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14/09/2023 | CJUE | N°C-246/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Staatsanwaltschaft Köln et Bundesamt für Güterverkehr contre BW., 14/09/2023, C-246/22


 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

14 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports – Transports combinés de marchandises entre États membres – Directive 92/106/CEE – Transport international de marchandises par route – Règlement (CE) no 1072/2009 – Transport de conteneurs vides avant le chargement ou après le déchargement de marchandises dans le cadre d’un transport combiné – Non-applicabilité des dispositions relatives aux transports de cabotage »

Dans l’affaire C‑246/22,

ayant pour objet une dem

ande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Amtsgericht Köln (tribunal de distric...

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

14 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports – Transports combinés de marchandises entre États membres – Directive 92/106/CEE – Transport international de marchandises par route – Règlement (CE) no 1072/2009 – Transport de conteneurs vides avant le chargement ou après le déchargement de marchandises dans le cadre d’un transport combiné – Non-applicabilité des dispositions relatives aux transports de cabotage »

Dans l’affaire C‑246/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Amtsgericht Köln (tribunal de district de Cologne, Allemagne), par décision du 25 mars 2022, parvenue à la Cour le 8 avril 2022, dans la procédure

BW,

en présence de :

Staatsanwaltschaft Köln,

Bundesamt für Güterverkehr,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. F. Biltgen et N. Wahl, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Bundesamt für Güterverkehr, par Me M. Schleifenbaum, Rechtsanwalt,

– pour la Commission européenne, par MM. P. Messina, G. von Rintelen et G. Wilms, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 avril 2023,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 92/106/CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l’établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres (JO 1992, L 368, p. 38), et du règlement (CE) no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route (JO 2009, L 300, p. 72).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant BW, gérante d’une société de transport (ci-après l’« intéressée »), au Bundesamt für Güterverkehr (Office fédéral du transport de marchandises, Allemagne) (ci-après le « BAG ») au sujet de l’infliction d’une amende administrative pour violation des dispositions relatives aux transports de cabotage.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 92/106

3 Les troisième et sixième considérants de la directive 92/106 énoncent :

« considérant que les problèmes croissants afférents à l’encombrement des routes, à l’environnement et à la sécurité routière exigent, dans l’intérêt public, un développement plus poussé des transports combinés comme alternative au transport routier ;

[...]

considérant que, pour faire en sorte que la technique du transport combiné conduise à un dégagement effectif des routes, il convient que cette libéralisation porte sur des parcours routiers limités en distance ».

4 L’article 1er de cette directive prévoit :

« La présente directive s’applique aux opérations de transports combinés, sans préjudice du règlement (CEE) no 881/92 [du Conseil, du 26 mars 1992, concernant l’accès au marché des transports de marchandises par route dans la Communauté exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres (JO 1992, L 95, p. 1)].

Aux fins de la présente directive, on entend par “transports combinés” les transports de marchandises entre États membres pour lesquels le camion, la remorque, la semi-remorque, avec ou sans tracteur, la caisse mobile ou le conteneur de 20 pieds et plus utilisent la route pour la partie initiale ou terminale du trajet et, pour l’autre partie, le chemin de fer ou une voie navigable, ou un parcours maritime lorsque celui-ci excède 100 kilomètres à vol d’oiseau, et effectuent le trajet initial ou
terminal routier :

– soit entre le point de chargement de la marchandise et la gare ferroviaire d’embarquement appropriée la plus proche pour le trajet initial et entre la gare ferroviaire de débarquement appropriée la plus proche et le point de déchargement de la marchandise pour le trajet terminal,

– soit dans un rayon n’excédant pas 150 kilomètres à vol d’oiseau à partir du port fluvial ou maritime d’embarquement ou de débarquement. »

