CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA
présentées le 16 novembre 2023 ( 1 )
Affaire C‑627/22
AB
contre
Finanzamt Köln-Süd
[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur la libre circulation des personnes – Transfert du domicile d’une personne physique d’un État membre vers la Suisse – Fiscalité directe – Libre circulation des travailleurs salariés – Égalité de traitement – Avantages fiscaux – Impôt sur le revenu – Imposition sur demande uniquement possible pour les travailleurs salariés partiellement assujettis ayant leur résidence fiscale dans un État membre de l’Union ou
dans un pays de l’Espace économique européen (EEE) »
1. Le présent renvoi préjudiciel porte sur le traitement réservé aux travailleurs salariés qui résident en Suisse et qui sont partiellement assujettis à l’impôt sur le revenu allemand lorsqu’ils perçoivent des salaires en Allemagne ( 2 ).
2. Selon la juridiction de renvoi, ces travailleurs résidant en Suisse ne peuvent pas recourir au mécanisme de l’imposition sur demande ( 3 ) afin d’« obtenir, en prenant en compte les frais professionnels ainsi qu’en imputant l’impôt allemand sur les salaires prélevé dans le cadre de la procédure de retenue à la source, un remboursement de l’impôt sur le revenu ». En revanche, cette possibilité est offerte aux personnes résidant en Allemagne et dans d’autres États membres de l’Union européenne et
de l’Espace économique européen (EEE).
3. Lors de sa réponse à la question préjudicielle, la Cour devra compléter sa jurisprudence relative au champ d’application personnel de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après l’« ALCP ») ( 4 ) et à l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité contenue dans cet accord.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union : l’ALCP
4. Conformément à l’article 1er (« Objectif ») de l’ALCP :
« L’objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de la Suisse, est :
a) d’accorder un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée, d’établissement en tant qu’indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes ;
[...]
c) d’accorder un droit d’entrée et de séjour, sur le territoire des parties contractantes, aux personnes sans activité économique dans le pays d’accueil ;
d) d’accorder les mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux nationaux. »
5. Aux termes de l’article 2 (« Non-discrimination ») de l’ALCP :
« Les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité. »
6. L’article 4 (« Droit de séjour et d’accès à une activité économique ») de l’ALCP dispose :
« Le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l’article 10 et conformément aux dispositions de l’annexe I. »
7. L’article 7 (« Autres droits ») de l’ALCP prévoit :
« Les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe I, notamment les droits mentionnés ci-dessous liés à la libre circulation des personnes :
a) le droit à l’égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l’accès à une activité économique et son exercice ainsi que les conditions de vie, d’emploi et de travail ;
[...] »
8. L’article 13 (« Stand still ») de l’ALCP énonce :
« Les parties contractantes s’engagent à ne pas adopter de nouvelles mesures restrictives à l’égard des ressortissants de l’autre partie dans les domaines d’application du présent accord. »
9. L’article 16 (« Référence au droit communautaire ») de l’ALCP est libellé comme suit :
« 1. Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations.
2. Dans la mesure où l’application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette
jurisprudence. »
10. Conformément à l’article 21 (« Relation avec les accords bilatéraux en matière de double imposition ») de l’ALCP :
« 1. Les dispositions des accords bilatéraux entre la Suisse et les États membres de la Communauté européenne en matière de double imposition ne sont pas affectées par les dispositions du présent accord. En particulier les dispositions du présent accord ne doivent pas affecter la définition du travailleur frontalier selon les accords de double imposition.
2. Aucune disposition du présent accord ne peut être interprétée de manière à empêcher les parties contractantes d’établir une distinction, dans l’application des dispositions pertinentes de leur législation fiscale, entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans des situations comparables, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence.
3. Aucune disposition du présent accord ne fait obstacle à l’adoption ou l’application par les parties contractantes d’une mesure destinée à assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l’évasion fiscale conformément aux dispositions de la législation fiscale nationale d’une partie contractante ou aux accords visant à éviter la double imposition liant la Suisse, d’une part, et un ou plusieurs États membres de la Communauté européenne, d’autre part, ou
d’autres arrangements fiscaux. »
11. Aux termes de l’article 7 (« Travailleurs frontaliers salariés »), paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP :
« Le travailleur frontalier salarié est un ressortissant d’une partie contractante qui a sa résidence sur le territoire d’une partie contractante et qui exerce une activité salariée sur le territoire de l’autre partie contractante en retournant à son domicile en principe chaque jour, ou au moins une fois par semaine. »
12. L’article 9 (« Égalité de traitement ») de l’annexe I de l’ALCP dispose :
« 1. Un travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante ne peut, sur le territoire de l’autre partie contractante, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux salariés en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.
2. Le travailleur salarié et les membres de sa famille visés à l’article 3 de la présente annexe y bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille.
[...] »
B. Le droit allemand : la loi relative à l’impôt sur le revenu
13. Conformément à l’article 1er de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu, ci-après l’« EStG ») ( 5 ) :
– les personnes physiques qui ont un domicile ou leur résidence habituelle en Allemagne sont intégralement assujetties à l’impôt sur le revenu ;
– les personnes physiques qui n’ont ni un domicile ni leur résidence habituelle en Allemagne peuvent, si elles le demandent, être également traitées comme étant intégralement assujetties à l’impôt sur le revenu si elles ont des revenus nationaux au sens de l’article 49 de l’EStG ( 6 ) ;
– les personnes physiques qui n’ont ni un domicile ni leur résidence habituelle en Allemagne sont partiellement assujetties à l’impôt sur le revenu si elles ont des revenus nationaux au sens de l’article 49 de l’EStG ( 7 ).
14. L’article 38 de l’EStG indique que, pour les revenus provenant d’une activité salariée, l’impôt sur le revenu est prélevé à la source en le déduisant du salaire (impôt sur les salaires) lorsque le salaire est versé par un employeur qui a un domicile, sa résidence habituelle, sa direction, son siège, un établissement stable ou un représentant permanent sur le territoire national.
15. L’article 46, paragraphe 2, point 8, de l’EStG prévoit que, lorsque les revenus proviennent, en tout ou en partie, d’une activité salariée ayant fait l’objet d’une retenue à la source, ils ne sont imposés que si l’imposition a été demandée, notamment aux fins de l’imputation de l’impôt sur les salaires sur l’impôt sur le revenu. Cette demande doit être introduite par le dépôt d’une déclaration d’impôt sur le revenu.
16. Conformément à l’article 49 de l’EStG, constituent des revenus nationaux aux fins de l’assujettissement partiel à l’impôt sur le revenu, entre autres, les revenus d’une activité salariée qui est ou a été exercée ou exploitée en Allemagne.
