ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
13 janvier 2022 ( *1 )
« Pourvoi – Enquêtes de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) – Rapports d’enquêtes – Demande d’ouverture d’une enquête au sujet de la conduite des enquêtes antérieures par l’OLAF – Demande d’accès aux documents – Lettre de refus – Article 263 TFUE – Décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation – Délai d’introduction des recours – Recours contre une lettre confirmative de rapports d’enquête de l’OLAF – Règlement (CE) no 1049/2001 – Article 6 et article 7, paragraphe 2 –
Obligation d’informer le demandeur de son droit de présenter une demande confirmative »
Dans l’affaire C‑351/20 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 30 juillet 2020,
Liviu Dragnea, demeurant à Bucarest (Roumanie), représenté par Mes C. Toby, O. Riffaud et B. Entringer, avocats,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. J.-P. Keppenne et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme A. Prechal, présidente de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. J. Passer (rapporteur), F. Biltgen, Mme L.S. Rossi et M. N. Wahl, juges,
avocate générale : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2021,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, M. Liviu Dragnea demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 12 mai 2020, Dragnea/Commission (T‑738/18, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2020:208), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la lettre de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), du 1er octobre 2018, ayant pour objet, d’une part, un refus d’ouvrir une enquête sur la conduite de deux enquêtes antérieures et, d’autre part, un refus
d’accès aux documents relatifs à ces enquêtes (ci-après la « lettre litigieuse »).
Le cadre juridique
Le règlement (UE, Euratom) no 883/2013
2 Conformément à l’article 2, point 5, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), on entend par « personne concernée », « toute personne ou tout opérateur économique soupçonné de fraude, de corruption ou de toute
autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et faisant de ce fait l’objet d’une enquête de la part de l’[OLAF] ».
3 L’article 5 de ce règlement, intitulé « Ouverture des enquêtes », dispose :
« 1. Le directeur général peut ouvrir une enquête lorsqu’il existe des soupçons suffisants, pouvant aussi être fondés sur des informations fournies par un tiers ou sur des informations anonymes, qui laissent supposer l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. La décision du directeur général d’ouvrir ou non une enquête tient compte des priorités de la politique en matière d’enquêtes et du plan annuel de
gestion de l’[OLAF], fixés conformément à l’article 17, paragraphe 5. Cette décision tient également compte de la nécessité d’une utilisation efficace des ressources de l’[OLAF] et de la proportionnalité des moyens employés. Il convient, en cas d’enquête interne, de tenir spécifiquement compte de l’institution, l’organe ou l’organisme le mieux placé pour mener celle-ci, sur la base notamment de la nature des faits, de l’incidence financière réelle ou potentielle de l’affaire et de la probabilité
de suites judiciaires.
2. La décision d’ouvrir une enquête externe est prise par le directeur général, agissant de sa propre initiative ou à la demande d’un État membre intéressé ou de toute institution, tout organe ou organisme de l’Union.
La décision d’ouvrir une enquête interne est prise par le directeur général, agissant de sa propre initiative ou à la demande de l’institution, de l’organe ou de l’organisme au sein duquel l’enquête devra être effectuée ou à la demande d’un État membre.
[...]
4. Dans les deux mois qui suivent la réception par l’[OLAF] d’une demande visée au paragraphe 2, la décision d’ouvrir ou non une enquête est prise. Elle est communiquée sans délai à l’État membre, à l’institution, à l’organe ou à l’organisme qui a fait la demande. La décision de ne pas ouvrir une enquête est motivée. Si, à l’expiration de cette période de deux mois, l’[OLAF] n’a pas pris de décision, l’[OLAF] est réputé avoir décidé de ne pas ouvrir une enquête.
Lorsqu’un fonctionnaire, un autre agent, un membre d’une institution ou d’un organe, un dirigeant d’un organisme ou un membre du personnel, agissant conformément à l’article 22 bis du statut, fournit à l’[OLAF] des informations relatives à une suspicion de fraude ou d’irrégularité, l’[OLAF] informe cette personne de la décision d’ouvrir ou non une enquête sur les faits en question.
[...] »
4 L’article 9 dudit règlement, intitulé « Garanties de procédure », énumère les garanties procédurales dont doivent bénéficier les personnes concernées par les enquêtes de l’OLAF. Le paragraphe 4 de cet article prévoit notamment que, « avant que les conclusions se rapportant nommément à une personne concernée n’aient été tirées, cette dernière se voit accorder la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant ».