5 L’article 3 de ladite directive dispose :

« En cas de transport combiné pour compte d’autrui, un document de transport satisfaisant au moins aux prescriptions énoncées à l’article 6 du règlement no 11 du Conseil, du 27 juin 1960, concernant la suppression de discriminations en matière de prix et conditions de transport, pris en exécution de l’article 79 paragraphe 3 du traité [CEE] [(JO 1960, 52, p. 1121),] doit être complété par l’indication des gares ferroviaires d’embarquement et de débarquement relatives au parcours ferroviaire, ou
l’indication des ports fluviaux d’embarquement et de débarquement relatifs au parcours par voie navigable, ou l’indication des ports maritimes d’embarquement ou de débarquement relatifs au parcours maritime. [...] »

6 L’article 4 de la même directive se lit comme suit :

« Tout transporteur routier établi dans un État membre et satisfaisant aux conditions d’accès à la profession et au marché des transports de marchandises entre États membres a le droit d’effectuer, dans le cadre d’un transport combiné entre États membres, des trajets routiers initiaux et/ou terminaux qui font partie intégrante du transport combiné et qui comportent ou non le passage d’une frontière. »

Le règlement no 1072/2009

7 Les considérants 4, 5, 13, 15 et 16 du règlement no 1072/2009 énoncent :

« (4) L’instauration d’une politique commune des transports entraîne l’élimination de toutes restrictions à l’égard du prestataire de services de transport en raison de la nationalité ou du fait qu’il est établi dans un État membre autre que celui où les services doivent être fournis.

(5) Pour atteindre cet objectif de manière souple et sans heurts, il convient de prévoir un régime transitoire de cabotage, tant que l’harmonisation du marché des transports routiers n’aura pas été réalisée.

[...]

(13) Les transporteurs routiers titulaires de la licence communautaire prévue dans le présent règlement et les transporteurs habilités à effectuer certaines catégories de transports internationaux devraient être autorisés à effectuer, à titre temporaire, des transports nationaux de marchandises dans un État membre, conformément au présent règlement, sans y disposer d’un siège ou d’un autre établissement. [...]

[...]

(15) Sans préjudice des dispositions du traité [FUE] relatives au droit d’établissement, les transports de cabotage consistent en la prestation de services par un transporteur dans un État membre dans lequel il n’est pas établi et ils ne devraient pas être interdits aussi longtemps qu’ils ne sont pas effectués de manière à créer une activité permanente ou continue au sein de cet État membre. Afin de contribuer au respect de cette condition, la fréquence des transports de cabotage ainsi que la
durée pendant laquelle ils peuvent être effectués devraient être définies plus clairement. Dans le passé, ces services de transport nationaux étaient autorisés à titre temporaire. Dans la pratique, il a été difficile de déterminer quels étaient les services autorisés. Il est donc nécessaire de mettre en place des règles claires et faciles à faire respecter.

(16) Le présent règlement s’applique sans préjudice des dispositions concernant le transport aller ou retour de marchandises par route formant une partie d’un transport combiné tel qu’il est défini dans la directive [92/106]. Les trajets nationaux par route effectués dans un État membre d’accueil qui ne font pas partie d’un transport combiné tel qu’il est défini dans la directive [92/106] entrent dans la définition des transports de cabotage et devraient, par conséquent, être soumis aux exigences
du présent règlement. »

8 L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », dispose :

« 1.   Le présent règlement s’applique aux transports internationaux de marchandises par route pour compte d’autrui pour les trajets effectués sur le territoire de la Communauté [européenne].

[...]

4.   Le présent règlement s’applique aux transports nationaux de marchandises par route assurés à titre temporaire par un transporteur non-résident conformément aux dispositions du chapitre III.