17. L’article 50 de l’EStG contient des dispositions spécifiques concernant les personnes partiellement assujetties à l’impôt sur le revenu. En vertu de son paragraphe 2, pour ces assujettis, l’impôt sur le revenu qui s’applique aux revenus soumis à la retenue à la source sur le salaire est réputé acquitté par cette retenue.
18. Toutefois, la disposition susmentionnée ne s’applique pas si le contribuable a effectué la demande (imposition sur demande) visée à l’article 46, paragraphe 2, point 8, de l’EStG. C’est ce qu’indique l’article 50, paragraphe 2, deuxième phrase, point 4, sous b), de l’EStG.
19. En tout état de cause, l’article 50, paragraphe 2, deuxième phrase, point 4, sous b), de l’EStG s’applique en outre uniquement aux ressortissants d’un État membre de l’Union ou d’un autre État auquel s’applique l’accord sur l’EEE (ci‑après l’« accord EEE ») ( 8 ) qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire de l’un de ces États.
II. Les faits, le litige et la question préjudicielle
20. AB est un ressortissant allemand qui, pour des raisons familiales, vivait depuis 2016 en Suisse, où il avait son seul domicile, tout en étant salarié (gérant) d’une entreprise établie en Allemagne.
21. AB travaillait en cette qualité pour son employeur allemand soit depuis la Suisse (en télétravail), soit au moyen de déplacements professionnels en Allemagne. Pour ces derniers, AB a utilisé un véhicule automobile acheté au moyen d’un contrat de crédit-bail, non fourni par son entreprise, et a supporté d’autres frais liés à son véhicule et à ses déplacements professionnels.
22. En raison de son activité professionnelle en Allemagne, AB a perçu des revenus salariaux au cours des années 2017 à 2019 (ci-après les « années litigieuses »). Au cours de l’année 2021, il a cessé de résider en Suisse et a de nouveau fixé sa résidence en Allemagne.
23. Pendant les années litigieuses, AB était partiellement assujetti à l’impôt sur le revenu en Allemagne, conformément à l’article 1er, paragraphe 4, de l’EStG. Son employeur a procédé à des retenues à la source de l’impôt sur le revenu sur son salaire brut et les a versées à l’administration fiscale allemande ( 9 ).
24. Outre les revenus salariaux, AB a perçu des revenus provenant de la location de deux immeubles situés en Allemagne.
25. Pour chacune des années litigieuses, AB a déposé les déclarations d’impôt sur le revenu correspondantes, faisant état des revenus tirés de la location des immeubles et des revenus salariaux. Il y a inclus en tant que frais déductibles les frais professionnels liés à son activité salariée en Allemagne. Dans ces déclarations, il a demandé à se voir appliquer l’article 50, paragraphe 2, deuxième phrase, point 4, sous b), de l’EStG, à savoir l’imposition sur demande.
26. Le Finanzamt Köln-Süd (administration fiscale de Cologne-Sud, Allemagne) a émis les avis d’imposition sur le revenu en tenant compte des revenus d’AB provenant de la location, mais pas de ceux découlant de l’activité salariée. Par conséquent, les retenues opérées au titre de l’impôt sur le revenu allemand n’ont pas été imputées et les dépenses déclarées par AB n’ont pas été prises en compte.
27. AB a introduit des réclamations administratives contre ces avis d’imposition. Selon lui, conformément à l’ALCP, il était illégal de limiter le mécanisme de l’imposition sur demande aux travailleurs résidant dans un État membre de l’Union ou de l’EEE. Les réclamations ont été rejetées par décisions du 25 février 2020 et du 15 novembre 2021.
28. AB a introduit un recours contre ces décisions devant le Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne), qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions de l’[ALCP], notamment les articles 7 et 15 de l’ALCP, lus conjointement avec l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I de l’ALCP (droit à l’égalité de traitement), doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les travailleurs ressortissants d’un État membre de l’Union ou de l’[EEE] (y compris d’Allemagne), résidant (à savoir ayant leur domicile ou leur résidence habituelle) en Allemagne ou dans un État
membre de l’Union ou de l’EEE, peuvent certes demander volontairement à être imposés à l’impôt sur le revenu au titre des revenus d’une activité salariée, imposables en Allemagne (“imposition sur demande”), notamment pour obtenir, en prenant en compte les dépenses (frais professionnels) ainsi qu’en imputant l’impôt allemand sur les salaires prélevé dans le cadre de la procédure de retenue à la source, un remboursement de l’impôt sur le revenu, mais que ce droit est refusé aux ressortissants
allemands et suisses résidant en Suisse ? »
III. La procédure devant la Cour
29. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 4 octobre 2022.
30. Des observations écrites ont été présentées par le gouvernement allemand et par la Commission européenne.
31. La tenue d’une audience n’a pas été jugée nécessaire.
IV. Appréciation
32. La question préjudicielle portant sur le point de savoir si certaines dispositions de l’ALCP s’opposent au régime fiscal controversé, je commencerai mon analyse en examinant l’applicabilité ratione personae de cet accord au litige au principal.
33. Cette prémisse étant posée, j’aborderai les caractéristiques de la réglementation allemande en matière d’impôt sur le revenu, afin de déterminer si, eu égard aux circonstances de l’espèce, elle peut enfreindre l’interdiction de discrimination visée à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I de l’ALCP.
A. Le champ d’application personnel de l’ALCP
34. Comme je l’ai exposé précédemment, le litige porte sur le point de savoir si un ressortissant allemand, travailleur salarié d’une entreprise allemande et résident en Suisse, peut bénéficier du mécanisme (imposition sur demande) que la législation allemande en matière d’impôt sur le revenu réserve aux résidents en Allemagne et aux ressortissants d’autres États membres de l’Union et des États parties à l’accord EEE qui résident dans l’un de ces États.
35. Afin de déterminer si l’ALCP s’applique dans une telle situation, il convient tout d’abord de rappeler les caractéristiques de cet accord et son interprétation par la Cour.
