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05/10/2023 | CJUE | N°C-219/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Procédure pénale contre QS., 05/10/2023, C-219/22


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

5 octobre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2008/675/JAI – Prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale – Article 1er, paragraphe 1 – Champ d’application – Article 3, paragraphes 1, 3 et 4 – Obligation de reconnaître aux condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres des effets équival

ents à ceux attachés aux condamnations
nationales – Conditions – Condamnation à une peine privative de liberté assorti...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

5 octobre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2008/675/JAI – Prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale – Article 1er, paragraphe 1 – Champ d’application – Article 3, paragraphes 1, 3 et 4 – Obligation de reconnaître aux condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres des effets équivalents à ceux attachés aux condamnations
nationales – Conditions – Condamnation à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire – Nouvelle infraction commise pendant la période de sursis – Révocation du sursis et exécution effective de la peine privative de liberté – Influence sur la condamnation antérieure et toute décision relative à son exécution – Décision-cadre 2008/947/JAI – Article 14, paragraphe 1 – Reconnaissance des condamnations aux fins de la surveillance des mesures de probation et de l’éventuelle révocation
du sursis à exécution »

Dans l’affaire C‑219/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rayonen sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie), par décision du 25 mars 2022, parvenue à la Cour le 28 mars 2022, dans la procédure pénale contre

QS,

en présence de :

Rayonna prokuratura Burgas,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme L. S. Rossi (rapporteure), MM. J.–C. Bonichot, S. Rodin et Mme O. Spineanu–Matei, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour QS, par Me G. Koleva, advokat,

– pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid et M. I. Zaloguin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 avril 2023,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (JO 2008, L 220, p. 32).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure tendant à l’exécution effective, dans un État membre, d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire prononcée contre un ressortissant d’un autre État membre par une juridiction de cet autre État membre.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La décision-cadre 2008/675

3 Les considérants 2, 5 à 7 et 14 de la décision-cadre 2008/675 énoncent :

« (2) Le 29 novembre 2000, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, le Conseil [de l’Union européenne] a adopté un programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, qui prévoit “l’adoption d’un ou de plusieurs instruments instaurant le principe selon lequel le juge d’un État membre doit être en mesure de tenir compte des décisions pénales définitives rendues dans les autres États membres pour apprécier le passé pénal du
délinquant, pour retenir la récidive et pour déterminer la nature des peines et les modalités d’exécution susceptibles d’être mises en œuvre”.

[...]

(5) Il y a lieu d’affirmer le principe selon lequel une condamnation prononcée dans un État membre doit se voir attacher dans les autres États membres des effets équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations prononcées par leurs propres tribunaux conformément au droit national, qu’il s’agisse d’effets de fait ou d’effets de droit procédural ou matériel selon le droit national. Toutefois, la présente décision-cadre ne vise pas à harmoniser les conséquences attachées par les différentes
législations nationales à l’existence de condamnations antérieures et l’obligation de prendre en compte les condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres n’existe que dans la mesure où les condamnations nationales antérieures sont prises en compte en vertu du droit national.

(6) Contrairement à d’autres instruments, la présente décision-cadre ne vise pas à faire exécuter dans un État membre des décisions judiciaires rendues dans d’autres États membres, mais à permettre que des conséquences soient attachées à une condamnation antérieure prononcée dans un État membre, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale engagée dans un autre État membre, dans la mesure où ces conséquences sont attachées à des condamnations nationales antérieures en vertu du droit de cet autre
État membre.

[...]

(7) Les effets attachés aux condamnations prononcées dans d’autres États membres devraient être équivalents à ceux qui sont attachés aux décisions nationales, qu’il s’agisse de la phase préalable au procès pénal, du procès pénal lui-même, ou de la phase d’exécution de la condamnation.

[...]

