ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)
25 janvier 2024 ( *1 )
« Manquement d’État – Directive 98/83/CE – Qualité des eaux destinées à la consommation humaine – Article 4, paragraphe 1 – Obligation des États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine – Annexe I, partie B – Dépassement des valeurs limites des concentrations de trihalométhanes dans l’eau potable – Article 8, paragraphe 2 – Obligation des États membres d’adopter les mesures correctives nécessaires le plus
rapidement possible afin de rétablir la qualité des eaux et d’accorder la priorité à leur application »
Dans l’affaire C‑481/22,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 18 juillet 2022,
Commission européenne, représentée par Mmes L. Armati et E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Irlande, représentée par Mme M. Browne, Chief State Solicitor, MM. A. Joyce et M. Tierney, en qualité d’agents, assistés de Mme C. Donnelly, SC, et de M. D. Fennelly, BL,
partie défenderesse,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. J.‑C. Bonichot, faisant fonction de président de chambre, M. S. Rodin (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :
– en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour que les eaux destinées à la consommation humaine satisfassent à l’exigence minimale relative aux concentrations de trihalométhanes (ci-après les « THM ») présentes dans celles-ci, conformément aux valeurs paramétriques figurant à l’annexe I, partie B, de la directive 98/83/CE du Conseil, du 3 novembre 1998, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (JO 1998, L 330, p. 32), dans vingt et une zones de distribution d’eau
publiques, à savoir celles de Schull, de Drimoleague, de Glenties‑Ardara, de Roundwood, de Caragh Lake PWS 022A, de Kilkenny City (Radestown) WS, de Granard, de Gowna, de Staleen, de Drumcondrath, de Grangemore, de Lough Talt Regional Water Supply, de Ring/Helvick, de Aughrim/Annacurra, de Bray Direct, de Greystones, de Kilmacanogue, de Newtown Newcastle, de Enniskerry Public Supply, de Wicklow Regional Public Supply et de Ballymagroarty (Irlande), ainsi que dans neuf groupes d’approvisionnement
en eau à caractère privé, à savoir ceux de Crossdowney, de Townawilly, de Cloonluane (Renvyle), de Lettergesh/Mullaghgloss, de Bonane, de Parke, de Nephin Valley GWS, de Curramore (Ballinrobe) et de Keash (Irlande), et
– en ne veillant pas à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans les zones de distribution d’eau publiques et les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé susmentionnés et en n’accordant pas la priorité à l’application de ces mesures, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour la
santé des personnes,
l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, de celle-ci, et de l’article 8, paragraphe 2, de cette directive.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
2 Le considérant 29 de la directive 98/83 énonçait :
« [C]onsidérant qu’il y a lieu d’autoriser les États membres à accorder, sous certaines conditions, des dérogations à la présente directive ; que, en outre, il est nécessaire de donner un cadre réglementaire adéquat à de telles dérogations, à condition qu’elles ne constituent pas un danger potentiel pour la santé des personnes et qu’il n’existe pas d’autre moyen raisonnable de maintenir la distribution des eaux destinées à la consommation humaine dans le secteur concerné ».
3 L’article 4, paragraphe 1, de cette directive disposait :
« Sans préjudice des obligations qui leur incombent au titre d’autres dispositions communautaires, les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine. Pour satisfaire aux exigences minimales de la présente directive, les eaux destinées à la consommation humaine sont salubres et propres si elles :
a) ne contiennent pas un nombre ou une concentration de micro‑organismes, de parasites ou de toutes autres substances constituant un danger potentiel pour la santé des personnes ;
et
b) sont conformes aux exigences minimales spécifiées à l’annexe I, parties A et B,
et si, conformément aux dispositions pertinentes des articles 5 à 8 et 10 et conformément au traité, les États membres prennent toutes les autres mesures nécessaires pour garantir que les eaux destinées à la consommation humaine satisfont aux exigences de la présente directive. »
4 L’article 8, paragraphe 2, de ladite directive prévoyait :
« Si, malgré les mesures prises pour satisfaire aux obligations imposées par l’article 4, paragraphe 1, les eaux destinées à la consommation humaine ne satisfont pas aux valeurs paramétriques fixées, conformément à l’article 5, et sous réserve de l’article 6, paragraphe 2, l’État membre concerné veille à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité et accorde la priorité à leur application, compte tenu, entre autres, de la mesure
dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour la santé des personnes. »
5 Aux termes de l’article 9 de la directive 98/83, intitulé « dérogations » :
« 1. Les États membres peuvent prévoir des dérogations aux valeurs paramétriques fixées à l’annexe I, partie B, ou fixées conformément à l’article 5, paragraphe 3, jusqu’à concurrence d’une valeur maximale qu’ils fixent, dans la mesure où aucune dérogation ne constitue un danger potentiel pour la santé des personnes et où il n’existe pas d’autre moyen raisonnable de maintenir la distribution des eaux destinées à la consommation humaine dans le secteur concerné. Ces dérogations sont aussi
limitées dans le temps que possible et ne dépassent pas trois ans, période à l’issue de laquelle un bilan est dressé afin de déterminer si des progrès suffisants ont été accomplis. Lorsqu’un État membre a l’intention d’accorder une seconde dérogation, il transmet à la Commission le bilan dressé ainsi que les motifs qui justifient sa décision d’accorder une seconde dérogation. Cette seconde dérogation ne dépasse pas trois ans.
2. Dans des cas exceptionnels, un État membre peut demander à la Commission une troisième dérogation pour une période ne dépassant pas trois ans. La Commission statue sur cette demande dans un délai de trois mois.
3. Toute dérogation octroyée conformément aux paragraphes 1 ou 2 doit comporter les renseignements suivants :
a) les motifs de la dérogation ;
b) le paramètre concerné, les résultats pertinents de contrôles antérieurs, et la valeur maximale admissible prévue au titre de la dérogation ;
c) la zone géographique, la quantité d’eau distribuée chaque jour, la population concernée et l’existence de répercussions éventuelles sur des entreprises alimentaires concernées ;
d) un programme de contrôle approprié prévoyant, le cas échéant, des contrôles plus fréquents ;
e) un résumé du plan concernant les mesures correctives nécessaires, comprenant un calendrier des travaux, une estimation des coûts et les dispositions en matière de bilan ;
f) la durée requise de la dérogation.
4. Si les autorités compétentes estiment que le non-respect de la valeur paramétrique est sans gravité et si les mesures correctives prises conformément aux dispositions de l’article 8, paragraphe 2, permettent de corriger la situation dans un délai maximal de trente jours, les exigences prévues au paragraphe 3 ne doivent pas être appliquées.
Dans ce cas, seuls la valeur maximale admissible pour le paramètre concerné et le délai imparti pour corriger la situation doivent être fixés par les autorités compétentes ou les autres instances concernées.
5. Le recours au paragraphe 4 n’est plus possible lorsqu’une même valeur paramétrique applicable à une distribution d’eau donnée n’a pas été respectée pendant plus de trente jours au total au cours des douze mois précédents.
6. Tout État membre qui a recours aux dérogations prévues par le présent article veille à ce que la population affectée par une telle dérogation soit informée rapidement et de manière appropriée de la dérogation et des conditions dont elle est assortie. L’État membre veille en outre à ce que des conseils soient donnés, le cas échéant, à des groupes de population spécifiques pour lesquels la dérogation pourrait présenter un risque particulier.
Ces obligations ne s’appliquent pas à la situation visée au paragraphe 4, sauf décision contraire des autorités compétentes.
7. À l’exception des dérogations octroyées conformément au paragraphe 4, les États membres informent la Commission, dans un délai de deux mois, de toute dérogation concernant une distribution de plus de 1000 [mètres cubes (m3)] par jour en moyenne ou approvisionnant plus de 5000 personnes et lui communiquent les renseignements mentionnés au paragraphe 3.
8. Le présent article ne s’applique pas aux eaux destinées à la consommation humaine vendues en bouteilles ou dans des conteneurs. »
6 L’article 14 de la même directive, intitulé « Délai de mise en conformité », disposait :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que la qualité des eaux destinées à la consommation humaine soit conforme à la présente directive, dans un délai de cinq ans à partir de son entrée en vigueur, sans préjudice des notes 2, 4 et 10 de la partie B de l’annexe I. »
7 L’article 15 de la directive 98/83, intitulé « Cas exceptionnels », prévoyait, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels et pour des zones géographiquement délimitées, introduire auprès de la Commission une demande particulière visant à obtenir une prolongation du délai prévu à l’article 14. Cette prolongation ne doit pas être d’une durée supérieure à trois ans ; à l’issue de cette période un réexamen a lieu, dont les résultats sont transmis à la Commission, qui peut, sur la base de ce réexamen, autoriser une seconde prolongation pouvant aller jusqu’à
trois ans. La présente disposition ne s’applique pas aux eaux destinées à la consommation humaine vendues en bouteilles ou dans des conteneurs.