5.   Les transports ci-après et les déplacements à vide effectués en relation avec ces transports ne sont pas soumis à l’exigence d’une licence communautaire et sont dispensés de toute autorisation de transport :

[...] »

9 L’article 2 dudit règlement, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

2) “transports internationaux” :

a) les déplacements en charge d’un véhicule, dont le point de départ et le point d’arrivée se trouvent dans deux États membres différents, avec ou sans transit par un ou plusieurs États membres ou pays tiers ;

b) les déplacements en charge d’un véhicule au départ d’un État membre et à destination d’un pays tiers et vice versa, avec ou sans transit par un ou plusieurs États membres ou pays tiers ;

c) les déplacements en charge d’un véhicule entre pays tiers, traversant en transit le territoire d’un ou plusieurs États membres ; ou

d) les déplacements à vide en relation avec les transports visés aux points a), b) et c) ;

3) “État membre d’accueil”, un État membre dans lequel un transporteur exerce ses activités, autre que l’État membre dans lequel il est établi ;

4) “transporteur non-résident”, une entreprise de transport de marchandises par route qui exerce ses activités dans un État membre d’accueil ;

[...]

6) “transports de cabotage”, des transports nationaux pour compte d’autrui assurés à titre temporaire dans un État membre d’accueil, dans le respect du présent règlement ;

[...] »

10 Le chapitre III du même règlement, intitulé « Cabotage », comprend l’article 8 de celui-ci, lequel prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Tout transporteur de marchandises par route pour compte d’autrui qui est titulaire d’une licence communautaire et dont le conducteur, s’il est ressortissant d’un pays tiers, est muni d’une attestation de conducteur, est admis, aux conditions fixées par le présent chapitre, à effectuer des transports de cabotage.

2.   Une fois que les marchandises transportées au cours d’un transport international à destination de l’État membre d’accueil ont été livrées, les transporteurs visés au paragraphe 1 sont autorisés à effectuer, avec le même véhicule, ou, s’il s’agit d’un ensemble de véhicules couplés, avec le véhicule à moteur de ce même véhicule jusqu’à trois transports de cabotage consécutifs à un transport international en provenance d’un autre État membre ou d’un pays tiers à destination de l’État membre
d’accueil. Le dernier déchargement au cours d’un transport de cabotage avant de quitter l’État membre d’accueil a lieu dans un délai de sept jours à partir du dernier déchargement effectué dans l’État membre d’accueil au cours de l’opération de transport international à destination de celui-ci.

[...] »

11 Il découle de l’article 18 du règlement no 1072/2009 que ce dernier a abrogé et remplacé, notamment, le règlement no 881/92.

Le droit allemand

12 L’article 13 de la Verordnung über den grenzüberschreitenden Güterkraftverkehr und den Kabotageverkehr (règlement relatif aux transports internationaux de marchandises par route et aux transports par cabotage), du 28 décembre 2011 (BGBl. 2012 I, p. 42), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « GüKGrKabotageV »), prévoit :

« On entend par transport combiné international pour le compte d’autrui les transports de marchandises pour lesquels

1. le véhicule à moteur, la remorque, le châssis, la caisse mobile ou le conteneur d’une longueur d’au moins 6 mètres effectuent une partie du trajet par route et une autre partie du trajet par chemin de fer ou par navire fluvial ou maritime (avec un trajet maritime de plus de 100 kilomètres à vol d’oiseau),

2. l’ensemble du trajet se situe en partie à l’intérieur du pays et en partie à l’étranger et

3. le transport par route à l’intérieur du pays est effectué uniquement entre le lieu de chargement ou de déchargement et

a) la gare ferroviaire appropriée la plus proche ou

b) un port fluvial intérieur ou maritime se situant dans un rayon n’excédant pas 150 kilomètres à vol d’oiseau (embarquement ou débarquement). »

13 L’article 15, paragraphe 1, de la GüKGrKabotageV dispose :

« Un entrepreneur dont l’entreprise est établie dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen[, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3),] peut effectuer dans le cadre du transport combiné, au sens de l’article 13, des chargements ou des déchargements sur le territoire national s’il satisfait les conditions d’accès à la profession et d’accès au marché du transport routier de marchandises entre États membres. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

14 Les 22 janvier et 6 février 2020, dans le cadre de contrôles d’exploitation effectués auprès de Contargo Rhein-Neckar GmbH, le BAG a émis des objections contre 60 opérations de transport effectuées pour le compte de cette société par TIM-Trans Impex SRL, société établie en Roumanie, entre le 6 mai et le 27 mai 2019.