(14) Influer sur une décision ou sur son exécution est une notion qui couvre, entre autres, les situations où, en vertu du droit interne du deuxième État membre, la peine infligée dans une décision antérieure doit être absorbée par une autre peine ou incluse dans une autre peine, laquelle doit alors être effectivement exécutée, pour autant que la première condamnation n’ait pas encore été exécutée ou que son exécution n’ait pas été transférée dans le deuxième État membre. »

4 L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Objet », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente décision-cadre a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles, à l’occasion d’une procédure pénale engagée dans un État membre à l’encontre d’une personne, les condamnations antérieures prononcées à l’égard de cette même personne dans un autre État membre pour des faits différents sont prises en compte. »

5 Aux termes de l’article 2 de ladite décision-cadre, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par “condamnation”, toute décision définitive d’une juridiction pénale établissant la culpabilité d’une personne pour une infraction pénale. »

6 L’article 3 de la même décision-cadre, intitulé « Prise en compte, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale, d’une condamnation prononcée dans un autre État membre », dispose, à ses paragraphes 1 à 4 :

« 1.   Tout État membre fait en sorte que, à l’occasion d’une procédure pénale engagée contre une personne, des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre contre cette même personne pour des faits différents, pour lesquelles des informations ont été obtenues en vertu des instruments applicables en matière d’entraide judiciaire ou d’échange d’informations extraites des casiers judiciaires, soient prises en compte dans la mesure où des condamnations nationales antérieures le sont
et où les effets juridiques attachés à ces condamnations sont équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations nationales antérieures conformément au droit interne.

2.   Le paragraphe 1 s’applique lors de la phase qui précède le procès pénal, lors du procès pénal lui-même et lors de l’exécution de la condamnation, notamment en ce qui concerne les règles de procédure applicables, y compris celles qui concernent la détention provisoire, la qualification de l’infraction, le type et le niveau de la peine encourue, ou encore les règles régissant l’exécution de la décision.

3.   La prise en compte de condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre, prévue au paragraphe 1, n’a pour effet ni d’influer sur ces condamnations antérieures ou toute décision relative à leur exécution dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure, ni de les révoquer, ni de les réexaminer.

4.   Conformément au paragraphe 3, le paragraphe 1 ne s’applique pas dans la mesure où, si la condamnation antérieure avait été une condamnation nationale dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure, la prise en compte de la condamnation antérieure aurait eu pour effet, conformément au droit national dudit État membre, d’influer sur la condamnation antérieure ou toute décision relative à son exécution, de les révoquer ou de les réexaminer. »

La décision-cadre 2008/947/JAI

7 L’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la décision–cadre 2008/947/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution (JO 2008, L 337, p. 102), dispose :

« 1.   La présente décision-cadre vise à faciliter la réhabilitation sociale des personnes condamnées, à améliorer la protection des victimes et de la société en général, et à faciliter l’application de mesures de probation et de peines de substitution appropriées lorsque l’auteur de l’infraction ne vit pas dans l’État de condamnation. En vue d’atteindre ces objectifs, la présente décision-cadre définit les règles selon lesquelles un État membre autre que celui où la personne a été condamnée
reconnaît les jugements et, le cas échéant, les décisions de probation et surveille les mesures de probation prononcées sur la base d’un jugement ou les peines de substitution qu’il comporte et prend toute autre décision en rapport avec ledit jugement, sauf si la présente décision-cadre en dispose autrement.

[...]

3.   La présente décision-cadre ne s’applique pas :

a) à l’exécution des jugements en matière pénale portant condamnation à une peine ou mesure privative de liberté qui entre dans le champ d’application de la décision-cadre [2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO 2008, L 327, p. 27)] ;

[...] »

8 L’article 14, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947 prévoit :

« L’autorité compétente de l’État d’exécution est compétente pour prendre toute décision ultérieure ayant trait à une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, une libération conditionnelle, une condamnation sous condition ou une peine de substitution, en particulier lorsqu’une mesure de probation ou une peine de substitution n’a pas été respectée ou lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale.

Ces décisions ultérieures sont notamment :

a) la modification des obligations ou des injonctions que comporte la mesure de probation ou la peine de substitution, ou la modification de la durée de la période de probation ;

b) la révocation du sursis à l’exécution du jugement ou la révocation de la décision de libération conditionnelle ; ainsi que

c) le prononcé d’une peine ou d’une mesure privative de liberté en cas de peine de substitution ou de condamnation sous condition. »

Le droit bulgare

9 L’article 8 du Nakazatelen kodeks (code pénal, ci-après le « NK ») dispose, à son paragraphe 2 :

« Une condamnation prononcée dans un autre État membre de l’Union européenne, passée en force de chose jugée, pour un acte qui constitue une infraction conformément au [NK] est prise en compte dans toute procédure pénale menée contre la même personne en République de Bulgarie. »

