ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
12 mai 2021 ( *1 )
« Aides d’État – Aide mise en exécution par le Luxembourg en faveur d’Engie – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et illégale et ordonnant sa récupération – Décisions fiscales anticipatives (tax rulings) – Ressources d’État – Avantage – Effet combiné de deux mesures fiscales – Exonération de revenus de participations – Imposition des distributions de bénéfices – Abus de droit – Caractère sélectif – Cadre de référence – Constat d’une dérogation – Comparabilité des
situations – Régime mère-fille – Groupe de sociétés – Récupération – Harmonisation indirecte – Droits procéduraux – Obligation de motivation »
Dans les affaires T‑516/18 et T‑525/18,
Grand-Duché de Luxembourg, représenté par M. T. Uri, en qualité d’agent, assisté de Me D. Waelbroeck, avocat,
partie requérante dans l’affaire T‑516/18,
soutenu par
Irlande, représentée par Mmes J. Quaney, M. Browne et M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de M. P. Gallagher, Mme S. Kingston, SC, et M. B. Doherty, barrister,
partie intervenante,
Engie Global LNG Holding Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg),
Engie Invest International SA, établie à Luxembourg,
Engie, établie à Courbevoie (France),
représentées par Mes B. Le Bret, M. Struys et C. Rydzynski, avocats,
parties requérantes dans l’affaire T‑525/18,
contre
Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et S. Noë, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2019/421 de la Commission, du 20 juin 2018, concernant l’aide d’État SA.44888 (2016/C) (ex 2016/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur d’Engie (JO 2019, L 78, p. 1),
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),
composé de M. M. van der Woude, président, Mme V. Tomljenović (rapporteure), M. F. Schalin, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm, juges,
greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 septembre 2020,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 Le 23 mars 2015, la Commission européenne a envoyé au Grand-Duché de Luxembourg une demande de renseignements relative à ses pratiques en matière de décisions fiscales anticipatives à l’égard des sociétés du groupe Engie, en ce compris Engie (ci-après « Engie SA »), Engie Global LNG Holding Sàrl et Engie Invest International SA (ci-après, prises ensemble, « Engie »).
2 Par cette demande, la Commission sollicitait, d’une part, la transmission de l’ensemble des décisions fiscales anticipatives, en vigueur ou ayant été en vigueur au cours des dix années précédentes, accordées aux sociétés du groupe Engie depuis 2004, et ce jusqu’au 23 mars 2015.
3 La Commission sollicitait, d’autre part, l’envoi des comptes annuels du groupe Engie et des sociétés le composant pour les années 2011 à 2013 ainsi qu’une copie de leurs déclarations fiscales.
A. Groupe Engie
4 À la lumière des considérants 16 à 22 de la décision (UE) 2019/421 de la Commission, du 20 juin 2018, concernant l’aide d’État SA.44888 (2016/C) (ex 2016/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur d’Engie (JO 2019, L 78, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), le groupe Engie se compose d’Engie SA, société établie en France, et de l’ensemble des sociétés que cette dernière contrôle directement ou indirectement, désignées collectivement dans la décision attaquée en tant qu’« Engie ».
5 Au Luxembourg, Engie SA contrôle diverses sociétés. Il en va ainsi de la Compagnie européenne de financement C.E.F. SA (ci-après « CEF »), constituée au Luxembourg depuis 1933 et renommée Engie Invest International SA en 2015.
6 Cette dernière a pour objet l’acquisition de participations au Luxembourg et dans des entités étrangères ainsi que la gestion, l’exploitation et le contrôle de ces participations.
7 CEF détient, premièrement, GDF Suez Treasury Management Sàrl (ci-après « GSTM ») ainsi que, deuxièmement, Electrabel Invest Luxembourg SA (ci-après « EIL »).
8 CEF a, à partir de 2010, transféré son activité de financement et de gestion de trésorerie à GSTM.
9 CEF détient, troisièmement, GDF Suez LNG Holding Sàrl (ci-après « LNG Holding »), constituée au Luxembourg depuis 2009 et renommée en 2015 Engie Global LNG Holding Sàrl.
10 Cette dernière a pour objet l’acquisition de participations au Luxembourg et dans des entités étrangères ainsi que la gestion de ces participations.
11 LNG Holding a remplacé, à la fin de l’année 2009, une autre société du groupe Engie, Suez LNG Trading (ci-après « LNG Trading »), à la tête de GDF Suez LNG Supply SA (ci-après « LNG Supply ») et GDF Suez LNG Luxembourg Sàrl (ci-après « LNG Luxembourg »).
12 LNG Luxembourg et LNG Supply ont été établies au Luxembourg en 2009 et créées aux fins notamment d’assurer, le 30 octobre 2009, le financement, puis le transit des activités dans le secteur du gaz naturel liquéfié et de produits dérivés du gaz de LNG Trading vers LNG Supply en passant par LNG Luxembourg.
13 Le transfert intragroupe des activités de CEF et de LNG Trading à leurs filiales respectives a été financé au sein du groupe Engie, par le biais de la souscription par LNG Supply et GSTM (ci-après, prises ensemble, les « filiales ») auprès, respectivement, de LNG Luxembourg et d’EIL (ci-après, prises ensemble, les « sociétés intermédiaires ») d’un type d’emprunt sans intérêts obligatoirement convertible en actions dénommé « ZORA ».
14 Tant le transfert de l’activité de financement et de gestion de trésorerie de CEF à GSTM que celui de l’activité d’achat, de vente et de trading de gaz naturel liquéfié et de produits dérivés du gaz de LNG Trading à LNG Supply ont donné lieu à l’émission, par l’administration fiscale luxembourgeoise, de deux séries de décisions fiscales anticipatives.
B. Décisions fiscales anticipatives
15 En réponse à la demande de renseignements du 23 mars 2015, le Grand-Duché de Luxembourg a transmis à la Commission deux séries de décisions fiscales anticipatives (ci-après, prises ensemble, les « DFA en cause ») :
– une série de décisions fiscales anticipatives concernant le transfert de l’activité d’achat, de vente et de trading de gaz naturel liquéfié et de produits dérivés du gaz de LNG Holding à LNG Supply ainsi que son financement par l’intermédiaire d’un prêt octroyé par LNG Luxembourg, les sociétés impliquées résidant toutes au Luxembourg ;
– une série de décisions fiscales anticipatives concernant le transfert de l’activité de financement et de gestion de trésorerie d’actifs de CEF à GSTM ainsi que son financement par l’intermédiaire d’un prêt octroyé par EIL, les sociétés impliquées résidant toutes au Luxembourg.
1. Décisions fiscales anticipatives relatives au transfert d’activités au bénéfice de LNG Supply
16 Les décisions fiscales anticipatives relatives au transfert d’activités liées au gaz naturel liquéfié et aux produits dérivés du gaz au bénéfice de LNG Supply sont présentées aux considérants 23 à 58 de la décision attaquée et figurent en annexe au dossier de l’affaire T‑516/18.
17 La première décision fiscale anticipative a été émise le 9 septembre 2008. Elle fait état de la création de LNG Supply, puis de LNG Luxembourg, ainsi que du projet de cession des activités de LNG Trading à LNG Luxembourg, puis de leur cession ultérieure à LNG Supply.
18 De manière schématique, LNG Supply a acquis les activités de LNG Trading en souscrivant auprès de LNG Luxembourg un ZORA. À sa conversion, LNG Supply a émis des actions incorporant le montant nominal du ZORA majoré ou minoré des accrétions sur cet emprunt (ci-après les « accrétions sur ZORA »).
19 Sur le plan fiscal, il ressort de la décision fiscale anticipative du 9 septembre 2008 que LNG Supply est uniquement imposée sur une marge convenue avec l’administration fiscale luxembourgeoise. Cette marge correspond à une fraction [confidentiel] ( 1 ) de LNG Supply, avec un minimum fixé à [confidentiel]. La différence entre les bénéfices réalisés chaque année et la marge convenue avec l’administration fiscale luxembourgeoise correspond aux accrétions sur ZORA, lesquelles sont une charge
déductible.
20 À titre d’illustration, la Commission a indiqué, au considérant 48 de la décision attaquée, que, pour l’année 2011, pour un chiffre d’affaires de [confidentiel], le revenu imposable de LNG Supply avait été fixé à hauteur de [confidentiel], à savoir [confidentiel]. En conséquence, LNG Supply se serait acquittée de [confidentiel] euros au titre de l’impôt sur le revenu des sociétés pour l’année 2011.
21 LNG Luxembourg finance, pour sa part, l’emprunt en cause en concluant avec LNG Trading un contrat de vente à terme prépayé, en vertu duquel LNG Luxembourg s’engage à céder l’ensemble des actions émises par LNG Supply à la date de la conversion, en contrepartie d’un prix correspondant au montant nominal du ZORA en cause.
22 Sur le plan fiscal, l’administration luxembourgeoise offre la possibilité à LNG Luxembourg, pendant la durée de vie du ZORA en cause, de ne comptabiliser ni revenu imposable ni aucune charge fiscalement déductible en rapport avec ce ZORA. Elle prévoit également que la conversion du ZORA en cause, à supposer que LNG Luxembourg opte pour l’application de l’article 22 bis de la loi modifiée, du 4 décembre 1967, concernant l’impôt sur le revenu (ci-après la « LIR »), tel que présenté au
considérant 89 de la décision attaquée, ne donnera lieu à aucune plus-value imposable. En d’autres termes, en cas d’option pour l’application de l’article 22 bis de la LIR, les accrétions sur ZORA ne seront pas imposées au jour de la conversion.
23 Il ressort également de la décision fiscale anticipative du 9 septembre 2008 que LNG Trading comptabilisera le paiement reçu au titre du contrat de vente à terme prépayé en tant qu’immobilisation financière et que ces actifs seront évalués au prix de revient, de sorte que, avant la conversion du ZORA en cause, LNG Trading ne comptabilisera aucun revenu ou aucune charge déductible en rapport avec ce ZORA. Par ailleurs, l’administration fiscale confirme que l’article 166 de la LIR, tel que présenté
aux considérants 83 à 86 de la décision attaquée, permettant d’exonérer d’impôts certains revenus de participations, s’applique à la participation achetée au titre du contrat à terme.
24 La deuxième décision fiscale anticipative a été émise le 30 septembre 2008 et concerne le transfert de la gestion effective de LNG Trading vers les Pays-Bas.
25 La troisième décision fiscale anticipative a été émise le 3 mars 2009 et entérine les modifications opérées dans la structure de financement prévue par la décision fiscale anticipative du 9 septembre 2008, notamment le remplacement de LNG Trading par LNG Holding et la mise en œuvre du ZORA souscrit par LNG Supply auprès de LNG Luxembourg et de LNG Holding.
26 La quatrième décision fiscale anticipative a été émise le 9 mars 2012 et clarifie certains termes comptables utilisés dans le calcul de la marge sur laquelle est imposée LNG Supply.
27 La dernière décision fiscale anticipative a été émise le 13 mars 2014 et confirme une demande introduite le 20 septembre 2013. Elle concerne le traitement fiscal de la conversion partielle du ZORA souscrit par LNG Supply. Il en découle que LNG Supply procédera, le jour de la conversion de cet emprunt, à la réduction de son capital d’un montant égal au montant de ladite conversion.
28 D’un point de vue fiscal, l’administration fiscale luxembourgeoise confirme que la conversion partielle en cause n’aura aucune incidence pour LNG Luxembourg. LNG Holding comptabilisera, pour sa part, un bénéfice équivalent à la différence entre le montant nominal des actions converties et le montant de cette conversion. En outre, il est prévu que ce bénéfice sera couvert par l’exonération des revenus de participations, en vertu de l’article 166 de la LIR.
2. Décisions fiscales anticipatives relatives au transfert d’activités au bénéfice de GSTM
29 Les décisions fiscales anticipatives relatives au transfert des activités de financement et de gestion de trésorerie au bénéfice de GSTM sont présentées aux considérants 59 à 77 de la décision attaquée et figurent en annexe au dossier de l’affaire T‑516/18.
30 La première décision fiscale anticipative, émise le 9 février 2010, valide une structure analogue à celle mise en place par LNG Holding pour financer le transfert de ses activités dans le secteur du gaz naturel liquéfié à LNG Supply. La structure en cause repose en effet sur un ZORA souscrit par GSTM auprès d’EIL et servant à financer l’acquisition de l’activité de financement et de gestion de trésorerie de CEF.
31 De la même manière que pour LNG Supply, GSTM est imposée durant la durée d’exécution du ZORA sur une marge convenue avec l’administration fiscale luxembourgeoise. Cette marge correspond à une fraction [confidentiel].
32 À titre d’illustration, la Commission a indiqué, au considérant 74 de la décision attaquée, que, pour l’année 2011, pour un revenu net avant impôt et avant accrétions de 45522581 euros et pour une valeur moyenne des actifs de GSTM de 3,7 milliards d’euros, cette dernière a été imposée [confidentiel].
33 La seconde décision fiscale anticipative, émise le 15 juin 2012, valide le traitement fiscal de l’opération de financement et repose sur une analyse identique à celle figurant dans la décision fiscale anticipative du 9 septembre 2008 au sujet du transfert des activités de LNG Trading au bénéfice de LNG Supply. Elle s’en distingue néanmoins pour ce qui concerne une éventuelle augmentation du montant du ZORA souscrit par GSTM.
3. Synthèse des structures de financement mises en place par les sociétés du groupe Engie
34 Il ressort des considérants 23 à 77 de la décision attaquée que les DFA en cause valident, à la lumière du droit fiscal luxembourgeois, différentes transactions intragroupe. En outre, la Commission met en exergue le fait qu’il ressort desdites DFA que ces transactions constituent un ensemble mettant en œuvre, pour LNG Supply et pour GSTM, une seule opération, à savoir, respectivement, le transfert intragroupe des activités relatives au gaz naturel liquéfié et de celles relatives au financement et
à la trésorerie, dont le financement a été assuré également au sein du même groupe. La Commission souligne de même que ces transactions ont été conçues, dès le départ, comme s’effectuant en trois étapes successives, mais interdépendantes, impliquant l’intervention des sociétés holdings, des sociétés intermédiaires et des filiales du groupe Engie. Les principales caractéristiques de ces transactions sont les suivantes.
35 En premier lieu, une société holding transfère à sa filiale un ensemble d’actifs.
36 Il ressort, d’une part, du considérant 34 de la décision attaquée que le transfert des activités de LNG Trading au bénéfice de LNG Supply a conduit à l’émission, par cette dernière, le 30 octobre 2009, de deux billets à ordre en faveur de LNG Trading. Le premier billet à ordre couvre une créance d’un montant de 11 millions d’USD (environ 9,26 millions d’euros) et le second une créance d’un montant de 646 millions d’USD (environ 544 millions d’euros). Seule la seconde créance a été cédée par LNG
Trading à LNG Holding.
37 Il ressort, d’autre part, du considérant 61 de la décision attaquée que le transfert des activités de CEF au bénéfice de GSTM a conduit à l’émission d’un billet à ordre en faveur de CEF. Le billet à ordre couvre une créance d’un montant de 1036912506,84 euros.
38 En deuxième lieu, pour financer les actifs transférés, la filiale souscrit, auprès d’une société intermédiaire, un ZORA. En application de ce contrat, outre le fait que le prêt octroyé ne génère pas d’intérêts périodiques, la filiale ayant souscrit un ZORA s’acquitte, au moment de sa conversion, du remboursement du prêt en émettant des actions dont le montant représente le montant nominal du prêt, majoré d’une prime constituée de l’ensemble des bénéfices réalisés par la filiale pendant la durée
du prêt, soit les accrétions sur ZORA, déduction faite d’une marge limitée convenue avec les autorités fiscales luxembourgeoises.
39 D’une part, il ressort du considérant 34 de la décision attaquée que, le 30 octobre 2009, un ZORA d’un montant nominal de 646 millions d’USD a été conclu entre LNG Supply et LNG Luxembourg pour une durée de quinze ans.
40 D’autre part, conformément au considérant 61 de la décision attaquée, deux contrats, l’un daté du 17 juin 2011 et l’autre daté du 30 juin 2014, ont été conclus aux fins de la souscription d’un ZORA par GSTM auprès d’EIL, dont l’échéance est fixée à 2026 et dont le montant nominal s’élève à 1036912506,84 euros.
41 En troisième lieu, la société intermédiaire finance le prêt octroyé à la filiale, en concluant avec la société holding un contrat de vente à terme prépayé. Selon les termes de ce contrat, la société holding paie à la société intermédiaire un montant égal au montant nominal du prêt en échange de l’acquisition des droits sur les actions que la filiale émettra à la conversion du ZORA en cause. Ainsi, si la filiale réalise des bénéfices pendant la durée de vie du ZORA en cause, la société mère sera
titulaire des droits sur l’ensemble des actions émises, lesquelles intégreront la valeur, outre du montant nominal du prêt, des bénéfices réalisés.
42 En pratique, ainsi qu’il ressort du considérant 34 de la décision attaquée, un contrat de vente à terme prépayé a été conclu, le 30 octobre 2009, entre LNG Luxembourg et LNG Holding. Ce contrat implique, premièrement, l’achat par LNG Holding de l’ensemble des droits de LNG Luxembourg sur les actions de LNG Supply pour un montant de 646 millions d’USD et, deuxièmement, la cession des actions de LNG Supply dès la date de leur émission.
43 Le considérant 61 de la décision attaquée fait quant à lui état de la conclusion, le 17 juin 2011, d’un contrat identique de vente à terme prépayé entre CEF et EIL.
44 La souscription par GSTM et LNG Supply d’un ZORA auprès, respectivement, d’EIL et de LNG Luxembourg et la conclusion par ces dernières d’un contrat de vente à terme prépayé avec, respectivement, CEF et LNG Holding (ci-après les « sociétés holdings concernées ») remplacent le financement initial du transfert des secteurs d’activités par le biais de l’émission, par GSTM et LNG Supply, de billets à ordre dont CEF et LNG Holding étaient, respectivement, titulaires.
45 Le schéma figurant au considérant 27 de la décision attaquée et reproduit ci-après illustre ces trois opérations successives.
Image
4. Incidence de la conversion partielle du ZORA conclu par LNG Supply
46 Aux considérants 46, 47, 49, 53 et 57 de la décision attaquée, la Commission a détaillé l’incidence de la conversion partielle en 2014 du ZORA conclu par LNG Supply, ce ZORA étant le seul ayant été converti avant l’adoption de la décision attaquée.
47 LNG Supply a, aux fins de la conversion partielle du ZORA qu’elle a conclu, procédé au remboursement d’une partie du montant nominal de ce ZORA et d’une partie des accrétions sur ZORA.
48 Pour ce faire, LNG Supply a procédé, en septembre 2014, à une augmentation de capital de 699,9 millions d’USD (environ 589,6 millions d’euros), dont 193,8 millions d’USD (environ 163,3 millions d’euros) au titre du remboursement d’une partie du montant nominal du ZORA en cause et, à cette date, [confidentiel] au titre du remboursement d’une partie des accrétions sur ZORA. Toutefois, la Commission fait observer, à la lumière des déclarations fiscales de LNG Supply pour l’année 2014, que le montant
des accrétions sur ZORA cumulées a, en réalité, été réduit [confidentiel].
49 Pour ce qui concerne LNG Luxembourg, la conversion partielle du ZORA en cause a conduit à une réduction de la valeur de ce ZORA, inscrite dans ses comptes en tant qu’actif, à hauteur de 193,8 millions d’USD et, corrélativement, à une réduction de la valeur du contrat de vente à terme prépayé, inscrite dans ses comptes en tant que passif, à hauteur du même montant.
50 Enfin, LNG Holding a enregistré dans ses comptes, à la suite de l’annulation des actions reçues en application du contrat de vente à terme prépayé, [confidentiel], plus-value ayant bénéficié de l’exonération au titre des revenus de participations.
51 En ce qui concerne le ZORA conclu par GSTM, la Commission a indiqué, au considérant 165 de la décision attaquée, que l’existence de l’avantage ne dépendait pas de la conversion du ZORA, même si, aux fins de la détermination du montant à récupérer, l’avantage n’était considéré comme matérialisé qu’au moment où le revenu perçu par CEF était exonéré.
C. Procédure formelle d’examen
52 Par lettre du 1er avril 2016, la Commission a fait part au Grand-Duché de Luxembourg de ses doutes quant à la conformité avec le droit des aides d’État des DFA en cause.
53 Le 23 mai 2016, le Grand-Duché de Luxembourg a transmis ses observations à la Commission.
54 Le 19 septembre 2016, la Commission a, en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ouvert la procédure formelle d’examen (ci-après la « décision d’ouverture »). La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 3 février 2017.
55 Par lettre datée du 21 novembre 2016, le Grand-Duché de Luxembourg a transmis ses observations sur l’ouverture de la procédure formelle d’examen ainsi que les informations demandées.
56 Le 27 février 2017, Engie a transmis ses observations au sujet de la décision d’ouverture.
57 Par lettre du 10 mars 2017, la Commission a transmis aux autorités luxembourgeoises les observations d’Engie en leur donnant la possibilité de réagir à celles-ci.
58 Par courrier daté du 22 mars 2017, la Commission a demandé au Grand-Duché de Luxembourg de fournir des informations additionnelles.
59 Les 10 avril et 12 mai 2017, le Grand-Duché de Luxembourg a informé la Commission qu’il reprenait à son compte les observations lui ayant été transmises et a présenté les informations additionnelles requises.
60 Le 1er juin 2017, une réunion tripartite entre la Commission, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie a eu lieu, dont il a été établi un procès-verbal.
61 Le 16 juin 2017, à la suite de la réunion du 1er juin 2017, le Grand-Duché de Luxembourg a transmis des informations additionnelles.
62 Par lettre du 11 décembre 2017, la Commission a de nouveau demandé la transmission d’informations additionnelles, demande à laquelle ont accédé tant le Grand-Duché de Luxembourg qu’Engie le 31 janvier 2018.
63 Le 20 juin 2018, la Commission a adopté la décision attaquée.
II. Décision attaquée
64 Par la décision attaquée, la Commission considère, en substance, que le Grand-Duché de Luxembourg a, par l’intermédiaire de son administration fiscale, octroyé, en violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, un avantage sélectif à une entité qui comprend, conformément aux considérants 16, 316 et 317 de la décision attaquée, l’ensemble des sociétés du groupe Engie appréhendées comme une même unité économique.
65 Sans remettre en cause la légalité, en vertu du droit fiscal luxembourgeois, de l’ensemble de la structure de financement mise en place par le groupe Engie pour le transfert des deux secteurs d’activités, la Commission conteste les effets concrets de cette structure sur l’impôt total dû par ce groupe, le fait étant que, en substance, la quasi-totalité des bénéfices réalisés par les filiales au Luxembourg ne sont, en réalité, pas imposés.
