ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
20 janvier 2022 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous c) – Champ d’application – Opérations imposables – Activités accomplies par une société de droit privé – Exploitation de parcs de stationnement sur des terrains privés – Frais de contrôle perçus par cette société en cas de non-respect par les automobilistes des conditions générales d’utilisation de ces parcs de stationnement – Qualification – Réalité économique et
commerciale des opérations »
Dans l’affaire C‑90/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Højesteret (Cour suprême, Danemark), par décision du 7 février 2020, parvenue à la Cour le 24 février 2020, dans la procédure
Apcoa Parking Danmark A/S
contre
Skatteministeriet,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. A. Arabadjiev, président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, Mme I. Ziemele, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb (rapporteur) et A. Kumin, juges,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Apcoa Parking Danmark A/S, par Me J. Steen Hansen, advokat,
– pour le gouvernement danois, initialement par MM. J. Nymann-Lindegren ainsi que par Mmes M. S. Wolff et V. P. Jørgensen, puis par Mmes M. S. Wolff et V. P. Jørgensen, en qualité d’agents, assistés de Me B. Søes Petersen, advokat,
– pour l’Irlande, par Mme J. Quaney et M. A. Joyce, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme J. Jokubauskaitė et M. U. Nielsen, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 juin 2021,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Apcoa Parking Danmark A/S (ci-après « Apcoa ») au Skatteministeriet (ministère des Impôts, Danemark), au sujet de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des frais de contrôle perçus par cette société en cas de non-respect, par les automobilistes, des conditions générales d’utilisation des parcs de stationnement, situés sur des terrains privés, dont celle-ci assure la gérance.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA prévoit que sont soumises à la TVA « les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».
4 L’article 9, paragraphe 1, de cette directive dispose :
« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »
Le droit danois
La loi relative à la TVA
5 L’article 4, paragraphe 1, de la lov nr. 375 om merværdiafgift (Momsloven) (loi relative à la TVA), du 18 mai 1994 (Lovtidende 1994 A, p. 1727), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative à la TVA »), dispose :
« Les biens et les services fournis à titre onéreux sur le territoire national sont soumis à la [TVA]. Est considéré comme “livraison d’un bien” le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. Une prestation de services comprend toute autre prestation. »
6 Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, point 8), de cette loi :
« Les biens et services suivants sont exonérés de [TVA] :
[...]
8) L’administration, la location et l’affermage de biens immeubles ainsi que la fourniture de gaz, d’eau, d’électricité et de chauffage liée à la location ou à l’affermage. L’exonération ne couvre cependant pas [...] la location de places de camping, de parking ou d’emplacements publicitaires ainsi que la location de consignes. »
7 L’article 27, paragraphe 1, de ladite loi prévoit :
« Lors de la livraison de biens et de services, la base imposable est constituée par la rémunération, y compris les subventions, directement liée au prix des biens ou des services, mais n’inclut pas la taxe prévue par la présente loi. Si le paiement est effectué en tout ou en partie avant la livraison ou avant que la facture ne soit émise, la base d’imposition s’élève à 80 % de la somme reçue. »
Le code de la route
8 La juridiction de renvoi relève que le færdselsloven (code de la route), dans sa version applicable au litige au principal, n’énumère pas les situations dans lesquelles des frais de contrôle de stationnement irrégulier sur un terrain privé peuvent être perçus. Elle précise toutefois que, depuis une modification législative intervenue en 2014, l’article 122 quater de ce code dispose :
« [E]n cas de stationnement sur le domaine privé ouvert au public, la redevance de contrôle (frais de contrôle) ne peut être imposée que si cela est clairement indiqué sur place (sous réserve d’une interdiction générale et clairement marquée du stationnement dans la zone). »
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 Apcoa, société privée de droit danois, a pour principale activité l’exploitation des parcs de stationnement sur des terrains privés, en accord avec les propriétaires de ces terrains.
10 Dans le cadre de son activité, Apcoa détermine les conditions générales d’utilisation des parcs de stationnement dont elle assure la gérance, telles que celles relatives à la tarification et à la durée maximale du stationnement.