15 Le BAG reproche à l’intéressée, qui est la gérante de TIM-Trans Impex, d’avoir transporté, au moins à 57 reprises, des conteneurs vides qui ne relevaient pas du traitement préférentiel accordé au transport combiné, en vertu des articles 13 et suivants de la GüKGrKabotageV, et qui constituaient par conséquent des transports de cabotage. L’intéressée, en sa qualité de gérante, aurait dépassé la limite de trois transports de cabotage dans un délai de sept jours prévue à l’article 8 du règlement
no 1072/2009.

16 Lors d’une audition, l’intéressée a soutenu que le transport de conteneurs vides faisait partie du transport de conteneurs chargés, relevant du traitement préférentiel accordé au transport combiné par la directive 92/106. Elle a affirmé que ses activités commerciales consistaient à transporter des conteneurs pleins, préalablement pris en charge à vide dans un terminal de conteneurs, vers un port afin d’être expédiés par la voie maritime, ainsi qu’à transporter, après leur déchargement, les
conteneurs vides vers un terminal de conteneurs. Il serait donc juste de considérer le transport des conteneurs vides non pas isolément, mais comme faisant partie intégrante d’un contrat de transport unique, et ainsi de faire bénéficier ce transport du traitement préférentiel accordé au transport combiné.

17 Par une décision du 30 octobre 2020, le BAG a infligé à l’intéressée une amende administrative d’un montant de 8625 euros pour violation des dispositions relatives aux transports de cabotage. Selon le BAG, le transport d’un conteneur vide avant un chargement ou après un déchargement est soumis aux limitations du cabotage prévues à l’article 8 du règlement no 1072/2009.

18 Saisi d’un recours formé par l’intéressée contre cette décision, l’Amtsgericht Köln (tribunal de district de Cologne, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, estime que la solution du litige au principal dépend du point de savoir si le transport d’un tel conteneur vide fait partie du transport du conteneur chargé dans le cadre d’un transport combiné ou s’il doit être considéré comme étant un transport juridiquement distinct. De l’avis de la juridiction de renvoi, le règlement no 1072/2009
et la directive 92/106 ne contiennent pas de dispositions apportant une réponse claire à cet égard.

19 S’agissant du règlement no 1072/2009, son considérant 16 ne permettrait pas de savoir si les transports en cause au principal font ou non partie d’un transport combiné.

20 Quant à la directive 92/106, son troisième considérant plaiderait en faveur d’une interprétation large de la notion de « transport combiné ». En revanche, les règles très détaillées prévues à l’article 1er de cette directive militeraient en faveur d’une autre interprétation, interdisant de considérer, dans tous les cas de figure, le transport de conteneurs vides avant le chargement ou après le déchargement comme faisant partie d’un transport combiné. En effet, ce transport de conteneurs vides
pourrait, non seulement dans des cas exceptionnels, mais aussi de manière générale, être effectué sur des distances nettement supérieures à 100 ou à 150 kilomètres, de même qu’entre des États membres. Selon la juridiction de renvoi, il n’est pas certain que cela réponde à la finalité justifiant le traitement préférentiel accordé au transport combiné, à savoir lutter contre les problèmes croissants afférents notamment à l’environnement et à l’encombrement des routes dans l’Union. L’article 3 de
ladite directive s’opposerait également à une interprétation large, dès lors qu’il ne prévoit pas l’obligation de fournir, dans le document de transport, des indications relatives au trajet du transport par route du conteneur vide.