2. La demande, dûment motivée, fait état des difficultés rencontrées et comporte, au minimum, toutes les informations spécifiées à l’article 9, paragraphe 3. »
8 L’annexe I de cette directive, intitulée « Paramètres et valeurs paramétriques », comprenait une partie B, elle-même intitulée « Paramètres chimiques », qui était libellée comme suit :
« Paramètres Valeur paramétrique Unité Notes
[...] [...] [...] [...]
Total [THM] 100 [microgramme/litre (μg/l)] Somme des concentrations en composés spécifiés ; note 10
[...] [...] [...] [...]
[...]
Note 10 : Si possible, sans compromettre la désinfection, les États membres devraient s’efforcer d’obtenir une valeur inférieure.
Les composés spécifiques sont : le chloroforme, le bromoforme, le dibromochlorométhane et le bromodichlorométhane.
Pour les eaux visées à l’article 6, paragraphe 1, points a), b) et d), cette valeur doit être respectée au plus tard dix années civiles à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive. La valeur paramétrique pour le total de THM au cours de la période comprise entre cinq et dix ans à compter de l’entrée en vigueur est de 150 μg/l.
Les États membres veillent à ce que toutes les mesures appropriées soient prises pour réduire le plus possible, au cours de la période nécessaire pour se conformer à la valeur paramétrique, la concentration de THM dans les eaux destinées à la consommation humaine.
En mettant en œuvre les mesures visant à atteindre cette valeur, les États membres donnent progressivement la priorité aux zones où les concentrations de THM dans les eaux destinées à la consommation humaine sont les plus élevées. »
B. Le droit irlandais
9 La directive 98/83 a été initialement transposée en droit irlandais par l’European Communities (Drinking Water) Regulations 2000 [règlement des Communautés européennes de 2000 (eau potable), S.I. no439/2000], désormais remplacé par l’European Union (Drinking Water) Regulations 2014 [règlement de l’Union européenne de 2014 (eau potable), S.I. no122/2014], tel que modifié (ci-après le « règlement de 2014 relatif à l’eau potable »).
10 L’article 4 du règlement de 2014 relatif à l’eau potable est rédigé comme suit :
« 1. Sous réserve de toute dérogation accordée en vertu de l’article 11, un fournisseur d’eau veille à ce que l’eau soit saine et propre et satisfasse aux exigences du présent règlement.
2. Aux fins du paragraphe 1, l’eau est considérée comme saine et propre si
a) elle est exempte de micro-organismes, de parasites et de substances qui, en nombre ou en concentration, constituent un danger potentiel pour la santé humaine, et
b) elle répond aux normes de qualité spécifiées dans les tableaux A et B de la partie 1 de l’annexe. »
11 Aux termes de l’article 10, paragraphe 4, du règlement de 2014 relatif à l’eau potable :
« Sous réserve de l’article 9 et des paragraphes 5 et 8, lorsqu’il est constaté, à la suite d’un contrôle effectué aux fins du présent règlement, que la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine n’est pas conforme aux valeurs paramétriques spécifiées dans la partie 1 de l’annexe, l’autorité de contrôle doit, sous réserve des dérogations en vigueur au titre du présent règlement
a) veiller à ce que le distributeur d’eau prenne les mesures correctives nécessaires le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité de l’eau, et peut, à cette fin, adresser au distributeur d’eau concerné toute directive qu’elle juge appropriée ;
b) accorder la priorité aux mesures d’application, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour la santé des personnes ;
c) sauf indication contraire dans les orientations visées au paragraphe 8, ordonner, dans les 14 jours suivant la réception des résultats du contrôle, au distributeur d’eau d’élaborer, dans un délai de 60 jours, un programme d’action, de le soumettre à l’approbation de l’autorité de contrôle et de le mettre en œuvre pour l’amélioration de la qualité des eaux afin d’assurer le respect du présent règlement le plus rapidement possible et au plus tard [dans un délai d’un ou deux ans, selon le cas]. »
II. La procédure précontentieuse
12 Depuis le 1er janvier 2014, Irish Water, une société publique de distribution d’eau, assume la prestation de services publics de gestion des eaux sur le territoire irlandais et, sous la surveillance de l’Environmental Protection Agency (Agence pour la protection de l’environnement, Irlande) (ci-après l’« EPA »), veille à ce que la qualité de l’eau potable réponde aux normes établies par la directive 98/83 ainsi que par les dispositions nationales ayant transposé celle-ci dans l’ordre juridique
irlandais. À compter de cette date, Irish Water s’est vu confier la responsabilité de la distribution d’eau potable dans des zones relevant de 34 conseils municipaux et conseils de comtés. Outre les réseaux publics de distribution d’eau exploités par Irish Water, des coopératives privées dénommées « Group Water Schemes » (groupes d’approvisionnement en eau), fournissent des services de distribution d’eau potable dans un certain nombre de zones rurales.
13 Les 3 décembre 2014 et 23 janvier 2015, les services de la Commission ont demandé aux autorités irlandaises de leur fournir des informations sur la mise en œuvre de la directive 98/83 dans cet État membre. Les autorités irlandaises ont répondu à ces demandes respectivement les 9 janvier et 19 mars 2015 en fournissant des renseignements détaillés sur l’ampleur du dépassement de la limite admissible de concentrations de THM présentes dans l’eau potable en Irlande, les informations fournies au
public et les mesures correctives mises en place.
14 À la suite de l’examen des informations communiquées par les autorités irlandaises les 9 janvier et 19 mars 2015, les services de la Commission leur ont indiqué, le 11 mai 2015, que la situation ainsi décrite n’était pas conforme aux exigences découlant des articles 4 et 8 de la directive 98/83 ainsi que de l’annexe I, partie B, de celle-ci. Les autorités irlandaises ont réagi à ce constat par lettre du 28 septembre 2015 et la question a été abordée lors d’une réunion, le 1er décembre 2015, entre
ces autorités et les services de la Commission.
15 Les autorités irlandaises ont envoyé un premier rapport d’avancement le 7 mars 2016, complété le 29 avril 2016. En ce qui concerne les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé dont l’état était considéré comme préoccupant, ces autorités ont fourni des rapports particuliers.
16 À la suite d’une nouvelle demande des services de la Commission, envoyée aux autorités irlandaises le 9 août 2016, ces dernières leur ont fait parvenir, par lettre du 30 août 2016, un deuxième état d’avancement ainsi que des rapports séparés pour les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé. Le 18 novembre 2016, les autorités irlandaises ont envoyé un troisième rapport d’avancement.
17 À la suite de l’examen de ces trois rapports d’avancement, la Commission a considéré que, malgré certains progrès, plusieurs réseaux de distribution d’eau ne semblaient toujours pas conformes aux exigences de la directive 98/83. En conséquence, cette institution a adressé une lettre de mise en demeure à l’Irlande le 20 juillet 2018, dans laquelle elle constatait que cet État membre avait manqué aux obligations lui incombant au titre de l’article 4 de la directive 98/83, lu en combinaison avec
l’annexe I, partie B, de celle-ci, et de l’article 8 de cette directive en ce qui concerne 73 zones de distribution d’eau publiques, couvrant une population de 481218 habitants, et 24 groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé, couvrant 22989 habitants.
18 Le 19 octobre 2018, l’Irlande a répondu à cette lettre de mise en demeure en détaillant les progrès déjà accomplis et en indiquant que la conformité totale de sa situation au regard des exigences de la directive 98/83 serait atteinte pour la fin de l’année 2021.
19 Le 14 mai 2020, la Commission a adressé un avis motivé à l’Irlande, dans lequel elle considérait que, en ayant omis d’adopter les mesures nécessaires pour que les eaux destinées à la consommation humaine satisfassent à l’exigence minimale relative à la présence dans celles-ci de THM, conformément aux valeurs paramétriques figurant à l’annexe I, partie B, de la directive 98/83, dans 31 zones de distribution d’eau publiques, couvrant une population de 284527 habitants, et dans treize groupes
d’approvisionnement en eau à caractère privé, couvrant 9701 habitants qu’elle identifiait, et pour que les mesures correctives nécessaires soient prises le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans ces zones de distribution d’eau publiques et ces groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé et que, en n’accordant pas la priorité à leur application, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique
pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour la santé des personnes, l’Irlande avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, de celle-ci, et de l’article 8, paragraphe 2, de cette directive.
