ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
29 février 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Accord d’association CE-Algérie – Sécurité sociale des travailleurs migrants algériens et de leurs survivants – Transfert de prestations vers l’Algérie aux taux appliqués en vertu de la législation de l’État membre débiteur – Prestation de survie – Réglementation nationale appliquant le principe du pays de résidence – Clause de résidence comportant une réduction du montant de la prestation de survie pour les bénéficiaires résidant en Algérie »
Dans l’affaire C‑549/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas), par décision du 15 août 2022, parvenue à la Cour le 18 août 2022, dans la procédure
X
contre
Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. F. Biltgen, N. Wahl, J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2023,
considérant les observations présentées :
– pour le Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank, par Mme C. Speear, M. W. van den Berg et Mme M. Van der Ent-Eltink, en qualité de conseillers,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. H. S. Gijzen, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann, D. Martin et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 octobre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 68, paragraphe 4, de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part (JO 2005, L 265, p. 2, ci-après l’« accord d’association CE-Algérie »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant X au Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank (conseil d’administration de la banque des assurances sociales, Pays-Bas) (ci-après le « SVB ») au sujet de la réduction du montant de la prestation de survie versée à X en raison de sa résidence en Algérie.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
L’accord d’association CE-Algérie
3 L’accord d’association CE-Algérie a été signé à Valence (Espagne) le 22 avril 2002 et approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/690/CE du Conseil, du 18 juillet 2005 (JO 2005, L 265, p. 1). Conformément à son article 110, paragraphe 1, il est entré en vigueur le 1er septembre 2005, tel qu’il ressort de l’information publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2005, L 292, p. 10). En outre, en vertu de son article 110, paragraphe 2, dès son entrée en vigueur, il a
remplacé l’accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République algérienne démocratique et populaire, signé à Alger (Algérie) le 26 avril 1976 et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) no 2210/78 du Conseil, du 26 septembre 1978 (JO 1978, L 263, p. 1, ci-après l’« accord de coopération CEE-Algérie »).
4 L’article 1er de l’accord d’association CE-Algérie prévoit :
« 1. Il est établi une association entre la Communauté et ses États membres, d’une part, et l’Algérie, d’autre part.
2. Le présent accord a pour objectifs de :
– fournir un cadre approprié au dialogue politique entre les parties afin de permettre le renforcement de leurs relations et de leur coopération dans tous les domaines qu’elles estimeront pertinents,
– développer les échanges, assurer l’essor de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties, et fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux,
– favoriser les échanges humains, notamment dans le cadre des procédures administratives,
– encourager l’intégration maghrébine en favorisant les échanges et la coopération au sein de l’ensemble maghrébin et entre celui-ci et la Communauté et ses États membres,
– promouvoir la coopération dans les domaines économique, social, culturel et financier. »
5 L’article 68 de cet accord est libellé comme suit :
« 1. Sous réserve des dispositions des paragraphes suivants, les travailleurs de nationalité algérienne et les membres de leur famille résidant avec eux bénéficient, dans le domaine de la sécurité sociale, d’un régime caractérisé par l’absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport aux propres ressortissants des États membres dans lesquels ils sont occupés.
La notion de sécurité sociale couvre les branches de sécurité sociale qui concernent les prestations de maladie et de maternité, les prestations d’invalidité, de vieillesse, de survivants, les prestations d’accident de travail et de maladie professionnelle, les allocations de décès, les prestations de chômage et les prestations familiales.
Toutefois, cette disposition ne peut avoir pour effet de rendre applicable les autres règles de coordination prévues par la réglementation communautaire basée sur l’article [48] du traité [FUE], autrement que dans les conditions fixées par l’article 70 du présent accord.
[...]
4. Ces travailleurs bénéficient du libre transfert vers l’Algérie, aux taux appliqués en vertu de la législation de l’État membre ou des États membres débiteurs, des pensions et rentes de vieillesse, de survie et d’accident de travail ou de maladie professionnelle, ainsi que d’invalidité, en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, à l’exception des prestations spéciales à caractère non contributif.