10 L’article 68, paragraphe 1, de ce code est libellé comme suit :

« Si, avant la fin de la période de mise à l’épreuve fixée par le tribunal, la personne condamnée commet une autre infraction intentionnelle faisant l’objet de poursuites à la diligence du ministère public et pour laquelle une peine privative de liberté lui est infligée, même après la période de mise à l’épreuve, elle doit également s’acquitter de la peine assortie d’un sursis. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

11 QS est un ressortissant roumain résidant en Roumanie.

12 Par un jugement du 3 avril 2019, confirmé par un arrêt de la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), du 24 juin 2019, lequel est passé en force de chose jugée, QS a été condamné à une peine privative de liberté d’un an et six mois, assortie d’un sursis probatoire de deux ans expirant le 24 juin 2021 (ci-après la « première condamnation »), du chef de l’infraction de conduite d’un véhicule en état d’ivresse (ci–après la « première infraction »).

13 Le 1er septembre 2020, au cours de la période de mise à l’épreuve prévue par la première condamnation, QS a commis, sur le territoire bulgare, une nouvelle infraction pour avoir conduit un véhicule en état d’ivresse (ci-après la « seconde infraction »).

14 Par une ordonnance de la juridiction de renvoi, le Rayonen sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie), passée en force de chose jugée le 9 mars 2022, QS a été condamné à une peine privative de liberté de trois mois, à une amende d’un montant de 150 leva bulgares (BGN) (environ 77 euros) ainsi qu’à une suspension du permis de conduire pour une période de 12 mois (ci–après la « seconde condamnation »).

15 Le 23 mars 2022, la juridiction de renvoi a été saisie d’une demande, déposée par le procureur près le Rayonna prokuratura Burgas (parquet d’arrondissement de Burgas, Bulgarie) en application de l’article 68, paragraphe 1, du NK, tendant à l’exécution de la première condamnation, au motif que la seconde infraction avait été commise pendant la période de mise à l’épreuve prévue par cette condamnation.

16 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à l’interprétation de la décision-cadre 2008/675. À cet égard, elle fait valoir que l’article 8, paragraphe 2, du NK a transposé l’article 3, paragraphe 1, de cette décision-cadre, en prévoyant qu’une condamnation prononcée contre une personne dans un autre État membre que la République de Bulgarie et passée en force de chose jugée, pour un acte qui constitue une infraction conformément au NK, est prise en compte dans toute
procédure pénale engagée en Bulgarie contre cette personne.

17 Or, tel serait le cas de la première condamnation, dès lors que QS aurait été définitivement condamné à une peine privative de liberté d’un an et six mois en Roumanie et que, sur la base des informations recueillies au moyen des instruments d’entraide judiciaire, il serait établi que l’acte constitutif de la première infraction constitue également une infraction au titre du NK.

18 La juridiction de renvoi constate, en outre, que, en l’occurrence, toutes les conditions prévues à l’article 68, paragraphe 1, du NK aux fins de l’exécution effective de la première condamnation seraient réunies. En effet, avant la fin de la période de mise à l’épreuve prévue dans le cadre de cette condamnation, QS aurait commis une autre infraction intentionnelle pour laquelle il aurait été condamné à une peine privative de liberté.

19 Ainsi, cette juridiction considère qu’elle est tenue de prendre en compte la première condamnation et d’ordonner son exécution effective, en vertu des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, et de l’article 68, paragraphe 1, du NK. Selon ladite juridiction, se poserait toutefois la question de savoir si l’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675 s’oppose à une telle prise en compte.

20 La juridiction de renvoi soutient que cette disposition, telle qu’interprétée par la Cour, notamment dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov (C‑171/16, EU:C:2017:710), exige de ne pas réexaminer une décision relative à l’exécution d’une condamnation antérieure. Cependant, elle estime que la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à cet arrêt, en ce que l’éventuelle modification des modalités d’exécution de la première condamnation ne résulterait pas d’une décision
discrétionnaire de cette juridiction, mais découlerait d’une obligation légale prévue à l’article 68, paragraphe 1, du NK.