36. Dans l’arrêt Wächtler ( 10 ), la Cour a :
– rappelé, à titre liminaire, que « l’ALCP étant un traité international, il doit être interprété, conformément à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but [...]. En outre, il résulte de cette disposition qu’un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi
que telle était l’intention des parties » ( 11 ) ;
– déclaré que « l’ALCP se situe dans le cadre plus général des relations entre l’Union européenne et la Confédération suisse. Si cette dernière ne participe pas à l’[EEE] et au marché intérieur de l’Union, elle est toutefois liée à celle-ci par de multiples accords couvrant de vastes domaines et prévoyant des droits et des obligations spécifiques, analogues, à certains égards, à ceux prévus par le traité. L’objet général de ces accords, y compris de l’ALCP, est de resserrer les liens économiques
entre l’Union et la Confédération suisse [...] » ( 12 ) ;
– souligné, toutefois, que, « la Confédération suisse n’ayant pas adhéré au marché intérieur de l’Union, l’interprétation donnée des dispositions du droit de l’Union relatives à ce marché ne peut être automatiquement transposée à l’interprétation de l’ALCP, sauf dispositions expresses à cet effet prévues par cet accord lui-même [...] » ( 13 ) ;
– affirmé que, « [s]’agissant [...] de l’objectif de l’ALCP et de l’interprétation de ses termes, il résulte du préambule, de l’article 1er et de l’article 16, paragraphe 2, de cet accord que celui-ci vise à réaliser, en faveur des ressortissants, personnes physiques, de l’Union et de la Confédération suisse, la libre circulation des personnes sur le territoire de ces parties en s’appuyant sur les dispositions en application dans l’Union, dont les notions doivent être interprétées en tenant
compte de la jurisprudence pertinente de la Cour antérieure à la date de la signature dudit accord » ( 14 ) ;
– ajouté que, « [q]uant à la jurisprudence postérieure à cette date, il convient de relever que l’article 16, paragraphe 2, de l’ALCP prévoit, d’une part, que cette jurisprudence doit être communiquée à la Confédération suisse et, d’autre part, que, en vue d’assurer le bon fonctionnement de cet accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte prévu à l’article 14 dudit accord détermine les implications d’une telle jurisprudence. Cela étant, même en l’absence de décision de ce
comité, il y a lieu [...] de prendre également en considération ladite jurisprudence pour autant que celle-ci ne fait que préciser ou confirmer les principes dégagés dans la jurisprudence existante à la date de la signature de l’ALCP relative aux notions de droit de l’Union, dont cet accord s’inspire » ( 15 ).
37. J’analyserai donc dans cette perspective le champ d’application personnel de l’ALCP afin de déterminer si un travailleur salarié ( 16 ) allemand résidant en Suisse peut s’en prévaloir à l’encontre de l’Allemagne.
38. Aux termes du préambule ainsi que de l’article 1er, sous a) et c), de l’ALCP, relèvent du champ d’application de cet accord tant les personnes physiques exerçant une activité économique que celles n’exerçant pas une telle activité. En l’espèce, AB exerce une activité économique salariée pour une société allemande dont il a perçu un salaire, pendant les années litigieuses, après avoir fixé sa résidence en Suisse à partir de 2016 pour des raisons familiales ( 17 ).
39. L’hypothèse ordinaire d’application de l’ALCP est celle d’un ressortissant d’un État membre de l’Union qui invoque cet accord à l’encontre du pays vers lequel il se déplace pour exercer une activité salariée. La Cour a toutefois précisé que, dans certaines circonstances et en fonction des dispositions applicables, les ressortissants d’une partie contractante pouvaient faire valoir des droits tirés de l’ALCP non seulement à l’égard du pays vers lequel ils exercent une liberté de circulation, mais
également à l’égard de leur propre pays ( 18 ).
40. Dans la situation personnelle d’AB, deux circonstances sont réunies :
– il ne s’agit pas d’un « travailleur frontalier salarié », travailleurs visés à l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP, parce que AB n’exerce pas son activité en Allemagne en retournant à son domicile en Suisse chaque jour, ou au moins une fois par semaine. Pendant les années litigieuses, AB, résidant en Suisse, a exercé son activité salariée à partir de la Suisse ou au moyen de déplacements en Allemagne dans son propre véhicule afin de contacter des clients de l’entreprise
allemande pour laquelle il travaille ;
– AB est un ressortissant d’une partie contractante à l’ALCP (l’Allemagne) qui réside sur le territoire d’une autre partie contractante (la Suisse) et exerce une activité salariée sur le territoire allemand. Dans ce cas, l’élément justifiant l’application de l’ALCP n’est pas la nationalité, mais la résidence dans un autre État partie à l’accord. La nationalité devient donc moins pertinente et l’application de l’ALCP trouve son origine dans le changement de pays de résidence de la personne.
41. La Cour a accepté que l’ALCP s’applique à des travailleurs frontaliers de nationalité allemande ( 19 ) ayant transféré leur résidence en Suisse tout en continuant à travailler en tant que salariés ou indépendants en Allemagne ( 20 ). Cette jurisprudence me semble a fortiori transposable à une situation telle que celle d’AB, qui n’est pas à proprement parler un travailleur frontalier dans le sens précédemment exposé, mais dont le changement de résidence dans le cadre de l’exercice de la libre
circulation permet l’invocation de l’ALCP.
42. Si tel n’était pas le cas, ainsi que la Cour l’a également soutenu, la liberté de circulation des personnes garantie par l’ALCP serait entravée. Un ressortissant d’une partie contractante subirait un désavantage dans son pays d’origine pour la seule raison d’avoir exercé son droit à la libre circulation ( 21 ).
43. La jurisprudence de la Cour postérieure à la signature de l’ALCP ne peut certes pas être mécaniquement transposée aux cas de mobilité transfrontalière entre les pays de l’Union et la Suisse, ainsi qu’il ressort de l’article 16, paragraphe 2, de l’ALCP.
44. Toutefois, même en l’absence de décision du comité mixte, la Cour a affirmé que sa jurisprudence postérieure à la signature de l’ALCP peut être prise en considération, pour autant que cette dernière ne fasse que préciser ou confirmer les principes dégagés dans la jurisprudence existant à la date de la signature relative aux notions de droit de l’Union dont l’ALCP s’inspire ( 22 ).
45. Les enseignements tirés des arrêts Ettwein et Wächtler concernant les travailleurs allemands qui transfèrent leur résidence en Suisse en exerçant la liberté de circulation prévue par l’ALCP sont conformes à la jurisprudence traditionnelle de la Cour interprétant les dispositions « équivalentes » du traité FUE relatives à la libre circulation transfrontalière des travailleurs. Il est donc possible d’y avoir recours afin de résoudre le litige.
46. Ces prémisses étant posées, je ne vois pas d’obstacle à l’application de l’ALCP à une situation telle que celle d’AB, qui a exercé son droit à la libre circulation dans le cadre de cet accord.
47. Cette affirmation n’est pas contredite, selon moi, par l’arrêt Picart. Dans celui-ci, la Cour a affirmé que l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP ne régissait pas la situation d’un ressortissant français qui entendait non pas exercer son activité économique en Suisse, mais conserver une activité dans son État d’origine (la France), bien qu’il ait transféré sa résidence en Suisse ( 23 ).
48. Dans l’affaire Picart, le litige opposait un contribuable, ressortissant français, aux autorités fiscales françaises au sujet de la décision de celles-ci de réévaluer le montant de la plus-value latente afférente aux valeurs mobilières que ce contribuable détenait et qu’il avait déclarées lors du transfert de son domicile fiscal de la France vers la Suisse ( 24 ).
