ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
29 février 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Sécurité alimentaire – Additifs pour l’alimentation animale – Règlement (CE) no 1831/2003 – Procédure d’autorisation – Interdiction de mise sur le marché en l’absence d’autorisation – Statut des produits existants – Validité au regard de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté d’entreprise – Droit de propriété – Principe de proportionnalité – Règlement d’exécution (UE) 2021/758 – Retrait du marché de l’extrait de pomélo (grapefruit) – Aliment pour
animaux contenant de l’extrait de pépin et d’écorce de pamplemousse »
Dans l’affaire C‑13/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Osnabrück (tribunal administratif d’Osnabrück, Allemagne), par décision du 15 décembre 2022, parvenue à la Cour le 16 janvier 2023, dans la procédure
cdVet Naturprodukte GmbH
contre
Niedersächsisches Landesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit (LA-VES),
LA COUR (septième chambre),
composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour cdVet Naturprodukte GmbH, par Me M. Immel, Rechtsanwalt,
– pour le Niedersächsisches Landesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit (LA-VES), par Mme L. Berning, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement français, par MM. G. Bain et J.-L. Carré, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,
– pour le Parlement européen, par Mme G. C. Bartram, M. G. Mendola et Mme L. Stefani, en qualité d’agents,
– pour le Conseil de l’Union européenne, par M. N. Brzezinski, Mmes L. Hamtcheva et A. Jaume, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. B. Hofstötter, B. Rechena et Mme M. Zerwes, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte, d’une part, sur la validité du règlement (CE) no 1831/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, relatif aux additifs destinés à l’alimentation des animaux (JO 2003, L 268, p. 29), tel que modifié par le règlement (UE) 2019/1381 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019 (JO 2019, L 231, p. 1) (ci-après le « règlement no 1831/2003 »), au regard des articles 16, 17 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que, d’autre part, sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 3, lu en combinaison avec l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, du règlement d’exécution (UE) 2021/758 de la Commission, du 7 mai 2021, relatif au statut de certains produits en tant qu’additifs pour l’alimentation animale relevant du champ d’application du règlement (CE) no 1831/2003 du Parlement européen et du Conseil et au retrait du marché de certains additifs pour l’alimentation animale
(JO 2021, L 162, p. 5).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant cdVet Naturprodukte GmbH (ci-après « cdVet ») au Niedersächsisches Landesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit (LA-VES) (office de la protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire du Land de Basse-Saxe, Allemagne) au sujet de l’interdiction de mise sur le marché d’un aliment pour animaux contenant, en tant qu’additif, de l’extrait de pépin et d’écorce de pamplemousse.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement no 1831/2003
3 Aux termes des considérants 4, 6 et 11 du règlement no 1831/2003 :
« (4) Pour protéger la santé humaine et animale et l’environnement, les additifs pour l’alimentation animale devraient être soumis à une évaluation de sécurité selon une procédure communautaire avant d’être mis sur le marché, utilisés ou transformés au sein de la Communauté. [...]
[...]
(6) Toute action de la Communauté en matière de santé humaine, de santé animale et d’environnement devrait être fondée sur le principe de précaution.
[...]
(11) Le principe fondamental dans ce domaine devrait être que seuls les additifs approuvés selon la procédure décrite dans le présent règlement peuvent être mis sur le marché, utilisés et transformés dans l’alimentation des animaux, conformément aux conditions prévues par l’autorisation. »
4 L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose :
« Le présent règlement a pour objet d’établir une procédure communautaire pour l’autorisation de mise sur le marché et l’utilisation des additifs pour l’alimentation animale et d’établir des règles pour la surveillance et l’étiquetage des additifs pour l’alimentation animale et des prémélanges en vue de jeter les bases d’un niveau élevé de protection de la santé humaine, de la santé et du bien-être des animaux, de l’environnement et des intérêts des utilisateurs et des consommateurs en ce qui
concerne les additifs pour l’alimentation animale, tout en veillant au fonctionnement effectif du marché intérieur. »
5 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous a), dudit règlement :
« Nul ne peut mettre sur le marché, transformer ou utiliser un additif pour l’alimentation animale sans que :
a) cet additif ait obtenu une autorisation conformément au présent règlement ».
6 L’article 4, paragraphes 1 et 2, du même règlement énonce :
« 1. Toute personne souhaitant obtenir une autorisation pour un additif pour l’alimentation animale ou pour une nouvelle utilisation d’un additif pour l’alimentation animale introduit une demande conformément à l’article 7.