5 Intitulé « Rapport d’enquête et suites à donner aux enquêtes », l’article 11 du même règlement prévoit, à son paragraphe 1, qu’un rapport est établi à l’issue d’une enquête menée par l’OLAF, qui clarifie notamment les phases procédurales qui ont été suivies, les faits constatés et leur qualification juridique préliminaire, et qui s’accompagne, le cas échéant, des recommandations sur la question de savoir si les institutions de l’Union ou les autorités compétentes de l’État membre concerné doivent
ou non prendre des mesures.
Le règlement (CE) no 1049/2001
6 L’article 6 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), intitulé « Demandes d’accès », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les demandes d’accès aux documents sont formulées sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article [55 TUE] et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document. Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. »
7 L’article 7 de ce règlement, intitulé « Traitement des demandes initiales », prévoit :
« 1. Les demandes d’accès aux documents sont traitées avec promptitude. Un accusé de réception est envoyé au demandeur. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique au demandeur, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel et l’informe de son droit de présenter une demande confirmative conformément au
paragraphe 2 du présent article.
2. En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut adresser, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative tendant à ce que celle-ci révise sa position.
[...]
4. L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis habilite le demandeur à présenter une demande confirmative. »
8 L’article 8 dudit règlement, intitulé « Traitement des demandes confirmatives », est libellé comme suit :
« 1. Les demandes confirmatives sont traitées avec promptitude. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel. Si elle refuse totalement ou partiellement l’accès, l’institution informe le demandeur des voies de recours dont il dispose, à savoir former un recours
juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles [263] et [228 TFUE].
[...]
3. L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative, et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au médiateur, selon les dispositions pertinentes du traité [FUE]. »
Les antécédents du litige
9 Le 10 février 2015, l’OLAF a ouvert deux enquêtes concernant des fraudes présumées relatives à deux projets de construction d’infrastructures routières en Roumanie (ci-après les « enquêtes antérieures »). Ces projets avaient été attribués par le conseil régional de Teleorman (Roumanie) et financés par le Fonds européen de développement régional (FEDER).
10 Le 30 mai et le 16 septembre 2016, l’OLAF a clôturé ces enquêtes. Dans ses rapports finaux, il a conclu que deux groupes criminels avaient été créés et qu’il était soupçonné qu’un grand nombre de documents avaient été falsifiés afin d’obtenir illégalement des fonds de l’Union.
11 L’OLAF a également recommandé à la Commission européenne de récupérer les sommes concernées et à l’autorité roumaine anticorruption d’engager des poursuites pénales pour des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.
12 L’OLAF a qualifié le conseil régional de Teleorman de « personne concernée » par les enquêtes antérieures, au sens de l’article 2, point 5, du règlement no 883/2013. En revanche, le requérant, M. Dragnea, qui était président de ce conseil à l’époque des faits, n’a pas été qualifié de « personne concernée ».
13 Le 13 novembre 2017, l’autorité roumaine anticorruption a annoncé l’ouverture d’une enquête pénale à l’endroit du requérant, portant sur des fraudes relatives au budget de l’Union, sur la constitution d’une organisation criminelle et sur des abus de pouvoir.
14 Le même jour, l’OLAF a publié un communiqué de presse annonçant l’ouverture de cette enquête pénale. L’OLAF y a cité le nom du requérant en soulignant l’importance de ses enquêtes antérieures pour l’ouverture des procédures pénales par les autorités nationales.
15 Le 1er juin 2018, le requérant a écrit à l’OLAF pour lui demander de formuler des observations sur les conclusions de son analyse relative aux rapports finaux, qui traitaient de questions à la fois de fond et de procédure.
16 Par lettre du 10 juillet 2018, l’OLAF a informé le requérant que, dans la mesure où la question faisait l’objet d’une enquête des autorités nationales compétentes, il s’abstiendrait de formuler des observations sur le fond. En outre, il a fourni des éclaircissements sur les questions de procédure soulevées par le requérant.
17 Le 22 août 2018, le requérant a écrit à l’OLAF pour lui demander, d’une part, d’ouvrir une enquête sur le déroulement des enquêtes antérieures et, d’autre part, de lui donner accès à plusieurs documents contenus dans les dossiers de ces enquêtes (ci-après la « lettre du 22 août 2018 »).
18 Par la lettre litigieuse, l’OLAF a notamment informé le requérant que les enquêtes antérieures avaient été menées conformément au cadre juridique en vigueur et qu’il ne considérait pas que les points soulevés par le requérant constituaient des informations susceptibles de justifier l’ouverture d’une enquête relative aux enquêtes antérieures. En outre, l’OLAF a indiqué que, étant donné que le requérant n’était pas une « personne concernée » par les enquêtes antérieures, il ne saurait se prévaloir
des droits procéduraux visés à l’article 9 du règlement no 883/2013 et qu’il ne pouvait pas avoir accès aux documents qu’il avait demandés.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 décembre 2018, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la lettre litigieuse.