[...] »
6 L’article 70 dudit accord dispose :
« 1. Avant la fin de la première année après l’entrée en vigueur du présent accord, le Conseil d’association arrête les dispositions permettant d’assurer l’application des principes énoncés à l’article 68.
2. Le Conseil d’association arrête les modalités d’une coopération administrative assurant les garanties de gestion et de contrôle nécessaires pour l’application des dispositions visées au paragraphe 1. »
Le projet de décision du conseil d’association
7 La décision 2010/699/UE du Conseil, du 21 octobre 2010, relative à la position à adopter par l’Union européenne au sein du conseil d’association institué par l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d’autre part, concernant l’adoption de dispositions sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2010, L 306, p. 14), comporte, en annexe, un projet de
décision du conseil d’association (ci-après le « projet de décision du conseil d’association ») qui vise à mettre en œuvre l’article 70 de cet accord.
8 Ce projet a été adopté par le Conseil de l’Union européenne sur le fondement du projet de décision du conseil d’association annexé à la proposition de décision du Conseil présentée par la Commission européenne le 12 décembre 2007 [COM(2007) 790 final].
9 L’article 1er, paragraphe 1, du projet de décision du conseil d’association dispose :
« Aux fins de la présente décision, on entend par :
[...]
i) “prestations exportables” :
i) en ce qui concerne les États membres :
[...]
– les pensions de survivant,
[...]
au sens du [règlement (CE) no 883/2004 du Parlement et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1)], à l’exception des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif définies à l’annexe X de celui-ci ;
[...] »
10 L’article 2 de ce projet, intitulé « Champ d’application personnel », est libellé comme suit :
« La présente décision s’applique :
a) aux travailleurs ressortissants algériens qui exercent ou ont exercé légalement une activité salariée sur le territoire d’un État membre et sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’à leurs survivants,
[...] »
11 L’article 4 dudit projet, intitulé « Levée des clauses de résidence », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les prestations exportables au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point i), auxquelles peuvent prétendre les personnes visées à l’article 2, points a) et c), ne font l’objet d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire réside :
i) aux fins de la perception d’une prestation en vertu de la législation d’un État membre, sur le territoire algérien ; ou
ii) aux fins de la perception d’une prestation en vertu de la législation algérienne, sur le territoire d’un État membre. »
Le droit néerlandais
L’ANW
12 L’article 14, paragraphe 1, de l’Algemene nabestaandenwet (loi relative à l’assurance généralisée des survivants, ci-après l’« ANW ») est libellé comme suit :
« A droit à la prestation de survie, le survivant qui :
a. a un enfant célibataire âgé de moins de 18 ans et ne faisant pas partie du ménage d’une autre personne ; ou
b. est en incapacité de travail
[...] »
13 L’article 17, paragraphes 1 et 3, de l’ANW, telle que modifiée par la Wet woonlandbeginsel in de sociale zekerheid (loi relative au principe du pays de résidence en matière de sécurité sociale), qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2012, dispose :
« 1. La prestation de survie brute est fixée à un montant tel que, après déduction de l’impôt sur les salaires et des cotisations de sécurité sociale à retenir sur ce montant pour une personne qui n’a pas encore atteint l’âge de la retraite, compte tenu uniquement de la réduction générale de prélèvement visée à l’article 22 de la Wet op de loonbelasting 1964 (loi de 1964 relative à l’impôt sur les salaires), la prestation de survie nette équivaut à 70 % du salaire minimum net.
[...]