2. L’autorisation est uniquement accordée, refusée, renouvelée, modifiée, suspendue ou révoquée sur la base des motifs et conformément aux procédures prévus dans le présent règlement [...] »
7 L’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1831/2003 prévoit :
« Toute demande d’autorisation visée à l’article 4 du présent règlement est adressée à la Commission [européenne] [...] La Commission informe sans retard les États membres et transmet la demande à l’Autorité européenne de sécurité des aliments [(EFSA)]. »
8 L’article 8, paragraphes 1 et 3, de ce règlement énonce :
« 1. L’[EFSA] rend son avis dans les six mois qui suivent la réception d’une demande valable. [...]
[...]
3. Dans le cadre de l’élaboration de son avis, l’[EFSA] :
a) vérifie que les renseignements et les documents fournis par le demandeur sont conformes à l’article 7 et effectue une évaluation des risques afin de déterminer si l’additif pour l’alimentation animale respecte les conditions fixées à l’article 5 ;
[...] »
9 Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement :
« Dans un délai de trois mois à compter de la réception de l’avis de l’[EFSA], la Commission élabore un projet de règlement visant à accorder ou à refuser l’autorisation. Ce projet tient compte des exigences de l’article 5, paragraphes 2 et 3, du droit communautaire et des autres facteurs légitimement liés au domaine considéré et notamment des bienfaits pour la santé et le bien-être des animaux et pour le consommateur des produits d’origine animale.
Lorsque le projet n’est pas conforme à l’avis de l’[EFSA], elle fournit une explication des raisons des différences.
[...] »
10 L’article 10, paragraphes 1, 2 et 5, du même règlement dispose :
« 1. Par dérogation à l’article 3, tout additif pour l’alimentation animale qui a été mis sur le marché conformément à la directive 70/524/CEE [du Conseil, du 23 novembre 1970, concernant les additifs dans l’alimentation des animaux (JO 1970, L 270, p. 1)] [...], peut être mis sur le marché et utilisé conformément aux conditions fixées dans [cette directive] et [ses] mesures de mise en œuvre, y compris en particulier les dispositions spécifiques en matière d’étiquetage concernant les aliments
composés et les matières premières pour aliments des animaux, dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
a) dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement, toute personne mettant l’additif pour l’alimentation animale sur le marché pour la première fois ou toute autre partie concernée notifie ce fait à la Commission [...] ;
[...]
2. Une demande d’autorisation est présentée conformément à l’article 7 au plus tard une année avant la date d’expiration de l’autorisation accordée conformément à la [directive 70/524] pour les additifs soumis à une durée d’autorisation déterminée, et au plus tard dans les sept ans suivant l’entrée en vigueur du présent règlement pour les additifs bénéficiant d’une autorisation sans limitation dans le temps [...] Un calendrier détaillé énumérant par ordre de priorité les différentes catégories
d’additifs à réévaluer peut être adopté conformément à la procédure visée à l’article 22, paragraphe 2. [...]
[...]
5. Lorsque la notification et les informations y afférentes visées au paragraphe 1, point a), ne sont pas fournies dans le délai imparti ou se révèlent erronées, ou lorsque la demande n’est pas introduite dans le délai prescrit au paragraphe 2, un règlement est adopté, conformément à la procédure visée à l’article 22, paragraphe 2, exigeant le retrait du marché des additifs concernés. Une telle mesure peut prévoir un délai limité en vue de la liquidation des stocks existants du produit. »
11 L’annexe I, point 2, sous b), du règlement no 1831/2003 énonce :
« Appartiennent à la catégorie “additifs sensoriels” les groupes fonctionnels suivants :
[...]
b) substances aromatiques : substances qui, ajoutées à un aliment pour animaux, en augmentent l’odeur et la palatabilité. »
Le règlement d’exécution (UE) no 230/2013
12 Le règlement d’exécution (UE) no 230/2013 de la Commission, du 14 mars 2013, relatif au retrait du marché de certains additifs pour l’alimentation animale appartenant au groupe fonctionnel des substances aromatiques et apéritives (JO 2013, L 80, p. 1), a été adopté, notamment, sur le fondement de l’article 10, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1831/2003, dans sa version initiale.