A. Imputabilité à l’État
66 S’agissant de l’imputabilité à l’État des DFA en cause et de l’implication de ressources d’État, la Commission a souligné aux considérants 156 et 157 de la décision attaquée que les DFA en cause avaient été adoptées par l’administration fiscale luxembourgeoise et se traduisaient par une perte de recettes fiscales, de sorte que l’avantage économique octroyé par le biais de ces DFA serait imputable au Grand-Duché de Luxembourg et financé par le biais de ressources d’État.
B. Octroi d’un avantage
67 En ce qui concerne l’octroi d’un avantage économique aux sociétés holdings concernées, la Commission a considéré, notamment aux considérants 163 et 166 de la décision attaquée, que ce dernier résidait dans l’absence d’imposition, au terme des DFA en cause, de revenus de participations desdites sociétés, revenus qui correspondraient, d’un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA, lesquelles auraient été déduites par les filiales de leur revenu imposable en tant que charges.
68 Plus précisément, selon la Commission, les accrétions sur ZORA ne seraient imposées ni au niveau des filiales, ni au niveau des sociétés intermédiaires, ni au niveau des sociétés holdings concernées.
69 Sur le plan fiscal, ainsi qu’il ressort des considérants 35, 47 et 62 de la décision attaquée, les filiales s’acquitteraient d’un impôt sur les sociétés dont l’assiette correspondrait à une marge limitée convenue avec les autorités fiscales.
70 La Commission a observé que les filiales constituaient chaque année, en raison de la conversion future du ZORA en cause, des provisions comptables correspondant aux accrétions sur ZORA, lesquelles correspondaient en substance à la différence entre le bénéfice réellement réalisé par les filiales et la marge convenue avec l’administration fiscale en tant que revenu imposable. Ces accrétions sur ZORA sont considérées comme des charges déductibles. Ainsi, selon la Commission, les mesures contestées
ont effectivement permis aux filiales d’exclure de l’assiette de l’impôt sur les collectivités dont elles sont redevables la quasi-totalité des bénéfices réalisés durant la durée du prêt.
71 Les sociétés intermédiaires ne seraient pas non plus, à la lumière des considérants 39 et 52 de la décision attaquée, imposées sur les accrétions sur ZORA.
72 En effet, à la conversion du ZORA, et en application du contrat d’achat d’actions prépayé conclu avec les sociétés holdings concernées, les sociétés intermédiaires subiraient dans leur compte une perte du même montant que les accrétions sur ZORA.
73 Les sociétés holdings concernées, enfin, détentrices des actions des filiales en application du contrat d’achat d’actions prépayé, ne seraient pas non plus imposées, conformément au considérant 56 de la décision attaquée, sur un montant correspondant à celui des accrétions sur ZORA, dans la mesure où les revenus engendrés par l’annulation d’actions de leur filiale seraient couverts, selon les DFA en cause, par l’article 166 de la LIR, exonérant de l’impôt sur le revenu des collectivités les
revenus de participations. Ainsi, au considérant 57 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, à la suite de la conversion partielle du ZORA de LNG Supply en 2014, [confidentiel] a été dégagée, plus-value ayant complètement échappé à l’impôt.
C. Sélectivité des DFA en cause
74 Aux fins d’établir la sélectivité des DFA en cause, la Commission s’est fondée, à titre principal, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 163 à 170 et 237 de la décision attaquée, sur trois voies de raisonnement. Deux voies de raisonnement concernent l’existence d’un avantage sélectif au niveau des sociétés holdings, à la lumière, d’une part, d’un cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés et, d’autre part, d’un cadre de référence restreint aux
dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations. Une troisième voie de raisonnement concerne l’existence d’un avantage au niveau du groupe Engie. En outre, il ressort du considérant 289 de la décision attaquée que, à titre subsidiaire, la Commission a considéré qu’un avantage sélectif résultait de la non-application de l’article 6 de la Steueranpassungsgesetz (loi d’adaptation fiscale), du 16 octobre 1934 (Mémorial A 901)
(ci-après la « disposition relative à l’abus de droit »). Par ailleurs, la Commission a constaté l’absence de justification pour le traitement sélectif résultant des DFA en cause.
1. Sur la sélectivité au niveau des sociétés holdings
75 Tout d’abord, la Commission a considéré, premièrement, aux considérants 171 à 199 de la décision attaquée, que les DFA en cause conféraient au groupe Engie, au niveau des sociétés holdings, un avantage sélectif en ce qu’elles dérogeaient au système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
76 La Commission a considéré, deuxièmement, aux considérants 200 à 236 de la décision attaquée, que les DFA en cause conféraient au groupe Engie, au niveau des sociétés holdings, un avantage sélectif en ce qu’elles dérogeaient aux dispositions relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de bénéfices. Ces dérogations ne pouvaient, selon la Commission, être justifiées par l’économie du système fiscal.
a) Sur la dérogation au cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés
77 Pour ce qui est du système luxembourgeois d’imposition des sociétés, la Commission a considéré que ce système procédait des articles 18, 23, 40, 159 et 163 de la LIR, tels que présentés aux considérants 78 à 81 de la décision attaquée, selon lesquels les sociétés résidentes au Luxembourg, assujetties à l’impôt sur les sociétés dudit État, sont imposées sur leurs bénéfices, tels que constatés dans leurs comptes. Elle a précisé que l’extraction, aux fins de la définition d’un cadre de référence,
d’un objectif poursuivi ou d’un principe émanant des dispositions le composant était conforme à la jurisprudence de la Cour et que, pour ce qui était dudit objectif, à savoir l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l’impôt au Luxembourg tels que constatés dans leurs comptes, ce dernier ressortirait clairement de la loi luxembourgeoise.
78 La Commission a ajouté que la prise en compte d’un cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés était également conforme à la jurisprudence de la Cour. Cette dernière aurait itérativement jugé, en présence de mesures concernant l’imposition des sociétés, que le cadre de référence pouvait être défini à la lumière du système d’imposition des sociétés, et non au regard des dispositions spécifiques qui étaient applicables à certains contribuables ou à certaines
transactions.
79 Les DFA en cause auraient ainsi dérogé au système luxembourgeois d’imposition des sociétés en validant l’absence d’imposition, au niveau des sociétés holdings, de revenus de participations qui auraient correspondu, d’un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA.
80 Les DFA en cause auraient également été à l’origine d’une discrimination en faveur des sociétés holdings. En effet, les sociétés assujetties à l’impôt sur le revenu des collectivités au Luxembourg seraient, à la différence des sociétés holdings, imposées sur leurs bénéfices, tels que constatés dans leurs comptes.
b) Sur la dérogation au cadre de référence restreint aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations
81 La Commission a constaté que les DFA en cause dérogeraient également aux dispositions luxembourgeoises relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de bénéfices, à savoir aux articles 164 et 166 de la LIR, tels que présentés aux considérants 82 à 87 de la décision attaquée.
82 En effet, l’exonération des revenus de participations pour une société mère n’est, selon la Commission, possible qu’en cas d’imposition préalable, au niveau de sa filiale, des bénéfices distribués. Or, les revenus de participations exonérés d’impôt au niveau des sociétés holdings correspondraient, d’un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA déduites par les filiales de leur revenu imposable en tant que charges.
83 Si les accrétions sur ZORA ne correspondent pas formellement à des distributions de bénéfices, la Commission a observé que les revenus de participations exonérés d’impôt avaient été inscrits, par LNG Holding, en tant que « dividendes exonérés » et que, d’un point de vue économique, eu égard au lien direct et évident entre le revenu exonéré au niveau de LNG Holding et les accrétions sur ZORA déduites au niveau de LNG Supply, lesdites accrétions étaient équivalentes à des distributions de
bénéfices.
84 Cette dérogation au cadre de référence restreint a, selon la Commission, donné lieu à une discrimination en faveur des sociétés holdings. En substance, les sociétés mères susceptibles de percevoir des revenus de participations et qui étaient, en ce sens, dans une situation juridique et factuelle comparable aux sociétés holdings ne sauraient bénéficier d’une exonération sur de tels revenus si ces derniers n’avaient pas été préalablement imposés au niveau de leurs filiales.
85 L’absence de lien explicite entre les articles 164 et 166 de la LIR ne peut, selon la Commission, remettre en cause ce constat. Si un même revenu pouvait être exonéré au niveau d’une société mère et déduit en tant que charge au niveau d’une filiale, il échapperait à toute imposition au Luxembourg, ce qui contreviendrait tant à l’objectif du système luxembourgeois d’imposition des sociétés qu’à celui consistant à éviter la double imposition.
86 Par ailleurs, la Commission a, en substance, relevé que, si la directive en vigueur au moment de l’adoption des DFA en cause, à savoir, successivement, la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 1990, L 225, p. 6), et la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents
(JO 2011, L 345, p. 8) (ci-après, prises ensemble, la « directive mère-filiale »), n’entendait pas conditionner formellement l’exonération des revenus de participations au niveau d’une société mère à l’imposition des revenus distribués au niveau de sa filiale, ce régime ne s’appliquait que dans l’hypothèse de distributions transfrontières de bénéfices où des discordances entre les régimes fiscaux de deux pays différents pouvaient se produire et conduire à l’absence d’imposition. Partant, cette
directive ne pouvait être utilement invoquée pour justifier, dans une situation purement interne, l’exonération de revenus de participations n’ayant fait l’objet d’aucune imposition au niveau d’une filiale.
2. Sur la sélectivité au niveau du groupe Engie
87 Ensuite, la Commission a soutenu que, sans préjudice de la conclusion relative à l’existence d’un avantage sélectif au niveau des sociétés holdings, la sélectivité des DFA en cause ressortait également, à la lumière des considérants 237 à 244 de la décision attaquée, d’une analyse au niveau du groupe Engie, composé des sociétés holdings concernées, des sociétés intermédiaires et des filiales. Cette approche aurait été justifiée par le fait que, à partir de 2015, les sociétés holdings concernées,
les sociétés intermédiaires et les filiales formaient une seule et même unité fiscale. En tout état de cause, selon la Commission, l’analyse des effets économiques des mesures étatiques devant s’effectuer eu égard aux entreprises, et non eu égard aux entités juridiques distinctes, il y aurait lieu de considérer les sociétés holdings concernées, les sociétés intermédiaires et les filiales comme faisant partie d’une même entreprise, au sens du droit des aides d’État. La Commission a ajouté, d’une
part, que les demandes de décisions fiscales anticipatives portaient sur le traitement fiscal de l’ensemble des entités du groupe Engie et, d’autre part, que l’avantage économique dont aurait bénéficié ce groupe au niveau des sociétés holdings concernées résidait dans la combinaison d’une exonération de revenus de participations au niveau desdites sociétés et d’une déduction au niveau des filiales des accrétions sur ZORA en tant que charges.
88 Les DFA en cause conféreraient, selon la Commission, un avantage sélectif au groupe Engie, en ce qu’elles dérogeraient à un cadre de référence correspondant au système luxembourgeois d’imposition des sociétés, lequel viserait à imposer les sociétés assujetties à l’impôt au Luxembourg sur leurs bénéfices, tels que constatés dans leurs comptes.
89 En effet, la Commission a observé que la diminution de la charge fiscale au niveau des filiales, consécutive à la déduction, en tant que charges, des accrétions sur ZORA du revenu imposable desdites filiales, n’était pas compensée par une augmentation de la charge fiscale au niveau des sociétés holdings concernées ou par une augmentation effective du revenu imposable des sociétés intermédiaires, ce qui, dans les faits, avait conduit à une réduction du revenu imposable combiné du groupe Engie au
Luxembourg.
90 Selon la Commission, d’autres groupes de sociétés se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable ne pouvaient pas obtenir une réduction combinée de leur revenu imposable, et ce quel que fût l’instrument de financement, le contrat utilisé ou le montant de la rémunération.
91 Il en allait de même, selon la Commission, pour les groupes de sociétés qui avaient recours à un ZORA direct. L’article 22 bis, deuxième alinéa, de la LIR, tel que cité au considérant 89 de la décision attaquée, n’était pas applicable aux accrétions sur ZORA et, à supposer qu’il le fût, il ne pouvait conduire qu’à un report d’imposition.
3. Sur la sélectivité consécutive à une inapplication de la disposition relative à l’abus de droit
92 Enfin, et à titre subsidiaire, la Commission a ajouté, aux considérants 289 à 312 de la décision attaquée, que les DFA en cause dérogeaient à la disposition fiscale luxembourgeoise relative à l’abus de droit, telle que citée au considérant 90 de la décision attaquée. La structure de financement mise en place était, selon la Commission, abusive. Les quatre critères identifiés par la jurisprudence luxembourgeoise pour caractériser un abus de droit étaient, selon elle, respectés, qu’il s’agît de
l’utilisation de formes ou d’institutions de droit privé, de la réduction de la charge d’impôt, de l’utilisation d’une voie juridique non appropriée ou de l’absence de motifs extrafiscaux.
93 Plus précisément, s’agissant des deux derniers critères, d’une part, la Commission a souligné que la voie juridique privilégiée par le groupe Engie aurait permis une non-imposition presque totale des bénéfices réalisés par les filiales au Luxembourg, laquelle n’aurait pas été possible si le transfert des secteurs d’activités avait été réalisé au moyen d’un instrument de fonds propres ou par un prêt entre les filiales et les sociétés holdings concernées. D’autre part, il n’aurait pas existé de
motif économique réel et présentant un avantage économique suffisant pour le groupe Engie, autre que la réalisation d’une économie d’impôt considérable, pour que celui-ci optât pour les structures complexes de financement mises en place et avalisées par les DFA en cause.
4. Sur l’absence de justification
94 Aux considérants 285 à 287 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, le Grand-Duché de Luxembourg n’ayant avancé aucune justification au traitement favorable avalisé par les DFA en cause, elle devait en conclure que ledit traitement ne pouvait pas être justifié par l’économie générale du système fiscal luxembourgeois. En tout état de cause, elle a observé qu’une justification hypothétique fondée sur la prévention de la double imposition économique ne pouvait, en substance, être
retenue.
D. Sur la distorsion de concurrence
95 La Commission a précisé, au considérant 160 de la décision attaquée, que, dans la mesure où le groupe Engie exerçait ses activités dans les secteurs de l’électricité, du gaz naturel et du gaz naturel liquéfié, des services d’efficacité énergétique et sur d’autres marchés connexes dans plusieurs États membres, le traitement fiscal accordé sur la base des DFA en cause avait soulagé ledit groupe d’une charge fiscale qu’il aurait dû normalement supporter dans le cadre de la gestion courante de ses
activités. En renforçant la situation du groupe Engie, les DFA en cause auraient faussé ou menacé de fausser la concurrence.
E. Sur le bénéficiaire de l’aide
96 Aux considérants 314 à 318 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’avantage sélectif dont bénéficiait le groupe Engie au niveau des sociétés holdings concernées avait également profité à l’ensemble des sociétés du groupe Engie, en ce qu’il avait procuré des ressources financières supplémentaires au groupe tout entier. Bien que ledit groupe soit organisé en différentes personnes morales et que les DFA en cause aient concerné le traitement fiscal d’entités distinctes, il devait
être, selon la Commission, considéré comme une unité économique, à savoir comme une seule et même entreprise, bénéficiant d’une aide d’État.
F. Sur la récupération de l’aide
97 Aux considérants 318 à 365 de la décision attaquée, la Commission a souligné que, l’aide octroyée étant incompatible avec le marché intérieur et illégale, le Grand-Duché de Luxembourg devait récupérer immédiatement auprès de LNG Holding, et, à défaut, auprès d’Engie SA ou de l’un de ses successeurs, l’aide qui s’était déjà matérialisée du fait de la conversion partielle en 2014 du ZORA conclu au profit de LNG Supply et ne pas appliquer les DFA en cause pour ce qui concernait l’exonération des
revenus de participations dont auraient bénéficié éventuellement les sociétés holdings concernées à la conversion totale des ZORA conclus au profit des filiales.
98 La Commission a considéré qu’une telle récupération ne portait pas atteinte aux principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime, d’égalité de traitement et de bonne administration. Elle a également écarté les griefs avancés par le Grand-Duché de Luxembourg et Engie tirés de vices de procédure ayant entaché la procédure formelle d’examen. Selon elle, leurs droits procéduraux avaient été dûment respectés.
III. Procédure et conclusions des parties
A. Sur la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑516/18
99 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 août 2018, le Grand-Duché de Luxembourg a formé le recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑516/18.
100 Le 23 novembre 2018, la Commission a déposé un mémoire en défense.
1. Sur la composition de la formation de jugement
101 Par décision du Tribunal du 28 septembre 2018, l’affaire T‑516/18 a été attribuée à la septième chambre du Tribunal, ancienne formation.
102 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 janvier 2019, le Grand-Duché de Luxembourg a demandé, en application de l’article 28, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, que l’affaire T‑516/18 soit jugée par une formation de jugement élargie. Par décision du Tribunal du 13 février 2019, il a été pris acte de la demande du Grand-Duché de Luxembourg et l’affaire T‑516/18 a été renvoyée devant la septième chambre élargie, ancienne formation.
103 Par décision du Tribunal du 16 octobre 2019, l’affaire T‑516/18 a été, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, attribuée à la deuxième chambre élargie.
104 Un membre de la deuxième chambre élargie ayant été empêché de siéger, par décision du 21 janvier 2020, le président du Tribunal s’est désigné pour le remplacer et assumer les fonctions de président de la deuxième chambre élargie.
2. Sur la demande en intervention
105 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2018, l’Irlande a demandé à intervenir, conformément aux articles 142 et 143 du règlement de procédure, au soutien des conclusions du Grand-Duché de Luxembourg.
106 Par ordonnance du 15 février 2019, le président de la septième chambre élargie du Tribunal a fait droit à la demande en intervention de l’Irlande.
107 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2019, l’Irlande a déposé un mémoire en intervention.
3. Sur la demande de traitement confidentiel
108 Les 30 janvier 2018 et 18 février 2019, le Grand-Duché de Luxembourg a demandé le traitement confidentiel de certaines annexes de la requête et de la réplique à l’égard de l’Irlande.
109 À la suite de son admission en tant que partie intervenante, l’Irlande a reçu uniquement des versions non confidentielles des pièces de procédure et n’a soulevé aucune objection à l’encontre des demandes de traitement confidentiel formulées à son égard.
4. Sur les conclusions des parties
110 Le Grand-Duché de Luxembourg conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler, à titre principal, la décision attaquée ;
– annuler, à titre subsidiaire, l’article 2 de la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
111 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
112 L’Irlande conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler, en tout ou en partie, la décision attaquée, suivant les conclusions du Grand-Duché de Luxembourg.
B. Sur la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑525/18
113 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 septembre 2018, Engie a formé le recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑525/18.
114 Le 14 décembre 2018, la Commission a déposé un mémoire en défense.
115 Le 4 juin 2019, Engie a demandé, conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, à être entendue dans le cadre d’une audience de plaidoiries.
1. Sur la composition de la formation de jugement
116 Par décision du Tribunal du 28 septembre 2018, l’affaire T‑525/18 a été attribuée à la septième chambre du Tribunal, ancienne formation.
117 Par décision du Tribunal du 11 septembre 2019, l’affaire T‑525/18 a été, en application de l’article 28 du règlement de procédure, renvoyée devant la septième chambre élargie, ancienne formation.
118 Par décision du Tribunal du 16 octobre 2019, l’affaire T-525/18 a été, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, attribuée à la deuxième chambre élargie.
119 Un membre de la deuxième chambre élargie ayant été empêché de siéger, par décision du 21 janvier 2020, le président du Tribunal s’est désigné pour le remplacer et assumer les fonctions de président de la deuxième chambre élargie.
2. Sur la demande de traitement confidentiel
120 Le 3 juillet 2019, Engie a, dans l’éventualité où la présente affaire serait jointe à l’affaire T‑516/18, sollicité du Tribunal le traitement confidentiel à l’égard de l’Irlande, partie intervenante dans cette dernière affaire, des annexes A.1 et A.9 de la requête ainsi que de l’annexe C.1 de la réplique.
121 Le 3 juillet 2019, Engie a déposé au greffe du Tribunal les versions confidentielles des annexes de la requête et de la réplique.
3. Sur les conclusions des parties
122 Engie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler, à titre principal, la décision attaquée ;
– annuler, à titre subsidiaire, l’article 2 de la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
123 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
IV. En droit
A. Sur la jonction des affaires T‑516/18 et T‑525/18 et la réponse aux demandes de traitement confidentiel
124 Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 4 juin et le 25 juin 2019, Engie et le Grand-Duché de Luxembourg ont demandé la jonction des affaires T‑516/18 et T‑525/18 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.
125 La Commission et l’Irlande n’ont présenté aucune objection à la jonction des affaires T‑516/18 et T‑525/18.
126 Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du Tribunal du 12 juin 2020, les parties entendues, les affaires T‑516/18 et T‑525/18 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par la même ordonnance, il a été décidé d’exclure les données confidentielles du dossier accessible à l’Irlande.
127 Par ordonnance du Tribunal du 28 septembre 2020, la phase orale de la procédure dans les affaires jointes T‑516/18 et T‑525/18 a été rouverte, afin d’interroger, par le biais d’une mesure d’organisation de procédure, la Commission sur la jonction desdites affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance.
128 Eu égard au risque éventuel d’extrapolation de certains arguments des parties, la Commission a émis des réserves quant à la jonction des affaires T‑516/18 et T‑525/18. Toutefois, le Tribunal estime opportun, eu égard à leur connexité, de les joindre aux fins de l’arrêt mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure, et d’exclure à nouveau les données confidentielles du dossier accessible à l’Irlande.
B. Sur le fond
129 Au soutien de son recours dans l’affaire T‑516/18, le Grand-Duché de Luxembourg invoque, en substance, six moyens :
– le premier est tiré d’une appréciation erronée de la sélectivité des DFA en cause ;
– le deuxième est tiré d’une violation de la notion d’avantage ;
– le troisième est tiré d’une harmonisation fiscale déguisée ;
– le quatrième est tiré d’une violation des droits procéduraux ;
– le cinquième, présenté à titre subsidiaire, est tiré d’une violation des principes généraux du droit de l’Union européenne dans le cadre de la récupération des aides prétendument octroyées ;
– le sixième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation.
