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12/12/2024 | CJUE | N°C-118/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Rada Nadzorcza Getin Noble Bank S.A. e.a. contre Bankowy Fundusz Gwarancyjny., 12/12/2024, C-118/23


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

12 décembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Redressement et résolution des établissements de crédit – Directive 2014/59/UE – Décision d’adopter une mesure de gestion de crise à l’égard d’un établissement de crédit – Article 85, paragraphe 3 – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif de toutes les personnes affectées par cette décision – Respect du délai raisonnable – Exigence de rapidité du contrôle juridictionnel 

Disposition de droit national imposant la
jonction de l’ensemble des recours – Article 3, paragraphe 3 – Cumul de fo...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

12 décembre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Redressement et résolution des établissements de crédit – Directive 2014/59/UE – Décision d’adopter une mesure de gestion de crise à l’égard d’un établissement de crédit – Article 85, paragraphe 3 – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif de toutes les personnes affectées par cette décision – Respect du délai raisonnable – Exigence de rapidité du contrôle juridictionnel – Disposition de droit national imposant la
jonction de l’ensemble des recours – Article 3, paragraphe 3 – Cumul de fonctions par l’autorité de résolution – Garantie d’indépendance opérationnelle »

Dans l’affaire C‑118/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne), par décision du 26 janvier 2023, parvenue à la Cour le 21 février 2023, dans la procédure

Rada Nadzorcza Getin Noble Bank S.A. e.a.

contre

Bankowy Fundusz Gwarancyjny,

en présence de :

VELOBANK S.A.,

M.K., en qualité de mandataire liquidateur de Getin Noble Bank S.A., en liquidation (anciennement Getin Noble Bank S.A.),

TD,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la quatrième chambre, M. C. Lycourgos, président de la troisième chambre, MM. S. Rodin, Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : Mme N. Mundhenke, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 mars 2024,

considérant les observations présentées :

– pour Rada Nadzorcza Getin Noble Bank S.A., Getin Holding S.A., LC Corp B.V., Fundacja Jolanty i Leszka Czarneckich z siedzibą w Warszawie et NM, par Mes M. Cecerko, P. Lewandowski, radcowie prawni, et Me M. Orkusz, adwokat,

– pour KA, WK, CK, LN, KM, GK, MG, MT, MM, KB, JS, WG, KG, JJ, IB, ZD, GW, MD, CP, MZ, MP, KP, AB, US, DL, SQ, QP et KM par Mes J. K. Mikołajek-Furmańska et J. Trojacka, radcowie prawni, et Me M. Szymański, adwokat,

– pour ML et SJ, par Mes J. Czabański et A. N. Wolna-Sroka, adwokaci,

– pour GM et DG, par Me A. Citko, radca prawny,

– pour TM et BI, par Mes W. Bochenek, P. Stalski et T. Zaremba, radcowie prawni,

– pour OS et NS, par Mes W. Budzewski et M. Chęcińska, adwokaci,

– pour Bankowy Fundusz Gwarancyjny, par Mes M. Malciak, A. Radwan, W. J. Wandzel, M. Wojtacha, adwokaci, et Me M. Olszak, radca prawny,

– pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna, R. Stańczyk et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. P. Messina, A. Nijenhuis, Mme B. Sasinowska et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 juin 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de l’article 3, paragraphe 3, et de l’article 85, paragraphes 2 et 3, de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant
la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), telle que modifiée par la directive (UE) 2019/879 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019 (JO 2019, L 150, p. 296) (ci-après la « directive 2014/59 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Rada Nadzorcza Getin Noble Bank S.A. (conseil de surveillance de Getin Noble Bank S.A., ci-après « le conseil de surveillance de GN Bank ») ainsi qu’un grand nombre de personnes physiques et morales au Bankowy Fundusz Gwarancyjny (Fonds de garantie bancaire, Pologne) (ci-après le « FGB ») au sujet de la décision de ce dernier d’ouvrir une procédure de résolution à l’encontre de Getin Noble Bank (ci-après « GN Bank »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La Charte

3 L’article 47 de la Charte, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », prévoit :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

[...] »

Le règlement no 575/2013

4 Le règlement no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2019/876 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019 (JO 2019, L 150, p. 1) (ci-après le « règlement no 575/2013 »), énonce à son article 1er :

« Le présent règlement fixe des règles uniformes concernant les exigences prudentielles générales que tous les établissements, les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mixtes faisant l’objet d’une surveillance en vertu de la directive 2013/36/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant
la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338),] respectent en ce qui concerne :

a) les exigences de fonds propres relatives aux éléments entièrement quantifiables, uniformes et normalisés de risque de crédit, de risque de marché, de risque opérationnel, de risque de règlement et le levier ;

b) les exigences limitant les grands risques ;

c) les exigences de liquidité relatives aux éléments entièrement quantifiables, uniformes et normalisés de risque de liquidité ;

d) les obligations de déclaration en ce qui concerne les points a), b) et c) ;

e) les obligations de publication.

[...] »

5 L’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement no 575/2013 prévoit :

« 1.   Afin d’assurer le respect du présent règlement, les autorités compétentes disposent des pouvoirs et suivent les procédures prévues par la directive 2013/36/UE et par le présent règlement.

2.   Afin d’assurer le respect du présent règlement, les autorités de résolution disposent des pouvoirs et suivent les procédures prévues par la directive 2014/59/UE [...] et par le présent règlement. »

6 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement :

« Au sens du présent règlement, on entend par :

[...]

40) “autorité compétente” : une autorité publique ou un organisme officiellement reconnu par le droit national, qui est habilité en vertu du droit national à surveiller les établissements dans le cadre du système de surveillance existant dans l’État membre concerné ;

[...] »

La directive 2014/49/UE

7 La directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149), dispose, à son article 1er, paragraphe 1 :

« La présente directive définit les règles et procédures relatives à l’établissement et au fonctionnement des systèmes de garanties des dépôts (SGD). »

8 Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de cette directive, les moyens financiers d’un système de garantie des dépôts sont utilisés pour financer la résolution des établissements de crédit conformément à l’article 109 de la directive 2014/59.

La directive 2014/59

9 Les considérants 15, 40 88, 90 à 92, 110 et 130 de la directive 2014/59 énoncent :

« (15) Afin d’assurer la rapidité d’action nécessaire, de garantir l’indépendance à l’égard des acteurs économiques et d’éviter les conflits d’intérêts, les États membres devraient désigner des autorités administratives publiques ou des autorités investies de compétences administratives publiques pour assumer les fonctions et les tâches liées à la résolution en vertu de la présente directive. [...] Lorsqu’un État membre désigne l’autorité chargée de la surveillance prudentielle des établissements
(ci-après dénommée “autorité compétente”) comme autorité de résolution, des dispositions structurelles adéquates devraient être mises en place pour séparer les fonctions de surveillance et les fonctions de résolution. Cette séparation ne devrait pas empêcher la fonction de résolution d’avoir accès aux informations dont dispose la fonction de surveillance.

[...]

(40) Pour préserver la stabilité financière, il est important que les autorités compétentes puissent remédier à la détérioration de la situation économique et financière d’un établissement avant qu’elle n’atteigne un point où elles n’auront d’autre choix que d’entamer une procédure de résolution. À cette fin, les autorités compétentes devraient être dotées de pouvoirs d’intervention précoce, y compris celui de nommer un administrateur temporaire soit pour remplacer l’organe de direction et la
direction générale de l’établissement soit pour travailler temporairement avec ceux‑ci. La tâche de l’administrateur temporaire devrait consister à exercer tout pouvoir qui lui a été conféré en vue de promouvoir des solutions pour redresser la situation financière de l’établissement. Sa nomination ne devrait pas interférer outre mesure avec les droits des actionnaires et des propriétaires ni avec les obligations procédurales prévues par le droit de l’Union ou le droit national des sociétés,
et elle devrait respecter les obligations internationales de l’Union ou des États membres en matière de protection des investissements. Ces pouvoirs d’intervention précoce devraient inclure ceux qui sont déjà prévus dans la directive 2013/36/UE pour des cas autres que ceux considérés comme des cas d’intervention précoce, ainsi que d’autres pouvoirs jugés nécessaires pour rétablir la solidité financière d’un établissement.

[...]

(88) Conformément à l’article 47 de la [Charte], les parties concernées ont droit à un procès équitable et à un recours efficace contre les mesures qui les affectent. Les décisions des autorités de résolution devraient donc être sujettes à un droit de recours.

[...]

(90) Étant donné que la présente directive vise à permettre de faire face à des situations d’extrême urgence, et que la suspension d’une décision des autorités de résolution risque d’interrompre l’exercice de fonctions critiques, il est nécessaire de préciser que l’introduction d’un recours ne devrait pas entraîner la suspension automatique des effets de la décision contestée et que la décision de l’autorité de résolution devrait être immédiatement exécutoire et induire une présomption selon
laquelle une suspension de son exécution serait contraire à l’intérêt public.

(91) En outre, lorsqu’il est nécessaire pour protéger les tiers qui, dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de résolution des autorités, ont acquis de bonne foi des actifs, des droits ou des engagements de l’établissement soumis à une procédure de résolution, et pour assurer la stabilité des marchés financiers, le droit de recours ne devrait pas affecter les actes administratifs et les transactions fondés ultérieurement sur une décision annulée. Dans ce cas, les réparations en cas de décision
abusive devraient donc se limiter à l’indemnisation du préjudice subi par les personnes concernées.

(92) Étant donné le caractère d’urgence que pourrait revêtir l’adoption de mesures de gestion de crise en raison de risques graves pour la stabilité financière de l’État membre et de l’Union, il convient que, dans le droit national, toute procédure relative au dépôt de la demande d’approbation juridictionnelle préalable d’une telle mesure et l’examen de cette demande par la juridiction soient rapides. Étant donné le caractère d’urgence d’une mesure de gestion de crise, la juridiction devrait
rendre sa décision dans les 24 heures et les États membres devraient veiller à ce que l’autorité concernée puisse adopter sa décision immédiatement après l’approbation de la juridiction. Cela s’entend sans préjudice du droit des parties intéressées de saisir la juridiction d’une demande d’annulation de la décision dans un délai limité après l’adoption de la mesure de gestion de crise par l’autorité de résolution.

[...]

(110) [...] Les dépôts couverts par des systèmes de garantie ne devraient supporter aucune perte dans le cadre de la procédure de résolution. Lorsqu’une mesure de résolution garantit aux déposants le maintien de l’accès à leurs dépôts, la responsabilité du système de garantie des dépôts auquel est affilié l’établissement ne devrait pas être engagée pour un montant supérieur au montant des pertes qu’il aurait dû supporter si l’établissement avait été liquidé selon une procédure normale
d’insolvabilité.