13 L’article 1er, premier alinéa, du règlement d’exécution no 230/2013 dispose :
« Les additifs pour l’alimentation animale énumérés dans l’annexe, partie A, qui relèvent du groupe des “substances aromatiques et apéritives”, sont retirés du marché. »
14 Dans la partie A de l’annexe de ce règlement d’exécution, figurent notamment, sous l’intitulé « Produits naturels et produits synthétiques correspondants », les additifs suivants :
« Citrus × paradisi Macfad. : concentré de pamplemousse (grapefruit) ; CoE 140/Extrait d’écorces d’agrumes ; CAS 94266-47-4 ; FEMA 2318 ; Einecs 304-454-3 ; Huile essentielle de pamplemousse (grapefruit) déterpénée ; CAS 90045-43-5 ; CoE 140/Essence de pamplemousse (grapefruit) ; CoE 140/Teinture de pamplemousse (grapefruit) ; CoE 140/Terpènes de pamplemousse (grapefruit) ; CoE 140 ».
Le règlement d’exécution 2021/758
15 À l’instar du règlement d’exécution no 230/2013, le règlement d’exécution 2021/758 a été adopté, notamment, sur le fondement de l’article 10, paragraphe 5, du règlement no 1831/2003.
16 Aux termes du considérant 7 du règlement d’exécution 2021/758 :
« Le retrait du marché des produits figurant à l’annexe I n’empêche pas leur autorisation ou l’application d’une mesure relative à leur statut conformément au règlement [no 1831/2003]. »
17 L’article 1er de ce règlement d’exécution dispose :
« Les additifs pour l’alimentation animale énumérés à l’annexe I sont retirés du marché pour les espèces animales ou catégories d’animaux mentionnées dans cette annexe. »
18 L’article 2, paragraphes 1 et 3, dudit règlement d’exécution prévoit :
« 1. Les stocks existants des additifs pour l’alimentation animale énumérés à l’annexe I, chapitres I.A et I.C, peuvent continuer d’être mis sur le marché et utilisés jusqu’au 30 mai 2022.
[...]
3. Les aliments composés pour animaux et les matières premières pour aliments des animaux produits avec les additifs visés au paragraphe 1 [...] peuvent continuer d’être mis sur le marché et utilisés jusqu’au 30 mai 2023. »
19 L’annexe I du règlement d’exécution 2021/758 énumère les additifs pour l’alimentation animale à retirer du marché, tels que visés à l’article 1er de ce règlement d’exécution. La partie 1 du chapitre I.A de cette annexe mentionne les additifs à retirer du marché pour toutes les espèces animales et catégories d’animaux, parmi lesquels figurent, sous l’intitulé « Substances aromatiques et apéritives – Produits naturels – de constitution botanique définie », les additifs suivants :
« Citrus × paradisi Macfad. : huile essentielle de pomélo (grapefruit) obtenue par expression ; CAS 8016-20-4 ; FEMA 2530 ; CoE 140 ; Einecs 289-904-6/extrait de pomélo (grapefruit) ; CoE 140 ».
Le droit allemand
20 L’article 21, paragraphe 3, du Lebensmittel‑ und Futtermittelgesetzbuch (code des denrées alimentaires et des aliments pour animaux) prévoit :
« Sauf disposition contraire de la deuxième phrase, les aliments pour animaux pour lesquels,
1. lors de leur fabrication ou de leur traitement,
[...]
b) un additif pour l’alimentation animale relevant d’une catégorie autre que celle visée à l’article 6, paragraphe 1, sous e), du règlement [no 1831/2003]
a été utilisé,
[...]
ne doivent pas être mis sur le marché ni utilisés dans l’alimentation des animaux. La première phrase, point 1, ne s’applique pas lorsque l’additif pour l’alimentation animale utilisé est autorisé par un acte juridique directement applicable de la Communauté européenne ou de l’Union européenne et que l’additif pour l’alimentation animale utilisé ou l’aliment pour animaux est conforme à une exigence fixée dans le cadre de cet acte juridique directement applicable ou dans le règlement
[no 1831/2003], pour autant qu’une telle exigence y ait été prévue. [...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
21 cdVet produit et commercialise des aliments pour animaux, dont le produit « DarmRein Pulver/GutClean Powder », un aliment complémentaire destiné aux chiens, chats et autres animaux de compagnie (ci-après le « produit litigieux »). Ce produit contient un additif sensoriel, figurant sur l’étiquetage de ce produit sous l’appellation « extrait de pépin de pamplemousse » (ci-après l’« additif litigieux »).
22 Le 24 février 2022, des agents du LA-VES ont effectué un contrôle officiel dans l’usine de cdVet portant, notamment, sur le produit litigieux. L’examen qu’ils ont effectué, à cette occasion, du document du fournisseur en amont spécifiant les caractéristiques de l’additif litigieux (ci-après la « fiche de spécification ») a révélé que celui-ci était désigné dans ce document sous la dénomination « extrait de pépin de pamplemousse S » et qu’il était principalement composé d’un extrait glycériné
obtenu par extraction de pépins et d’écorces de pamplemousse à l’aide de glycérine végétale.