11 À l’entrée de chacun de ces parcs de stationnement se trouve un panneau indiquant, d’une part, que « [l]a zone [de stationnement] est exploitée conformément aux règles du droit privé » et, d’autre part, que « [l]a violation de la réglementation peut entraîner la perception de frais de contrôle de 510 [couronnes danoises] (DKK) » (environ 70 euros), ou bien « de 510 DKK par jour ». Ces montants reflétaient les frais de contrôle appliqués par Apcoa, lors des exercices fiscaux concernés, à savoir
les exercices 2008 et 2009.
12 Il est constant qu’Apcoa exerce une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, et est assujettie à la TVA au titre du paiement des frais de stationnement effectué en conformité avec les règles de celui-ci. En revanche, elle conteste en être redevable au titre des frais de contrôle.
13 Le 25 octobre 2011, Apcoa a présenté auprès du SKAT (administration fiscale, Danemark), une demande de remboursement de la TVA acquittée, au titre de ces frais de contrôle, pendant la période allant du 1er septembre 2008 au 31 décembre 2009, dont le montant s’élevait à 25089292 DKK (environ 3370000 euros).
14 Par décision du 12 janvier 2012, l’administration fiscale a rejeté cette demande, au motif que, en vertu des dispositions nationales applicables, telles que présentées aux points 5 à 8 du présent arrêt, lesdits frais de contrôle étaient considérés, dans le droit danois, comme étant soumis à la TVA.
15 Cette décision de rejet, confirmée par la Landsskatteretten (commission fiscale nationale, Danemark), a fait l’objet d’un recours introduit par Apcoa devant le Retten i Kolding (tribunal de Kolding, Danemark). Par jugement du 23 janvier 2017, cette juridiction a rejeté ce recours, considérant, en substance, que les frais de contrôle appliqués par Apcoa, qu’elle a qualifiés de « redevances de stationnement majorées », perçus en cas de non-respect par un automobiliste des conditions générales
d’utilisation des parcs de stationnement dont elle assure la gérance, constituaient la contrepartie de la prestation du service de stationnement dont cet automobiliste avait bénéficié.
16 Apcoa a interjeté appel de ce jugement devant le Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest, Danemark). Par arrêt du 10 septembre 2018, cette juridiction a rejeté cet appel, au motif que, en l’occurrence, il existait une corrélation directe entre le service de stationnement et le paiement des frais de contrôle de stationnement irrégulier sur le terrain privé. Ainsi, ledit montant devait être considéré comme étant la contrepartie d’une prestation de services, au sens de l’article 4,
paragraphe 1, de la loi relative à la TVA.
17 L’arrêt du Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest) a fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant la Højesteret (Cour suprême), la juridiction de renvoi, dans le cadre duquel Apcoa faisait valoir, en substance, que le montant qu’elle facture au titre de ces frais de contrôle, en cas de violation par un automobiliste des conditions générales d’utilisation des parcs de stationnement dont elle assure la gérance, ne constitue pas la contrepartie du maintien du droit au stationnement dont
cet automobiliste pouvait se prévaloir contre le paiement des redevances de stationnement. Ce montant, pour autant qu’il soit, d’une part, prédéterminé, sans lien économique concret avec la valeur du service de stationnement fourni et, d’autre part, constitutif, dans le droit danois, d’une pénalité pour violation de ces conditions générales d’utilisation, ne saurait être considéré comme relevant du champ d’application de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, lu en combinaison
avec l’article 4, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA.
18 Le ministère des Impôts rétorque que, dès lors que l’automobiliste concerné obtiendrait, en contrepartie des frais de contrôle de stationnement irrégulier, un accès effectif à un emplacement de stationnement, il existe un lien direct entre le service de stationnement et ces frais de contrôle. Ce ministèrerelève, en outre, que lesdits frais de contrôle constituent une partie importante du chiffre d’affaires d’Apcoa, les montants perçus au titre des mêmes frais de contrôle ayant représenté, par
exemple, lors de l’exercice fiscal 2009, 34 % de son chiffre d’affaires.
19 La juridiction de renvoi souligne, tout d’abord, que le présent renvoi préjudiciel porte uniquement sur la question de l’éventuelle soumission à la TVA des frais de contrôle perçus par Apcoa en cas de non-respect, par les automobilistes, des conditions générales d’utilisation des parcs de stationnement dont cette société assure la gérance. En outre, cette juridiction précise, d’une part, qu’il est constant que le stationnement lui-même est soumis à la TVA et, d’autre part, que le litige au
principal ne porte pas sur la soumission à cette taxe des sommes réparties entre Apcoa et le propriétaire de l’aire de stationnement concernée.