[...]

(130) La présente directive respecte les droits fondamentaux et les droits, libertés et principes reconnus, en particulier, par la [Charte], et en particulier le droit de propriété, le droit à un recours effectif et à un tribunal impartial, et les droits de la défense. »

10 L’article 2 de cette directive dispose, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par ;

[...]

40. “mesure de résolution”, la décision de soumettre un établissement ou une entité visé à l’article 1er, paragraphe 1, points b), c) ou d), à une procédure de résolution conformément à l’article 32 ou 33, l’emploi d’un instrument de résolution ou l’exercice d’un ou plusieurs pouvoirs de résolution ;

[...]

60. “instrument de l’établissement-relais”, le mécanisme permettant de transférer à un établissement-relais, conformément à l’article 40, des actions ou autres titres de propriété émis par un établissement soumis à une procédure de résolution ou des actifs, droits ou engagements d’un établissement soumis à une procédure de résolution ;

[...]

101. “mesure de prévention de crise”, l’exercice de pouvoirs visant à supprimer directement les lacunes ou obstacles en vue du redressement conformément à l’article 6, paragraphe 6, l’exercice de pouvoirs visant à réduire ou supprimer les obstacles à la résolvabilité en vertu de l’article 17 ou 18, l’application d’une quelconque mesure d’intervention précoce en vertu de l’article 27, la nomination d’un administrateur temporaire conformément à l’article 29 ou l’exercice de pouvoirs de dépréciation
ou de conversion en vertu de l’article 59 ;

102. “mesure de gestion de crise”, une mesure de résolution ou la nomination d’un administrateur spécial conformément à l’article 35 ou d’une personne en vertu de l’article 51, paragraphe 2, ou de l’article 72, paragraphe 1 ;

[...] »

11 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Désignation des autorités responsables de la résolution », prévoit, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3.   Les autorités de résolution peuvent être des banques centrales nationales, des ministères compétents ou d’autres autorités administratives publiques compétentes ou des autorités investies de compétences administratives publiques. Les États membres peuvent, à titre exceptionnel, prévoir que l’autorité de résolution puisse être l’autorité compétente en matière de surveillance aux fins du règlement (UE) no 575/2013 et de la directive 2013/36/UE. Il existe des dispositions structurelles
adéquates pour assurer l’indépendance opérationnelle et éviter tout conflit d’intérêts entre les fonctions de surveillance prévues par le règlement (UE) no 575/2013 et la directive 2013/36/UE, ou les autres fonctions de l’autorité concernée, et les fonctions assignées aux autorités de résolution en vertu de la présente directive, sans préjudice de l’échange d’informations et des obligations de coopération exigées au paragraphe 4. Les États membres veillent notamment à ce qu’il existe une
indépendance opérationnelle, au sein des autorités compétentes, des banques centrales nationales, des ministères compétents ou des autres autorités compétentes, entre la fonction de résolution et les fonctions de surveillance ou autres de l’autorité concernée.

Le personnel chargé des missions confiées à l’autorité de résolution en vertu de la présente directive relève d’une structure organisationnelle distincte et de lignes hiérarchiques séparées de celles dont relève le personnel chargé des tâches prévues par le règlement (UE) no 575/2013 et la directive 2013/36/UE ou le personnel assumant les autres fonctions de l’autorité concernée.

Aux fins du présent paragraphe, les États membres ou l’autorité de résolution adoptent et publient toutes les règles internes ad hoc nécessaires, dont les règles relatives au secret professionnel et aux échanges d’information entre les différents départements.

4.   Les États membres exigent que les autorités exerçant des fonctions de surveillance et de résolution ainsi que les personnes exerçant lesdites fonctions en leur nom coopèrent étroitement à l’élaboration, la planification et l’application des décisions de résolution, tant lorsque l’autorité de résolution et l’autorité compétente sont des entités distinctes que lorsque les fonctions sont exercées au sein de la même entité. »

12 Sous le titre III de la même directive, intitulé « Intervention précoce », figure notamment l’article 29 de celle-ci, lequel dispose :

« 1.   Si le remplacement de la direction générale ou de l’organe de direction visés à l’article 28 est jugé insuffisant par l’autorité compétente pour remédier à la situation, les États membres veillent à ce que les autorités compétentes puissent nommer un ou plusieurs administrateurs temporaires pour l’établissement. Les autorités compétentes peuvent, en fonction des circonstances, nommer tout administrateur temporaire soit pour remplacer temporairement l’organe de direction de l’établissement
soit pour travailler temporairement avec celui-ci, l’autorité compétente précisera sa décision au moment de la nomination. Si l’autorité compétente nomme un administrateur temporaire pour travailler avec l’organe de direction de l’établissement, elle précise en outre, au moment de cette nomination, le rôle, les fonctions et les compétences de l’administrateur temporaire, ainsi que toute obligation faite à la direction de l’établissement de consulter celui‑ci ou d’obtenir son accord avant de
prendre certaines décisions ou mesures. L’autorité compétente est tenue de rendre publique la nomination de tout administrateur temporaire, sauf lorsque celui-ci n’a pas le pouvoir de représenter l’établissement. Les États membres veillent en outre à ce que tout administrateur temporaire possède les qualifications, les capacités et les connaissances requises pour exercer ses fonctions et ne connaisse aucun conflit d’intérêts.

[...]

3.   Le rôle et les fonctions de l’administrateur temporaire sont précisés par l’autorité compétente au moment de la nomination et peuvent consister notamment à déterminer la position financière de l’établissement, à gérer les activités ou une partie des activités de celui‑ci en vue de préserver ou de rétablir sa position financière et à prendre des mesures pour rétablir la gestion saine et prudente des activités de l’établissement. L’autorité compétente précise toute limite au rôle et aux
fonctions de l’administrateur temporaire au moment de la nomination.

[...]

6.   L’autorité compétente peut exiger d’un administrateur temporaire qu’il élabore, à des intervalles fixés par celle-ci et à la fin de son mandat, des rapports sur la position financière de l’établissement et sur les mesures qu’il a prises depuis sa nomination.

[...] »

13 Sous le titre IV de la directive 2014/59, intitulé « Résolution », figure notamment les articles 31 et 32 de celle-ci. Cet article 31, intitulé « Objectifs de la résolution », énonce :

« 1.   Lorsqu’elles appliquent les instruments de résolution et exercent les pouvoirs de résolution, les autorités de résolution tiennent compte des objectifs de la résolution et optent pour les instruments et pouvoirs qui permettent le mieux d’atteindre les objectifs correspondant à chaque situation.

2.   Les objectifs de la résolution visés au paragraphe 1 sont les suivants :

a) assurer la continuité des fonctions critiques;

b) éviter les effets négatifs sérieux sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché;

c) protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours aux aides financières publiques exceptionnelles;

d) protéger les déposants couverts par la directive 2014/49/UE ainsi que les investisseurs couverts par la directive 97/9/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 3 mars 1997, relative aux systèmes d’indemnisation des investisseurs (JO 1997, L 84, p. 22)] ;

e) protéger les fonds et les actifs des clients.

[...]

3.   Sous réserve de diverses dispositions de la présente directive, les objectifs de la résolution sont d’égale importance, et les autorités de résolution décident de leur juste équilibre en fonction de la nature et des circonstances propres à chaque cas. »

14 L’article 32 de cette directive, intitulé « Conditions de déclenchement d’une procédure de résolution », dispose :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les autorités de résolution ne prennent une mesure de résolution à l’égard d’un établissement visé à l’article 1er, paragraphe 1, point a), que si l’autorité de résolution estime que toutes les conditions suivantes sont remplies :

a) l’autorité compétente après consultation de l’autorité de résolution ou, sous réserve des conditions définies au paragraphe 2, l’autorité de résolution après consultation de l’autorité compétente établit que la défaillance de l’établissement est avérée ou prévisible ;

b) compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes, il n’existe aucune perspective raisonnable qu’une autre mesure de nature privée, y compris les mesures prévues par un système de protection institutionnel, ou une mesure prudentielle, notamment les mesures d’intervention précoce ou la dépréciation ou la conversion d’instruments de fonds propres pertinents et d’engagements éligibles conformément à l’article 59, paragraphe 2, prise à l’égard de l’établissement, empêche la
défaillance de l’établissement dans un délai raisonnable ;

c) une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public au sens du paragraphe 5.

[...]

5.   Aux fins du paragraphe 1, point c), du présent article, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 31, alors qu’une liquidation de l’établissement selon une procédure normale d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure.

[...] »

15 L’article 85 de ladite directive, intitulé « Approbation préalable d’une juridiction et droits de contester les décisions », prévoit, à ses paragraphes 2 à 4 :

« 2.   Les États membres prévoient, dans leur droit national, le droit d’introduire un recours contre toute décision d’adopter une mesure de prévention de crise ou d’exercer un quelconque pouvoir autre qu’une mesure de gestion de crise au titre de la présente directive.

3.   Les États membres veillent à ce que toutes les personnes affectées par une décision d’adopter une mesure de gestion de crise aient le droit de faire appel de ladite décision. Les États membres veillent à ce que ce contrôle soit effectué rapidement et que les juridictions nationales fondent leur propre évaluation sur les appréciations économiques complexes des faits réalisées par l’autorité de résolution.

4.   Le droit de recours visé au paragraphe 3 est soumis aux dispositions suivantes :

a) l’introduction d’un recours n’entraîne pas la suspension automatique des effets de la décision contestée ;

b) la décision de l’autorité de résolution est immédiatement exécutoire et induit une présomption réfragable selon laquelle une suspension de son exécution serait contraire à l’intérêt public.