20 Par cet avis motivé, la Commission enjoignait également à l’Irlande de se conformer à ses obligations dans un délai de quatre mois à compter de l’envoi de celui-ci, pour le 15 septembre 2020 au plus tard.
21 L’Irlande a répondu à cet avis motivé le 18 septembre 2020 et a envoyé des informations supplémentaires à la Commission le 2 mars 2021. Le 18 juin 2021, en réponse à une demande des services de cette dernière, les autorités irlandaises ont envoyé les résultats de leurs activités de surveillance relatifs à l’année 2020.
22 Dans sa réponse à l’avis motivé, l’Irlande a affirmé avoir atteint de façon durable le respect des exigences découlant de la directive 98/83 dans quinze des trente et une zones de distribution d’eau publiques et dans trois des treize groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé mentionnés dans cet avis.
23 Par lettre du 2 mars 2021, l’Irlande a informé la Commission de la mise en conformité de deux autres zones de distribution d’eau publiques.
24 Le 19 mai 2021, la Commission a adressé une demande technique à l’Irlande afin que celle-ci lui fournisse les données de surveillance des concentrations de THM relatives à l’année 2020 pour toutes les zones de distribution d’eau publiques couvertes par la procédure d’infraction.
25 Le 18 juin 2021, l’Irlande a fourni des données pour la plupart de ces zones de distribution. En revanche, la Commission n’a reçu aucune donnée de surveillance, ou uniquement des données incomplètes, pour trois zones de distribution d’eau publiques couvertes par l’avis motivé.
26 N’étant pas satisfaite par les réponses et les informations fournies par l’Irlande, la Commission a décidé d’introduire le présent recours en manquement.
III. Sur le recours
27 À l’appui de son recours, la Commission invoque deux griefs tirés, le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, de celle-ci, l’Irlande n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour que les eaux destinées à la consommation humaine satisfassent à l’exigence minimale relative à la présence dans celles-ci de concentrations de THM, conformément aux valeurs paramétriques figurant à cette annexe I, partie B, s’agissant de
la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans vingt et une zones de distribution d’eau publiques et dans neuf groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 98/83, l’Irlande n’ayant pas adopté le plus rapidement possible les mesures correctives nécessaires afin de rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans ces zones de distribution d’eau publiques et ces groupes
d’approvisionnement en eau à caractère privé compte tenu, notamment, de la gravité du dépassement de la valeur paramétrique pertinente et du danger potentiel pour la santé des personnes.
28 À titre liminaire, il convient de rappeler que les THM sont des composés chimiques qui se forment par réaction entre des désinfectants à base de chlore et la matière organique présente dans l’eau, comme les bactéries et les débris végétaux. Ils sont souvent présents dans l’eau potable, en particulier dans les systèmes de traitement de l’eau qui utilisent le chlore pour éliminer les bactéries et les contaminants.
29 Les THM sont préoccupants pour la santé humaine et l’environnement puisqu’une exposition prolongée à des niveaux élevés de ces composés chimiques dans l’eau potable peut présenter des risques tels que le cancer, en particulier le cancer de la vessie et le cancer du côlon, et causer des problèmes gastro-intestinaux ainsi que des irritations de la peau. De plus, les THM, une fois rejetés dans l’environnement, peuvent être toxiques pour la faune aquatique, perturber les écosystèmes d’eau douce et
contribuer à la formation de zones mortes dans les océans en favorisant la croissance excessive d’algues.
30 Pour réduire les concentrations de THM présentes dans l’eau potable, conformément à la directive 98/83, les autorités de régulation de l’eau et les entreprises de traitement de l’eau potable doivent utiliser des méthodes de désinfection alternatives, réduire la quantité de matière organique dans l’eau brute, et optimiser les processus de traitement pour minimiser la formation de ces composés.
A. Sur la recevabilité du recours concernant trois zones de distribution d’eau publiques
1. Argumentation des parties
31 L’Irlande affirme que le recours de la Commission est irrecevable en ce qui concerne les zones de distribution d’eau publiques de Drimoleague, de Ring/Helvick et de Grangemore.
32 Cet État membre soutient dans son mémoire en défense que « le point de référence essentiel pour déterminer si un approvisionnement public en eau donné respecte ou non les valeurs paramétriques établies pour les THM est la liste des actions correctives de l’EPA ». Ledit État membre affirme que les trois zones de distribution d’eau publiques concernées n’ont pas été incluses dans la liste des actions correctives « parce qu’elles n’existaient plus ». L’Irlande reconnaît que, dans de telles
situations, la Commission est largement tributaire des informations fournies par l’État membre concerné, mais conteste le fait qu’elle n’a pas respecté, en l’espèce, son obligation d’information.
33 La Commission fait valoir que l’Irlande a commis une faute en ne l’informant pas spécifiquement du déclassement de ces trois zones de distribution d’eau publiques, en ne fournissant pas les données permettant de prouver la conformité des nouveaux réseaux de distribution d’eau aux obligations découlant de la directive 98/83 et, en ce qui concerne les zones de distribution d’eau publiques de Ring/Helvick et de Grangemore, en ne motivant pas le retrait d’une « zone de distribution d’eau non
conforme » de la liste des actions correctives.
34 Selon la Commission, l’Irlande ne l’a pas informée que la zone de distribution d’eau publique de Drimoleague était désormais liée au réseau de distribution d’eau de Skibbereen (Irlande). Par conséquent, au moment où elle a déposé sa requête, cette institution ne disposait d’aucune information qui lui aurait permis de conclure que le problème de la qualité de l’eau potable dans la zone de distribution d’eau publique de Drimoleague avait été résolu. Ce n’est que dans le cadre de son mémoire en
défense que l’Irlande aurait fourni des données de surveillance indiquant que le réseau de distribution d’eau de Skibbereen respectait les valeurs paramétriques établies pour les THM. Ces informations auraient été communiquées trop tardivement pour être prises en compte dans l’appréciation du bien-fondé du recours en ce qui concerne la zone de distribution d’eau publique de Drimoleague.
35 L’Irlande avance que, bien que la Commission affirme ne pas avoir été informée que la zone de distribution d’eau publique de Drimoleague était désormais desservie par un autre réseau de distribution d’eau, cette institution admet néanmoins que le retrait d’une telle zone de la liste des actions correctives aurait dû lui apparaître comme étant un indicateur de conformité. Or, en l’espèce, bien que les autorités irlandaises aient fournis à la Commission, le 18 juin 2021, des résultats de
surveillance indiquant un dépassement, dans cette zone de distribution d’eau publique, de la valeur paramétrique relative au THM constaté le 21 juillet 2020, il n’en demeurerait pas moins que le réseau de distribution d’eau publique de Drimoleague n’existait plus à la date fixée dans l’avis motivé, à savoir le 15 septembre 2020.
36 Concernant les zones de distribution d’eau publiques de Ring/Helvick et de Grangemore, l’Irlande fait valoir dans son mémoire en défense que celles-ci n’existaient plus non plus à cette date, ainsi que cela ressortait des informations fournies par cet État membre en réponse à l’avis motivé.
37 Selon la Commission, la simple indication, dans la réponse à l’avis motivé, que ces deux zones de distribution d’eau publiques avaient été retirées « de la liste des actions correctives de l’EPA pour les THM » ne lui permettait pas de conclure que celles-ci respectaient désormais les exigences établies par la directive 98/83. Malgré le changement apparemment intervenu avant l’envoi de la réponse à l’avis motivé, l’Irlande ne l’aurait pas informée que les zones de distribution d’eau publiques de
Ring/Helvick et de Grangemore étaient désormais liées aux réseaux de distribution d’eau respectivement de Dungarvan et de Boyle (Irlande). En outre, lorsque ces informations ont été fournies, elles n’auraient été accompagnées d’aucune donnée permettant à la Commission de conclure que les habitants des zones de distribution d’eau de Ring/Helvick et de Grangemore étaient désormais raccordés à un réseau de distribution d’eau respectant les valeurs paramétriques pertinentes. Par conséquent, au moment
où elle a déposé sa requête, la Commission n’aurait disposé d’aucune information lui permettant de considérer que le problème de la qualité de l’eau potable dans les zones de distribution d’eau publique de Ring/Helvick et de Grangemore avait été résolu.
