ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
18 avril 2024 ( *1 )
« Pourvoi – Fonction Publique – Article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine – Règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 – Nouvelles règles de calcul – Fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé à l’extérieur du territoire des États membres ou en dehors des pays et territoires énumérés à l’annexe II du traité FUE ou en dehors du territoire des États
membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) – Principe d’égalité de traitement »
Dans les affaires jointes C‑567/22 P à C‑570/22 P,
ayant pour objet quatre pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 25 août 2022,
Vasile Dumitrescu, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Berchem-Sainte-Agathe (Belgique),
Guido Schwarz, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique) (C‑567/22 P),
YT, fonctionnaire de la Commission européenne,
YU, fonctionnaire de la Commission européenne (C‑568/22 P),
YV, fonctionnaire de la Commission européenne (C‑569/22 P),
ZA, fonctionnaire de la Cour de justice de l’Union européenne (C‑570/22 P),
représentés par Mes L. Levi et J.-N. Louis, avocats,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant :
YW,
YZ,
parties demanderesses en première instance (C‑569/22 P),
YY,
partie demanderesse en première instance (C‑570/22 P),
Commission européenne, représentée par MM. T. S. Bohr et G. Gattinara, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance (C‑567/22 P à C‑569/22 P)
Cour de justice de l’Union européenne, représentée par M. J. Inghelram et Mme A. Ysebaert, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance (C‑570/22 P),
Parlement européen, représenté par Mme E. Taneva et M. J. Van Pottelberge, en qualité d’agents,
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer, Mme X. Chamodraka et M. T. Verdi, en qualité d’agents,
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu-Matei (rapporteure), MM. J.-C. Bonichot, S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par leurs pourvois respectifs, MM. Vasile Dumitrescu et Guido Schwarz (C‑567/22 P), YT et YU (C‑568/22 P), YV (C‑569/22 P) ainsi que ZA (C‑570/22 P) (ci-après, ensemble, les « requérants ») demandent l’annulation, respectivement, des arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 15 juin 2022, Dumitrescu et Schwarz/Commission (T‑531/16, ci-après l’« arrêt attaqué dans l’affaire C‑567/22 P », EU:T:2022:362), du 15 juin 2022, YT et YU/Commission (T‑532/16, ci-après l’« arrêt attaqué dans l’affaire
C‑568/22 P », EU:T:2022:363), du 15 juin 2022, YV e.a./Commission (T‑533/16, ci-après l’« arrêt attaqué dans l’affaire C‑569/22 P », EU:T:2022:364), ainsi que du 15 juin 2022, YY et ZA/Cour de justice de l’Union européenne (T‑545/16, ci-après l’« arrêt attaqué dans l’affaire C‑570/22 P », EU:T:2022:366) (ci-après, ensemble, les « arrêts attaqués »), par lesquels celui-ci a rejeté leurs recours tendant à l’annulation des décisions de la Commission européenne (T‑531/16 à T‑533/16) et de la Cour de
justice de l’Union européenne (T‑545/16), de réduire ou de supprimer, à compter du 1er janvier 2014, le remboursement des frais de voyage annuel, pour que les requérants puissent maintenir une relation avec leur lieu d’origine.
Le cadre juridique
L’ancien statut
2 L’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15) (ci-après l’« ancien statut »), intitulée « Règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais », comportait une section 3,
intitulée « Remboursement de frais », dont la sous-section C, intitulée « Frais de voyage », comprenait les articles 7 et 8 de cette annexe. Cet article 7, paragraphe 1, prévoyait que le fonctionnaire avait droit au remboursement de ses frais de voyage, pour lui-même, son conjoint et les personnes à sa charge qui vivent effectivement sous son toit, en diverses circonstances. Aux termes dudit article 7, paragraphe 3 :
« Le lieu d’origine du fonctionnaire est déterminé, lors de l’entrée en fonction de celui-ci, compte tenu du lieu de recrutement ou du centre de ses intérêts. Cette détermination pourra, par la suite, pendant que l’intéressé est en fonctions, et à l’occasion de son départ, être révisée par décision spéciale de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Toutefois, tant que l’intéressé est en fonctions, cette décision ne peut intervenir qu’exceptionnellement et après production, par l’intéressé,
de pièces justifiant dûment sa demande.
[...] »
3 L’article 8 de ladite annexe disposait :
« 1. Le fonctionnaire a droit annuellement pour lui-même et, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à charge au sens de l’article 2 de la présente annexe au paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine défini à l’article 7 de la présente annexe.
[...]
2. Le paiement forfaitaire est effectué sur la base d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance séparant le lieu d’affectation du fonctionnaire de son lieu de recrutement ou d’origine [...]
[...]
4. Les dispositions qui précèdent sont applicables au fonctionnaire dont le lieu d’affectation est situé sur le territoire d’un État membre. [...]
[...] »
Le statut
4 Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement no 1023/2013 (ci-après le « statut »), est applicable, sous réserve de certaines de ses dispositions non concernées par les présentes affaires jointes, depuis le 1er janvier 2014, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement.
5 Aux termes des considérants 2, 12 et 24 dudit règlement :
« (2) Il est [...] nécessaire de garantir un cadre pour attirer, recruter et conserver un personnel hautement qualifié et multilingue, sélectionné sur la base géographique la plus large possible parmi les citoyens des États membres et en tenant dûment compte de l’équilibre entre hommes et femmes, qui soit indépendant et qui respecte les normes professionnelles les plus élevées, et de permettre à ce personnel d’exécuter ses tâches d’une manière aussi efficace et efficiente que possible. À cet
égard, il importe de remédier aux difficultés rencontrées actuellement par les institutions pour le recrutement de fonctionnaires ou d’agents de certains États membres.
[...]
(12) Dans ses conclusions du 8 février 2013 sur le cadre financier pluriannuel, le Conseil européen a souligné que le nécessaire assainissement des finances publiques à court, moyen et long terme exigeait de chaque administration publique et de son personnel un effort particulier pour améliorer l’efficacité et l’efficience et pour s’adapter à l’évolution du contexte économique. En réalité, cet appel rappelait l’objectif de la proposition de la Commission, présentée en 2011, modifiant le statut des
fonctionnaires [de l’Union européenne] et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, qui s’efforçait de garantir un bon rapport coût-efficacité et reconnaissait que les défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’Union européenne exigent, de la part de chaque administration publique et de chaque membre de son personnel, un effort particulier en vue d’une efficacité accrue et d’une adaptation à l’évolution du contexte socio-économique en Europe. Le Conseil européen
préconisait en outre, dans le cadre de la réforme du statut, une suspension pendant deux ans de l’adaptation, par le biais de la méthode, des rémunérations et des pensions de l’ensemble du personnel des institutions de l’Union, et la réintroduction du nouveau prélèvement de solidarité à l’occasion de la réforme de la méthode salariale.