20 Cela étant précisé, ladite juridiction expose les treize cas de figure dans lesquels Apcoa perçoit des frais de contrôle de stationnement irrégulier, à savoir, en cas de :
« 1. Paiement d’une redevance insuffisante.
2. Ticket de stationnement en cours de validité non visible sur le pare-brise.
3. Billet non contrôlable, par exemple, si le ticket de stationnement n’est pas placé de manière correcte.
Les cas de figure 1 à 3 s’appliquent en cas de stationnement payant.
4. Absence de ticket de stationnement valable, par exemple, dans le cadre d’un stationnement résidentiel pour lequel l’autorisation d’utiliser des emplacements de stationnement spécifiques est requise.
5. Stationnement sur un emplacement réservé aux personnes à mobilité réduite. Ce motif d’application des frais de contrôle de stationnement irrégulier requiert la présence d’un panneau de stationnement pour personnes à mobilité réduite, que le stationnement soit gratuit ou payant. Pour pouvoir stationner sur ces emplacements, l’automobiliste concerné doit avoir placé un justificatif de sa mobilité réduite sur le pare-brise de son véhicule.
6. Stationnement en dehors des emplacements de stationnement désignés. Ce motif d’application des frais de contrôle de stationnement irrégulier vise tous les types d’emplacements de stationnement lorsqu’un panneau indique de stationner à l’intérieur des emplacements concernés.
7. Stationnement interdit. Ce motif d’application des frais de contrôle de stationnement irrégulier vise, par exemple, le stationnement sur une voie d’accès réservée aux véhicules de lutte contre l’incendie.
8. Aire de stationnement réservée. Ce motif d’application des frais de contrôle de stationnement irrégulier vise tous les types d’emplacements de stationnement pour lesquels il est requis de stationner dans des emplacements spécifiques.
9. Absence de disque de stationnement visible.
10. Disque de stationnement réglé de manière incorrecte ou temps de stationnement indiqué dépassé.
11. Disque de stationnement illisible. Ce motif d’application des frais de contrôle de stationnement irrégulier vise, par exemple, le cas où les aiguilles du disque de stationnement concerné se sont détachées ou s’il y a une erreur dans un disque électronique.
12. Multiples disques de stationnement. Ce motif d’application des frais de contrôle de stationnement irrégulier vise les cas où l’automobiliste concerné a placé plusieurs disques de stationnement sur le pare-brise de son véhicule afin de prolonger la durée de son stationnement.
Les cas de figure 9 à 12 sont des cas où le stationnement est gratuit pour une durée limitée, mais où un disque de stationnement est requis comme preuve du moment où le véhicule concerné a été stationné.
13. Autre. Ce motif d’application des frais de contrôle de stationnement irrégulier vise les cas de violation des règles générales d’utilisation des parcs de stationnement concernés qui ne correspondent à aucun des douze cas de figure qui précèdent. Il s’applique, par exemple, lorsque le stationnement gêne clairement la circulation. Si le présent motif d’application de ces frais de contrôle est utilisé, il sera complété par un texte décrivant l’infraction. »
21 Cette juridiction procède ensuite à un rappel des principaux enseignements de la jurisprudence de la Cour en matière de prestations de services soumises à la TVA s’agissant, d’une part, des conditions tenant à l’existence de « prestations réciproques » établissant un « rapport juridique » traduisant, le cas échéant, un « lien direct » entre le service rendu et la contrepartie reçue et, d’autre part, de la condition tenant à ce que les sommes versées constituent la « contrepartie effective d’un
service individualisable ». Elle se réfère, en particulier aux arrêts du 18 juillet 2007, Société thermale d’Eugénie-les-Bains (C‑277/05, EU:C:2007:440), et du 22 novembre 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia (C‑295/17, EU:C:2018:942), tout en précisant que, dans le cadre de la procédure au principal, Apcoa se prévaut du premier de ces arrêts, tandis que le ministère des Impôts fait référence, tout particulièrement, au second d’entre eux.
