garanties procédurales, mais aussi et surtout que ce droit réservait en tout état de cause l’application des mesures de transposition de cette
directive qui seraient plus favorables au citoyen de l’Union.
( 18 ) Voir, aussi, article 3, point 7, de la directive retour, qui définit le risque de fuite.
( 19 ) Arrêt du 2 octobre 2019, Bajratari (C‑93/18, EU:C:2019:809, point 28 et jurisprudence citée).
( 20 ) Voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2018, Diallo (C‑246/17, EU:C:2018:499, point 46).
( 21 ) Le gouvernement belge a précisé que, en droit national, la décision de fin de séjour ne comporte pas in se de décision de retour ou de décision d’éloignement, mais que les autorités compétentes peuvent, outre cette décision de fin de séjour, décider de prendre une décision de retour ou d’éloignement. Ces règles sont cohérentes avec les dispositions de la directive séjour qui prévoit, en substance, que, pour qu’une décision d’éloignement soit prise, il ne suffit pas que le citoyen de l’Union
ou le membre de sa famille ne remplisse plus les conditions de séjour prévues au chapitre III de cette directive, il doit également représenter « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil » [voir, à cet égard, analyse aux points 49 à 53 de mes conclusions dans l’affaire pendante Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (C-719/19)].
( 22 ) L’article 44quater de la loi du 15 décembre 1980, qui prévoit la possibilité d’adopter des « mesures préventives », se réfère au délai visé à l’article 44ter de cette loi, qui, à son tour, prévoit la possibilité de délivrer un ordre de quitter le territoire « [l]orsqu’un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’a pas ou n’a plus le droit de séjourner sur le territoire ».
( 23 ) Arrêt du 10 décembre 2020, J & S Service (C‑620/19, EU:C:2020:1011, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
( 24 ) Mise en italique par mes soins.
( 25 ) La juridiction de renvoi relève que l’« assignation à résidence » est expressément prévue par la loi parce que seul le législateur peut prévoir une mesure restrictive de la liberté d’aller et venir et que le Conseil des ministres en déduit que les autres « mesures préventives » que le roi est habilité à prendre ne peuvent avoir pour but ou pour effet de restreindre la liberté d’aller et venir.
( 26 ) « Ces nouvelles règles ne constituent pas une transposition de la [directive retour] mais s’en inspirent grandement. » (Doc. Parl., Chambre, 2016-2017, Doc 54-2215/001, p. 38).
( 27 ) Le gouvernement belge ajoute que les mesures préventives ne se fondent pas sur des motifs prévus aux articles 15 ou 27 de la directive séjour, mais sur l’existence d’un risque de fuite.
( 28 ) Voir arrêts du 6 septembre 2016, Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:630, point 34), et du 13 novembre 2018, Raugevicius (C‑247/17, EU:C:2018:898, point 31).
( 29 ) Voir point 65 de mes conclusions dans l’affaire pendante Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (C-719/19).
( 30 ) Si l’article 44ter de la loi du 15 décembre 1980 prévoit, notamment, que l’« ordre de quitter le territoire » doit indiquer le délai de départ, qui ne peut pas être inférieur à un mois à compter de la notification de la décision, l’article 44quater de cette loi précise que « [p]our éviter tout risque de fuite pendant le délai visé à l’article 44ter, le citoyen de l’Union ou le membre de sa famille peut être contraint à remplir des conditions préventives » (mise en italique par mes soins).
( 31 ) Je note, à cet égard, que la conformité avec les principes d’équivalence et d’effectivité est rarement analysée dans un tel cas de figure, vu que la jurisprudence de la Cour concerne principalement des modalités régissant les procédures administratives et juridictionnelles destinées à assurer la sauvegarde du droit de l’Union [voir à titre indicatif, arrêts du 4 octobre 2012, Byankov (C‑249/11, EU:C:2012:608, point 69) et du 17 mars 2016, Bensada Benallal (C‑161/15, EU:C:2016:175, points 23
et 24 ainsi que jurisprudence citée)].
( 32 ) Voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 2011, Runevič-Vardyn et Wardyn (C‑391/09, EU:C:2011:291, point 83), ainsi que du 26 février 2015, Martens (C‑359/13, EU:C:2015:118, point 34).
( 33 ) Selon l’exposé des motifs de la loi du 24 février 2017, celle-ci vise à « assurer une politique d’éloignement plus transparente, plus cohérente et plus efficace, en particulier lorsque le but est de garantir l’ordre public ou la sécurité nationale, tout en respectant les droits fondamentaux des personnes concernées ». (Doc. Parl., Chambre, 2016-2017, Doc 54-2215/001, p. 4).
( 34 ) Voir, par analogie, arrêt du 17 décembre 2020, Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Extradition vers l’Ukraine) (C‑398/19, EU:C:2020:1032, point 42), dans lequel la Cour a reconnu que l’objectif d’éviter le risque d’impunité des personnes ayant commis une infraction doit être considéré comme légitime et permet de justifier une mesure restrictive d’une liberté fondamentale, telle que celle prévue à l’article 21 TFUE.
( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Coman e.a. (C‑673/16, EU:C:2018:385, point 41).
( 36 ) À cet égard, l’article 27, paragraphe 2, de la directive séjour précise que les décisions d’éloignement justifiées pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique doivent « être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné ». Partant, en principe, les autorités compétentes disposeront d’une première appréciation du comportement de la personne concernée.
( 37 ) Voir, par analogie, arrêt du 17 février 2005, Oulane (C‑215/03, EU:C:2005:95, points 41 à 44), dans lequel la Cour a estimé qu’une mesure de rétention d’un citoyen de l’Union peut constituer un obstacle à la libre prestation des services. Voir, également, conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Oulane (C‑215/03, EU:C:2004:653, point 97).