[...]
(24) Les règles en matière de délai de route et de paiement annuel des frais de voyage entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine devraient être modernisées, rationalisées et liées au statut d’expatrié, afin de rendre leur application plus simple et plus transparente. En particulier, le délai de route annuel devrait être remplacé par un congé dans les foyers et limité à un maximum de deux jours et demi. »
6 L’article 91, paragraphe 1, du statut est libellé comme suit :
« La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne au sens de l’article 90 paragraphe 2. Dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction. »
7 L’annexe VII du statut est intitulée « Règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais ». Cette annexe comporte une section 3, intitulée « Remboursement de frais », dont la sous-section C, intitulée « Frais de voyage », comprend les articles 7 et 8 de ladite annexe. Cet article 7 prévoit, à son paragraphe 1, que le fonctionnaire a droit au paiement forfaitaire des frais de voyage, pour lui-même, son conjoint et les personnes à sa charge qui vivent effectivement sous son toit, en
diverses circonstances. Aux termes dudit article 7, paragraphe 4 :
« Le lieu d’origine du fonctionnaire est déterminé lors de son entrée en fonction en tenant compte en principe de son lieu de recrutement ou, sur demande expresse et dûment motivée, du centre de ses intérêts. Cette détermination pourra, par la suite, pendant que l’intéressé est en fonctions ou à l’occasion de son départ être révisée par décision spéciale de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Toutefois, tant que l’intéressé est en fonctions, cette décision ne peut intervenir
qu’exceptionnellement et après production, par l’intéressé, de pièces justifiant dûment sa demande.
[...] »
8 L’article 8 de l’annexe VII du statut énonce :
« 1. Le fonctionnaire qui a droit à une indemnité de dépaysement ou d’expatriation a droit, chaque année civile et dans la limite fixée au paragraphe 2, à un paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine tel qu’il est défini à l’article 7 [de cette annexe], pour lui-même et, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à sa charge au sens de l’article 2 [de ladite annexe].
[...]
2. Le paiement forfaitaire est effectué sur la base d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance géographique séparant le lieu d’affectation du fonctionnaire de son lieu d’origine.
Lorsque le lieu d’origine défini à l’article 7 [de la même annexe] est situé à l’extérieur du territoire des États membres de l’Union ou en dehors des pays et territoires énumérés à l’annexe II du traité [FUE] ou en dehors du territoire des États membres de l’Association européenne de libre-échange [(AELE)], le paiement forfaitaire est effectué sur la base d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance géographique entre le lieu d’affectation du fonctionnaire et la capitale de l’État membre
dont il possède la nationalité. [...]
[...]
4. Les paragraphes 1, 2 et 3 du présent article sont applicables au fonctionnaire dont le lieu d’affectation est situé sur le territoire d’un État membre. [...]
[...] »
Les antécédents des litiges
9 Les antécédents des litiges, tels qu’ils sont présentés dans les arrêts attaqués, peuvent être résumés comme suit.
10 Les requérants sont fonctionnaires d’une institution de l’Union, à savoir soit la Commission (affaires C‑567/22 P à C‑569/22 P), soit la Cour de justice de l’Union européenne (affaire C‑570/22 P). Ils ont tous un lieu d’affectation situé sur le territoire d’un État membre et un lieu d’origine situé à l’extérieur du territoire des États membres ou en dehors des pays et territoires énumérés à l’annexe II du traité FUE ou en dehors du territoire des États membres de l’AELE.
11 Par suite de l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, l’institution qui emploie chacun d’eux a déterminé le montant lui revenant au titre du paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine en vertu de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut. Conformément à cette disposition, ce paiement correspond désormais à une indemnité calculée par kilomètre de la distance géographique entre le lieu d’affectation du fonctionnaire et la
capitale de l’État membre dont il possède la nationalité, en fonction d’un barème kilométrique.
12 La méthode de calcul de cette indemnité résultant de ladite disposition a impliqué pour chacun des requérants une réduction importante par rapport au montant auquel il avait droit en vertu de l’article 8 de l’annexe VII de l’ancien statut, allant même jusqu’à une absence de paiement forfaitaire pour les fonctionnaires dont le lieu d’affectation était situé à moins de 201 km de la capitale de l’État membre dont ils possèdent la nationalité.
Les recours devant le Tribunal et les arrêts attaqués
13 Après avoir introduit une réclamation infructueuse contre les décisions fixant pour la première fois le montant du paiement forfaitaire des frais de voyage auquel ils avaient droit en vertu de l’article 8 de l’annexe VII du statut, les requérants ont introduit des recours en annulation contre ces décisions devant le Tribunal de la fonction publique, ces recours ayant ensuite été transférés au Tribunal.
14 Dans le cadre du recours introduit dans l’affaire T‑531/16, les requérants concernés ont présenté cinq chefs de conclusions, par lesquels ils demandaient au Tribunal, en substance :
– d’annuler la décision par laquelle la Commission a fait application pour la première fois à leur égard de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut ;
– d’annuler toute décision adoptée par la Commission à leur égard en application de cette disposition à compter de l’année 2015 ;
– d’annuler les décisions par lesquelles la Commission a rejeté leurs réclamations ;
– de condamner la Commission au remboursement de leurs frais de voyage annuel à leur lieu d’origine couvrant leurs frais réels et sur la base de l’article 8 de l’annexe VII de l’ancien statut, augmenté des intérêts moratoires, et
– de condamner la Commission aux dépens.
15 Dans le cadre des recours en annulation introduits dans les affaires T‑532/16, T‑533/16 et T‑545/16, les requérants concernés ont présenté trois chefs de conclusions, par lesquels ils demandaient au Tribunal, en substance :
– d’annuler la décision par laquelle l’institution défenderesse dans chacune de ces affaires, à savoir, respectivement, la Commission ou la Cour de justice de l’Union européenne, a fait application pour la première fois à leur égard de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut ;
– d’annuler les décisions par lesquelles cette institution a rejeté leurs réclamations, et
– de condamner ladite institution aux dépens.
16 Dans chacune des affaires ayant donné lieu aux arrêts attaqués, le Tribunal a, tout d’abord, rejeté les chefs de conclusions tendant à l’annulation des décisions de rejet des réclamations, après avoir constaté que ces décisions n’avaient pas de contenu autonome.