49. Il s’agissait donc de déterminer l’application des dispositions de l’ALCP (relatives au droit d’établissement et au principe de non‑discrimination) à une mesure fiscale consistant à imposer les plus‑values latentes « à la sortie » du territoire national, mesure adoptée par l’État d’origine d’un ressortissant français ayant transféré son domicile fiscal en Suisse.
50. Dans l’affaire qui nous occupe, en revanche, AB reste professionnellement lié à son État d’origine et à son employeur allemand, mais a transféré sa résidence en Suisse pour des raisons familiales et a effectué son travail salarié en partie depuis la Suisse (en ligne) et en partie en étant physiquement présent en Allemagne, au moyen de déplacements vers ce dernier pays.
51. Contrairement au contribuable français dans l’affaire Picart, AB n’exerce pas une activité de gestion de participations dans des sociétés, n’est pas un investisseur ou un simple actionnaire passif, mais un travailleur salarié. Sa situation est plus proche des contextes factuels des arrêts Ettwein et Wächtler que de celui de l’arrêt Picart.
52. En somme, la situation d’AB relève du champ d’application de l’ALCP. Le gouvernement allemand lui-même déduit de l’article 1er, sous a), de l’ALCP qu’AB, en tant que personne physique de nationalité allemande résidant en Suisse et exerçant une activité économique salariée en Allemagne, relève du champ d’application de cet accord ( 25 ).
B. L’application de l’impôt sur le revenu allemand à des travailleurs salariés résidant en Suisse
53. Le régime juridique de l’impôt allemand sur le revenu des personnes physiques est défini dans l’EStG et, à l’instar d’autres systèmes nationaux analogues, il distingue entre l’assujettissement intégral et l’assujettissement partiel à l’impôt. Conformément à ses règles :
– les personnes physiques qui ont un domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire allemand sont intégralement assujetties à l’impôt (article 1er, paragraphe 1, première phrase, de l’EStG) et imposées sur l’ensemble de leur revenu mondial ;
– les personnes physiques qui n’ont ni domicile ni résidence habituelle en Allemagne sont partiellement assujetties à l’impôt lorsqu’elles perçoivent des revenus en Allemagne au sens de l’article 49, paragraphe 1, de l’EStG. Tel est le cas des travailleurs salariés qui tirent des revenus d’une activité salariée en Allemagne [article 49, paragraphe 1, point 4, sous a), de l’EStG].
54. Si le salaire est payé par un employeur résidant en Allemagne, l’impôt sur le revenu est retenu à la source (articles 38 et suivants de l’EStG), tant pour les travailleurs salariés intégralement assujettis que pour ceux étant partiellement assujettis à cet impôt.
55. Ce que l’on appelle l’impôt sur les salaires constitue un mode de perception de l’impôt sur le revenu. Si le travailleur est assujetti à l’impôt sur les salaires (article 38, paragraphe 2, première phrase, de l’EStG), l’employeur doit retenir cet impôt lors de chaque paiement de salaire (article 38, paragraphe 3, première phrase, de l’EStG) ( 26 ).
56. Pour calculer le montant de cet impôt, l’employeur doit tenir compte, entre autres, d’un « forfait salarié » (article 39b, paragraphe 2, cinquième phrase, point 1, de l’EStG). Ce montant constitue une dépense déductible au titre de frais professionnels [article 9a, première phrase, point 1, sous a), de l’EStG] ( 27 ).
57. Il est, en outre, possible de réduire la retenue à la source en prenant en considération, à la demande du travailleur, les frais professionnels dont le montant dépasse le forfait salarié ( 28 ). L’employeur doit tenir compte des abattements pour frais professionnels déclarés aux fins du calcul du salaire imposable (article 39b, paragraphe 2, quatrième phrase, de l’EStG).
58. L’impôt sur le revenu qui s’applique aux revenus salariaux soumis au prélèvement à la source est en principe réputé acquitté dès lors que la retenue à la source est pratiquée. L’effet libératoire de la retenue s’applique à tous les travailleurs salariés, qu’ils soient intégralement ou partiellement assujettis à l’impôt.
59. En ce qui concerne les travailleurs salariés partiellement assujettis à l’impôt parce qu’ils ont perçu des revenus salariaux en Allemagne :
– l’impôt est réputé acquitté, pour ces revenus salariaux, par l’effet de la retenue à la source pratiquée sur le salaire (article 50, paragraphe 2, première phrase, de l’EStG). Il en va cependant différemment lorsqu’un abattement pour frais professionnels a été établi [article 50, paragraphe 2, deuxième phrase, point 4, sous a), de l’EStG] à titre de donnée spécifique aux fins de la retenue (article 39a, paragraphe 4, de l’EStG). Dans ce cas, il est nécessaire de suivre la procédure
d’imposition et le travailleur salarié est tenu de présenter une déclaration de revenus aux fins de l’impôt sur le revenu ;
– l’effet libératoire du prélèvement à la source de l’impôt sur les salaires ne se produit pas non plus lorsque le travailleur salarié demande à se voir appliquer le régime de l’imposition sur demande prévu à l’article 50, paragraphe 2, deuxième phrase, point 4, sous b), de l’EStG. Le droit de choisir l’imposition sur demande ( 29 ) bénéficie toutefois uniquement aux ressortissants des États membres de l’Union et de l’EEE ayant leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire de l’un
de ces États, ce qui exclut les personnes résidant en Suisse (article 50, paragraphe 2, septième phrase, de l’EStG).
60. Dans le régime de l’imposition aux fins de l’impôt sur le revenu, les revenus imposables qu’un travailleur tire de son activité salariée sont déterminés en calculant la part des revenus salariaux excédant les frais professionnels (article 2, paragraphe 2, point 2, de l’EStG). Ce calcul n’est pas lié aux chiffres sur lesquels se base la procédure applicable à l’impôt sur les salaires. L’impôt sur les salaires qui est prélevé à la source par l’employeur est imputé sur le montant de l’impôt sur le
revenu ainsi calculé [article 36, paragraphe 2, point 2, sous a), de l’EStG] et, le cas échéant, remboursé (article 36, paragraphe 4, deuxième phrase, de l’EStG). Ce régime d’imposition peut également conduire l’administration fiscale à réclamer le paiement d’un supplément d’impôt.