130 Au soutien de son recours dans l’affaire T‑525/18, Engie invoque, en substance, huit moyens :
– le premier est tiré d’un défaut d’imputabilité à l’État des DFA en cause ;
– le deuxième est tiré d’une violation de la notion d’avantage ;
– le troisième est tiré d’une appréciation erronée de la sélectivité des DFA en cause ;
– le quatrième est tiré de la qualification erronée des DFA en cause d’aides individuelles ;
– le cinquième est tiré, en substance, d’une harmonisation fiscale déguisée ;
– le sixième est tiré d’une violation des droits procéduraux ;
– le septième, présenté à titre subsidiaire, est tiré d’une violation des principes généraux du droit de l’Union dans le cadre de la récupération des aides prétendument octroyées ;
– le huitième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation.
131 Aux fins du présent arrêt, en premier lieu, il convient de traiter du bien-fondé des moyens, premièrement, faisant état d’une harmonisation fiscale déguisée, en ce que, dans l’affirmative, la Commission ne saurait être compétente pour appréhender, au titre du droit des aides d’État, les DFA en cause, deuxièmement, contestant le respect par la Commission de son obligation de motivation et, troisièmement, portant sur une prétendue violation des droits procéduraux.
132 En second lieu, seront abordés les moyens relatifs au défaut d’imputabilité au Grand-Duché de Luxembourg des DFA en cause, à l’absence d’un avantage sélectif, à la qualification erronée des DFA en cause d’aides individuelles et à l’obligation erronée de récupération des aides prétendument octroyées.
1. Sur le cinquième moyen dans l’affaire T‑525/18 et sur le troisième moyen dans l’affaire T‑516/18, tirés, en substance, de l’existence d’une harmonisation fiscale déguisée
133 Le cinquième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 se divise, en substance, en deux branches. Engie invoque, par la première branche, une violation des articles 3 à 5 et 113 à 117 TFUE et, par la seconde, un détournement de pouvoir de la Commission. Dans l’affaire T‑516/18, le Grand-Duché de Luxembourg fait quant à lui état d’une harmonisation fiscale déguisée en violation des articles 4 et 5 TUE.
a) Sur la prétendue violation des articles 4 et 5 TUE et des articles 3 à 5 et 113 à 117 TFUE
134 D’une part, Engie soutient que la Commission s’est immiscée dans la politique du Grand-Duché de Luxembourg en matière fiscale, dans la mesure où elle aurait qualifié d’aides d’État les DFA en cause, alors que celles-ci mettent en œuvre des mesures générales de fiscalité directe qui ne créent pas de discriminations et qui, partant, sont dépourvues de sélectivité. Ce faisant, la Commission aurait violé les articles 3 à 5 et 113 à 117 TFUE.
135 D’autre part, par sa conception extensive de la notion de sélectivité, la Commission se serait substituée au Grand-Duché de Luxembourg dans la définition et l’interprétation des cadres de référence retenus.
136 Le Grand-Duché de Luxembourg ajoute que, en imposant sa propre interprétation du droit fiscal luxembourgeois et de ce que devrait être l’objectif de celui-ci, la Commission a instrumentalisé les règles en matière d’aides d’État, en méconnaissance du pouvoir souverain des États membres en matière de fiscalité directe et des principes régissant la répartition des compétences entre les États membres et l’Union.
137 La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces arguments. Elle souligne notamment l’obligation pour les États membres de respecter, dans l’exercice de leur compétence réservée en matière de fiscalité directe, le droit de l’Union en général et le droit des aides d’État en particulier. Elle insiste également sur le fait que la décision attaquée ne remet nullement en cause la compétence du Grand-Duché de Luxembourg de concevoir son propre système d’imposition.
138 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même si la fiscalité directe relève, en l’état actuel du développement du droit de l’Union, de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union (voir arrêt du 12 juillet 2012, Commission/Espagne, C‑269/09, EU:C:2012:439, point 47 et jurisprudence citée).
139 Ainsi, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation dans l’Union, tels que la fiscalité directe, ne sont pas exclues du champ d’application de la réglementation relative au contrôle des aides d’État. Partant, la Commission peut qualifier une mesure fiscale d’aide d’État pour autant que les conditions d’une telle qualification soient réunies (arrêt du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T‑538/11, EU:T:2015:188, points 65 et 66 ; voir
également, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 28, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 81).
140 En effet, si des mesures fiscales opèrent, en fait, une discrimination entre des sociétés se trouvant dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par ces mesures fiscales et confèrent aux bénéficiaires des mesures des avantages sélectifs qui favorisent « certaines » entreprises ou « certaines » productions, elles pourront être considérées comme des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et
Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 104).
141 Il découle de ce qui précède que, la Commission étant compétente pour veiller au respect de l’article 107 TFUE, il ne saurait lui être reproché d’avoir outrepassé ses compétences lorsqu’elle a examiné les DFA en cause afin de vérifier si elles constituaient des aides d’État et, dans l’affirmative, si elles étaient compatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
142 C’est donc à tort qu’Engie et le Grand-Duché de Luxembourg soutiennent que la Commission s’est immiscée dans la politique de ce dernier en matière fiscale, dès lors que la Commission n’a fait qu’exercer ses compétences en vertu de l’article 107 TFUE en examinant la question de savoir si les DFA en cause étaient conformes au droit des aides d’État.
143 Les arguments avancés par Engie et le Grand-Duché de Luxembourg ne sauraient remettre en cause ce constat.
144 Premièrement, contrairement à ce qu’avancent Engie et le Grand-Duché de Luxembourg, la Commission n’a pas imposé sa propre interprétation du droit fiscal luxembourgeois lors de la démonstration de la sélectivité des DFA en cause. En effet, la Commission s’est strictement tenue aux dispositions du droit fiscal luxembourgeois, qu’elle a présentées aux considérants 78 à 90 de la décision attaquée. C’est précisément en s’appuyant sur les dispositions du droit fiscal luxembourgeois que la Commission
a notamment défini les différents cadres de référence retenus, comme cela ressort des considérants 171 à 176, 200 à 205, 245 et 292 à 298 de la décision attaquée.
145 En outre, dans le cadre de son examen, la Commission s’est fondée non sur sa propre interprétation des règles fiscales luxembourgeoises, mais sur celle des autorités fiscales luxembourgeoises, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 283 de la décision attaquée.
146 Il en découle que la Commission a examiné les DFA en cause à la lumière non de sa propre interprétation des règles fiscales luxembourgeoises, mais des dispositions du droit fiscal luxembourgeois, telles qu’appliquées par les autorités fiscales luxembourgeoises.
147 Deuxièmement, la Commission n’a pas méconnu la compétence réservée des États membres en matière de fiscalité directe du seul fait d’avoir procédé à son propre examen des DFA en cause eu égard aux dispositions fiscales luxembourgeoises, afin de vérifier si lesdites DFA conféraient un avantage sélectif à leurs bénéficiaires.
148 En effet, il découle, certes, de la jurisprudence exposée au point 138 ci-dessus que la Commission ne dispose pas, à ce stade du développement du droit de l’Union, de la compétence lui permettant de définir de façon autonome les règles en matière d’imposition directe des sociétés en faisant abstraction des règles fiscales nationales.
149 Toutefois, si l’imposition dite « normale » est définie par les règles fiscales nationales et si l’existence même d’un avantage sélectif doit être établie par rapport à celle-ci, il n’en demeure pas moins que, comme cela a été rappelé au point 139 ci-dessus, des mesures fiscales qui opèrent, en fait, une discrimination entre des sociétés se trouvant dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par ces mesures fiscales peuvent entrer dans le champ d’application de
l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
150 Ainsi, en vérifiant si les DFA en cause étaient conformes aux règles en matière d’aide d’État, la Commission ne pouvait que procéder à une appréciation de l’imposition dite « normale », définie par le droit fiscal luxembourgeois tel qu’appliqué par les autorités fiscales luxembourgeoises. Ce faisant, elle n’a procédé à aucune « harmonisation fiscale », mais a exercé la compétence que lui conférait l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
151 En effet, la Commission est en mesure, au titre du contrôle des mesures fiscales en matière d’aide d’État, d’apprécier elle-même les dispositions fiscales nationales, appréciation qui peut, le cas échéant, être contestée par l’État membre concerné ou d’éventuelles parties intéressées dans le cadre d’un recours en annulation devant le Tribunal.
152 Troisièmement, la prétendue absence de démonstration d’une éventuelle discrimination en faveur d’Engie est inopérante aux fins d’établir l’éventuelle incompétence de la Commission. Un tel argument vise au contraire à faire état d’une violation par la Commission de l’article 107 TFUE, dans l’exercice même de sa compétence.
153 Dans ces conditions, la Commission n’a violé ni les articles 4 et 5 TUE, ni les articles 3 à 5 et 113 à 117 TFUE, en adoptant la décision attaquée.
b) Sur le prétendu détournement de pouvoir
154 Selon Engie, la Commission a utilisé les pouvoirs que lui conféraient les articles 107 et 108 TFUE pour contraindre le Grand-Duché de Luxembourg à modifier sa politique fiscale « en matière d’exonération des bénéfices » et ainsi avoir les moyens, indirectement, de procéder à une harmonisation fiscale.
155 Témoigneraient de la poursuite d’un objectif latent d’harmonisation fiscale la définition, au titre de l’établissement de la sélectivité des DFA en cause, du cadre de référence au regard d’un objectif défini de manière discrétionnaire, l’absence de prise en compte par la Commission du principe de légalité de l’impôt, du traitement fiscal des situations transfrontières et de la nature spécifique d’un ZORA, l’interprétation par la Commission des critères de l’abus de droit ainsi que l’adoption de
la décision attaquée concomitamment au dépôt devant la Chambre des députés luxembourgeoise d’un projet de loi modifiant l’article 22 bis de la LIR.
156 La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces arguments. Elle fait valoir que, dans la mesure où la décision attaquée n’est pas une mesure d’harmonisation, aucun détournement de pouvoir ne saurait lui être reproché.
157 À cet égard, il convient de rappeler qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles dont il est excipé ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité (arrêts du 16 avril 2013, Espagne et Italie/Conseil, C‑274/11 et C‑295/11, EU:C:2013:240, point 33, et du 12 juillet 2018, PA/Parlement,
T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 42).
158 En outre, en vertu de l’article 108 TFUE, la Commission est compétente pour examiner la compatibilité avec le marché intérieur des mesures étatiques qui constituent des aides d’État.
159 Or, en l’espèce, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis un détournement de pouvoir en adoptant la décision attaquée, laquelle, à l’issue de la procédure formelle d’examen des DFA en cause, visait à constater que le Grand-Duché de Luxembourg avait octroyé une aide d’État incompatible avec le marché intérieur par le biais de ces DFA.
160 D’une part, la décision attaquée ne saurait être considérée comme une mesure d’harmonisation fiscale déguisée, ainsi qu’il en a été jugé au point 153 ci-dessus.
161 S’agissant plus précisément du dépôt devant la Chambre des députés luxembourgeoise d’un projet de loi modifiant l’article 22 bis de la LIR, de manière concomitante à l’adoption de la décision attaquée, il y a lieu de relever qu’Engie n’a présenté aucun élément permettant d’étayer en quoi cette initiative législative du Grand-Duché du Luxembourg constituerait un indice d’un détournement de pouvoir par la Commission. La seule modification de l’article 22 bis de la LIR par le Grand-Duché de
Luxembourg ne saurait ainsi être considérée comme un indice suffisant d’un tel détournement de pouvoir.
162 D’autre part, les autres indices avancés par Engie au soutien de l’allégation d’un éventuel détournement de pouvoir visent avant tout à contester l’appréciation par la Commission de la sélectivité des DFA en cause et sont, partant, inopérants aux fins de la démonstration d’un prétendu détournement de pouvoir, au sens de la jurisprudence citée au point 157 ci-dessus.
163 Partant, il convient de rejeter l’argument tiré d’un détournement de pouvoir et, dès lors, le cinquième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et le troisième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18 comme étant non fondés.
2. Sur le huitième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et sur le sixième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18, tirés d’une violation de l’obligation de motivation
164 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie font état de carences multiples entachant la démonstration, dans la décision attaquée, de la sélectivité des DFA en cause. Ainsi, la Commission aurait insuffisamment motivé tant son appréciation relative à l’existence d’un avantage sélectif en faveur des sociétés holdings concernées que celle relative à l’existence d’un avantage sélectif du fait de la non-application par le Grand-Duché de Luxembourg de la disposition relative à l’abus de droit.
165 Engie ajoute que la Commission a manqué à son obligation de motivation en ne faisant pas apparaître de manière claire les motifs l’ayant conduite à ne pas tenir compte du fait que d’autres entreprises bénéficiaient d’un traitement fiscal identique à celui des sociétés du groupe Engie.
166 Plus généralement, l’absence de référence aux textes et à la pratique administrative et juridictionnelle ainsi que l’absence de preuve de décisions fiscales anticipatives divergentes révéleraient le manquement de la Commission à son obligation de motivation.
167 La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces arguments. Elle soutient qu’Engie et le Grand-Duché de Luxembourg ne font nullement apparaître les éventuelles lacunes dont souffrirait la décision attaquée. Elle observe également qu’Engie a été en mesure de comprendre son raisonnement et de le contester utilement devant le Tribunal.
168 À cet égard, il convient de rappeler que la motivation doit permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin, d’une part, de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait
aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, points 62 à 63 ; du 16 octobre 2014, Eurallumina/Commission, T‑308/11, non publié, EU:T:2014:894, point 44, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 80).
169 En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêts du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, point 64 ; du 16 octobre 2014, Eurallumina/Commission, T‑308/11, non publié, EU:T:2014:894, point 44, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17,
non publié, EU:T:2019:287, point 80).
170 Or, en l’espèce, outre le fait qu’Engie et le Grand-Duché de Luxembourg ont été étroitement associés à la procédure formelle d’examen, tout d’abord, force est de constater que ces derniers ont été, à la lumière de leurs écritures devant le Tribunal, en mesure de contester utilement le bien-fondé de la décision attaquée.
171 Ensuite, la décision attaquée ne présente pas de lacunes ne permettant pas au Tribunal d’exercer pleinement son contrôle de légalité.
172 En effet, il ressort de la décision attaquée que la Commission a indiqué, à suffisance de fait et de droit, les motifs pour lesquels elle considérait que, en l’espèce, les DFA en cause étaient constitutives d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107 TFUE.
173 Plus particulièrement, en ce qui concerne la troisième condition relative à l’existence, en l’espèce, d’un avantage sélectif, la Commission a expliqué, au point 6.2 de la décision attaquée (considérants 163 à 236 de ladite décision), les raisons pour lesquelles elle considérait qu’il existait un avantage sélectif bénéficiant au groupe Engie au niveau des sociétés holdings.
174 En substance, la Commission a considéré que les DFA en cause conféraient un avantage sélectif aux sociétés holdings concernées en dérogeant, premièrement, à un cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés et, deuxièmement, à un cadre de référence restreint aux dispositions luxembourgeoises relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations.
175 Au point 6.3 de la décision attaquée (considérants 237 à 288 de ladite décision), la Commission a précisé les motifs sur le fondement desquels elle considérait qu’il existait un avantage sélectif du fait du traitement fiscal préférentiel du groupe Engie. Il en allait ainsi, selon la Commission, dans la mesure où la charge fiscale du groupe Engie, composé des filiales, des sociétés intermédiaires et des sociétés holdings, avait été réduite, à la suite des DFA en cause, alors que, en principe,
cette charge fiscale aurait dû, au niveau du groupe, rester constante. La réduction de la charge fiscale du groupe aurait, là encore, dérogé, selon la Commission, au système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
176 La Commission a également indiqué, au point 6.4 de la décision attaquée (considérants 289 à 312 de ladite décision), les raisons pour lesquelles elle considérait qu’il existait un avantage sélectif résultant de la non-application de la disposition relative à l’abus de droit.
177 Fondant son appréciation sur les critères de l’abus de droit, tels que dégagés à partir de la pratique administrative et juridictionnelle luxembourgeoise, la Commission a entendu démontrer que chacun de ces critères était, en l’espèce, dûment respecté. Aussi, du fait de la non-application par l’administration fiscale luxembourgeoise de la disposition relative à l’abus de droit, le Grand-Duché de Luxembourg aurait octroyé un avantage sélectif aux sociétés holdings concernées.
178 Enfin, l’absence de prise en compte par la Commission de la pratique administrative luxembourgeoise en matière de décisions fiscales anticipatives, ou l’absence de prise en compte des entreprises qui bénéficiaient potentiellement du même avantage que les sociétés du groupe Engie, ne saurait conduire à constater un manquement de la Commission à son obligation de motivation. Un tel argument vise en effet à contester non la forme, mais le fond de la décision attaquée.
179 Partant, il convient de rejeter le huitième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et le sixième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18, tirés d’une violation de l’obligation de motivation, comme étant non fondés.
3. Sur le sixième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et sur le quatrième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18, tirés d’une violation des droits procéduraux
180 Tant Engie que le Grand-Duché de Luxembourg reprochent à la Commission d’avoir violé leurs droits procéduraux.
181 En premier lieu, Engie soutient que la Commission a violé ses droits procéduraux en ne lui transmettant pas la réponse du Grand-Duché de Luxembourg à la lettre de la Commission du 22 mars 2017. Cette réponse aurait pu permettre à Engie de mieux se défendre, dans la mesure où elle révélait que d’autres entreprises bénéficiaient d’un traitement fiscal identique.
182 Ces informations auraient, en particulier, été essentielles à l’établissement d’un avantage sélectif à partir de l’application individuelle d’un régime fiscal de droit commun, conformément à l’arrêt du 12 novembre 2013, MOL/Commission (T‑499/10, EU:T:2013:592), et à la pratique décisionnelle récente de la Commission en matière de décision fiscale anticipative.
183 À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que les parties intéressées, autres que l’État membre concerné, ont, dans la procédure de contrôle des aides d’État, uniquement la faculté d’adresser à la Commission toute information destinée à éclairer celle-ci dans son action future et qu’elles ne sauraient prétendre elles-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission tel que celui ouvert au profit dudit État membre (arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of
Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 181).
184 Ainsi, indépendamment des arguments présentés par Engie aux fins de justifier la nécessité qu’il y aurait eu, selon elle, à ce que lui soit communiquée la réponse du Grand-Duché de Luxembourg, elle ne saurait prétendre à un débat contradictoire avec la Commission, ni exiger de sa part la communication des réponses des autres parties à la procédure.
185 La seule possibilité offerte aux parties intéressées, autre que l’État membre concerné, consiste en effet en la présentation d’observations soit d’office, soit en réponse aux documents et aux questions posées par la Commission durant la procédure formelle d’examen. À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué aux points 56 à 62 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’Engie s’est prévalue d’une telle possibilité, dès lors qu’elle a présenté des observations à plusieurs reprises dans le cadre de la
procédure formelle d’examen.
186 En second lieu, Engie et le Grand-Duché de Luxembourg soutiennent que la Commission a violé leurs droits procéduraux du fait, en substance, de l’absence d’adoption d’une nouvelle décision d’ouverture ou, à tout le moins, d’une décision rectificative. Une telle décision aurait permis de lever les imprécisions qui entachaient la décision d’ouverture et aux parties de faire utilement valoir leurs observations, durant la procédure administrative, sur le raisonnement retenu in fine dans la décision
attaquée aux fins d’établir la sélectivité des DFA en cause.
187 En effet, les modifications opérées par la Commission dans la décision attaquée n’auraient pas pu être anticipées. Selon Engie, la Commission ne se serait pas simplement contentée de faire évoluer son raisonnement, mais elle aurait également fait évoluer les griefs principaux et l’objet même de la décision.
188 Le Grand-Duché de Luxembourg précise que, alors que la situation l’exigeait, en ne procédant ni à l’adoption d’une nouvelle décision d’ouverture, ni à l’adoption d’une décision rectificative, la Commission a violé ses droits de la défense ainsi que le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9).
189 Le Grand-Duché de Luxembourg ajoute que la Commission a fondé la décision attaquée sur les seules considérations mentionnées de manière lacunaire dans la décision d’ouverture, qui semblaient s’inscrire dans le cadre de griefs qu’elle avait abandonnés. Si les griefs avaient été suffisamment étayés, il aurait été en mesure d’apporter davantage d’éléments pour que la solution retenue soit différente.
190 De plus, selon le Grand-Duché de Luxembourg, la lettre de la Commission du 11 décembre 2017, laquelle ne constituait pas une décision rectificative, n’a levé aucune des ambiguïtés affectant la décision d’ouverture.
191 La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces arguments. Elle fait valoir, à la lumière de la jurisprudence, qu’elle pouvait adapter sa position entre la décision d’ouverture et la décision finale sans avoir à procéder à une nouvelle ouverture de la procédure formelle d’examen et ajoute, en substance, que la décision d’ouverture abordait l’ensemble des points soulevés dans la décision attaquée.
192 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans le cadre de la procédure formelle d’examen menée en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, exige que l’État membre concerné soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les documents obtenus par la Commission à l’appui de son allégation quant à l’existence d’une violation du
droit de l’Union ainsi que sur les observations présentées par des tiers intéressés, conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Dans la mesure où l’État membre n’a pas été mis en mesure de commenter ces observations, la Commission ne peut pas les retenir dans sa décision contre cet État (voir arrêt du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 25 et jurisprudence citée).
193 Conformément à l’article 6 du règlement 2015/1589, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017,
Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 26).
194 Il y a lieu également de relever que la procédure formelle d’examen permet d’approfondir et d’éclaircir les questions soulevées dans la décision d’ouverture.
195 Il résulte de l’article 9 du règlement 2015/1589 que, à l’issue de la procédure formelle d’examen, l’analyse de la Commission peut avoir évolué, puisqu’elle peut décider finalement que la mesure ne constitue pas une aide ou que les doutes sur son incompatibilité ont été levés. Il s’ensuit que la décision finale peut présenter certaines divergences avec la décision d’ouverture, sans que celles-ci vicient pour autant la décision finale (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017,
Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 27).
196 Or, en l’espèce, il convient d’emblée de relever que, dans la décision d’ouverture, la Commission a conclu, de manière liminaire, à l’existence d’un avantage sélectif en faveur tant des filiales, à savoir LNG Supply et GSTM, que du groupe Engie dans son ensemble.
197 Ainsi, la Commission a soutenu, à titre principal, que les DFA en cause, en permettant la non-imposition des accrétions sur ZORA, dérogeaient à l’article 109, premier alinéa, et à l’article 164 de la LIR, qui sont des règles d’imposition applicables à toutes les sociétés soumises à l’impôt au Luxembourg.
198 À titre subsidiaire, d’une part, la Commission a considéré que les DFA en cause dérogeaient aux dispositions relatives à l’imposition des plus-values résultant d’un emprunt convertible en actions, à savoir les articles 22 bis et 97 de la LIR, en ce qu’elles validaient la non-imposition des revenus réalisés par les filiales en assimilant les accrétions sur ZORA à des intérêts déductibles.