17 En outre, par l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑567/22 P, il a rejeté comme étant irrecevables, d’une part, le deuxième chef de conclusions, tendant à l’annulation de décisions futures de la Commission, eu égard au caractère hypothétique de celles-ci, s’agissant d’actes non encore adoptés, et, d’autre part, le quatrième chef de conclusions, en tant que celui-ci tendait à la condamnation de cette institution au paiement des frais de voyage annuel sur le fondement des dispositions de l’ancien
statut, au motif qu’il ne lui appartenait pas d’adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut.
18 Ensuite, le Tribunal a examiné, dans chacune des affaires ayant donné lieu aux arrêts attaqués, les moyens mis en avant par les requérants au soutien du premier chef de conclusions, tendant à l’annulation des décisions par lesquelles les institutions défenderesses concernées avaient fait application pour la première fois de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut à l’égard des requérants, en raison, en substance, de l’illégalité de cette disposition.
19 Ces moyens étaient tirés, premièrement, de la violation de l’article 45 TFUE, deuxièmement, dans l’affaire T‑531/16, de la violation du principe général d’égalité de traitement, troisièmement, de la violation de la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut, combinée dans l’affaire T‑531/16 avec le principe général du droit, pour le fonctionnaire, de garder des relations personnelles avec le lieu de ses intérêts principaux et avec l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que, quatrièmement, de la violation des principes de protection de la confiance légitime et des droits acquis. Le Tribunal ayant rejeté l’ensemble desdits moyens, il a rejeté ce premier chef de conclusions.
20 Par voie de conséquence, dans l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑567/22 P, le Tribunal a également rejeté la demande des requérants concernés de condamner la Commission au remboursement de leurs frais de voyage annuel à leur lieu d’origine sur la base de leurs frais réels.
21 Partant, le Tribunal a rejeté dans leur intégralité les recours dans les affaires T‑531/16 à T‑533/16 et T‑545/16.
22 Enfin, le Tribunal a condamné les requérants aux dépens dans chacune de ces affaires.
Les conclusions des parties au pourvoi
23 Par leurs pourvois dans les affaires C‑567/22 P à C‑569/22 P, les requérants concernés demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de faire droit intégralement aux recours en annulation qu’ils ont introduits devant le Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens des deux instances.
24 La Commission demande à la Cour de rejeter les pourvois dans ces affaires et de condamner les requérants concernés aux dépens.
25 Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, qui, en tant que parties intervenantes en première instance, ont déposé un mémoire en réponse conformément à l’article 172 du règlement de procédure de la Cour, concluent également au rejet des pourvois dans lesdites affaires et à la condamnation des requérants concernés aux dépens.
26 Par son pourvoi dans l’affaire C‑570/22 P, le requérant concerné demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de faire droit intégralement au recours en annulation qu’il a introduit devant le Tribunal, et
– de condamner la Cour de justice de l’Union européenne aux dépens des deux instances.
27 La Cour de justice de l’Union européenne conclut au rejet du pourvoi dans cette affaire et à la condamnation du requérant concerné aux dépens.
28 Le Parlement et le Conseil concluent également au rejet du pourvoi dans ladite affaire et à la condamnation du requérant concerné aux dépens.
29 En application de l’article 54, paragraphe 2, du règlement de procédure, le vice-président de la Cour a décidé, le 24 mai 2023, de joindre les affaires C‑567/22 P à C‑570/22 P aux fins de l’éventuelle phase orale de la procédure et de l’arrêt.
Sur les pourvois
30 À l’appui de leur pourvoi, les requérants dans l’affaire C‑567/22 P présentent trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 45 TFUE, d’un défaut de motivation, d’une erreur de qualification juridique ainsi que d’une dénaturation des éléments du dossier, le deuxième, d’une violation de la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut, du principe général relatif au droit pour le fonctionnaire de garder des relations personnelles avec le lieu de ses intérêts principaux, des
articles 7 et 8 de la Charte ainsi que d’une dénaturation des éléments du dossier et, le troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement.
31 À l’appui de leurs pourvois, les requérants dans les affaires C‑568/22 P à C‑570/22 P présentent deux moyens, le premier étant identique au premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑567/22 P et le second étant tiré d’une violation de la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut ainsi que du principe de proportionnalité.
32 Il importe de relever, d’emblée, que, d’une part, les deuxième et troisième ainsi que, pour partie, quatrième chefs de conclusions des requérants dans l’affaire T‑531/16 et, d’autre part, le deuxième chef de conclusions des requérants dans les affaires T‑532/16, T‑533/16 et T‑545/16 ont été rejetés par le Tribunal, respectivement, aux points 26 à 28 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑567/22 P, au point 22 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑568/22 P, au point 23 de l’arrêt attaqué dans l’affaire
C‑569/22 P et au point 22 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑570/22 P, sur la base des considérations résumées aux points 16 et 17 du présent arrêt.
33 Si les requérants demandent l’annulation des arrêts attaqués également en tant que ces chefs de conclusions ont été rejetés, il y a toutefois lieu de relever que ces considérations ne sont pas critiquées en tant que telles dans le cadre des pourvois et ne sont concernées par aucun moyen présenté à l’appui de ceux-ci.
34 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, un pourvoi doit contenir les moyens et arguments de droit invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens.
35 Conformément à la jurisprudence, les arguments juridiques qui soutiennent la demande d’annulation des points critiqués de l’arrêt sous pourvoi doivent être indiqués de façon précise, sous peine d’irrecevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, point 50 et jurisprudence citée).
36 Il s’ensuit que le pourvoi dans l’affaire C‑567/22 P doit être rejeté comme étant irrecevable pour autant qu’il tend à l’annulation de l’arrêt attaqué dans cette affaire en ce qui concerne le rejet des deuxième et troisième chefs de conclusions du recours dans l’affaire T‑531/16 ainsi que du quatrième chef de conclusions de ce recours en tant qu’il demandait la condamnation de la Commission au paiement des frais de voyage annuel sur le fondement des dispositions de l’ancien statut, en l’absence
de toute indication quant aux éléments sur lesquels se fonde ce pourvoi à cet égard.
37 Par identité de motif, les pourvois dans les affaires C‑568/22 P à C‑570/22 P doivent être rejetés comme étant irrecevables pour autant qu’ils tendent à l’annulation des arrêts attaqués dans ces affaires en ce qui concerne le rejet du deuxième chef de conclusions des recours dans les affaires T‑532/16, T‑533/16 et T‑545/16.