23 Après avoir entendu cdVet, le LA-VES, par une décision du 30 mars 2022, lui a interdit de proposer à la vente et de mettre sur le marché le produit litigieux et a ordonné l’exécution immédiate de cette décision. Le LA-VES a motivé ladite décision en retenant, pour l’essentiel, que l’extrait de pépin de pamplemousse avait été retiré du marché en application de l’article 1er du règlement d’exécution no 230/2013, lu en combinaison avec la partie A de l’annexe de ce règlement d’exécution, pour ne pas
avoir fait l’objet de la demande d’autorisation prévue à l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1831/2003, dans les délais requis. Il y avait donc lieu, selon le LA-VES, de constater que la mise sur le marché de l’additif litigieux constituait un manquement à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1831/2003 ou à l’article 21, paragraphe 3, point 1, sous b), du code des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.
24 Le 11 octobre 2022, cdVet a introduit un recours contre cette décision ainsi qu’une demande en référé auprès du Verwaltungsgericht Osnabrück (tribunal administratif d’Osnabrück, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, en faisant valoir que, compte tenu de sa composition, l’additif litigieux devait être qualifié non pas d’extrait de pépin de pamplemousse, mais d’extrait de pamplemousse, également appelé « extrait de pomélo ».
25 Il ressortirait, en effet, clairement de la fiche de spécification que cet additif litigieux est obtenu non seulement à partir de pépins de pamplemousse, ce qui a pu justifier que le fournisseur retienne dans cette fiche la dénomination d’« extrait de pépin de pamplemousse », mais également à partir d’écorces de pamplemousse.
26 Or, selon cdVet, l’article 1er du règlement d’exécution 2021/758, lu en combinaison avec l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, de ce règlement d’exécution, a certes, en principe, retiré l’additif « extrait de pomélo (grapefruit) ; CoE 140 » du marché. Toutefois, la disposition transitoire figurant à l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement d’exécution lui permettrait de continuer à commercialiser le produit litigieux, fabriqué avec cet additif, jusqu’au 30 mai 2023.
27 cdVet émet, par ailleurs, des doutes sur la compatibilité des dispositions du règlement no 1831/2003, dont le LA-VES a fait application, avec le droit de l’Union, en ce que ce règlement comporterait une interdiction globale de commercialisation et d’utilisation de tous les additifs pour l’alimentation animale, sans qu’il soit tenu compte des circonstances de chaque cas particulier.
28 Devant la juridiction de renvoi, le LA-VES rétorque que l’extrait de pépin de pamplemousse, ajouté en tant qu’additif au produit litigieux, et l’extrait de pamplemousse ne sont pas des substances identiques, de sorte que cdVet ne peut valablement se prévaloir du régime transitoire prévu à l’article 2, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2021/758, qui ne concerne que l’« extrait de pomélo ».
29 Enfin, il n’existe pas, selon le LA-VES, de doutes substantiels sur la proportionnalité du règlement no 1831/2003 au regard du droit de l’Union puisque l’objectif de ce règlement, précisé au considérant 4 de celui-ci, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, requiert nécessairement une procédure d’autorisation qui permet d’évaluer la sécurité des additifs pour l’alimentation animale, conformément au principe de précaution.
30 En raison des doutes qu’elle nourrit quant à la validité et quant à l’interprétation de la réglementation du droit de l’Union en cause, la juridiction de renvoi a fait droit à la demande en référé de cdVet et a rétabli l’effet suspensif de son recours.
31 En effet, en premier lieu, cette juridiction n’est pas certaine que, en l’espèce, un juste équilibre conforme au principe de proportionnalité, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, soit respecté entre, d’une part, la liberté d’entreprise et le droit de propriété, visés respectivement à l’article 16 et à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, et, d’autre part, la protection des intérêts juridiques que représentent la santé humaine et animale et l’environnement, tels que visés par
le règlement no 1831/2003. Elle relève que ce règlement impose une interdiction générale de mise sur le marché, d’utilisation et de transformation des additifs pour l’alimentation animale qui n’ont pas été autorisés, sans tenir compte à cet égard des circonstances de chaque cas d’espèce telles que la question de savoir quelle est la quantité absolue ou la concentration de l’additif alimentaire dans l’aliment en question ou celle de savoir si cet additif est une substance végétale existant
également dans la nature ou bien une substance synthétique. À cet égard, ladite juridiction souligne que les composants de l’additif litigieux, dont la concentration se situerait d’ailleurs sous le seuil de détection, sont exclusivement d’origine naturelle, de sorte qu’il ne serait pas évident qu’ils puissent représenter un danger pour la santé humaine ou animale.