22 Enfin, ladite juridiction relève que, traditionnellement, au Danemark, les sommes perçues par des sociétés de gestion de droit privé, telles qu’Apcoa, au titre des frais de contrôle de stationnement irrégulier, ont toujours été considérées comme étant soumises à la TVA. À cet égard, elle fait référence, en particulier, à sa jurisprudence issue d’un arrêt du 12 avril 1996, par lequel celle-ci s’est prononcée sur la nature, au regard de la TVA, de tels frais de contrôle, qu’elle avait qualifiés de
« redevances majorées de stationnement ». Il ressort de cet arrêt que de telles « redevances majorées », perçues sur le fondement d’une relation quasi contractuelle, devaient être considérées comme étant la contrepartie d’une prestation de services et, partant, soumises à la TVA, nonobstant le fait que ces « redevances majorées » étaient fixées à un tarif prédéterminé et significatif par rapport à celui correspondant à la redevance de stationnement elle-même, lesdites « redevances majorées »
visant à éviter un stationnement irrégulier.
23 Il serait par conséquent possible de considérer que l’obligation, incombant aux automobilistes ayant enfreint les conditions générales d’utilisation des parcs de stationnement concernés, de payer des frais de contrôle de stationnement irrégulier repose sur une relation de nature quasi contractuelle et qu’il existe, par conséquent, entre Apcoa et ces automobilistes, un « rapport juridique », au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 3 mars 1994, Tolsma (C‑16/93, EU:C:1994:80, points 13
et 14). Des doutes subsisteraient toutefois en ce qui concerne la question de savoir si ces frais de contrôle peuvent légitiment être considérés comme constituant la rémunération d’une prestation de services soumise à la TVA, corroborés par le fait que, selon les informations dont cette juridiction dispose, les autorités fiscales d’autres États membres de l’Union, tels que la République fédérale d’Allemagne et le Royaume de Suède, ne soumettraient pas à la TVA de tels frais de contrôle.
24 Dans ces conditions, la Højesteret (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la [directive TVA], doit-il être interprété en ce sens que les frais de contrôle perçus pour les infractions aux prescriptions relatives au stationnement sur un terrain privé constituent la contrepartie d’un service fourni et que cette opération est dès lors soumise à la TVA ? »
Sur la question préjudicielle
25 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que les frais de contrôle perçus par une société de droit privé chargée de l’exploitation de parcs de stationnement privés en cas de non-respect, par les automobilistes, des conditions générales d’utilisation de ces parcs de stationnement, doivent être considérés comme étant la contrepartie d’une prestation de services effectuée
à titre onéreux, au sens de cette disposition, et soumise en tant que telle à la TVA.
26 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, qui définit le champ d’application de la TVA, sont soumises à cette taxe les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.
27 Une prestation de services n’est effectuée « à titre onéreux », au sens de cette disposition, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective d’un service individualisable fourni au bénéficiaire. Tel est le cas s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue (arrêt du 16 septembre 2021, Balgarska
natsionalna televizia, C‑21/20, EU:C:2021:743, point 31 et jurisprudence citée).
28 En l’occurrence, il y a lieu de relever que le stationnement sur un emplacement déterminé, situé dans l’un des parcs de stationnement dont Apcoa assure la gérance, fait naître un rapport juridique entre cette société, en tant que prestataire de services et gérant du parc de stationnement concerné, et l’automobiliste ayant utilisé cet emplacement.
29 À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, dans le cadre de ce rapport juridique, les parties bénéficient de droits et assument des obligations, conformément aux conditions générales d’utilisation des parcs de stationnement concernés, parmi lesquels figurent, en particulier, la mise à disposition, par Apcoa, d’un emplacement de stationnement et l’obligation pour l’automobiliste concerné de payer, outre les redevances de stationnement, le cas échéant, en cas de non-respect de ces
conditions générales, le montant correspondant aux frais de contrôle de stationnement irrégulier, indiqué sur les panneaux de signalisation mentionnés au point 11 du présent arrêt.
30 Dès lors, dans ce contexte, en ce qui concerne, d’une part, la condition tenant à l’existence de prestations réciproques, au sens de la jurisprudence citée au point 27 du présent arrêt, il apparaît que cette condition est satisfaite. En effet, le paiement des redevances de stationnement, ainsi que, le cas échéant, du montant correspondant aux frais de contrôle de stationnement irrégulier, constitue la contrepartie de la mise à disposition d’un emplacement de stationnement.