38 En conséquence, il y a lieu d’examiner, sur le fond, les pourvois en tant qu’ils visent à l’annulation des arrêts attaqués en ce qui concerne le rejet du premier chef de conclusions, par lequel chacun des requérants demandait, pour ce qui le concernait, l’annulation de la décision par laquelle l’institution dont il est fonctionnaire avait fait application pour la première fois à son égard de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut.
Sur le premier moyen de chacun des pourvois
39 Le premier moyen de chacun des pourvois comporte, en substance, trois branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 45 TFUE, la deuxième, d’un défaut de motivation et, la troisième, d’une dénaturation des éléments du dossier ainsi que d’une erreur de qualification juridique.
40 Par la première branche, les requérants soutiennent, à titre principal, que le Tribunal n’a examiné le moyen relatif à la violation de l’article 45 TFUE, présenté à l’appui de leurs recours en annulation, qu’en ce qui concerne leur argumentation selon laquelle l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut comporte une discrimination en raison de la nationalité, alors qu’ils avaient fait valoir que cette dernière disposition constitue également une entrave à la libre
circulation des travailleurs et que l’examen de leur moyen sous cet angle aurait impliqué une analyse spécifique. De ce fait, le Tribunal aurait omis de répondre au moyen qui lui était soumis et, donc, manqué à son obligation de motivation.
41 Par un grief présenté à titre subsidiaire dans le cadre de cette première branche, les requérants font valoir, en substance, que, en tout état de cause, le Tribunal a commis une erreur de droit en validant le critère de nationalité que comporte l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut sans avoir examiné l’admissibilité et la proportionnalité de ce critère au regard de la finalité de cette disposition.
42 Par la deuxième branche, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une « erreur de motivation » en se référant incorrectement au point 51 de l’arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission (C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240).
43 Par la troisième branche, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé un élément du dossier et commis deux erreurs de qualification juridique, la première en qualifiant de « situations marginales » celles des 756 fonctionnaires ou agents dont le lieu d’origine aurait été situé en dehors du territoire des États membres au 1er janvier 2015 et la seconde en ce qui concerne les conséquences de l’utilisation du critère relatif à la nationalité dans le cadre de l’article 8, paragraphe 2,
deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut, en qualifiant d’« inconvénients casuels » la réduction substantielle, voire quasi totale, du paiement des frais de voyage à ces fonctionnaires.
Sur le grief de la première branche du premier moyen relatif à un défaut de motivation
– Argumentation des parties
44 Dans le cadre de la première branche de leur premier moyen, les requérants présentent, à titre principal, un grief tiré d’un défaut de motivation, qu’il y a lieu d’examiner tout d’abord. Par ce grief, ils soutiennent que le Tribunal a omis de statuer sur leur argumentation relative à l’existence d’une entrave à la libre circulation des travailleurs, n’examinant leur moyen tiré d’une violation de l’article 45 TFUE que sous l’angle de leur argumentation relative à l’existence d’une discrimination
en raison de la nationalité.
45 Les institutions défenderesses contestent le bien-fondé dudit grief.
– Appréciation de la Cour
46 Il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de ladite décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut
être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 ainsi que jurisprudence citée, et du 24 novembre 2022, Thunus e.a./BEI, C‑91/21 P, non publié, EU:C:2022:928, point 90 ainsi que jurisprudence citée).
47 En l’espèce, dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 45 TFUE qui a été présenté dans chacun des recours en annulation dont il a été saisi, le Tribunal a considéré que, « [p]our autant que les requérants soutiennent que [l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut] serait [constitutif] d’une entrave en ce qu’[il] les dissuaderait de faire usage de leur liberté de circulation pour accepter un emploi dans la fonction publique européenne, il y a
lieu de considérer que cette argumentation se confond avec celle relative à la nature prétendument discriminatoire de [cette disposition] en ce qu’elle instituerait une différence de traitement fondée sur la nationalité entre travailleurs en ce qui concerne leurs conditions de travail ».
48 Par ces considérations, le Tribunal a expressément pris en compte l’argumentation des requérants relative à l’existence d’une entrave, mais en a fait une analyse qui l’a conduit à l’examiner conjointement avec celle par laquelle les requérants alléguaient une violation du principe de non-discrimination.
49 En conséquence, il y a lieu de rejeter le grief de la première branche du premier moyen relatif à un défaut de motivation comme étant non fondé.
Sur le grief de la première branche du premier moyen relatif à une violation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité
– Argumentation des parties
50 Par le grief présenté à titre subsidiaire dans le cadre de la première branche de leur premier moyen, qu’il y a lieu d’examiner ensuite, les requérants soutiennent, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en validant le critère relatif à la nationalité figurant à l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut par référence à l’objectif du règlement no 1023/2013, sur la base de motifs relevant de considérations budgétaires, administratives et de politique
du personnel qu’il a estimés légitimes, sans vérifier si ce critère était admissible et proportionné au regard du but de cet article 8, à savoir octroyer des avantages devant permettre aux fonctionnaires concernés et aux personnes à leur charge de se rendre au moins une fois par an à leur lieu d’origine.
51 Ce grief concerne plus particulièrement les points 72 à 78 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑567/22 P, les points 38 à 41 et 57 à 59 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑568/22 P, les points 39 à 42 et 62 à 64 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑569/22 P ainsi que les points 38 à 41 et 60 à 62 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑570/22 P.
52 À cet égard, les requérants soutiennent, en substance, que l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut comporte une discrimination directe en raison de la nationalité et que le Tribunal a méconnu le principe de non-discrimination en considérant que les motifs qu’il a identifiés comme étant ceux ayant conduit à l’adoption de cette disposition sont légitimes, sans apprécier ni la proportionnalité de ladite disposition ni l’adéquation du critère fondé sur la nationalité
qu’elle comporte par rapport à l’objectif poursuivi par cet article 8.
53 Selon les requérants, le Tribunal n’a pas examiné si ce critère est approprié ou adéquat au regard de la possibilité, pour les fonctionnaires concernés, de se rendre au moins une fois par an à leur lieu d’origine afin d’y conserver des liens familiaux, sociaux et culturels, conformément au principe général de la fonction publique européenne pertinent à cet égard.