Lorsqu’il est nécessaire de protéger les intérêts des tiers de bonne foi qui ont acquis des actions, d’autres titres de propriété, des actifs, des droits ou des engagements d’un établissement soumis à une procédure de résolution en vertu de l’utilisation d’instruments de résolution ou de l’exercice de pouvoirs de résolution par une autorité de résolution, l’annulation d’une décision d’une autorité de résolution n’affecte pas les actes administratifs adoptés ou les opérations conclues
ultérieurement par l’autorité de résolution concernée sur la base de sa décision annulée. Dans ce cas, les recours portant sur une décision ou une mesure préjudiciable des autorités de résolution sont limités à la compensation des pertes subies par le demandeur du fait de cette décision ou mesure. »

16 Intitulé « Utilisation de systèmes de garantie des dépôts dans le cadre de la résolution », l’article 109 de la même directive dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsque les autorités de résolution prennent une mesure de résolution et pour autant que cette mesure garantisse aux déposants le maintien de l’accès à leurs dépôts, les États membres veillent à ce que la responsabilité du système de garantie des dépôts auquel l’établissement est affilié soit engagée :

[...]

b) lorsqu’un ou plusieurs instruments de résolution autres qu’un instrument de renflouement interne sont appliqués, pour le montant des pertes que les déposants couverts auraient subies si ceux-ci avaient subi des pertes en proportion des pertes subies par les créanciers bénéficiant du même niveau de priorité dans le droit national régissant les procédures normales d’insolvabilité.

Dans tous les cas, la responsabilité du système de garantie des dépôts n’est pas engagée pour un montant supérieur aux pertes qu’il aurait dû supporter si l’établissement avait été liquidé selon une procédure normale d’insolvabilité.

[...] »

Le droit polonais

La loi relative à la procédure devant les juridictions administratives

17 L’article 111, paragraphe 1, de l’ustawa Prawo o postępowaniu przed sądami administracyjnymi (loi relative à la procédure devant les juridictions administratives), du 30 août 2002 (Dz. U. de 2002, position 329), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Le juge ordonne la jonction de plusieurs affaires distinctes pendantes devant lui, aux fins d’un examen et d’une décision conjoint(e), lorsqu’elles peuvent faire l’objet d’un recours unique. »

18 L’article 134, paragraphe 1, de cette loi est libellé comme suit :

« Le juge statue dans les limites des termes du recours, sans être lié par les griefs, les conclusions et la base juridique invoqués dans la requête, sous réserve de l’article 57a. »

19 Aux termes de l’article 170 de ladite loi :

« La décision définitive lie non seulement les parties et la juridiction qui l’a rendue, mais également les autres juridictions et autorités de l’État et, dans les cas prévus par la loi, d’autres personnes également. »

La loi relative à l’organisation des juridictions administratives

20 Aux termes de l’article 1er de l’ustawa Prawo o ustroju sądów administracyjnych (loi relative à l’organisation des juridictions administratives), du 25 juillet 2002 (Dz. U. de 2022, position 2492), dans sa version applicable au litige au principal :

« 1.   Les juridictions administratives exercent la justice en contrôlant l’activité de l’administration publique [...]

2.   Le contrôle visé au paragraphe 1 est un contrôle de légalité, sauf disposition contraire de la loi. »

La loi portant code civil

21 L’ustawa Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964, dans sa version applicable au litige au principal (Dz. U. de 2022, position 1360), dispose à son article 417, paragraphe 1 :

« Le Trésor public, une collectivité territoriale ou une autre personne morale exerçant la puissance publique en vertu de la loi est responsable du préjudice causé par un acte ou une omission illicite dans l’exercice de la puissance publique. »

22 L’article 4171, paragraphe 2, de cette loi prévoit :

« La réparation d’un dommage causé par un jugement ou une décision définitifs peut être demandée, après constat de leur illégalité selon la procédure appropriée, sous réserve de dispositions contraires. [...] »

La loi FGB

23 L’ustawa o Bankowym Funduszu Gwarancyjnym, systemie gwarantowania depozytów oraz przymusowej restrukturyzacji (loi sur le fonds de garantie bancaire, le système de garantie des dépôts et la résolution), du 10 juin 2016, dans sa version applicable au litige au principal (Dz. U. de 2022, position 793, ci‑après la « loi FGB »), définit à son article 5 les missions du FGB. Les paragraphes 1 à 6 de cet article sont libellés comme suit :

« 1.   Relèvent des missions du [FGB] :

1) l’exécution des obligations liées à la garantie des dépôts, en particulier le versement des fonds garantis aux déposants ;

[...]

4) la conduite de la procédure de résolution ;

[...]

7) d’autres actions en faveur de la stabilité du système financier national.

[...]

3.   Le [FGB] collabore avec d’autres entités œuvrant à la stabilité du système financier national [...]

[...]

6.   Sur proposition du [FGB], la Komisja Nadzoru Finansowego [(Commission de surveillance financière, Pologne)] nomme le [FGB] en tant que curateur, tel que visé à l’article 144, paragraphe 1, de l’ustawa prawo bankowe [(loi sur le droit bancaire), du 29 août 1997 (Dz. U. de 1997, no 140, position 939)] [...] »

24 Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la loi FGB, les organes du FGB sont le conseil et le conseil d’administration.

25 L’article 7, paragraphe 4, de cette loi prévoit que le conseil du FGB est composé de six membres, à savoir trois représentants du ministre chargé des institutions financières, deux représentants de la Banque nationale de Pologne et un représentant de la Commission de surveillance financière.

26 Conformément à l’article 11 de ladite loi, le conseil d’administration du FGB assume, entre autres, la direction des activités du FGB, la gestion des ressources de celui-ci sous réserve des pouvoirs du conseil du FGB, la présentation à ce dernier de rapports périodiques et l’adoption des décisions en matière d’ouverture d’une procédure de résolution. Aux termes du paragraphe 8 de cet article, ces décisions sont définitives et immédiatement exécutoires.

27 L’article 66 de la même loi énumère comme suit les objectifs de la résolution :

« 1) maintenir la stabilité financière, en particulier en préservant la confiance vis‑àvis du secteur financier et en assurant la discipline de marché ;

2) limiter l’engagement de fonds publics ou la probabilité de l’engagement des fonds publics à l’égard du secteur financier ou de ses différentes entités pour atteindre les objectifs visés au point 1 ainsi qu’aux points 3 à 5 ;

3) assurer la poursuite des fonctions critiques par une entité ;

4) protéger les déposants et les investisseurs couverts par le système d’indemnisation ;

5) protéger les fonds confiés par les clients à une entité. »

28 Aux termes de l’article 101 de la loi FGB :

« 1.   La Commission de surveillance financière informe immédiatement le [FGB] :

1) du risque de défaillance d’une entité ;

2) de l’absence d’éléments indiquant que les éventuelles mesures de surveillance ou les mesures prises par l’entité concernée permettront d’écarter à temps ce risque [...]

[...]

7.   Lorsque l’ensemble des conditions suivantes sont réunies :

1) risque de défaillance de l’entité nationale,

2) absence de motifs raisonnables indiquant que les mesures de l’entité nationale ou du système de protection institutionnelle ou les mesures de surveillance, y compris les mesures d’intervention précoce, permettront d’écarter à temps le risque de défaillance,

3) nécessité des mesures à l’égard de l’entité nationale dans l’intérêt général,

le [FGB] décide d’ouvrir une procédure de résolution à l’égard de l’entité nationale ou de procéder à la dépréciation ou à la conversion des instruments de fonds propres ou des engagements éligibles, tel que visé à l’article 70, paragraphe 1, point 1.

[...]

10.   Les mesures de résolution sont prises dans l’intérêt général lorsqu’elles sont nécessaires pour atteindre au moins un des objectifs de la résolution visés à l’article 66, qu’elles sont proportionnées à ces objectifs et que ceux-ci n’auraient pas pu être atteints dans la même mesure dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité.

11.   Préalablement à l’adoption de la décision visée au paragraphe 7, le [FGB] consulte la Commission de surveillance financière sur le respect des conditions visées au paragraphe 7, points 1 et 2. [...]

[...]

14.   L’entité nationale ou les entités visées à l’article 64, point 2, sous a), c) ou d), sont mises en liquidation selon les modalités fixées dans des dispositions distinctes lorsque les conditions énoncées au paragraphe 7, points 1 et 2, sont réunies, mais que la condition figurant au paragraphe 7, point 3, n’est pas remplie. »

29 L’article 103, paragraphes 1, 3 et 5, de cette loi dispose :

« 1.   Le [FGB] notifie à l’entité [concernée] la décision visée à l’article 101, paragraphes 7 à 9, et à l’article 102, paragraphes 1 à 4.

[...]

3.   Le [FGB] motive la décision visée à l’article 101, paragraphes 7 à 9, et à l’article 102, paragraphes 1 et 4, dans les quatorze jours suivant la date de sa notification à l’entité faisant l’objet d’une procédure de résolution.

[...]

5.   Le conseil de surveillance de l’entité faisant l’objet d’une procédure de résolution peut saisir le juge administratif d’un recours contre la décision dans les sept jours suivant la date de notification des motifs de la décision à l’entité concernée. Toute personne dont l’intérêt juridique a été lésé par la décision a également qualité pour saisir le juge administratif. »

30 L’article 104, paragraphes 2 à 4, de ladite loi prévoit :

« 2.   Le juge administratif statue sur le recours dans un délai de trente jours à compter de sa réception, accompagné du dossier de l’affaire et du mémoire en défense.

3.   Le Naczelny Sąd Administracyjny [(Cour suprême administrative, Pologne)] statue sur le pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la date de sa réception.

4.   Les délais énoncés aux paragraphes 2 et 3 ne tiennent pas compte des délais prévus par la loi pour certains actes, des périodes de suspension de la procédure ni des retards imputables à la partie ou pour des raisons indépendantes de la volonté du juge. »

31 L’article 105, paragraphes 2 à 5, de la même loi dispose :

« 2.   Dans les cas prévus à l’article 145 [de la loi relative à la procédure devant les juridictions administratives], le juge constate le caractère irrégulier de la prise de décision en faisant droit au recours dont elle fait l’objet.

3.   Le jugement administratif définitif constatant le caractère irrégulier de la prise de décision par le [FGB] n’a pas d’incidence sur la validité des actes juridiques fondés sur cette décision et n’empêche pas le [FGB] de s’en prévaloir dans son action lorsque la cessation de celle‑ci présente un risque pour la valeur commerciale de l’entité, la continuité de l’exécution des obligations que la résolution cherche à protéger, la stabilité financière ou les droits des tiers acquis de bonne foi,
en particulier ceux qui ont acquis des droits patrimoniaux ou ont repris les engagements à la suite de la décision du [FGB] concernant l’application d’instruments de résolution.

4.   Le caractère irrégulier de la prise de décision par le [FGB] engage sa responsabilité à hauteur des pertes encourues.

5.   L’indemnisation est limitée à une prestation en espèces. »

32 Aux termes de l’article 242, paragraphe 1, de la loi FGB :

« Les créanciers et les propriétaires qui ont reçu dans le cadre de la résolution un montant moins important que celui qu’ils auraient obtenu dans le cadre de la procédure visée à l’article 241, paragraphe 1 :

[...]