32 En second lieu, la juridiction de renvoi se demande si l’additif litigieux correspond à la substance « extrait de pomélo (grapefruit) ; CoE 140 » mentionnée à l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, du règlement d’exécution 2021/758. Elle considère que, si tel était le cas, cdVet aurait la possibilité, en vertu de la disposition transitoire prévue à l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement d’exécution, de continuer à commercialiser le produit litigieux jusqu’au 30 mai 2023. À la date de l’adoption
de sa décision, le 30 mars 2022, le LA-VES n’aurait pu constater l’existence d’un manquement aux dispositions de la législation relative aux aliments pour animaux.
33 Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Osnabrück (tribunal administratif d’Osnabrück) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le [règlement no 1831/2003], en particulier son article 3, paragraphe 1, sous a), son article 4, paragraphe 1, son article 7, paragraphe 1, et son article 10, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 5, qui prescrit une interdiction générale de mettre sur le marché, d’utiliser ou de transformer les additifs pour l’alimentation animale qui n’ont pas fait l’objet d’une autorisation, indépendamment des circonstances propres à chaque cas d’espèce, est-il compatible, eu égard à la liberté
d’entreprise protégée par l’article 16 de la [Charte] ainsi qu’au droit de propriété consacré à l’article 17, paragraphe 1, de celle-ci, avec le principe de proportionnalité énoncé à l’article 52, paragraphe 1, de ladite [Charte] ?
2) Si la Cour devait répondre par l’affirmative à la première question préjudicielle, ce qui aurait pour conséquence que le [règlement no 1831/2003], en particulier son article 3, paragraphe 1, sous a), son article 4, paragraphe 1, son article 7, paragraphe 1, et son article 10, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 5, serait pleinement applicable : l’extrait utilisé par la requérante en tant qu’additif pour l’alimentation animale, qui est fabriqué, selon [la fiche de spécification], à
partir de pépins et d’écorces de pamplemousse (grapefruit) et y est désigné comme étant de l’“extrait de pépin de pamplemousse” (précisément : extrait de pépin de pamplemousse S), correspond-il (en tout état de cause également) à la substance “extrait de pomélo (grapefruit) ; CoE 140” visée à l’article 2, [paragraphe] 3, du [règlement d’exécution 2021/758], lu en combinaison avec l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, de ce même règlement ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
34 Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la validité du règlement no 1831/2003, en particulier de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 10, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 5, de ce règlement, en ce qu’il prescrirait une interdiction générale de mettre sur le marché, de transformer ou d’utiliser les additifs pour l’alimentation animale qui n’ont pas obtenu
d’autorisation, et ce indépendamment des circonstances propres à chaque cas d’espèce. Cette juridiction demande à la Cour d’apprécier la validité de ces dispositions au regard de la liberté d’entreprise et du droit de propriété consacrés, respectivement, à l’article 16 et à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, ainsi que du principe de proportionnalité énoncé à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci.
35 À titre liminaire, il convient d’observer, d’une part, que l’interdiction à laquelle fait référence la juridiction de renvoi dans sa question est prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1831/2003. D’autre part, l’article 10 de ce règlement établit le statut des produits existants, à savoir des additifs pour l’alimentation animale qui ont été mis sur le marché conformément, notamment, à la directive 70/524, ce qui est le cas de l’additif litigieux.
36 L’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1831/2003 se bornent, quant à eux, à prévoir, en substance, que toute personne souhaitant obtenir une autorisation conformément à ce règlement doit introduire une demande auprès de la Commission. Ainsi, ces dispositions sont, eu égard aux circonstances du litige au principal, sans incidence pour l’examen de la validité du règlement no 1831/2003. En effet, ce litige concerne l’interdiction de mise sur le marché d’un additif
pour lequel aucune demande d’autorisation au titre de ce règlement n’a été introduite, si bien que les modalités d’introduction d’une telle demande ne sont pas pertinentes en l’occurrence.
37 Par conséquent, seule la validité de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 10, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 5, du règlement no 1831/2003 requiert un examen en l’occurrence, au regard de l’article 16, de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
38 À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que la liberté d’entreprise et le droit de propriété prévus, respectivement, à l’article 16 et à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société (arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 170 et jurisprudence citée).