54 Les requérantes dans l’affaire C‑568/22 P font valoir que, alors qu’elles ont toutes deux leur lieu d’origine fixé à Buenos Aires (Argentine), situé à plus de 11000 km de Bruxelles (Belgique), qui est leur lieu d’affectation, elles ont perçu un montant différent au titre du paiement des frais de voyage, calculé par référence à la distance qui sépare Bruxelles de Rome (Italie) ou de Madrid (Espagne), qui sont les capitales des États membres dont elles ont respectivement la nationalité, cette
distance correspondant à moins de quinze pour cent de celle séparant leur lieu d’affectation de leur lieu d’origine. Les requérants dans l’affaire C‑567/22 P illustrent les conséquences de l’application de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut en soulignant qu’un autre requérant, dont le lieu d’origine est également fixé à Buenos Aires, et dont le lieu d’affectation est Luxembourg (Luxembourg), voit le remboursement auquel il a droit calculé par référence à la
distance séparant Luxembourg de Bruxelles, capitale de l’État membre dont il a la nationalité, et ne perçoit aucun montant au titre du paiement forfaitaire des frais de voyage, puisque cette dernière distance est inférieure à 201 km.
55 Les requérants soulignent par ailleurs que le législateur de l’Union disposait de plusieurs possibilités pour atteindre l’objectif de rationalisation budgétaire pris en considération par le Tribunal sans méconnaître la finalité dudit article 8 ni instaurer de discrimination en raison de la nationalité entre les fonctionnaires concernés, par exemple en retenant comme point de référence pour le calcul du paiement des frais de voyage le point du trajet vers le lieu d’origine situé aux frontières
extérieures de l’Union, en fixant un plafond ou en opérant une réduction du montant de l’avantage.
56 Les institutions défenderesses contestent le bien-fondé dudit grief.
57 En particulier, la Commission soutient que le Tribunal a considéré à bon droit que le critère de la nationalité du fonctionnaire était adéquat, dès lors que, aux points 72 et 73 de l’arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission (C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240), la Cour en aurait admis la pertinence notamment dans le contexte de l’article 8 de l’annexe VII du statut. Par ailleurs, la Commission, le Parlement et le Conseil soulignent que le fait que le lieu d’origine d’un
fonctionnaire soit situé dans un pays tiers est un élément objectif susceptible de justifier l’adoption d’une règle spécifique en la matière, cet élément constituant la cause unique de la différence de remboursement, à l’exclusion de la nationalité des fonctionnaires concernés, qui ne constituerait qu’un critère secondaire.
58 Le Parlement relève également que le Tribunal a correctement pris en considération le fait que le critère de la nationalité est objectif et de nature à permettre une application simple, transparente et non discriminatoire de l’article 8 de l’annexe VII du statut aux fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé en dehors du territoire des États membres.
59 En outre, le Conseil fait valoir que la nationalité constitue un critère de différenciation communément admis dans le droit de la fonction publique européenne, sur la base d’une présomption selon laquelle la nationalité d’une personne constitue un indice sérieux de l’existence de liens multiples et étroits entre cette personne et le pays dont elle possède la nationalité, ce qui exclurait que l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut soit considéré comme étant
discriminatoire par essence.
– Appréciation de la Cour
60 Il convient de relever que, après avoir estimé qu’il était approprié d’examiner l’argumentation des requérants relative à la méconnaissance du principe de non-discrimination en raison de la nationalité dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 45 TFUE, le Tribunal a considéré, en substance, que l’argumentation des requérants selon laquelle l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut serait constitutif d’une entrave se confondait avec leur argumentation
relative à l’existence d’une différence de traitement fondée sur la nationalité. Quant à cette argumentation, il a relevé, en substance, que les requérants faisaient valoir que des fonctionnaires ayant le même lieu d’affectation situé sur le territoire d’un État membre et le même lieu d’origine situé en dehors de l’Union devraient recevoir un montant identique au titre du paiement forfaitaire des frais de voyage, même s’ils possèdent des nationalités différentes.
61 À cet égard, le Tribunal a constaté que, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut, le montant de ce paiement revenant aux fonctionnaires concernés est effectivement fixé en fonction de leur nationalité.
62 Toutefois, d’une part, il a souligné que cette disposition concerne non pas la titularité du droit audit paiement, mais uniquement les modalités de calcul de ce montant, et a considéré qu’il y avait lieu de reconnaître au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation à cet égard.
63 D’autre part, il a relevé, en substance, que le législateur de l’Union peut avoir recours à une catégorisation, comportant le cas échéant le choix d’un critère fondé sur la nationalité, dès lors que cette catégorisation n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit. Or, en l’occurrence, le choix d’un tel critère serait fondé sur des objectifs légitimes, à savoir la nécessité de moderniser et de rationaliser les règles en matière de paiement des frais de voyage,
afin de rendre leur application plus simple et plus transparente, et la recherche d’un bon rapport coût-efficacité dans un contexte socio‑économique en Europe exigeant un assainissement des finances publiques. En outre, l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut serait proportionné à l’objectif poursuivi par le législateur, lié à ces motifs légitimes de modernisation, de rationalisation et d’optimisation du rapport coût-efficacité. En effet, s’agissant d’un domaine dans
lequel le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation et où, dès lors, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure par rapport à l’objectif poursuivi par celle-ci pourrait en affecter la légalité, le législateur aurait retenu un critère objectif par nature, simple d’application, transparent et dont l’application permet de réaliser des économies.
64 À titre liminaire, il convient de relever que, dans le cadre de leurs recours devant le Tribunal, les requérants n’ont pas contesté le fait même que, par le règlement no 1023/2013, le législateur de l’Union avait modifié les modalités de calcul du paiement forfaitaire des frais de voyage. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le lien juridique entre les fonctionnaires et l’administration est de nature statutaire, et non contractuelle. Dès lors, les droits et les obligations des fonctionnaires,
de même que ceux des agents contractuels qui découlent des dispositions du statut qui leur sont applicables par analogie, tel l’article 8 de l’annexe VII du statut, peuvent être modifiés à tout moment par le législateur, moyennant le respect des exigences découlant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, points 49 et 50 ainsi que jurisprudence citée).
65 Parmi ces exigences figure le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la Charte (arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
66 Il convient, à cet égard, de rappeler que ce principe constitue un principe général du droit de l’Union, dont le principe de non‑discrimination énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte est une expression particulière (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 140 ainsi que jurisprudence citée).
67 Le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 52 ainsi que jurisprudence citée).
68 Pour déterminer s’il y a ou non une violation de ce principe, il convient notamment de tenir compte de l’objet et du but poursuivi par la disposition dont il est allégué qu’elle le violerait (arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 65 ainsi que jurisprudence citée).
69 Par ailleurs, en présence de règles statutaires telles que celles en cause en l’espèce et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union à cet égard, le principe d’égalité de traitement n’est méconnu que lorsque ce législateur procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240,
point 53 ainsi que jurisprudence citée).