2) faute de transfert de leurs engagements envers l’entité faisant l’objet d’une procédure de résolution, à la suite de l’utilisation de l’instrument de transfert d’entreprise ou de celui de l’établissement-relais,

peuvent faire valoir un droit à une compensation complémentaire auprès du [FGB]. »

La loi relative à la surveillance du marché financier

33 L’ustawa o nadzorze nad rynkiem finansowym (loi relative à la surveillance du marché financier), du 21 juillet 2006, dans sa version applicable au litige au principal (Dz. U. de 2022, position 660), prévoit à son article 1er, paragraphe 2, point 1, que la surveillance du marché financier comprend la surveillance bancaire, exercée conformément aux dispositions, notamment, du règlement no 575/2013.

34 Conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 4, de cette loi, la Commission de surveillance financière est compétente en matière de surveillance du marché financier. L’article 3a de ladite loi précise que cette commission est, sauf exception, l’autorité compétente au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 40, du règlement no 575/2013.

La loi bancaire

35 L’article 144, paragraphes 1, 1a, 3 et 4, de la loi sur le droit bancaire, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi bancaire »), dispose :

« 1.   Afin d’améliorer la situation de la banque ou d’assurer la bonne mise en œuvre du plan de redressement, la Commission de surveillance financière, dans le cas visé à l’article 138, paragraphe 3, compte tenu de la survenance des circonstances énoncées à l’article 142, paragraphe 1, peut nommer un curateur de la banque, sous réserve de l’article 5, paragraphe 6, de la [loi FGB].

1a.   Dans le cas visé au paragraphe 1, la Commission de surveillance financière détaille dans la décision l’étendue des missions du curateur.

[...]

3.   Le curateur bénéfice d’un droit d’opposition à l’égard des résolutions et des décisions du conseil d’administration et du conseil de surveillance de la banque. La déclaration d’intention de former opposition, effectuée lors d’une réunion du conseil de surveillance ou du conseil d’administration, suspend l’exécution de la résolution ou de la décision.

4.   Le curateur forme un recours contre une résolution de l’assemblée générale des actionnaires ou une résolution de l’assemblée générale de la banque coopérative, qui porte atteinte aux intérêts de la banque [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

36 En raison du non-respect par GN Bank des exigences de fonds propres prévues par le règlement no 575/2013, la Commission de surveillance financière a, par décision du 22 décembre 2021, nommé auprès de cet établissement financier un « curateur », au sens de l’article 5, paragraphe 6, de la loi FGB, fonction qui correspond à celle d’« administrateur temporaire », au sens de l’article 29 de la directive 2014/59, en vue d’améliorer la situation financière dudit établissement. Cette fonction a été
confiée au FGB. Par cette décision, la Commission de surveillance financière a chargé ce dernier, notamment, d’établir des rapports, d’assurer le suivi des activités de GN Bank et d’exercer tout pouvoir légal relevant de ladite fonction.

37 Le 18 août 2022, la Commission de surveillance financière a informé le FGB du risque de défaillance de GN Bank et de l’absence d’éléments indiquant que les mesures prises permettraient d’écarter ce risque à temps.

38 Dans ce contexte, le FGB, agissant en sa qualité d’autorité de résolution, a adopté le 29 septembre 2022 une décision soumettant GN Bank à une procédure de résolution, nommant un administrateur spécial, procédant à la dépréciation des instruments de fonds propres émis par cet établissement et appliquant l’instrument de résolution de l’établissement-relais (ci-après la « décision en cause au principal »). De ce fait, les actifs de GN Bank indiqués dans cette décision ont été transférés le
3 octobre 2022 à un établissement-relais, les dérogations à ce transfert étant énumérées de manière limitative. Ces dérogations concernaient notamment les droits patrimoniaux découlant d’actes de fait, d’actes juridiques ou de violation des règles relatives aux contrats de crédit et de prêt libellés en devises étrangères ou indexés sur le cours d’une devise étrangère ainsi que les prétentions découlant de ces droits patrimoniaux, y compris celles faisant l’objet de procédures civiles et
administratives, quelle que soit la date à laquelle elles avaient été formulées. GN Bank, l’établissement-relais et l’administrateur spécial étaient les destinataires de ladite décision.

39 Le conseil de surveillance de GN Bank a introduit un recours contre la décision en cause au principal devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi. D’autres personnes physiques et morales ont également introduit des recours contre cette décision, notamment des actionnaires de GN Bank, des détenteurs d’obligations émises par cette dernière, des créanciers ainsi que des personnes ayant conclu avec
celle-ci des contrats de crédit et de prêt libellés en devise étrangère ou indexés sur une telle devise.

40 Les parties requérantes dans ces différents recours demandent à la juridiction de renvoi de constater que la décision en cause au principal est irrégulière, ce qui leur permettrait d’introduire des demandes en indemnisation devant les juridictions de droit commun. Elles soulèvent des moyens tirés de la violation du droit matériel et de règles de procédure ayant une incidence significative sur cette décision. À cet égard, il est notamment allégué que le FGB se trouvait dans une situation de
conflit d’intérêts qui l’empêchait d’exercer les fonctions assignées à l’autorité de résolution, en ce qu’il exerçait à la fois des fonctions de surveillance, de garantie des dépôts bancaires et de résolution. Ce conflit d’intérêts serait aggravé par l’absence des garanties procédurales prévues par la directive 2014/59.

41 Le FGB conteste l’existence d’un conflit d’intérêts. Il soutient, en outre, avoir pris des dispositions organisationnelles et structurelles qui garantissent son indépendance opérationnelle en tant qu’autorité de résolution et évitent tout conflit d’intérêts dans l’exercice des fonctions de résolution et de ses autres fonctions.

42 En premier lieu, la juridiction de renvoi indique que, à la date de la décision de renvoi, plus de sept mille recours avaient été introduits contre la décision en cause au principal, ce qui correspondrait au nombre moyen de recours introduits devant cette juridiction sur une période de plus de deux ans. Elle a ultérieurement informé la Cour que le nombre de recours contre cette décision était désormais supérieur à huit mille.

43 La juridiction de renvoi souligne à cet égard que l’article 111, paragraphe 1, de la loi relative à la procédure devant les juridictions administratives lui fait obligation de joindre tous les recours formés devant elle contre la décision en cause au principal et qu’elle a donc ordonné cette jonction, en vue d’un examen conjoint et d’une décision conjointe, le 26 janvier 2023. Toutefois, elle estime que l’application de cette disposition rend excessivement difficile, voire impossible, le prononcé
d’un jugement dans un délai raisonnable.

44 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si le droit pour toute personne dont l’intérêt juridique a été lésé par la décision en cause au principal de saisir le juge administratif constitue un recours effectif conforme à l’article 85, paragraphes 2 et 3, de la directive 2014/59, lu en combinaison avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et l’article 47 de la Charte. Elle relève que, visant ce dernier article, le considérant 88 de cette directive souligne qu’il s’agit de
garantir aux personnes concernées le « droit à un recours efficace » contre les mesures qui les affectent.

45 À cet égard, et bien qu’il appartienne, en principe, à la loi nationale de déterminer les personnes ayant qualité pour former un recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale et la manière dont la protection de l’intérêt juridique de ces personnes est garantie, la juridiction de renvoi doute que l’octroi auxdites personnes de la faculté de saisir le juge administratif d’un recours individuel contre cette décision soit une condition sine qua non de la protection des droits
tirés du droit de l’Union.

46 En effet, la juridiction de renvoi expose que, conformément à l’article 11, paragraphe 8, ainsi qu’à l’article 105, paragraphes 2 et 3, de la loi FGB, la décision d’ouvrir la procédure de résolution est définitive et immédiatement exécutoire, et que le juge administratif saisi d’un recours contre celle-ci ne peut pas l’annuler, mais est seulement habilité à en constater le caractère irrégulier ou à rejeter ce recours. Ces dispositions mettraient en œuvre l’article 85, paragraphe 4, de la
directive 2014/59.

47 Ledit recours étant dépourvu d’effet suspensif et ne pouvant conduire à l’annulation d’une telle décision, le législateur national aurait conféré aux personnes concernées une action en dommages et intérêts. Ainsi, un jugement définitif qui constaterait le caractère irrégulier de la décision en cause au principal permettrait l’introduction d’une telle action, sans préjuger de son bien-fondé.

48 En ce qui concerne les règles de procédure administrative nationales, la juridiction de renvoi expose que les juridictions administratives exercent la justice en contrôlant l’action de l’administration publique, et ce sous l’angle de sa légalité. Ces juridictions statueraient dans les limites de l’affaire, mais sans être liées par les moyens, les conclusions et la base juridique présentés dans la requête, ce qui impliquerait, en substance, qu’elles procèdent à un contrôle complet de la légalité
de l’acte attaqué. Les moyens soulevés n’auraient donc qu’une valeur indicative et le jugement pourrait tenir compte d’autres irrégularités que celles qui ont été invoquées par le requérant.

49 En outre, conformément à l’article 170 de la loi relative à la procédure devant les juridictions administratives, le jugement administratif définitif serait revêtu d’un effet erga omnes.

50 Par conséquent, d’une part, un éventuel jugement administratif définitif constatant le caractère irrégulier de la décision en cause au principal n’aurait pas, pour les destinataires de cette décision ni pour les autres personnes concernées par celle-ci en raison de leur intérêt juridique, d’effet directement constitutif de leurs droits et obligations. D’autre part, des personnes qui n’ont pas été parties à la procédure administrative ayant donné lieu à ladite décision et qui n’ont pas elles‑mêmes
introduit de recours juridictionnel contre celle-ci, mais dont l’intérêt juridique aurait été lésé par son éventuelle irrégularité, pourraient engager des actions en réparation devant le juge de droit commun en se prévalant de ce jugement.

51 Dans ce cadre, la juridiction de renvoi se demande si le législateur polonais a considéré à juste titre que, pour satisfaire aux exigences découlant de l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59, de l’article 47 de la Charte et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, il était nécessaire de reconnaître la qualité pour agir devant les juridictions administratives à toute personne dont l’intérêt juridique a été lésé par une décision telle que celle en cause au principal.

52 La juridiction de renvoi estime que la réponse à la première question préjudicielle est pertinente au regard de son obligation de déterminer le cercle des parties à la procédure juridictionnelle et quant au traitement des recours dont elle est saisie, dès lors que le recours devant les juridictions de droit commun dont les personnes concernées bénéficient, en vertu du droit polonais, pour faire valoir leurs droits éventuellement violés par la décision en cause au principal, combiné avec les
règles de procédure devant les juridictions administratives, pourrait être considéré comme approprié et suffisant pour garantir une protection effective des droits de ces personnes.