20 S’agissant du refus d’ouvrir une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures, le requérant se prévalait d’une violation des droits de la défense, tels qu’ils sont consacrés notamment à l’article 9 du règlement no 883/2013, ainsi que d’une violation du principe de bonne administration et de diverses erreurs d’appréciation qui auraient été commises durant les enquêtes antérieures ou qui affecteraient les rapports ayant clôturé ces dernières.
21 S’agissant du refus d’accès aux documents, le requérant alléguait une violation de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 7 du règlement no 1049/2001.
22 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2019, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité de ce recours au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
23 Le 18 avril 2019, le requérant a présenté ses observations sur cette exception d’irrecevabilité.
24 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé, sur le fondement de l’article 130, paragraphes 1 et 7, de son règlement de procédure, de statuer sur la demande de la Commission sans poursuivre la procédure et, faisant droit à cette demande, a rejeté le recours comme étant irrecevable.
25 Par son exception d’irrecevabilité, la Commission soulevait deux fins de non-recevoir. S’agissant, en premier lieu, de la fin de non-recevoir tirée du fait que le refus de l’OLAF d’ouvrir une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures n’est pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, le Tribunal a relevé, d’une part, qu’aucune disposition du règlement no 883/2013 n’attribuait aux personnes physiques et morales, qu’il s’agisse ou non de « personnes concernées », au
sens de ce règlement, le droit de demander à l’OLAF l’ouverture d’une enquête sur ses propres enquêtes antérieures afin d’examiner le respect des garanties de procédure prévues à l’article 9 du règlement no 883/2013 et, d’autre part, qu’il ressortait de ce règlement que les personnes physiques ou morales peuvent communiquer à l’OLAF des informations relatives à des agissements répréhensibles, mais ne sauraient obliger l’OLAF à ouvrir une enquête administrative.
26 Dans ces conditions, le Tribunal a considéré que le refus de l’OLAF d’ouvrir une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures ne saurait être regardé comme un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci.
27 Le Tribunal a ajouté, premièrement, que, à supposer que le refus de l’OLAF, contenu dans la lettre litigieuse, d’ouvrir une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures doive être interprété comme un refus de modifier ou de remettre en cause les rapports finaux, ledit refus ne pourrait pas davantage être considéré comme une décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. En effet, dès lors que les rapports et les recommandations de l’OLAF élaborés à la suite d’une enquête
externe ou interne et transmis aux autorités compétentes des États membres ne constituent que des recommandations ou des avis dépourvus d’effets juridiques obligatoires, admettre un recours contre un tel refus reviendrait à contourner ce caractère non attaquable de tels rapports et recommandations.
28 Deuxièmement, le Tribunal a considéré qu’une conclusion différente de celle visée au point précédent entraînerait, en l’occurrence, en outre, également un contournement du délai pour former un recours en annulation, dès lors que, à supposer même que lesdits rapports et recommandations constituent des actes attaquables, le requérant aurait en l’espèce laissé s’écouler ledit délai.
29 Troisièmement, le Tribunal a considéré que conclure à l’irrecevabilité du recours en annulation ne créait pas une lacune dans le système de protection juridictionnelle des droits de l’Union, compte tenu, notamment, d’une part, de la possibilité pour la juridiction nationale saisie, dans le cadre des poursuites pénales éventuellement engagées sur le fondement des informations transmises aux autorités nationales par l’OLAF, d’adresser à la Cour une demande de décision préjudicielle en vertu de
l’article 267 TFUE et, d’autre part, du fait qu’une illégalité commise par l’OLAF qui ne concerne pas un acte faisant grief est, le cas échéant, susceptible d’être sanctionnée dans le cadre d’un recours en indemnité.
30 En second lieu, s’agissant de la fin de non-recevoir tirée du fait que le refus d’accès aux documents n’est pas un acte attaquable au sens du règlement no 1049/2001, le Tribunal a jugé, d’une part, que le requérant ne saurait fonder sa demande d’accès aux documents directement sur une disposition du droit primaire telle que l’article 42 de la Charte.
31 D’autre part, le Tribunal a considéré que, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, le refus d’accès aux documents ne pouvait pas être considéré comme un acte définitif adopté conformément aux articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001 ni, partant, comme un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation conformément à ce même règlement.
32 À cet égard, le Tribunal a constaté, premièrement, que c’était uniquement dans les écritures déposées devant lui que le requérant précisait, pour la première fois, que la demande d’accès aux documents formulée dans la lettre du 22 août 2018 l’aurait été au titre de l’article 6 du règlement no 1049/2001.