70 En l’occurrence, s’agissant de l’article 8 de l’annexe VII du statut, celui-ci vise, conjointement avec l’article 7 de l’annexe V de celui-ci, relatif au congé dans les foyers, dont la durée s’ajoute à celle du congé annuel, à octroyer un avantage devant permettre au fonctionnaire et aux personnes à sa charge de se rendre, au moins une fois par an, à son lieu d’origine, afin d’y conserver des liens familiaux, sociaux et culturels (arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission,
C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 66).
71 Par l’octroi de cet avantage, cet article 8 contribue à la mise en œuvre, à l’égard des fonctionnaires concernés, du principe général du droit de la fonction publique européenne selon lequel le fonctionnaire doit avoir la possibilité de garder des relations personnelles avec le lieu où se trouvent ses intérêts principaux, malgré son entrée en fonction et la distance entre ce lieu et le lieu d’affectation (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 144/84, EU:C:1985:171,
point 13).
72 Dans cette perspective, ledit article 8 dispose, à son paragraphe 1, que tous les fonctionnaires dont le lieu d’origine est différent du lieu d’affectation et qui ont droit à une indemnité de dépaysement ou d’expatriation bénéficient d’un avantage financier consistant dans le paiement forfaitaire des frais de voyage annuel du lieu d’affectation au lieu d’origine, quelle que soit la localisation de ce dernier.
73 Le paragraphe 2 du même article 8 détermine les modalités de calcul de cet avantage financier. À cet effet, cette disposition prévoit, à son premier alinéa, que ce paiement forfaitaire est établi sur la base de la distance géographique séparant le lieu d’affectation du fonctionnaire de son lieu d’origine, tout en précisant, à son deuxième alinéa, que, lorsque le lieu d’origine est situé à l’extérieur du territoire des États membres, en dehors des pays et des territoires énumérés à l’annexe II du
traité FUE ou en dehors du territoire des États membres de l’AELE, ledit paiement forfaitaire est établi sur la base de la distance géographique entre le lieu d’affectation du fonctionnaire concerné et la capitale de l’État membre dont il possède la nationalité.
74 La différence de traitement alléguée dans le cadre du présent grief concerne les fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé en dehors de l’Union, selon l’État membre dont ils ont la nationalité.
75 Il y a lieu de constater que, au regard de l’objectif consistant à permettre de conserver des relations personnelles avec le lieu des intérêts principaux, l’ensemble des fonctionnaires ayant droit à une indemnité de dépaysement ou d’expatriation se trouvent dans une situation comparable.
76 À cet égard, la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission (C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240), puisque, ainsi qu’il résulte des points 68, 71 et 74 de cet arrêt, la différence de traitement en cause dans cette dernière affaire concernait deux catégories de fonctionnaires qui n’étaient pas dans des situations comparables. En effet, parmi les fonctionnaires dont le lieu d’origine était différent du lieu d’affectation,
une catégorie regroupait ceux qui avaient droit à une indemnité de dépaysement ou d’expatriation et étaient donc, en principe, considérés comme peu ou pas intégrés dans la société de l’État membre d’affectation, ayant, de ce fait, le plus besoin du bénéfice du remboursement des frais de voyage, tandis que l’autre catégorie était celle constituée des fonctionnaires qui n’avaient pas droit à de telles indemnités, si bien qu’ils pouvaient être considérés comme entretenant avec leur lieu
d’affectation un lien plus étroit.
77 En revanche, le fait que, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, cette différence de traitement portait sur la titularité du droit au paiement forfaitaire des frais de voyage lui-même, alors que la différence de traitement alléguée en l’espèce concerne les modalités de calcul de celui-ci, est sans pertinence, le respect du principe d’égalité de traitement s’imposant dans tous les cas.
78 S’agissant du recours à un critère de nationalité, la Cour a certes déjà constaté que celle-ci pouvait constituer un élément objectif susceptible de conditionner l’octroi d’un avantage financier, en l’occurrence l’indemnité d’expatriation, du fait qu’un tel critère était, notamment, directement lié au but poursuivi par l’octroi de cet avantage, à savoir compenser les inconvénients liés au statut d’étranger (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79,
EU:C:1980:238, points 12 à 14).
79 Toutefois, en l’espèce, le critère de nationalité sur la base duquel est calculé le paiement forfaitaire des frais de voyage auquel ont droit les fonctionnaires concernés est sans rapport avec l’objectif poursuivi par l’article 8 de l’annexe VII du statut, puisqu’il aboutit à calculer les frais de voyage sur la base d’une distance sans lien avec celle qui sépare le lieu d’affectation du lieu d’origine des intéressés.
80 Il résulte de ce qui précède que, en retenant un critère de calcul fondé sur la situation de la capitale de l’État membre dont les fonctionnaires visés à l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut ont la nationalité, cette disposition introduit une différenciation arbitraire parmi les fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé en dehors de l’Union, puisque ce paiement est calculé sur la base d’un critère dépourvu de lien avec le lieu d’origine de ces
fonctionnaires.
81 Certes, l’objectif consistant à garantir un bon rapport coût-efficacité dans un contexte socio-économique en Europe exigeant un assainissement des finances publiques et un effort particulier de chaque administration publique et de son personnel pour améliorer l’efficacité et l’efficience, ainsi que l’objectif de modernisation et de rationalisation en matière de frais de voyage, respectivement énoncés aux considérants 12 et 24 du règlement no 1023/2013, peuvent justifier que l’octroi de l’avantage
concerné soit limité aux fonctionnaires qui en ont le plus besoin (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Álvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 68), ou encore une réduction de cet avantage. Toutefois, des considérations de nature purement budgétaire, administrative ou de politique du personnel ne sauraient constituer, à elles seules, une justification objective de la différence de traitement instituée entre des fonctionnaires se trouvant dans des
situations comparables découlant du recours à un critère dépourvu de tout lien avec l’objectif poursuivi par l’article 8 de l’annexe VII du statut.
82 Il résulte de ce qui précède que, en jugeant que la différence de traitement instituée par le législateur de l’Union selon la nationalité des fonctionnaires concernés était justifiée par des considérations de nature budgétaire, administrative ou liées à la gestion des ressources humaines, le Tribunal a commis une erreur de droit.
83 Partant, il y a lieu d’accueillir, dans chacun des pourvois, le grief de la première branche du premier moyen relatif à une violation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité et, dès lors, d’annuler les arrêts attaqués en ce qui concerne le rejet du premier chef de conclusions des recours en annulation ainsi que, par voie de conséquence, en ce qui concerne, d’une part, le rejet de la demande contenue dans le quatrième chef de conclusions dans l’affaire T‑531/16 et, d’autre
part, la condamnation des requérants aux dépens dans les affaires T‑531/16 à T‑533/16 et T‑545/16, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches du premier moyen des pourvois.