53 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi estime que, si tel n’était pas le cas, eu égard au nombre élevé de recours introduits contre la décision en cause au principal, il conviendrait d’examiner les conséquences de la disposition du droit procédural national qui lui impose de joindre, aux fins de la procédure, l’ensemble de ces recours. Elle se demande si, pour assurer une protection juridictionnelle effective à des personnes autres que l’entité faisant l’objet d’une procédure de résolution,
mais également à cette dernière, elle peut laisser cette disposition inappliquée.

54 L’objectif de ladite disposition serait, en substance, d’éviter qu’une juridiction administrative saisie de plusieurs recours contre un même acte, en les examinant séparément, rende des jugements divergents.

55 La juridiction de renvoi estime que, en l’occurrence, cette exigence procédurale pourrait retarder considérablement le prononcé du jugement mettant fin à l’instance et, ainsi, rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile, en pratique, l’exercice des droits conférés à ces personnes par l’ordre juridique de l’Union, ce qui irait à l’encontre du principe d’effectivité.

56 La juridiction de renvoi considère que, compte tenu des règles procédurales régissant l’examen des recours devant les tribunaux administratifs et des effets d’un jugement définitif rendu à la suite d’un tel recours, la non-application de ladite exigence procédurale contribuerait à la mise en œuvre des droits garantis par le droit de l’Union en permettant de satisfaire à l’exigence d’un contrôle rapide de la légalité de la décision en cause au principal, conformément à l’article 85, paragraphe 3,
de la directive 2014/59. Dans ce cas, la juridiction de renvoi statuerait sur le premier recours, introduit par le conseil de surveillance de GN Bank.

57 En troisième lieu, la juridiction de renvoi est d’avis que le contrôle de la décision en cause au principal nécessite d’examiner si, lors de son adoption, le FGB respectait l’exigence d’indépendance opérationnelle et d’absence de tout conflit d’intérêts entre les différentes fonctions de l’autorité de résolution nationale, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59, au regard, en particulier, du cumul, par cette autorité, des fonctions de résolution avec celles d’administrateur
temporaire de GN Bank, qu’elle avait précédemment exercées, et de garantie des dépôts bancaires.

58 À cet égard, la juridiction de renvoi estime que, même si la fonction de surveillance, au sens strict, est exercée par la Commission de surveillance financière, il demeure qu’un administrateur temporaire est nommé par cette autorité de surveillance et qu’il exécute les missions que cette dernière lui a confiées. Pour ces raisons, il ne pourrait pas être a priori exclu que l’exercice des fonctions d’administrateur temporaire par le FGB exigeait l’adoption de dispositions appropriées pour assurer
son indépendance opérationnelle en tant qu’autorité de résolution nationale et éviter tout conflit d’intérêts.

59 En outre, selon la juridiction de renvoi, le cumul, par le FGB, des fonctions de résolution et de garantie des dépôts engendre le risque, en l’absence de séparation structurelle et d’indépendance organisationnelle de ces deux fonctions, que les mesures adoptées par cette autorité à l’égard d’une banque dont la situation présente un risque de défaillance visent à réduire au minimum l’engagement des ressources dont ladite autorité dispose dans le cadre de ses fonctions de garantie des dépôts
bancaires et qui, en cas de défaillance de la banque concernée, devraient être débloquées au titre de cette garantie.

60 Par ailleurs, la juridiction de renvoi se demande si, malgré l’absence, dans la loi FGB, de dispositions qui assurent une séparation structurelle entre la fonction de résolution et les autres fonctions du FGB, il est néanmoins possible de considérer que l’objectif d’indépendance opérationnelle et d’absence de conflit d’intérêts a été atteint si d’autres mesures, qui seraient considérées comme suffisantes, ont été prises à cette fin.

61 Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 85, paragraphes 2 et 3, de la directive [2014/59], lu en combinaison avec l’article 47 de la [Charte] et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, [TUE], doit-il être interprété en ce sens que, en cas de recours, devant le juge administratif national, formé contre une décision de résolution par le conseil de surveillance d’une entité faisant l’objet d’une procédure de résolution, un recours effectif est réputé garanti également aux personnes qui, en attaquant cette décision,
cherchent à protéger leur intérêt juridique, si le juge procédant au contrôle de la décision attaquée n’est pas lié par les griefs, les conclusions ni la base juridique invoqués dans la requête, que le jugement définitif rendu à l’issue de l’examen du recours a un effet erga omnes et que la protection de l’intérêt juridique n’est pas subordonnée à l’obligation de saisir le juge administratif d’un recours à titre individuel contre [une telle décision] ?

2) L’article 85, paragraphe 3, de la directive [2014/59], instaurant l’exigence d’un contrôle juridictionnel rapide, ainsi que l’article 47 de la Charte et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, établissant une protection juridictionnelle effective, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’application d’une disposition procédurale d’un État membre qui impose à une juridiction administrative nationale de joindre tous les recours introduits devant cette juridiction et
dirigés contre la décision de l’autorité de résolution, lorsque l’application de ladite disposition, combinée aux autres exigences de la procédure nationale en matière de contentieux administratif, risque de rendre excessivement difficile, voire totalement impossible, l’adoption d’un jugement dans l’affaire en cause dans un délai raisonnable, compte tenu du nombre important de tels recours ?

3) L’article 3, paragraphe 3, de la directive [2014/59] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise un État membre à ne pas prévoir de séparation structurelle, pour assurer l’indépendance opérationnelle et éviter tout conflit d’intérêts, entre les fonctions assignées à l’autorité de résolution et ses autres fonctions en tant que garante légale des dépôts bancaires ou curateur (administrateur temporaire) d’une banque, nommée par décision de l’autorité nationale compétente en matière de
surveillance aux fins du règlement [no 575/2013] et de la directive [2013/36] ?

4) L’article 3, paragraphe 3, de la directive [2014/59] doit-il être interprété en ce sens que, en cas de manquement d’un État membre à l’obligation de prévoir des dispositions structurelles adéquates pour assurer l’indépendance opérationnelle et éviter tout conflit d’intérêts entre les fonctions de surveillance prévues par le règlement [no 575/2013] et la directive [2013/36], ou les autres fonctions de l’autorité compétente, et les fonctions assignées aux autorités de résolution, la condition
relative à l’indépendance opérationnelle et à la prévention des conflits d’intérêts peut être considérée comme remplie lorsque le juge administratif national, dans le cadre du contrôle de la décision de résolution, considère que les autres solutions organisationnelles et les mesures effectives prises par l’autorité de résolution sont suffisantes à cet effet ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la deuxième question

62 Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une disposition procédurale nationale imposant à la juridiction compétente pour connaître des recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale
d’adopter une mesure de gestion de crise de joindre tous les recours introduits devant elle contre cette décision, lorsque l’application de cette disposition risque de rendre excessivement difficile, voire impossible, de prononcer un jugement dans un délai raisonnable compte tenu du nombre important de recours contre cette décision.

Sur la recevabilité

63 Le gouvernement polonais conteste la recevabilité de la deuxième question.

64 Ce gouvernement considère qu’une réponse à cette question est inutile, dès lors que la juridiction de renvoi a déjà procédé à la jonction des recours introduits contre la décision en cause au principal qui étaient pendants devant elle à la date du 26 janvier 2023, de sorte qu’elle serait désormais dans l’impossibilité de statuer de manière distincte sur le seul recours du conseil de surveillance de GN Bank.

65 À cet égard, il résulte du libellé même de la deuxième question que la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la possibilité de concilier l’obligation imposée par le droit national de joindre les nombreux recours dont elle a été saisie et la nécessité de statuer rapidement, ou à tout le moins dans un délai raisonnable, qui découle des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation. Or, la réponse à cette question conserve une utilité malgré la jonction de la plupart
des recours pendants devant la juridiction de renvoi, puisque cette réponse pourrait l’amener à considérer que leur jonction était invalide, en raison de son incompatibilité avec le droit de l’Union, et dès lors décider de disjoindre ces recours.

66 La deuxième question est dès lors recevable.

Sur le fond

67 L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE oblige les États membres à établir les voies de recours nécessaires pour assurer aux justiciables, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 56 et jurisprudence citée). Cette exigence de protection juridictionnelle effective doit s’entendre, notamment, au sens de l’article 47 de la Charte [voir,
en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C‑791/19, EU:C:2021:596, point 57]. Au demeurant, les considérants 88 et 130 de la directive 2014/59 soulignent que celle-ci respecte les droits, les libertés ainsi que les principes reconnus par la Charte, et en particulier le droit à un recours effectif, les parties concernées ayant droit, notamment, à un recours efficace contre les mesures qui les affectent.

68 Conformément à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, le droit à un recours effectif comporte notamment celui de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable du délai de jugement doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, et notamment de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement des parties, la liste des critères pertinents n’étant pas exhaustive (voir, en ce sens, arrêts du
9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 212, ainsi que du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 181 et 182 ainsi que jurisprudence citée).

69 S’agissant du droit de recours contre des décisions d’adopter des mesures de gestion de crise prises par les autorités de résolution nationales, l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59 concrétise le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, consacré à l’article 47 de la Charte, en exigeant que le contrôle juridictionnel que toute personne affectée par une décision d’adopter une telle mesure est en droit d’obtenir soit « effectué rapidement ».

70 Quant au critère relatif à l’enjeu du litige pour les personnes affectées par les décisions de l’autorité de résolution nationale d’adopter des mesures de gestion de crise, à savoir les établissements ou entités visés, leurs actionnaires, leurs créanciers et tous autres tiers susceptibles d’être concernés par de telles décisions, l’appréciation du caractère raisonnable du délai de jugement dans le cadre du contrôle visé audit article 85, paragraphe 3, est fonction, notamment, de la nécessité de
satisfaire aussi rapidement que possible à l’exigence fondamentale de sécurité juridique à l’égard de l’ensemble de ces personnes, dès lors que ces mesures concernent des décisions extraordinaires, qui ont un caractère dérogatoire et des conséquences considérables, et qui, ainsi que le souligne notamment le considérant 92 de la directive 2014/59, doivent intervenir d’urgence, eu égard à la gravité des risques qu’elles ont pour objectif de contrer.