33 Deuxièmement, le Tribunal a considéré qu’il ressortait clairement de la teneur de la lettre litigieuse que l’OLAF a traité la demande d’accès aux documents comme une demande d’accès au dossier des enquêtes antérieures et non comme une demande initiale, au sens des articles 6 et 7 du règlement no 1049/2001, et que l’OLAF était fondé à traiter ladite demande de cette manière, dans la mesure où, dans la lettre du 22 août 2018, le requérant visait constamment le règlement no 883/2013.
34 Troisièmement, ayant relevé que le requérant n’avait pas présenté de demande confirmative, au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, le Tribunal a jugé que, l’OLAF ayant, à bon droit, traité la demande du requérant comme une demande d’accès au dossier des enquêtes et non comme une demande initiale, au sens des articles 6 et 7 dudit règlement, la Commission n’avait pas violé l’article 7, paragraphe 1, de ce même règlement, en omettant d’informer le requérant de son droit de
présenter une telle demande confirmative.
Les conclusions des parties
35 Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de déclarer le recours en annulation recevable ;
– de constater que la Commission a violé l’article 9, paragraphes 1, 2 et 4, du règlement no 883/2013, les droits de la défense du requérant, y compris le droit d’être entendu et le respect de la présomption d’innocence, le principe général de droit de l’Union de bonne administration ainsi que les droits du requérant en rejetant la demande d’accès aux documents, et
– de condamner la Commission aux dépens du présent pourvoi.
36 En outre, le requérant demande à la Cour, en substance, d’adopter une mesure d’instruction et d’ordonner à la Commission de fournir tous les documents relatifs aux enquêtes antérieures.
37 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant non fondé ;
– de rejeter la demande de mesure d’instruction, et
– de condamner le requérant aux dépens.
Sur le pourvoi
38 À l’appui de son pourvoi, le requérant avance deux moyens. Par le premier moyen, pris d’une violation du règlement no 883/2013 et de l’article 47 de la Charte, il critique l’ordonnance attaquée en tant que, par celle-ci, le Tribunal a rejeté comme irrecevable son recours en annulation en ce qu’il visait le refus de l’OLAF d’ouvrir une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures. Par son second moyen, pris d’une violation des articles 6 et 7 du règlement no 1049/2001, il critique l’ordonnance
attaquée en tant que, par celle-ci, le Tribunal a rejeté comme irrecevable son recours en annulation en ce qu’il visait le refus d’accès opposé par l’OLAF aux documents utilisés dans le cadre de ses enquêtes antérieures.
Sur le premier moyen, pris d’une violation du règlement no 883/2013 et de l’article 47 de la Charte
Argumentation des parties
39 Par la première branche de son premier moyen, le requérant critique la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal, au point 36 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle le refus de l’OLAF d’ouvrir une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures ne constitue pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, ainsi que les considérations énoncées par cette même juridiction aux points 33 et 34 de ladite ordonnance soutenant cette conclusion. Selon le requérant, ladite
conclusion résulterait d’une erreur d’appréciation qu’aurait commise le Tribunal en considérant qu’il ne pouvait pas être qualifié de « personne concernée », au sens de l’article 2, point 5, du règlement no 883/2013, qu’il ne pouvait faire valoir aucun droit à un procès équitable dans le cadre de l’enquête et que les rapports de l’OLAF n’avaient pas d’impact significatif sur les procédures pénales nationales ultérieures. Selon le requérant, en décidant de ne pas le tenir pour une « personne
concernée », alors même qu’il était, en réalité, au centre des enquêtes en tant que président du conseil régional de Teleorman, et alors même que cette entité nationale a été considérée comme une « personne concernée », au sens de l’article 2, point 5, du règlement no 883/2013, l’OLAF aurait privé le requérant des garanties procédurales visées à l’article 9 de ce règlement. Or, les rapports de l’OLAF auraient eu un impact majeur sur la décision de l’autorité roumaine anticorruption de poursuivre
le requérant, comme le montreraient les communiqués de presse de l’OLAF et de l’autorité roumaine anticorruption du 13 novembre 2017. En effet, ces rapports auraient été considérés comme des éléments de preuve déterminants au cours de la procédure pénale nationale. Selon le requérant, le fondement approprié, sur la base duquel il convient d’examiner la recevabilité de son recours, est l’arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission (T‑48/05, EU:T:2008:257).