199 D’autre part, la Commission a relevé que l’effet combiné des dérogations aux articles 22 bis et 109 de la LIR, permettant la non-imposition des accrétions sur ZORA, résultait en une dérogation à la disposition relative à l’abus de droit.
200 Ces considérations rappelées, tout d’abord, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission n’a certes pas repris l’ensemble de l’argumentation développée au stade de la décision d’ouverture quant à l’analyse de la sélectivité des DFA en cause.
201 Il n’en reste pas moins que cette restriction du champ de l’analyse de la Commission ne saurait être interprétée comme une modification de l’objet de la décision d’ouverture, lequel demeure la conformité avec le droit des aides d’État des DFA en cause.
202 Ensuite, les prémisses de l’analyse retenue in fine dans la décision attaquée au titre de la sélectivité des DFA en cause figuraient dans la décision d’ouverture, ce que n’entendent pas contester Engie et le Grand-Duché de Luxembourg.
203 En effet, ainsi qu’il a été exposé aux considérants 91 à 100 de la décision attaquée, la décision d’ouverture a identifié comme éléments pouvant donner lieu à un avantage sélectif, d’une part, la possibilité pour une filiale bénéficiant d’un ZORA de déduire en tant qu’intérêts, au titre de l’article 109 de la LIR, les accrétions sur ZORA et, d’autre part, l’application au cas d’espèce de l’article 22 bis de la LIR, en ce qu’il pouvait permettre l’absence d’imposition desdites accrétions au
moment de la conversion du ZORA en cause. En outre, l’effet combiné de la déductibilité des accrétions sur ZORA au niveau des filiales et de la non-imposition des revenus correspondants au niveau des sociétés holdings concernées a été identifié.
204 En d’autres termes, la décision d’ouverture visait déjà tant l’application erronée de l’article 166 de la LIR au niveau des sociétés holdings concernées pour des revenus de participations correspondant d’un point de vue économique à des bénéfices non imposés au niveau des filiales que celle de l’article 22 bis de la LIR, qui ne viserait pas à exempter de manière définitive les accrétions sur ZORA, mais seulement à reporter dans le temps leur imposition. De la même manière, la Commission avait
déjà invoqué la non-application de la disposition relative à l’abus de droit.
205 Dès lors, dans la mesure où les éléments clés retenus par la Commission dans la décision attaquée, en ce qui concernait l’existence d’un avantage sélectif, ressortaient déjà de la décision d’ouverture, le Grand-Duché de Luxembourg ne saurait reprocher à la Commission de ne pas l’avoir mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant à l’existence d’un avantage sélectif, au sens de la jurisprudence citée au point 192 ci-dessus.
206 Il convient d’ajouter que la Commission a, par lettre du 11 décembre 2017, entendu préciser de manière structurée son raisonnement et recueillir, à cet égard, les observations tant d’Engie que du Grand-Duché de Luxembourg.
207 Il en va clairement ainsi de la définition des cadres de référence, retenus dans la décision attaquée, aux fins de l’établissement de la sélectivité des DFA en cause au niveau tant des sociétés holdings concernées que du groupe Engie.
208 En outre, si la Commission n’a pas synthétisé dans la lettre du 11 décembre 2017 son argumentation quant à la non-application de la disposition relative à l’abus de droit, qu’elle avait avancée dans la décision d’ouverture, elle a invité de nouveau les parties à présenter sur ce point des observations complémentaires.
209 Enfin, la restriction du champ de l’analyse de la sélectivité des DFA en cause entre la décision d’ouverture et la décision attaquée procède des échanges intervenus entre les services de la Commission, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie, ce qui révèle, pour autant que de besoin, la finalité même de la procédure formelle d’examen ainsi que l’utilité et l’efficacité des échanges intervenus durant ladite procédure.
210 Partant, à la lumière de ces considérations, la Commission ne saurait, en l’espèce, avoir violé les droits procéduraux du Grand-Duché de Luxembourg et d’Engie en n’adoptant pas une nouvelle décision d’ouverture ou, à tout le moins, une décision rectificative.
211 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le sixième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et le quatrième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18 comme étant non fondés.
4. Sur le premier moyen du recours dans l’affaire T‑525/18, tiré d’un défaut d’engagement de ressources d’État et d’une absence d’imputabilité à l’État des DFA en cause
212 En premier lieu, Engie soutient que les DFA en cause ne sauraient être considérées comme impliquant une intervention de l’État. En effet, celles-ci seraient facultatives et ne feraient que tirer les strictes conséquences de l’application du droit fiscal luxembourgeois à une situation donnée.
213 Selon Engie, ce constat ne saurait être remis en cause par la non-application de la disposition relative à l’abus de droit, en ce que la Commission n’a nullement démontré que la pratique des autorités luxembourgeoises, dont il aurait été révélé en l’espèce tout au plus qu’elles s’étaient abstenues d’intervenir, aurait été différente s’agissant de cas comparables.
214 À cet égard, il convient de rappeler que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’« aides », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 48).
215 Afin d’apprécier l’imputabilité d’une mesure à l’État, il importe d’examiner si les autorités publiques ont été impliquées dans l’adoption de cette mesure (arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 49).
216 Or, en l’espèce, les DFA en cause ont été adoptées par l’administration fiscale luxembourgeoise, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, souligné au considérant 156 de la décision attaquée.
217 Partant, à la lumière de ce seul constat, il ne saurait être utilement contesté que lesdites DFA soient imputables au Grand-Duché de Luxembourg.
218 En second lieu, les DFA en cause n’impliquent pas non plus, selon Engie, l’engagement de ressources d’État. En effet, celles-ci ne conduiraient pas à la réduction du montant de l’impôt normalement dû.
219 À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire d’établir, dans tous les cas, un transfert de ressources d’État pour que l’avantage accordé à une ou à plusieurs entreprises puisse être considéré comme une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, point 100).
220 Ainsi, sont notamment considérées comme des aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par-là, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, point 101).
221 Or, par les DFA en cause, ainsi qu’il ressort du considérant 158 de la décision attaquée, l’administration fiscale luxembourgeoise a permis aux sociétés holdings concernées de ne pas être imposées sur certains de leurs revenus de participations. En d’autres termes, lesdites DFA allègent les charges qui grèvent, en principe, le budget d’une entreprise, au sens de la jurisprudence citée au point 220 ci-dessus.
222 Partant, la condition tenant à l’utilisation de ressources étatiques est également satisfaite.
223 Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 comme étant non fondé.
5. Sur les premier et deuxième moyens du recours dans l’affaire T‑516/18 et sur les deuxième et troisième moyens du recours dans l’affaire T‑525/18, tirés, en substance, d’erreurs d’appréciation et de droit dans l’identification d’un avantage sélectif
a) Observations liminaires
224 Il ressort des considérants 162, 171, 200, 237 et 289 de la décision attaquée que la Commission a, ainsi qu’elle l’a confirmé en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience de plaidoiries, démontré que le groupe Engie bénéficiait d’un avantage sélectif en usant de quatre voies de raisonnement, dont une présentée, à la lumière du considérant 289 de la décision attaquée, à titre subsidiaire.
225 Ainsi, premièrement, la Commission a considéré que les DFA en cause conféraient un avantage sélectif au groupe Engie au niveau des sociétés holdings concernées en dérogeant à un cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
226 Deuxièmement, la Commission a considéré qu’il existait également un avantage sélectif conféré au groupe Engie au niveau des sociétés holdings concernées du fait que les DFA en cause dérogeaient à un cadre de référence restreint aux dispositions luxembourgeoises relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations.
227 Troisièmement, la Commission a, à la lumière d’un cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés, considéré que les DFA en cause conféraient également un avantage sélectif en faveur du groupe Engie, comprenant en l’occurrence les sociétés holdings concernées, les sociétés intermédiaires et les filiales.
228 Quatrièmement et à titre subsidiaire, la Commission a estimé que les DFA en cause conféraient un avantage sélectif à l’ensemble des sociétés du groupe Engie, collectivement désignées en tant qu’« Engie » dans la décision attaquée, en ce qu’elles dérogeaient à la disposition relative à l’abus de droit, partie intégrante d’un cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
229 Par leurs recours, Engie et le Grand-Duché de Luxembourg contestent l’ensemble des raisonnements de la Commission visant à constater l’existence d’un avantage sélectif en l’espèce. À cette fin, les requérants avancent des moyens et des arguments qui, bien que présentés différemment dans leurs requêtes respectives, présentent des similitudes importantes quant à leur substance.
230 À cet égard, il convient au préalable de rappeler que, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 42).
231 En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision qui est attaquée dès lors que cette erreur n’a pu avoir
une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 43).
232 Ainsi, le bien-fondé, en l’espèce, d’un seul des raisonnements de la Commission rendrait inopérants les arguments avancés par Engie et le Grand-Duché de Luxembourg à l’encontre des autres lignes de raisonnement de la Commission.
233 Aux fins du présent arrêt, le Tribunal estime approprié d’examiner, d’emblée, les arguments invoqués par Engie et le Grand-Duché de Luxembourg reprochant à la Commission d’avoir confondu les conditions tenant au constat d’un avantage et à celui de la sélectivité des DFA en cause en ne procédant pas clairement à une appréciation disjointe de ces deux conditions.
234 Par la suite, le Tribunal examinera les arguments avancés à l’encontre de l’appréciation de la Commission relative à l’existence d’un avantage sélectif, en commençant par le constat d’une dérogation au cadre de référence restreint aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations.
b) Sur la prétendue confusion des conditions tenant à l’existence d’un avantage et à la sélectivité des DFA en cause
235 Engie et le Grand-Duché de Luxembourg reprochent à la Commission d’avoir confondu les notions d’avantage et de sélectivité.
236 Au lieu de procéder à l’étude successive de l’existence d’un avantage et d’un traitement différencié, la Commission aurait déduit, selon Engie, l’existence d’un avantage d’une prétendue dérogation au regard non des dispositions de droit commun visant à déterminer le revenu imposable, mais d’un objectif qui aurait été d’imposer, en toutes circonstances, les bénéfices des sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés.
237 Or, la référence à l’objectif d’un système fiscal ne saurait intervenir qu’au stade de l’appréciation de la sélectivité des DFA en cause, et non de l’identification d’un avantage.
238 La Commission souligne pour sa part que, si la condition tenant à l’existence d’un avantage est différente de celle tenant à sa sélectivité, il n’en reste pas moins que la démonstration de l’une recoupe partiellement celle de l’autre. En effet, si une mesure fiscale déroge à un système normal d’imposition, la condition tenant à l’existence d’un avantage est satisfaite, tout comme les deux premières étapes du raisonnement relatif à sa sélectivité. La Commission ajoute notamment que, pour ce qui
est d’une prétendue confusion entre les règles composant le système de référence et l’objectif de ce système, les règles générales du système d’imposition, à savoir les règles qui s’appliquent à toutes les entreprises, sont précisément le reflet de l’objectif du système d’imposition.
239 À cet égard, il convient de rappeler que, en principe, la sélectivité et l’avantage constituent deux critères distincts. Pour ce qui est de l’avantage, la Commission doit démontrer que la mesure améliore la situation financière du bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 33).
240 En revanche, pour ce qui est de la sélectivité, la Commission doit démontrer que l’avantage ne bénéficie pas à d’autres entreprises dans une situation juridique et factuelle comparable à celle du bénéficiaire au regard de l’objectif du cadre de référence (arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49).
241 Toutefois, en matière fiscale, l’examen de l’avantage et celui de la sélectivité coïncident, dans la mesure où ces deux critères impliquent de démontrer que la mesure fiscale contestée conduit à une réduction du montant de l’impôt qui aurait normalement été dû par le bénéficiaire de la mesure en application du régime fiscal ordinaire, et donc applicable aux autres contribuables se trouvant dans la même situation. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces deux critères
peuvent être examinés conjointement, en tant que « troisième condition » prévue par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, portant sur l’existence d’un « avantage sélectif » (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 32).
242 Or, en l’espèce, la Commission s’est attachée à démontrer, indépendamment du bien-fondé de l’ensemble des raisonnements repris dans la décision attaquée, que les DFA en cause conduisaient à une réduction du montant de l’impôt qui aurait été normalement dû, notamment par les sociétés holdings concernées, en application de régimes fiscaux ordinaires et que, par conséquent, ces mesures constituaient une dérogation aux règles fiscales applicables aux autres contribuables se trouvant dans une
situation factuelle et juridique comparable.
243 En effet, tout d’abord, la Commission a considéré que, en confirmant la possibilité pour les sociétés holdings concernées de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les revenus de participations qui auraient dû, à la lumière du système luxembourgeois d’imposition des sociétés, et en l’absence des DFA en cause, être imposés, ces dernières, d’une part, conféraient auxdites sociétés un avantage et, d’autre part, dérogeaient au système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
244 La référence, aux considérants 166 et 176 de la décision attaquée, à l’objectif du système luxembourgeois d’imposition des sociétés, identifié à partir des articles 18, 23, 40, 159 et 163 de la LIR, tels que présentés aux considérants 78 à 81 de la décision attaquée, ne saurait être utilement invoquée pour faire état d’une confusion des conditions d’avantage et de sélectivité.
245 Certes, l’objectif d’un système fiscal est avant tout mobilisé aux fins d’établir la sélectivité d’une mesure fiscale, en ce que c’est à la lumière d’un tel objectif que les contribuables se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au bénéficiaire d’une aide sont identifiés.
246 Il n’en reste pas moins que l’objectif avancé par la Commission, notamment aux considérants 166 et 176 de la décision attaquée, à savoir « l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés assujetties à l’impôt au Luxembourg, tels que constatés dans leurs comptes », apparaît davantage comme un principe gouvernant les dispositions générales composant le système luxembourgeois d’imposition des sociétés retenu par la Commission que comme un objectif du système en cause.
247 Aussi, indépendamment de la justesse de la lecture par la Commission desdites dispositions et du principe induit, la démonstration d’une dérogation à ce dernier conduit également à celle de l’octroi d’un avantage.
248 Ensuite, le même constat s’impose à la lumière non du système luxembourgeois d’imposition des sociétés, mais des dispositions luxembourgeoises relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de bénéfices.
249 Il ressort notamment des considérants 208 et 209 de la décision attaquée que, en l’absence des DFA en cause, les sociétés holdings concernées n’auraient pas été en mesure de bénéficier d’une exonération d’impôt sur des revenus distribués n’ayant pas fait l’objet d’une imposition au niveau de leurs filiales respectives, conduisant au constat tant d’un avantage que d’une dérogation aux dispositions relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de
bénéfices.
250 Enfin, le constat d’une dérogation à la disposition relative à l’abus de droit implique dans le même temps l’octroi d’un avantage, ainsi que cela ressort du considérant 312 de la décision attaquée. En l’absence des DFA en cause et en raison de l’application de la disposition relative à l’abus de droit, la Commission prétend, en substance, que les sociétés holdings concernées n’auraient pu bénéficier d’une exonération d’impôt sur les revenus de participations en cause.
251 Ainsi, la Commission n’a pas confondu, en l’espèce, les conditions tenant au constat d’un avantage et celles tenant à la démonstration de la sélectivité des DFA en cause, lesquelles pouvaient, eu égard à la nature fiscale desdites DFA, être appréciées simultanément.
252 Partant, il convient de rejeter comme étant non fondé l’argument tiré d’une telle confusion.
253 Dans ces circonstances, il convient de vérifier à présent si la Commission a pu conclure à bon droit à l’existence d’un avantage sélectif à l’issue de son examen de la sélectivité des DFA en cause à la lumière du cadre de référence étroit, à savoir restreint aux dispositions luxembourgeoises relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de bénéfices.
c) Sur la prétendue absence d’avantage sélectif au niveau des sociétés holdings concernées à la lumière du cadre de référence étroit
254 Aux considérants 200 à 235 de la décision attaquée, la Commission a soutenu que la sélectivité des DFA en cause pouvait être établie à la lumière d’un cadre de référence étroit composé des articles 164 et 166 de la LIR, à savoir des dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations.
255 L’article 164 de la LIR dispose ce qui suit :
« 1. Pour déterminer le revenu imposable, il est indifférent que le revenu soit distribué ou non aux ayants droit.
2. Sont à considérer comme distribution dans le sens de l’alinéa qui précède, les distributions de quelque nature qu’elles soient, faites à des porteurs d’actions, de parts bénéficiaires ou de fondateurs, de parts de jouissance ou de tous autres titres, y compris les obligations à revenu variable donnant droit à une participation au bénéfice annuel ou au bénéfice de liquidation.
3. Les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité. »
256 L’article 166, premier alinéa, de la LIR dispose ce qui suit :
« Les revenus d’une participation détenue par :
1. un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l’annexe de l’alinéa 10,
2. une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 10,
3. un établissement stable indigène d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive [2011/96],
4. un établissement stable indigène d’une société de capitaux qui est un résident d’un État avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions,
5. un établissement stable indigène d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est un résident d’un État partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un État membre de l’Union européenne,
sont exonérés lorsque, à la date de la mise à la disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois et que pendant toute cette période le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d’acquisition au-dessous de 1200000 euros. »
257 Il ressort notamment des considérants 201 et 202 de la décision attaquée qu’une lecture combinée des dispositions de l’article 164 et de l’article 166, premier alinéa, de la LIR conduirait à exclure, en droit luxembourgeois, au niveau de la société percevant des revenus de participations, le bénéfice d’une exonération lorsque ces revenus n’ont pas, au préalable, fait l’objet d’une imposition au niveau de la société les ayant distribués.
258 L’article 164 de la LIR ne permettrait pas de déduire du revenu imposable d’une société le bénéfice distribué. En d’autres termes, un bénéfice ne saurait être distribué qu’après impôt, et ce quelle que soit la nature de la distribution opérée. Pour sa part, l’article 166 de la LIR permettrait d’exonérer d’impôt le bénéfice distribué, au niveau de la société le percevant, à condition que le revenu perçu soit le fruit de participations.
259 Ainsi, au considérant 226 de la décision attaquée, la Commission a conclu que, en ayant, par les DFA en cause, permis aux sociétés holdings concernées d’être exonérées sur des revenus de participations correspondant, d’un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA, lesquelles avaient été déduites à titre de charges au niveau de leurs filiales respectives, l’administration fiscale luxembourgeoise avait octroyé un avantage sélectif aux sociétés holdings concernées.
260 Engie et le Grand-Duché de Luxembourg soutiennent, en substance, que la Commission a erronément tant défini le cadre de référence étroit qu’identifié une dérogation à ce dernier, et, ce faisant, conclu à l’octroi d’un avantage sélectif en faveur des sociétés holdings concernées.
261 Ainsi, il y a lieu, dans un premier temps, de procéder à l’examen des arguments portant sur la définition erronée par la Commission d’un cadre de référence restreint aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations pour, dans un second temps, examiner les arguments contestant la partie de la décision attaquée relative à l’existence d’une dérogation auxdites dispositions.
1) Sur la définition du cadre de référence restreint aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations
262 Dans la décision attaquée, la Commission a apprécié la sélectivité des DFA en cause au niveau des sociétés holdings concernées à la lumière d’un cadre de référence étroit, composé des dispositions relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de bénéfices, à savoir des articles 164 et 166 de la LIR.
i) Sur l’absence d’extension du cadre de référence à la directive mère-filiale
263 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie soutiennent que la Commission a réduit de manière erronée le cadre de référence aux dispositions applicables aux situations purement internes. Elle aurait dû, au contraire, se référer également aux situations couvrant le champ de la directive mère-filiale.
264 Engie fait observer que, en vertu de la directive mère-filiale, en vigueur au moment de l’adoption des DFA en cause, le Grand-Duché de Luxembourg n’exigeait pas que les bénéfices des filiales établies dans d’autres États membres soient préalablement imposés dans l’État de résidence de celles-ci pour que les sociétés mères résidentes luxembourgeoises puissent bénéficier de l’exonération prévue par la directive mère-filiale.
265 Engie et le Grand-Duché de Luxembourg ajoutent que la Commission ne pouvait, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, réserver l’exonération, sans condition liée à l’imposition préalable des bénéfices au niveau de la filiale, aux seules situations transfrontières.
266 Sur le fondement de l’arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395), Engie insiste sur la nécessité d’interpréter l’article 166 de la LIR à la lumière du droit de l’Union, en particulier à la lumière de la directive mère-filiale en vigueur au moment de l’adoption des DFA en cause.
267 Par ailleurs, un non-alignement des traitements fiscaux des distributions transfrontières de bénéfices et des distributions purement internes engendrerait au niveau des sociétés mères et des filiales résidentes luxembourgeoises une discrimination à rebours. Ce faisant, la Commission ne saurait contester le choix opéré par le législateur luxembourgeois quant au régime d’exonération des revenus de participations, qu’il s’agisse de distribution interne ou de distribution transfrontière.
268 Un tel non-alignement des traitements fiscaux contreviendrait de plus, selon Engie et le Grand-Duché de Luxembourg, à l’article 107 TFUE, ainsi que cela ressortirait des arrêts du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves (C‑48/07, EU:C:2008:758), et du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981).
269 La Commission justifie en substance l’absence d’extension du cadre de référence aux situations transfrontières en ce que la directive mère-filiale a pour seul objectif d’éviter une pénalisation des situations transfrontières par rapport aux situations purement internes, et non de justifier l’extension du traitement préférentiel des situations transfrontières aux situations purement internes.
270 À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que l’examen de la condition relative à la sélectivité implique, en principe, de déterminer, dans un premier temps, le cadre de référence dans lequel s’inscrit la mesure concernée, cette détermination revêtant une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale » (arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511,
point 56, et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 55).
271 D’autre part, la sélectivité d’une mesure fiscale ne saurait être appréciée à l’aune d’un cadre de référence constitué de quelques dispositions qui ont été artificiellement sorties d’un cadre législatif plus large (arrêt du 28 juin 2018, Allemagne/Commission, C‑209/16 P, non publié, EU:C:2018:507, point 99).
272 Or, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte, en l’espèce, du traitement fiscal des distributions transfrontières de dividendes sous l’empire de la directive mère-filiale, en vigueur au moment de l’adoption des DFA en cause.
273 Premièrement, la situation en cause dans la présente affaire est une situation purement interne. Tant les sociétés holdings concernées que les filiales et les sociétés intermédiaires sont établies au Grand-Duché de Luxembourg. En l’espèce, les situations fiscales de celles-ci relèvent d’une seule et même autorité fiscale. Partant, les risques de double imposition propres à l’application de régimes fiscaux différents et à l’intervention d’autorités fiscales différentes, qui pourraient exister
dans le cas de distributions transfrontières, ne peuvent se présenter dans une situation purement interne, telle que celle en cause dans la présente affaire.