71 Il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour que des considérations tenant à l’exigence de sécurité juridique, à l’importance des questions et des intérêts financiers en jeu ainsi qu’au grand nombre de personnes potentiellement concernées doivent être prises en considération dans le cadre de l’appréciation du caractère raisonnable du délai dans lequel un contrôle juridictionnel doit être réalisé (voir, par analogie, arrêt du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P,
EU:C:2013:770, point 87 et jurisprudence citée).

72 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59 a été mis en œuvre, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, dans la réglementation nationale applicable par l’obligation faite aux différents intervenants de respecter les brefs délais prévus à l’article 104 de la loi FGB, à savoir des délais limités, en principe, à sept jours pour la communication au FGB d’un recours, à quatorze jours pour le dépôt par ce
dernier de ce recours accompagné de son mémoire en défense, à trente jours pour le prononcé de la décision de la juridiction administrative et à deux mois pour qu’il soit statué sur un éventuel pourvoi en cassation. Il y a donc lieu de considérer que la présente question porte sur l’interprétation de l’article 47 de la Charte.

73 La juridiction de renvoi expose cependant qu’une disposition procédurale nationale d’application générale, à savoir l’article 111, paragraphe 1, de la loi relative à la procédure devant les juridictions administratives, paraît être de nature à empêcher le juge saisi de respecter le droit, pour un justiciable, de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, dès lors que cette disposition impose la jonction des affaires relatives à des recours introduits contre une même décision, aux fins d’un
examen et d’une décision conjoints. Cette juridiction précise que le nombre de recours introduits contre la décision en cause au principal correspond à l’ensemble des recours habituellement introduits devant elle en deux ans et que leur traitement conjoint est de nature à retarder le prononcé d’un jugement au-delà du délai raisonnable.

74 Or, nonobstant le fait que la jonction d’affaires connexes puisse généralement contribuer à une bonne administration de la justice, il en va différemment s’agissant de recours introduits contre des décisions d’adopter une mesure de gestion de crise, qui sont susceptibles d’affecter un nombre considérable de personnes et, donc, de susciter de nombreux recours. En effet, dans un tel cas, une telle jonction est de nature à faire obstacle à l’intervention d’un quelconque contrôle juridictionnel avant
plusieurs années, ce qui est contraire au droit de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, consacré à l’article 47 de la Charte.

75 Dans ces conditions, il y a lieu de rappeler que, d’une part, conformément au principe d’interprétation conforme du droit national, en vue d’assurer, dans le cadre de leur compétence, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies, les juridictions nationales sont tenues, en appliquant le droit interne, de l’interpréter dans toute la mesure possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé
par celle‑ci et, partant, se conformer à l’article 288, troisième alinéa, TFUE. Si cette obligation trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment ceux de sécurité juridique et de non‑rétroactivité, et ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national, il incombe néanmoins à ces juridictions de faire tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes
d’interprétation reconnues par celui‑ci, afin de garantir la pleine effectivité de cette directive et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle‑ci [voir, en ce sens, arrêt du 11 février 2021, M.V. e.a. (Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur public), C‑760/18, EU:C:2021:113, points 65, 67 et 68 ainsi que jurisprudence citée].

76 D’autre part, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, la juridiction nationale chargée d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions de ce droit a, en tant qu’organe d’un État membre, l’obligation d’assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition du droit national contraire à une
disposition de droit de l’Union qui est d’effet direct dans le litige dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 58 et 61 ainsi que jurisprudence citée).

77 En l’occurrence, les dispositions de l’article 47 de la Charte doivent être considérées comme étant dotées d’un effet direct (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Braathens Regional Aviation, C‑30/19, EU:C:2021:269, point 57 et jurisprudence citée).

78 Partant, il incombe notamment à la juridiction de renvoi, si nécessaire, de laisser inappliquées les dispositions du droit procédural national qui lui interdiraient de disjoindre les recours en cause au principal dès lors que ces dispositions ne seraient pas susceptibles d’être interprétées de manière à respecter le droit de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, consacré à l’article 47 de la Charte.

79 En outre, lors de l’audience devant la Cour, le gouvernement polonais a indiqué que, s’agissant d’affaires telles que celles en cause au principal, le droit polonais permet de disjoindre ces affaires lorsque la jonction est invalide. Toutefois, selon ce gouvernement, en cas de disjonction, lesdites affaires seraient traitées simultanément par des juges différents, ce qui entrainerait le risque de jugements inconciliables, aucune modalité procédurale ne permettant à la fois d’obvier à ce risque et
d’assurer le respect du droit à ce que la cause de toute personne soit entendue dans un délai raisonnable, consacré à l’article 47 de la Charte.

80 À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence de protection juridictionnelle effective consacrée à l’article 47 de la Charte s’applique, entre autres, à la définition des modalités procédurales relatives aux actions en justice fondées sur les droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C‑600/19, EU:C:2022:394, point 45 et jurisprudence citée).

81 En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre du droit à un recours effectif des personnes affectées par une décision d’une autorité nationale d’adopter une mesure de gestion de crise relèvent de l’ordre juridique interne des États membres, en vertu du principe d’autonomie procédurale, dans le respect, toutefois, des principes d’équivalence et d’effectivité (voir, par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 21 ainsi que
jurisprudence citée).

82 Afin de satisfaire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47, paragraphe 1, de la Charte, il incombe au juge national de prendre les mesures procédurales et organisationnelles nécessaires, en mettant en balance les différents intérêts en présence et en évaluant l’incidence de ces mesures sur toute personne ayant valablement introduit un recours contre la décision de l’autorité nationale de résolution, conformément à l’article 85, paragraphe 3, de
la directive 2014/59. Ainsi, en vue de garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir quant à l’existence des droits invoqués sur le fondement du droit de l’Union, le juge national doit avoir la possibilité, en cas de disjonction, de prendre les mesures nécessaires permettant à la fois d’assurer le respect du droit à ce que la cause de toute personne soit entendue dans un délai raisonnable, consacré à l’article 47 de la Charte, et d’éviter le risque de jugements
inconciliables rendus par des juges différents.

83 En l’occurrence, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si le fait de traiter en premier lieu une ou plusieurs affaires concernant un ou plusieurs recours contre une décision de l’autorité de résolution telle que celle en cause au principal, et la suspension concomitante des autres affaires portant sur la même décision, sont nécessaires afin d’assurer la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir sur l’existence des droits invoqués sur le fondement du droit de
l’Union.

84 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une disposition procédurale nationale imposant à la juridiction compétente pour connaître des recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale d’adopter une mesure de gestion de crise de joindre tous les recours introduits devant elle contre cette décision, lorsque l’application de
cette disposition est contraire au droit de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable.

Sur la première question

Sur la recevabilité

85 Le FGB et le gouvernement polonais contestent la recevabilité de la première question, laquelle concerne la possibilité, pour une juridiction saisie de nombreux recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale d’adopter une mesure de gestion de crise, de ne statuer que sur un seul de ces recours, dès lors qu’elle exerce un contrôle de légalité et que son jugement aura un effet erga omnes.

86 Selon le FGB, la réponse à celle-ci n’est pas nécessaire à la solution du litige au principal. En effet, il s’agirait d’aspects techniques relatifs au déroulement de la procédure juridictionnelle ne requérant pas d’interpréter le droit de l’Union, dès lors que la juridiction de renvoi n’aurait pas émis de doutes quant à la compatibilité avec ce droit des dispositions nationales régissant cette procédure.

87 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, lesquelles bénéficient d’une présomption de pertinence. Partant, dès lors que la question posée porte
sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sauf s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ladite question (arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C‑243/20, EU:C:2021:1045,
point 25 et jurisprudence citée).

88 Or, en l’occurrence, l’interprétation du droit de l’Union sur laquelle porte la présente question est susceptible d’avoir une influence sur le traitement procédural de l’affaire au principal en tant que cette dernière procède de l’ensemble des recours introduits contre la décision en cause au principal autres que celui formé par le conseil de surveillance de GN Bank, sous réserve de la réponse à la deuxième question. En outre, contrairement à ce que soutient le FGB, la juridiction de renvoi
envisage expressément la possibilité que l’obligation d’examiner l’ensemble des recours dont elle a été saisie la contraigne à méconnaître son obligation de statuer rapidement.

89 Le gouvernement polonais considère, quant à lui, qu’une réponse à la première question est inutile pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 64 du présent arrêt.

90 Toutefois, la réponse à cette question conserve une utilité malgré la jonction des différents recours dont la juridiction de renvoi a été saisie, dès lors que cette dernière pourrait être amenée, à la lumière de la réponse à la deuxième question, à considérer que ladite jonction est contraire au droit de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, consacré à l’article 47 de la Charte, ce qui lui permettrait, en premier lieu, de disjoindre les recours et, en second lieu, de procéder à la
vérification mentionnée au point 83 du présent arrêt.

91 La première question est dès lors recevable.

Sur le fond

92 À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’article 85, paragraphe 2, de la directive 2014/59, bien qu’il soit visé par la première question, n’est pas pertinent au regard des circonstances de l’affaire au principal. En effet, cette disposition porte sur le droit d’introduire un recours contre toute décision d’adopter une mesure de prévention de crise ou d’exercer un quelconque pouvoir autre qu’une mesure de gestion de crise au titre de cette directive, alors que la décision en cause au
principal, qui vise essentiellement à soumettre GN Bank à une procédure de résolution, constitue une « mesure de résolution », et, partant, une « mesure de gestion de crise », au sens, respectivement, des points 40 et 102 de l’article 2 de ladite directive.

93 En conséquence, il convient de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un juge national a été saisi de plusieurs recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale d’adopter une mesure de gestion de crise, dont l’un a été introduit par un organe de l’établissement soumis à une
procédure de résolution, l’examen au fond de ce seul recours permet de considérer que le droit à un recours effectif a été assuré à l’égard de toute autre personne ayant également introduit un recours contre cette décision dès lors que ce juge, d’une part, exerce un contrôle de légalité sans être lié par les moyens, les conclusions et la base juridique du recours qu’il examine et, d’autre part, rend un jugement ayant un effet erga omnes, qui pourra être invoqué par toute personne affectée par
ladite décision afin d’obtenir réparation du dommage qui lui aurait été causé par celle-ci.

94 Cela étant, il convient de rappeler que l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59 prévoit que toutes les personnes affectées par une décision d’adopter une mesure de gestion de crise doivent avoir le droit de contester en justice cette décision.