38 La Commission souligne également le fait que la Cour a déjà écarté un argument tiré de ce que le démantèlement d’un système public d’approvisionnement en eau non conforme et le raccordement de la zone précédemment desservie par celui-ci à une nouvelle zone de distribution d’eau publique seraient suffisants pour mettre fin à une procédure d’infraction relative à un approvisionnement en eau non conforme, sans qu’il soit nécessaire d’informer la Commission du changement ni de fournir des données
relatives aux niveaux de concentrations de THM dans la nouvelle zone de distribution d’eau. Une réorganisation administrative ne rendrait pas inopérante la procédure d’infraction et, s’il pourrait effectivement s’agir d’une solution utile en vue d’une mise en conformité, il appartiendrait à l’État membre concerné de fournir des informations claires expliquant le changement administratif, par exemple le démantèlement d’un réseau d’approvisionnement en eau et le raccordement de la zone concernée à
un autre réseau d’approvisionnement, ainsi que des données permettant de conclure que le changement a résolu le problème, c’est-à-dire que le nouvel approvisionnement est conforme aux valeurs paramétriques établies par la directive 98/83.
39 La Commission estime qu’elle a apporté des preuves suffisantes de l’infraction. Elle aurait en outre adressé une demande d’informations complémentaires après la réponse de l’Irlande à l’avis motivé et avant de saisir la Cour, ce qu’elle n’était pourtant pas tenue de faire en vertu de l’article 258 TFUE.
2. Appréciation de la Cour
40 L’Irlande fait, en substance, valoir que le présent recours est irrecevable en ce qui concerne les zones de distribution d’eau publiques de Drimoleague, de Ring/Helvick et de Grangemore au motif, en substance, que, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 15 septembre 2020, les trois zones concernées n’étaient plus incluses dans la liste des actions correctives de l’EPA, puisqu’elles n’existaient plus. Plus précisément, la zone d’approvisionnement en eau publique de
Drimoleague a été reliée au réseau de distribution de Skibbereen, celle de Ring/Helvick a été reliée au réseau de Dungarvan, et la zone de distribution d’eau publique de Grangemore a été regroupée avec celle de Boyle.
41 À titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que, selon une jurisprudence constante relative à la charge de la preuve dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est cette institution qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque [arrêt du 5 mars 2020,
Commission/Chypre (Collecte et épuration des eaux urbaines résiduaires), C‑248/19, EU:C:2020:171, point 20 et jurisprudence citée].
42 C’est seulement lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur qu’il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent [arrêt du 5 mars 2020, Commission/Chypre (Collecte et épuration des eaux urbaines résiduaires), C‑248/19, EU:C:2020:171, point 21 et jurisprudence citée].
43 Par ailleurs, l’existence d’un manquement devant être appréciée en fonction de la situation de l’État membre concerné telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les changements législatifs ou réglementaires intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Grèce, C‑849/19, EU:C:2020:1047, point 56 et jurisprudence citée).
44 Il en découle en l’espèce qu’il y a lieu d’apprécier l’existence des manquements allégués au regard de la situation prévalant en Irlande au terme du délai fixé dans l’avis motivé, sans tenir compte des actes par lesquels cet État membre a décidé de procéder aux modifications visées au point 37 du présent arrêt, sans en informer la Commission ni la tenir au courant du niveau de la pollution aux THM dans les nouvelles zones de distribution d’eau potable.
45 En l’espèce, il est constant que les dépassements des valeurs paramétriques qui font l’objet du présent recours, y compris dans les trois zones de distribution d’eau publiques pour lesquelles la recevabilité de celui-ci est contestée, sont établis sur la base des données fournies par l’Irlande à la Commission et qui n’ont été mises en cause par cet État membre ni pendant la phase précontentieuse ni devant la Cour.
46 À cet égard, il est de jurisprudence constante que la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation, est largement tributaire des éléments fournis par l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 43). Il s’ensuit que, si l’Irlande n’a pas informé la Commission des modifications visées au point 36 du présent arrêt et ne lui a communiqué aucune donnée permettant d’établir que la qualité de l’eau potable
distribuée aux personnes qui étaient précédemment raccordées aux zones de distribution d’eau publiques de Drimoleague, de Ring/Helvick et de Grangemore était désormais conforme aux valeurs paramétriques fixées par la directive 98/83 en ce qui concerne les concentrations de THM, la Commission n’avait pas la possibilité de savoir si une telle mise en conformité était intervenue avant la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.
47 Enfin, il convient de noter que la Cour a déjà écarté un argument tendant au rejet d’un recours en manquement concernant certaines agglomérations au motif que, à la suite d’une réorganisation administrative territoriale, celles-ci n’existaient plus. Ainsi, il ne saurait être conclu sur le seul fondement de changements administratifs relevant de l’ordre interne irlandais, intervenus après la mise en demeure adressée par la Commission et ayant pour effet le démantèlement d’un système public
d’approvisionnement en eau non conforme aux seuils établis par la directive 98/83 et le raccordement de la zone précédemment desservie par celui-ci à une nouvelle zone de distribution d’eau publique, que la procédure d’infraction au titre d’un approvisionnement en eau non conforme est, de ce seul fait, privée d’objet [voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2021, Commission/Italie (Système de collecte et traitement des eaux urbaines résiduaires), C‑668/19, EU:C:2021:815, points 40 et 41].
48 En effet, si une telle réorganisation administrative territoriale peut effectivement permettre de respecter les valeurs limites fixées par la directive 98/83, il appartenait à l’Irlande de préciser à la Commission en quoi a consisté concrètement ce changement administratif, en lui indiquant, par exemple, que tel système d’approvisionnement en eau a fait l’objet d’un démantèlement et que la zone concernée a été raccordée à tel autre système d’approvisionnement, ainsi que des données mettant en
évidence le fait que ledit changement a résolu le problème de pollution de l’eau aux THM, c’est-à-dire que le nouvel approvisionnement d’eau potable est conforme aux valeurs limites prescrites par la directive 98/83.
49 Dans ces conditions, le présent recours en manquement est recevable, y compris en ce qui concerne les zones de distribution d’eau publiques de Drimoleague, de Ring/Helvick et de Grangemore.
B. Sur le fond
1. Sur le premier grief
50 Par son premier grief, la Commission reproche à l’Irlande un manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83 dans vingt et une zones de distribution d’eau publiques et dans neuf groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé dans lesquels la valeur paramétrique relative au niveau maximal admissible de concentrations de THM présentes dans l’eau potable, spécifiée à l’annexe I, partie B, de cette directive, est dépassée.
51 L’Irlande conteste ce manquement en niant l’existence d’une obligation de résultat imposée par la directive 98/83 et le caractère suffisant des preuves du manquement allégué rapportées par la Commission. Cet État membre invoque un certain nombre de facteurs spécifiques de nature à justifier le dépassement de ces valeurs limites.
a) Sur l’obligation de résultat
1) Argumentation des parties
52 La Commission rappelle dans sa requête que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83 impose aux États membres une obligation de résultat, à savoir celle d’assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine.
53 Dans son mémoire en défense, l’Irlande rétorque que l’obligation fondamentale qui incombe aux États membres en vertu de cette disposition est une obligation « de prendre les mesures nécessaires » pour assurer la salubrité et la propreté de l’eau. Elle fait valoir qu’il convient d’interpréter cette disposition à la lumière de ses termes, de son contexte et de ses finalités, ce qui devrait amener à considérer que ladite disposition ne crée pas une obligation de résultat à charge des États membres.
Quand bien même tel serait le cas, pareille obligation ne serait en tout état de cause pas absolue ou inconditionnelle.
54 La Commission fait valoir que l’interprétation suggérée par l’Irlande va à l’encontre des traités, de la directive 98/83 elle-même et de la jurisprudence relative au respect des valeurs paramétriques. En vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, une directive lierait les États membres quant au résultat à atteindre et, en l’espèce, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83 leur imposerait de veiller à ce que les concentrations de THM présentes dans l’eau potable ne dépassent pas la
valeur paramétrique de 100 μg/l. Il appartiendrait à l’État membre concerné de décider quelles mesures sont nécessaires pour parvenir à ce résultat, mais il n’aurait en revanche d’autre choix que de l’atteindre.
55 La Cour aurait d’ailleurs déjà interprété l’article 4 de la directive 98/83 en ce sens qu’il lie les États membres quant au niveau de qualité des eaux à atteindre. Selon la Commission, cela ressort de l’arrêt du 31 janvier 2008, Commission/France (C‑147/07, EU:C:2008:67), qui concernait un manquement à l’obligation découlant de cette disposition en raison de dépassements de la limite admissible des concentrations en nitrates et en pesticides présentes dans l’eau potable.