3. Pour un survivant qui réside en dehors des Pays-Bas, des autres États membres de l’Union européenne, des autres États parties à l’accord sur l’[Espace économique européen] et de la Suisse, la prestation de survie brute s’élève à un pourcentage, fixé par règlement ministériel, du montant fixé en application des paragraphes 1, 2 ou 5. Ce pourcentage est fixé de manière à refléter le rapport entre le niveau du coût de la vie dans le pays de résidence du survivant et celui du coût de la vie aux
Pays–Bas. Ce pourcentage ne peut pas dépasser 100 %. »
Le règlement sur le principe du pays de résidence
14 L’article 1er du Regeling woonlandbeginsel in de sociale zekerheid 2012 (règlement de 2012 sur le principe du pays de résidence en matière de sécurité sociale, ci-après le « règlement sur le principe du pays de résidence ») prévoit :
« Le pourcentage visé [...] à l’article 17, paragraphe 3, [...] de l’ANW [...] pour un pays de résidence autre que :
a. les Pays-Bas,
b. l’un des autres États membres de l’Union européenne,
c. l’un des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, et
d. la Suisse
s’élève au pourcentage figurant à l’annexe du présent règlement. »
15 Aux termes de l’annexe de ce règlement, en ce qui concerne l’Algérie, le facteur du pays de résidence visé à l’article 1er du règlement sur le principe du pays de résidence est de 60 % à partir du 1er janvier 2013 et de 40 % à partir du 1er janvier 2016.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 X réside en Algérie. Son conjoint a travaillé aux Pays-Bas et était assuré au titre de l’ANW au moment de son décès. En tant que survivante de son conjoint, elle a droit à une prestation de survie au titre de l’ANW depuis le 1er janvier 1999.
17 Par décisions du 19 septembre 2018, d’une part, le SVB a, par suite d’un jugement du rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) du 10 novembre 2016, rétabli, avec effet rétroactif, la prestation de survie de X à laquelle il avait mis fin le 1er novembre 2012. D’autre part, le SVB a informé X que cette prestation de survie serait réduite à compter du 1er janvier 2013 au motif que, à partir de cette date, elle aurait dû être versée selon le principe du pays de résidence, à savoir en
fonction d’un pourcentage reflétant le niveau du coût de la vie dans ce pays par rapport au coût de la vie aux Pays-Bas. Conformément aux dispositions de l’annexe du règlement sur le principe du pays de résidence, ce pourcentage a été fixé, pour l’Algérie, à 60 % du montant maximal de la prestation de survie à compter du 1er janvier 2013, et à 40 % dudit montant maximal à compter du 1er janvier 2016.
18 X a introduit une réclamation contre cette décision, qui a été déclarée non fondée par une décision du SVB du 4 décembre 2018.
19 Le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) ayant déclaré non fondé le recours formé contre cette dernière décision, X a interjeté appel devant le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi.
20 La juridiction de renvoi relève que les parties sont en désaccord sur la question de savoir si l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie s’oppose à la réduction du montant de la prestation de survie de X, fondée sur le principe du pays de résidence.
21 À cet égard, premièrement, cette juridiction nourrit des doutes quant au point de savoir si une personne telle que X relève du champ d’application personnel de cette disposition. Elle souligne que cette dernière, contrairement à l’article 68, paragraphes 1 et 3, de l’accord d’association CE-Algérie, vise uniquement les travailleurs et non pas les membres de leur famille.
22 Par ailleurs, dans l’hypothèse où les survivants, en tant que bénéficiaires de prestations, relèveraient du champ d’application de l’article 68, paragraphe 4, de cet accord, ladite juridiction se demande si seuls les survivants résidant aux Pays-Bas bénéficient du libre transfert des montants de leurs prestations vers l’Algérie ou si, comme elle tend à le considérer, ceux résidant en Algérie peuvent également invoquer cette disposition.