95 Certes, en vertu de l’article 85, paragraphe 4, second alinéa, de cette directive, l’annulation d’une décision d’une autorité de résolution n’affecte pas les actes administratifs adoptés ou les opérations conclues par celle-ci sur la base de la décision annulée lorsqu’il est nécessaire de protéger les intérêts des tiers de bonne foi, les recours portant sur une décision ou une mesure préjudiciable de cette autorité étant limités à la compensation des pertes subies par les personnes affectées du
fait de cette décision ou de cette mesure.

96 Or, conformément au droit polonais, une personne affectée par une mesure de gestion de crise adoptée par le FGB agissant en tant qu’autorité de résolution n’est pas tenue d’avoir contesté elle-même la légalité de cette mesure devant la juridiction administrative nationale pour pouvoir introduire une demande d’indemnisation du préjudice que lui aurait causé cette mesure, cette personne pouvant se prévaloir, à l’appui de cette demande, du constat de l’illégalité de ladite mesure établi par un
jugement de cette juridiction ayant statué sur le recours d’un autre justiciable.

97 Toutefois, en l’occurrence, dans l’hypothèse où le jugement statuant sur le recours introduit par le conseil de surveillance de GN Bank rejetterait ce recours comme étant non fondé, les autres requérants au principal seraient dans l’impossibilité d’introduire une demande d’indemnisation de leur préjudice, en raison de l’effet erga omnes d’un tel jugement. Ces autres requérants seraient alors privés du droit de faire valoir leurs propres moyens à l’appui de leur recours contre la décision en cause
au principal, alors même que ces moyens n’ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire assurant que lesdits requérants aient connaissance et puissent débattre tant des éléments de fait que des éléments de droit qui sont décisifs pour l’issue de la procédure.

98 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, certes, les droits fondamentaux, tel le droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte, ne constituent pas des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition toutefois que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et n’impliquent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait
atteinte au contenu essentiel des droits ainsi garantis (voir, en ce sens arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, point 84 et jurisprudence citée).

99 Or, si un justiciable affecté par une décision de l’autorité de résolution nationale d’adopter une mesure de gestion de crise était privé du droit d’obtenir qu’il soit statué par un jugement motivé sur un recours prévu à l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59 qu’il a valablement introduit, il serait porté atteinte au contenu essentiel de son droit à un recours effectif.

100 Dès lors, en l’occurrence, dans l’hypothèse mentionnée au point 97 du présent arrêt, la juridiction de renvoi ne saurait se prévaloir de l’effet erga omnes d’un jugement statuant sur un recours tel que celui introduit par le conseil de surveillance de GN Bank afin de priver toute autre personne affectée de la possibilité raisonnable de présenter sa cause.

101 Au demeurant, il y a lieu de relever que le fait que le juge administratif national soit autorisé à examiner la légalité d’une décision attaquée devant lui au regard de toute base juridique et de tout moyen, indépendamment des moyens, des conclusions et de la base juridique du recours contre cette décision, n’implique pas que ce juge a nécessairement procédé à un contrôle de cette décision au regard de tout moyen pertinent. Il ne saurait en effet être exclu que l’un des recours qui n’auraient
pas été examinés soit fondé sur des éléments de fait ou de droit non pris en considération dans le cadre de ce contrôle.

102 Il y a dès lors lieu de répondre à la première question que l’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un juge national a été saisi de plusieurs recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale d’adopter une mesure de gestion de crise, dont l’un a été introduit par un organe de l’établissement soumis à une procédure de résolution, le rejet de ce seul recours comme étant non
fondé ne permet pas de considérer que le respect du droit à un recours effectif a été assuré à l’égard de toute autre personne affectée par cette décision et ayant également introduit un recours contre celle-ci en invoquant des moyens qui n’ont pas été pris en compte dans le jugement rendu et qui, en tout état de cause, n’ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire ayant permis cette personne de présenter sa cause.

Sur la troisième question

103 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 doit être interprété en ce sens que cette disposition n’est pas applicable dans une situation où l’autorité de résolution nationale exerce également des fonctions d’administrateur temporaire, au sens de l’article 29 de cette directive, et de garantie des dépôts, au sens de la directive 2014/49, de sorte qu’elle n’impose pas de prendre des dispositions structurelles
pour assurer l’indépendance opérationnelle de cette autorité et éviter tout conflit d’intérêts par rapport à ces fonctions.

Sur la recevabilité

104 Le gouvernement polonais excipe de l’irrecevabilité de la troisième question, qu’il estime hypothétique, au motif, essentiellement, que la juridiction de renvoi ne préciserait pas le lien qui existerait entre l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 et le contrôle de la légalité de la décision en cause au principal.

105 Toutefois, il y a lieu de constater que la réponse à cette question est liée à certains moyens présentés devant la juridiction de renvoi par des parties requérantes au principal, dont il est fait état dans la demande de décision préjudicielle, relatifs, en substance, à l’incidence alléguée d’une supposée absence d’indépendance du FGB agissant en qualité d’autorité de résolution sur la régularité de la décision en cause au principal.

106 Ladite question est dès lors recevable.

Sur le fond

107 L’article 3 de la directive 2014/59 pose, à son paragraphe 2, le principe selon lequel les fonctions de résolution doivent être exercées par des autorités administratives publiques ou des autorités investies de compétences administratives publiques. Il résulte par ailleurs du paragraphe 3 de cet article que ces autorités peuvent exercer d’autres fonctions, l’autorité de résolution pouvant même être l’autorité compétente en matière de surveillance aux fins du règlement no 575/2013 et de la
directive 2013/36. Néanmoins, en cas d’exercice de plusieurs fonctions, ce paragraphe 3 prévoit que des dispositions structurelles adéquates doivent être prises pour assurer l’indépendance opérationnelle et éviter tout conflit d’intérêts.

108 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 34 et 36 de ses conclusions, dans un tel contexte, les exigences relatives à l’indépendance opérationnelle et à la prévention des conflits d’intérêts énoncées à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 concernent le risque, lié à l’exercice de plusieurs fonctions par une même entité, que la prise de décisions de celle-ci, agissant en tant qu’autorité de résolution, soit faussée et visent à protéger cette prise de
décisions contre toute influence interne étrangère à la mission de résolution, de telle sorte que, dans l’accomplissement de cette mission, cette entité poursuive exclusivement les objectifs afférents au mécanisme de résolution.

109 À cet égard, il résulte de l’emploi de termes très larges audit paragraphe 3, lequel vise « les fonctions de surveillance [...] ou les autres fonctions de l’autorité concernée » ou encore « les fonctions de surveillance ou autres » de cette autorité, ainsi que du fait que sont notamment visées à ce paragraphe, en des termes généraux, les « autorités investies de compétences administratives publiques » que le législateur de l’Union a voulu imposer ces exigences à l’égard de toutes autres
fonctions exercées par l’autorité de résolution dès que la nature de celles-ci engendre un tel risque objectif.

110 Or, tel est certainement le cas des fonctions d’administrateur temporaire, au sens de l’article 29 de la directive 2014/59, ou de garantie des dépôts, au sens de la directive 2014/49.

111 En effet, il résulte, entre autres, de l’article 29 de la directive 2014/59, lu à la lumière du considérant 40 de cette directive, ainsi que de l’article 109 de celle-ci que ces fonctions ont des liens avec le mécanisme de résolution, dès lors que, d’une part, la désignation d’un administrateur temporaire a lieu dans le cadre de l’adoption de mesures d’intervention précoce visant à éviter l’ouverture d’une procédure de résolution, mais pouvant être suivie de l’ouverture d’une telle procédure,
et, d’autre part, un système de garantie des dépôts est susceptible d’être utilisé dans le cadre de la résolution et, le cas échéant, de disposer d’une créance à l’égard du dispositif de financement pour la résolution. Partant, il ne saurait être exclu que l’exercice de l’une de ces fonctions par l’autorité de résolution ait une influence sur la prise de décisions dans le cadre des fonctions de résolution.

112 Par ailleurs, il est sans pertinence que toutes ces fonctions poursuivent, par des moyens différents, le même objectif, à savoir, en substance, préserver la stabilité financière. En effet, tel est également le cas des fonctions de surveillance prévues par le règlement no 575/2013 et la directive 2013/36, lesquelles sont expressément visées à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 en tant que fonctions par rapport auxquelles l’indépendance opérationnelle de l’autorité de résolution et
la prévention des conflits d’intérêts doivent être assurées.

113 Enfin, dès lors que, comme M. l’avocat général l’a souligné, en substance, au point 47 de ses conclusions, les exigences d’indépendance et de prévention des conflits d’intérêts sont les mêmes à l’égard des fonctions de surveillance et à l’égard des autres fonctions exercées par l’autorité de résolution, il n’est pas nécessaire de s’interroger sur la nature, de surveillance ou autre, des fonctions d’administrateur temporaire.

114 Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 doit être interprété en ce sens que cette disposition est applicable dans une situation où l’autorité de résolution nationale exerce également des fonctions d’administrateur temporaire, au sens de l’article 29 de cette directive, ou des fonctions de garantie des dépôts, au sens de la directive 2014/49, de sorte qu’elle impose de prendre des dispositions structurelles pour assurer l’indépendance
opérationnelle de cette autorité et éviter tout conflit d’intérêts par rapport à ces fonctions.

Sur la quatrième question

Sur la recevabilité

115 Le gouvernement polonais conteste la recevabilité de la quatrième question en faisant valoir la même argumentation que celle exposée au point 104 du présent arrêt, laquelle a déjà été écartée pour les motifs énoncés au point 105 de cet arrêt, auquel il suffit dès lors de renvoyer.

116 Le conseil de surveillance de GN Bank soutient que la juridiction de renvoi interroge la Cour non pas sur l’interprétation du droit de l’Union, mais sur l’appréciation des faits au principal. Cette question serait, en outre, hypothétique, car elle envisagerait que l’incompatibilité de la réglementation nationale avec la directive 2014/59 soit palliée par des mesures qui ne sont pas précisées.

117 À cet égard, il y a lieu de constater que la recevabilité de ladite question ne saurait être subordonnée à l’indication, par la juridiction de renvoi, de mesures concrètes que le FGB aurait prises en vue d’assurer son indépendance opérationnelle et de prévenir l’existence de conflits d’intérêts dans le cadre de son fonctionnement en tant qu’autorité de résolution dans l’hypothèse où il serait possible de pallier l’absence d’encadrement réglementaire par de telles mesures, dès lors que la
juridiction de renvoi cherche précisément à vérifier si une telle possibilité est, dans son principe, conforme au droit de l’Union.