40 Par la seconde branche du premier moyen, le requérant soutient que le rejet de son recours comme étant irrecevable impliquerait une défaillance du système de protection juridictionnelle de l’Union, contraire aux exigences de l’article 47 de la Charte dans la mesure où, contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal aux points 40 et 41 de l’ordonnance attaquée, les rapports et recommandations de l’OLAF auraient un impact significatif sur les décisions des autorités nationales en matière de
poursuites. En outre, étant donné que les juridictions des États membres ne seraient compétentes ni pour examiner les enquêtes initiales de l’OLAF au regard du droit de l’Union ni pour statuer sur leur légalité et que les actes d’enquête illégaux de l’OLAF pourraient faire l’objet non pas d’un recours en annulation, mais uniquement d’un recours en dommages et intérêt, un tel recours ne saurait être considéré comme un recours effectif, au sens de ladite disposition.
41 La Commission soutient que le premier moyen est inopérant et, en tout état de cause, non fondé.
Appréciation de la Cour
42 Comme l’a rappelé à bon droit le Tribunal, au point 30 de l’ordonnance attaquée, lorsque, comme en l’espèce, une décision de la Commission revêt un caractère négatif, cette décision doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue la réponse (ordonnance du 6 avril 2006, GISTI/Commission, C‑408/05 P, non publiée, EU:C:2006:247, point 10 ainsi que jurisprudence citée), à savoir, en l’occurrence et ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 31 de cette même
ordonnance, de la demande adressée à l’OLAF d’engager une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures.
43 Or, en premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant par la première branche de son moyen dirigé contre les points 33, 34 et 36 de l’ordonnance attaquée, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, à cet égard, audit point 36, en se fondant sur les considérations exposées aux points 33 à 35 de ladite ordonnance, que le refus de l’OLAF d’ouvrir une enquête sur la conduite des enquêtes antérieures ne saurait être regardé comme un acte produisant des effets juridiques obligatoires de
nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, et que ledit refus ne constitue donc pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.
44 Au demeurant, force est de constater que, par son argumentation, le requérant ne critique pas la substance du raisonnement suivi par le Tribunal aux points 33 à 35 de l’ordonnance attaquée pour parvenir à la conclusion que contient le point 36 de ladite ordonnance, mais qu’il articule ladite argumentation autour de la question de savoir si c’était à bon droit que l’OLAF avait choisi de ne pas le considérer, dans le cadre des enquêtes antérieures, comme une « personne concernée », au sens de
l’article 2, point 5, du règlement no 883/2013.
45 Cependant, la réponse à une telle question est dépourvue de pertinence au regard desdits raisonnement et conclusion du Tribunal, ce dernier ayant notamment souligné, à bon droit, au point 33 de l’ordonnance attaquée, qu’aucune disposition du règlement no 883/2013 n’attribue aux personnes physiques et morales, qu’il s’agisse ou non de « personnes concernées », au sens de l’article 2, point 5, de ce règlement, le droit de demander à l’OLAF l’ouverture d’une enquête sur ses propres enquêtes
antérieurement menées.
46 En effet, même une « personne concernée », au sens de cette disposition, définie par cette dernière comme « toute personne ou tout opérateur économique soupçonné de fraude, de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et faisant de ce fait l’objet d’une enquête de la part de l’[OLAF] » n’est pas investie d’un droit à demander à cet office l’ouverture d’une enquête sur ses propres enquêtes, et ce dernier n’est pas obligé d’ouvrir une telle
enquête sur la base des informations qui lui sont fournies.
47 En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, le Tribunal a également jugé, en substance, au point 43 de l’ordonnance attaquée et moyennant renvoi aux points 37 et 38 de celle-ci, que s’il devait apprécier le recours à la lumière des rapports finaux de l’OLAF sur lesquels il repose, comme le suggérait le requérant, de sorte que ce recours porterait sur le refus de l’OLAF de modifier ou de mettre en cause ces rapports, un tel recours entraînerait un contournement du délai pour former un
recours en annulation contre de tels rapports.
48 Or, par son premier moyen, le requérant ne conteste pas cette appréciation du Tribunal.
49 À cet égard, dans la mesure où le recours en première instance était formellement dirigé non pas contre les rapports finaux des enquêtes antérieures eux-mêmes, mais contre la lettre litigieuse, par laquelle l’OLAF a rejeté la demande du requérant d’ouvrir une enquête concernant le déroulement des enquêtes antérieures, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur constitue un acte
purement confirmatif de celui-ci et ne saurait, de ce fait, avoir pour effet d’ouvrir un nouveau délai de recours (ordonnance du 23 octobre 2009, Commission/Potamianos et Potamianos/Commission, C‑561/08 P et C‑4/09 P, EU:C:2009:656, point 43 ainsi que jurisprudence citée).