23 Deuxièmement, la juridiction de renvoi se demande si l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie est doté d’un effet direct. Selon elle, l’article 68 de cet accord prévoit un certain nombre de principes généraux, mais, conformément à l’article 70 dudit accord, le contenu matériel précis de ces principes et les modalités de coopération entre les États parties au même accord seraient régis par une décision du conseil d’association. Toutefois, cette juridiction considère que,
par analogie avec notamment les arrêts du 31 janvier 1991, Kziber (C‑18/90, EU:C:1991:36), et du 5 avril 1995, Krid (C‑103/94, EU:C:1995:97), ainsi que les ordonnances du 13 juin 2006, Echouikh (C‑336/05, EU:C:2006:394), et du 17 avril 2007, El Youssfi (C‑276/06, EU:C:2007:215), la nécessité d’adopter une telle décision n’empêche pas que certains éléments de cet article 68, tels que l’interdiction de la discrimination en matière de sécurité sociale, figurant au paragraphe 1 dudit article,
puissent avoir un effet direct.
24 S’agissant plus particulièrement de l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie, la juridiction de renvoi estime que ni les termes ni l’objet et la nature de celui-ci, tels qu’ils ressortent de son article 1er, ne s’opposent à la reconnaissance d’un effet direct à cette disposition. Cela étant, elle reconnaît que l’obligation d’exporter les prestations au bénéfice de personnes résidant en Algérie pourrait être subordonnée, dans son exécution, à l’intervention d’un acte
ultérieur, à savoir un acte qui arrête les modalités d’une coopération administrative assurant les garanties de gestion et de contrôle nécessaires visées à l’article 70, paragraphe 2, de cet accord.
25 Enfin, troisièmement, la juridiction de renvoi se demande si l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie s’oppose à une réduction des prestations en vertu du principe du pays de résidence. Elle estime que, quand bien même le projet de décision du conseil d’association annexé à la proposition visée au point 8 du présent arrêt n’a pas encore été arrêté, l’article 4 de celui-ci pourrait fournir des indications sur la portée de l’article 68, paragraphe 4, de l’accord
d’association CE-Algérie suggérant que cette disposition pose le principe de l’interdiction des clauses de résidence.
26 Dans ces conditions, le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association [CE-Algérie] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’applique à la survivante d’un travailleur défunt qui réside en Algérie et qui souhaite exporter sa prestation de survie vers l’Algérie ?
Si cette question appelle une réponse affirmative,
2) L’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association [CE-Algérie], eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de l’accord, doit-il être interprété en ce sens qu’il a un effet direct, de sorte que les personnes auxquelles cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit national qui lui sont contraires ?
Si cette question appelle une réponse affirmative,
3) L’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association [CE-Algérie] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application du principe du pays de résidence, tel que visé à l’article 17, paragraphe 3, de [l’ANW], qui entraîne une limitation de l’exportation de la prestation de survie vers l’Algérie ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la deuxième question
27 Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie doit être interprété en ce sens qu’il est doté d’effet direct, de sorte que les personnes auxquelles cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit national qui lui sont contraires.
28 Il découle de cet article 68, paragraphe 4, que les travailleurs de nationalité algérienne bénéficient du libre transfert vers l’Algérie, aux taux appliqués en vertu de la législation de l’État membre ou des États membres débiteurs, des pensions et rentes de vieillesse, de survie et d’accident de travail ou de maladie professionnelle, ainsi que d’invalidité, en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, à l’exception des prestations spéciales à caractère non contributif.
29 En outre, il ressort de l’article 70 de l’accord d’association CE-Algérie que, avant la fin de la première année après l’entrée en vigueur de cet accord, le conseil d’association arrête, d’une part, les dispositions permettant d’assurer l’application des principes énoncés audit article 68 et, d’autre part, les modalités d’une coopération administrative assurant les garanties de gestion et de contrôle nécessaires pour l’application de ces dispositions. Cela étant, bien que le Conseil ait adopté la
décision 2010/699, visée au point 7 du présent arrêt, comportant en annexe un projet de décision du conseil d’association destiné à mettre en œuvre l’article 70 dudit accord, lesdites dispositions, qui auraient dû être arrêtées par le conseil d’association avant la fin de la première année suivant le 1er septembre 2005, date d’entrée en vigueur de l’accord d’association CE-Algérie, n’ont toujours pas été arrêtées.