118 Il convient par ailleurs de rappeler que les juridictions nationales sont libres d’interroger la Cour à tout moment de la procédure qu’elles jugent approprié, dès lors qu’elles expliquent, à tout le moins, les hypothèses factuelles sur lesquelles sont fondées les questions préjudicielles [voir, en ce sens, ordonnance du 25 mars 2022, IP e.a. (Établissement de la matérialité des faits au principal), C-609/21, EU:C:2022:232, point 21 ainsi que jurisprudence citée].

119 En outre, il résulte des considérations énoncées au point 117 du présent arrêt que la juridiction de renvoi ne demande pas à la Cour de procéder à des appréciations de nature factuelle.

120 La présente question est dès lors recevable.

Sur le fond

121 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité de résolution nationale exerce également des « fonctions de surveillance » ou d’« autres fonctions », au sens de cette disposition, et en l’absence de règles internes écrites visant à assurer l’indépendance opérationnelle de cette autorité ainsi que la prévention des conflit d’intérêts entre ses fonctions de
résolution et ses autres fonctions, le respect de ces exigences peut néanmoins résulter de l’instauration de mesures, organisationnelles et autres, suffisantes à cet effet.

122 Il convient de relever, à titre liminaire, que, d’une part, il ressort des termes de l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de la directive 2014/59 que les règles internes ad hoc nécessaires aux fins de cette disposition peuvent être édictées non seulement par l’État membre lui-même, mais également par l’autorité de résolution nationale. D’autre part, ladite disposition impose également que de telles règles soient publiées.

123 Cela étant, l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 n’impose ni la forme que ces règles devraient revêtir en droit interne ni des modalités particulières pour leur publication.

124 En conséquence, des mesures organisationnelles et d’autres mesures adéquates peuvent correspondre à la notion de « règles internes », au sens de cette disposition, pour autant qu’elles fassent l’objet d’une description suffisamment précise. Par ailleurs, la publication de ces règles internes peut être assurée par tout moyen utile, dès lors qu’il permet à l’ensemble des personnes intéressées d’en prendre connaissance à tout moment.

125 En outre, eu égard aux indications figurant dans la demande de décision préjudicielle, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse qui soit utile à la solution du litige dont elle est saisie, il convient d’apporter les précisions suivantes.

126 Premièrement, s’agissant du contenu des dispositions structurelles adéquates visées à l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2014/59, le deuxième alinéa de ce paragraphe dispose que le personnel chargé des missions confiées à l’autorité de résolution doit relever d’une structure organisationnelle distincte et de lignes hiérarchiques séparées de celles dont relève le personnel assumant les autres fonctions exercées par cette autorité.

127 De telles exigences, qui concernent expressément le personnel, n’imposent pas que l’autorité administrative à laquelle a été confiée la fonction de résolution en plus d’autres fonctions dispose d’un organe décisionnel distinct lorsqu’elle agit en tant qu’autorité de résolution. En effet, une telle obligation priverait d’utilité la faculté laissée aux États membres de désigner en tant qu’autorité de résolution une autorité administrative existante, dès lors qu’elle reviendrait, en pratique, à
imposer un dédoublement d’une telle autorité.

128 Il y a d’ailleurs lieu de constater, à l’instar de M. l’avocat général, au point 49 de ses conclusions, que, dans un contexte analogue, le règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63), prévoit, à son article 25, paragraphe 4, que tant les décisions relatives aux fonctions de surveillance confiées à
cette institution que celles relatives à ses missions de politique monétaire relèvent de la compétence du conseil des gouverneurs.

129 De même, ces exigences n’empêchent pas qu’une autorité administrative qui exerce des fonctions de résolution en plus d’autres fonctions soit organisée de telle manière que certains départements internes, tels le département juridique, le département des ressources humaines ou des départements techniques, fournissent des services d’appui à la fois au personnel affecté aux fonctions de résolution et à celui affecté à d’autres fonctions, sans préjudice de règles en matière de secret professionnel,
telles que visées à l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de la directive 2014/59, lorsque de telles règles s’avèrent nécessaires pour assurer le respect de la confidentialité d’informations.

130 Deuxièmement, s’agissant des conséquences d’un éventuel défaut de publication des règles internes prévues à cette disposition, il y a lieu de considérer, d’une part, qu’il s’agit de règles de fonctionnement, qui, en tant que telles, n’ont pas pour effet de conférer des droits à des particuliers, lesquels sont étrangers à la procédure décisionnelle au sein de l’autorité de résolution. D’autre part, la publication de ces règles a essentiellement une fonction de transparence, visant à informer
l’ensemble des personnes potentiellement concernées de leur existence et de leur contenu, cette publication n’ayant pas d’incidence, notamment, sur l’applicabilité desdites règles.

131 Il se déduit de ces considérations que l’absence de publication des règles internes visées à l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de la directive 2014/59 n’entraîne pas automatiquement l’invalidité des décisions prises par l’autorité de résolution. Toutefois, si l’absence de publication de ces règles est constatée lors de l’examen d’un recours contre une décision de l’autorité de résolution, il incombe à celle-ci d’établir que, en dépit de ce manquement, lesdites règles ont été
respectées, de sorte que cette décision a été prise exclusivement en vue d’atteindre un ou plusieurs objectifs de la résolution visés à l’article 31 de la directive 2014/59, conformément à l’article 32, paragraphe 5, de celle-ci.

132 Il y a dès lors lieu de répondre à la quatrième question que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59 doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité de résolution nationale exerce également des « fonctions de surveillance » ou d’« autres fonctions », au sens de cette disposition, et en l’absence de règles internes écrites visant à assurer l’indépendance opérationnelle de cette autorité ainsi que la prévention des conflits d’intérêts entre ses fonctions de résolution et ses
autres fonctions, le respect de ces exigences peut néanmoins résulter de l’instauration de mesures, organisationnelles et autres, suffisantes à cet effet. Ladite disposition n’implique cependant ni que les décisions relatives aux fonctions de résolution et celles relatives aux autres fonctions de ladite autorité soient adoptées par des organes décisionnels différents, ni que des départements internes de la même autorité soient empêchés de fournir des services d’appui à la fois au personnel
affecté aux fonctions de résolution et à celui affecté à d’autres fonctions, sans préjudice de règles en matière de secret professionnel. Lorsque des règles internes écrites prévues à la même disposition existent, l’absence de publication de celles-ci n’entraîne pas automatiquement l’invalidité des décisions prises par l’autorité de résolution, mais implique, le cas échéant, en cas de recours contre une décision de cette autorité, qu’il incombe à celle-ci d’établir que ces règles ont été
respectées, de sorte que cette décision a été adoptée exclusivement en vue d’atteindre un ou plusieurs objectifs de la résolution.

Sur les dépens

133 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à l’application d’une disposition procédurale nationale imposant à la juridiction compétente pour connaître des recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale d’adopter une mesure de gestion de crise de joindre tous les recours introduits devant elle contre cette décision, lorsque l’application de cette disposition est contraire au droit de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable.

  2) L’article 85, paragraphe 3, de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE)
no 1093/2010 et (UE) no 648/2012, telle que modifiée par la directive (UE) 2019/879 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doit être interprété en ce sens que :

lorsqu’un juge national a été saisi de plusieurs recours contre une décision de l’autorité de résolution nationale d’adopter une mesure de gestion de crise, dont l’un a été introduit par un organe de l’établissement soumis à une procédure de résolution, le rejet de ce seul recours comme étant non fondé ne permet pas de considérer que le respect du droit à un recours effectif a été assuré à l’égard de toute autre personne affectée par cette décision et ayant également introduit un recours contre
celle-ci en invoquant des moyens qui n’ont pas été pris en compte dans le jugement rendu et qui, en tout état de cause, n’ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire ayant permis à cette personne de présenter sa cause.

  3) L’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59, telle que modifiée par la directive 2019/879,

doit être interprété en ce sens que :

cette disposition est applicable dans une situation où l’autorité de résolution nationale exerce également des fonctions d’administrateur temporaire, au sens de l’article 29 de cette directive, telle que modifiée, ou des fonctions de garantie des dépôts, au sens de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts, de sorte qu’elle impose de prendre des dispositions structurelles pour assurer l’indépendance opérationnelle
de cette autorité et éviter tout conflit d’intérêts par rapport à ces fonctions.

  4) L’article 3, paragraphe 3, de la directive 2014/59, telle que modifiée par la directive 2019/879,

doit être interprété en ce sens que :

lorsque l’autorité de résolution nationale exerce également des « fonctions de surveillance » ou d’« autres fonctions », au sens de cette disposition, et en l’absence de règles internes écrites visant à assurer l’indépendance opérationnelle de cette autorité ainsi que la prévention des conflits d’intérêts entre ses fonctions de résolution et ses autres fonctions, le respect de ces exigences peut néanmoins résulter de l’instauration de mesures, organisationnelles et autres, suffisantes à cet
effet. Ladite disposition n’implique cependant ni que les décisions relatives aux fonctions de résolution et celles relatives aux autres fonctions de ladite autorité soient adoptées par des organes décisionnels différents, ni que des départements internes de la même autorité soient empêchés de fournir des services d’appui à la fois au personnel affecté aux fonctions de résolution et à celui affecté à d’autres fonctions, sans préjudice de règles en matière de secret professionnel. Lorsque des
règles internes écrites prévues à la même disposition existent, l’absence de publication de celles-ci n’entraîne pas automatiquement l’invalidité des décisions prises par l’autorité de résolution, mais implique le cas échéant, en cas de recours contre une décision de cette autorité, qu’il incombe à celle-ci d’établir que ces règles ont été respectées, de sorte que cette décision a été adoptée exclusivement en vue d’atteindre un ou plusieurs objectifs de la résolution.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-118/23
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie.

Renvoi préjudiciel – Redressement et résolution des établissements de crédit – Directive 2014/59/UE – Décision d’adopter une mesure de gestion de crise à l’égard d’un établissement de crédit – Article 85, paragraphe 3 – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif de toutes les personnes affectées par cette décision – Respect du délai raisonnable – Exigence de rapidité du contrôle juridictionnel – Disposition de droit national imposant la jonction de l’ensemble des recours – Article 3, paragraphe 3 – Cumul de fonctions par l’autorité de résolution – Garantie d’indépendance opérationnelle.

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Rada Nadzorcza Getin Noble Bank S.A. e.a.
Défendeurs : Bankowy Fundusz Gwarancyjny.

Composition du Tribunal
Avocat général : Richard de la Tour
Rapporteur ?: Spineanu-Matei

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:1013

Source

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