274 Deuxièmement, sous l’empire de la directive mère-filiale, en vigueur au moment de l’adoption des DFA en cause, il n’était, certes, pas formellement exigé que l’exonération des revenus de participations fût subordonnée à l’imposition préalable des bénéfices distribués au niveau des filiales.
275 En effet, l’article 4 de la directive mère-filiale prévoyait notamment que l’État membre de résidence de la société mère qui percevait les dividendes d’une filiale non résidente pouvait s’abstenir de les imposer.
276 Il n’en reste pas moins qu’un tel régime d’exonération, non formellement conditionné à l’imposition des bénéfices distribués au niveau de la filiale non résidente, visait avant tout, conformément au troisième considérant de la directive mère-filiale, à faciliter le regroupement de sociétés au niveau de l’Union et à répondre aux divergences pouvant exister entre les législations fiscales de deux États membres différents. Assurément, une telle logique n’est pas transposable à la situation de
sociétés établies dans un seul et même État membre.
277 Les arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395), du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves (C‑48/07, EU:C:2008:758), et du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981), ne remettent pas en cause ce constat.
278 Tout d’abord, l’arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395), ne peut être interprété dans le sens voulu par Engie. Dans cette affaire, la Cour a dit pour droit que, dans le cadre d’un litige entrant dans le domaine d’une directive qui aurait dû être transposée en droit interne, le juge national était tenu d’interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de la directive. Or, en l’espèce, il n’est nullement question d’interpréter l’article 166 de la LIR
dans une hypothèse relevant du champ d’application de la directive mère-filiale, à savoir dans le cas de distributions de bénéfices entre des sociétés établies dans des États membres différents.
279 Ensuite, l’arrêt du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves (C‑48/07, EU:C:2008:758), ne saurait également fonder une éventuelle obligation pour le Grand-Duché de Luxembourg d’aligner le traitement fiscal des distributions transfrontières sur celui des distributions purement internes.
280 Dans cette affaire, se posait uniquement la question de savoir si la notion de participation, au sens de la directive mère-filiale, comprenait la détention de parts sociales par le biais d’une convention d’usufruit (et non en pleine propriété), question à laquelle la Cour a répondu par la négative.
281 Toutefois, la Cour a également entendu rappeler qu’un État membre ne pouvait traiter de manière moins favorable des situations transfrontières que des situations purement internes. Aussi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves (C‑48/07, EU:C:2008:758), la Cour a dit pour droit que, si un État membre exonérait d’impôt les dividendes perçus par une société qui détenait les parts d’une filiale par le biais d’une convention d’usufruit, il devait en
aller de même dans une hypothèse transfrontière. En effet, la finalité du droit de l’Union n’est pas de lutter contre les discriminations à rebours, mais de s’assurer que les situations transfrontières ne soient pas traitées moins favorablement que les situations purement internes, et non l’inverse.
282 Enfin, le constat est identique en ce qui concerne l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981). Contrairement à ce que prétend le Grand-Duché de Luxembourg, la Commission ne pourrait lui reprocher d’avoir octroyé une aide d’État en traitant de manière plus favorable les distributions transfrontières de dividendes que les distributions purement internes.
283 En effet, la condition tenant à l’imputabilité d’une telle mesure à l’État fait défaut lorsque la mesure en cause découle d’un acte de l’Union, tel qu’une directive (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, points 99 à 104). Or en l’espèce, le régime d’exonération des revenus de participations découle de la directive mère-filiale.
284 En tout état de cause, la directive mère-filiale, en vigueur au moment de l’adoption des DFA en cause, ne fait pas obstacle à ce qu’un lien soit établi et exigé entre l’imposition des bénéfices distribués au niveau d’une filiale et l’exonération subséquente des revenus de participations au niveau d’une société mère non résidente (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves, C‑48/07, EU:C:2008:758, points 36 et 37).
285 Cette directive vise à prévenir les situations de double imposition, ce qui suggère, implicitement, mais nécessairement, qu’elle repose sur le postulat d’une imposition par l’État membre de résidence de la filiale des bénéfices réalisés par celle-ci avant leur distribution (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves, C‑48/07, EU:C:2008:758, points 36 et 37).
286 De plus, indépendamment de la question de son application rationae temporis, une telle interprétation est confirmée par l’article 1er de la directive 2014/86/UE du Conseil, du 8 juillet 2014, modifiant la directive 2011/96 (JO 2014, L 219, p. 40), en ce que l’exonération des revenus de participations transfrontières n’est possible que si ces derniers ne sont pas déductibles par la filiale.
287 Ainsi, au cas d’espèce, la Commission n’était pas tenue d’étendre le cadre de référence au régime de la directive mère-filiale, lequel ne pouvait au demeurant conduire à exclure, à tout le moins dans les situations purement internes, tout lien entre l’exonération des revenus de participations et l’imposition des distributions des bénéfices.
ii) Sur la lecture combinée des articles 164 et 166 de la LIR
288 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie font valoir que la définition d’un cadre de référence plus étroit, à la lumière des seuls articles 164 et 166 de la LIR, procéderait d’une lecture combinée erronée de ces deux dispositions.
289 Outre le fait qu’un ZORA n’impliquerait pas une distribution de bénéfices, au sens de l’article 164 de la LIR, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie soutiennent que l’article 166 de la LIR ne saurait être interprété comme conditionnant le bénéfice de l’exonération au niveau d’une société mère à l’absence de déduction fiscale au niveau de la filiale des revenus générés durant le ZORA.
290 Le Grand-Duché de Luxembourg déplore de même le fait que la Commission ait ignoré les observations contenues dans sa lettre du 31 janvier 2018, dans laquelle il était clairement expliqué que les articles 164 et 166 de la LIR avaient des champs d’application distincts et que le respect de l’article 164 de la LIR ne constituait pas une condition d’application de l’article 166 de la LIR.
291 La Commission insiste notamment sur le fait que la complémentarité entre l’article 166 et l’article 164, premier et second alinéas, de la LIR est indispensable pour assurer la cohérence du système fiscal luxembourgeois, ce que confirmerait au demeurant la doctrine fiscale.
292 À cet égard, d’une part, il convient certes de relever que l’article 166 de la LIR ne subordonne pas formellement l’octroi de l’exonération des revenus de participations au niveau d’une société mère à l’imposition préalable des bénéfices distribués au niveau de sa filiale.
293 Il n’en reste pas moins que l’octroi de l’exonération des revenus de participations ne peut être envisagé que si les revenus distribués par une filiale ont été préalablement imposés, sauf à envisager l’hypothèse, dans une situation purement interne, d’une double non-imposition de bénéfices.
294 Schématiquement, l’article 164 de la LIR prévoit l’imposition des revenus générés par une société, que ces revenus soient ou non distribués. Ces revenus comprennent également, en application de l’article 164, troisième alinéa, de la LIR, les distributions cachées de bénéfices. L’article 166 de LIR exonère quant à lui les revenus de participations sous certaines conditions, permettant de prévenir les hypothèses de double imposition. En effet, les bénéfices distribués ayant été imposés au niveau
de la filiale sont, en principe, inscrits en tant que revenu imposable au niveau de la société mère.
295 Le lien entre les deux dispositions ressort expressément de la réponse du Grand-Duché de Luxembourg du 31 janvier 2018. Conformément à la citation reprise au considérant 202 de la décision attaquée et figurant en note en bas de page no 223, laquelle est dépourvue d’ambiguïté, le Grand-Duché de Luxembourg a reconnu que « toutes les participations dont les revenus p[ouvai]ent bénéficier du régime d’exonération au titre de l’article 166 [de la] LIR [étaie]nt aussi couvertes par les dispositions de
l’article 164 [de la] LIR ».
296 Le lien entre ces deux dispositions s’impose d’autant plus à la lecture de l’avis du Conseil d’État luxembourgeois du 2 avril 1965 sur le projet de loi incorporant l’article 166 dans la LIR, auquel la Commission renvoie, à juste titre, en notes en bas de pages nos 139 et 238 de la décision attaquée. Ainsi que le souligne le Conseil d’État luxembourgeois, l’article 166 de la LIR permet, « pour des raisons d’équité fiscale et d’ordre économique », d’éviter la double ou la triple imposition des
revenus distribués, mais non, en substance, d’éviter l’absence totale d’imposition desdits revenus.
297 En d’autres termes, l’exonération des revenus de participations est uniquement applicable à des revenus qui n’ont pas été déduits du revenu imposable de la filiale.
298 Partant, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en ayant constaté, au considérant 204 de la décision attaquée, un lien entre les articles 164 et 166 de la LIR, à savoir entre l’exonération au niveau d’une société mère des revenus de participations et l’imposition au niveau de sa filiale des bénéfices distribués.
299 D’autre part, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie font valoir qu’un ZORA n’implique pas une distribution de bénéfices au sens de l’article 164 de la LIR, de sorte que la référence audit article, notamment aux considérants 204 et 210 et suivants de la décision attaquée, est erronée.
300 Or, si les accrétions sur ZORA ne sont pas, formellement, des distributions de bénéfices, les revenus de participations exonérés au niveau de LNG Holding correspondent, en substance, au montant desdites accrétions, de sorte que, ainsi qu’il ressort à juste titre des considérants 210 à 212 de la décision attaquée, ces dernières correspondent matériellement, dans les circonstances très particulières de l’espèce et en considération du montage sociétaire impliquant une société holding, une société
intermédiaire et une filiale, à des distributions de bénéfices. La Commission pouvait ainsi, à bon droit, mobiliser, aux fins de la définition du cadre de référence étroit, les articles 164 et 166 de la LIR, lesquels régissent, en droit national, l’imposition des revenus de participations.
301 Partant, il convient de rejeter l’argument tiré d’une lecture combinée erronée des articles 164 et 166 de la LIR et, par conséquent, l’ensemble des arguments visant à contester la définition par la Commission du cadre de référence étroit.
2) Sur la dérogation aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations
302 Aux considérants 208 à 226 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, par les DFA en cause, les autorités fiscales luxembourgeoises avaient dérogé aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations en ce qu’elles avaient permis aux sociétés holdings concernées d’être exonérées sur des revenus de participations correspondant, d’un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA, déduites à titre de charges au
niveau de leurs filiales respectives.
303 Tout d’abord, il convient de souligner que, ainsi qu’il a été constaté aux points 247 et 248 ci-dessus, à la supposer fondée, la démonstration d’une dérogation aux dispositions luxembourgeoises relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de bénéfices conduit au constat d’un avantage.
304 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’appréciation de la condition constitutive de la notion d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tenant à la sélectivité de l’avantage octroyé, impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation
factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 54 et jurisprudence citée).
305 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie soutiennent, en substance, qu’aucune dérogation ne saurait être, en l’espèce, constatée, en faisant valoir, premièrement, que l’article 164 de la LIR ne régit pas les ZORA et qu’aucun lien direct et évident entre la déductibilité des accrétions sur ZORA, au niveau des filiales, et l’exonération des revenus de participations, au niveau des sociétés holdings concernées, n’existait, deuxièmement, que l’augmentation de valeur des ZORA était incertaine lorsqu’ils
ont été émis, troisièmement, que les articles 164 et 166 de la LIR, pris isolément, ont été correctement appliqués, quatrièmement, que la Commission n’a pas démontré la violation de ces deux dispositions prises isolément et, cinquièmement, qu’un traitement préférentiel du groupe Engie au niveau des sociétés holdings concernées n’a pas été démontré.
i) Sur l’application de l’article 164 de la LIR à un ZORA et sur l’existence d’un lien entre la déductibilité des accrétions sur ZORA, au niveau des filiales, et l’exonération des revenus de participations, au niveau des sociétés holdings concernées
306 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie relèvent que l’article 164 de la LIR ne régit en droit luxembourgeois que les distributions de bénéfices, non le ZORA, lequel est pour partie un instrument de dette et pour partie un instrument de capital.
307 Ainsi, la Commission ignorerait la nature convertible du ZORA, laquelle rendrait inapplicable au cas d’espèce l’article 164 de la LIR, de sorte qu’aucune dérogation à cette disposition ne saurait être constatée. La Commission aurait fondé son analyse sur une interprétation finaliste du droit fiscal luxembourgeois, violant en cela le principe de légalité de l’impôt, en application duquel les lois fiscales sont d’interprétation stricte.
308 Une telle dérogation ferait également défaut en ce que, selon Engie, aucun lien direct et évident ne saurait être constaté entre le gain réalisé par LNG Holding et les accrétions sur ZORA déduites à titre de charge au niveau de LNG Supply. La Commission aurait également associé à tort la réalisation de la vente à terme prépayée et l’opération subséquente de réduction du capital de LNG Supply, laquelle opération n’aurait, au demeurant, pas été prévue au moment de l’émission des DFA en cause. En
l’absence d’un tel lien, les DFA en cause n’auraient pas dérogé, en substance, au cadre de référence retenu.
309 De même, selon Engie, les accrétions sur ZORA avaient été inscrites en tant que gain imposable dans la comptabilité de LNG Luxembourg, de sorte que, à supposer qu’un lien entre le montant des accrétions déduites à titre de charges au niveau de LNG Supply et le montant exonéré d’impôt au niveau de LNG Holding soit identifié, l’exonération n’aurait pas porté, en substance, sur un montant n’ayant fait l’objet d’aucune imposition.
310 La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces arguments. Elle fait notamment valoir que, si un même montant de bénéfice pouvait être déduit, en tant que charges, au niveau de l’entité distributrice, et être exonéré comme revenu, au niveau du bénéficiaire, ce bénéfice échapperait à toute imposition au Grand-Duché de Luxembourg, ce qui, en l’espèce, révélerait bel et bien l’existence d’une dérogation au cadre de référence étroit applicable aux sociétés holdings.
311 À cet égard, contrairement à une approche formaliste, laquelle consiste à prendre isolément chacune des opérations composant le montage financier élaboré, il importe, à l’instar de la Commission, de dépasser les apparences juridiques pour appréhender la réalité économique et fiscale dudit montage. Pour déterminer si des mesures étatiques peuvent constituer des aides d’État, ce sont essentiellement les effets de ces mesures en ce qui concerne les entreprises bénéficiaires qu’il y a lieu de
prendre en considération (voir arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386, point 212 et jurisprudence citée).
312 Or, si les accrétions sur ZORA ne sont pas, formellement, des distributions de bénéfices, les revenus de participations exonérés au niveau de LNG Holding correspondent, en substance, au montant desdites accrétions, de sorte que, ainsi qu’il ressort à juste titre des considérants 210 à 212 de la décision attaquée, ces dernières correspondent matériellement, dans les circonstances très particulières de l’espèce, à des distributions de bénéfices.
313 Les DFA en cause valident différentes transactions, lesquelles constituent un ensemble mettant en œuvre, de manière circulaire et interdépendante, le transfert d’un secteur d’activité et son financement entre trois sociétés appartenant à un même groupe. Ces transactions ont été conçues comme s’effectuant en trois étapes, successives, mais interdépendantes, impliquant l’intervention d’une société holding, d’une société intermédiaire et d’une filiale.
314 Certes, premièrement, les accrétions sur ZORA ont été inscrites en tant que gain imposable dans les comptes des sociétés intermédiaires.
315 Il n’en reste pas moins que, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience de plaidoiries, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie ont expressément confirmé que ce gain avait été neutralisé, au niveau des sociétés intermédiaires, par une perte de même montant au moment de l’exécution du contrat de vente à terme prépayé, conclu entre les sociétés intermédiaires et les sociétés holdings concernées.
316 De plus, en application dudit contrat, les sociétés holdings concernées sont devenues automatiquement titulaires des actions émises au moment de la conversion du ZORA en cause, lesquelles intégraient le montant nominal du prêt octroyé et les bénéfices réalisés par les filiales.
317 En d’autres termes, le contrat de vente à terme prépayé conclu entre les sociétés holdings concernées et les sociétés intermédiaires a permis, en réalité, de neutraliser le gain imposable au niveau des sociétés intermédiaires tout en transférant la propriété des actions émises au moment de la conversion du ZORA en cause auxdites sociétés holdings.
318 Ainsi, les sociétés holdings concernées sont devenues titulaires desdites actions, dont la valeur comprend les accrétions sur ZORA.
319 Certes, deuxièmement, l’exécution du contrat de vente à terme prépayé est également une opération en tout point distincte de l’annulation subséquente d’une partie des actions des filiales reçues.
320 Il n’en reste pas moins que, en l’espèce, dans le cas de LNG Holding, le revenu généré à son niveau en application du contrat de vente à terme prépayé, et, à plus forte raison, celui généré à la suite de l’annulation des actions de LNG Supply, correspondait, en réalité, d’un point de vue économique, au montant des accrétions sur ZORA réalisées avant la conversion partielle de ce ZORA, ce que le Grand-Duché de Luxembourg a expressément reconnu lors de l’audience de plaidoiries en réponse à une
question du Tribunal.
321 Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument selon lequel les DFA en cause ne se seraient pas prononcées sur l’annulation subséquente d’une partie des actions des filiales reçues, mais uniquement sur l’exécution du contrat de vente à terme prépayé.
322 Il ressort en effet clairement de la demande de décision fiscale anticipative adressée le 20 septembre 2013, conformément à la citation reprise au considérant 43 de la décision attaquée, qu’était bel et bien prévue, avant la conversion du ZORA en cause, l’annulation subséquente au niveau des sociétés holdings concernées d’une partie des actions des filiales reçues.
323 Il y est en effet indiqué que, « [e]n raison de la réduction du capital de [LNG Supply], [LNG Holding] comptabilisera un bénéfice équivalent à la différence entre le montant nominal des actions converties et le montant de la conversion » et que « [c]e bénéfice sera visible dans les livres comptables de [LNG Holding] et est couvert, comme confirmé auparavant par l’administration fiscale, par l’exonération des revenus de participations ».
324 La référence explicite à la confirmation antérieure, sur ce point, de l’administration fiscale luxembourgeoise indique, en substance, que le revenu perçu par LNG Holding qui résultait de l’opération de réduction du capital de LNG Supply était celui pour lequel l’application de l’article 166 de la LIR avait été demandée, notamment dans la demande de décision fiscale anticipative du 9 septembre 2008, à laquelle le Grand-Duché de Luxembourg a répondu positivement.
325 Certes, troisièmement, la déductibilité des accrétions sur ZORA au niveau des filiales est, formellement, une opération distincte de l’exonération des revenus de participations au niveau des sociétés holdings.
326 Il n’en reste pas moins que, en réalité, un lien direct unit, en l’espèce, ces deux opérations. Les revenus exonérés au niveau de LNG Holding, en application de l’article 166 de la LIR, correspondent, en substance, aux accrétions sur ZORA déduites au niveau de LNG Supply, ainsi que le Grand-Duché de Luxembourg l’a confirmé lors de l’audience de plaidoiries.
327 Partant, la Commission a exposé, à juste titre, les interactions entre plusieurs opérations, certes formellement distinctes, mais substantiellement communes, et considéré que, en confirmant l’exonération au niveau des sociétés holdings de revenus de participations correspondant, d’un point de vue économique, au montant des accrétions sur ZORA, déduites à titre de charges au niveau des filiales, l’administration fiscale luxembourgeoise avait dérogé au cadre de référence composé des articles 164
et 166 de la LIR.
ii) Sur la valeur incertaine d’un ZORA au jour de son émission
328 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie soutiennent que la Commission ne pouvait ignorer que l’augmentation de valeur des ZORA était incertaine au moment de leur conclusion ainsi qu’au moment de l’adoption des DFA en cause. Il en irait précisément ainsi en ce qui concerne CEF, selon le Grand-Duché de Luxembourg, et ce d’autant plus que le ZORA dont GSTM bénéficiait n’aurait pas été converti.
329 Selon le Grand-Duché de Luxembourg et Engie, l’incertitude au jour de l’émission des DFA en cause, relative à la réalisation future d’un profit par les filiales bénéficiaires du ZORA en cause, ferait, en substance, échec au constat d’une dérogation au cadre de référence étroit.
330 À cet égard, il y a lieu de rappeler que sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 21).
331 Par ailleurs, une mesure peut constituer une aide d’État quand bien même le montant de l’aide, et a fortiori le constat d’un avantage, dépend de circonstances externes au régime d’imposition.
332 Ainsi, une mesure peut constituer une aide d’État, au sens de l’article 107 TFUE, quand bien même l’avantage ne se serait pas encore matérialisé au jour de l’adoption de la mesure en cause. La simple probabilité d’une matérialisation future de l’avantage suffit. En effet, la non-matérialisation de l’avantage exclut uniquement la récupération de l’aide, et non sa qualification en tant que telle.
333 Or, en l’espèce, l’avantage et, in fine, la dérogation au cadre de référence se manifestent certes pleinement en présence d’un profit réalisé par les filiales pendant la durée de vie du ZORA en cause. Il n’en reste pas moins que la présence d’un aléa dans la réalisation d’un profit au niveau des filiales le jour de l’adoption des ZORA en cause ne saurait exclure l’octroi aux sociétés holdings concernées d’un avantage sélectif et le constat d’une dérogation au cadre de référence étroit.
334 En effet, au jour de l’émission des DFA en cause, l’administration fiscale luxembourgeoise s’est, à la lumière du montage financier qui lui a été soumis, positionnée en faveur de l’exonération, au niveau des sociétés holdings concernées, des revenus de participations, lesquels pouvaient, d’un point de vue économique, correspondre à des revenus déduits à titre de charges au niveau des filiales.
335 Ainsi, la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que, en fixant le régime particulier d’imposition des sociétés holdings concernées, l’administration fiscale luxembourgeoise avait défini un cadre juridique leur permettant l’octroi d’un avantage et avait, ce faisant, dérogé au cadre de référence étroit.
iii) Sur le constat d’une dérogation à partir de l’effet combiné de dispositions générales
336 Engie soutient que la Commission ne pouvait appréhender l’effet combiné, non prévu par la loi, de la déductibilité des accrétions sur ZORA au niveau des filiales et de l’exonération des revenus de participations au niveau des sociétés holdings. L’application de deux dispositions à caractère général à un cas particulier ne saurait, selon Engie, conférer un avantage lorsque les dispositions concernées sont d’application générale et que l’application qui est faite de chacune de ces dispositions,
prise isolément, est conforme à leur application normale.
337 La Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle, telle qu’illustrée par sa décision 2014/200/UE, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision relative au régime espagnol de leasing fiscal »), en application de laquelle chaque mesure fiscale,
prise individuellement, devait déroger à l’application normale des dispositions fiscales en cause. Une telle exigence aurait été encore plus importante en présence, comme en l’espèce, de plusieurs assujettis.