61. Si un employeur a pratiqué une retenue à la source au titre d’un impôt sur les salaires pour lequel l’Allemagne n’a pas de droit d’imposition en vertu d’une convention préventive de double imposition et si une procédure d’imposition aux fins de l’impôt sur le revenu n’est pas appliquée, le travailleur salarié peut encore demander, dans le cadre d’une procédure spécifique (par analogie avec l’article 50d, paragraphe 1, deuxième phrase, de l’EStG), le remboursement du montant de l’impôt sur les
salaires indûment retenu à la source. Le délai pour réclamer ce remboursement est de quatre ans à compter de la fin de l’année civile durant laquelle l’impôt est né (par analogie avec l’article 50d, paragraphe 1, neuvième phrase, de l’EStG) ( 30 ).
62. En somme, pour ce qui importe ici, l’élément déterminant est que les travailleurs salariés résidant en Suisse qui perçoivent des revenus salariaux en Allemagne, au titre desquels ils sont partiellement assujettis à l’impôt sur le revenu, ne peuvent pas recourir au mécanisme de l’imposition sur demande prévu à l’article 50, paragraphe 2, deuxième phrase, point 4, sous b), de l’EStG.
C. L’égalité de traitement et l’interdiction de la discrimination dans l’ALCP
63. Ainsi qu’il ressort de son préambule, de son article 1er et de son article 16, paragraphes 1 et 2, l’ALCP vise à réaliser, en faveur des ressortissants de l’Union et de la Suisse, la « liberté des personnes de circuler sur les territoires des parties contractantes ». Cet objectif doit être atteint en s’appuyant « sur les dispositions en application dans l’Union, dont les notions doivent être interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour » ( 31 ).
64. Conformément à l’article 1er, sous a) et d), de l’ALCP, les ressortissants des États membres de l’Union et de la Suisse se voient reconnaître (notamment) les droits d’entrée, de séjour et d’accès à une activité économique salariée ainsi que les mêmes conditions de vie, d’emploi et de travail que celles accordées aux propres ressortissants.
65. L’article 4 de l’ALCP garantit le droit d’accès à une activité économique conformément aux dispositions de l’article 10 et de l’annexe I de cet accord. Le chapitre II de l’annexe I de l’ALCP contient les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs salariés, et en particulier celles relatives au principe de l’égalité de traitement ( 32 ).
66. En particulier, l’article 9 de l’annexe I de l’ALCP est consacré à l’égalité de traitement et énonce :
– « Un travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante ne peut, sur le territoire de l’autre partie contractante, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux salariés en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage » (paragraphe 1) ;
– « Le travailleur salarié et les membres de sa famille [...] y bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille » (paragraphe 2).
67. La Cour a jugé que, en matière d’avantages fiscaux, le principe d’égalité de traitement prévu à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I de l’ALCP « peut également être invoqué par un travailleur ressortissant d’une partie contractante, ayant exercé son droit de libre circulation, à l’égard de son État d’origine » ( 33 ). Comme je l’ai indiqué précédemment, les ressortissants allemands résidant en Suisse peuvent sans difficulté invoquer cette disposition à l’encontre des autorités allemandes.
68. Le principe d’égalité de traitement visé à l’article 9 de l’annexe I de l’ALCP va au-delà de la stricte discrimination en raison de la nationalité ( 34 ) et s’étend aux différences de traitement résultant du lieu de résidence des travailleurs salariés couverts par l’ALCP, quelle que soit leur nationalité.
69. Les arrêts Wächtler ( 35 ) et Ettwein me semblent à cet égard révélateurs, en ce qu’ils étendent le principe visé à l’article 9 de l’annexe I de l’ALCP aux situations d’inégalité causées par le lieu de résidence.
70. Une telle évolution jurisprudentielle est logique, car le principe d’égalité de traitement est une notion du droit de l’Union ( 36 ) qui existait à la date de la signature de l’ALCP. Les arrêts de la Cour postérieurs à cette date précisent, en la matière, les principes découlant de la jurisprudence préexistante en matière d’égalité de traitement, afin de déterminer s’il existe une éventuelle inégalité interdite par l’ALCP ( 37 ).
D. La discrimination des travailleurs salariés résidant en Suisse partiellement soumis à l’impôt sur le revenu en Allemagne
71. L’administration allemande refuse à AB un « avantage fiscal » au sens de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I de l’ALCP ( 38 ). Concrètement, elle refuse que le contribuable ait la possibilité de présenter une déclaration d’impôt sur le revenu en Allemagne dans laquelle il pourrait prétendre à la déduction des frais professionnels nécessaires à l’obtention de ses revenus salariaux pendant les années litigieuses.
72. Ce refus constitue-t-il un traitement fiscal discriminatoire par rapport aux travailleurs salariés qui, exerçant une activité analogue à celle d’AB, résident en Allemagne ou dans d’autres États membres de l’Union ou de l’EEE ?
73. Selon moi, la réponse doit être affirmative : il existe un traitement fiscal discriminatoire et désavantageux pour AB, précisément en raison de sa qualité de travailleur salarié résidant en Suisse.
74. Les travailleurs salariés résidant en Allemagne ou dans d’autres États membres de l’Union ou de pays de l’EEE peuvent recourir au mécanisme de l’imposition sur demande afin d’exclure l’effet libératoire de la retenue à la source de l’impôt sur les salaires, en obtenant (le cas échéant) le remboursement des montants excédentaires versés.
75. En revanche, AB, résidant en Suisse, ne peut prétendre à l’imposition sur demande, de sorte que, contrairement aux travailleurs résidant en Allemagne et dans d’autres États membres de l’Union ou de l’EEE, il ne peut déduire aucune dépense professionnelle, au-delà du montant forfaitaire (1000 euros) applicable, aux fins du calcul des retenues, à l’ensemble des contribuables salariés en Allemagne.
76. La législation allemande consacre donc une différence de traitement fiscal entre les contribuables (travailleurs salariés) résidant en Allemagne ou dans d’autres États membres de l’Union ou de l’EEE qui perçoivent des salaires en Allemagne et ceux qui résident en Suisse et qui perçoivent également leurs salaires en Allemagne.
77. Une telle différence, établie en fonction du lieu de résidence et non de la nationalité, est suffisante pour dissuader des travailleurs salariés résidant en Allemagne de transférer, conformément à leur droit à la libre circulation, leur résidence en Suisse et de continuer à percevoir leurs salaires en Allemagne. Elle constitue donc une inégalité de traitement, en principe interdite par l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I de l’ALCP.
78. L’article 21, paragraphe 2, de l’ALCP ( 39 ) prévoit certes la possibilité d’appliquer un traitement différencié, en matière fiscale, aux contribuables qui ne se trouvent pas dans une situation comparable, en particulier en ce qui concerne leur lieu de résidence ( 40 ). Je crois toutefois que, en l’espèce, les situations sont comparables.