31 S’agissant, d’autre part, de la condition qui exige que la rétribution perçue par le prestataire de services constitue la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire, au sens de la jurisprudence citée au point 27 du présent arrêt, il y a lieu derelever, à l’instar de M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, que l’automobiliste qui paye ces frais de contrôle a bénéficié d’un emplacement ou d’une zone de stationnement et que le montant desdits frais de contrôle résulte du
fait que les conditions acceptées par l’automobiliste concerné sont réunies.
32 Dès lors, le montant total des sommes que les automobilistes se sont engagés à payer en contrepartie du service de stationnement fourni par Apcoa, y compris, le cas échéant, les frais de contrôle de stationnement irrégulier, représente les conditions dans lesquelles ceux-ci ont effectivement bénéficié d’un emplacement de stationnement, et cela même s’ils ont choisi d’en faire un usage excessif, en dépassant le temps de stationnement autorisé, en ne justifiant pas correctement de leur droit de
stationnement ou encore en stationnant sur un espace réservé, non-désigné ou gênant, contrairement aux conditions générales d’utilisation des parcs de stationnement concernés.
33 Il apparaît par conséquent que ces frais de contrôle peuvent avoir un lien direct avec le service de stationnement et, partant, qu’ils peuvent être considérés comme faisant partie intégrante du montant total que ces automobilistes se sont engagés à payer à Apcoa, en décidant de stationner leur véhicule dans l’un des parcs de stationnement dont cette société assure la gérance.
34 En outre, le montant desdits frais de contrôle correspond à la récupération d’une partie des coûts associés à la prestation des services qu’Apcoa leur a fournie. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 61 de ses conclusions, ce montant tient nécessairement compte du coût d’exploitation plus élevé des parcs de stationnement, généré par un stationnement qui ne satisfait pas aux conditions normales d’utilisation du service offert. Cette contrepartie vise également à assurer à Apcoa une
rémunération contractuelle de la prestation effectuée dans des conditions imputables à l’utilisateur, qui ne sont pas de nature à changer la réalité économique et commerciale de leur relation.
35 Cette considération est corroborée par les précisions fournies par Apcoa en réponse aux questions écrites qui lui ont été envoyées par la Cour dans le cadre de la présente procédure, selon lesquelles, en substance, cette société a confirmé qu’elle retirait de ces frais de contrôle des recettes ayant un caractère permanent. À cet égard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, pour les exercices fiscaux 2008 et 2009, les recettes perçues par celle-ci, provenant desdits frais de contrôle
s’élevaient à environ 35 % de son chiffre d’affaires, soit 10,4 millions d’euros en 2008 et 11 millions d’euros en 2009.
36 Par ailleurs, dans ses réponses aux questions écrites de la Cour, Apcoa fait observer, en substance, que, si, à l’échéance de la durée de stationnement pour laquelle des redevances de stationnement ont été payées par l’automobiliste concerné, celui-ci ne reprend pas son véhicule, ce dernier reste stationné, moyennant la facturation, effectuée le cas échéant à plusieurs reprises, de frais de contrôle de stationnement irrégulier, et cela jusqu’à ce que cet automobiliste vienne le récupérer.
37 De tels éléments sont de nature à établir l’existence d’un lien direct entre le service rendu et les frais de contrôle perçus par Apcoa, au sens de la jurisprudence citée au point 27 du présent arrêt.
38 Cette conclusion est, en effet, corroborée par la réalité économique et commerciale de l’opération concernée, sous réserve de vérification de la juridiction de renvoi. Or, s’agissant de la valeur des stipulations contractuelles dans le cadre d’une opération taxable, la prise en compte de cette réalité constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia, C‑295/17, EU:C:2018:942,
point 43 et jurisprudence citée).
39 Apcoa et la Commission européenne ont cependant fait valoir que le montant payé par un automobiliste au titre de tels frais de contrôle ne saurait être considéré comme constituant la contre-valeur effective d’un service individualisable fourni au bénéficiaire ni être appréhendé en tant que contre-valeur d’une prestation de services autonome, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 18 juillet 2007, Société thermale d’Eugénie-les-Bains (C‑277/05, EU:C:2007:440, points 21 à 35), dès lors que
la mise à disposition, par Apcoa, d’un emplacement de stationnement ne dépend pas de l’acquittement, par l’automobiliste concerné, de ces frais de contrôle.