50 En l’espèce, comme l’a relevé Mme l’avocate générale au point 43 de ses conclusions et ainsi qu’il ressort des constats effectués par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, le requérant s’est borné, dans ses courriers adressés à l’OLAF, à critiquer les conclusions de ce dernier figurant dans les rapports finaux relatifs aux enquêtes antérieures et les actes de procédure ayant mené à ces conclusions, sans apporter d’éléments nouveaux et substantiels. Il ressort de ces mêmes constats que les
réponses de l’OLAF, et notamment la lettre litigieuse, ne faisaient pas davantage référence à de tels éléments ni à un réexamen de la situation du requérant au regard desdits rapports.
51 Il s’ensuit que, s’agissant du refus de l’OLAF d’ouvrir une enquête sur le déroulement des enquêtes antérieures, la lettre litigieuse constitue, en tout état de cause, un acte purement confirmatif des rapport finaux établis à l’issue de ces enquêtes, de sorte que, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner, en l’espèce, la question de savoir si ces rapports constituent des actes attaquables, au sens de l’article 263 TFUE, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au
point 43 de l’ordonnance attaquée, que le recours du requérant ne saurait, en l’occurrence, en tout état de cause, être déclaré recevable sous peine de contournement du délai dans lequel les rapports finaux des enquêtes antérieures d’enquête de l’OLAF auraient, le cas échéant, pu être attaqués par l’intéressé.
52 Eu égard à ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
53 En second lieu, et s’agissant de la seconde branche de ce moyen, tirée de ce que le constat d’irrecevabilité du recours effectué par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée traduirait une défaillance du système de protection juridictionnelle de l’Union, il importe de rappeler, d’emblée, qu’il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de
la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (ordonnance du 29 juin 2016, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, non publiée, EU:C:2016:670, point 21 et jurisprudence citée).
54 Or, en formulant la seconde branche de son premier moyen dans les termes rappelés au point 40 du présent arrêt, le requérant n’a pas satisfait à de telles exigences. En effet, alors que le Tribunal a examiné l’argument du requérant formulé en première instance et tiré d’une telle défaillance prétendue du système de protection juridictionnelle de l’Union aux points 47 à 55 de l’ordonnance attaquée en consacrant à cette question une série de développements juridiques, le requérant se contente, dans
cette seconde branche, d’une part, de marquer son désaccord avec les appréciations formulées par le Tribunal aux points 40 et 41 de ladite ordonnance et, d’autre part, de formuler, en termes très succincts, quelques considérations d’ordre général, sans entreprendre d’exposer en quoi les différents développements juridiques ainsi contenus dans les points 47 à 55 de ladite ordonnance seraient éventuellement entachés d’erreurs de droit.
55 À cet égard, il y a lieu de rappeler que doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable un moyen de pourvoi se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de la décision attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit (voir, en ce sens, ordonnance du 29 juin 2016, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, non publiée, EU:C:2016:670, point 22 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence constante de la Cour, ne répond
pas à l’exigence rappelée au point 53 du présent arrêt le moyen qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du
16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 127 et jurisprudence citée).
56 Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen est irrecevable.
57 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble comme étant pour partie non fondé et pour partie irrecevable.
Sur le second moyen, pris d’une violation de l’article 6 du règlement no 1049/2001
Argumentation des parties
58 Selon le requérant, le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant fait droit à la fin de non-recevoir de la Commission tirée du fait que le refus d’accès, formulé par l’OLAF dans la lettre litigieuse, aux documents qu’il lui demandait n’était pas un acte attaquable, au sens du règlement no 1049/2001. En particulier, le Tribunal aurait erronément jugé, au point 69 de l’ordonnance attaquée, que le refus d’accès aux documents demandés dans la lettre du 22 août 2018 ne pouvait être considéré
comme un acte définitif adopté conformément aux articles 7 et 8 de ce règlement. Il serait parvenu à cette conclusion après avoir notamment relevé, aux points 64 et 65 de cette même ordonnance, d’une part, que ce n’était qu’au stade des écritures déposées devant le Tribunal que le requérant avait, pour la première fois, fait état de ce que sa demande d’accès aurait été fondée sur l’article 6 de ce même règlement et, d’autre part, que la lettre litigieuse ferait clairement apparaître que l’OLAF
avait traité ladite demande non comme une demande d’accès au titre dudit article 6, mais exclusivement comme une demande d’accès au dossier des enquêtes.
59 Ce faisant, le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que, en ce qui concerne la demande d’accès à des documents, l’article 6 du règlement no 1049/2001 ne prévoit aucune exigence formelle spécifique autre que la rédaction de cette demande dans l’une des langues de l’Union ainsi qu’un degré de précision suffisante pour permettre à l’institution d’identifier les documents en question. Dès lors, selon le requérant, dans la mesure où la Commission ne l’a pas informé de son droit de présenter une
demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, le refus d’accès aux documents formulé par l’OLAF aurait dû être considéré comme un acte définitif contre lequel un recours en annulation peut être introduit.