79. En effet, l’Allemagne a accepté, dans sa législation, que les résidents d’autres États membres de l’Union ou de l’EEE partiellement assujettis à l’impôt sur le revenu allemand puissent également bénéficier de l’imposition sur demande de leurs revenus salariaux afin de déduire leurs frais professionnels après qu’il a été procédé aux retenues à la source lorsque leurs salaires leur ont été payés.
80. Or, l’exercice de la liberté de circulation de ces travailleurs salariés résidant dans des pays de l’Union ou de l’EEE est assimilable à celui que l’ALCP reconnaît aux personnes résidant en Suisse. Par conséquent, les situations des uns et des autres sont comparables aux fins de l’imposition sur demande de leurs salaires perçus en Allemagne ( 41 ).
81. Dans l’arrêt Schumacker, la Cour a considéré que le droit de l’Union « fait obstacle à ce que la législation d’un État membre [l’Allemagne] en matière d’impôts directs prévoie le bénéfice de procédures telles que la régularisation annuelle des retenues à la source au titre de l’impôt sur les salaires et la liquidation par l’administration de l’impôt sur les revenus d’origine salariale pour les seuls résidents, à l’exclusion des personnes physiques n’ayant ni domicile ni résidence habituelle sur
son territoire, mais qui y perçoivent des ressources d’origine salariale » ( 42 ).
82. Après l’arrêt Schumacker, l’Allemagne a admis que les travailleurs salariés résidant dans d’autres États membres de l’Union et de l’EEE qui étaient partiellement assujettis à l’impôt sur le revenu allemand aient recours à l’imposition sur demande (et puissent déduire les frais professionnels). Elle a assimilé leur régime fiscal à celui des salariés résidant en Allemagne intégralement assujettis à cet impôt.
83. La même logique que celle de l’arrêt Schumacker doit conduire à présent à étendre le mécanisme de l’imposition sur demande aux travailleurs salariés partiellement assujettis à l’impôt et résidant en Suisse, pour qu’ils bénéficient de l’égalité de traitement prévue par l’ALCP. S’il en allait autrement, ils feraient l’objet d’une discrimination fiscale.
E. La justification de la discrimination ?
84. Si cette prémisse était acceptée, il conviendrait encore d’examiner si la discrimination en raison de la résidence contenue dans la législation allemande peut trouver une justification.
85. En vertu de l’article 21, paragraphe 3, de l’ALCP, aucune disposition de cet accord ne fait obstacle à l’adoption par les parties contractantes d’une mesure destinée à assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l’évasion fiscale, conformément aux dispositions de la législation fiscale nationale d’une partie contractante ou aux accords visant à éviter la double imposition liant la Confédération suisse, d’une part, et un ou plusieurs États membres, d’autre
part, ou d’autres arrangements fiscaux ( 43 ).
86. Ces mesures doivent obéir, en vertu de la jurisprudence de la Cour dans le cadre de la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’Union, à des raisons impérieuses d’intérêt général et doivent, en tout état de cause, respecter le principe de proportionnalité. En d’autres termes, elles doivent être propres à réaliser leurs objectifs et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre ( 44 ).
87. Je partage l’avis de la juridiction de renvoi selon lequel la règle fiscale allemande qui établit la discrimination à l’égard des travailleurs salariés résidant en Suisse n’est ni justifiée par la nécessité d’assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif de l’impôt sur le revenu en Allemagne ni nécessaire pour éviter l’évasion fiscale.
88. Après l’arrêt Schumacker, la législation allemande a permis aux travailleurs salariés résidant dans d’autres États membres de l’Union ou de l’EEE de recourir à l’imposition sur demande pour déclarer leurs revenus salariaux perçus en Allemagne. Or, si cette mesure ne pose aucun problème pour assurer une imposition correcte des revenus salariaux et ne crée pas de problèmes d’évasion fiscale, je ne vois pas comment l’article 21, paragraphe 3, de l’ALCP servirait de base pour ne pas faire de même
avec les travailleurs résidant en Suisse qui perçoivent également leurs salaires en Allemagne. La résidence dans ce dernier pays n’est pas déterminante pour percevoir l’impôt sur le revenu allemand sur ce type de revenus.
89. Ainsi que l’explique à juste titre la juridiction de renvoi ( 45 ), la retenue à la source appliquée aux salaires versés en Allemagne à des personnes résidant en Suisse garantit une perception correcte de l’impôt sur le revenu par les autorités allemandes en ce qui concerne ces revenus.
90. Le gouvernement allemand fait valoir comme justification possible du traitement défavorable des travailleurs salariés résidant en Suisse et percevant des salaires en Allemagne l’existence d’une procédure alternative qui leur permettrait d’obtenir le même résultat que l’imposition sur demande en ce qui concerne l’abattement pour leurs frais professionnels.
91. La procédure susmentionnée permettrait, à l’initiative du travailleur, de réduire la retenue à la source effectuée au titre de l’impôt sur les salaires en prenant en considération les frais professionnels dont le montant excède le forfait que j’ai mentionné précédemment ( 46 ). L’employeur doit tenir compte des abattements pour frais professionnels déclarés aux fins du calcul du salaire imposable (article 39b, paragraphe 2, quatrième phrase, de l’EStG).
92. J’estime toutefois, à l’instar de la juridiction de renvoi ( 47 ), que l’argumentation du gouvernement allemand ne suffit pas à écarter l’existence d’une discrimination dépourvue de justification adéquate, étant donné que :
– d’une part, la Cour a indiqué que la possibilité de choisir un autre régime fiscal ne saurait exclure les effets discriminatoires d’un régime fiscal contraire au droit de l’Union ( 48 ). Cette jurisprudence est postérieure à la signature de l’ALCP, mais elle est transposable aux fins de l’interprétation de cet accord, car elle ne fait que préciser ou confirmer les principes découlant de la jurisprudence existant à la date de la signature de l’ALCP relative aux notions de droit de l’Union, dont
cet accord s’inspire ( 49 ) ;
– d’autre part, ainsi que l’a également souligné la juridiction de renvoi, la procédure alternative invoquée par le gouvernement allemand est soumise à des délais et à des conditions qui empêchent de la comparer, au regard de l’avantage qu’elle comporte, à l’imposition sur demande, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une alternative moins restrictive ( 50 ).
93. En définitive, le traitement défavorable établi par la législation allemande en ce qui concerne l’imposition sur demande des travailleurs salariés partiellement assujettis à l’impôt et résidant en Suisse ne saurait être « compensé » par la possibilité de faire valoir leurs frais professionnels au moment du calcul de leurs retenues à la source.
94. Quant à la « préservation de la cohérence fiscale » également invoquée par le gouvernement allemand pour justifier la mesure, le raisonnement de ce dernier s’identifie au précédent, c’est-à-dire à la possibilité que le contribuable demande une retenue à la source moins élevée. Je me contenterai donc de réitérer ce que j’ai exposé sur ce point.