40 À cet égard, il convient de relever que, certes, aux fins de la TVA, chaque prestation doit normalement être considérée comme étant distincte et indépendante, ainsi qu’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA (arrêts du 17 janvier 2013, BGŻ Leasing, C‑224/11, EU:C:2013:15, point 29 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 novembre 2016, Baštová, C‑432/15, EU:C:2016:855, point 68 et jurisprudence citée).
41 La Cour a toutefois admis qu’un lien direct existe lorsque deux prestations se conditionnent mutuellement, à savoir que l’une n’est effectuée qu’à la condition que l’autre le soit également et réciproquement (arrêt du 11 mars 2020, San Domenico Vetraria, C‑94/19, EU:C:2020:193, point 26 et jurisprudence citée).
42 Or, tel est le cas en l’occurrence, dans la mesure où, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 66 de ses conclusions, la perception par Apcoa de frais de contrôle de stationnement irrégulier et le stationnement effectué par l’automobiliste concerné dans les circonstances particulières qu’elle a déterminées donnant lieu à ce tarif majoré sont liés. En effet, la nécessité d’un contrôle de stationnement irrégulier et, en conséquence, l’imposition de tels frais de contrôle ne sauraient
exister si le service de mise à disposition d’un emplacement de stationnement n’a pas été fourni au préalable.
43 En outre, il convient de constater que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juillet 2007, Société thermale d’Eugénie-les-Bains (C‑277/05, EU:C:2007:440), la prestation de services en cause n’avait pas été fournie. Or, dans le cadre de l’affaire au principal, la prestation de mise à disposition d’un emplacement de stationnement a bien été effectuée.
44 N’est pas davantage de nature à s’opposer à la conclusion tirée au point 37 du présent arrêt l’argumentation invoquée par Apcoa selon laquelle, d’une part, le montant qu’elle facture au titre des frais de contrôle de stationnement irrégulier est prédéterminé et sans lien économique concret avec la valeur du service de stationnement fourni, et, d’autre part, ce montant est constitutif, dans le droit danois, d’une pénalité.
45 S’agissant, en premier lieu, de l’argument d’Apcoa selon lequel ledit montant est prédéterminé et sans lien économique concret avec la valeur du service de stationnement fourni, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, est dénué de pertinence, à l’égard de la qualification d’une opération en tant qu’opération effectuée à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, le montant de la contrepartie, notamment le fait que celui-ci soit égal,
supérieur ou inférieur aux coûts que l’assujetti a encourus, dans le cadre de la fourniture de sa prestation. En effet, une telle circonstance n’est pas de nature à affecter le lien direct entre la prestation de services effectuée et la contrepartie reçue (arrêt du 11 mars 2020, San Domenico Vetraria, C‑94/19, EU:C:2020:193, point 29 et jurisprudence citée).
46 En ce qui concerne, en second lieu, l’argumentation invoquée par Apcoa selon laquelle le montant qu’elle facture au titre des frais de contrôle de stationnement irrégulier est qualifié, dans le droit national, de pénalité, il suffit de rappeler, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 42 de ses conclusions, qu’aux fins de l’interprétation des dispositions de la directive TVA, l’appréciation du point de savoir si le paiement d’une rémunération intervient en contrepartie
d’une prestation de services est une question de droit de l’Union qu’il convient de trancher indépendamment de l’appréciation portée dans le droit national (arrêt du 22 novembre 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia, C‑295/17, EU:C:2018:942, points 69 et 70).
47 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que les frais de contrôle perçus par une société de droit privé chargée de l’exploitation de parcs de stationnement privés en cas de non-respect, par les automobilistes, des conditions générales d’utilisation de ces parcs de stationnement, doivent être considérés comme étant la contrepartie d’une prestation
de services effectuée à titre onéreux, au sens de cette disposition, et soumise en tant que telle à la TVA.
Sur les dépens
48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que les frais de contrôle perçus par une société de droit privé chargée de l’exploitation de parcs de stationnement privés en cas de non-respect, par les automobilistes, des conditions générales d’utilisation de ces parcs de stationnement, doivent être considérés comme étant la contrepartie d’une prestation de
services effectuée à titre onéreux, au sens de cette disposition, et soumise en tant que telle à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le danois.