60 La Commission soutient, premièrement, que, par son second moyen, le requérant invite la Cour à remettre en cause l’appréciation des faits par le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
61 Deuxièmement, selon la Commission, aux fins d’accéder aux documents demandés à l’OLAF, le requérant pouvait se fonder soit sur le droit d’accès au dossier, visé à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte, soit sur le droit d’accès du public aux documents établi et régi par le règlement no 1049/2001. Or, en l’espèce, la base juridique sur laquelle le requérant appuyait sa demande d’accès formulée dans la lettre du 22 août 2018 n’aurait pas été claire et cette lettre aurait laissé à penser
qu’elle était fondée sur l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte. Il aurait donc été normal que, dans la lettre litigieuse, l’OLAF n’ait pas examiné cette demande d’accès à l’aune du règlement no 1049/2001 et n’ait pas attiré l’attention du requérant sur la possibilité d’introduire une demande confirmative au titre de l’article 7 du règlement no 1049/2001. À cet égard, selon la Commission, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une demande d’accès à des documents doit être
suffisamment précise pour permettre à l’institution concernée d’y répondre. Dans ce contexte, les demandeurs auraient l’obligation de fournir des informations pertinentes et un devoir de loyauté pèserait sur eux lorsqu’ils présentent une telle demande.
62 Troisièmement, selon la Commission, si le requérant estimait malgré tout que sa demande d’accès était fondée sur ce règlement, il aurait dû introduire une demande confirmative au titre de l’article 7 du règlement no 1049/2001. En effet, la réponse initiale de l’OLAF, si elle était comprise comme un refus au sens dudit règlement, n’aurait en aucun cas pu constituer un acte attaquable, compte tenu de la procédure en deux étapes établie par ce même règlement.
Appréciation de la Cour
63 À titre liminaire, il convient de rappeler que la procédure d’accès aux documents des institutions se déroule en deux temps et que la réponse à une demande initiale, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, ne constitue qu’une première prise de position, en principe non susceptible de recours. Toutefois, à titre exceptionnel, lorsqu’une institution arrête sa position de manière définitive par une telle réponse, celle-ci est susceptible de faire l’objet d’un recours en
annulation (voir arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 36 et jurisprudence citée).
64 Ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale au point 74 de ses conclusions, le fait que, dans sa réponse, l’institution concernée omet d’informer le demandeur, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, qu’il a le droit de présenter une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement traduit le caractère définitif de cette réponse.
65 En outre, dans la mesure où la Commission oppose au second moyen du requérant que les arguments formulés à l’appui de celui-ci relèvent de l’appréciation des faits par le Tribunal et échappent, à ce titre au contrôle de la Cour saisie d’un pourvoi, il convient de rappeler que la qualification juridique d’un fait ou d’un acte, tel qu’une lettre, opérée par le Tribunal, est une question de droit qui peut être soulevée dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 23 novembre 2017, Bionorica et
Diapharm/Commission, C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:886, point 55 ainsi que jurisprudence citée).
66 En l’espèce, il ressort de l’ordonnance attaquée que l’OLAF n’a pas informé le requérant de son droit de présenter une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.
67 Certes, il découle également de cette ordonnance que, dans la lettre du 22 août 2018, le requérant n’a pas mentionné le règlement no 1049/2001 et que c’est uniquement dans les écritures déposées devant le Tribunal qu’il a précisé, pour la première fois, que sa demande d’accès aux documents formulée dans ladite lettre l’avait été au titre de l’article 6 dudit règlement.
68 Cependant, il convient de relever à cet égard que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, les demandes d’accès aux documents doivent être formulées sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article 55 TUE et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution concernée d’identifier le document.
69 En revanche, aucune disposition du règlement no 1049/2001 n’oblige le demandeur à préciser la base juridique de sa demande.
70 Une telle obligation ne peut pas non plus être déduite de la jurisprudence citée par la Commission, étant donné que, en dépit de quelques nuances de formulation, c’était l’exigence, mentionnée au point 68 du présent arrêt, de formuler la demande d’accès de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document, dont il a été question dans l’arrêt du 20 janvier 2011, Strack/Commission (F‑121/07, EU:F:2011:3, points 84 à 91), et non une obligation de préciser la base
juridique de la demande.
71 L’absence d’obligation de faire expressément référence au règlement no 1049/2001 dans une demande d’accès aux documents est par ailleurs conforme à l’objectif poursuivi par ce règlement. En effet, il découle de l’article 1er, sous a), dudit règlement que ce dernier vise à garantir un « accès aussi large que possible aux documents ».