21 Dans ces conditions, l’Amtsgericht Köln (tribunal de district de Cologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le transport de conteneurs vides vers [le chargement] ou depuis [le déchargement] constitue-t-il une partie indissociable du transport des conteneurs chargés, de telle sorte que le transport des conteneurs vides prend part au traitement préférentiel accordé au transport des conteneurs pleins dans la mesure où ceux-ci sont, dans le cadre du transport combiné, exemptés des dispositions relatives au cabotage ? »

Sur la question préjudicielle

22 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er de la directive 92/106 doit être interprété en ce sens que le transport par route de conteneurs vides entre un terminal de conteneurs et un point de chargement ou de déchargement de marchandises relève de la notion de« transports combinés », au sens de cet article, de telle sorte qu’il bénéficie du régime libéralisé prévu pour les trajets routiers initiaux et/ou terminaux qui font partie intégrante d’un transport
combiné, au sens de l’article 4 de cette directive, et qui sont exemptés de l’application des dispositions relatives au cabotage prévues par le règlement no 1072/2009.

23 Afin de répondre à cette question, il y a lieu de relever, en premier lieu, qu’il découle de l’article 1er, second alinéa, de la directive 92/106, lu à la lumière du sixième considérant de celle-ci, que les « transports combinés » sont définis comme étant des transports de marchandises entre États membres pour lesquels le camion, la remorque, la semi-remorque, avec ou sans tracteur, la caisse mobile ou le conteneur de 20 pieds et plus utilisent la route pour la partie initiale ou terminale du
trajet et, pour l’autre partie, le chemin de fer ou une voie navigable, ou un parcours maritime lorsque celui-ci excède 100 kilomètres à vol d’oiseau, et effectuent le trajet initial ou terminal de façon à assurer qu’il s’agit d’un parcours routier limité en distance.

24 En outre, conformément à l’article 4 de cette directive, tout transporteur routier établi dans un État membre a le droit d’effectuer, dans le cadre d’un transport combiné entre États membres, des trajets routiers initiaux et/ou terminaux qui font partie intégrante du transport combiné et qui comportent ou non le passage d’une frontière.

25 En second lieu, aux termes de l’article 2, points 3 et 6, du règlement no 1072/2009, les transports de cabotage sont définis comme étant des transports nationaux pour le compte d’autrui assurés à titre temporaire dans un État membre d’accueil, dans le respect de ce règlement, l’État membre d’accueil étant celui dans lequel un transporteur exerce ses activités, autre que l’État membre dans lequel il est établi.

26 Dans la mesure où, aux termes du considérant 5 dudit règlement, ce dernier vise à instaurer un régime transitoire de cabotage, les États membres ne sont pas obligés d’ouvrir complètement les marchés nationaux aux transporteurs routiers non-résidents (arrêt du 12 avril 2018, Commission/Danemark, C‑541/16, EU:C:2018:251, point 52), à savoir aux transporteurs dont l’établissement se situe dans un autre État membre.

27 Dès lors, l’article 4 de la directive 92/106 procède à une libéralisation du transport routier plus poussée que celle résultant du régime du cabotage prévu par le règlement no 1072/2009.

28 En effet, l’article 8 de ce règlement établit des limites aux transports de cabotage. Plus particulièrement, s’agissant des conditions auxquelles les transporteurs établis dans un autre État membre peuvent effectuer des transports de cabotage dans l’État membre d’accueil, il découle de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement que ces transports doivent être consécutifs à un transport international de marchandises par route effectué en provenance d’un État membre ou d’un pays tiers et à
destination de l’État membre d’accueil. Dans ce dernier État membre, le transporteur concerné peut réaliser trois transports de cabotage au maximum dans un délai de sept jours à partir du dernier déchargement effectué au cours de l’opération de transport international.

29 En outre, les considérants 13 et 15 du règlement no 1072/2009 mettent l’accent sur le caractère temporaire du cabotage et indiquent, notamment, que les transports de cabotage ne devraient pas être effectués de manière à créer une activité permanente ou continue au sein de l’État membre d’accueil (arrêt du 12 avril 2018, Commission/Danemark, C‑541/16, EU:C:2018:251, point 52 ; voir en ce sens, également, arrêt du 8 juillet 2021, Staatsanwaltschaft Köln et Bundesamt für Güterverkehr, C‑937/19,
EU:C:2021:555, point 51).