21 C’est dans ces conditions que le Rayonen sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre [2008/675] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que [celle résultant d]es dispositions combinées de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 8, paragraphe 2, du [NK], qui prévoit que le tribunal national saisi d’une demande d’exécution de la peine infligée dans le cadre d’une condamnation antérieure prononcée par une juridiction d’un autre État membre, peut modifier à cette fin les modalités
d’exécution de cette dernière peine en ordonnant son exécution effective ? »

Sur la question préjudicielle

22 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675 doit être interprété en ce sens qu’il permet à une juridiction d’un État membre, saisie d’une demande tendant à l’exécution d’une peine assortie d’un sursis probatoire infligée dans le cadre d’une condamnation définitive rendue antérieurement dans un autre État membre pour des faits différents, de révoquer ce sursis et d’ordonner l’exécution effective
de cette peine.

23 Il convient, à titre liminaire, de vérifier si une telle demande relève du champ d’application de la décision-cadre 2008/675.

24 À cet égard, il y a lieu de rappeler que cette décision-cadre a pour objet, en vertu de son article 1er, paragraphe 1, de déterminer les conditions dans lesquelles les condamnations antérieures prononcées dans un État membre à l’égard d’une personne sont prises en compte à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale engagée dans un autre État membre contre cette même personne et pour des faits différents (arrêt du 5 juillet 2018, Lada, C‑390/16, EU:C:2018:532, point 27 et jurisprudence citée). Il
y a également lieu de relever que, conformément à l’article 2 de ladite décision-cadre, la notion de « condamnation » vise toute décision définitive d’une juridiction pénale établissant la culpabilité d’une personne pour une infraction pénale.

25 Il s’ensuit que, ainsi que l’a, en substance, relevé M. l’avocat général au point 36 de ses conclusions, la décision-cadre 2008/675 a vocation à s’appliquer à toute nouvelle procédure pénale engagée dans un État membre contre une personne ayant fait l’objet d’une condamnation définitive rendue antérieurement dans un autre État membre pour des faits différents.

26 Par ailleurs, il résulte de l’article 3, paragraphe 2, de cette décision-cadre, lu à la lumière des considérants 2 et 7 de celle-ci, que, aux fins de l’application de ladite décision-cadre, la notion de « nouvelle procédure pénale » comprend la phase qui précède le procès pénal, le procès pénal lui-même et l’exécution de la condamnation (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2018, Lada, C‑390/16, EU:C:2018:532, points 29 et 30).

27 Ainsi, la décision-cadre 2008/675 s’applique non seulement aux procédures liées à la détermination et à l’établissement de la culpabilité éventuelle de la personne poursuivie, mais aussi à celles relatives à l’exécution de la peine pour lesquelles doit être prise en compte la peine infligée par une décision de condamnation rendue antérieurement dans un autre État membre et devenue définitive (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov, C‑171/16, EU:C:2017:710, point 28).

28 En l’occurrence, la demande au principal mentionnée au point 15 du présent arrêt a été introduite dans un État membre, à savoir la République de Bulgarie, contre une personne ayant fait l’objet d’une première condamnation définitive rendue antérieurement dans un autre État membre, à savoir la Roumanie.

29 En outre, bien que cette demande tende à l’exécution effective de la peine infligée par cette première condamnation, elle a été introduite en raison du prononcé, en Bulgarie, d’une seconde condamnation à l’égard de ladite personne pour des faits différents et s’inscrit dans une procédure relative à l’exécution de cette seconde condamnation pour laquelle doit être prise en compte la peine infligée par ladite première condamnation rendue en Roumanie.

30 En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 40 de ses conclusions, il ressort du droit national applicable, tel qu’exposé dans la décision de renvoi, que, lorsque, comme en l’occurrence, une personne précédemment condamnée à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire, y compris dans un autre État membre, est à nouveau condamnée à une peine privative de liberté pour une infraction intentionnelle commise pendant la période de mise à l’épreuve fixée par la
première condamnation, la juridiction compétente, aux fins de prononcer la nouvelle condamnation, statue également sur l’exécution de la peine assortie d’un sursis telle que prévue par la première condamnation.