39 Ensuite, l’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet que des limitations puissent être apportées à l’exercice de droits et libertés consacrés par celle-ci pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel de ces droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés
d’autrui.
40 Enfin, lorsque plusieurs droits protégés par l’ordre juridique de l’Union s’affrontent, l’appréciation de ces limitations doit s’effectuer dans le respect de la conciliation nécessaire des exigences liées à la protection de ces différents droits et d’un juste équilibre entre eux (arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 172 et jurisprudence citée).
41 En l’occurrence, il importe de relever qu’il découle du considérant 4 et de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1831/2003 que ce règlement a pour objet d’établir, notamment, une procédure de l’Union pour l’autorisation de mise sur le marché et l’utilisation des additifs pour l’alimentation animale en vue de jeter les bases d’un niveau élevé de protection de la santé humaine, de la santé et du bien-être des animaux, de l’environnement et des intérêts des utilisateurs et des consommateurs
en ce qui concerne ces additifs, tout en veillant au fonctionnement effectif du marché intérieur.
42 À cette fin, le législateur de l’Union a prévu, ainsi qu’il ressort du considérant 11 du règlement no 1831/2003, que seuls les additifs approuvés selon la procédure décrite dans ce règlement peuvent être mis sur le marché, utilisés et transformés dans l’alimentation des animaux. Cette procédure d’autorisation est prévue au chapitre II dudit règlement, où figurent les articles 3 à 15 de celui-ci. L’article 3, paragraphe 1, sous a), du même règlement pose l’interdiction de la mise sur le marché, de
la transformation et de l’utilisation des additifs pour l’alimentation animale qui n’ont pas obtenu d’autorisation.
43 Il ressort de la lecture combinée de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’article 8, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1831/2003 que, dans un premier temps, la demande d’autorisation fait l’objet d’un avis de l’EFSA, aux fins duquel cette autorité effectue une évaluation des risques afin de déterminer si l’additif concerné respecte les conditions d’autorisation fixées par ce règlement. Dans un second temps, l’autorisation est accordée ou refusée par un
règlement adopté par la Commission dans le cadre de l’exercice de ses compétences d’exécution. Lors de l’élaboration du projet de règlement accordant ou refusant l’autorisation, la Commission tient compte, en particulier, de ces conditions d’autorisation ainsi que des autres facteurs légitimement liés au domaine considéré et, notamment, des bienfaits pour la santé et le bien-être des animaux et pour le consommateur des produits d’origine animale.
44 L’article 10 du règlement no 1831/2003 prévoit que, par dérogation à l’article 3, les additifs ayant été mis sur le marché, notamment, au titre de la directive 70/524 peuvent continuer à être mis sur le marché à condition, notamment, qu’une demande d’autorisation ait été présentée au plus tard dans les sept ans suivant l’entrée en vigueur de ce règlement.
45 Ainsi, il y a lieu de constater, premièrement, que le système d’autorisation mis en place par le règlement no 1831/2003 est prévu par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
46 Deuxièmement, ce système d’autorisation respecte le contenu essentiel de la liberté d’entreprise et du droit de propriété prévus, respectivement, à l’article 16 et à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. En effet, d’une part, il n’empêche pas l’exercice de l’activité de production et de commercialisation d’aliments pour animaux, mais la soumet à certaines conditions dans l’intérêt de la santé humaine et animale et de l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Neptune
Distribution, C‑157/14, EU:C:2015:823, point 71). D’autre part, ledit système d’autorisation n’entraîne pas une privation de propriété et ne constitue donc pas une intervention portant atteinte à la substance même du droit de propriété (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 89).
47 Troisièmement, en ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que, s’agissant du contrôle juridictionnel de ce principe, la Cour a reconnu au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation dans des domaines qui impliquent de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ces
domaines, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 151 et jurisprudence citée). Il en est ainsi, en particulier, dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, EU:C:2005:741, point 69).
48 À cet égard, et à l’instar des systèmes d’autorisation prévus, ainsi que le rappellent le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission dans leurs observations écrites, par de nombreux actes de l’Union dans le domaine de la sécurité alimentaire, il y a lieu de constater que le système d’autorisation prévu par le règlement no 1831/2003, tel que décrit aux points 42 à 44 du présent arrêt, n’est pas manifestement inapproprié au regard de l’objectif de ce règlement, à savoir
assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, de la santé et du bien-être des animaux, de l’environnement et des intérêts des utilisateurs et des consommateurs.