30 S’agissant de l’éventuel effet direct de l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, une disposition d’un accord conclu par l’Union avec des États tiers doit être considérée comme étant d’application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de l’accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à
l’intervention d’aucun acte ultérieur (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 1987, Demirel, 12/86, EU:C:1987:400, point 14, et du 26 mai 2011, Akdas e.a., C‑485/07, EU:C:2011:346, point 67 ainsi que jurisprudence citée).
31 En l’occurrence, il y a lieu de constater, en premier lieu, que l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie institue dans des termes clairs, précis et inconditionnels le droit au libre transfert vers l’Algérie des pensions et rentes visées par cette disposition, et ce aux taux appliqués en vertu de la législation de l’État membre débiteur. Ainsi, selon son libellé même, ladite disposition comporte, pour les États membres, une obligation de résultat claire et précise
consistant à permettre aux intéressés de bénéficier d’un tel libre transfert, obligation qui n’est en tant que telle subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur.
32 Certes, d’une part, ce droit au libre transfert n’est pas absolu, dès lors que ses effets concrets dans chaque cas d’espèce dépendront, ainsi que l’indique l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie, des « taux appliqués en vertu de la législation de l’État membre ou des États membres débiteurs ». Toutefois, cette incise ne saurait être interprétée comme permettant aux États membres de restreindre de manière discrétionnaire ledit droit au libre transfert et le vider ainsi de
sa substance (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2003, Deutscher Handballbund, C‑438/00, EU:C:2003:255, point 29 et jurisprudence citée).
33 D’autre part, l’exécution ou les effets du droit prévu à cette disposition ne sont pas subordonnés à l’intervention d’un autre acte, en particulier à l’adoption, par le conseil d’association, des dispositions visées à l’article 70, paragraphe 1, de l’accord d’association CE-Algérie (voir, en ce sens, ordonnance du 13 juin 2006, Echouikh, C‑336/05, EU:C:2006:394, point 41 et jurisprudence citée). En effet, le rôle dont cette dernière disposition investit ledit conseil d’association consiste à
faciliter le respect du droit au libre transfert vers l’Algérie des pensions et rentes visées à l’article 68, paragraphe 4, de cet accord, mais ne saurait être considéré comme conditionnant l’application immédiate de ce droit (voir, par analogie, arrêt du 31 janvier 1991, Kziber, C‑18/90, EU:C:1991:36, point 19).
34 En ce qui concerne, en second lieu, l’objet et la nature de l’accord d’association CE-Algérie, la Cour a déjà jugé, d’une part, que les objectifs de cet accord, tels que prévus à son article 1er, paragraphe 2, se situent dans le prolongement direct de ceux sur lesquels était fondé l’accord de coopération CEE-Algérie (voir, par analogie, ordonnance du 13 juin 2006, Echouikh, C‑336/05, EU:C:2006:394, point 40), et, d’autre part, que l’objectif de ce dernier accord, consistant à promouvoir une
coopération globale entre les parties contractantes notamment dans le domaine de la main-d’œuvre, confirmait que le principe de non-discrimination inscrit à l’article 39, paragraphe 1, de cet accord de coopération était susceptible de régir directement la situation juridique des particuliers, si bien que cette disposition avait un effet direct (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 1998, Babahenini, C‑113/97, EU:C:1998:13, points 17 et 18 ainsi que jurisprudence citée).
35 Ainsi, les objectifs de l’accord d’association CE-Algérie, qui témoignent d’une volonté de renforcer et d’approfondir les objectifs de l’accord de coopération CEE-Algérie, doivent a fortiori être considérés comme confirmant l’effet direct du droit au libre transfert vers l’Algérie des pensions et rentes visées à l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2006, Gattoussi, C‑97/05, EU:C:2006:780, point 27).
36 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie doit être interprété en ce sens qu’il est doté d’effet direct, de sorte que les personnes auxquelles cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit national qui lui sont contraires.