30 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’activité commerciale de la société de transport en cause au principal consiste à aller chercher un conteneur vide dans un terminal de conteneurs, à l’acheminer vers le point de chargement de la marchandise concernée et, une fois chargé, à transporter ce conteneur jusqu’à un port maritime pour qu’il poursuive la partie du transport combiné ne s’effectuant pas par la route, réalisant ainsi un trajet initial routier, au sens de l’article 1er
de la directive 92/106. De façon similaire, lorsqu’il s’agit d’un trajet terminal routier, au sens de cet article, cette société prend en charge un conteneur plein dans un port maritime, achemine ce conteneur jusqu’au point de déchargement de cette marchandise et, une fois déchargé, ramène ledit conteneur vide vers un terminal de conteneurs.

31 La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au point de savoir si un tel transport de conteneurs vides fait partie d’un transport combiné, bénéficiant ainsi du régime libéralisé institué par la directive 92/106, ou si, en revanche, il constitue un transport autonome soumis aux limitations visant les transports de cabotage prévues par le règlement no 1072/2009.

32 À cet égard, s’agissant de l’articulation entre ces deux actes du droit de l’Union, il convient de relever, d’une part, que l’article 1er, premier alinéa, de la directive 92/106 indique que cette dernière s’applique aux opérations de transports combinés, sans préjudice du règlement no 881/92. Or, ce dernier a été abrogé et remplacé par le règlement no 1072/2009.

33 D’autre part, aux termes du considérant 16 du règlement no 1072/2009, ce dernier s’applique sans préjudice des dispositions concernant le transport aller ou retour de marchandises par route formant une partie d’un transport combiné tel qu’il est défini dans la directive 92/106. Ce considérant 16 précise que les trajets nationaux par route effectués dans un État membre d’accueil qui ne font pas partie d’un transport combiné tel qu’il est défini dans la directive 92/106 entrent dans la définition
des transports de cabotage et devraient, par conséquent, être soumis aux exigences de ce règlement.

34 Il s’ensuit que, afin de déterminer si un trajet effectué à l’intérieur d’un État membre par une société de transport établie dans un autre État membre relève ou non de la notion de « cabotage », il convient d’examiner si ce trajet fait ou non partie d’un transport combiné tel qu’il est défini dans la directive 92/106.

35 Or, force est de constater que cette directive ne précise pas si le transport de conteneurs vides qui précède immédiatement un transport de marchandises relevant du transport combiné ou succède immédiatement à un tel transport fait partie de ce dernier.

36 Cela étant, selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 28 octobre 2022, Generalstaatsanwaltschaft München (Extradition et ne bis in idem), C‑435/22 PPU, EU:C:2022:852, point 67 et jurisprudence citée].

37 Certes, il ressort du libellé de l’article 1er de la directive 92/106 que les opérations de transport combiné visées à cet article sont des opérations de « transports de marchandises ». Cependant, cela ne saurait exclure qu’une partie de ces opérations se déroule avec le conteneur vide, pour autant que ce déplacement à vide soit effectué en relation immédiate avec le transport de marchandises. En effet, ainsi que l’indique, en substance, la Commission européenne dans ses observations écrites, le
transport de conteneurs vides entre un terminal de conteneurs et le point de chargement ou de déchargement des marchandises constitue un déplacement accessoire mais indispensable à la réalisation du transport principal, à savoir le transport des marchandises, dont il fait partie intégrante.

38 Cette conclusion est confortée par les objectifs de la directive 92/106. À cet égard, il ressort du troisième considérant de cette directive que les problèmes croissants afférents à l’encombrement des routes, à l’environnement et à la sécurité routière exigent, dans l’intérêt public, un développement plus poussé des transports combinés comme alternative au transport routier.