56 La Commission souligne le fait que l’Irlande ne conteste pas que les concentrations de THM présentes dans l’eau potable dépassaient la valeur paramétrique de 100 μg/l pour les sites mentionnés dans l’avis motivé. Au contraire, elle aurait toujours reconnu l’existence d’un problème concernant les niveaux acceptables de concentration de THM.
57 Dans son mémoire en duplique, l’Irlande fait valoir, à titre subsidiaire, que l’obligation mise à la charge des États membres par l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83 pourrait être considérée comme étant partiellement une obligation de moyen et partiellement une obligation de résultat.
58 L’Irlande maintient qu’une interprétation de cette disposition en ce sens qu’elle imposerait une obligation absolue et inconditionnelle ne tiendrait pas compte de la situation réelle en Irlande. En effet, la qualité de l’eau potable n’y serait pas constante, mais fluctuerait en fonction d’un large éventail de facteurs environnementaux, géographiques et physiques qui affectent les niveaux de concentrations de THM et qui rendent les valeurs paramétriques établies par la directive 98/83 très
difficile à respecter sur certains sites, même lorsque toutes les mesures nécessaires sont prises.
59 Selon l’Irlande, en dépit d’un nombre limité de cas de dépassement des niveaux de concentration de THM présents dans l’eau potable, les mesures nécessaires ont été prises pour garantir la salubrité et la propreté de celle-ci, conformément à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive. Il en résulterait que, à la date d’expiration du délai de mise en conformité fixé dans l’avis motivé, cet État membre satisfaisait à ses obligations au titre de cette
disposition et, par extension, à ses obligations au titre des traités.
2) Appréciation de la Cour
60 Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, de celle-ci, les États membres ont l’obligation de respecter la valeur paramétrique de 100 μg/l relative au niveau maximal total admissible de concentration de THM présentes dans l’eau potable.
61 L’Irlande avance que l’article 4, paragraphe 1, de cette directive ne crée pas une obligation de résultat quant au non-dépassement de cette valeur limite.
62 Il convient à cet égard de rappeler que, en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens pour l’atteindre.
63 Dans la présente affaire, ce résultat consiste, pour les États membres, à veiller à ce que l’eau de distribution destinée à la consommation humaine respecte un certain nombre de paramètres essentiels de qualité et de salubrité, dont celui en cause dans le présent recours, à savoir un niveau maximal de concentrations de THM présentes dans l’eau potable. Ainsi, ces États sont tenus de faire en sorte que ces concentrations ne dépassent pas, au total, 100 μg/l.
64 En effet, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83 dispose que les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les eaux destinées à la consommation humaine satisfassent aux exigences établies par celle-ci.
65 Ainsi, la Cour a déjà jugé, notamment dans l’arrêt du 31 janvier 2008, Commission/France (C‑147/07, EU:C:2008:67), que l’article 4 de la directive 98/83 lie les États membres quant aux normes de qualité minimales auxquelles l’eau destinée à la consommation humaine doit satisfaire. Dans le même sens, dans l’arrêt du 14 novembre 2002, Commission/Irlande (C‑316/00, EU:C:2002:657), la Cour a jugé que la directive 80/778/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la
consommation humaine (JO 1980, L 229, p. 11), que la directive 98/83 a remplacée, impose non pas un simple devoir de diligence, mais une obligation de résultat. Il en va de même de l’obligation mise à charge des États membres au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83.
66 Il en résulte que l’argumentation de l’Irlande selon laquelle cette disposition de droit de l’Union ne prévoit pas une obligation de résultat doit être écartée.
b) Sur les éléments de preuve
1) Argumentation des parties
67 L’Irlande fait grief à la Commission de se fonder sur la présomption selon laquelle, parce que la qualité de l’eau potable dans les vingt et une zones de distribution d’eau publiques et dans les neuf groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé énumérés en annexe à sa requête n’était prétendument pas conforme au seuil maximal de concentrations de THM, à savoir de 100 μg/l, cet État membre a nécessairement manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de
la directive 98/83.
68 Ledit État membre considère que, dans la mesure où l’obligation découlant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83 est une obligation de prendre les mesures nécessaires dans le but de parvenir à un résultat, et où il ressort de la directive 98/83 que, même lorsque de telles mesures sont prises, il peut parfois s’avérer impossible de respecter les valeurs paramétriques fixées conformément à l’article 5 de celle-ci, il ne suffit pas que la Commission se prévale d’une telle présomption.
En l’espèce, il aurait au contraire incombé à cette dernière d’établir, au moyen d’éléments de preuve suffisants, que, en ce qui concerne les réseaux de distribution identifiés en annexe à sa requête, l’Irlande n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine, ce que cette institution serait demeurée en défaut de démontrer.
69 La Commission rappelle que le dépassement d’une valeur paramétrique revêt un caractère factuel et objectif et que les données fournies par l’Irlande, qui n’ont pas été remises en cause par celle-ci, sont éloquentes à cet égard.
70 Il serait toutefois exact que la Commission doit fournir à la Cour les informations nécessaires pour permettre à celle-ci d’établir l’existence des manquements qu’elle reproche aux États membres. Ces derniers seraient néanmoins tenus de faciliter l’accomplissement de la mission de la Commission et, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective d’une directive, il y aurait lieu de tenir compte du fait que cette
institution, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par l’État membre concerné.
71 L’Irlande soutient dans son mémoire en duplique que le fait que les mesures adoptées par un État membre ne prennent effet et ne permettent de garantir la conformité aux obligations qui lui incombent en vertu d’une directive qu’après un certain temps ne signifie pas que lesdites mesures n’ont pas été prises.
2) Appréciation de la Cour
72 L’Irlande soutient que la Commission demeure en défaut d’établir, au moyen de preuves suffisantes, que, dans chacun des réseaux de distribution d’eau potable identifiés dans sa requête, cet État membre n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine.
73 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est cette institution qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 41 et jurisprudence
citée).
74 Toutefois, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission, consistant notamment, selon l’article 17, paragraphe 1, TUE, à veiller à l’application des dispositions du traité ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui‑ci (arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 42 et jurisprudence citée).
75 Dans cette perspective, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective d’une directive, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants ainsi que par l’État membre concerné (arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 43 et
jurisprudence citée).
76 Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui‑ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 44 et jurisprudence citée).
77 En de telles circonstances, c’est en effet aux autorités nationales qu’il appartient au premier chef de procéder aux vérifications nécessaires sur place, dans un esprit de coopération loyale, conformément au devoir de tout État membre de faciliter la mission générale de la Commission (arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 45 et jurisprudence citée).
78 C’est ainsi que, lorsque la Commission invoque des plaintes circonstanciées faisant apparaître des manquements répétés aux dispositions d’une directive, il incombe à l’État membre concerné de contester de manière concrète les faits allégués dans ces plaintes (arrêt du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 46 et jurisprudence citée).
79 En l’espèce, il convient de tenir compte du fait que les données fournies par l’Irlande elle-même relatives au respect – ou au dépassement – des valeurs paramétriques fixées dans la directive 98/83, et plus particulièrement à son annexe I, partie B, pour ce qui concerne les concentrations de THM présentes dans les eaux destinées à la consommation humaine, sont des données scientifiques qui n’ont pas été mises en cause par cet État membre pendant la phase précontentieuse, et qui constituent ainsi
des éléments factuels objectifs.
80 S’agissant, par ailleurs, de la preuve, par la Commission, que cet État membre a adopté les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine, conformément aux obligations qui lui incombent au titre de la directive 98/83, si, en vertu de l’article 288 TFUE et de la jurisprudence constante de la Cour, les États membres ont « la compétence quant à la forme et aux moyens » de mettre en œuvre cette directive, il est de leur devoir d’atteindre le
résultat défini par celle-ci. Ainsi, bien que l’Irlande soit libre de définir les moyens de mise en œuvre de ladite directive dans son ordre juridique interne, compte tenu des particularités de celui-ci, elle doit cependant en respecter toutes les dispositions et, partant, veiller à ce que les concentrations de THM présentes dans l’eau potable ne dépassent pas 100 μg/l sur l’ensemble de son territoire.