F. L’article 13 de l’ALCP (« Stand still »)
95. En vertu de l’article 13 de l’ALCP, « [l]es parties contractantes s’engagent à ne pas adopter de nouvelles mesures restrictives à l’égard des ressortissants de l’autre partie dans les domaines d’application du présent accord ».
96. Le gouvernement allemand défend une lecture de cette clause qui permettrait de maintenir en vigueur les mesures restrictives existant au moment de la conclusion de l’ALCP, mais non d’en introduire des nouvelles. L’interdiction pour les travailleurs salariés partiellement assujettis à l’impôt allemand sur le revenu, mais résidant en Suisse, de recourir à l’imposition sur demande serait donc admissible, puisqu’elle était en vigueur avant la signature de l’ALCP.
97. À mon sens, l’article 13 de l’ALCP fait référence aux nouvelles restrictions (qui sont interdites), mais ne « cuirasse » pas celles qui existaient au moment de la conclusion de cet accord. Il ne peut agir qu’aux fins de la non‑introduction de restrictions futures, mais implique la suppression des restrictions précédentes : s’il en était autrement, l’effet libéralisateur de l’ALCP serait neutralisé.
98. Je partage donc l’avis de la Commission ( 51 ) en vertu duquel l’interprétation a contrario de l’article 13 de l’ALCP, défendue par le gouvernement allemand, n’est pas défendable. Le libellé de la clause, l’article 16 de l’ALCP et la jurisprudence de la Cour qui l’a interprété et a progressivement supprimé des mesures discriminatoires en vigueur dans les États parties à l’ALCP à l’égard des personnes relevant de cet accord s’y opposent.
99. Le maintien des restrictions existant au moment de la conclusion de l’ALCP serait incompatible avec les objectifs de l’accord lui-même et constituerait une limite à sa mise en œuvre effective difficilement surmontable.
V. Conclusion
100. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Finanzgericht Köln (tribunal des finances de Cologne, Allemagne) comme suit :
« Les dispositions de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, notamment l’article 7, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe I, de cet accord,
doivent être interprétées en ce sens que :
elles s’opposent à la réglementation d’un État membre qui refuse que les travailleurs salariés résidant en Suisse et partiellement assujettis à l’impôt sur le revenu en vigueur en Allemagne aient la possibilité de solliciter volontairement l’imposition sur demande au titre de cet impôt, notamment pour obtenir, en déduisant les frais professionnels ainsi que les retenues à la source sur les salaires pratiquées en Allemagne, un remboursement de l’impôt sur le revenu, alors que cette possibilité
est offerte aux résidents d’autres États membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. »
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( 1 ) Langue originale : l’espagnol.
( 2 ) Dans les présentes conclusions, je me référerai à eux en tant que travailleurs salariés partiellement assujettis à l’impôt sur le revenu allemand, afin de les distinguer de ceux qui, en tant que résidents en Allemagne, sont intégralement assujettis à cet impôt.
( 3 ) Ainsi que je l’expliquerai dans les présentes conclusions, ce mécanisme permet au travailleur de demander volontairement à être assujetti à l’impôt sur le revenu au titre des revenus salariaux obtenus en Allemagne, avec les conséquences inhérentes quant à la déduction de frais professionnels et à l’imputation de montants retenus à la source.
( 4 ) Acte final – Déclarations communes – Information relative à l’entrée en vigueur des sept accords conclus avec la Confédération suisse dans les secteurs de la libre circulation des personnes, du transport aérien et terrestre, des marchés publics, de la coopération scientifique et technologique, de la reconnaissance mutuelle de l’évaluation de la conformité et des échanges de produits agricoles (JO 2002, L 114, p. 6), signé à Luxembourg le 21 juin 1999 et entré en vigueur le 1er juin 2002.
( 5 ) BGBl. 2009 I, p. 3366.
( 6 ) Cela ne s’applique que si, au cours de l’année civile, leurs revenus sont soumis au moins à 90 % à l’impôt sur le revenu allemand ou lorsque leurs revenus qui ne sont pas soumis à cet impôt ne dépassent pas la tranche non imposable en vertu de l’article 32a, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, de l’EStG ; ce montant doit être revu à la baisse dans la mesure où cela est nécessaire et adéquat étant donné la situation dans l’État de résidence.
( 7 ) Sans préjudice de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, et de l’article 1a de l’EStG.
( 8 ) Accord du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3).
( 9 ) AB n’a pas demandé à l’administration fiscale allemande d’inscrire un abattement parmi les données à fournir à l’employeur afin que celui-ci puisse procéder à la retenue à la source, conformément à l’article 39 de l’EStG.
( 10 ) Arrêt du 26 février 2019 (C‑581/17, ci-après l’« arrêt Wächtler , EU:C:2019:138).
( 11 ) Arrêt Wächtler (point 35), citant l’arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C‑266/16, EU:C:2018:118, point 70).
( 12 ) Arrêt Wächtler (point 36).
( 13 ) Arrêt Wächtler (point 37).
( 14 ) Arrêt Wächtler (point 38).
( 15 ) Arrêt Wächtler (point 39).
( 16 ) AB n’est pas une personne sans activité économique ni un prestataire de services au sens de l’article 5 de l’ALCP. Voir arrêt du 12 novembre 2009, Grimme (C‑351/08, EU:C:2009:697, point 44).
( 17 ) Il n’apparaît pas clairement dans la décision de renvoi si, au cours de l’année 2016, AB exerçait également cette activité salariée.
( 18 ) Arrêts du 15 décembre 2011, Bergström (C‑257/10, EU:C:2011:839, points 27 à 34) ; du 28 février 2013, Ettwein (C‑425/11, ci-après l’ arrêt Ettwein , EU:C:2013:121, point 33), et du 15 mars 2018, Picart (C‑355/16, ci-après l’ arrêt Picart , EU:C:2018:184, point 16).
( 19 ) Ces travailleurs relèvent de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP ou de l’article 12, paragraphe 1, de cette annexe selon qu’ils sont des travailleurs salariés ou indépendants.
( 20 ) Voir arrêts Ettwein (points 34 et 35) ainsi que du 19 novembre 2015, Bukovansky (C‑241/14, EU:C:2015:766, points 32 et 33).
( 21 ) Arrêts du 23 janvier 2020, Bundesagentur für Arbeit (C‑29/19, EU:C:2020:36, point 34), et Wächtler (point 53).
( 22 ) Arrêt Wächtler (point 39), reproduit au point 36 des présentes conclusions.