49 S’agissant de cet objectif, il convient de relever que, si la juridiction de renvoi se réfère à l’article 16 et à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, il importe également de tenir compte des articles 35, 37 et 38 de celle-ci, qui tendent à assurer respectivement un niveau élevé de protection de la santé humaine, de l’environnement et des consommateurs. En outre, il ressort tant de la jurisprudence de la Cour que de l’article 13 TFUE que la protection du bien-être des animaux constitue un
objectif d’intérêt général reconnu par l’Union (arrêt du 17 décembre 2020, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., C‑336/19, EU:C:2020:1031, point 63).
50 Par ailleurs, un système d’autorisation tel que celui mis en place par le règlement no 1831/2003 constitue un moyen apte à assurer le respect du principe de précaution qui, ainsi qu’il ressort du considérant 6 de ce règlement, s’applique dans le domaine concerné.
51 Au demeurant, il importe de relever que le règlement no 1831/2003 contient plusieurs dispositions qui visent, conformément au principe de proportionnalité, à trouver un juste équilibre entre l’objectif de ce règlement et les intérêts des entreprises utilisant des additifs pour l’alimentation animale. En ce qui concerne, en particulier, la procédure de réévaluation des produits ayant été mis sur le marché au titre de la directive 70/524, tels que l’additif litigieux, il en va ainsi de la période
transitoire d’une durée maximale de sept ans prévue à l’article 10, paragraphe 2, de ce règlement, pendant laquelle ces produits peuvent continuer à être mis sur le marché sans que la demande d’autorisation prévue à l’article 7 dudit règlement n’ait été présentée, ou encore de la faculté pour la Commission, lorsqu’elle exige le retrait du marché d’additifs conformément à l’article 10, paragraphe 5, du même règlement, de prévoir un délai limité en vue de la liquidation des stocks existants du
produit concerné. Or, en l’occurrence, la Commission a prévu un tel délai à l’article 2, paragraphe 3, du règlement d’exécution 2021/758 dont cdVet se prévaut dans le litige au principal.
52 En outre, la juridiction de renvoi tend à considérer que le système d’autorisation mis en place par le règlement no 1831/2003 ne permet pas de tenir compte des « circonstances propres à chaque cas d’espèce » et s’interroge, en particulier, sur l’incidence de circonstances telles que la quantité absolue ou la concentration de l’additif alimentaire dans l’aliment en question ou le fait que cet additif soit une substance naturelle ou synthétique. À cet égard, il suffit de rappeler que les règlements
d’exécution no 230/2013 et 2021/758 interdisent la commercialisation d’un grand nombre d’additifs décrits, dans leurs annexes, comme étant des produits naturels. Par ailleurs, la fixation de seuils abstraits de quantité absolue ou de concentration d’un additif, sans procéder à une évaluation des risques de celui-ci, est difficilement conciliable avec les exigences de protection de la santé humaine et animale, en particulier compte tenu du principe de précaution.
53 Enfin, ainsi qu’il ressort du considérant 7 du règlement d’exécution 2021/758, le retrait du marché des additifs figurant à l’annexe I de ce règlement n’empêche pas leur autorisation conformément au règlement no 1831/2003. Ainsi, les éventuelles circonstances propres au litige au principal pourraient être invoquées par cdVet dans le cadre d’une éventuelle demande d’autorisation de l’additif litigieux.
54 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que l’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 10, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 5, du règlement no 1831/2003 au regard de l’article 16, de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
Sur la seconde question
55 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion d’« extrait de pomélo (grapefruit) », visée à l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, du règlement d’exécution 2021/758, doit être interprétée en ce sens qu’un extrait fabriqué à partir de pépins et d’écorces de pamplemousse relève de cette notion.
56 À titre liminaire, il y a lieu de constater, d’une part, que l’annexe du règlement d’exécution no 230/2013 et l’annexe I du règlement d’exécution 2021/758 utilisent, dans certaines versions linguistiques, deux noms vernaculaires différents pour viser le même fruit, dont le nom scientifique est « Citrus × paradisi ». C’est le cas, en particulier, des versions en langue française de ces deux annexes, qui utilisent, respectivement, les termes « pamplemousse (grapefruit) » et « pomélo (grapefruit) ».
57 D’autre part, comme le fait observer le gouvernement français dans ses observations écrites, l’« extrait de pomélo (grapefruit) » est visé à l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, du règlement d’exécution 2021/758 en tant que « substance aromatique et apéritive ».
58 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que l’additif litigieux est décrit, sur l’étiquette du produit litigieux, comme étant un « additif sensoriel ». Or, l’annexe I, point 2, du règlement no 1831/2003 indique que les substances aromatiques appartiennent à la catégorie des additifs sensoriels. Ainsi, il apparaît, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, que l’additif litigieux est effectivement utilisé, dans le produit litigieux, en tant que substance aromatique et
apéritive.