81 Cette obligation n’ayant toujours pas été respectée par l’Irlande, lorsque le délai que la Commission lui avait imparti dans son avis motivé, plus de dix-sept ans après la date à laquelle les États membres étaient tenus d’assurer la conformité de leur situation aux exigences de la directive 98/83, s’était écoulé, il convient de considérer que la Commission, en se fondant sur les mesures paramétriques fournies par l’Irlande qui attestent le dépassement de la valeur limite de THM dans l’eau potable
dans toutes les zones de distribution d’eau publiques et tous les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé visés par le présent recours, a apporté suffisamment de preuves à l’appui du manquement allégué. Il en résulte que les dépassements ainsi constatés doivent être considérés comme étant persistants, sans que la Commission soit tenue d’apporter des preuves supplémentaires à cet égard.
c) Sur les « facteurs spécifiques et particuliers »
1) Argumentation des parties
82 L’Irlande soutient que des facteurs spécifiques et distinctifs de types géographiques et environnementaux, à savoir notamment la nature de ses sources d’eau, la présence de tourbe, de pentes topographiques faibles et de précipitations supérieures à la moyenne, doivent être pris en considération, dans la mesure où ceux-ci ont pour effet de compliquer sévèrement dans certains cas l’objectif visant à ce que les concentrations de THM présentes dans l’eau potable soient conformes aux limites prévues
par la directive 98/83, en particulier lorsqu’il s’agit de maintenir, simultanément, un processus de désinfection efficace. Les mesures correctives requises seraient d’une telle ampleur qu’elles impliqueraient des solutions structurelles, telles que la mise en place de stations d’épuration nouvelles ou considérablement améliorées, qui requerraient, par nature, de lourds investissements en temps et en capital.
83 La Commission fait valoir, dans son mémoire en réplique, que la directive 98/83 envisage elle-même qu’un État membre puisse ne pas être en mesure de respecter pleinement les obligations qui y sont énoncées et prévoit un cadre spécifique pour de possibles dérogations. Cette directive autoriserait également qu’un État membre bénéficie, dans des cas exceptionnels, d’une prolongation du délai de transposition. Selon la Commission, l’Irlande n’a fait usage d’aucune de ces options.
84 Selon la Commission, l’Irlande est consciente du problème de non‑conformité depuis près de vingt ans et a, de facto, bénéficié de beaucoup plus de temps que ce qui lui aurait été accordé dans le cadre de l’une de ces dérogations formelles, quelle qu’elle soit. Ni les facteurs géologiques ni les exigences découlant des règles en matière d’aménagement du territoire et/ou d’environnement, invoqués par l’Irlande, ne sauraient être utilement invoquées pour justifier cette non-conformité de longue
date.
85 L’Irlande souligne, à cet égard, que, de manière globale, l’eau potable distribuée dans cet État membre répond, dans une large mesure, aux exigences de la directive 98/83 et que la présente procédure porte sur sa situation à un moment précis, à savoir à l’expiration du délai de mise en conformité fixé dans l’avis motivé.
86 En outre, même si l’interprétation faite par la Commission de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83 était exacte et que les dérogations prévues par cette directive étaient exhaustives, il n’en demeurerait pas moins que la Cour aurait déjà jugé que des circonstances extérieures qui échappent au contrôle des États membres et qui rendent impossible ou anormalement difficile le respect par ceux-ci de leurs obligations au titre d’une directive, alors même que toutes les diligences requises
ont été déployées, peuvent justifier l’existence d’une situation qui, en toute autre circonstance, constituerait un manquement aux obligations qui leur incombent au titre du droit de l’Union.
2) Appréciation de la Cour
87 Ainsi qu’il ressort du point 82 du présent arrêt, l’Irlande invoque l’existence d’un certain nombre de facteurs géographiques, géologiques et environnementaux, voire réglementaires, qui rendrait l’objectif visant à ce que les niveaux de concentrations de THM présentes dans l’eau potable soient conformes aux limites prévues par la directive 98/83 particulièrement difficile à atteindre dans certains cas. En outre, selon cet État membre, l’existence de ces facteurs requiert la mise en œuvre de
solutions structurelles, nécessitant du temps et des moyens financiers considérables.
88 Or, il ressort de la directive 98/83, en particulier de son considérant 29 et de son article 9, que celle-ci permet à un État membre qui n’est pas en mesure de respecter pleinement les obligations qui y sont énoncées de prévoir des dérogations aux valeurs paramétriques fixées à l’annexe I, partie B, de cette directive. En outre, l’article 15 de ladite directive prévoit la possibilité pour un État membre, dans des cas exceptionnels, de demander une prolongation du délai de transposition.
89 En l’espèce, l’Irlande n’a pas fait usage de ces possibilités.
90 Par ailleurs, la procédure visée à l’article 258 TFUE repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité FUE ou un acte de droit dérivé (voir, en ce sens, arrêts du 1er mars 1983, Commission/Belgique, 301/81, EU:C:1983:51, point 8, et du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 81).
91 Dès lors qu’un tel constat a, comme en l’espèce, été établi, il est sans pertinence que le manquement résulte de la volonté de l’État membre auquel il est imputable, de sa négligence ou bien encore de difficultés techniques auxquelles celui-ci aurait été confronté (arrêts du 1er octobre 1998, Commission/Espagne, C‑71/97, EU:C:1998:455, point 15, et du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 82).
92 En tout état de cause, un État membre qui se heurte à des difficultés momentanément insurmontables l’empêchant de se conformer aux obligations résultant du droit de l’Union ne peut invoquer une situation de force majeure que pour la période nécessaire pour remédier à ces difficultés (arrêt du 13 décembre 2001, Commission/France, C‑1/00, EU:C:2001:687, point 131).
93 Or, il convient de constater à cet égard que ni les facteurs géographiques, géologiques ou environnementaux ni les exigences découlant des règles en matière d’aménagement du territoire et/ou d’environnement invoquées par l’Irlande ne sauraient constituer des situations de force majeure qui justifieraient le fait que cet État membre ne se conforme pas, près de dix-sept ans après la date fixée conformément à l’article 14 de la directive 98/83, aux obligations qui lui incombent en vertu de celle-ci,
alors même qu’il avait la possibilité de prévoir des dérogations provisoires sur le fondement de l’article 9 de cette directive. En effet, il ne s’agit aucunement d’événements imprévisibles de courte période ayant un impact de durée limitée, puisqu’il est constant que l’Irlande a manqué de « maintenir un processus de désinfection efficace et rigoureux » pour un nombre non négligeable de zones de distribution d’eau publiques et de groupements d’approvisionnement en eau à caractère privé depuis
l’entrée en vigueur de la directive 98/83, et, en toute hypothèse, que tel était le cas à l’expiration du délai de mise en conformité fixé par l’avis motivé.
94 Il en résulte que l’Irlande ne saurait faire utilement valoir des arguments liés aux particularités géographiques, géologiques ou environnementales de son territoire ou encore aux règles en matière d’aménagement du territoire et/ou d’environnement pour justifier l’existence d’un manquement persistant aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 98/83, et ce d’autant plus que, d’une part, le dépassement de la valeur limite de concentrations de THM dans l’eau destinée à la
consommation humaine a été constaté durant une période considérable et, d’autre part, l’Irlande n’a pas fait usage des possibilités de dérogations prévues par cette directive.
95 Dans ces conditions, il convient de constater que, en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour que les eaux destinées à la consommation humaine satisfassent à l’exigence minimale relative aux concentrations de THM présentes dans celles-ci, conformément aux valeurs paramétriques figurant à l’annexe I, partie B, de la directive 98/83, dans vingt et une zones de distribution d’eau publiques, à savoir celles de Schull, de Drimoleague, de Glenties-Ardara, de Roundwood, de Caragh Lake PWS 022A, de
Kilkenny City (Radestown) WS, de Granard, de Gowna, de Staleen, de Drumcondrath, de Grangemore, de Lough Talt Regional Water Supply, de Ring/Helvick, de Aughrim/Annacurra, de Bray Direct, de Greystones, de Kilmacanogue, de Newtown Newcastle, de Enniskerry Public Supply, de Wicklow Regional Public Supply et de Ballymagroarty, ainsi que dans neuf groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé, à savoir ceux de Crossdowney, de Townawilly, de Cloonluane (Renvyle), de Lettergesh/Mullaghgloss, de
Bonane, de Parke, de Nephin Valley GWS, de Curramore (Ballinrobe) et de Keash, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83.