( 23 ) La situation de M. Picart ne relevait donc pas du champ d’application de l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP. L’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I de l’ALCP ne lui était pas non plus applicable, car il ne pouvait pas être considéré en tant que travailleur frontalier indépendant, puisqu’il demeurait sur le territoire suisse, d’où il exerçait son activité économique en France sans effectuer chaque jour, ou au moins une fois par semaine, un trajet du lieu de son activité
économique à celui de sa résidence (arrêt Picart, points 22 à 27).
( 24 ) Les autorités françaises ont mis à la charge de M. Picart des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités.
( 25 ) Point 63 de ses observations. Cette affirmation ne l’empêche toutefois pas de soutenir que, en l’espèce, il n’y a pas d’inégalité contraire aux articles 2 et 7 de l’ALCP.
( 26 ) Le montant de l’impôt sur les salaires est déterminé en fonction du montant du salaire et d’autres données spécifiques aux fins de la retenue à la source.
( 27 ) Pendant les exercices litigieux, le forfait salarié s’élevait à un montant annuel de 1000 euros.
( 28 ) En pratique, cette faculté est applicable tant aux travailleurs salariés intégralement assujettis à l’impôt sur le revenu qu’à ceux y étant partiellement assujettis. L’article 39a, paragraphe 1, première phrase, point 1, de l’EStG, applicable aux premiers, et l’article 39a, paragraphe 4, première phrase, point 1, de l’EStG, applicable aux seconds, sont rédigés dans des termes analogues. Il existe toutefois des différences quant au délai dans lequel l’abattement sur le salaire imposable doit
être demandé, ce sur quoi je reviendrai dans la suite des présentes conclusions.
( 29 ) La configuration de ce droit remonte à l’arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, ci‑après l’ arrêt Schumacker , EU:C:1995:31), ainsi que je l’examinerai dans la suite des présentes conclusions.
( 30 ) Il n’y a pas de délai distinct à respecter en vertu de la convention entre la République fédérale d’Allemagne et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, du 11 août 1971 (BGBl. 1972 II, p. 1022), telle que modifiée par le protocole du 27 octobre 2010 (BGBl. 2011 II, p. 1092).
( 31 ) Voir arrêts du 19 novembre 2015, Bukovansky (C‑241/14, EU:C:2015:766, point 40), et du 21 septembre 2016, Radgen (C‑478/15, ci-après l’ arrêt Radgen , EU:C:2016:705, point 36).
( 32 ) Arrêt Radgen (point 38).
( 33 ) Arrêt Radgen (point 40), citant l’arrêt du 19 novembre 2015, Bukovansky (C‑241/14, EU:C:2015:766, point 47).
( 34 ) Une conception limitée du principe est perceptible dans l’arrêt du 12 novembre 2009, Grimme (C‑351/08, EU:C:2009:697, point 48) : « cet article [article 9 de l’annexe I de l’ALCP] ne vise que l’hypothèse d’une discrimination en raison de la nationalité à l’encontre d’un ressortissant d’une partie contractante sur le territoire d’une autre partie contractante ».
( 35 ) Dans cet arrêt, la Cour a affirmé qu’« un ressortissant allemand qui, comme M. Wächtler, a exercé son droit d’établissement en tant qu’indépendant au titre de l’ALCP subit un désavantage fiscal par rapport à d’autres ressortissants allemands qui, comme lui, exercent une activité indépendante dans le cadre d’une société dont ils détiennent des parts sociales, mais qui, à la différence de lui, maintiennent leur domicile en Allemagne. En effet, ces derniers ne doivent payer l’impôt sur les
plus‑values afférentes aux parts sociales concernées que lorsque ces plus‑values sont réalisées, à savoir lors de la cession de ces parts sociales, alors qu’un ressortissant tel que M. Wächtler est tenu de payer l’impôt en cause, au moment du transfert de son domicile vers la Suisse, sur les plus-values latentes afférentes à de telles parts sociales, sans pouvoir bénéficier d’un report de paiement jusqu’à la cession desdites parts » (point 56). La Cour a ajouté que « [c]ette différence de
traitement, qui constitue un désavantage de trésorerie pour un ressortissant allemand tel que M. Wächtler, est de nature à le dissuader de faire effectivement usage de son droit d’établissement tiré de l’ALCP. Il s’ensuit que le régime fiscal en cause au principal est susceptible d’entraver le droit d’établissement en tant qu’indépendant garanti par cet accord » (point 57).
( 36 ) Arrêts du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a. (117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 7), et du 6 octobre 2011, Graf et Engel (C‑506/10, EU:C:2011:643, point 26).
( 37 ) Arrêts du 6 octobre 2011, Graf et Engel (C‑506/10, EU:C:2011:643, point 26), Radgen (point 47) et Wächtler (point 55).
( 38 ) Comme le soutient la Commission (point 23 de ses observations), la notion d’« avantage » englobe les possibilités offertes par une législation nationale afin de calculer l’impôt de manière plus favorable. Le gouvernement allemand (point 75 de ses observations) admet également que le régime de l’imposition sur demande représente un avantage fiscal, étant donné qu’il permet au contribuable d’écarter l’effet libératoire de la retenue à la source.
( 39 )
( 40 ) Arrêts Wächtler (point 58) et Radgen, (point 45).
( 41 ) Ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Radgen (points 42 et 43).
( 42 ) Arrêt Schumacker (point 3 du dispositif).
( 43 ) Je ne trouve aucune disposition pertinente pour répondre à la question préjudicielle dans la convention entre la République fédérale d’Allemagne et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, que j’ai mentionnée précédemment (voir note en bas de page 30 des présentes conclusions).
( 44 ) Arrêt Wächtler (points 62 et 63) ainsi que, entre autres, arrêts du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer (C‑250/95, EU:C:1997:239, point 31) ; du 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen (C‑290/04, EU:C:2006:630, point 37), et du 11 décembre 2014, Commission/Espagne (C‑678/11, EU:C:2014:2434, points 45 et 46).
( 45 ) Décision de renvoi (point 65).
( 46 ) Respectivement article 39a, paragraphe 1, première phrase, point 1, et paragraphe 4, première phrase, point 1, de l’EStG.
( 47 ) Décision de renvoi (point 67).
( 48 ) Arrêts du 18 mars 2010, Gielen (C‑440/08, EU:C:2010:148, point 52), et du 18 mars 2021, Autoridade Tributária e Aduaneira (Impôt sur les plus‑values immobilières) (C‑388/19, EU:C:2021:212, points 43 et 44).
( 49 ) Arrêt Wächtler (point 39).
( 50 ) La juridiction de renvoi rappelle (au point 67 de sa demande de décision préjudicielle) que, dans l’arrêt Schumacker, la Cour a déjà exclu que l’existence de procédures alternatives puisse, à elle seule, justifier la discrimination contenue dans la réglementation allemande alors examinée.
( 51 ) Point 36 de ses observations.