59 S’agissant de la notion d’« extrait de pomélo (grapefruit) », visée à l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, du règlement d’exécution 2021/758, il convient de relever que celle-ci n’est pas définie dans ce règlement d’exécution ni, d’ailleurs, dans le règlement d’exécution no 230/2013.
60 Dans ces conditions, il importe de relever que, pour interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, conformément à leur sens habituel dans le langage courant, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie. En outre, un règlement d’exécution doit faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux dispositions du règlement de base (arrêt du 7 décembre 2023,
Syngenta Agro, C‑830/21, EU:C:2023:959, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).
61 Ainsi, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion d’« extrait de pomélo (grapefruit) » doit être interprétée comme visant tout extrait obtenu à partir du pomélo, indépendamment du point de savoir si un extrait donné a été obtenu à partir de certaines parties de ce fruit ou à partir du fruit dans son ensemble.
62 Cette interprétation de la notion d’« extrait de pomélo (grapefruit) » est confortée par les objectifs de la réglementation dont elle fait partie. En effet, le règlement d’exécution 2021/758 vise à mettre en œuvre les dispositions de l’article 10, paragraphe 5, du règlement no 1831/2003. Or, ce dernier règlement institue, ainsi que cela ressort du point 42 du présent arrêt, le principe de l’interdiction de la mise sur le marché, de la transformation et de l’utilisation des additifs pour
l’alimentation animale qui n’ont pas obtenu d’autorisation. L’article 10 du règlement no 1831/2003 met en œuvre ce principe en ce qui concerne les additifs qui avaient préalablement été mis sur le marché au titre de la directive 70/524 mais qui n’ont pas fait l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation conformément à ce règlement, en prévoyant, notamment, une période transitoire d’un maximum de sept ans à l’expiration de laquelle ces additifs doivent faire l’objet d’un retrait du marché.
63 Cette interdiction étant la règle générale sur laquelle est fondé le règlement no 1831/2003, il convient d’en faire une interprétation large, selon laquelle tout additif qui n’est pas expressément autorisé est interdit, y compris lorsque celui-ci avait auparavant été mis sur le marché conformément à la directive 70/524.
64 Ainsi, dans la mesure où le règlement d’exécution 2021/758 ne distingue pas, lorsqu’il prévoit le retrait du marché de l’additif « extrait de pomélo (grapefruit) », entre les différentes parties composant le pomélo, il convient de considérer que ce règlement d’exécution vise les extraits obtenus à partir de n’importe quelle partie du fruit, voire à partir du fruit dans son ensemble.
65 L’interprétation visée au point 61 du présent arrêt est également confortée par l’annexe du règlement d’exécution no 230/2013 qui, parmi les additifs à base de « Citrus × paradisi » inclut, notamment, l’extrait d’écorces d’agrumes, visant ainsi, sans aucun doute, l’extrait d’écorces de pamplemousse. Dès lors, si le législateur de l’Union avait souhaité distinguer les extraits obtenus à partir des différentes parties de ce fruit, il l’aurait précisé, à l’instar de ce qu’il a fait s’agissant de
l’extrait d’écorces d’agrumes.
66 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’annexe I, chapitre I.A, partie 1, du règlement d’exécution 2021/758, doit être interprétée en ce sens que relève de la notion d’« extrait de pomélo (grapefruit) », au sens de cette disposition, un extrait fabriqué à partir de pépins et d’écorces de pamplemousse.
Sur les dépens
67 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
1) L’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 3, paragraphe 1, sous a), et de l’article 10, paragraphe 1, sous a), et paragraphes 2 et 5, du règlement (CE) no 1831/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, relatif aux additifs destinés à l’alimentation des animaux, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/1381 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, au regard de l’article 16, de l’article 17,
paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
2) L’annexe I, chapitre I.A, partie 1, du règlement d’exécution (UE) 2021/758 de la Commission, du 7 mai 2021, relatif au statut de certains produits en tant qu’additifs pour l’alimentation animale relevant du champ d’application du règlement (CE) no 1831/2003 du Parlement européen et du Conseil et au retrait du marché de certains additifs pour l’alimentation animale,
doit être interprétée en ce sens que :
relève de la notion d’« extrait de pomélo (grapefruit) », au sens de cette disposition, un extrait fabriqué à partir de pépins et d’écorces de pamplemousse.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.