2. Sur le second grief
96 Par son second grief, la Commission soutient que, en ne veillant pas à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans les zones de distribution d’eau publiques et les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé visés au point précédent et en n’accordant pas la priorité à l’application de ces mesures, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur
paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour la santé des personnes, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 98/83.
a) Argumentation des parties
97 La Commission rappelle, dans sa requête, que, en application de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 98/83, si les eaux destinées à la consommation humaine ne satisfont pas aux valeurs paramétriques fixées pour ce qui concerne la valeur totale des concentrations de THM visée à l’annexe I, partie B, de cette directive, l’État membre concerné est tenu d’adopter « le plus rapidement possible » les mesures correctives nécessaires « afin de rétablir la qualité » de ces eaux, compte tenu, entre
autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour la santé des personnes.
98 En l’espèce, le non-respect de la valeur paramétrique fixée pour les THM constituerait, par définition, un danger potentiel pour la santé des personnes, dans la mesure où une eau qui ne satisfait pas à cette exigence minimale ne saurait être considérée comme étant propre et salubre.
99 Or, l’Irlande reconnaîtrait elle-même que le nombre de cas de dépassement des niveaux admissibles de concentrations de THM constatés sur son territoire est élevé par rapport aux autres États membres. En outre, même si les États membres disposeraient d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci devraient, en tout état de cause, permettre que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible. Toutefois, en l’espèce, il ne ferait
aucun doute, compte tenu, notamment, des éléments prouvant l’existence de dépassements pendant près de vingt ans, que l’Irlande a manqué à cette obligation. En effet, alors que l’Irlande était tenue de se conformer aux valeurs paramétriques à compter du 26 décembre 2003, et malgré des échanges réguliers avec la Commission au sujet de cette non-conformité depuis l’année 2013, la situation n’est toujours pas conforme alors que dix années de plus se sont écoulées. Notamment, la création d’Irish
Water en 2013 ne ferait que démontrer que l’Irlande a mis du temps à agir, étant donné que la date de transposition de la directive 98/83 était alors déjà dépassée depuis dix ans.
100 La Commission fait également observer que l’eau potable est consommée au quotidien et qu’il n’existe aucune autre solution aisément disponible pour le consommateur si l’eau de distribution ne répond pas aux normes minimales de propreté et de salubrité définies par la directive 98/83. Par conséquent, l’interprétation des termes « le plus rapidement possible » devrait être relativement stricte.
101 L’Irlande soutient que la Commission n’a pas démontré qu’elle n’avait pas pris les mesures nécessaires afin de rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et affirme que la requête repose sur des présomptions. Ainsi, la Commission ne fournirait pas le moindre exemple précis de mesures correctives et/ou d’application qui auraient dû être prises, mais qui ne l’ont pas été par cet État membre. Ce dernier précise à cet égard que des progrès significatifs ont été réalisés, la
conformité à long terme ayant été atteinte dans l’ensemble des 73 zones de distribution d’eau publiques citées dans la lettre de mise en demeure, à l’exception de quinze d’entre elles.
102 L’Irlande soutient également que le simple fait que des dépassements des niveaux de THM soient constatés, même sur une longue période, ne signifie pas pour autant que les mesures correctives et/ou d’application nécessaires n’ont pas été prises. De plus, dans un bon nombre des cas faisant l’objet du présent recours, cet État membre a été contraint de faire évoluer au fil du temps les mesures jugées nécessaires pour assurer la conformité sur le long terme de l’eau potable aux exigences de la
directive 98/83, sans compter le fait que la mise en place de solutions à caractère structurel prendrait également du temps.
103 L’Irlande ne conteste pas que les termes « le plus rapidement possible » employés à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 98/83 signifient que les mesures correctives nécessaires doivent être prises dans un délai aussi bref que possible. Toutefois, l’appréciation de ce critère ne saurait être effectuée indépendamment de la situation concrète prévalant dans l’État membre en cause. Il conviendrait notamment de tenir compte de la situation du réseau de distribution d’eau concerné pour
apprécier si les mesures correctives nécessaires ont été prises « le plus rapidement possible », au sens de cet article 8, paragraphe 2, ce que la Commission n’aurait pas fait en l’espèce.
104 La Commission rappelle que, comme pour la procédure d’infraction en général, il n’appartient pas à cette dernière de fournir une liste de mesures hypothétiques qui auraient pu être prises pour chaque zone de distribution d’eau non conforme. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’Irlande, elle ne se serait fondée sur aucune présomption. Elle souligne qu’elle n’a pas seulement constaté des dépassements des valeurs paramétriques fixées pour les THM, mais également que ces dépassements
persistaient au moins depuis l’année 2012 et que les dates avancées par l’Irlande comme étant celles auxquelles elle serait parvenue à respecter, sur le long terme, les valeurs paramétriques relatives aux concentrations de THM ont été retardées, dans la plupart des cas à plusieurs reprises, pour toutes les zones de distribution d’eau publiques visées par le présent recours.
b) Appréciation de la Cour
105 Conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 98/83, si la valeur paramétrique fixée pour les concentrations de THM présentes dans l’eau potable a été dépassée, l’État membre concerné est tenu d’adopter « le plus rapidement possible » les mesures correctives nécessaires et de leur donner priorité afin de ramener le niveau de ces concentrations à la limite établie à l’annexe I, partie B, de cette directive, compte tenu notamment de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique
pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour la santé humaine.
106 Tout d’abord, l’Irlande allègue que la Commission n’a pas démontré qu’elle n’a pas adopté les mesures correctives nécessaires et que son prétendu manquement à cet égard repose sur des présomptions. La Commission ne fournirait aucun exemple précis de mesures correctives et/ou d’application qui auraient dû être prises par cet État membre.
107 À cet égard, il convient de rappeler que, dans une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et donc d’apporter la preuve qu’un État membre n’a pas respecté une obligation prescrite par une disposition du droit de l’Union, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 83]. Toutefois, en l’espèce, il ne
saurait être considéré que la Commission se fonde sur une simple présomption que l’Irlande n’a pas adopté les mesures correctives nécessaires, au sens de de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 98/83, dès lors que des dépassements de valeurs limites d’une ampleur et d’une durée conséquentes, comme c’est le cas dans le cadre de la présente affaire, constituent en eux-mêmes un élément de preuve que l’Irlande n’a pas pris de telles mesures [voir, par analogie, arrêt du 4 mars 2021,
Commission/Royaume-Uni (Valeurs limites-NO2), C‑664/18, EU:C:2021:171, point 135].
108 Or, il est de jurisprudence constante que si les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination de mesures correctives à adopter, celles-ci doivent permettre que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 136 et jurisprudence citée].
109 En outre, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les dates de mise en conformité initialement estimées ont été reportées par l’Irlande à l’occasion de chaque nouveau rapport d’avancement, de telle sorte que le calendrier des mesures correctives envisagées a également subi des retards conséquents, de telle sorte que les dépassements des valeurs limites de concentrations de THM persistent depuis au moins l’année 2012.
110 En effet, lors de la publication du premier rapport d’avancement, des retards dans les travaux de modernisation étaient déjà reconnus par l’Irlande en ce qui concernait 19 réseaux de distribution sur un total de 81. Le troisième rapport d’avancement pointait encore des retards concernant 23 réseaux de distribution sur un total de 73. Dans la réponse à la lettre de mise en demeure, l’Irlande avait repoussé la date d’une mise en conformité de sa situation à l’année 2021, et dans la réponse à
l’avis motivé, cette date a été une nouvelle fois reportée, cette fois jusqu’à l’année 2023.
111 De même, contrairement à ce qu’allègue l’Irlande, un manquement peut demeurer persistant en dépit d’une éventuelle tendance partielle à la baisse des niveaux de dépassement mise en évidence par les données recueillies, qui n’aboutit toutefois pas à ce que cet État membre concerné se conforme aux valeurs paramétriques au respect desquelles il est tenu [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, Commission/Pologne, C‑336/16, EU:C:2018:94, point 65, ainsi que du 30 avril 2020, Commission/Roumanie
(Dépassement des valeurs limites pour les PM10), C‑638/18, EU:C:2020:334, point 70]. Or, tel est le cas en l’espèce.
112 En effet, il ressort du dossier dont dispose la Cour et des éléments de fait rappelés dans le cadre de l’examen du premier grief que l’Irlande n’a manifestement pas adopté en temps utile les mesures appropriées permettant d’assurer que la période de dépassement des valeurs limites de concentrations de THM soit la plus courte possible dans les zones de distribution d’eau publiques et les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé visés par le présent recours. Ainsi, comme souligné au
point 109 du présent arrêt, le dépassement de ces valeurs limites demeure systématique et persistant au moins depuis l’année 2012 dans lesdites zones et groupes, en dépit de l’obligation incombant à cet État membre de prendre toutes les mesures appropriées et efficaces, et de donner priorité à leur application, pour se conformer à l’exigence selon laquelle la période de dépassement doit être la plus courte possible [voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs
limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 146 et jurisprudence citée].