31 Il résulte de ce qui précède que la demande au principal s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle procédure pénale engagée dans un État membre contre une personne ayant fait l’objet d’une condamnation définitive rendue antérieurement dans un autre État membre pour des faits différents et, partant, relève, à ce titre, du champ d’application de la décision-cadre 2008/675.

32 Dans ces conditions, il convient de comprendre que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui permet à une juridiction de cet État, saisie, dans le cadre d’une nouvelle procédure pénale engagée contre une personne qui a fait l’objet d’une condamnation définitive à une peine, assortie d’un sursis probatoire, rendue antérieurement
dans un autre État membre pour des faits différents et qui n’a pas encore été intégralement exécutée, d’une demande tendant à l’exécution de cette condamnation, de révoquer ce sursis et d’ordonner l’exécution effective de cette peine.

33 À cet égard, il importe de souligner d’emblée que, ainsi que l’énonce son considérant 6, ladite décision-cadre ne vise pas à faire exécuter, dans un État membre, des décisions judiciaires rendues dans d’autres États membres. Elle vise, en revanche, ainsi qu’il ressort de ses considérants 2 et 5 à 7, à ce que chaque État membre veille à attacher aux condamnations pénales antérieures prononcées dans un autre État membre des effets juridiques équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations
prononcées par ses propres tribunaux conformément au droit national, ce afin d’apprécier le passé pénal de la personne concernée, de retenir la récidive, ainsi que de déterminer la nature des peines et les modalités d’exécution susceptibles d’être mises en œuvre [voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, AV (Jugement global), C‑221/19, EU:C:2021:278, points 47 à 49 ainsi que jurisprudence citée].

34 Conformément à cet objectif, l’article 3, paragraphe 1, de la même décision-cadre, lu à la lumière du considérant 5 de celle-ci, impose aux États membres de faire en sorte que, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale engagée contre une personne, les condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre contre celle-ci pour des faits différents, pour lesquelles des informations ont été obtenues en vertu des instruments applicables en matière d’entraide judiciaire ou d’échange
d’informations extraites des casiers judiciaires, d’une part, soient prises en compte, dans la mesure où les condamnations nationales antérieures sont elles-mêmes prises en compte en vertu du droit national et, d’autre part, se voient reconnaître des effets équivalents à ceux qui sont attachés à ces dernières condamnations conformément à ce droit, qu’il s’agisse d’effets factuels ou d’effets de droit procédural ou matériel [voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, AV (Jugement global), C‑221/19,
EU:C:2021:278, point 50 et jurisprudence citée].

35 Cependant, conformément à l’article 3, paragraphe 3, de la décision–cadre 2008/675, la prise en compte, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale, de condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre ne peut avoir pour effet ni d’influer sur ces condamnations antérieures ou sur toute décision relative à leur exécution dans l’État membre dans lequel se déroule la nouvelle procédure pénale ni de révoquer ou de réexaminer lesdites condamnations, qui doivent être prises en compte
telles qu’elles ont été prononcées [arrêt du 15 avril 2021, AV (Jugement global), C‑221/19, EU:C:2021:278, point 53 et jurisprudence citée].

36 Dans le prolongement de cette disposition, l’article 3, paragraphe 4, de cette décision-cadre précise que l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci ne s’applique pas dans la mesure où, si la condamnation antérieure avait été une condamnation nationale dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure, la prise en compte de cette condamnation antérieure aurait eu pour effet, conformément au droit national de cet État membre, d’influer sur ladite condamnation antérieure ou toute décision relative
à son exécution, de les révoquer ou de les réexaminer.

37 Aux fins de l’application de l’article 3, paragraphes 3 et 4, de ladite décision-cadre, le considérant 14 de celle-ci précise qu’« influer sur une [condamnation] ou sur son exécution » est une notion qui couvre notamment les situations dans lesquelles, en vertu du droit interne de l’État membre où se déroule la nouvelle procédure pénale, la peine infligée par la condamnation antérieure doit être absorbée par une autre peine ou incluse dans une autre peine, laquelle doit alors être effectivement
exécutée, pour autant que cette condamnation n’ait pas encore été exécutée ou que son exécution n’ait pas été transférée dans cet État membre.