Sur la première question
37 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie doit être interprété en ce sens qu’il s’applique aux survivants d’un travailleur qui, souhaitant transférer leur prestation de survie vers l’Algérie, ne sont pas eux-mêmes des travailleurs et qui résident en Algérie.
38 À cet égard, il importe de relever, en premier lieu, que cet article 68, paragraphe 4, ne vise expressément que « [c]es travailleurs », ce qui renvoie aux « travailleurs de nationalité algérienne » mentionnés au paragraphe 1 du même article. Cependant, force est de constater que, conformément au libellé de ce paragraphe 4, figurent au nombre des prestations pouvant être librement transférées vers l’Algérie les pensions et rentes de survie. Or, par définition, ce ne sont pas les travailleurs, mais
leurs survivants, qui sont susceptibles de bénéficier de telles prestations. Dès lors, et ainsi que M. l’avocat général l’a observé au point 44 de ses conclusions, l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie serait privé d’effet utile si ces survivants étaient exclus de son champ d’application personnel.
39 Dans ses observations écrites, le SVB invoque, pour s’opposer à une telle conclusion, la jurisprudence de la Cour relative à l’article 2 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2), et conformément à laquelle les membres de la famille d’un travailleur n’auraient que des droits dérivés, et non des droits propres,
en ce qui concerne les dispositions de ce règlement qui s’appliquent exclusivement aux travailleurs (arrêts du 30 avril 1996, Cabanis-Issarte, C‑308/93, EU:C:1996:169, et du 21 février 2006, Hosse, C‑286/03, EU:C:2006:125).
40 Or, il y a lieu de rappeler que la Cour a constaté, à plusieurs reprises, qu’une telle jurisprudence n’est pas transposable dans le cadre d’un accord tel que l’accord d’association CE-Algérie (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 1998, Babahenini, C‑113/97, EU:C:1998:13, point 24 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 17 avril 2007, El Youssfi, C‑276/06, EU:C:2007:215, point 62 et jurisprudence citée).
41 En second lieu, s’il ne fait aucun doute que l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie s’applique lorsque le survivant réside dans l’État membre débiteur, il convient de relever qu’il irait à l’encontre de la logique sous-tendant le principe même du libre transfert de prestations vers l’Algérie d’exiger que le bénéficiaire soit tenu de résider dans l’État membre débiteur, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 46 et 47 de ses conclusions.
42 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie doit être interprété en ce sens qu’il s’applique aux survivants d’un travailleur qui, souhaitant transférer leur prestation de survie vers l’Algérie, ne sont pas eux-mêmes des travailleurs et qui résident en Algérie.
Sur la troisième question
43 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réduction du montant d’une prestation de survie en raison du fait que le bénéficiaire de cette prestation réside en Algérie.
44 Il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que la réduction en cause au principal découle de la loi relative au principe du pays de résidence en matière de sécurité sociale, qui a introduit ce principe notamment concernant les prestations de survie versées au titre de l’ANW. D’autre part, ledit principe vise à garantir que les prestations liées au salaire minimum néerlandais et qui sont versées en dehors des Pays-Bas reflètent le rapport entre le niveau du coût de la vie dans le pays de
résidence du bénéficiaire et celui du coût de la vie aux Pays-Bas. La prestation de survie en cause au principal fait précisément partie des prestations liées au salaire minimum néerlandais, dès lors que, conformément à l’article 17, paragraphe 1, de l’ANW, son montant net équivaut à 70 % de ce salaire minimum net.
45 À cet égard, lors de l’audience, le SVB a indiqué qu’il s’agit d’un pourcentage maximum, le montant de la prestation reçue par chaque survivant étant calculé par rapport aux revenus de celui-ci. Par ailleurs, lors de cette audience, le gouvernement néerlandais a précisé que la prestation de survie est une assurance risque et que le montant des cotisations payées au titre de cette prestation est le même pour tous les assurés. Il a également signalé que le salaire minimum aux Pays-Bas est adapté en
fonction du coût de la vie dans cet État membre.