113 Ainsi, alors que l’Irlande était tenue, conformément à l’article 14 de la directive 98/83, de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la qualité des eaux destinées à la consommation humaine soit conforme à cette directive pour le 26 décembre 2003 au plus tard, cet État membre est demeuré, jusqu’à l’expiration du délai que lui a imparti la Commission dans son avis motivé, soit dix-sept années plus tard, en défaut d’assurer cette mise en conformité, même après que des échanges réguliers
avec la Commission ont été entamés au sujet de cette non‑conformité à partir de l’année 2013.
114 Or, une telle situation démontre par elle-même, sans qu’il soit besoin d’examiner de manière plus détaillée le contenu des mesures adoptées par l’Irlande dans les différentes zones de distribution d’eau publiques et les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé visés par le présent recours, que cet État membre n’a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces, ni donné priorité à leur application, pour qu’il soit mis fin au dépassement des valeurs limites de concentrations
de THM « le plus rapidement possible », au sens de l’article 8 de la directive 98/83 [voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 147 et jurisprudence citée].
115 S’agissant de l’argument avancé par l’Irlande selon lequel il est indispensable, pour l’État membre concerné, de disposer de délais suffisamment longs pour que de telles mesures produisent leurs effets, il convient de constater que, en l’espèce, cet État membre a, de facto, ainsi qu’il ressort notamment des points 93, 109 et 110 du présent arrêt, bénéficié d’un délai particulièrement long pour assurer une mise en conformité de sa situation aux exigences de la directive 98/83, compte tenu des
délais prévus à cette fin par celle-ci, qui étaient applicables à l’ensemble des États membres [voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 148 et jurisprudence citée].
116 Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument de l’Irlande selon lequel les délais de mise en conformité qu’elle a annoncés sont adaptés à l’ampleur des transformations structurelles nécessaires pour mettre fin aux dépassements des valeurs limites de concentrations de THM présentes dans l’eau potable, compte tenu notamment de difficultés tenant à l’aménagement du territoire, de la présence de tourbières et de pentes topographiques douces, de précipitations supérieures à la moyenne annuelle des
autres États membres, de la nature des masses d’eau irlandaises, intrinsèquement riches en matières organiques, ainsi que de l’enjeu socio-économique et budgétaire des investissements à réaliser, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé, en réponse à des arguments similaires, que l’État membre concerné doit établir que les difficultés qu’il invoque pour mettre fin aux dépassements des valeurs limites seraient de nature à exclure qu’une mise en conformité aurait pu intervenir dans des
délais moins longs [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 151 et jurisprudence citée], ce que l’Irlande reste en défaut de prouver dans le cadre du présent recours.
117 En tout état de cause, des difficultés structurelles, tenant à l’enjeu socio‑économique et budgétaire d’investissements d’envergure à réaliser ou encore de la situation topographique, ne revêtent pas, en elles-mêmes, un caractère exceptionnel et ne sont, partant, pas de nature à justifier des dépassements persistants de la valeur paramétrique des concentrations de THM dans l’eau potable durant plus de dix ans [voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites –
PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 152 et jurisprudence citée].
118 Il découle de ce qui précède qu’aucun des arguments avancés par l’Irlande n’est de nature à remettre en cause le constat selon lequel cet État membre a manqué à son obligation d’assurer que la période de dépassement de ces valeurs limites soit la plus courte possible par l’adoption, le plus rapidement possible, des mesures nécessaires pour rétablir une qualité de l’eau potable conforme aux prescriptions de la directive 98/83.
119 En ce qui concerne le reproche adressé par ledit État membre à la Commission, selon lequel cette dernière ne lui a pas fourni d’exemples précis de mesures correctives et/ou d’application qu’il aurait dû adopter, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à cette institution de fournir une liste de mesures hypothétiques qui auraient pu être prises pour chaque zone de distribution d’eau publique ou groupe d’approvisionnement en eau privé non conforme. En effet, une telle pratique serait en
contradiction avec la souveraineté dont bénéficient les États membres quant au choix des moyens relatifs à la mise en œuvre d’une directive sur leur territoire dans le délai fixé par le législateur de l’Union européenne. En conséquence, il appartenait, au contraire, à l’Irlande de déterminer dans les meilleurs délais les mesures qu’elle jugeait adéquates afin d’assurer une mise en conformité de sa situation au regard des valeurs limites de concentrations de THM fixées par la directive 98/83 et
d’informer la Commission de ces mesures ainsi que de l’évolution de cette mise en conformité.
120 Cela est d’autant plus important au vu des risques pour la santé humaine et l’environnement que présente une concentration élevée de THM dans l’eau potable, tels que rappelés au point 29 du présent arrêt. C’est pourquoi, ainsi qu’il ressort expressément de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 98/83, l’annexe I, partie B, de celle-ci définit le seuil de concentration de THM par litre au-dessus duquel il ne saurait être garanti que l’eau potable est « propre et salubre », les États membres
étant d’ailleurs libres de fixer des normes plus strictes. Il en résulte que, eu égard à sa persistance, le dépassement des valeurs paramétriques relatives aux concentrations de THM présentes dans l’eau potable dans les zones de distribution d’eau publiques et dans les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé visés par le présent recours était susceptible de présenter un risque potentiel pour la santé des personnes.
121 Il s’ensuit que le second grief invoqué par la Commission doit être accueilli.
122 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que l’Irlande :
– en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour que les eaux destinées à la consommation humaine satisfassent à l’exigence minimale relative aux concentrations de THM présentes dans celles-ci, conformément aux valeurs paramétriques figurant à l’annexe I, partie B, de la directive 98/83, dans vingt et une zones de distribution d’eau publiques, à savoir celles de Schull, de Drimoleague, de Glenties-Ardara, de Roundwood, de Caragh Lake PWS 022A, de Kilkenny City (Radestown) WS, de Granard, de
Gowna, de Staleen, de Drumcondrath, de Grangemore, de Lough Talt Regional Water Supply, de Ring/Helvick, de Aughrim/Annacurra, de Bray Direct, de Greystones, de Kilmacanogue, de Newtown Newcastle, de Enniskerry Public Supply, de Wicklow Regional Public Supply et de Ballymagroarty, ainsi que dans neuf groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé, à savoir ceux de Crossdowney, de Townawilly, de Cloonluane (Renvyle), de Lettergesh/Mullaghgloss, de Bonane, de Parke, de Nephin Valley GWS,
de Curramore (Ballinrobe) et de Keash, et
– en ne veillant pas à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans les zones de distribution d’eau publiques et les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé susmentionnés et en n’accordant pas la priorité à l’application de ces mesures, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour
la santé des personnes,
a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, de celle-ci, et de l’article 8, paragraphe 2, de cette directive.
Sur les dépens
123 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
124 La Commission ayant conclu à la condamnation de l’Irlande aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :
1) L’Irlande,
– en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour que les eaux destinées à la consommation humaine satisfassent à l’exigence minimale relative aux concentrations de trihalométhanes présentes dans celles-ci, conformément aux valeurs paramétriques figurant à l’annexe I, partie B, de la directive 98/83/CE du Conseil, du 3 novembre 1998, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dans vingt et une zones de distribution d’eau publiques, à savoir celles de Schull, de
Drimoleague, de Glenties-Ardara, de Roundwood, de Caragh Lake PWS 022A, de Kilkenny City (Radestown) WS, de Granard, de Gowna, de Staleen, de Drumcondrath, de Grangemore, de Lough Talt Regional Water Supply, de Ring/Helvick, de Aughrim/Annacurra, de Bray Direct, de Greystones, de Kilmacanogue, de Newtown Newcastle, de Enniskerry Public Supply, de Wicklow Regional Public Supply et de Ballymagroarty (Irlande), ainsi que dans neuf groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé, à savoir
ceux de Crossdowney, de Townawilly, de Cloonluane (Renvyle), de Lettergesh/Mullaghgloss, de Bonane, de Parke, de Nephin Valley GWS, de Curramore (Ballinrobe) et de Keash (Irlande), et
– en ne veillant pas à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dans les zones de distribution d’eau publiques et les groupes d’approvisionnement en eau à caractère privé susmentionnés et en n’accordant pas la priorité à l’application de ces mesures, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel pour
la santé des personnes,
a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 98/83, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, de celle-ci, et de l’article 8, paragraphe 2, de cette directive.
2) L’Irlande est condamnée aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.