38 À cet égard, la Cour a, en premier lieu, dit pour droit que l’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675, lu à la lumière du considérant 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu’une juridiction nationale, saisie dans le cadre d’une nouvelle procédure pénale, puisse révoquer le sursis à exécution dont est assortie une peine privative de liberté infligée par une condamnation définitive rendue antérieurement dans un autre
État membre et ayant déjà été intégralement exécutée, et transformer cette peine en une peine d’emprisonnement ferme. En effet, la prise en compte de cette condamnation dans de telles circonstances aurait pour effet de réexaminer les modalités d’exécution de ladite condamnation (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov, C‑171/16, EU:C:2017:710, points 44 à 47).

39 Il s’ensuit que, s’agissant d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire rendue antérieurement dans un État membre et intégralement exécutée, l’article 3, paragraphes 3 et 4, de la décision-cadre 2008/675, lu à la lumière des considérants 6 et 14 de celle-ci, s’oppose à ce qu’une juridiction nationale prenne en compte cette condamnation au même titre qu’une condamnation nationale et reconnaisse à ladite condamnation des effets équivalents à ceux
qui sont attachés aux condamnations nationales, lorsque cela aurait pour effet, conformément au droit national applicable, de révoquer le sursis probatoire dont la peine infligée par ladite condamnation était assortie et de transformer cette peine en une peine d’emprisonnement ferme.

40 En second lieu, la Cour a précisé que la prise en compte d’une condamnation définitive rendue antérieurement dans un autre État membre et n’ayant pas été intégralement exécutée, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale engagée contre la même personne pour des faits différents en vue du prononcé d’une peine totale prenant en compte celle infligée par cette condamnation, n’a pas pour effet d’influer sur ladite condamnation ou toute décision relative à son exécution, au sens de l’article 3,
paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675, lu à la lumière du considérant 14 de celle-ci, lorsque la même condamnation a été transmise et reconnue, conformément à la décision-cadre 2008/909, aux fins de son exécution dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure pénale [voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, AV (Jugement global), C‑221/19, EU:C:2021:278, points 55 et 56].

41 Dans ce contexte, il convient de relever, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 51 de ses conclusions, que, s’agissant d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire, telle que celle en cause au principal, la transmission de cette condamnation à l’autorité compétente de l’État membre où se déroule la nouvelle procédure pénale et la reconnaissance de ladite condamnation par cet État membre sont régies non pas par la décision-cadre
2008/909, mais par la décision-cadre 2008/947 [voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, A. P. (Mesures de probation), C‑2/19, EU:C:2020:237, point 59]. En effet, les champs d’application de ces deux décisions-cadres s’excluent mutuellement, ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 3, sous a), de la décision-cadre 2008/947.

42 Il n’en demeure pas moins que, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de cette dernière décision-cadre, l’un des effets de la reconnaissance d’une condamnation à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire est précisément de conférer à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution le pouvoir d’adopter les mesures relatives au sursis initialement accordé, qui apparaissent nécessaires lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale, dont notamment la
révocation du sursis [voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, A. P. (Mesures de probation), C‑2/19, EU:C:2020:237, points 47 à 49].

43 Il s’ensuit que, s’agissant d’une condamnation définitive à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire, qui a été rendue antérieurement dans un État membre et qui n’a pas été intégralement exécutée, ce n’est que lorsque cette condamnation a été transmise et reconnue, conformément à la décision-cadre 2008/947, que l’article 3, paragraphes 3 et 4, de la décision-cadre 2008/675, lu à la lumière des considérants 6 et 14 de celle-ci, ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction
nationale prenne en compte cette condamnation au même titre qu’une condamnation nationale et reconnaisse à ladite condamnation des effets équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations nationales, lorsque cette prise en compte a pour conséquence de révoquer le sursis probatoire dont cette peine était assortie et d’ordonner l’exécution effective de ladite peine. En effet, ce n’est que dans une telle hypothèse qu’une telle prise en compte de la même condamnation n’aurait pas pour effet
d’influer sur les décisions relatives à son exécution, au sens de ladite disposition.

44 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que, après avoir été condamné, en Roumanie, à une peine privative de liberté d’un an et six mois, assortie d’un sursis probatoire de deux ans expirant le 24 juin 2021, QS a commis, le 1er septembre 2020, soit au cours de la période de mise à l’épreuve prévue par la première condamnation, une seconde infraction pour laquelle il a été condamné en Bulgarie. Il s’ensuit que la première condamnation n’avait pas été intégralement
exécutée à la date à laquelle la seconde infraction a été commise.