72 Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le règlement no 1049/2001 octroie un droit d’accès très large aux documents des institutions concernées, le bénéfice d’un tel droit n’étant pas subordonné, en application de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, à une justification de la demande (arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 56).
73 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 65, 66 et 68 de l’ordonnance attaquée, que l’OLAF aurait notamment dû examiner la demande d’accès du requérant à l’aune du règlement no 1049/2001 et était donc tenu d’informer le requérant de son droit de présenter une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, de ce dernier règlement.
74 Le fait, en particulier, que, au point 66 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a relevé que, dans la lettre du 22 août 2018, le requérant « a visé constamment le règlement no 883/2013 » est dénué de pertinence dans ce contexte.
75 En effet, le fait que la lettre du 22 août 2018 concernait une demande d’accès à des documents relatifs à des enquêtes de l’OLAF, à savoir un domaine régi par le règlement no 883/2013, n’empêche pas que cette demande ait été d’emblée fondée sur le règlement no 1049/2001, dès lors qu’il est constant que ce dernier peut servir de fondement juridique à une demande d’accès à des documents relevant d’une procédure administrative régie par un autre acte de l’Union.
76 Dès lors que, en l’espèce, l’OLAF a omis d’informer le requérant de son droit de présenter une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, ce dernier était donc fondé, ainsi qu’il découle des points 63 et 64 du présent arrêt, à considérer que l’OLAF avait ainsi définitivement fixé, dans la lettre litigieuse, sa position consistant à refuser sa demande d’accès aux documents formulée dans la lettre du 22 août 2018 et que, partant, la lettre litigieuse
était susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation à cet égard.
77 Il s’ensuit que le second moyen du pourvoi doit être déclaré fondé, le Tribunal ayant commis une erreur de droit en jugeant, au point 69 de l’ordonnance attaquée, que le refus d’accès aux documents demandés dans la lettre du 22 août 2018 ne pouvait être considéré comme un acte définitif susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.
78 Eu égard à tout ce qui précède, il y a donc lieu d’annuler l’ordonnance attaquée dans la mesure où, par celle-ci, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours du requérant en tant qu’il tendait à l’annulation du refus de l’OLAF, contenu dans la lettre litigieuse, de lui accorder l’accès aux documents demandés dans sa lettre du 22 août 2018 et de rejeter le pourvoi pour le surplus.
Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal
79 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
80 En l’espèce, le Tribunal ayant rejeté comme irrecevable le recours du requérant en ce qu’il tendait à l’annulation du refus de l’OLAF, contenu dans la lettre litigieuse, de lui accorder l’accès aux documents demandés dans sa lettre du 22 août 2018 et, par conséquent, les moyens invoqués à l’appui de cette partie de son recours n’ayant pas fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et n’ayant pas été examinés par ce dernier, le litige n’est pas en état d’être jugé, au sens de cette
disposition (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 130). Il convient, dès lors, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal aux fins que celui-ci statue sur cette partie du recours en annulation.
81 Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de mesures d’instruction visée au point 36 du présent arrêt.
Sur les dépens
82 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
83 L’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, prévoit que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.
84 En l’espèce, il y a lieu de faire application de cette dernière disposition, dans la mesure où le pourvoi est rejeté en tant que, par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la lettre litigieuse, dans la mesure où, par cette lettre, l’OLAF a refusé d’ouvrir une enquête sur le déroulement des enquêtes antérieures, mais qu’il est accueilli en tant que, par cette ordonnance, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la lettre litigieuse, dans la mesure où, par
cette lettre, l’OLAF a refusé de lui accorder l’accès aux documents demandés dans sa lettre du 22 août 2018.
85 Il convient dès lors de décider que chaque partie supportera ses propres dépens afférents à la présente procédure de pourvoi et de réserver les dépens afférents à la procédure de première instance, l’affaire étant renvoyée devant le Tribunal.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :
1) L’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 12 mai 2020, Dragnea/Commission (T‑738/18, non publiée, EU:T:2020:208), est annulée en tant que, par celle-ci, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours de M. Liviu Dragnea tendant à l’annulation de la lettre de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), du 1er octobre 2018, dans la mesure où, par cette lettre, ce dernier a refusé de lui accorder l’accès aux documents demandés dans sa lettre du 22 août 2018.
2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il statue sur ce chef de demande d’annulation.
3) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
4) M. Liviu Dragnea et la Commission européenne supportent les dépens qu’ils ont exposés dans le cadre du présent pourvoi.
5) Les dépens sont réservés pour le surplus.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.