338 Engie ajoute que la thèse retenue par la Commission, dans la décision attaquée, supposait que, en vertu d’un principe de cohérence, l’application de dispositions fiscales à un assujetti fût subordonnée au traitement fiscal d’un autre assujetti en application d’autres dispositions générales. La Commission aurait également méconnu l’arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732), qui aurait limité la prise en compte
des effets d’un régime fiscal à l’hypothèse dans laquelle sa conception aurait clairement été arbitraire ou biaisée.
339 Un tel argument ne saurait prospérer.
340 Ainsi qu’il ressort des points 306 à 327 ci-dessus, un lien se doit d’être constaté, en droit luxembourgeois, entre l’exonération des revenus des participations au niveau d’une société mère et la déductibilité des revenus distribués au niveau de sa filiale.
341 L’application d’une telle exonération ne saurait ainsi s’envisager sans qu’il soit vérifié au préalable si les revenus exonérés d’impôt ont fait l’objet d’une imposition. Le traitement fiscal de la société destinataire de revenus distribués dépend, pour ce qui est de l’article 166 de la LIR, du traitement fiscal de la société distributrice.
342 Un lien existe également, en l’espèce, conformément aux points 312 à 327 ci-dessus, entre la déductibilité des accrétions sur ZORA au niveau de LNG Supply et l’exonération au niveau de LNG Holding des revenus de participations correspondant, d’un point de vue économique, auxdites accrétions. Ce lien découle de la structure même de financement mise en place par Engie et des différents contrats liant les sociétés du groupe Engie, tels que validés par les DFA en cause. Les actions de LNG Supply
intégrant la valeur des accrétions sur ZORA transitent en effet, par l’intermédiaire de ce ZORA, de LNG Supply à LNG Luxembourg et, par l’intermédiaire du contrat de vente à terme prépayé, de LNG Luxembourg à LNG Holding, laquelle, in fine, génère une plus-value exonérée d’impôt par l’annulation des actions reçues. Il en va tout autant entre GSTM et CEF, quand bien même le ZORA dont bénéficie la première n’a pas été converti.
343 En raison dudit lien et de l’appréhension au niveau des sociétés holdings concernées de l’effet combiné de ces deux opérations, les DFA en cause dérogent au cadre de référence étroit. L’exonération, en l’espèce, au niveau de LNG Holding des revenus de participations correspondant, d’un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA ne pouvait s’envisager, dans la mesure où lesdites accrétions ont été déduites à titre de charge au niveau de LNG Supply.
344 De cet effet combiné, la Commission a pu, à juste titre, constater, aux considérants 208 et 209 de la décision attaquée, qu’il existait une dérogation au cadre de référence composé des articles 164 et 166 de la LIR.
345 Dès lors, en présence de tels liens, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en appréhendant, au niveau des sociétés holdings, l’effet combiné de la déductibilité d’un revenu au niveau d’une filiale et de son exonération ultérieure au niveau de sa société mère.
346 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la décision relative au régime espagnol de leasing fiscal, citée au point 337 ci-dessus.
347 D’une part, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle de la Commission concernant d’autres affaires ne saurait affecter la validité de la décision qui est attaquée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité (voir arrêt du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission, T‑696/17, EU:T:2019:652, point 68 et jurisprudence citée).
348 D’autre part, indépendamment de la considération selon laquelle la Commission ne saurait être liée par sa pratique décisionnelle antérieure, il ressort notamment des considérants 131 et 140 de la décision relative au régime espagnol de leasing fiscal que, si le montage fiscal dans cette affaire procédait de la combinaison de plusieurs mesures fiscales distinctes, la Commission n’avait pas entendu conditionner, dans cette affaire, le constat de la sélectivité du régime espagnol de leasing fiscal
à celui de la sélectivité de chacune des mesures composant ledit régime prise isolément. De même, le régime espagnol de leasing fiscal était formé de cinq mesures dont l’application combinée ne ressortait nullement, tant formellement que substantiellement, d’une disposition législative, contrairement au cas d’espèce, qui met en jeu les articles 164 et 166 de la LIR, dont la complémentarité ressort, en substance, de leur lecture combinée.
349 L’arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732), ne saurait tout autant être interprété en ce sens que la prise en compte des effets d’une mesure soit cantonnée à son seul caractère défini comme étant « arbitraire ou biaisé ».
350 D’une part, force est de relever que les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732), différaient sensiblement de la présente, en ce que le régime en cause constituait lui-même le cadre de référence à partir duquel le traitement préférentiel de sociétés « offshore » avait été identifié.
351 D’autre part, il convient de relever que l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes et les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets, et donc indépendamment des techniques utilisées. Or, la jurisprudence invoquée par Engie ne saurait être mobilisée que dans des hypothèses contentieuses analogues à celles des affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni
(C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732).
iv) Sur l’absence de violation des articles 164 et 166 de la LIR, pris isolément
352 Le Grand-Duché de Luxembourg prétend que, en présence d’une application conforme au droit national des articles 164 et 166 de la LIR, il appartenait à la Commission de démontrer que les DFA en cause violaient lesdits articles.
353 À la lumière de l’arrêt du 12 novembre 2013, MOL/Commission (T‑499/10, EU:T:2013:592), la Commission aurait dû établir la sélectivité des DFA en cause par référence aux dispositions qui les fondaient, en en démontrant la violation.
354 La Commission insiste pour sa part sur le fait que la sélectivité des DFA en cause n’était pas subordonnée tant au constat d’une application erronée des dispositions sur le fondement desquelles ces DFA avaient été adoptées qu’à la sélectivité de ces dernières dispositions.
355 À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend, en l’espèce, le Grand-Duché de Luxembourg, le constat d’une dérogation au cadre de référence étroit n’était pas conditionné à celui d’une violation des articles 164 et 166 de la LIR, chacun pris isolément. Au contraire, la dérogation se devait d’être appréciée à la lumière d’une combinaison des articles 164 et 166 de la LIR, lesquels composaient le cadre de référence étroit, en application duquel les revenus de
participations ne pouvaient faire l’objet d’une exonération au niveau d’une société mère si lesdits revenus n’avaient pas fait l’objet d’une imposition au niveau de sa filiale, et inversement.
356 Or, il ressort des considérants 212 et 213 de la décision attaquée que les DFA en cause dérogent au cadre de référence étroit, dans la mesure où, en application de celles-ci, le groupe Engie bénéficiait, au niveau des sociétés holdings concernées, d’une exonération d’impôt sur des revenus, correspondant économiquement à des bénéfices distribués et non imposés au niveau de leurs filiales. Il en allait précisément ainsi dans le cas du ZORA émis en faveur de LNG Supply. En effet, LNG Holding était
exonérée sur des revenus de participations qui correspondaient, d’un point de vue économique, à des revenus déduits en tant que charges par LNG Supply.
357 L’obligation de démontrer que les DFA en cause violaient les articles 164 et 166 de la LIR ne ressort également nullement de l’arrêt du 12 novembre 2013, MOL/Commission (T‑499/10, EU:T:2013:592). En effet, contrairement à ce qui est invoqué par le Grand-Duché de Luxembourg, cet arrêt permet seulement d’illustrer que la sélectivité d’une mesure d’aide peut résulter d’un pouvoir discrétionnaire conféré à l’administration par un texte de portée générale, et ce indépendamment de l’exercice même
dudit pouvoir. Il précise également que, en l’absence d’exercice d’un tel pouvoir, il convient de se référer au contenu de la mesure pour vérifier si cette dernière octroie à son bénéficiaire un avantage sélectif.
358 Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter les arguments tirés de l’absence de démonstration d’une violation des articles 164 et 166 de la LIR, pris isolément.
v) Sur le traitement préférentiel du groupe Engie au niveau des sociétés holdings concernées
359 Selon Engie et le Grand-Duché de Luxembourg, soutenus en ce sens par l’Irlande, la Commission n’a pas démontré que les DFA en cause traitaient de manière préférentielle le groupe Engie par rapport à d’autres sociétés ou groupes de sociétés se trouvant dans une situation comparable à celui-ci.
360 La Commission aurait, selon Engie, manqué de rapporter les preuves de l’existence de décisions fiscales anticipatives divergentes et d’un refus de l’administration fiscale luxembourgeoise d’adopter une telle décision à une entreprise se trouvant dans une situation comparable ou encore de l’existence d’un redressement fiscal touchant des entreprises ayant mis en place la structure prévue par les DFA en cause.
361 Seule une discrimination de facto aurait pu être, en l’espèce, constatée, de sorte que, à la lumière des arrêts du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732), et du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981), la Commission aurait dû, en présence d’une mesure individuelle d’application d’un régime général, identifier des caractéristiques propres et spécifiques aux
entreprises bénéficiaires des décisions fiscales anticipatives, permettant de les distinguer des entreprises qui en auraient été exclues.
362 Dans la négative, la Commission aurait dû démontrer que les dispositions fiscales appliquées par les DFA en cause, nonobstant leur apparence de généralité, étaient en elles-mêmes susceptibles de favoriser certaines entreprises du fait de leurs caractéristiques spécifiques par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation comparable.
363 Le Grand-Duché de Luxembourg, soutenu en ce sens par l’Irlande, fait également valoir que, si tout contribuable était en mesure de créer une structure de financement analogue à celle examinée dans les DFA en cause, comme l’aurait reconnu la Commission, cette dernière n’aurait pas dû arguer de la sélectivité desdites DFA.
364 L’Irlande insiste sur le fait que, dans la mesure où n’importe quel assujetti pouvait bénéficier du même traitement fiscal qu’Engie en mettant en place un montage financier analogue à celui pris en compte dans les DFA en cause, il n’y avait guère de discrimination ou d’exclusion à constater. La Commission aurait dû, selon l’Irlande, démontrer qu’un autre groupe de sociétés s’était vu exclure, de jure ou de facto, du bénéfice d’un traitement fiscal identique, malgré la mise en place d’un montage
financier analogue. Or, en l’absence d’un tel constat, il n’aurait pu y avoir de différenciation introduite par le droit national : la seule différence aurait résidé dans la manière dont, individuellement, les contribuables auraient choisi d’organiser leurs affaires.
365 Selon la Commission, le fait qu’une structure de financement soit ouverte, en principe, à tout opérateur sur un marché ne saurait exclure la sélectivité des décisions fiscales anticipatives en litige.
366 À cet égard, il convient de rappeler que le paramètre pertinent pour établir la sélectivité d’une mesure consiste à vérifier si celle-ci introduit entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal général concerné, dans une situation factuelle et juridique comparable une différenciation non justifiée par la nature et l’économie de ce régime (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 60).
367 Plus précisément, la condition relative à la sélectivité est remplie lorsque la Commission parvient à démontrer qu’une mesure nationale conférant un avantage fiscal déroge au régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, introduisant ainsi, par ses effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficient de l’avantage fiscal et ceux qui en sont exclus se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal
de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 67).
368 Il ressort tout autant de la jurisprudence que le constat de la sélectivité d’une mesure fiscale dérogatoire ne saurait être conditionné à l’identification d’une catégorie particulière d’entreprises pouvant être distinguées du fait de propriétés spécifiques. Une telle identification s’avère en revanche pertinente en présence d’une mesure se présentant sous la forme non pas d’un avantage fiscal dérogatoire à un régime fiscal commun, mais de l’application d’un régime fiscal « général » reposant
sur des critères, en eux-mêmes, également de nature générale. (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, points 71 à 78).
369 En présence d’une mesure fiscale dérogatoire à un régime commun, un constat de sélectivité ne résulte pas nécessairement d’une impossibilité pour certaines entreprises de bénéficier de l’avantage prévu par la mesure en cause du fait de contraintes juridiques, économiques ou pratiques les empêchant de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de cet avantage, mais peut résulter de la seule constatation qu’il existe une opération qui, alors qu’elle est comparable à celle qui conditionne
l’octroi de l’avantage en cause, n’ouvre pas droit à celui-ci. Il s’ensuit qu’une mesure fiscale peut être sélective alors même que toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de l’avantage que prévoit cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, points 80 à 88).
370 Or, en l’espèce, il ressort des considérants 205 et 215 de la décision attaquée que la Commission a considéré que les sociétés holdings concernées bénéficiaient d’un traitement fiscal plus favorable que les sociétés qui percevaient des revenus de participations et qui étaient dès lors soumises, contrairement auxdites sociétés holdings, aux règles relatives à l’exonération des revenus de participations et à l’imposition des distributions de bénéfices.
371 Alors que l’exonération au niveau d’une société mère des revenus de participations n’est envisageable, dans une situation purement interne, qu’en cas d’imposition au niveau de sa filiale des revenus distribués, les sociétés holdings concernées bénéficient, en l’espèce, de l’exonération sur les revenus de participations pour des revenus qui correspondent, d’un point de vue économique, au montant des accrétions sur ZORA, déduit en tant que charges au niveau de leurs filiales respectives. Pour une
même opération comparable, à savoir la perception de revenus de participations consécutive à un investissement au capital d’une filiale, certaines sociétés mères sont exclues de l’avantage fiscal dont bénéficient les sociétés holdings concernées.
372 Partant, la Commission a, à suffisance de droit, démontré que les sociétés holdings concernées bénéficiaient d’un traitement fiscal préférentiel par rapport à toute société mère susceptible de percevoir des revenus de participations n’ayant pas fait l’objet d’une imposition au moment de leur distribution.
373 Les arguments présentés par Engie et le Grand-Duché de Luxembourg ne sauraient remettre en cause ce constat.
374 D’une part, en présence d’un système de financement ouvert à tous, dont les sociétés holdings concernées se sont prévalues, Engie prétend que la Commission devait, pour établir la sélectivité des DFA en cause, démontrer que d’autres sociétés se trouvant dans une situation comparable s’étaient vu refuser un traitement fiscal identique.
375 Or, à supposer que des sociétés holdings bénéficient d’un traitement fiscal analogue à celui accordé à CEF et LNG Holding, en présence d’opérations de financement impliquant également l’émission d’un ZORA par une société intermédiaire, l’existence de décisions fiscales anticipatives identiques serait, tout au plus, un indice d’un éventuel régime d’aides, et non de l’absence de discrimination.
376 En outre, le raisonnement d’Engie est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle le cadre de référence retenu par la Commission est composé du régime particulier d’imposition des sociétés holdings concernées issu des DFA en cause. En effet, exiger de la Commission, au titre du constat d’une discrimination, qu’elle identifie des sociétés qui se seraient vu refuser un traitement fiscal identique pour un même montage financier impliquerait que la Commission ait pris pour cadre de référence ledit
régime particulier d’imposition.
377 Le cadre de référence est au contraire constitué des articles 164 et 166 de la LIR, qui régissent l’imposition des distributions de bénéfice soit au niveau de la filiale, soit au niveau de la société mère, cadre auquel dérogent les DFA en cause.
378 D’autre part, l’argument tiré de l’absence d’identification par la Commission d’une catégorie particulière d’entreprises, à laquelle les sociétés du groupe Engie appartiendraient, en fonction des propriétés qui leur seraient spécifiques en tant que catégorie privilégiée, ne saurait lui non plus prospérer.
379 En effet, conformément au point 368 ci-dessus, l’identification d’une telle catégorie n’est requise que dans le cadre d’un régime fiscal général qui constituerait à lui seul le cadre de référence retenu.
380 Tel ne serait pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, aux fins d’établir la sélectivité des DFA en cause, la Commission s’est fondée sur l’inégalité de traitement découlant de celles-ci, en ce qu’elles confèrent un avantage aux sociétés holdings concernées, et non à d’autres qui sont dans une situation comparable à la lumière de l’objectif du cadre de référence étroit, cadre auquel dérogent les DFA en cause.
381 Partant, la Commission a, à bon droit, fait état dans la décision attaquée du traitement fiscal préférentiel des sociétés holdings concernées. Il convient ainsi de rejeter comme étant non fondés les arguments avancés à l’encontre du constat d’une dérogation aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations et, ce faisant, de la sélectivité des DFA en cause.
vi) Conclusion relative à l’octroi d’un avantage sélectif au groupe Engie, au niveau des sociétés holdings concernées, à la lumière du cadre de référence étroit
382 Dans la mesure où, d’une part, la Commission a démontré la sélectivité des DFA en cause, en usant de quatre voies de raisonnement, dont l’une à titre subsidiaire, et où, d’autre part, les arguments visant à contester le bien-fondé de l’un de ces raisonnements, à savoir l’existence d’un avantage sélectif au niveau des sociétés holdings concernées à la lumière du cadre de référence étroit, ont été rejetés comme étant non fondés, il convient, en principe, dans un souci d’économie de la procédure et
en tant qu’ils sont devenus inopérants, de faire l’économie de l’étude des arguments avancés à l’encontre des raisonnements alternatifs restants, et ce conformément à la jurisprudence citée aux points 230 et 231 ci-dessus.
383 Toutefois, eu égard au caractère inédit du raisonnement visant à démontrer la sélectivité des DFA en cause par rapport au cadre de référence comprenant la disposition relative à l’abus de droit, le Tribunal estime opportun d’examiner également le bien-fondé des arguments avancés contre celui-ci.
d) Sur la prétendue absence d’avantage sélectif à la lumière de la disposition relative à l’abus de droit
384 Aux considérants 289 à 312 de la décision attaquée, la Commission soutient que les DFA en cause confèrent un avantage sélectif à Engie du fait de la non-application de la disposition relative à l’abus de droit. Ainsi qu’il ressort du considérant 290 de la décision attaquée, cette disposition ferait partie du système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
385 Aux termes de la disposition relative à l’abus de droit, « une obligation fiscale ne peut être contournée ou réduite par une utilisation abusive des formes et des possibilités du droit civil » et, « [e]n cas d’abus, les impôts doivent être prélevés de la même manière qu’ils le seraient dans une structure juridique adaptée aux opérations, faits et circonstances économiques ».
386 La référence à « Engie », notamment au considérant 162 de la décision attaquée, pour désigner l’entité au niveau de laquelle la sélectivité consécutive à une non-application de la disposition relative à l’abus de droit serait appréciée, renverrait, conformément au considérant 16 de la décision attaquée, à Engie SA ainsi qu’aux sociétés que cette dernière contrôle directement et indirectement, à savoir, au Luxembourg, les sociétés holdings concernées, les sociétés intermédiaires et les filiales.
387 Conformément aux considérants 292 à 298 de la décision attaquée, le montage financier mis en place par Engie remplirait les quatre conditions issues de la jurisprudence luxembourgeoise, telle que portée à la connaissance de la Commission par le Grand-Duché de Luxembourg dans sa réponse du 31 janvier 2018 à la lettre du 11 décembre 2017, pour identifier un abus de droit, à savoir, premièrement, l’utilisation d’une forme juridique de droit privé, deuxièmement, la réduction de la charge fiscale,
troisièmement, l’utilisation d’une voie juridique non appropriée et, quatrièmement, l’absence de motifs extrafiscaux.
388 Outre le constat relatif à l’absence d’imposition des accrétions sur ZORA, au niveau des filiales, des sociétés intermédiaires ou des sociétés holdings concernées, la Commission considère aux considérants 304 à 310 de la décision attaquée, au titre de la condition tenant à l’utilisation d’une voie juridique appropriée, que d’autres voies de financement étaient accessibles et conformes à l’intention du législateur luxembourgeois, telles que des instruments de fonds propres ou de prêt, en ce
qu’elles n’auraient pas conduit à la non-imposition des revenus générés par les filiales.
389 Figurerait, selon la Commission, parmi les instruments de prêt accessibles, un ZORA émis directement par une société mère au bénéfice de sa seule filiale, sans intervention d’une société intermédiaire. La Commission interprète en effet l’article 22 bis de la LIR en ce sens où, à supposer qu’il s’applique aux accrétions sur ZORA, il ne permettrait que de différer l’imposition de ces accrétions.
390 L’article 22 bis, deuxième alinéa, point 1, de la LIR, en vigueur au jour de l’adoption des DFA en cause, et dont l’interprétation par la Commission est contestée, dispose ce qui suit :
« 2. Par dérogation à l’article 22, alinéa 5, les opérations d’échange visées aux numéros 1 à 4 ci-dessous ne conduisent pas à la réalisation des plus-values inhérentes aux biens échangés, à moins que, dans les cas visés aux numéros 1, 3 et 4, soit le créancier, soit l’associé ne renoncent à l’application de la présente disposition :
1. lors de la conversion d’un emprunt : l’attribution au créancier de titres représentatifs du capital social du débiteur. En cas de conversion d’un emprunt capitalisant convertible, l’intérêt capitalisé se rapportant à la période de l’exercice d’exploitation en cours précédant la conversion est imposable au moment de l’échange ;
[…] »
391 Conformément aux considérants 278 à 284 de la décision attaquée, la Commission soutient que l’article 22 bis, deuxième alinéa, point 1, de la LIR, lequel dispose, en substance, que, dans l’hypothèse de la conversion d’un emprunt, l’attribution au créancier de titres représentatifs du capital social du débiteur ne conduit pas à la réalisation de plus-values sauf si le créancier ou l’associé renoncent à l’application de cette disposition, n’est pas applicable aux accrétions sur ZORA.
L’article 22 bis de la LIR préciserait en effet que, en cas de conversion d’un emprunt capitalisant convertible, l’intérêt capitalisé se rapportant à la période de l’exercice d’exploitation en cours précédant la conversion serait imposable au moment de l’échange. Même en cas d’application de l’article 22 bis de la LIR aux accrétions sur ZORA, la Commission souligne que cet article n’aurait pas pour effet d’exonérer d’impôt de manière permanente les accrétions sur ZORA, mais uniquement de
différer leur imposition.
392 Au titre de la condition tenant à l’absence de motifs extrafiscaux, la Commission souligne, aux considérants 306 à 313 de la décision attaquée, que le financement du transfert des secteurs d’activités au moyen d’un ZORA émis par une société intermédiaire conjugué à un contrat à terme prépayé conclu avec une société holding ne saurait être motivé par une éventuelle limitation du profil de risque des filiales ou par l’amélioration de la performance et de la flexibilité du groupe. Le seul motif
poursuivi aurait été celui de la réalisation d’une économie d’impôt considérable.
393 Selon la Commission, l’avantage dont Engie bénéficierait en raison de la non-application de la disposition relative à l’abus de droit serait sélectif, en ce que, conformément aux considérants 311 et 312 de la décision attaquée, constatant la non-application de la loi dans un cas où les conditions pour son application étaient pourtant réunies, il ne serait, par principe, accessible à aucune autre entreprise.
1) Observations liminaires
394 Dans la décision attaquée, la Commission a vérifié la sélectivité des DFA en cause à la lumière de la disposition relative à l’abus de droit, en tant que partie intégrante du système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
395 Comme les DFA en cause ne pouvaient être émises du fait de la réunion des conditions justifiant l’application de la disposition relative à l’abus de droit, le Grand-Duché de Luxembourg aurait conféré un avantage sélectif à Engie. Ce dernier reposerait sur une non-application de la loi dans un cas où les conditions pour son application étaient pourtant réunies et ne serait, « par définition, […] accessible à aucune autre entreprise ».