45 D’autre part, selon la juridiction de renvoi, la prise en compte, dans le cadre de la procédure au principal, de la première condamnation au même titre qu’une condamnation nationale et la reconnaissance à cette condamnation d’effets équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations nationales auraient pour effet, conformément au droit national, tel qu’interprété par cette juridiction, d’obliger celle-ci à révoquer le sursis probatoire dont cette peine était assortie et à ordonner l’exécution
effective de ladite condamnation.

46 Or, ainsi qu’il a été relevé au point 43 du présent arrêt, une telle prise en compte de la première condamnation ne saurait avoir lieu que lorsque l’exécution de cette condamnation a été transmise et reconnue dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure pénale, à savoir, en l’occurrence, en Bulgarie, dans le respect des conditions prévues par la décision-cadre 2008/947.

47 Toutefois, il ne ressort nullement de la décision de renvoi que l’arrêt de la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj), mentionné au point 12 du présent arrêt, a été transmis, en application de cette décision-cadre, aux autorités compétentes bulgares en vue de sa reconnaissance et de la surveillance des mesures de probation que cet arrêt comporterait, ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier.

48 Il convient encore d’ajouter que la circonstance, évoquée par la juridiction de renvoi, qu’une telle influence sur les modalités d’exécution de la peine infligée par la première condamnation, telle qu’elle a été prononcée, ne résulterait pas d’un réexamen de cette condamnation à l’initiative de cette juridiction ou de la personne condamnée, mais découlerait, en application de la loi bulgare, de la prise en compte de ladite condamnation comme si elle avait été prononcée par des juridictions
bulgares, est sans pertinence à cet égard. En effet, il suffit de constater qu’une juridiction nationale ne saurait prendre en compte, de cette manière, une condamnation antérieure définitive, rendue dans un autre État membre, en dehors des hypothèses prévues par la décision-cadre 2008/947.

49 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre qui permet à une juridiction de cet État, saisie, dans le cadre d’une nouvelle procédure pénale engagée contre une personne qui a fait l’objet d’une condamnation définitive à une peine, assortie d’un sursis probatoire, rendue antérieurement dans un
autre État membre pour des faits différents et qui n’a pas encore été intégralement exécutée, d’une demande tendant à l’exécution de cette condamnation, de révoquer ce sursis et d’ordonner l’exécution effective de cette peine, à condition que ladite condamnation ait été transmise et reconnue dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure pénale, conformément à la décision-cadre 2008/947.

Sur les dépens

50 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  L’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale,

  doit être interprété en ce sens que :

  il ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre qui permet à une juridiction de cet État, saisie, dans le cadre d’une nouvelle procédure pénale engagée contre une personne qui a fait l’objet d’une condamnation définitive à une peine, assortie d’un sursis probatoire, rendue antérieurement dans un autre État membre pour des faits différents et qui n’a pas encore été intégralement exécutée, d’une demande tendant à l’exécution de cette condamnation, de révoquer ce sursis et d’ordonner
l’exécution effective de cette peine, à condition que ladite condamnation ait été transmise et reconnue dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure pénale, conformément à la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-219/22
Date de la décision : 05/10/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Rayonen sad Nesebar.

Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2008/675/JAI – Prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale – Article 1er, paragraphe 1 – Champ d’application – Article 3, paragraphes 1, 3 et 4 – Obligation de reconnaître aux condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres des effets équivalents à ceux attachés aux condamnations nationales – Conditions – Condamnation à une peine privative de liberté assortie d’un sursis probatoire – Nouvelle infraction commise pendant la période de sursis – Révocation du sursis et exécution effective de la peine privative de liberté – Influence sur la condamnation antérieure et toute décision relative à son exécution – Décision-cadre 2008/947/JAI – Article 14, paragraphe 1 – Reconnaissance des condamnations aux fins de la surveillance des mesures de probation et de l’éventuelle révocation du sursis à exécution.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Coopération policière

Coopération judiciaire en matière pénale


Parties
Demandeurs : Procédure pénale
Défendeurs : QS.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Rossi

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:732

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