46 Il convient de rappeler que l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie prévoit le droit au libre transfert des prestations qui y sont visées vers l’Algérie « aux taux appliqués en vertu de la législation de l’État membre ou des États membres débiteurs ».
47 Il découle de cette précision que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 57 de ses conclusions, l’État membre débiteur dispose d’une marge d’appréciation pour établir des règles relatives au calcul du montant des prestations visées à cet article 68, paragraphe 4. Plus concrètement, dans la mesure où ladite précision figure dans la disposition de cet accord portant sur le transfert de ces prestations vers l’Algérie, elle doit être interprétée comme permettant, en
principe, à cet État membre de prévoir des règles visant à adapter le montant desdites prestations à l’occasion de ce transfert, telles que la règle basée sur le principe du pays de résidence en cause au principal.
48 Toutefois, de telles règles doivent respecter la substance du droit au libre transfert des prestations, sans priver ce droit de son effet utile (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2003, Deutscher Handballbund, C‑438/00, EU:C:2003:255, point 29 et jurisprudence citée).
49 Or, il ressort des éléments caractérisant la prestation de survie en cause au principal, exposés aux points 44 et 45 du présent arrêt, que le montant de celle-ci est fixé en fonction du coût de la vie aux Pays-Bas et que, par conséquent, cette prestation vise à garantir que les survivants disposent d’un revenu de base calculé en fonction du coût de la vie dans cet État membre. Dès lors, s’agissant du transfert de ladite prestation vers l’Algérie, tel que prévu à l’article 68, paragraphe 4, de
l’accord d’association CE-Algérie, le fait d’adapter le montant de celle-ci pour tenir compte du coût de la vie dans ce pays tiers n’apparaît pas comme étant susceptible de vider de sa substance le droit au libre transfert, pour autant que la détermination du taux utilisé aux fins de cette adaptation soit basée sur des éléments objectifs, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
50 Enfin, s’agissant du fait que l’article 4 du projet de décision du conseil d’association prévoit l’interdiction, notamment, de toute réduction du montant d’une telle prestation dû en vertu de la législation d’un État membre du fait de la résidence de son bénéficiaire en Algérie, il convient de relever que ce projet n’ayant jusqu’à présent pas été adopté par le conseil d’association, il ne saurait déployer des effets semblables à ceux qu’une disposition analogue, à savoir l’article 6,
paragraphe 1, de la décision no 3/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60), s’est vu reconnaître par l’arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346).
51 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 68, paragraphe 4, de l’accord d’association CE-Algérie doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la réduction du montant d’une prestation de survie en raison du fait que le bénéficiaire de cette prestation réside en Algérie, lorsque cette prestation vise à garantir un revenu de base calculé en fonction du coût de la vie dans l’État membre débiteur et que la réduction ainsi opérée
respecte la substance du droit au libre transfert d’une telle prestation.
Sur les dépens
52 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
1) L’article 68, paragraphe 4, de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part,
doit être interprété en ce sens que :
il est doté d’effet direct, de sorte que les personnes auxquelles cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit national qui lui sont contraires.
2) L’article 68, paragraphe 4, de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part,
doit être interprété en ce sens que :
il s’applique aux survivants d’un travailleur qui, souhaitant transférer leur prestation de survie vers l’Algérie, ne sont pas eux-mêmes des travailleurs et qui résident en Algérie.
3) L’article 68, paragraphe 4, de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République Algérienne démocratique et populaire, d’autre part,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à la réduction du montant d’une prestation de survie en raison du fait que le bénéficiaire de cette prestation réside en Algérie, lorsque cette prestation vise à garantir un revenu de base calculé en fonction du coût de la vie dans l’État membre débiteur et que la réduction ainsi opérée respecte la substance du droit au libre transfert d’une telle prestation.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.