396 À cet égard, il convient tout d’abord d’observer que, par leurs arguments, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie ne contestent pas la définition du cadre de référence retenu par la Commission aux fins de la démonstration de la sélectivité des DFA en cause à la lumière de la disposition relative à l’abus de droit.
397 Certes, aux considérants 290 et 291 de la décision attaquée, la Commission mentionne, en tant que système de référence, le « système luxembourgeois d’imposition des sociétés », dont l’objectif principal serait « l’imposition des bénéfices des entreprises » et auquel appartiendrait la disposition relative à l’abus de droit.
398 Il n’en reste pas moins que, aux considérants 299 à 312 de la décision attaquée, la Commission identifie une dérogation à la seule disposition relative à l’abus de droit en vérifiant, en l’espèce, si les quatre conditions cumulatives sont réunies.
399 En d’autres termes, les arguments avancés dans leurs écritures respectives par Engie et le Grand-Duché de Luxembourg à l’encontre de la démonstration faite par la Commission, aux considérants 171 à 199 de la décision attaquée, de la sélectivité des DFA en cause au niveau des sociétés holdings concernées au moyen d’un cadre de référence étendu au « système luxembourgeois d’imposition des sociétés » ne sauraient prospérer aux fins de contester, dans le cadre des présents moyens, la dérogation
constatée par la Commission à la seule disposition relative à l’abus de droit. Il en va notamment ainsi des arguments aux termes desquels le Grand-Duché de Luxembourg et Engie reprochent à la Commission d’avoir identifié une dérogation non aux dispositions composant le système luxembourgeois d’imposition des sociétés, telles que présentées aux considérants 78 à 81 de la décision attaquée, mais à un prétendu objectif dudit cadre de référence.
400 L’« objectif fondamental du système luxembourgeois d’imposition des sociétés », auquel la Commission fait référence au considérant 305 de la décision attaquée, dans la partie relative à l’abus de droit, est mobilisé aux fins non d’identifier une dérogation à partir de cet « objectif », mais de vérifier si le traitement fiscal avalisé par les DFA en cause est conforme à l’intention du législateur luxembourgeois. Aussi la mobilisation de cet « objectif » s’inscrit-elle dans une démarche distincte
de celle sous-tendant les considérants 171 à 199 de la décision attaquée.
401 En revanche, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie contestent, premièrement, l’appréciation des critères à satisfaire pour constater, en droit luxembourgeois, un abus de droit et, deuxièmement, l’existence d’un traitement préférentiel. Toutefois, avant de vérifier le bien-fondé des arguments avancés à cette fin, il importe d’apprécier ceux présentés par le Grand-Duché de Luxembourg, tendant à contester la recevabilité du raisonnement fondé sur la disposition relative à l’abus de droit.
2) Sur la prétendue nouveauté du raisonnement fondé sur la disposition relative à l’abus de droit
402 Le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que le raisonnement de la Commission par lequel elle soutient qu’un avantage sélectif a été octroyé en raison d’une dérogation à la disposition relative à l’abus de droit est « irrecevable ». La Commission aurait seulement évoqué, et non développé, ce grief durant la procédure administrative.
403 Selon le Grand-Duché de Luxembourg, la décision d’ouverture aurait en effet visé, aux fins de l’application de la disposition relative à l’abus de droit, non l’exonération des revenus de participations au niveau des sociétés holdings, mais la déductibilité des accrétions au niveau des filiales. La lettre de la Commission du 11 décembre 2017 n’aurait, par ailleurs, nullement comblé les lacunes de la décision d’ouverture à ce sujet.
404 À cet égard, force est de relever que la Commission a, dès la décision d’ouverture, insisté sur la non-application de cette disposition, ainsi que cela ressort du point 204 ci-dessus. De plus, si la Commission n’a pas synthétisé, dans la lettre du 11 décembre 2017, son argumentation quant à la non-application de la disposition relative à l’abus de droit, elle a toutefois, de nouveau, invité les parties à présenter des observations complémentaires sur ce point.
405 Partant, il convient de rejeter comme étant non fondé l’argument du Grand-Duché de Luxembourg insistant sur la nouveauté du raisonnement de la Commission fondé sur la disposition relative à l’abus de droit et visant à en contester la « recevabilité ».
3) Sur la dérogation à la disposition relative à l’abus de droit
406 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie contestent l’application, en l’espèce, de la disposition relative à l’abus de droit. Outre le fait que la Commission aurait dû, pour établir la sélectivité à cet égard, se référer à la pratique administrative des autorités fiscales luxembourgeoises, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie reprochent à la Commission d’avoir commis diverses erreurs d’appréciation dans l’application des critères à satisfaire en droit luxembourgeois pour justifier l’application de
la disposition relative à l’abus de droit. Ils font valoir que, dans la mesure où les critères n’étaient pas respectés, les autorités luxembourgeoises ne pouvaient conclure à un abus de droit et que, par conséquent, aucune dérogation à cette disposition ne pouvait être constatée. En tout état de cause, à supposer que la disposition relative à l’abus de droit ait été applicable, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie soulignent, d’une part, que la Commission n’aurait pas démontré un traitement
préférentiel des sociétés du groupe Engie et, d’autre part, que l’interdiction du montage financier en raison de son caractère prétendument abusif conduirait à une violation de la liberté d’établissement.
407 La Commission fait notamment valoir que les quatre critères issus de la pratique luxembourgeoise pour constater un abus de droit étaient, en l’espèce, respectés. Il serait manifeste que les sociétés du groupe ayant participé au montage aient vu leurs bénéfices exonérés d’impôt, alors que des opérations économiquement équivalentes et réalisées sans le même montage ont été imposées.
i) Sur la prétendue absence de prise en considération de la pratique administrative des autorités fiscales luxembourgeoises
408 Il convient au préalable de relever qu’il ne ressort aucunement des dossiers des affaires jointes T‑516/18 et T‑525/18 que tant le Grand-Duché de Luxembourg qu’Engie aient, durant la procédure administrative, porté à la connaissance de la Commission la pratique administrative luxembourgeoise qui aurait éventuellement été indispensable aux fins d’écarter, sur ce point, la sélectivité des DFA en cause.
409 Indépendamment de ce constat, force est de constater que la Commission s’est, à juste titre, référée, ainsi qu’il ressort des considérants 293 à 298 de la décision attaquée, tant à une note de service de 1989 de l’administration luxembourgeoise qu’à la pratique juridictionnelle luxembourgeoise, dont elle a extrait les quatre critères à respecter pour constater, en droit luxembourgeois, un abus de droit. Par ailleurs, la prise en compte de la pratique administrative n’apparaissait pas requise,
dans la mesure où la disposition relative à l’abus de droit ne soulevait, en l’espèce, aucune difficulté d’interprétation.
ii) Sur l’appréciation des critères pour justifier l’application de la disposition relative à l’abus de droit
410 Les parties s’accordent sur les critères à respecter pour constater, en droit luxembourgeois, un abus de droit. À la lumière des considérants 301 à 306 de la décision attaquée et de l’arrêt de la Cour administrative du Grand-Duché de Luxembourg du 7 février 2013, annexé à la requête dans l’affaire T‑516/18, un tel constat est subordonné au respect de quatre critères, à savoir l’utilisation de formes ou d’institutions de droit privé, la réduction de la charge de l’impôt, l’utilisation d’une voie
juridique non appropriée et l’absence de motifs extrafiscaux.
411 Pour ce qui est du premier critère, il n’est pas, en l’espèce, contesté qu’Engie a utilisé des formes de droit privé, avalisées par les DFA en cause. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 34 ci-dessus, les DFA en cause font état de différentes transactions intragroupes qui constituent un ensemble mettant en œuvre, pour LNG Supply et pour GSTM, une seule opération, à savoir, respectivement, le transfert intragroupe des activités relatives au gaz naturel liquéfié et celui des activités
relatives au financement et à la trésorerie, dont le financement a été assuré également au sein du même groupe. Ces transactions ont été conçues, dès le départ, comme s’effectuant en trois étapes successives, mais interdépendantes, impliquant l’intervention des sociétés holdings concernées, des sociétés intermédiaires et des filiales.
412 En revanche, Engie et le Grand-Duché de Luxembourg contestent l’appréciation des trois autres critères à respecter pour constater, en droit luxembourgeois, un abus de droit.
– Sur le critère relatif à la réduction de la charge de l’impôt
413 Pour ce qui est du deuxième critère, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie prétendent que les DFA en cause n’ont pas conduit à une réduction de la charge de l’impôt des filiales, des sociétés intermédiaires et des sociétés holdings concernées.
414 Or, force est de relever, à l’instar de la Commission au considérant 302 de la décision attaquée, que ledit montage conduit en réalité à une non-imposition des accrétions sur ZORA, que ce soit au niveau des filiales, des sociétés intermédiaires ou des sociétés holdings concernées.
415 Si les filiales peuvent, tout d’abord, déduire de leurs revenus imposables les accrétions sur ZORA, exception faite d’une marge convenue avec l’administration fiscale, les sociétés intermédiaires ne sont, ensuite, pas imposées sur lesdites accrétions, en ce que, en raison du contrat de vente à terme prépayé conclu avec les sociétés holdings concernées, elles subissent, au moment de la conversion du ZORA en cause, une perte de même montant qui neutralise, dans leurs comptes, la plus-value
correspondant auxdites accrétions.
416 Enfin, les sociétés holdings concernées bénéficient, à la lumière des DFA en cause, de l’exonération attachée aux revenus de participations, laquelle a, en l’espèce, été appliquée pour des revenus qui correspondent, d’un point de vue économique, aux accrétions sur ZORA, ainsi que le Grand-Duché de Luxembourg l’a confirmé lors de l’audience de plaidoiries.
417 Pour obtenir ce résultat fiscal, les sociétés intermédiaires jouent un rôle déterminant. Alors qu’elles peuvent, du point de vue de l’opération de financement, apparaître comme un maillon redondant du montage financier mis en place par Engie, d’un point de vue fiscal, elles sont un maillon essentiel dudit montage, contrairement à ce que prétendent le Grand-Duché de Luxembourg et Engie.
418 Du point de vue de l’opération de financement, les sociétés intermédiaires, dans leur relation avec les filiales, assurent le financement du ZORA en cause et reçoivent, à la conversion de ce dernier, les actions dont la valeur intègre le montant nominal dudit ZORA ainsi que les accrétions sur ZORA.
419 Dans leurs relations avec les sociétés holdings concernées, les sociétés intermédiaires reçoivent, au moment de l’émission du ZORA en cause, le montant nominal de ce dernier et assurent, au moment de la conversion dudit ZORA, le transfert de propriété des actions émises par les filiales, dont la valeur intègre le montant nominal ainsi que les accrétions sur ZORA.
420 Ainsi, les sociétés intermédiaires exécutent uniquement l’opération de financement décidée par les sociétés holdings concernées en vue du transfert des secteurs d’activités au profit des filiales.
421 Du point de vue fiscal, d’une part, les sociétés intermédiaires ne subissent aucune imposition effective sur les accrétions sur ZORA. Si les sociétés intermédiaires enregistrent, au moment de la conversion dudit ZORA, une plus-value correspondant aux accrétions sur ZORA, elles subissent, dans le même temps, du fait du contrat de vente à terme prépayé, une perte du même montant que celui desdites accrétions.
422 Il en a notamment été ainsi au jour de la conversion du partiel du ZORA émis au profit de LNG Supply. Du fait qu’il n’a pas été opté pour l’article 22 bis de la LIR, LNG Luxembourg a enregistré une plus-value dans ses comptes, laquelle, ainsi que le Grand-Duché de Luxembourg l’a confirmé lors de l’audience de plaidoiries, a été neutralisée par une perte de même montant, du fait de l’application du contrat de vente à terme prépayé conclu avec LNG Holding. En l’absence du contrat de vente à terme
prépayé, les sociétés intermédiaires auraient ainsi dû être imposées sur les accrétions sur ZORA.
423 D’autre part, les sociétés intermédiaires permettent de dissocier opportunément, à tout le moins en apparence, le bénéfice réalisé par les sociétés holdings concernées du fait de l’annulation d’une partie des actions reçues en application du contrat de vente à terme prépayé de celui correspondant aux accrétions sur ZORA et de déclencher l’application de l’article 166 de la LIR. En effet, les accrétions sur ZORA ne pouvant être assimilées à un revenu de participations, au sens de l’article 166 de
la LIR, ce dernier n’aurait pu fonder un quelconque droit à exemption pour lesdites accrétions.
424 En d’autres termes, à la lumière du ZORA dont bénéficie LNG Supply, l’intervention de LNG Luxembourg, en tant que société intermédiaire, permet à LNG Holding d’habiller le revenu engendré par l’annulation des actions de LNG Supply en revenu de participations, alors que ce dernier correspond, en substance, aux accrétions sur ZORA. Un tel résultat n’aurait pu être atteint en cas de ZORA conclu directement entre LNG Supply et LNG Holding.
425 Ainsi que l’a soutenu la Commission au considérant 304 de la décision attaquée, et contrairement à ce que prétendent le Grand-Duché de Luxembourg et Engie, la conclusion d’un ZORA entre deux sociétés ne peut conduire au même résultat fiscal que celui obtenu du fait de l’intervention, dans la structure de financement en cause, des sociétés intermédiaires.
426 Dans l’hypothèse d’un ZORA conclu entre une filiale et sa société mère, les accrétions sur ZORA auraient certes été déductibles, au niveau de la filiale, exception faite d’une marge convenue avec l’administration fiscale luxembourgeoise.
427 Il n’en reste pas moins que, au niveau de la société mère, les accrétions auraient fait l’objet d’une imposition soit au moment de la conversion du ZORA en cause, soit à un moment ultérieur, selon l’option laissée par l’article 22 bis de la LIR.
428 D’une part, si, au moment de la conversion d’un ZORA, la société titulaire des actions converties peut opter pour l’article 22 bis de la LIR pour ne pas être imposée au moment de la conversion et assurer, ce faisant, la neutralité fiscale de l’opération, ce même article ne saurait être interprété en ce sens que la plus-value réalisée ne fasse, à l’avenir, l’objet d’aucune imposition.
429 Une telle lecture est confirmée par une circulaire émise par l’administration fiscale luxembourgeoise le 27 novembre 2002, aux termes de laquelle, à la lumière du considérant 283 de la décision attaquée et de la citation reprise en note en bas de page no 288, « [l]’objectif de l’article 22 bis de la LIR consiste à déterminer les opérations d’échanges de titres qui peuvent être réalisés dans la neutralité fiscale » et « [cet article] ne vise cependant pas à exempter de manière définitive des
plus-values, qui à défaut de cette mesure auraient été imposables dans le chef du cédant, mais à reporter leur imposition dans le temps ».
430 De plus, le projet de loi du 17 juillet 2018 transposant, en droit luxembourgeois, la directive (UE) 2016/1164 du Conseil, du 12 juillet 2016, établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (JO 2016, L 193, p. 1), auquel Engie renvoie dans ses écritures, précise que « l’objectif [de l’article 22 bis de la LIR] est de permettre aux contribuables de différer dans le temps l’imposition de plus-values
dégagées lors d’un échange de titres dans des situations définies ». Si ce projet est certes postérieur à la décision attaquée, il permet toutefois d’illustrer la position du législateur luxembourgeois quant au sens à donner à cet article.
431 D’autre part, tout revenu perçu par une société mère en cas de ZORA direct à la suite de l’annulation d’une partie des actions n’aurait pu donner lieu à un revenu exonéré d’impôt au titre de l’article 166 de la LIR, et ce quand bien même les articles 166 et 22 bis de la LIR ne l’excluent pas formellement.
432 Toute interprétation contraire s’opposerait en effet à la finalité de l’article 22 bis de la LIR, laquelle est, ainsi que le souligne l’administration fiscale luxembourgeoise dans la circulaire du 27 novembre 2002, de reporter dans le temps l’imposition d’éventuelles plus-values, et non de les faire échapper à terme à toute imposition.
433 Une telle interprétation ressort au demeurant en substance des précisions apportées durant la procédure administrative par le Grand-Duché de Luxembourg dans sa lettre à la Commission du 31 janvier 2018.
434 À la question de savoir si un ZORA est un instrument de participation au sens de l’article 166 de la LIR, et un titre au sens de l’article 164 de la LIR, le Grand-Duché de Luxembourg a précisé clairement que « les ZORA respectivement émis par [LNG Supply] et [GSTM] [devaient] conserver leur qualification en tant que contrat de prêt et [étaient] de facto écartés du champ d’application des articles 164 et 166 de la LIR applicables aux revenus de participations ».
435 En d’autres termes, si, ainsi que l’a soutenu le Grand-Duché de Luxembourg durant la procédure administrative, un ZORA doit conserver sa qualification en tant que contrat de prêt, il en découle que tout revenu perçu en application d’un tel contrat ne saurait bénéficier d’une exonération d’impôt sur le fondement de l’article 166 de la LIR, lequel concerne les revenus de participations.
436 Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le critère relatif à la réduction de la charge de l’impôt était, en l’espèce, respecté.
– Sur le critère relatif à l’utilisation d’une voie juridique non appropriée
437 Pour ce qui est du troisième critère, à savoir l’utilisation d’une voie juridique non appropriée, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie insistent sur le fait qu’il était, en l’espèce, approprié de recourir à un ZORA indirect, à savoir impliquant l’intervention d’une société intermédiaire, pour financer le transfert aux filiales des secteurs d’activités concernés.
438 La structure de financement serait, contrairement à ce que soutient la Commission, adéquate et non équivalente à d’autres voies de financement, tel qu’un financement par le biais d’un emprunt ou par des fonds propres. Engie souligne que, dans le cas d’un apport en capital, les filiales auraient été surcapitalisées, ce qui n’aurait pas permis de bénéficier d’un effet de levier et d’une marge de négociation suffisante avec des tiers investisseurs. De même, dans le cas d’un emprunt, les filiales
auraient été tenues de procéder à un remboursement en numéraire, ce qui n’était pas le cas dans le cadre du ZORA.
439 En tout état de cause, Engie revendique le droit de pouvoir opter pour la voie de financement la moins imposée et reproche à la Commission, aux fins de conclure au caractère inapproprié de la structure de financement, d’avoir imposé sa propre interprétation de l’intention du législateur luxembourgeois en se référant de manière erronée à l’objectif du système luxembourgeois d’imposition des sociétés.
440 À cet égard, il convient au préalable de relever que, conformément à la lettre du Grand-Duché de Luxembourg du 31 décembre 2018 citée au considérant 297 de la décision attaquée, la condition tenant à l’utilisation d’une voie juridique non appropriée vise la situation juridique où un contribuable choisit une voie qui se trouve en conflit immédiat avec l’intention manifeste du législateur, laquelle correspond au but ou à l’esprit de la loi.
441 Or, si le montage financier complexe mis en place par Engie, pris en compte dans les DFA en cause, permet certes de financer le transfert des secteurs d’activités aux filiales concernées, il conduit également, en réalité, et ainsi que la Commission l’a, à juste titre, observé aux considérants 304 et 305 de la décision attaquée, à la non-imposition des accrétions sur ZORA.
442 Aussi la voie de financement privilégiée par Engie ne saurait-elle être qualifiée d’appropriée, en ce qu’elle se trouve en conflit immédiat avec l’intention du législateur luxembourgeois, qui ne saurait raisonnablement être, en matière fiscale, la promotion de montages financiers complexes conduisant, en réalité, à une double non-imposition, tant au niveau d’une filiale que de sa société mère, des revenus distribués.
443 En ce sens, la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation en indiquant, au considérant 305 de la décision attaquée, que le traitement fiscal avalisé par les DFA en cause était en opposition directe avec l’objectif du système luxembourgeois d’imposition des sociétés, en application duquel les bénéfices réalisés par une société, tels que constatés dans ses comptes, doivent, en principe, être imposés. Un tel objectif découle d’une lecture combinée des dispositions constituant le système
luxembourgeois d’imposition des sociétés, mentionnées aux considérants 78 à 81 de la décision attaquée.
444 Ce faisant, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir arbitrairement défini l’objectif du système luxembourgeois d’imposition des sociétés ainsi que d’avoir, en substance, substitué son intention à celle du législateur luxembourgeois.
445 D’autres voies de financement étaient aisément accessibles qui, comme le souligne à juste titre la Commission aux considérants 304 et 310 de la décision attaquée, tout en assurant le financement du transfert aux filiales des secteurs d’activités concernés, conduisaient à la réalisation d’un profit imposable au niveau, le cas échéant, des filiales, des sociétés intermédiaires ou encore des sociétés holdings concernées.
446 Tout d’abord, par un instrument de fonds propres, les filiales auraient pu bénéficier de fonds propres supplémentaires d’un montant identique à celui, en l’espèce, du montant nominal du ZORA en cause. Dans cette hypothèse, les bénéfices réalisés par les filiales auraient été, à la lumière notamment des articles 164 et 166 de la LIR, imposés soit au niveau de ces dernières, soit au niveau des sociétés holdings concernées.
447 Ensuite, en cas de financement du transfert du secteur d’activité par le biais d’un emprunt non capitalisant contracté auprès d’une société du groupe, les bénéfices réalisés par les filiales pendant la durée de vie du prêt auraient également été imposés au niveau de celles-ci. En outre, les intérêts engendrés par le prêt auraient certes été déductibles au niveau des filiales, mais imposables au niveau soit des sociétés intermédiaires, soit des sociétés holdings concernées, selon les sociétés qui
auraient été, dans cette hypothèse, les sociétés créancières.
448 Enfin, il en serait allé de même, à la lumière des points 425 à 435 ci-dessus, en cas de conclusion d’un ZORA direct entre les filiales et les sociétés holdings concernées, ainsi que l’a soutenu à bon droit la Commission, au considérant 304 de la décision attaquée, et contrairement à ce que prétendent le Grand-Duché de Luxembourg et Engie.
449 Partant, d’autres voies juridiques pouvaient être considérées comme étant appropriées pour financer, en l’espèce, le transfert aux filiales des secteurs d’activités.
– Sur le critère relatif à l’absence de motifs extrafiscaux
450 Pour ce qui est du dernier critère, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie soutiennent que l’opération de financement ne poursuivait pas un but exclusivement fiscal et qu’elle était motivée par des motifs économiques valables. Il était en effet économiquement justifié, selon Engie, de financer l’activité par le biais d’un ZORA indirect.