39 Or, lorsque le parcours routier initial ou final d’un transport combiné, au sens de cette directive, est assuré, à l’intérieur d’un État membre, par un transporteur établi dans un autre État membre, seule est de nature à faciliter l’objectif de promouvoir le recours au transport combiné l’interprétation selon laquelle le transport du conteneur vide précédant le transport des marchandises elles-mêmes ou succédant à un tel transport de marchandises fait partie de ce transport combiné. En effet,
ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 41 et 42 de ses conclusions, toute autre interprétation obligerait à faire appel à un transporteur national pour transporter ce conteneur vide entre le point de chargement ou de déchargement et le terminal de conteneurs, ce qui impliquerait des charges financières et administratives supplémentaires et serait dès lors de nature à rendre moins compétitif ledit transport combiné.

40 La conclusion visée au point 37 du présent arrêt est également corroborée par le règlement no 1072/2009 qui, à l’instar de la directive 92/106, s’inscrit dans le cadre de la politique commune des transports, ces deux actes du droit de l’Union présentant, par ailleurs, des liens réciproques, ainsi que cela découle des dispositions visées aux points 32 et 33 du présent arrêt.

41 En effet, l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que ce dernier s’applique « aux transports internationaux de marchandises », et l’article 2, point 2, sous d), dudit règlement définit comme faisant partie des « transports internationaux » les déplacements à vide en relation avec certains déplacements en charge. De façon similaire, l’article 1er, paragraphe 5, du même règlement dispense de l’exigence d’une licence communautaire et de toute autre autorisation de transport un certain
nombre de types de transports de marchandises ainsi que « les déplacements à vide effectués en relation avec ces transports ». Ces dispositions témoignent ainsi de la volonté du législateur de l’Union de reconnaître que certains déplacements à vide peuvent être considérés comme bénéficiant des dispositions applicables aux transports de marchandises, pour autant que ces déplacements à vide soient effectués en relation avec un transport en charge.

42 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 1er de la directive 92/106 doit être interprété en ce sens que le transport par route de conteneurs vides entre un terminal de conteneurs et un point de chargement ou de déchargement de marchandises relève de la notion de « transports combinés », au sens de cet article, de telle sorte qu’il bénéficie du régime libéralisé prévu pour les trajets routiers initiaux et/ou terminaux qui
font partie intégrante d’un transport combiné, au sens de l’article 4 de cette directive, et qui sont exemptés de l’application des dispositions relatives au cabotage prévues par le règlement no 1072/2009.

Sur les dépens

43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

  L’article 1er de la directive 92/106/CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l’établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres,

  doit être interprété en ce sens que :

  le transport par route de conteneurs vides entre un terminal de conteneurs et un point de chargement ou de déchargement de marchandises relève de la notion de « transports combinés », au sens de cet article, de telle sorte qu’il bénéficie du régime libéralisé prévu pour les trajets routiers initiaux et/ou terminaux qui font partie intégrante d’un transport combiné, au sens de l’article 4 de cette directive, et qui sont exemptés de l’application des dispositions relatives au cabotage prévues par le
règlement (CE) no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-246/22
Date de la décision : 14/09/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Amtsgericht Köln.

Renvoi préjudiciel – Transports – Transports combinés de marchandises entre États membres – Directive 92/106/CEE – Transport international de marchandises par route – Règlement (CE) nº 1072/2009 – Transport de conteneurs vides avant le chargement ou après le déchargement de marchandises dans le cadre d’un transport combiné – Non-applicabilité des dispositions relatives aux transports de cabotage.

Transports


Parties
Demandeurs : Staatsanwaltschaft Köln et Bundesamt für Güterverkehr
Défendeurs : BW.

Composition du Tribunal
Avocat général : Richard de la Tour
Rapporteur ?: Arastey Sahún

Origine de la décision
Date de l'import : 16/09/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:673

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