Sur le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑567/22 P
Argumentation des parties
84 Par leur troisième moyen, les requérants dans l’affaire C‑567/22 P soutiennent, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en validant la différence de traitement établie à l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut parmi les fonctionnaires ayant droit à un paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine, en prévoyant des modalités de calcul de ce paiement distinctes pour ceux dont le lieu d’origine est situé à l’extérieur du territoire
des États membres de l’Union ou en dehors des pays et des territoires énumérés à l’annexe II du traité FUE ou en dehors du territoire des États membres de l’AELE.
85 Ce moyen vise, plus particulièrement, les points 59 à 63 de l’arrêt attaqué dans l’affaire C‑567/22 P.
86 Les requérants dans cette affaire soutiennent que le Tribunal a estimé à tort que la différence de traitement établie entre les deux catégories de fonctionnaires concernés, qui sont dans des situations comparables au regard de l’objet et du but de l’article 8 de l’annexe VII du statut, était justifiée par des objectifs légitimes, visés aux considérants 2 et 12 du règlement no 1023/2013. Le Tribunal aurait erronément jugé que, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont le législateur de l’Union
dispose en cette matière, il n’était pas manifestement inapproprié d’établir des modalités de calcul de cet avantage pécuniaire différentes pour les fonctionnaires dont le lieu d’origine se trouve en dehors de l’Union, visés au paragraphe 2, deuxième alinéa, de cet article 8, afin d’atteindre ces objectifs. En effet, le Tribunal aurait omis d’examiner la proportionnalité de cette différence de traitement au regard de l’objectif poursuivi par ledit article 8 lui-même.
87 Ces requérants se réfèrent, à cet égard, à l’argumentation qu’ils ont développée dans le cadre du premier moyen en ce qui concerne le grief relatif à une violation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité.
88 Les institutions défenderesses contestent le bien-fondé du troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑567/22 P.
89 En particulier, la Commission soutient que le Tribunal a examiné la comparabilité des deux catégories de fonctionnaires concernées au regard de l’objet et du but de l’article 8 de l’annexe VII du statut et a relevé que le paiement prévu à cet article est comparable pour ces deux catégories de fonctionnaires. En outre, le Tribunal aurait correctement conclu, eu égard aux objectifs de la réforme du statut opérée par le règlement no 1023/2013 et du large pouvoir d’appréciation dont disposait le
législateur, que celui-ci n’avait commis ni différenciation arbitraire ni choix manifestement inadéquat.
Appréciation de la Cour
90 La différence de traitement alléguée dans le cadre du présent moyen concerne les fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé en dehors de l’Union par rapport à ceux dont le lieu d’origine se trouve dans l’Union.
91 Il résulte du point 75 du présent arrêt que, au regard de l’objectif consistant à permettre de conserver des relations personnelles avec le lieu des intérêts principaux, l’ensemble des fonctionnaires ayant droit à une indemnité de dépaysement ou d’expatriation se trouvent dans une situation comparable, que leur lieu d’origine soit situé à l’intérieur du territoire de l’Union ou en dehors de celui-ci.
92 Or, la différenciation opérée entre les fonctionnaires visés selon que leur lieu d’origine se trouve dans ou en dehors de l’Union est sans rapport avec cet objectif.
93 Dès lors, l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut introduit, à cet égard, une différenciation arbitraire au détriment des fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé en dehors de l’Union.
94 Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 81 du présent arrêt, des considérations de nature purement budgétaire, administrative ou de politique du personnel ne sauraient constituer, à elles seules, une justification objective de la différence de traitement instituée entre des fonctionnaires se trouvant dans des situations comparables découlant du recours à un critère dépourvu de tout lien avec l’objectif poursuivi par l’article 8 de l’annexe VII du statut.
95 Il résulte de ce qui précède que, en jugeant que la différence de traitement instituée par le législateur de l’Union entre les fonctionnaires ayant droit au paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine selon que ce dernier est situé dans ou en dehors de l’Union était justifiée par des considérations de nature budgétaire, administrative ou liées à la gestion des ressources humaines, le Tribunal a commis une erreur de droit.
96 Partant, il y a également lieu d’accueillir le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑567/22 P et, dès lors, d’annuler l’arrêt attaqué dans le cadre de ce pourvoi, dans la même mesure que précisé au point 83 du présent arrêt.
Sur les autres moyens des pourvois
97 Eu égard à l’accueil du grief relatif à une violation du principe de non‑discrimination en raison de la nationalité, présenté dans le cadre de la première branche du premier moyen des pourvois, et du troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑567/22 P, relatif à une violation du principe d’égalité de traitement, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens des pourvois.
Sur les recours devant le Tribunal
98 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.
99 En l’espèce, au vu notamment de la circonstance que les recours introduits par les requérants dans les affaires T‑531/16 à T‑533/16 et T‑545/16 sont fondés, en substance, sur une exception d’illégalité ayant fait l’objet de débats contradictoires devant le Tribunal et dont l’examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, la Cour estime que ces recours sont en état d’être jugés et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur
ceux-ci.
100 Eu égard à l’annulation partielle des arrêts attaqués, il y a lieu de statuer uniquement sur les premiers chefs de conclusions en annulation desdits recours et sur les conclusions à caractère pécuniaire présentées dans l’affaire T‑531/16.
Sur les premiers chefs de conclusions en annulation
101 Devant le Tribunal, les requérants ont demandé, chacun pour ce qui le concernait, l’annulation de la décision par laquelle l’institution dont il est fonctionnaire a fait application pour la première fois à son égard de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut.
102 Au soutien de cette demande, ils ont excipé de l’illégalité de cette disposition, fondée, notamment, sur la violation du principe de non‑discrimination en raison de la nationalité.
103 Il résulte de l’examen des pourvois, en particulier des points 80 à 83 du présent arrêt, que cette exception d’illégalité est fondée.
104 En conséquence, il y a lieu d’accueillir le premier chef des conclusions en annulation des recours dans les affaires T‑531/16 à T‑533/16 et T‑545/16, et, dès lors, d’annuler les décisions par lesquelles l’institution dont chacun des requérants est fonctionnaire a fixé pour la première fois ses droits en matière de paiement forfaitaire des frais de voyage annuel en application de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut.
Sur les conclusions à caractère pécuniaire dans l’affaire T‑531/16
105 Devant le Tribunal, les requérants dans l’affaire T‑531/16 ont soutenu que l’annulation, notamment, de la décision fixant le montant du remboursement de leurs frais de voyage pour l’année 2014 devait entraîner le remboursement de leurs frais de voyage annuel vers le lieu d’origine sur la base de leurs frais réels, majorés des intérêts moratoires à compter du 12 juin 2014.