451 Outre le fait qu’une clause anti‑abus n’a été insérée dans la directive mère-filiale qu’à la faveur d’une réforme intervenue en 2015, il ressortirait de la clause anti-abus de la directive 2016/1164 qu’une transaction ne serait pas considérée comme abusive si elle avait été mise en place pour des motifs commerciaux valables qui reflétaient la réalité économique.
452 La Commission ne saurait de même se fonder sur la seule intervention de sociétés intermédiaires et sur la seule utilisation de produits financiers complexes pour conclure au caractère abusif d’une opération. Il en irait d’autant plus ainsi qu’un ZORA mis en œuvre entre deux sociétés, sans l’intervention d’une société intermédiaire, peut conduire, selon le Grand-Duché de Luxembourg et Engie, à un résultat identique en application de l’article 22 bis de la LIR.
453 À cet égard, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie peinent d’emblée à démontrer en quoi un financement par le biais notamment d’un apport en capital n’aurait pas été un instrument de financement valable au motif qu’il aurait accru le risque financier des filiales. En effet, ceux-ci n’ont présenté, durant la procédure juridictionnelle, aucun élément de preuve permettant de démontrer que les voies alternatives envisagées par la Commission aux considérants 304, 309 et 310 de la décision attaquée,
dont l’apport en capital, auraient accru, pour les filiales, les risques que celles-ci auraient supportés dans le cadre du montage avalisé par les DFA en cause.
454 S’il avait été procédé à un apport en capital à hauteur du montant nominal du ZORA en cause, la filiale aurait pu, a priori, financer l’activité transférée, tout en supportant un risque équivalent à celui encouru dans l’hypothèse où les accrétions sur ZORA auraient été négatives.
455 En effet, en cas d’augmentation de capital, les filiales auraient pu bénéficier de fonds propres d’un montant équivalent au prêt dont elles bénéficiaient en application du ZORA émis par les sociétés intermédiaires.
456 Cet apport en capital se serait également accompagné d’une émission de nouvelles actions, de la même manière que pour le remboursement du ZORA. En outre, les actions émises à la suite de la conversion du ZORA en cause, dans l’hypothèse d’accrétions positives, comprennent le montant nominal du prêt ainsi que lesdites accrétions, au contraire d’une simple augmentation de capital qui n’aurait été opérée qu’à concurrence du montant nominal du prêt, de sorte que l’argument tiré d’un risque de
surcapitalisation ne saurait utilement prospérer.
457 De même, ainsi que la Commission le souligne à juste titre au considérant 309 de la décision attaquée, le capital initial d’une filiale est affecté de la même manière par les pertes éventuellement subies, que cela soit envisagé dans l’hypothèse d’un apport en capital ou dans l’hypothèse d’un ZORA, si les pertes excèdent le montant de l’apport ou le montant nominal de ce ZORA.
458 En outre, le risque financier pèse de manière équivalente sur les sociétés holdings concernées, tant en présence d’un apport en capital que, comme en l’espèce, en présence de l’émission indirecte d’un ZORA. Dans l’hypothèse d’un apport en capital, si les pertes excèdent l’apport en capital, les parts sociales correspondantes auront une valeur réduite et, dans l’hypothèse d’accrétions négatives dans le cadre d’un ZORA, l’entité émettrice supportera le risque de voir sa créance diminuer et
atteindre, le cas échéant, une valeur inférieure au montant nominal du ZORA en cause.
459 Ainsi, s’il ne peut être reproché à un contribuable de choisir la voie juridique la moins imposée, il ne saurait en aller de même lorsque, alors qu’il existe d’autres voies appropriées, la voie juridique privilégiée procède d’un but exclusivement fiscal et conduit, en réalité, à une absence d’imposition.
460 L’argument tiré d’un choix de financement rémunéré en fonction de la performance des filiales doit aussi être rejeté.
461 S’il est vrai que, dans le cadre d’un ZORA, la société émettrice est d’autant plus rémunérée que la société souscriptrice réalise des bénéfices, une telle rémunération en fonction de la performance peut également être obtenue en cas de financement par le biais d’un apport en capital, en ce qu’elle se manifeste simplement par des bénéfices distribuables plus importants.
462 De même, à supposer que le recours à un ZORA se justifiât par le seul souci de choisir un instrument de financement rémunéré en fonction des performances des filiales, un tel objectif pouvait également être atteint par un ZORA direct, plutôt que par un ZORA indirect, qui, ainsi qu’il ressort des points 448 et 449 ci-dessus, conduisait, au contraire du premier, à une absence quasi totale d’imposition des accrétions sur ZORA des filiales.
463 Partant, il y a lieu de rejeter les arguments avancés pour démontrer la présence de motifs extrafiscaux comme étant non fondés.
– Sur le traitement préférentiel des sociétés du groupe Engie
464 Le Grand-Duché de Luxembourg et Engie font en tout état de cause valoir que, à supposer que la disposition relative à l’abus de droit soit applicable, la Commission n’aurait nullement démontré un traitement préférentiel des sociétés du groupe Engie par rapport à d’autres sociétés se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable.
465 De même, une interdiction de la structure de financement pour son caractère éventuellement abusif aurait conduit, selon le Grand-Duché de Luxembourg, à une violation de la liberté d’établissement, consacrée à l’article 49 TFUE.
466 À cet égard, il convient de rappeler que le paramètre pertinent pour établir la sélectivité d’une mesure consiste à vérifier si celle-ci introduit entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal général concerné, dans une situation factuelle et juridique comparable une différenciation non justifiée par la nature et l’économie de ce régime (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 60).
467 Plus précisément, la condition relative à la sélectivité est remplie lorsque la Commission parvient à démontrer qu’une mesure nationale conférant un avantage fiscal déroge au régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, introduisant ainsi, par ses effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficient de l’avantage fiscal et ceux qui en sont exclus se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal
de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 67).
468 Or, dans la mesure où les critères aux fins de constater un abus de droit étaient, en l’espèce, respectés, il ne saurait être utilement contesté que le groupe Engie ait bénéficié, du fait de la non-application, dans les DFA en cause, de la disposition relative à l’abus de droit, d’un traitement fiscal préférentiel, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, souligné au considérant 312 de la décision attaquée.
469 En effet, à la lumière de l’objectif poursuivi par la disposition relative à l’abus de droit, à savoir la lutte, en matière fiscale, contre les comportements abusifs, Engie et, en particulier, les sociétés holdings concernées se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à l’ensemble des contribuables luxembourgeois, qui ne peuvent légitimement s’attendre à bénéficier également d’une non-application de la disposition relative à l’abus de droit dans des cas où les conditions
aux fins de son application seraient remplies.
470 L’existence d’une discrimination est d’autant plus apparente, dans la mesure où, par le passé, l’administration luxembourgeoise a déjà fait application de la disposition relative à l’abus de droit. Ainsi, dans un arrêt prononcé le 7 février 2013, joint en annexe à la requête dans l’affaire T‑516/18, la Cour administrative du Grand-Duché du Luxembourg a confirmé un jugement de première instance ayant opposé le directeur des contributions directes à une société, concernant l’application à celle-ci
de la disposition relative à l’abus de droit.
471 L’administration fiscale luxembourgeoise a réservé ainsi la non-application de la disposition relative à l’abus de droit au groupe Engie.
472 Partant, la Commission a démontré, à suffisance de droit, une dérogation au cadre de référence comprenant la disposition relative à l’abus de droit.
– Sur la prétendue violation de la liberté d’établissement
473 Le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que l’interdiction du montage financier en raison de son caractère prétendument abusif conduirait à une violation de la liberté d’établissement, au sens de l’article 49 TFUE.
474 Force est de relever que la situation en cause étant purement interne, l’article 49 TFUE ne saurait, en principe, être applicable. De plus, à supposer que la liberté d’établissement soit applicable, le constat d’une éventuelle restriction pourrait être justifié du fait même de la lutte contre l’abus de droit (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 177).
475 Il existe en effet, dans le droit de l’Union, un principe général du droit selon lequel les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. Un tel principe vise notamment à prévenir la réalisation d’opérations purement formelles ou artificielles, dénuées de toute justification économique et commerciale, dans le but essentiel de bénéficier d’un avantage indu (arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16
et C‑299/16, EU:C:2019:134, points 96 et 125).
476 Il en va précisément ainsi en présence d’un montage artificiel dans le cadre duquel, grâce à l’intervention d’une entité relais dans la structure du groupe entre une société distribuant un revenu et la société qui en serait le bénéficiaire effectif, le paiement de l’impôt sur ledit revenu est évité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a., C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 127).
477 Partant, la Commission a, à bon droit, démontré la sélectivité des DFA en cause liée au fait que celles-ci dérogeaient à l’application de la disposition relative à l’abus de droit dans un cas où les conditions d’application de celle-ci étaient pourtant remplies.
478 Par conséquent, il convient de rejeter comme étant non fondés les premier et deuxième moyens du recours dans l’affaire T‑516/18 et les deuxième et troisième moyens du recours dans l’affaire T‑525/18, tirés de ce que la Commission aurait erronément conclu à la sélectivité des DFA en cause à la lumière du cadre de référence étroit et de la disposition relative à l’abus de droit, sans qu’il soit besoin, en tout état de cause, de se prononcer sur le bien-fondé des arguments avancés à l’encontre des
autres lignes de raisonnement.
6. Sur le quatrième moyen dans l’affaire T‑525/18, tiré d’une qualification erronée des DFA en cause d’aides individuelles
479 Engie souligne que la sélectivité d’une décision fiscale anticipative individuelle ne peut être établie que par référence aux textes et à la pratique administrative applicables au dispositif fiscal en cause.
480 Or, si la Commission avait tenu compte des textes et de la pratique administrative applicables aux DFA en cause, elle aurait dû, selon Engie, de la même manière que dans la décision (UE) 2016/1699 de la Commission, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61), identifier un régime d’aides.
481 Engie souligne en effet que d’autres entreprises bénéficient, en application de décisions fiscales anticipatives identiques, de la même structure de financement, ce que confirmeraient les déclarations du membre de la Commission chargé de la concurrence.
482 De plus, la Commission aurait reconnu dans la décision attaquée que les structures de financement validées par les DFA en cause étaient « ouverte[s] à n’importe quel groupe au Luxembourg » et qu’il était possible qu’« une catégorie donnée d’entreprises – les groupes d’entreprises utilisant un ZORA direct – [puissent] également bénéficier du même traitement fiscal ».
483 Dans la réplique, Engie ajoute que la Commission aurait dû établir que, nonobstant leur caractère général, les dispositions sur lesquelles sont fondées les DFA en cause étaient en elles-mêmes susceptibles de conduire à l’octroi d’un avantage sélectif.
484 Pour ce qui est de l’existence d’un éventuel régime d’aides, d’une part, la Commission souligne que les groupes de sociétés utilisant un ZORA direct ne peuvent bénéficier du même traitement fiscal que le groupe Engie, comme cela ressortirait expressément de la décision attaquée. D’autre part, elle avance qu’elle ne saurait être empêchée de conclure à l’existence d’une aide individuelle, même si cette aide faisait partie d’un régime plus vaste. La référence à la décision rendue dans l’affaire du
régime belge d’exonération des bénéfices excédentaires, et à la méthode suivie dans cette décision par la Commission, serait ainsi dénuée de toute pertinence.
485 À cet égard, indépendamment de la question de l’existence de décisions fiscales anticipatives identiques, il convient de souligner que la Commission est en mesure d’appréhender une mesure d’application d’un régime général en tant qu’aide individuelle sans être préalablement tenue de démontrer que les dispositions fondant ledit régime constituent un régime d’aides, quand bien même cela serait le cas (voir, par analogie, arrêt du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission,
C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63).
486 Par ailleurs, il ressort clairement des points 382 et 477 ci-dessus que la Commission a démontré, à suffisance de droit, que les DFA en cause octroyaient aux sociétés holdings concernées un avantage sélectif, en ce qu’elles dérogeaient aux articles 164 et 166 de la LIR ainsi qu’à la disposition relative à l’abus de droit.
487 Partant, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en appréhendant les DFA en cause en tant qu’aide individuelle.
488 Dès lors, il convient de rejeter le quatrième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 comme étant non fondé.
7. Sur le septième moyen dans l’affaire T‑525/18 et sur le cinquième moyen dans l’affaire T‑516/18, tirés, à titre subsidiaire, d’une erreur de droit dans l’obligation de récupération des aides prétendument octroyées
489 Selon le Grand-Duché de Luxembourg et Engie, la Commission aurait violé les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ordonnant, aux termes de l’article 2 de la décision attaquée, la récupération de l’aide.
490 Tout d’abord, l’approche de la Commission, fondée sur le constat d’un effet avantageux de la combinaison de deux mesures fiscales, du fait de son caractère novateur, n’aurait pas été prévisible, tant pour le Grand-Duché de Luxembourg que pour Engie.
491 Le caractère novateur de cette approche ressortirait, à plus forte raison, d’une part, de l’étude de la sélectivité des DFA en cause eu égard à l’objectif du cadre de référence comprenant les dispositions fondant le système luxembourgeois d’imposition des sociétés et, d’autre part, de la non-application de la disposition relative à l’abus de droit.
492 Ainsi, l’imprévisibilité de la décision attaquée commandait, selon Engie, qu’il fût dérogé, conformément aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, à l’obligation de récupération de l’aide.
493 Ensuite, le Grand-Duché de Luxembourg et Engie rappellent que, dans sa pratique, la Commission aurait déjà tempéré l’obligation de récupération d’une aide dans le cas où « la complexité de l’analyse des mesures fiscales au regard des règles en matière d’aides d’État [était] génératrice d’insécurité juridique ».
494 Enfin, selon Engie, la Commission aurait porté atteinte à la sécurité juridique en procédant à une harmonisation fiscale déguisée des dispositions luxembourgeoises, lesquelles demeuraient claires et précises et ne laissaient aucune marge d’appréciation aux autorités luxembourgeoises dans le cadre de l’adoption de décisions fiscales anticipatives.
495 La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces arguments. Elle explique qu’elle n’aurait nullement violé le principe de sécurité juridique en ordonnant la récupération de l’aide octroyée, ajoutant que la complexité alléguée par Engie procéderait non de son raisonnement, mais du montage fiscal mis en place par Engie et validé dans les DFA en cause par l’administration fiscale luxembourgeoise. En outre, son raisonnement ne serait nullement inédit et reposerait sur des ressorts
classiques en matière d’aides d’État.
496 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 16 du règlement 2015/1589, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire, sauf si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.
497 Or, en l’espèce, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en imposant au Grand-Duché de Luxembourg, au terme de l’article 2 de la décision attaquée, la récupération de l’aide. Contrairement à ce que prétendent le Grand-Duché de Luxembourg et Engie, une telle obligation ne contrevient ni au principe de sécurité juridique ni au principe de confiance mutuelle.
498 En premier lieu, le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100).
499 En d’autres termes, les intéressés doivent être en mesure de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’une réglementation de l’Union leur impose et connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 49).
500 Or, en l’espèce, si le raisonnement conduit par la Commission s’appliquait, certes, à une décision fiscale anticipative, il n’était nullement inédit dans la pratique décisionnelle.
501 De même, la manière dont la Commission a démontré la sélectivité des DFA en cause est fondée sur un raisonnement usuel de la Commission et sur une jurisprudence constante en matière d’aides d’État.
502 Au demeurant, ainsi que le relève, à juste titre, la Commission, la véritable complexité pouvant être relevée dans la présente affaire concerne le montage fiscal mis en place par le groupe Engie et approuvé par le Grand-Duché de Luxembourg aux fins de financer le transfert des secteurs d’activités aux filiales du groupe Engie.
503 Partant, la Commission n’a pas violé le principe de sécurité juridique en ordonnant la récupération de l’aide.
504 En second lieu, un même constat s’impose pour ce qui est du principe de protection de la confiance légitime.
505 En effet, le principe de protection de la confiance légitime, principe fondamental du droit de l’Union, permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir (arrêt du 22 avril 2016, France/Commission, T‑56/06 RENV II, EU:T:2016:228, point 42).
506 Or, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides d’État opéré par la Commission, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (arrêt du 12 septembre 2007, Italie/Commission, T‑239/04 et T‑323/04, EU:T:2007:260, point 154).
507 De même, la Commission, par son comportement, n’a aucunement fait naître des espérances fondées quant à la régularité des DFA en cause au regard du droit des aides d’État.
508 Dès lors, la Commission n’a pas violé le principe de protection de la confiance légitime en ordonnant la récupération de l’aide.
509 Partant, il convient de rejeter le septième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et le cinquième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18 comme étant non fondés ainsi que, par conséquent, les recours dans leur ensemble.
V. Sur les dépens
A. Dans l’affaire T‑516/18
510 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Grand-Duché de Luxembourg ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
511 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. L’Irlande supportera donc ses propres dépens.
B. Dans l’affaire T‑525/18
512 Engie ayant succombé, il y a lieu, en application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Les affaires T‑516/18 et T‑525/18 sont jointes aux fins de l’arrêt.
2) Les recours sont rejetés.
3) Le Grand-Duché de Luxembourg supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne dans l’affaire T‑516/18.
4) Engie Global LNG Holding Sàrl, Engie Invest International SA et Engie supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission dans l’affaire T‑525/18.
5) L’Irlande supportera ses propres dépens.
Van der Woude
Tomljenović
Schalin
Škvařilová-Pelzl
Nõmm
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2021.
Le greffier
E. Coulon
Le président
M. van der Woude
Table des matières
I. Antécédents du litige
A. Groupe Engie
B. Décisions fiscales anticipatives
1. Décisions fiscales anticipatives relatives au transfert d’activités au bénéfice de LNG Supply
2. Décisions fiscales anticipatives relatives au transfert d’activités au bénéfice de GSTM
3. Synthèse des structures de financement mises en place par les sociétés du groupe Engie
4. Incidence de la conversion partielle du ZORA conclu par LNG Supply
C. Procédure formelle d’examen
II. Décision attaquée
A. Imputabilité à l’État
B. Octroi d’un avantage
C. Sélectivité des DFA en cause
1. Sur la sélectivité au niveau des sociétés holdings
a) Sur la dérogation au cadre de référence étendu au système luxembourgeois d’imposition des sociétés
b) Sur la dérogation au cadre de référence restreint aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations
2. Sur la sélectivité au niveau du groupe Engie
3. Sur la sélectivité consécutive à une inapplication de la disposition relative à l’abus de droit
4. Sur l’absence de justification
D. Sur la distorsion de concurrence
E. Sur le bénéficiaire de l’aide
F. Sur la récupération de l’aide
III. Procédure et conclusions des parties
A. Sur la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑516/18
1. Sur la composition de la formation de jugement
2. Sur la demande en intervention
3. Sur la demande de traitement confidentiel
4. Sur les conclusions des parties
B. Sur la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑525/18
1. Sur la composition de la formation de jugement
2. Sur la demande de traitement confidentiel
3. Sur les conclusions des parties
IV. En droit
A. Sur la jonction des affaires T‑516/18 et T‑525/18 et la réponse aux demandes de traitement confidentiel
B. Sur le fond
1. Sur le cinquième moyen dans l’affaire T‑525/18 et sur le troisième moyen dans l’affaire T‑516/18, tirés, en substance, de l’existence d’une harmonisation fiscale déguisée
a) Sur la prétendue violation des articles 4 et 5 TUE et des articles 3 à 5 et 113 à 117 TFUE
b) Sur le prétendu détournement de pouvoir
2. Sur le huitième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et sur le sixième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18, tirés d’une violation de l’obligation de motivation
3. Sur le sixième moyen du recours dans l’affaire T‑525/18 et sur le quatrième moyen du recours dans l’affaire T‑516/18, tirés d’une violation des droits procéduraux
4. Sur le premier moyen du recours dans l’affaire T‑525/18, tiré d’un défaut d’engagement de ressources d’État et d’une absence d’imputabilité à l’État des DFA en cause
5. Sur les premier et deuxième moyens du recours dans l’affaire T‑516/18 et sur les deuxième et troisième moyens du recours dans l’affaire T‑525/18, tirés, en substance, d’erreurs d’appréciation et de droit dans l’identification d’un avantage sélectif
a) Observations liminaires
b) Sur la prétendue confusion des conditions tenant à l’existence d’un avantage et à la sélectivité des DFA en cause
c) Sur la prétendue absence d’avantage sélectif au niveau des sociétés holdings concernées à la lumière du cadre de référence étroit
1) Sur la définition du cadre de référence restreint aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations
i) Sur l’absence d’extension du cadre de référence à la directive mère-filiale
ii) Sur la lecture combinée des articles 164 et 166 de la LIR
2) Sur la dérogation aux dispositions relatives à l’imposition des distributions de bénéfices et à l’exonération des revenus de participations
i) Sur l’application de l’article 164 de la LIR à un ZORA et sur l’existence d’un lien entre la déductibilité des accrétions sur ZORA, au niveau des filiales, et l’exonération des revenus de participations, au niveau des sociétés holdings concernées
ii) Sur la valeur incertaine d’un ZORA au jour de son émission
iii) Sur le constat d’une dérogation à partir de l’effet combiné de dispositions générales
iv) Sur l’absence de violation des articles 164 et 166 de la LIR, pris isolément
v) Sur le traitement préférentiel du groupe Engie au niveau des sociétés holdings concernées
vi) Conclusion relative à l’octroi d’un avantage sélectif au groupe Engie, au niveau des sociétés holdings concernées, à la lumière du cadre de référence étroit
d) Sur la prétendue absence d’avantage sélectif à la lumière de la disposition relative à l’abus de droit
1) Observations liminaires
2) Sur la prétendue nouveauté du raisonnement fondé sur la disposition relative à l’abus de droit
3) Sur la dérogation à la disposition relative à l’abus de droit
i) Sur la prétendue absence de prise en considération de la pratique administrative des autorités fiscales luxembourgeoises
ii) Sur l’appréciation des critères pour justifier l’application de la disposition relative à l’abus de droit
– Sur le critère relatif à la réduction de la charge de l’impôt
– Sur le critère relatif à l’utilisation d’une voie juridique non appropriée
– Sur le critère relatif à l’absence de motifs extrafiscaux
– Sur le traitement préférentiel des sociétés du groupe Engie
– Sur la prétendue violation de la liberté d’établissement
6. Sur le quatrième moyen dans l’affaire T‑525/18, tiré d’une qualification erronée des DFA en cause d’aides individuelles
7. Sur le septième moyen dans l’affaire T‑525/18 et sur le cinquième moyen dans l’affaire T‑516/18, tirés, à titre subsidiaire, d’une erreur de droit dans l’obligation de récupération des aides prétendument octroyées
V. Sur les dépens
A. Dans l’affaire T‑516/18
B. Dans l’affaire T‑525/18
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( *1 ) Langue de procédure : le français.
( 1 ) Données confidentielles occultées.