106 Le Tribunal a considéré, sans examiner la recevabilité de cette demande de remboursement, qu’elle devait être rejetée en conséquence du rejet des chefs de conclusions en annulation, dès lors qu’elle présentait un lien étroit avec ceux-ci.
107 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 91, paragraphe 1, du statut dispose que le juge de l’Union est compétent pour statuer sur tout litige entre l’Union et l’une des personnes visées au statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne, au sens de l’article 90, paragraphe 2, de celui-ci, et que, dans les litiges à caractère pécuniaire, ce juge a une compétence de pleine juridiction.
108 Constituent notamment des « litiges à caractère pécuniaire », au sens dudit article 91, paragraphe 1, tous ceux qui concernent le versement, par une institution à un fonctionnaire ou à un agent, d’une somme qu’il estime lui être due en vertu du statut ou d’un autre acte qui régit leurs relations de travail (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 65 et jurisprudence citée).
109 En principe, la compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union à l’article 91, paragraphe 1, du statut l’investit de la mission de donner aux litiges dont il est saisi une solution complète, c’est-à-dire de statuer sur l’ensemble des droits et des obligations du fonctionnaire ou de l’agent, sauf à renvoyer à l’institution en cause, et sous son contrôle, l’exécution de telle partie de l’arrêt dans les conditions précises qu’il fixe (arrêt du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement,
C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 67).
110 Ainsi, il appartient au juge de l’Union de prononcer, le cas échéant, à l’égard d’une institution une condamnation au versement d’une somme à laquelle le fonctionnaire ou l’agent concerné a droit en vertu du statut ou d’un autre acte juridique (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 68).
111 Il résulte des motifs qui précèdent que l’annulation des décisions attaquées dans le cadre de l’affaire T‑531/16 découle de l’illégalité, constatée par voie d’exception, de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut, disposition sur laquelle ces décisions étaient fondées.
112 Ladite disposition devant, dès lors, être écartée, le montant des frais de voyage dus à chacun des requérants dans l’affaire T‑531/16 au titre de l’année 2014 doit être déterminé en application des seules dispositions de l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe VII du statut.
113 Il s’ensuit qu’il y a lieu de condamner la Commission à verser à chacun des requérants dans l’affaire T‑531/16 une somme correspondant à la différence entre le montant des frais de voyage déjà perçus au titre de l’année 2014 et celui résultant de l’application d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance géographique séparant leur lieu d’affectation de leur lieu d’origine, assortie des intérêts moratoires au taux légal.
Sur les dépens
114 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
115 Selon l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
116 La Commission et de la Cour de justice de l’Union européenne ayant succombé dans le cadre des présents pourvois ainsi que, pour l’essentiel, dans le cadre des recours devant le Tribunal et les requérants, respectivement dans les affaires C‑567/22 P à C‑569/22 P et C‑570/22 P, ayant conclu à la condamnation aux dépens de ces institutions, il y a lieu de condamner celles-ci à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par les requérants respectifs tant en première instance que dans le
cadre des présents pourvois.
117 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Parlement et le Conseil, parties intervenantes en première instance, supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Les arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 15 juin 2022, Dumitrescu et Schwarz/Commission (T‑531/16, EU:T:2022:362), du 15 juin 2022, YT et YU/Commission (T‑532/16, EU:T:2022:363), du 15 juin 2022, YV e.a./Commission (T‑533/16, EU:T:2022:364), ainsi que du 15 juin 2022, YY et ZA/Cour de justice de l’Union européenne (T‑545/16, EU:T:2022:366), sont annulés en tant que, par ceux-ci, le Tribunal a rejeté les recours de MM. Vasile Dumitrescu et Guido Schwarz (T‑531/16), YT et YU (T‑532/16), YV
(T‑533/16) ainsi que ZA (T‑545/16) tendant à l’annulation de la décision par laquelle la Commission européenne (T‑531/16 à T‑533/16) et la Cour de justice de l’Union européenne (T‑545/16) ont fixé pour le première fois à leur égard le paiement forfaitaire des frais de voyage en application de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du
Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, et en tant que, par ces arrêts, le Tribunal a statué sur les dépens.
2) Les pourvois sont rejetés pour le surplus.
3) Les décisions de la Commission européenne fixant les droits de MM. Vasile Dumitrescu et Guido Schwarz en matière de paiement forfaitaire des frais de voyage en application de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement no 1023/2013, telles que ces décisions ont été révélées dans leurs bulletins de rémunération du mois de juin 2014, sont annulées.
4) Les décisions de la Commission européenne fixant les droits de YT et de YU en matière de paiement forfaitaire des frais de voyage en application de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement no 1023/2013, telles que ces décisions ont été révélées dans leurs bulletins de rémunération du mois de juin ou du mois de juillet 2014, sont annulées.
5) La décision de la Commission européenne fixant les droits de YV en matière de paiement forfaitaire des frais de voyage en application de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement no 1023/2013, telle que cette décision a été révélée dans son bulletin de rémunération du mois de juillet 2014, est annulée.
6) La décision de la Cour de justice de l’Union européenne fixant les droits de ZA en matière de paiement forfaitaire des frais de voyage en application de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement no 1023/2013, telle que cette décision a été révélée dans son bulletin de rémunération du mois de juillet 2014, est annulée.
7) La Commission européenne est condamnée à payer à MM. Vasile Dumitrescu et Guido Schwarz, chacun pour ce qui le concerne, une somme correspondant à la différence entre le montant des frais de voyage déjà perçus au titre de l’année 2014 et celui résultant de l’application d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance géographique séparant leur lieu d’affectation de leur lieu d’origine, assortie des intérêts moratoires au taux légal.
8) La Commission européenne supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par MM. Vasile Dumitrescu et Guido Schwarz tant dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T‑531/16 que dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C‑567/22 P, ceux exposés par YT et YU tant dans le cadre de la procédure devant le Tribunal dans l’affaire T‑532/16 que dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C‑568/22 P et ceux exposés par YV tant dans le cadre de la procédure devant le
Tribunal dans l’affaire T‑533/16 que dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C‑569/22 P.
9) La Cour de justice de l’Union européenne supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par ZA tant dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T‑545/16 que dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C‑570/22 P.
10) Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supportent leurs propres dépens.
Lycourgos
Spineanu-Matei
Bonichot
Rodin
Rossi
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 avril 2024.
Le greffier
A. Calot Escobar
Le président de chambre
C. Lycourgos
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( *1 ) Langue de procédure : le français.